Language of document : ECLI:EU:C:2021:621

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 15 juillet 2021 (1)

Affaire C788/19

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

« Manquement d’État – Déclaration d’actifs détenus dans d’autres États membres de l’Union et de l’espace économique européen (EEE) – Omission – Sanctions disproportionnées – Formulaire 720 – Articles 63 et 65 TFUE – Article 40 de l’accord EEE – Proportionnalité – Délai de prescription – Directive 2011/16/UE – Directive 2014/107/UE – Assistance mutuelle – Échange automatique »






I.      Introduction

1.        Le présent recours en manquement concerne une réglementation en matière fiscale mise en place en 2012 par le Royaume d’Espagne ayant pour finalité de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales en ce qui concerne des avoirs situés en dehors du territoire espagnol. Cette réglementation comprend, d’une part, une obligation pour les résidents fiscaux en Espagne de déclarer certains de leurs biens et droits situés à l’étranger (obligation à laquelle il est satisfait en Espagne au moyen du « formulaire 720 ») et, d’autre part, une série de conséquences liées au non‑respect de cette obligation. Ces conséquences comportent, premièrement, la qualification des avoirs en tant que gains patrimoniaux non justifiés et leur intégration dans la base d’imposition générale indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés, deuxièmement, l’imposition d’une amende proportionnelle de 150 % et, troisièmement, l’imposition d’amendes forfaitaires.

2.        La Commission européenne estime que ces trois conséquences et leurs modalités d’application constituent des restrictions disproportionnées qui portent atteinte à plusieurs libertés de circulation prévues par le TFUE et l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en particulier à la libre circulation des capitaux (article 63 TFUE et article 40 de l’accord EEE). Selon la Commission, le caractère disproportionné tient notamment à ce que les trois conséquences sanctionnent l’inexécution de l’obligation d’information par le contribuable d’une manière très sévère sans prendre en compte le fait que l’administration fiscale espagnole disposerait déjà des informations concernées, ou pourrait en disposer, en vertu du régime d’échange d’informations dans le domaine fiscal prévu par la directive 2011/16/UE (2), telle que modifiée par la directive 2014/107/UE (3) (ci‑après la « directive 2011/16 »). Elle demande donc à la Cour, par le présent recours en manquement, de constater que le Royaume d’Espagne, en prévoyant ces trois conséquences, a manqué aux obligations qui lui incombent, notamment, en vertu de l’article 63 TFUE et de l’article 40 de l’accord EEE.

3.        À l’issue de mon exposé, je proposerai à la Cour d’accueillir partiellement le recours.

II.    Le droit espagnol

4.        La loi centrale en cause est la Ley 7/2012 de Modificación de la Normativa Tributaria y Presupuestaria y de Adecuación de la Normativa Financiera para la Intensificación de las Actuaciones en la Prevención y Lucha contra el Fraude (loi nº 7/2012 relative à la modification des règles fiscales et budgétaires et à l’adéquation des règles financières pour le renforcement de l’action en matière de prévention et de lutte contre la fraude), du 29 octobre 2012 (BOE no 261, du 30 octobre 2012) (ci-après la « loi no 7/2012 »). Cette loi a introduit le régime du formulaire 720, notamment, en modifiant plusieurs lois dans le domaine de la fiscalité. Plus particulièrement, les différents éléments du régime du formulaire 720 sont prévus dans les lois citées dans les sections qui suivent : l’obligation d’information en tant que telle [section 1)] et, s’agissant des trois conséquences litigieuses mentionnées dans l’introduction des présentes conclusions, premièrement, la qualification des avoirs en tant que gains patrimoniaux non justifiés et leur intégration dans la base d’imposition générale indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés (sections 2 et 3) (4), deuxièmement, l’imposition d’une amende proportionnelle de 150 % (section 4) (5) et, troisièmement, l’imposition d’amendes forfaitaires (section 1) (6).

A.      La Ley 58/2003 General Tributaria (loi nº 58/2003 portant loi fiscale générale), du 17 décembre 2003, telle que modifiée par la loi nº 7/2012 (ci-après la « LFG »)

5.        La dix-huitième disposition additionnelle, intitulée « Obligation de fournir des informations concernant les biens et droits situés à l’étranger », de la LFG prévoit :

« 1.      Conformément aux articles 29 et 93 de la présente loi, les assujettis sont tenus de fournir aux autorités fiscales, dans les conditions arrêtées par voie réglementaire, les informations suivantes :

a)      Les informations relatives aux comptes situés à l’étranger, ouverts auprès des établissements qui exercent des activités bancaires ou de crédit, et dont les intéressés sont titulaires ou bénéficiaires, ou pour lesquels ils possèdent, sous quelque forme que ce soit, une autorisation ou un droit de disposition.

b)      Les informations relatives à tous titres, avoirs, valeurs ou droits représentatifs du capital social, de fonds propres ou du patrimoine de tout type d’entité, ou concernant la cession de fonds propres à des tiers, dont les intéressés sont titulaires et qui sont déposés ou situés à l’étranger, ainsi que les informations relatives aux assurances-vie ou invalidité dont ils sont preneurs et aux rentes viagères ou temporaires dont ils sont bénéficiaires à la suite d’un transfert de capital en numéraire, ou encore les informations relatives aux biens mobiliers ou immobiliers acquis auprès d’entités établies à l’étranger.

c)      Les informations relatives aux biens immobiliers et aux droits sur les biens immobiliers situés à l’étranger dont ils sont propriétaires.

[...]

2.      Régime d’infractions et de sanctions.

Constitue une infraction fiscale le fait de ne pas présenter dans le délai prescrit les déclarations informatives prévues dans la présente disposition additionnelle ou d’y inclure des informations incomplètes, inexactes ou fausses.

Constitue également une infraction fiscale la présentation desdites déclarations par des moyens autres qu’électroniques, informatiques et télématiques, lorsqu’il est prévu de procéder par ces moyens.

Les infractions précitées sont très graves et sont punies conformément aux règles suivantes :

a)      Le non‑respect de l’obligation de déclarer des comptes détenus auprès d’établissements de crédit situés à l’étranger est puni d’une amende forfaitaire de 5 000 euros pour chaque donnée ou ensemble de données se rapportant à un même compte qui aurait dû figurer dans la déclaration, ou pour toute donnée fournie de manière incomplète, inexacte ou fausse, l’amende minimum étant fixée à 10 000 euros.

L’amende est de 100 euros pour chaque donnée ou ensemble de données se rapportant à un même compte, avec un minimum de 1 500 euros, lorsque la déclaration a été présentée hors délai, sans requête préalable de l’administration fiscale. La même sanction s’applique en cas de présentation de la déclaration par des moyens autres qu’électroniques, informatiques et télématiques, lorsqu’il est prévu de procéder par ces moyens.

b)      Le non‑respect de l’obligation de déclarer les titres, avoirs, valeurs, droits, assurances et rentes déposés, gérés ou obtenus à l’étranger, est puni d’une amende forfaitaire de 5 000 euros pour chaque donnée ou ensemble de données se rapportant à chaque élément de patrimoine pris individuellement, selon la catégorie considérée, qui aurait dû figurer dans la déclaration ou pour toute donnée fournie de manière incomplète, inexacte ou fausse, avec un minimum de 10 000 euros.

L’amende est de 100 euros pour chaque donnée ou ensemble de données se rapportant à chaque élément de patrimoine pris individuellement, selon la catégorie considérée, avec un minimum de 1 500 euros, lorsque la déclaration a été présentée hors délai, sans requête préalable de l’administration fiscale. La même sanction s’applique en cas de présentation de la déclaration par des moyens autres qu’électroniques, informatiques et télématiques, lorsqu’il est prévu de procéder par ces moyens.

c)      Le non‑respect de l’obligation de déclarer les biens immeubles et les droits sur des biens immeubles situés à l’étranger est puni d’une amende forfaitaire de 5 000 euros pour chaque donnée ou ensemble de données se rapportant à un même bien immeuble ou à un même droit sur un bien immeuble qui aurait dû figurer dans la déclaration, ou pour toute donnée fournie de manière incomplète, inexacte ou fausse, l’amende minimum étant fixée à 10 000 euros.

L’amende est de 100 euros pour chaque donnée ou ensemble de données se rapportant à un même bien immeuble ou à un même droit sur un bien immeuble, avec un minimum de 1 500 euros, lorsque la déclaration a été présentée hors délai sans requête préalable de l’administration fiscale. La même sanction s’applique en cas de présentation de la déclaration par des moyens autres qu’électroniques, informatiques et télématiques, lorsqu’il est prévu de procéder par ces moyens.

Les infractions et les sanctions régies par la présente disposition additionnelle ne se cumulent pas avec celles prévues aux articles 198 et 199 de la présente loi.

3.      Les lois régissant chaque impôt peuvent prévoir des conséquences spécifiques en cas de non‑respect de l’obligation d’information prévue par la présente disposition additionnelle. »

B.      La Ley 35/2006 del Impuesto sobre la Renta de las Personas Físicas y de Modificación Parcial de las Leyes de los Impuestos sobre Sociedades, sobre la Renta de no Residentes y sobre el Patrimonio (loi nº 35/2006 relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et modifiant partiellement les lois relatives aux impôts sur les sociétés, sur le revenu des nonrésidents et sur le patrimoine), du 28 novembre 2006, telle que modifiée par la loi nº 7/2012 (ciaprès la « loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques »)

6.        L’article 39 de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, intitulé « Gains patrimoniaux non justifiés », dispose :

« 1.      Sont considérés comme des gains patrimoniaux non justifiés les biens ou les droits dont la possession, la déclaration ou l’acquisition ne correspondent pas à des revenus ou capitaux déclarés par le contribuable, ainsi que l’inscription de dettes inexistantes dans une déclaration au titre du présent impôt ou de l’impôt sur la fortune, ou leur inscription dans les livres ou registres officiels.

Les gains patrimoniaux non justifiés sont intégrés dans la base d’imposition générale de la période fiscale au cours de laquelle ils ont été découverts, à moins que le contribuable ne démontre qu’il a acquis la propriété des droits ou des biens en question au cours d’une période prescrite.

2.      En tout état de cause, la possession, la déclaration ou l’acquisition de biens ou de droits pour lesquels l’obligation d’information visée dans la dix-huitième disposition additionnelle de la [LFG] n’a pas été respectée dans les délais impartis, sont traitées comme des gains patrimoniaux non justifiés et sont intégrées dans la base d’imposition générale du plus ancien des exercices fiscaux non prescrits et encore susceptibles d’être régularisés.

Toutefois, les dispositions prévues au présent paragraphe ne s’appliquent pas si le contribuable apporte la preuve que les biens ou les droits dont il est détenteur ont été acquis au moyen de revenus déclarés ou de revenus obtenus au cours d’exercices fiscaux pour lesquels il n’était pas assujetti à cet impôt. »

C.      La ley 27/2014 del Impuesto sobre Sociedades (loi nº 27/2014 relative à l’impôt sur les sociétés), du 27 novembre 2014, telle que modifiée par la loi nº 7/2012 (ciaprès la « loi relative à l’impôt sur les sociétés »)

7.        L’article 121 de cette loi, intitulé « Biens et droits non comptabilisés ou non déclarés : obtention présumée de revenus », prévoit, à ses paragraphes 1 à 6 :

« 1.      Les éléments de patrimoine détenus par le contribuable et non inscrits dans sa comptabilité sont présumés acquis au moyen de revenus non déclarés.

Cette présomption existe également en cas de dissimulation partielle de la valeur d’acquisition.

2.      Les éléments de patrimoine non inscrits dans la comptabilité sont présumés appartenir au contribuable dès lors que ce dernier est en possession de ceux‑ci.

3.      Le montant des revenus non déclarés est présumé égal à la valeur d’acquisition des biens ou droits non inscrits dans la comptabilité, moins le montant des dettes réelles contractées pour financer cette acquisition, également non comptabilisées. Le montant net ne peut en aucun cas être négatif.

Le montant de la valeur d’acquisition est vérifié au regard des pièces justificatives correspondantes ou, si cela n’est pas possible, au regard des règles d’évaluation prévues par la [LFG].

4.      Il y a présomption de revenus non déclarés lorsque des dettes inexistantes sont inscrites dans la comptabilité du contribuable.

5.      Le montant des revenus établi sur la base des présomptions précitées est rattaché au plus ancien des exercices fiscaux non prescrits, à moins que le contribuable démontre qu’il correspond à un ou plusieurs autres exercices.

6.      En tout état de cause, les biens ou les droits pour lesquels l’obligation d’information visée dans la dix-huitième disposition additionnelle de la [LFG] n’a pas été respectée dans les délais impartis sont considérés comme ayant été obtenus au moyen de revenus non déclarés rattachés au plus ancien des exercices fiscaux non prescrits et qui sont encore susceptibles d’être régularisés,

Toutefois, les dispositions prévues au présent paragraphe ne s’appliquent pas si le contribuable apporte la preuve que les biens ou les droits dont il est détenteur ont été acquis au moyen de revenus déclarés ou obtenus au cours d’exercices fiscaux pour lesquels il n’était pas assujetti au présent impôt. »

D.      La loi nº 7/2012

8.        La première disposition additionnelle de cette loi, intitulée « Régime de sanctions en cas de gains patrimoniaux non justifiés et d’obtention présumée de revenus », dispose :

« L’application des dispositions de l’article 39, paragraphe 2, de la loi nº 35/2006, du 28 novembre 2006, relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et modifiant partiellement les lois relatives aux impôts sur les sociétés, sur le revenu des non‑résidents et sur le patrimoine, et de l’article 134, paragraphe 6, du texte consolidé de la loi relative à l’impôt sur le revenu des sociétés, approuvé par le décret royal législatif nº 4/2004, du 5 mars 2004, détermine l’infraction fiscale, qui sera considérée comme très grave, et sera punie d’une amende de 150 % du montant de la sanction.

La sanction est assise sur la valeur du montant total résultant de l’application des articles visés au paragraphe précédent. [...] »

III. La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

9.        Par lettre de mise en demeure du 20 novembre 2015, la Commission a attiré l’attention des autorités espagnoles sur l’incompatibilité éventuelle avec le droit de l’Union de certains aspects liés à l’obligation de déclarer les biens et droits situés à l’étranger au moyen du formulaire 720. Selon l’analyse de la Commission, les conséquences du non‑respect de cette obligation et le régime de sanctions y afférent semblaient disproportionnés au regard des objectifs poursuivis par la réglementation espagnole.

10.      À la suite de la réponse du 29 février 2016 des autorités espagnoles contestant l’existence d’une quelconque incompatibilité de cette loi avec le droit de l’Union, la Commission a émis le 15 février 2017 un avis motivé maintenant, en substance, la position qu’elle avait prise dans sa lettre du 20 novembre 2015.

11.      Par lettres des 12 avril 2017 et 31 mai 2019, les autorités espagnoles ont répondu à cet avis motivé.

12.      La Commission n’ayant pas été convaincue par ces réponses, elle a introduit, le 23 octobre 2019, sur le fondement de l’article 258 TFUE, le présent recours en manquement et conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        constater que le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 21, 45, 49, 56 et 63 TFUE et des articles 28, 31, 36 et 40 de l’accord EEE en :

–        établissant que l’inexécution de l’obligation d’information relative aux biens et droits situés à l’étranger ou la présentation tardive du formulaire 720 entraîne la qualification de ces avoirs en tant que gains patrimoniaux non justifiés sans possibilité d’invoquer la prescription ;

–        infligeant automatiquement une amende proportionnelle de 150 % en cas d’inexécution de l’obligation d’information relative aux biens et droits situés à l’étranger ou de présentation tardive du formulaire 720 ;

–        infligeant, en cas d’inexécution de l’obligation d’information relative aux biens et droits à l’étranger ou de présentation tardive du formulaire 720, des amendes forfaitaires plus sévères que les sanctions prévues par le régime général de sanction pour des infractions similaires, et

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

13.      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter la requête et

–        condamner la Commission aux dépens.

14.      Il n’a pas été tenu d’audience de plaidoiries mais les deux parties ont répondu aux questions écrites de la Cour du 8 décembre 2020.

IV.    Analyse

A.      Observations liminaires sur le formulaire 720

15.      Ainsi que je l’ai indiqué dans l’introduction des présentes conclusions, la réglementation litigeuse en cause a été introduite dans le but d’établir un contrôle fiscal plus strict dans une situation impliquant un risque de fraude et d’évasion fiscales important. À cet égard, la Commission a précisé qu’elle ne conteste nullement le droit du Royaume d’Espagne d’imposer une obligation d’information concernant les biens et droits détenus à l’étranger, telle que prévue par le formulaire 720. Elle admet aussi que l’obligation imposée par le formulaire 720 puisse être justifiée par la nécessité de prévenir la fraude et l’évasion fiscales ainsi que les pratiques abusives et par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux. La Commission conteste donc uniquement les conséquences prévues en cas de non‑respect de cette obligation, conséquences qu’elle juge disproportionnées.

16.      Même si ce n’est pas l’obligation d’information prévue par le formulaire 720 en tant que telle qui est contestée par la Commission, mais les conséquences qui en découlent en cas d’inexécution ou d’exécution tardive de cette obligation, j’estime utile d’expliquer le champ d’application de cette obligation d’information.

17.      Celle-ci vise trois catégories de biens et de droits situés à l’étranger : les comptes ouverts auprès d’entités financières, les titres représentatifs d’un capital social et d’autres éléments de patrimoine considérés comme tels en vertu de la réglementation ainsi que les biens immobiliers (7). Selon les informations fournies par la Commission, les biens et droits en question doivent être déclarés si, à la fin de l’exercice (ou au cours de celui‑ci), la valeur estimée de chaque catégorie dépasse 50 000 euros. La déclaration est renouvelée les années suivantes si la valeur des biens et droits compris dans une catégorie donnée augmente de plus de 20 000 euros. L’obligation d’information comporte celle de fournir une série de données pour chaque catégorie de biens et de droits (8) et la déclaration doit être présentée au moyen du formulaire 720 dans le délai compris entre le 1er janvier et le 31 mars qui suit la période fiscale de référence. En dehors des exceptions prévues par la réglementation (9), les redevables sont des personnes physiques ou morales ayant leur résidence fiscale en Espagne, quelle que soit leur nationalité, habilitées à agir en qualité de titulaire, de mandataire ou de bénéficiaire des biens et droits, voire en qualité de personne autorisée en ce qui concerne les comptes bancaires.

B.      Sur les libertés en cause

18.      Par son recours, la Commission fait valoir que le Royaume d’Espagne a violé les libertés consacrées aux articles 21 (citoyens), 45 (travailleurs), 49 (établissement), 56 (services) et 63 TFUE (capitaux) ainsi que les libertés correspondantes prévues à l’accord EEE. À cet égard, la Commission a fait observer que, bien que le régime du formulaire 720 soit susceptible d’affecter toutes ces libertés, la réglementation litigieuse affecterait surtout la liberté de circulation des capitaux, de sorte qu’il y aurait lieu d’examiner la réglementation espagnole uniquement au regard de cette liberté.

19.      Je partage partiellement cet avis. En effet, il est de jurisprudence constante que lorsqu’une mesure nationale se rapporte à la fois à la libre circulation des capitaux et à la libre prestation des services, la Cour examine la mesure en cause, en principe, au regard de l’une seulement de ces deux libertés s’il s’avère que, dans les circonstances de l’affaire en cause, l’une d’elles est tout à fait secondaire par rapport à l’autre et peut lui être rattachée (10). Il en va de même en ce qui concerne une mesure nationale qui se rapporte à la fois à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’établissement (11).

20.      À cet égard, j’estime que la libre circulation des capitaux est la liberté principale à laquelle se rapporte la mesure nationale en cause. En effet, la législation nationale litigieuse vise de manière générale la détention de biens ou de droits à l’étranger par les résidents en Espagne, sans que celle‑ci prenne nécessairement la forme de prises de participations au capital d’entités établies à l’étranger ou soit principalement motivée par le souhait d’y bénéficier de services financiers. Si la libre prestation des services et la liberté d’établissement sont bien susceptibles d’être affectées, ces libertés apparaissent toutefois secondaires par rapport à la libre circulation des capitaux, à laquelle elles peuvent être rattachées. J’estime qu’il convient de tirer la même conclusion en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs, qui paraît encore plus marginale en l’occurrence par rapport à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement. S’agissant du droit des citoyens européens de circuler, consacré à l’article 21, TFUE, j’estime que la Commission n’a pas invoqué d’arguments permettant d’apprécier pourquoi cette liberté serait également affectée par la réglementation litigieuse.

21.      Il en résulte qu’il y a lieu d’apprécier la présente affaire sous l’angle de la libre circulation des capitaux, prévue à l’article 63 TFUE et à l’article 40 de l’accord EEE. Dans un souci de clarté, et étant donné que l’article 40 de l’accord EEE revêt la même portée juridique que l’article 63 TFUE (12), je ferai seulement référence, dans l’analyse qui suit, à l’article 63 TFUE.

C.      Sur l’existence d’une restriction à l’article 63 TFUE

1.      Arguments des parties

22.      La Commission estime que la réglementation relative au formulaire 720 constitue une restriction au principe de libre circulation des capitaux, due au fait que la réglementation litigeuse impose des règles spécifiques concernant la détention de biens et de droits à l’étranger qui n’existent pas pour des avoirs identiques situés en Espagne. L’application de ces règles aurait notamment pour effet de rendre le transfert d’avoirs à l’étranger moins attrayant pour les contribuables.

23.      Selon le gouvernement espagnol, les sanctions applicables aux manquements relatifs au formulaire 720 ne constitueraient pas une restriction, étant donné que l’institution de sanctions serait indispensable pour rendre l’obligation d’information effective. En outre, les personnes dissimulant leurs avoirs pour des motifs fiscaux ne pourraient bénéficier d’une protection au titre de la liberté de circulation.

2.      Appréciation

24.      Selon moi, la réglementation litigeuse constitue sans aucun doute une restriction.

25.      En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, constituent, notamment, des restrictions aux mouvements de capitaux, au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, des mesures imposées par un État membre qui sont de nature à dissuader, empêcher ou limiter les possibilités des investisseurs de cet État d’investir dans d’autres États (13). Comme le fait valoir la Commission, sans que cela soit contesté par le gouvernement espagnol, le régime du formulaire 720 prévoit une obligation d’information et des sanctions en cas de non‑respect de cette obligation applicables aux résidents fiscaux possédant des avoirs à l’étranger, qui n’existent pas pour des avoirs identiques situés en Espagne. Une telle réglementation est donc de nature à dissuader, empêcher ou limiter les possibilités des résidents de cet État d’investir dans d’autres États.

26.      À cet égard, l’argument du gouvernement espagnol selon lequel les personnes dissimulant leurs avoirs pour des motifs fiscaux ne pourraient bénéficier d’aucune protection au titre de la liberté de circulation ne peut aboutir à un résultat contraire. Force est de constater qu’il découle du libellé même de l’article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE qu’une restriction à la libre circulation des capitaux peut être justifiée si elle fait échec aux infractions aux lois et règlements des États membres en matière fiscale. Cette disposition présuppose, en d’autres termes, qu’une mesure nationale, telle que celle en cause, n’échappe pas à la définition des restrictions au sens de l’article 63 TFUE du simple fait qu’elle a pour objectif des contrôles fiscaux ou la lutte contre la fraude fiscale (14).

D.      Sur l’existence d’une justification éventuelle à la restriction à la libre circulation des capitaux

1.      Arguments des parties

27.      Selon la Commission, la différence de traitement appliquée par le Royaume d’Espagne selon le lieu où sont situés les avoirs concernés ne correspond pas à des situations objectivement différentes au sens de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE. Aux fins d’apprécier l’existence d’une différence de situation entre les contribuables détenteurs de biens et de droits sur le territoire national et à l’étranger, il conviendrait de tenir compte de l’objet de la réglementation litigieuse (15). Au regard de l’objectif visé par celle‑ci, à savoir la prévention et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, il n’existerait pas de différence objective de situation entre les contribuables résidant en Espagne selon que leurs avoirs se situent sur le territoire espagnol ou en dehors de celui‑ci. En effet, dans les deux cas, il ne pourrait être exclu qu’un résident ayant des intentions frauduleuses puisse se soustraire à ses obligations fiscales au titre de revenus provenant d’activités ou d’opérations dissimulées (16).

28.      En particulier, contrairement à ce qu’allègue le gouvernement espagnol, le fait que l’administration fiscale ne disposerait pas des mêmes informations concernant les avoirs situés à l’étranger et ceux situés sur le territoire national n’aurait aucune importance. La Cour aurait d’ailleurs déjà rejeté un tel argument (17). En revanche, aux yeux de la Commission, la restriction peut être justifiée par la nécessité de prévenir la fraude et l’évasion fiscales ainsi que les pratiques abusives, tout comme par la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux (18).

29.      Le gouvernement espagnol estime, à titre subsidiaire, que si la Cour jugeait qu’il existe une restriction, celle‑ci pourrait être justifiée.

30.      En premier lieu, la réglementation litigeuse établirait, au sens de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne le lieu où leurs capitaux sont investis, et ce au regard des possibilités de contrôle fiscal. En particulier, les informations dont disposeraient les autorités nationales au sujet des biens et droits détenus par leurs résidents à l’étranger seraient parcellaires, les échanges internationaux d’informations fiscales étant limités, y compris au sein de l’Union, compte tenu de l’interdiction des « fishing expeditions » (demandes lancées au hasard). S’agissant d’une obligation déclarative, le niveau d’information dont disposent les autorités constituerait le critère pertinent pour déterminer si les résidents dont les avoirs sont situés sur le territoire national ou en dehors de celui‑ci se trouvent dans des situations comparables.

31.      En second lieu, ce gouvernement estime que la restriction serait également justifiée par des motifs d’intérêt public répondant à la nécessité de prévenir la fraude et l’évasion fiscales ainsi que les pratiques abusives, ou à la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux (19).

2.      Appréciation

32.      À l’instar de la Commission, j’estime que la différence de traitement qui résulte de la réglementation en cause ne correspond pas à des situations objectivement différentes au sens de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE. En effet, ce fait découle déjà de la jurisprudence de la Cour (20), et ce à bon droit, car la position contraire aurait pour effet de nier l’existence de toute restriction à la libre circulation des capitaux au seul motif que les informations disponibles sur les avoirs à l’étranger ne sont pas suffisantes en comparaison de celles relatives aux avoirs situés sur le territoire national.

33.      Cela étant dit, comme la Commission et le gouvernement espagnol l’observent, les objectifs poursuivis par la réglementation litigieuse, à savoir la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, peuvent justifier une restriction, ce qui ressort tant de l’article 65, paragraphe 1, sous b), TFUE que de la jurisprudence (21).

34.      La question centrale dans la présente affaire est donc celle de la proportionnalité de la réglementation litigieuse.

E.      Sur la proportionnalité de la réglementation en cause

1.      Sur la qualification des avoirs en tant que gains patrimoniaux non justifiéssans possibilité d’invoquer la prescription (premiergrief)

35.      Par son premier grief, la Commission fait valoir que constitue une restriction disproportionnée le fait « que l’inexécution de l’obligation d’information ou la présentation tardive du formulaire 720 entraîne la qualification de ces avoirs en tant que gains patrimoniaux non justifiés sans possibilité d’invoquer la prescription ».

a)      La réglementation en cause

36.      Le premier grief concerne les règles contenues à l’article 39 de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et à l’article 121 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés. Ces dispositions, en substance identiques, portent sur des gains patrimoniaux non justifiés et contiennent une règle générale et une règle spécifique.

37.      En vertu de la règle générale, les biens ou les droits dont la possession, la déclaration ou l’acquisition ne correspondent pas à des revenus ou capitaux déclarés par le contribuable sont considérés comme des gains patrimoniaux non justifiés et sont intégrés dans la base d’imposition générale de la période fiscale au cours de laquelle l’administration fiscale les a découverts. Toutefois, ces gains ne seront pas inclus dans la base d’imposition si le contribuable démontre qu’il a acquis la propriété des droits ou des biens en question au cours « d’une période prescrite » (22). D’après ma recherche, le droit de l’administration de procéder à un redressement au titre de la dette fiscale est concrètement soumis à un délai de prescription de quatre ans, qui commence à courir à partir du jour suivant celui où prend fin le délai réglementaire pour présenter la déclaration concernée (23). En pratique, selon ma compréhension, un contribuable peut donc échapper à l’intégration de ces avoirs dans la base d’imposition quatre ans après que ces avoirs auraient dû être déclarés.

38.      Quant à la règle spécifique, elle concerne la possession, la déclaration ou l’acquisition de biens ou de droits pour lesquels l’obligation d’information visée par le formulaire 720 n’a pas été respectée dans les délais impartis. De tels biens ou droits sont traités comme des gains patrimoniaux non justifiés et sont intégrés dans la base d’imposition générale. Or, pour cette catégorie d’avoirs, la règle de prescription précitée n’est pas prévue. Ainsi, en vertu de cette règle, afin d’échapper à l’inclusion des gains patrimoniaux dans la base d’imposition, le contribuable doit apporter la preuve que « lesdits biens ou droits ont été acquis au moyen de revenus déclarés ou de revenus obtenus au cours d’exercices fiscaux pour lesquels il n’était pas assujetti à cet impôt » (24).

b)      Arguments des parties

1)      Arguments de la Commission

39.      La Commission observe que l’inexécution de l’obligation de présenter le formulaire 720 dans les délais impartis fait naître une présomption d’obtention d’un revenu correspondant à la valeur des biens et droits en cause, considéré comme un gain patrimonial non justifié, et il en découle l’obligation de s’acquitter de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ou de l’impôt sur les sociétés à raison du revenu supposé correspondre à la valeur totale des biens et droits concernés par l’obligation de déclaration.

40.      Elle ne considère pas cette présomption comme constituant, en soi, une mesure disproportionnée, du moment qu’elle résulte de l’inexécution, par le contribuable, d’une obligation fiscale matérielle de paiement d’impôts (25). Or, le caractère disproportionné de la réglementation résiderait dans le fait que le contribuable ne pourrait se prévaloir de la prescription afin d’échapper à cette présomption. En effet, dès lors que le détenteur de biens et de droits à l’étranger n’aurait pas présenté le formulaire 720 dans les délais impartis, il ne pourrait pas se prévaloir de la règle de prescription qui détermine le délai d’action de l’administration fiscale aux fins de rectifier les bases imposables.

41.      Les arguments avancés par la Commission visant à démontrer le caractère disproportionné de cet aspect de la règle comportent, tels que je les comprends, en substance, deux volets.

42.      Le premier volet concerne la situation dans laquelle le contribuable s’est bien acquitté de l’impôt sur les revenus. Il s’agit plus particulièrement de la situation spécifique dans laquelle l’acquisition de biens ou de droits à l’étranger est intervenue plus de quatre ans avant le début du délai de présentation, pour la première fois, du formulaire 720 (26), dans laquelle l’imposition des revenus utilisés pour acquérir ces biens ou droits aurait donc également eu lieu il y a plus de quatre ans, et où le contribuable était assujetti à cet impôt à ce moment‑là, mais n’a aucune preuve attestant qu’il a déclaré ces revenus au fisc (27). Selon la Commission, dans une telle situation, lorsque le détenteur des biens ou droits n’est pas en mesure de prouver qu’il s’est acquitté de l’impôt sur les revenus en question, il n’est pas non plus en mesure d’invoquer la prescription pour éviter la régularisation de la part de l’administration fiscale. Ainsi, l’impossibilité de prouver le paiement de l’impôt sur les revenus correspondant aux avoirs situés à l’étranger se traduirait par une présomption irréfragable de fraude fiscale. La Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, la présomption de fraude et d’évasion fiscales ne saurait être fondée sur des circonstances telles que la détention, par un contribuable résident fiscal, de biens situés à l’étranger (28).

43.      À cet égard, la Commission réfute l’allégation du gouvernement espagnol selon laquelle la charge de la preuve incomberait à l’administration fiscale, de sorte qu’il appartiendrait à cette dernière de mener les enquêtes appropriées afin de vérifier la situation réelle du contribuable et d’agir en conséquence. Selon elle, cette pratique ne serait pas décrite dans la réglementation en cause et il n’existerait aucun document susceptible de prouver qu’elle aurait été effectivement appliquée par les autorités espagnoles. La réglementation imposerait au contribuable, de manière expresse et restrictive, de supporter la charge de la preuve de la déclaration de revenus ou du non‑assujettissement à l’impôt. En outre, les exemples d’application concrète de la réglementation relative au formulaire 720 démontreraient que la charge de la preuve incombe au détenteur de biens et de droits n’ayant pas respecté l’obligation d’information dans les délais impartis.

44.      Le second volet concerne « l’absence totale de prescription ». La Commission estime ainsi qu’il y a un « effet d’imprescriptibilité » en cas d’inexécution ou de présentation tardive de l’obligation d’information prévue par le formulaire 720.

45.      À cet égard, elle considère, en substance, en premier lieu, que l’absence de prescription ne serait pas apte à atteindre l’objectif poursuivi, en ce que le seul fait de présenter le formulaire 720 dans les délais impartis permet au contribuable de conserver le bénéfice de la prescription déjà acquise à ce moment, bien qu’il s’agisse manifestement d’un cas d’évasion fiscale.

46.      En deuxième lieu, l’absence totale de prescription ne serait pas non plus nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis par la réglementation en cause eu égard aux instruments existant en matière d’échange d’informations fiscales à l’échelle de l’Union.

47.      Plus particulièrement, la Commission précise qu’elle ne conteste pas le fait que, au moment où le régime du formulaire 720 a été adopté en 2012, aucun des instruments existant en matière d’échange d’informations fiscales ne permettait d’obtenir les informations appropriées sur les biens et droits à l’étranger. Or, le régime d’échange d’informations au niveau de l’Union aurait considérablement évolué entre 2012 et 2017 et à la date à laquelle l’avis motivé a été émis, soit le 15 février 2017 – date qu’il conviendrait de prendre en compte pour l’appréciation par la Cour du cadre juridique du présent recours –, les instruments d’échange d’informations existant à l’échelle de l’Union auraient permis aux États membres d’obtenir les informations nécessaires sur les biens et droits détenus à l’étranger afin de procéder aux contrôles fiscaux appropriés.

48.      En effet, premièrement, les informations devant faire l’objet d’une déclaration au moyen du formulaire 720 seraient largement couvertes par la directive 2011/16.

49.      À l’appui de ce constat, la Commission renvoie aux dispositions spécifiques, qui portent sur les trois catégories de biens visées par le formulaire 720.

50.      En ce qui concerne les informations relatives aux comptes bancaires, elle renvoie à l’article 8, paragraphe 3 bis, de la directive 2011/16, ainsi qu’aux annexes qui incluent l’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires, y compris les comptes de dépôt et les comptes conservateurs. Cet échange d’informations concernerait les « personnes devant faire l’objet d’une déclaration ». Seraient concernées les personnes physiques et entités autres que : i) les sociétés de capitaux dont les titres font l’objet de transactions régulières sur un ou plusieurs marchés boursiers réglementés ; ii) les sociétés de capitaux liées à une société décrite au point i) ; iii) les entités publiques ; iv) les organisations internationales ; v) les banques centrales, ou vi) les institutions financières (29).

51.      Conformément à l’article 8, paragraphe 3 bis, sous a), de la directive 2011/16, les informations à transmettre par l’intermédiaire du système d’échange automatique comprendraient toutes les informations nécessaires afin d’identifier le titulaire d’un compte, l’établissement financier où le compte est géré et le compte lui‑même. Les informations concerneraient également le solde ou la valeur portée sur le compte. Dans le cas des comptes conservateurs, les informations se rapporteraient au montant brut total des intérêts, au montant brut total des dividendes et au montant brut total des revenus produits par les actifs détenus sur le compte ainsi qu’au produit brut total de la vente ou du rachat des actifs financiers. Dans le cas d’un compte de dépôt, les informations à échanger couvriraient le montant brut total des intérêts versés ou crédités sur le compte au cours de l’année civile ou d’une autre période de référence adéquate. Dans le cas de tout autre compte, les informations devraient comprendre le montant brut total versé au titulaire du compte ou porté à son crédit.

52.      Conformément audit article 8, paragraphe 3 bis, sous a), les informations qui font l’objet d’un échange automatique seraient suffisantes pour l’établissement du montant de l’impôt sur les revenus découlant de la possession de comptes bancaires à l’étranger.

53.      Ensuite, la Commission observe que l’échange automatique d’informations instauré par la directive 2011/16 impose aux personnes devant faire une déclaration l’obligation d’inclure à cette dernière les informations relatives aux valeurs détenues dans un autre État membre. Pour ce qui est des valeurs détenues par l’intermédiaire de comptes de dépôt ou de comptes conservateurs, dans la grande majorité des cas, les informations faisant l’objet d’un échange seraient les mêmes que celles relatives aux comptes bancaires, ce qui, dans ce cas, permettrait aussi l’établissement du montant de l’impôt sur les revenus correspondants.

54.      Pour ce qui est des droits ou contrats d’assurance-vie non couverts par d’autres actes juridiques de l’Union, ils pourraient également faire l’objet, au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/16, d’un échange automatique d’informations se rapportant à toute période imposable. Dans ce cas, les informations concerneraient les résidents d’un État membre, qu’il s’agisse de personnes physiques ou d’entités et permettraient aux administrations fiscales des États membres de déterminer le montant des impôts applicables à ces revenus.

55.      Enfin, les informations relatives aux biens immobiliers pouvant faire l’objet d’un échange automatique en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous e), de ladite directive concerneraient à la fois la propriété et les revenus de ces biens, qu’ils appartiennent à des personnes physiques ou à des entités résidant dans un État membre. Ces informations permettraient de liquider les impôts sur les revenus correspondant à ces biens et droits.

56.      Deuxièmement, alors que le système d’échange automatique d’informations ne couvre pas toutes les informations soumises à l’obligation de déclaration au titre du formulaire 720 (30), les administrations fiscales des États membres pourraient néanmoins avoir recours, dans ces cas, à l’échange d’informations sur demande (non automatique), comme prévu aux articles 5 à 7 de la directive 2011/16.

57.      Troisièmement, la Commission met en exergue le fait que les prétendues lacunes du régime d’échange d’informations existant à l’échelle de l’Union invoquées par le gouvernement espagnol ne sauraient affecter cette réalité. Il ressortirait d’une jurisprudence constante de la Cour, et notamment de son arrêt Commission/Belgique (31), que les mécanismes d’assistance mutuelle existant entre les autorités des États membres sont suffisants pour permettre à un État membre d’effectuer un contrôle de la véracité des déclarations des contribuables relatives à leurs revenus dans un autre État membre. La Cour aurait également jugé que, par conséquent, bien que les instruments de coopération ne fonctionnent pas toujours de façon satisfaisante et sans heurts dans la pratique, les États membres ne sauraient tirer des difficultés éventuelles rencontrées pour réunir les informations requises ou des carences susceptibles de se produire dans la coopération entre leurs administrations fiscales une justification à la restriction des libertés fondamentales garanties par le traité.

58.      En troisième lieu et en tout état de cause, la Commission estime que si le caractère insuffisant des informations dont dispose un État membre s’agissant des biens ou droits détenus par ses résidents à l’étranger peut être de nature à justifier un délai de redressement plus long, pour autant qu’il vise à permettre aux autorités fiscales de recourir utilement à des mécanismes d’assistance mutuelle (32), il ne pourrait justifier l’absence totale de règle de prescription, réservée généralement aux cas les plus graves de violations des droits de l’homme.

2)      Arguments du gouvernement espagnol

59.      S’agissant du premier volet des arguments de la Commission, le gouvernement espagnol conteste l’existence d’une présomption irréfragable de fraude. À cet égard, il précise que l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (33), constitue une clause anti-fraude, mais ne prévoit aucune présomption de fraude. En effet, aux fins de l’application de cette disposition, deux éléments devraient être prouvés par l’administration fiscale : premièrement, le fait que le contribuable n’a pas déclaré les avoirs correspondant au formulaire 720 alors qu’il y était obligé, et deuxièmement, le fait que le contribuable ne s’est pas acquitté de l’impôt sur le revenu relatif à l’acquisition de ces avoirs.

60.      La circonstance qu’un contribuable ne conserve pas la déclaration de l’exercice au cours duquel il affirme avoir été imposé n’impliquerait pas que l’administration considère automatiquement qu’il est en possession de gains patrimoniaux non justifiés. Dans de tels cas, l’administration fiscale devrait examiner ce qui a été allégué par le contribuable, et si elle ne le fait pas, le fait qui sous-tend la présomption ne serait pas établi (à savoir que le contribuable n’a pas été imposé au titre des revenus en cause) et il n’y aurait pas lieu de considérer qu’il existe des gains patrimoniaux non justifiés. En cas de doute, il n’y aurait pas lieu de procéder à une régularisation, puisque l’un des faits à la base de la présomption n’aurait pas été prouvé. À l’inverse, si le contribuable souhaitait éviter l’application de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques au motif qu’il a précédemment déclaré, au moyen du formulaire 720, les revenus avec lesquels les biens ou droits non déclarés ont été acquis, il lui suffirait d’indiquer dans quelles déclarations fiscales antérieures il a déclaré ces revenus. L’administration fiscale serait alors tenue de le vérifier.

61.      À l’appui de ces constats, le gouvernement espagnol renvoie à plusieurs dispositions relatives à la charge de la preuve (34). Cette dernière incomberait ainsi à l’administration fiscale, ce qui figurerait de manière claire dans la réglementation citée dans la note en bas de page 34 des présentes conclusions. Il renvoie aussi, à titre d’exemple, à un arrêt concernant une régularisation de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui aurait annulé la liquidation en cause, le Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif, Espagne) ayant estimé que le contribuable avait allégué avoir été imposé et avait produit les documents en sa possession, et que l’administration n’avait pas fait d’effort pour fournir la preuve contraire pertinente (35).

62.      Concernant le second volet des arguments de la Commission, le gouvernement espagnol observe, tout d’abord, que la Commission part d’une prémisse erronée dans la mesure où elle considère que le régime du formulaire 720 ne comporte pas de prescription. En effet, il s’agirait en réalité d’une application concrète du principe de l’« actio nata », selon lequel le délai de prescription d’un droit ou d’une action ne peut commencer à courir qu’à partir du moment où le titulaire de celui‑ci a connaissance de l’existence de ce droit ou de cette action (36). L’application de ce principe impliquerait ainsi qu’un délai de prescription de quatre ans (37) commence à courir à partir du moment où l’administration fiscale a connaissance des éléments afférents au fait imposable qui lui permettent d’ouvrir une enquête, que ce soit grâce à des informations fournies par un autre État par l’intermédiaire d’un système automatique ou spontané d’échanges d’informations, ou grâce au contribuable ou à des tiers. Il n’y aurait donc pas d’absence de prescription.

63.      Cela étant précisé, le gouvernement espagnol affirme, en substance, que le principe de l’« actio nata » ne s’applique pas lorsque des biens sont situés en Espagne. Toutefois, cette différence de traitement relative à la prescription entre les avoirs situés en Espagne et ceux situés à l’étranger obéirait à une raison objective.

64.      En effet, d’une part, sur le territoire espagnol, l’administration fiscale espagnole peut déployer ses pouvoirs sans limitation à l’égard de n’importe quels biens et droits, en particulier sous forme de « fishing expeditions » (demandes lancées au hasard) mais elle ne peut le faire lorsque ces biens et ces droits se trouvent à l’étranger. À cet égard, le gouvernement espagnol rappelle que les gains non justifiés correspondraient à des biens et droits dont l’administration fiscale n’aurait aucune connaissance et qui requerraient, pour être découverts, qu’elle procède à une enquête qu’elle ne pourrait pas intégralement mener à bien, ses fonctionnaires ne pouvant par exemple pas agir en dehors du territoire espagnol. Eu égard à ces difficultés, il serait pleinement justifié que le délai de prescription commence à courir à partir du moment où l’existence de ces biens et droits situés à l’étranger, ayant généré des revenus non déclarés et n’ayant pas pu faire l’objet d’une enquête avec les moyens qui auraient été mis en œuvre s’ils avaient été générés sur le territoire espagnol, est connue.

65.      À cet égard, la Cour aurait reconnu l’existence de régimes spécifiques de prescription lorsqu’un État membre doit exercer ses pouvoirs à l’endroit de biens et de droits situés à l’étranger (38). La Cour aurait aussi affirmé que les différents délais de forclusion des droits des administrés par rapport à ceux de l’administration fiscale seraient justifiés par le fait que celle‑ci n’a connaissance des données nécessaires et ne peut agir qu’à partir du moment où la déclaration fiscale lui parvient (39), ce qui s’appliquerait particulièrement dans les cas où les biens et/ou les avoirs ont été dissimulés et où il est pratiquement impossible d’obtenir des informations sur ceux‑ci avec les instruments actuels.

66.      D’autre part, le gouvernement espagnol conteste l’allégation de la Commission selon laquelle les instruments de collaboration existant au sein de l’Union seraient suffisants. Il avance pour ce faire plusieurs arguments, qui peuvent être résumés comme suit.

67.      D’emblée, il précise que, étant donné que le recours de la Commission ne vise pas à ce que certains aspects de la réglementation du formulaire 720 soient déclarés invalides à compter de la date de l’avis motivé, à savoir le 15 février 2017, il convient d’examiner la situation de l’assistance mutuelle internationale en 2012, année d’introduction du formulaire 720, et non pas en février 2017. Cela étant dit, il estime en tout état de cause que, à ce jour, les instruments existant en matière d’échange international d’informations demeurent insuffisants en vue de déterminer l’existence éventuelle dans le patrimoine de contribuables espagnols de biens et de droits à contenu économique et à portée fiscale situés à l’étranger.

68.      À cet égard, le gouvernement espagnol souligne, tout d’abord, que la Commission a reconnu que les informations obtenues au moyen du formulaire 720 ne coïncident pas pleinement avec celles susceptibles d’être obtenues en application de la directive 2011/16 (40).

69.      Ensuite, il souligne que l’échange automatique au sens de l’article 3, point 9, sous a), de la directive 2011/16 est subordonné au principe de « l’information disponible », celle‑ci étant entendue comme les « informations figurant dans les dossiers fiscaux de l’État membre qui [les] communique et pouvant être consultées conformément aux procédures de collecte et de traitement des informations applicables dans cet État membre ». Par conséquent, l’État où se situe la source des revenus concernés peut ne pas disposer des informations faisant l’objet de l’échange automatique, soit parce que sa réglementation nationale n’impose pas certains revenus ou certains biens et n’exige pas d’informations à cet égard, soit parce que la personne tenue de fournir les informations, qu’il s’agisse de l’assujetti ou d’un tiers, n’a pas déclaré les revenus ou le bien faisant l’objet de l’information. Il estime que, dans son arrêt X et Passenheim-van Schoot (41), la Cour aurait jugé que les contrôles fiscaux imposés par un État membre ne sauraient dépendre du comportement d’un autre État membre ou d’un État tiers, en l’occurrence des informations disponibles pour le cas concret. Par ailleurs, en ce qui concerne les informations relatives aux comptes bancaires au sens de l’article 8, paragraphe 3 bis, de la directive 2011/16, l’administration fiscale ne saurait être sûre de recevoir les informations dont elle a besoin en ce qui concerne les comptes préexistants au sens de cette directive, à savoir les comptes gérés au 31 décembre 2015 (42), car pour ces comptes la résidence du contribuable est déterminée conformément à la réglementation interne, qui peut donc être différente d’un État membre à l’autre.

70.      Enfin, d’après le gouvernement espagnol, si la situation en matière d’échange d’informations a été considérablement modifiée ces dernières années, il convient toutefois d’observer que la situation actuelle est loin d’être comparable à la situation nationale et que sa mise en œuvre pratique et effective nécessitera probablement du temps afin d’être dûment adaptée, compte tenu de sa complexité, des nombreux États concernés et des différentes réglementations et pratiques nationales.

c)      Appréciation

71.      Je rappelle que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’une procédure en manquement, c’est à la Commission qu’il incombe d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle‑ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur des présomptions (43). Comme je l’expliquerai, j’estime qu’en l’occurrence, la Commission n’a, dans une large mesure, pas apporté à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle‑ci de l’existence du manquement allégué.

72.      Cela résulte, à mes yeux, du fait que le recours de la Commission a un caractère très succinct. En outre, le gouvernement espagnol a répondu, dans son mémoire en défense, aux allégations de la Commission de manière très détaillée en avançant plusieurs arguments dont le bien‑fondé ne peut, selon moi, pour une large part être exclu à première vue. Or, dans son mémoire en réplique, la Commission se borne à répondre à ces arguments dans une mesure très limitée et, d’après moi, elle n’a donc pas répondu utilement à l’argumentation du gouvernement espagnol. De ce fait, je considère que, dans une large mesure, la Cour ne dispose pas des éléments nécessaires afin de vérifier l’existence du manquement allégué par la Commission.

1)      Sur la question de « l’absence totale » de prescription (second volet)

73.      S’agissant de la question de savoir si l’absence de présentation du formulaire 720 ou la présentation tardive de celui‑ci impliquerait un « effet d’imprescriptibilité » qui serait, en soi, disproportionné (44), j’estime nécessaire, en premier lieu, de préciser la portée de la règle en cause.

74.      Concrètement, en cas de non‑présentation du formulaire 720 dans les délais impartis, l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’article 121, paragraphe 6, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, permettent à l’administration fiscale de procéder à un redressement au titre des revenus correspondant à des avoirs situés à l’étranger entrés dans le patrimoine des contribuables, même lorsque ces avoirs ont été acquis au cours d’une période déjà prescrite au moment où l’administration fiscale les découvre. Ce fait découle du libellé même de ces dispositions et il n’est d’ailleurs pas contesté par le gouvernement espagnol. En d’autres termes, le délai de prescription de quatre ans, qui permet à un contribuable possédant des avoirs situés en Espagne d’échapper à l’imposition du seul fait qu’une période de quatre ans a passé à compter du moment où les avoirs auraient dû être déclarés, ne s’applique pas dans le cas des avoirs visés par le formulaire 720.

75.      En pratique, pour de tels avoirs, les dispositions précitées permettent à l’administration fiscale de procéder au redressement, indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés et donc sans limitation dans le temps. Elles comportent ainsi un effet d’« imprescriptibilité », comme l’allègue, à juste titre, la Commission. J’observe à cet égard que les informations relatives au principe de l’« actio nata », fournies par le gouvernement espagnol, ne peuvent aboutir à un constat contraire. En effet, ce principe implique uniquement que l’administration fiscale, lorsqu’elle possède des indices d’un élément imposable, doit procéder à un redressement au titre de la dette fiscale éventuelle dans un délai de quatre ans. Dès lors, même si l’on applique ce principe, ce que la Commission ne semble d’ailleurs pas contester (45), l’effet d’imprescriptibilité demeure donc en ce que, aussi longtemps que l’administration fiscale respecte le délai de quatre ans, elle peut procéder au redressement, indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés (46).

76.      S’agissant, en second lieu, de la proportionnalité d’une telle règle d’« effet d’imprescriptibilité », il convient de déterminer si elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

77.      S’agissant du premier point, la Cour a déjà jugé que l’application par un État membre d’un délai de redressement prolongé dans le cas d’éléments imposables détenus ou apparus dans un autre État membre contribue à assurer l’efficacité des contrôles fiscaux et à lutter contre la fraude fiscale, en ce qu’une telle réglementation peut dissuader les contribuables détenant de tels avoirs de dissimuler au fisc ces avoirs ou les revenus qu’ils en tirent, afin de ne pas s’exposer ultérieurement à un redressement (47). En l’occurrence, il convient toutefois de noter que le délai de prescription litigieux trouve seulement à s’appliquer lorsque le formulaire 720 n’a pas été rempli dans les délais impartis. Il ne s’applique donc pas de manière générale lorsque les avoirs sont situés à l’étranger. Cela dit, je ne suis pas convaincu que cette règle ne soit pas propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit, ainsi que l’allègue la Commission. Il est vrai que les contribuables qui respectent l’obligation d’information dans les délais impartis conservent le bénéfice de la prescription au titre des éventuels revenus dissimulés pour acquérir les biens ou droits dont ils disposent à l’étranger (48). Cependant, si un contribuable veut dissimuler des revenus, il me semble peu probable qu’il souhaite, en premier lieu, respecter l’obligation d’information afin de pouvoir bénéficier de la prescription.

78.      S’agissant, ensuite, de la nécessité du délai litigieux de prescription, j’estime que la Commission a apporté la preuve qu’elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, mais uniquement par rapport à certains des biens visés par le formulaire 720, à savoir de nouveaux comptes bancaires au sens de la directive 2011/16 (ci‑après les « nouveaux comptes bancaires ») (49).

79.      Plus particulièrement, comme je l’expliquerai dans la section i), je considère qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que lorsqu’un État membre dispose, ou peut disposer, en vertu du système d’échange automatique et obligatoire, des informations suffisantes sur des avoirs détenus à l’étranger par ses contribuables afin d’établir les impôts appropriés, l’application d’un délai de prescription prolongé va au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’il poursuit. À cet égard, comme je l’exposerai dans la section ii), j’estime que la Commission a établi à suffisance de droit que, à la date du délai fixé dans l’avis motivé en 2017, date qu’il convient de prendre en compte pour l’appréciation du recours (50), l’administration fiscale espagnole disposait, ou pouvait disposer, en vertu de la directive 2011/16, des informations suffisantes sur de nouveaux comptes bancaires détenus à l’étranger par ses contribuables afin d’établir les impôts appropriés.

i)      Les principes découlant de la jurisprudence

80.      Selon moi, la Cour a rendu deux jurisprudences complémentaires et pertinentes en l’occurrence.

81.      Premièrement, la Cour s’est prononcée sur la nécessité de l’application par un État membre d’un délai de redressement prolongé en cas de suspicion de dissimulation d’avoirs imposables détenus dans un autre État membre et sur l’incidence, à cet égard, des instruments d’échange d’informations à l’échelle de l’Union (51). Il convient toutefois de relever que, comme je l’expliquerai, cette jurisprudence est, d’une part, rendue dans le contexte spécifique de l’ancienne directive 77/799/CEE concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (52), qui a précédé la directive en cause dans la présente affaire. En particulier, comme je l’expliquerai, cette ancienne directive diffère de celle en cause dans la présente affaire en ce qu’elle ne permettrait pas aux administrations fiscales des États membres d’obtenir, de manière automatique et obligatoire, des informations relatives à ses contribuables. D’autre part, la Cour s’est uniquement prononcée sur l’application d’un délai de prescription prolongé concret de douze ans, qu’elle a jugé proportionné, mais elle n’a pas tranché la question d’un délai de prescription comportant un « effet d’imprescriptibilité » comme en l’occurrence.

82.      Dans la jurisprudence concernée, la Cour a distingué deux cas de figure en déterminant si un délai de prescription prolongé va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs : le premier correspond à la situation dans laquelle des éléments imposables ont été dissimulés, les autorités fiscales ne disposant d’aucun indice permettant de déclencher une enquête, et le second concerne une situation dans laquelle lesdites autorités disposent des informations relatives à ces éléments imposables (53).

83.      La Cour a seulement reconnu, de manière générale, la nécessité d’un délai de redressement prolongé dans ce premier cas de figure. Elle a ainsi, en substance, estimé que dans une telle hypothèse, le premier État membre se trouvait, au vu de la directive 77/799, dans l’impossibilité de s’adresser aux autorités compétentes de l’autre État membre afin que ces dernières lui communiquent les renseignements nécessaires pour déterminer correctement le montant de l’impôt (54). En effet, comme la Cour l’a, en substance, observé, cette ancienne directive ne permettait pas aux administrations fiscales des États membres d’obtenir, de manière automatique et obligatoire, des données bancaires relatives à leurs contribuables (55). De ce fait, à moins que l’État membre concerné n’ait déjà disposé d’indices lui permettant de s’adresser aux autorités compétentes d’autres États membres au moyen de l’assistance mutuelle, il n’était pas en mesure d’obtenir les renseignements nécessaires pour déterminer le montant correct de l’impôt.

84.      Dans une telle situation, la Cour a reconnu la nécessité d’un délai de redressement prolongé au motif que le risque pour un contribuable que des avoirs et des revenus dissimulés aux autorités fiscales de son État membre de résidence soient dévoilés est moindre dans le cas d’avoirs et de revenus provenant d’un autre État membre que dans celui d’avoirs et de revenus nationaux (56).

85.      S’agissant du second cas de figure, la Cour a jugé que, lorsque les autorités fiscales d’un État membre disposent d’indices qui leur permettent de s’adresser aux autorités compétentes d’autres États membres au moyen de l’assistance mutuelle en vertu de la directive 77/799 afin que ces dernières leur communiquent les renseignements nécessaires pour établir le montant correct de l’impôt, ne saurait être justifiée l’application par le premier État membre d’un délai de redressement prolongé qui ne viserait pas spécifiquement à permettre à ses autorités fiscales de recourir utilement à des mécanismes d’assistance mutuelle et qui se déclencherait dès que les éléments imposables concernés se situent dans un autre État membre (57).

86.      À cet égard, il ressort, deuxièmement, de l’autre jurisprudence que, lorsque les mécanismes d’assistance mutuelle existant entre les autorités des États membres sont suffisants pour permettre à un État membre d’effectuer les contrôles nécessaires, les États membres ne sauraient tirer des difficultés éventuelles rencontrées pour réunir les informations requises ou des carences susceptibles d’intervenir dans la coopération entre leurs administrations fiscales une justification à la restriction des libertés fondamentales garanties par le traité, et ce même s’il n’est pas exclu que l’instrument de coopération susmentionné ne fonctionne pas toujours de façon satisfaisante et sans heurts dans la pratique (58). En d’autres termes, si les mécanismes d’assistance mutuelle existant entre les autorités des États membres sont suffisants pour permettre à un État membre d’effectuer les contrôles nécessaires, ce dernier doit accepter que le contrôle puisse être plus difficile à réaliser dans un autre État membre que sur son propre territoire (59).

87.      À mon sens, il en découle aussi que si l’instrument de coopération ne fonctionne pas de façon satisfaisante, de sorte qu’un État membre ne reçoit pas les informations dues, il lui appartient de se mettre en relation avec l’État membre afin de résoudre le problème et, le cas échéant, de communiquer avec la Commission (60). En revanche, un État membre ne saurait appliquer un délai de prescription prolongé afin de remédier au fait que les informations dues ne lui ont pas été fournies.

88.      Il résulte de la jurisprudence précitée que si l’administration fiscale espagnole est en mesure d’obtenir les informations nécessaires en vertu de l’échange automatique et obligatoire afin d’établir le montant correct de l’impôt, cette autorité ne saurait tirer des difficultés éventuelles rencontrées pour réunir les informations requises ou des carences susceptibles d’intervenir dans la coopération entre les administrations fiscales une justification à la restriction des libertés fondamentales garanties par le traité et, à cet égard, établir un délai de prescription prolongé.

89.      À mes yeux, la distinction établie par la Cour est fondée. En effet, lorsque la seule source d’information de l’administration fiscale sur les avoirs imposables est le contribuable lui‑même, la découverte par l’État membre concerné des avoirs dissimulés est plus difficile que dans la situation où l’administration fiscale dispose de ces informations en vertu du régime d’échange d’informations, ce qui justifie l’application d’un délai de prescription prolongé.

90.      Il résulte de ce qui précède que la nécessité du délai litigieux de prescription dans la présente affaire dépend, en premier lieu, de la question de savoir si l’échange automatique et obligatoire en vertu de la directive 2011/16 est suffisant pour permettre à l’administration fiscale espagnole d’effectuer les contrôles nécessaires pour établir le montant correct de l’impôt. Si tel est le cas, l’administration fiscale espagnole ne peut, contrairement à ce qu’elle fait valoir, se prévaloir d’éventuelles difficultés pour appliquer un délai de prescription prolongé.

ii)    L’échange automatique et obligatoire en vertu de la directive 2011/16 estil suffisant pour permettre à l’administration fiscale espagnole d’effectuer les contrôles nécessaires ?

91.      Les parties ont sur cette question des opinions divergentes. La Commission estime que la directive 2011/16 permettrait à l’administration fiscale espagnole d’obtenir les informations nécessaires afin d’établir les contrôles fiscaux appropriés relatifs aux avoirs visés par le formulaire 720, alors que le gouvernement espagnol le conteste.

92.      À mon sens, il y a lieu de distinguer trois cas de figure.

93.      Premièrement, les informations relatives aux comptes bancaires visées par le formulaire 720. Sur ce point, l’article 8, paragraphe 3 bis, sous a), de la directive 2011/16, lu en combinaison avec les annexes I et II auxquelles cette disposition se réfère, impose aux États membres, comme la Commission le relève à juste titre, l’échange automatique des informations relatives aux comptes financiers (61) pour qu’ils puissent effectuer les contrôles nécessaires et établir le montant correct de l’impôt dans des situations transfrontières (62). Ces informations doivent être déclarées par les institutions financières de chaque État membre à l’autorité compétente afin que cette dernière communique ces informations aux autres États membres.

94.      Le gouvernement espagnol a avancé deux arguments visant à démontrer pourquoi cette disposition ne permettrait toutefois pas à l’administration fiscale de disposer des informations concernées.

95.      À cet égard, il convient de rejeter l’argument tiré du principe de « l’information disponible ». Force est de constater que les informations relatives aux comptes financiers ne sont pas soumises à la condition de disponibilité des informations demandées (63). S’agissant, ensuite, de l’argument concernant les comptes préexistants, je nourris de sérieux doutes quant au fait que cela impliquerait en pratique que les États membres ne reçoivent pas les informations concernées. Or, la Commission n’a fourni aucun contre-argument sur ce point et j’estime, par conséquent, qu’elle n’a pas fourni les éléments exigés par la jurisprudence (64) permettant de vérifier l’existence d’un quelconque manquement à cet égard (65).

96.      C’est donc seulement par rapport aux nouveaux comptes bancaires que j’estime que la Commission a établi à suffisance de droit que l’administration fiscale espagnole dispose des informations nécessaires. Il s’ensuit que l’application du délai litigieux de prescription va au-delà de ce qui est nécessaire en ce qui concerne cette catégorie d’avoirs (66).

97.      En ce qui concerne, ensuite, les comptes préexistants, la durée du délai de prescription litigieux applicable aux ces avoirs ne me paraît pas disproportionnée.

98.      En effet, je rappelle que, jusqu’à présent, la Cour s’est seulement prononcée, dans l’arrêt X et Passenheim-van Schoot, sur la proportionnalité concrète d’un délai de prescription prolongé de douze ans, en cause dans cette affaire, qu’elle a jugé proportionné (67).

99.      Dans la présente affaire, la Cour est appelée à statuer sur la question de savoir si un État membre, en cas d’avoirs dissimulés à l’étranger dont il n’a pas eu connaissance, peut aussi procéder au redressement indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés et donc sans limite dans le temps. J’estime que tel est le cas. En effet, j’observe, d’une part, que les raisons invoquées par la Cour dans l’arrêt X et Passenheim-van Schoot, en admettant la nécessité pour les États membres d’appliquer un délai de prescription prolongé (68), sont également transposables en l’occurrence. D’autre part, compte tenu du degré d’harmonisation atteint jusqu’à présent dans le domaine de la fiscalité, qui est très limité, ainsi que du besoin des États membres de lutter contre la fraude fiscale, que la Cour a ainsi reconnu, je considère que ces derniers disposent d’une large marge d’appréciation dans ce domaine, y compris celle d’appliquer la règle en l’occurrence (69).

100. Deuxièmement, il y a la catégorie des avoirs visés par le formulaire 720 qui font l’objet d’échanges automatiques en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2011/16 (70). Pour cette catégorie d’avoirs, le gouvernement espagnol a raison lorsqu’il affirme que l’échange automatique est subordonné au principe de « l’information disponible » (71). En substance, ce principe implique que les États membres sont uniquement tenus de partager les informations disponibles dans leurs bases de données fiscales nationales. Aucune collecte de données autre que celle effectuée par les administrations fiscales à des fins fiscales internes n’est requise.

101. Si je reconnais que l’échange automatique pour cette catégorie d’avoirs peut donc, en principe, être limité, je nourris de sérieux doutes quant au fait que ce soit le cas en pratique pour tous les avoirs visés, comme l’allègue le gouvernement espagnol. En effet, l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2011/16 comporte cinq catégories de biens, et au moins pour ce qui est des biens immobiliers, il me semble peu probable que les États membres ne disposent pas d’informations nécessaires pour que l’État membre concerné puisse établir le montant correct de l’impôt (72).

102. Cela étant, la Commission n’a pas répondu à ces allégations du gouvernement espagnol et, selon moi, elle n’a donc pas fourni d’arguments permettant à la Cour, de manière certaine, de les rejeter (73). Il s’ensuit que la Commission n’a pas apporté la preuve nécessaire que l’administration fiscale espagnole est en mesure d’effectuer les contrôles nécessaires en ce qui concerne cette catégorie de biens. En outre, pour les motifs exposés ci‑dessus aux points 97 à 99, je considère que, pour cette catégorie d’avoirs, le délai de prescription litigieux ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire.

103. Troisièmement, s’agissant des informations qui ne sont pas visées par la directive 2011/16 (74), l’administration fiscale espagnole n’obtient, pour cette catégorie d’avoirs, aucune information de manière systématique et automatique en vertu de ladite directive. Pour les motifs exposés ci‑dessus aux points 97 à 99, je considère que, pour cette catégorie d’avoirs, le délai de prescription litigieux ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire.

104. Pour conclure, j’estime que c’est seulement au regard de la catégorie des informations relatives aux nouveaux comptes bancaires que la Commission a apporté la preuve du caractère disproportionné du délai de prescription. Je propose donc à la Cour d’accueillir le premier grief dans la mesure où le gouvernement espagnol a prévu le délai de prescription litigieux pour cette catégorie d’avoirs.

2)      Sur l’existence d’une présomption irréfragable de fraude fiscale (premier volet)

105. S’agissant de l’existence d’une présomption irréfragable de fraude fiscale, j’estime qu’il convient de rejeter les arguments avancés par la Commission.

106. Il est vrai que l’institution de présomption de fraude fiscale ne saurait être fondée sur la seule circonstance que la situation d’un contribuable comporte un élément d’extranéité (75). Par ailleurs, un dispositif qui présume l’existence d’un comportement frauduleux au seul motif que les conditions qu’il prévoit sont remplies, sans accorder aucune possibilité au contribuable de renverser cette présomption va, en principe, au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis (76).

107. Cela dit, la Commission n’a toutefois pas apporté la preuve qu’il s’agirait, en l’espèce, d’une présomption irréfragable de fraude fiscale.

108. Premièrement, force est de constater que l’impossibilité de se prévaloir d’un délai de prescription n’a pas de pertinence quant à la possibilité de renverser une présomption de fraude (77). Deuxièmement, et au-delà de la question de la prescription, il reste à déterminer si le contribuable peut néanmoins échapper à l’application de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’article 121, paragraphe 6, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés et donc faire échec à l’inclusion dans l’assiette de l’impôt de sommes correspondant à la valeur des biens ou droits situés à l’étranger, dans le cas où ces sommes ont bien été soumises à l’impôt mais où le contribuable n’est pas ou n’est plus en mesure de prouver qu’elles ont été déclarées. À ce sujet, les points contestés entre les parties se rattachent, en substance, à la portée de la réglementation en cause, tant au niveau réglementaire qu’au niveau de sa mise en œuvre (78).

109. À cet égard, je rappelle que, s’agissant en particulier de la mise en œuvre d’une disposition nationale, la démonstration d’un manquement d’État nécessite la production d’éléments de preuve d’une nature particulière par rapport à ceux habituellement pris en compte dans le cadre d’un recours en manquement visant uniquement le contenu d’une disposition nationale. Dans ces conditions, le manquement ne peut être établi que grâce à une démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée à l’administration et/ou aux juridictions nationales et imputable à l’État membre concerné (79).

110. Concernant la portée de la réglementation en cause, j’estime que le gouvernement espagnol a expliqué de manière convaincante, en renvoyant à plusieurs dispositions relatives à la charge de la preuve ainsi qu’à un arrêt portant sur ce sujet, que la charge de la preuve incombe à l’administration fiscale, de sorte que si le contribuable ne conserve pas les documents prouvant la déclaration fiscale des revenus avec lesquels ses avoirs ont été acquis, il n’en découle pas automatiquement qu’il est en possession de gains patrimoniaux non justifiés au sens de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (80). La Commission n’a pas fourni de preuves permettant d’écarter cette explication. En particulier, le libellé de cette disposition ne s’oppose pas, en soi, à l’interprétation retenue par le gouvernement espagnol. En ce qui concerne, ensuite, la pratique de l’administration fiscale, force est de constater que la mention par la Commission « d’exemples d’application concrète », sans plus de précision, ne satisfait pas au critère de démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée.

111. Il en résulte que la Commission n’a pas apporté la preuve nécessaire afin de prouver l’existence d’une présomption irréfragable de fraude.

112. Pour conclure, je propose à la Cour d’accueillir partiellement le premier grief en ce que, dans la mesure où, en cas d’inexécution, ou d’exécution tardive, de l’obligation d’information relative aux nouveaux comptes bancaires, l’administration fiscale peut procéder à un redressement au titre de la dette fiscale qui en résulte indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 63 TFUE et de l’article 40 de l’accord EEE.

2.      Sur l’amendeproportionnelle de 150 % (deuxième grief)

113. Par son deuxième grief, la Commission fait valoir que constitue une restriction disproportionnée le fait d’« [infliger] automatiquement une amende proportionnelle de 150 % en cas d’inexécution de l’obligation d’information relative aux biens et droits situés à l’étranger ou de présentation tardive du formulaire 720 ».

a)      La réglementation en cause

114. Ce grief porte sur la règle contenue aux deux dispositions additionnelles de la loi nº 7/2012. Ces dispositions sanctionnent l’infraction fiscale qui résulte de l’application de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et la règle similaire contenue à l’article 121, paragraphe 6, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés. À cet égard, la première disposition additionnelle de la loi nº 7/2012 prévoit que l’application de ces dispositions « détermine l’infraction fiscale », qui sera considérée comme « très grave », et sera punie d’une amende de 150 %. L’amende sera calculée sur la base du montant de l’impôt applicable à la valeur des biens et droits concernés.

b)      Arguments des parties

1)      Arguments de la Commission

115. Selon la Commission, l’amende proportionnelle de 150 % serait disproportionnée tant en raison de sa sévérité que de son caractère automatique et non modulable.

116. S’agissant de la sévérité de l’amende, le taux de 150 % serait nettement supérieur aux taux des sanctions progressives applicables en cas de déclaration fiscale tardive, car le niveau de ces dernières serait de 5 %, 10 %, 15 % et 20 %, selon que le retard serait de, respectivement, 3, 6, 12 mois ou plus (81). Ces taux plus faibles devraient être comparés au taux de l’amende proportionnelle de 150 % étant donné que, dans les deux cas, il s’agit de réponses à la présentation hors délai d’une déclaration concernant des revenus imposables. Cela étant, les majorations les moins élevées seraient associées à une déclaration fiscale directement liée à l’obligation de paiement, alors que la sanction la plus lourde de 150 % serait associée à la déclaration d’information du formulaire 720, laquelle constituerait une simple obligation formelle de communiquer des informations qui, en règle générale, n’implique pas d’imposition.

117. En ce qui concerne le caractère automatique et non modulable de l’amende, la Commission indique, en premier lieu, que l’amende de 150 % ne ferait l’objet d’aucune possibilité de modulation, ce taux s’appliquant quels que soient le niveau des informations accessibles aux autorités fiscales nationales (82), la date d’acquisition des avoirs en cause (avant ou pendant une période prescrite) et le comportement du contribuable qui, loin d’avoir dans tous les cas omis de déférer à l’obligation d’information, pourrait l’avoir seulement fait avec du retard.

118. En ce qui concerne la possibilité de régularisation offerte par le rescrit du 6 juin 2017 invoquée par le gouvernement espagnol, la Commission observe que, en vertu de ce rescrit, un contribuable qui n’a pas respecté l’obligation déclarative a la possibilité de régulariser sa situation dans le cadre d’une autoliquidation effectuée hors délai au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et accompagnée du paiement de l’impôt correspondant. Dans ce cas, au lieu de l’amende de 150 %, une surtaxe de 20 % serait appliquée. Or, ce rescrit ne pourrait être pris en compte, car, d’une part, il n’aurait pas force de loi et aucun élément dans la loi nº 7/2012, qui constitue le cadre juridique de l’obligation relative au formulaire 720, ne permettrait de conclure que cette possibilité existe. D’autre part, la date de publication du rescrit serait postérieure à l’avis motivé de la Commission, ce qui s’opposerait à sa prise en compte. Quant à la pratique de l’administration fiscale avant la publication de ce rescrit, la possibilité de remplacer l’amende de 150 % par une surtaxe de 20 % ne semblerait pas avoir été appliquée par l’administration fiscale de manière uniforme, mais plutôt au cas par cas. Il ressortirait des informations dont dispose la Commission qu’avant la publication du rescrit, il pouvait arriver, dans certains cas où le formulaire 720 était présenté hors délai, que l’amende de 150 % soit appliquée au détenteur des biens et droits à l’étranger au seul motif qu’il n’était pas en mesure de justifier qu’il s’était dûment acquitté, en temps utile, de l’impôt sur les revenus correspondants.

119. En deuxième lieu, tout comme pour la qualification des avoirs situés à l’étranger en tant que gains patrimoniaux non justifiés, l’administration fiscale n’effectuerait aucune enquête particulière en cas d’inexécution de l’obligation déclarative lorsque le détenteur des biens ne peut pas prouver que les avoirs correspondent à des revenus déclarés et imposables, ce qui aboutirait à une présomption irréfragable de fraude fiscale.

120. En troisième lieu, la Commission estime qu’il serait aussi disproportionné que l’amende de 150 %, l’imposition des revenus en cause ainsi que des amendes forfaitaires soient appliquées simultanément, sans tenir compte de la dette fiscale globale qui en résulterait. Des hypothèses peuvent notamment se présenter, dans lesquelles la dette fiscale globale excède la valeur des biens et droits imposables. La Commission renvoie aux « cas portés à [sa] connaissance », et mentionne deux exemples d’application simultanée des sanctions.

2)      Arguments du gouvernement espagnol

121. Le gouvernement espagnol, quant à lui, observe d’emblée que la proportionnalité de sanctions, qu’il s’agisse de l’amende proportionnelle de 150 % ou des amendes forfaitaires, relèverait de la seule appréciation des juridictions nationales dès lors qu’elles ne font pas l’objet d’une harmonisation au niveau européen.

122. Cela dit, il estime que, s’agissant, en premier lieu, de la sévérité de l’amende, celle de 150 % et les majorations plus faibles invoquées par la Commission ne seraient, tout d’abord, pas comparables. Seule la première aurait le caractère d’une sanction, destinée à réprimer le comportement du contribuable qui se bornerait à se conformer à l’obligation d’information sans régulariser l’impôt correspondant, alors que les secondes auraient pour seules finalités d’inciter les contribuables à respecter les délais impartis et d’indemniser l’État du préjudice subi du fait du paiement tardif de l’impôt.

123. Ensuite, la circonstance que le rescrit du 6 juin 2017 est postérieur à l’avis motivé ne devrait pas faire obstacle à ce que l’interprétation qu’il contient soit prise en compte. En effet, d’une part, les rescrits se limiteraient à interpréter les dispositions et il ne leur serait pas possible de les modifier ou de les rectifier. Par conséquent, aucune nouvelle disposition applicable ne résulterait du rescrit fiscal et les effets favorables au contribuable rétroagissent jusqu’à l’entrée en vigueur de la disposition. Par ailleurs, il ne serait pas correct de considérer que la possibilité de régularisation ne figure pas dans la loi. En effet, cette possibilité et ses effets seraient reconnus à titre général à l’article 27 et à l’article 179, paragraphe 3, de la LFG. Il ressortirait de cette réglementation, qui serait celle considérée dans le rescrit, qu’il serait possible de présenter des régularisations tardives volontaires sans sanction pour défaut de paiement, sans préjudice d’éventuelles surtaxes. Cette réglementation serait applicable à toutes les déclarations fiscales, y compris la régularisation des biens situés à l’étranger, et elle était déjà en vigueur lors de l’adoption de la loi no 7/2012. La possibilité de régularisation aurait donc existé avant la publication du rescrit. S’agissant, d’autre part, des allégations de la Commission concernant la pratique avant la publication du rescrit, celle-ci se bornerait à avancer que la possibilité de régularisation ne saurait être appliquée de manière uniforme sans fournir aucune preuve concrète à cet égard.

124. Par ailleurs, les exigences découlant du principe de proportionnalité prévu en droit espagnol (83) permettraient aussi à l’administration de moduler les sanctions pour assurer qu’elles correspondent aux infractions fiscales auxquelles elles sont appliquées.

125. En outre, l’amende proportionnelle de 150 % ne sanctionnerait pas la méconnaissance d’une simple obligation déclarative, mais la dissimulation de revenus et le défaut réitéré du paiement de l’impôt dû, en d’autres termes, des actes d’évasion fiscale. Cette amende visant à sanctionner le comportement du contribuable, il serait exclu de faire varier son taux en fonction du niveau des informations pouvant être fournies par des tiers à l’administration fiscale.

126. En deuxième lieu, le gouvernement espagnol conteste le caractère automatique de l’amende. D’une part, il rappelle que pour qu’elle puisse être infligée, les éléments constitutifs de l’infraction qu’elle sanctionne doivent obligatoirement être réunis, la charge de la preuve pesant à cet égard sur l’administration (84). D’autre part, selon lui, l’administration fiscale doit aussi prouver la culpabilité du contribuable, ce qui ressort notamment des articles 178, 179 et de l’article 183, paragraphe 1, de la LFG. D’après lui, dans le système fiscal et administratif espagnol, les sanctions ne peuvent pas être imposées de manière automatique et il ne peut notamment y avoir de sanction que si la culpabilité a été suffisamment justifiée et motivée, la charge de la preuve des faits et de la culpabilité incombant entièrement et exclusivement à l’administration en vertu du principe de la présomption d’innocence. Depuis la création du formulaire 720, parmi les cas de présentation de déclaration hors délai, seuls 7,6 % auraient donné lieu à l’imposition d’une sanction fiscale.

127. Il serait donc indispensable que la culpabilité fasse l’objet d’une motivation spécifique et qu’elle soit prouvée moyennant des éléments de fait suffisamment clairs et détaillés intégrant le raisonnement ayant permis de conclure à son existence. À titre d’illustration, le gouvernement espagnol renvoie à une décision juridictionnelle (85) qui annule la sanction prononcée dans la mesure où il a été considéré que la motivation de la culpabilité figurant dans la décision d’imposer une sanction n’est pas suffisante. Il fait aussi état d’éléments chiffrés tendant en substance à démontrer que l’infliction de cette amende serait toujours sujette à appréciation : sur 781 procédures de contrôle, seules 296 ont donné lieu à des procédures de sanction et, parmi celles‑ci, 108 (86) auraient donné lieu à l’application de l’amende proportionnelle de 150 % par l’administration fiscale. La réglementation ne comporterait donc aucune présomption de fraude fiscale.

128. En troisième lieu, pour justifier la proportionnalité de l’amende, le gouvernement espagnol fait valoir, d’une part, qu’elle ne peut être comparée qu’à d’autres amendes sanctionnant la dissimulation réitérée et systématique de biens, qui prévoient des sanctions comprises entre 100 % et 150 % (87). La sanction de 150 % serait donc comprise dans les limites prévues de manière générale dans la LFG pour les hypothèses aggravées d’absence de paiement de la dette fiscale. Par ailleurs, de manière générale, dans des cas plus graves tels que les cas de délits contre le fisc, la sanction pourrait même atteindre 600 % du montant qui n’a pas été versé (88). D’autre part, son taux de 150 % pourrait être réduit en cas de consentement (30 %) ou de paiement rapide (25 %), et la sanction pourrait donc être réduite jusqu’à 78,75 %.

129. Par ailleurs, l’allégation de la Commission relative à une (prétendue) « application simultanée » de l’infraction formelle pour non-présentation du formulaire 720 et de l’infraction matérielle pour la régularisation d’un gain patrimonial injustifié, serait erronée. En effet, si l’administration fiscale prouvait que le comportement du contribuable est fautif, il conviendrait d’infliger la sanction matérielle, l’infraction formelle étant absorbée par elle en vertu de l’article 180, paragraphe 1, de la LFG (89). Selon le gouvernement espagnol, le lien très étroit entre la régularisation du gain patrimonial non justifié et la non-présentation du formulaire 720 implique qu’ils ne peuvent pas être considérés séparément, mais comme une unité aux fins de l’infraction, du fait du concours d’instruments.

c)      Appréciation

130. D’emblée, je précise que, contrairement à ce qu’allègue le gouvernement espagnol, force est de constater que la Cour est compétente pour apprécier les griefs de la Commission relatifs à la proportionnalité des sanctions (90).

131. À l’appui de son deuxième grief, la Commission a avancé plusieurs arguments différents visant, chacun, à démontrer le caractère disproportionné de l’amende de 150 %. Alors que j’estime qu’il convient de rejeter la plupart de ces arguments (section 1), je considère que, au vu du résultat que je propose d’apporter au premier grief de la Commission, il y a lieu d’accueillir l’argument tiré du caractère disproportionné du délai de prescription (section 2).

1)      Les arguments avancés par la Commission autres que celui tiré du caractère disproportionné du délai de prescription

132. Les arguments avancés par la Commission sur ce point sont, dans une large mesure, tirés de la nature et de la portée de l’amende, lesquelles sont toutefois contestées par le gouvernement espagnol. Afin d’apprécier ces arguments [section ii)], il convient donc, en premier lieu, de déterminer ces deux points [section i)].

i)       Sur la nature et la portée de l’amende

133. Tout d’abord, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il m’apparaît clairement que l’amende de 150 % ne sanctionne pas l’inexécution d’une simple obligation formelle, mais l’inexécution d’une obligation matérielle. En effet, comme le fait observer le gouvernement espagnol, ce que ne conteste par ailleurs pas la Commission, infliger cette amende présuppose l’application de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et la règle contenue à l’article 121, paragraphe 6, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés, ce qui signifie que le contribuable possède des avoirs à l’étranger pour lesquels il ne s’est pas acquitté de l’impôt qu’il aurait dû payer. À cet égard, je souligne que, comme prévu par le libellé même de la première disposition additionnelle de la loi no 7/2012, l’amende de 150 % est calculée sur la base du montant de l’impôt dû, et elle est donc directement liée à l’obligation matérielle de paiement de l’impôt. Par ailleurs, l’inexécution de l’obligation formelle du formulaire 720 est sanctionnée par d’autres moyens, à savoir les amendes forfaitaires qui font l’objet du troisième grief de la Commission (91).

134. J’estime en outre que les arguments avancés par la Commission ne permettent pas d’écarter l’explication du gouvernement espagnol selon laquelle l’administration fiscale, afin d’appliquer l’amende, doit également prouver la culpabilité du contribuable. Notamment, le fait que les deux dispositions additionnelles de la loi no 7/2012 ne contiennent pas elles‑mêmes une règle expresse de culpabilité n’implique aucunement qu’une telle règle n’est pas applicable, dès lors qu’elle est prévue de manière claire dans la réglementation, comme le démontre le gouvernement espagnol. La Commission n’a donc pas apporté la preuve requise que l’amende serait infligée de manière automatique en cas d’inexécution des obligations liées au formulaire 720. Il en résulte aussi que la Commission n’a pas apporté la preuve que le comportement du contribuable ne serait pas pris en compte aux fins de l’application de l’amende, ni qu’il s’agirait d’une présomption irréfragable de fraude fiscale.

135. Enfin, s’agissant du caractère allégué non modulable de l’amende, les points contestés entre les parties concernent, en premier lieu, la possibilité de régulariser la dette, telle que décrite par le rescrit du 6 juin 2017 et, en second lieu, la question du cumul des sanctions (92).

136. S’agissant du premier point, je remarque que, aux termes de son libellé, la première disposition additionnelle de la loi no 7/2012 prévoit, de manière fixe, une amende de 150 %. Or, le gouvernement espagnol a expliqué que, nonobstant ce libellé, la possibilité d’autoliquidation est prévue, de manière générale, à l’article 27 et à l’article 179, paragraphe 3, de la LFG, qui s’appliqueraient aussi au titre du formulaire 720 dès son entrée en vigueur. Au vu de ces dispositions, qui ont force de loi, il ne me semble pas pertinent que le rescrit soit entré en vigueur après le délai fixé dans l’avis motivé (93). À mes yeux, la Commission n’a pas apporté d’autres éléments de preuve permettant d’écarter cette explication. En particulier, le fait que, selon les informations fournies par la Commission, « il pouvait arriver, dans certains cas » que l’amende de 150 % soit appliquée au détenteur des biens et droits à l’étranger au seul motif qu’il n’était pas en mesure de justifier du fait qu’il s’était dûment acquitté, en temps utile, de l’impôt sur les revenus correspondants, ne suffit pas pour apporter la preuve exigée par la jurisprudence précitée (94).

137. Quant à la question du cumul des sanctions, j’estime, de manière similaire, que la Commission n’a pas apporté la preuve permettant d’écarter les explications du gouvernement espagnol selon lesquelles il découlerait de l’article 108 de la LFG que l’infraction formelle serait absorbée par l’infraction matérielle.

ii)    Sur le caractère proportionné de l’amende

138. La portée et la nature de l’amende étant ainsi précisées, il s’ensuit que la Commission n’a pas apporté la preuve qu’une amende de 150 % serait infligée de manière automatique et non modulable. Cela étant dit, il reste des situations dans lesquelles une amende de 150 % sera infligée au motif que le contribuable s’est rendu coupable de dissimulation d’avoirs. Toutefois, une amende d’une telle importance ne m’apparaît pas disproportionnée.

139. En effet, d’une part, dès lors que l’amende de 150 % est infligée afin de sanctionner la dissimulation systématique des avoirs, elle ne peut pas être comparée aux majorations plus faibles invoquées par la Commission, appliquées en cas de paiement tardif. En revanche, et à l’instar du gouvernement espagnol, je pense qu’il est plus adéquat de comparer l’amende de 150 % à celles prévues par les dispositions du droit espagnol qui sanctionnent la dissimulation réitérée et systématique de biens dans des situations internes, lesquelles prévoient, selon lui, des amendes allant jusqu’à 150 %. La Commission n’ayant fourni aucun argument permettant de rejeter cette comparaison, elle n’a pas apporté la preuve que la sanction infligée en cas d’avoirs dissimulés à l’étranger est plus sévère que celles appliquées dans des cas internes.

140. D’autre part, les autres arguments avancés par la Commission ne me convainquent pas. Notamment, le fait que, en appliquant l’amende de 150 %, les informations dont dispose l’administration fiscale ne sont pas prises en compte ne m’apparaît pas, en soi, disproportionné. En effet, l’amende sanctionne le comportement du contribuable, à savoir la dissimulation systématique des avoirs et à cet égard, elle est, comme expliqué précédemment, calculée sur la seule base du montant de l’impôt dû. Dans le même sens, le fait que l’amende serait infligée en même temps que le recouvrement de l’impôt ne me paraît pas non plus disproportionné, dès lors qu’il s’agit de deux montants de nature différente. Seule l’amende est une sanction, laquelle sera précisément calculée sur la base du montant de l’impôt dû.

2)      L’argument tiré de l’absence totale de prescription

141. L’un des arguments de la Commission visant à démontrer le caractère automatique de l’amende est tiré du fait que l’amende s’applique indifféremment à tous les biens et droits non déclarés, sans qu’il soit tenu compte de la date d’acquisition des avoirs. Je comprends cet argument en ce sens qu’il est un corollairede l’argument avancé par la Commission au titre de son premier grief, en ce que, dans la mesure où elle estime que le recouvrement d’impôts serait disproportionné au motif de l’absence totale de prescription, l’amende qui est infligée afin de sanctionner l’absence de paiement d’impôt le serait également.

142. Sur ce point particulier, je partage le raisonnement de la Commission. Ainsi, dans la mesure où j’estime disproportionné le fait que, en cas d’inexécution de l’obligation d’information relative aux nouveaux comptes bancaires, l’administration fiscale peut procéder à un redressement au titre de la dette fiscale qui en résulte indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés, je considère également, par voie de conséquence, que l’application de l’amende dans cette situation est disproportionnée.

143. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour d’accueillir partiellement le deuxième grief en ce que, dans la mesure où, en infligeant une amende proportionnelle de 150 % en cas d’inexécution de l’obligation d’information relative aux nouveaux comptes bancaires indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 63 TFUE et de l’article 40 de l’accord EEE.

3.      Sur les amendes forfaitaires (troisième grief)

144. Par son troisième grief, la Commission fait valoir que constitue une restriction disproportionnée le fait d’« [infliger], en cas d’inexécution de l’obligation d’information relative aux biens et droits à l’étranger ou de présentation tardive du formulaire 720, des amendes forfaitaires d’un taux supérieur à celui des sanctions prévues par le régime général de sanction pour des infractions similaires. »

a)      La réglementation en cause

145. Ce grief porte sur les amendes forfaitaires prévues par la dix‑huitième disposition additionnelle, paragraphe 2, de la LFG. Cet article prévoit un régime d’infractions et de sanctions relatives à l’inexécution des obligations liées au formulaire 720. En vertu de cette disposition, sont considérées comme des infractions fiscales « très graves » la déclaration hors délai des informations prévue par le formulaire 720 et l’inclusion d’informations incomplètes, inexactes ou fausses. Les sanctions prévues sont plus sévères, premièrement, dans le cas d’informations incomplètes, inexactes ou fausses et, deuxièmement, dans le cas où une information n’a pas du tout été déclarée, que, troisièmement, dans le cas d’une déclaration hors délai. Ainsi, pour ces deux premières catégories, une amende forfaitaire de 5 000 euros s’applique pour chaque donnée ou ensemble de données se rapportant à un même compte/bien, immeuble/etc., avec une amende minimum de 10 000 euros. En cas de déclaration hors délai sans requête préalable de l’administration fiscale, une amende de 100 euros est prévue pour chaque donnée ou ensemble de données se rapportant à un même compte/bien, immeuble/etc., avec une amende minimum de 1 500 euros.

b)      Arguments des parties

1)      Arguments de la Commission

146. Selon la Commission, bien qu’il soit admis que la détention d’avoirs en dehors du territoire national puisse nécessiter l’application d’amendes spécifiques en raison de l’inexécution de l’obligation d’information correspondante, il faudrait à tout le moins que les informations relatives aux avoirs détenus à l’étranger dont dispose l’administration fiscale soient prises en considération. Or, les seuls critères utilisés pour déterminer le montant des amendes forfaitaires sont le nombre de données ou de groupes de données relatives aux avoirs en cause.

147. En tout état de cause, une comparaison entre les situations internes et les cas dans lesquels les amendes forfaitaires ont été appliquées dans le cadre des dispositions relatives au formulaire 720 montrerait le caractère disproportionné des amendes concernées. Il ressortirait de cette comparaison que les amendes forfaitaires spécifiques au formulaire 720 sont 15, 50 ou 66 fois plus élevées que celles appliquées dans des situations internes.

148. Plus particulièrement, la Commission observe que l’obligation fiscale de présenter le formulaire 720 a un caractère informatif et doit être qualifiée d’obligation formelle, étant donné que sa présentation ne permet pas de déterminer ni de liquider la moindre dette fiscale, ce qui permet de conclure que le défaut de présentation de ce formulaire ne cause pas de préjudice économique direct au fisc. Cette obligation prendrait également la forme d’une obligation à caractère général (ne découlant pas d’une demande individuelle) qui s’adresse au contribuable tenu de présenter le formulaire (et non à un tiers). Afin de déterminer le régime parallèle des sanctions appliquées dans des situations internes (95), il y aurait lieu de tenir compte des quatre cas de figure suivants.

i)      Non-présentation de la déclaration

149. Pour comparer les sanctions infligées en cas de non‑respect de cette obligation avec celles qui seraient infligées pour une infraction similaire au niveau interne, il conviendrait de prendre en considération le comportement visé à l’article 198, paragraphe 1, premier à troisième alinéas, de la LFG. Cette disposition, qui qualifierait d’infraction mineure la non‑présentation d’une déclaration fiscale dans le délai prescrit, serait punie d’une amende forfaitaire de 200 euros. Le formulaire 720 (dix‑huitième disposition additionnelle, paragraphe 2, de la LFG) prévoirait dans ce cas une amende de 5 000 euros par donnée, l’amende minimum étant fixée à 10 000 euros, et ce montant minimum serait 50 fois plus élevé que celui prévu pour l’infraction visée à l’article 198, paragraphe 1, de la LFG.

ii)    Présentation tardive de la déclaration, sans demande préalable des autorités fiscales

150. Dans le cas où le formulaire 720 serait présenté après l’expiration du délai fixé par la loi, mais avant que l’administration fiscale ne demande au contribuable de le faire, il s’agirait d’une présentation spontanée de la déclaration mais hors délai. Là encore, le fisc ne subirait aucun préjudice économique direct. L’infraction similaire au niveau interne serait définie à l’article 198, paragraphe 2, de la LFG. Conformément à ladite disposition, si la déclaration est présentée hors délai sans demande préalable de l’administration fiscale, la sanction et les limites minimales et maximales seraient égales à la moitié de celles prévues à l’article 198, paragraphe 1, de la LFG, à savoir une amende forfaitaire de 100 euros. La dix‑huitième disposition additionnelle, paragraphe 2, de la LFG, prévoyant une sanction consistant en une amende de 100 euros par donnée, avec un montant minimal de 1 500 euros, le montant minimal serait 15 fois plus élevé que celui de la sanction prévue à l’article 198, paragraphe 2, de la LFG.

iii) Présentation de la déclaration contenant des informations incomplètes, inexactes ou erronées, mais corrigée spontanément, hors délai, sans demande préalable des autorités fiscales

151. Ce cas de figure concerne la présentation de la déclaration dans les délais, mais de manière incomplète, inexacte ou avec des informations erronées. Toutefois, dans ce cas, le contribuable corrigerait ces informations avant que l’administration fiscale ne le demande (correction spontanée mais hors délai). L’article 198, paragraphe 2, de la LFG s’appliquerait aussi par analogie au présent cas de figure, étant donné que celui‑ci peut être assimilé au cas de présentation hors délai d’une déclaration correcte. L’amende s’élèverait alors dans ce cas au montant forfaitaire de 100 euros. De même, en cas de présentation du formulaire 720, le paragraphe 2 de la dix‑huitième disposition additionnelle de la LFG prévoit une amende de 100 euros par donnée, avec un minimum de 1 500 euros, et il s’agirait donc d’une sanction d’un montant 15 fois supérieur à celui de la sanction prévue à l’article 198, paragraphe 2, de la LFG.

iv)    Présentation du formulaire 720 incluant des informations incomplètes, inexactes ou erronées

152. S’agissant de la présentation de la déclaration dans les délais mais avec des informations incomplètes, inexactes ou erronées, sans que le contribuable les corrige, l’infraction similaire au niveau interne serait celle prévue à l’article 199, paragraphe 1, de la LFG. Cette disposition qualifierait d’infraction la présentation d’une déclaration avec des informations incomplètes, inexactes ou erronées, et l’amende prévue à cet article s’élèverait à un montant forfaitaire de 150 euros. Au titre des règles régissant le formulaire 720, l’amende s’élève à 5 000 euros par donnée, avec un minimum de 10 000 euros, et le montant de cette sanction serait donc au moins 66,66 fois supérieur à celui de la sanction infligée en vertu de l’article 199, paragraphe 2, de la LFG.

2)      Arguments du gouvernement espagnol

153. Le gouvernement espagnol, quant à lui, fait valoir que les sanctions utilisées par la Commission pour sa comparaison ne sont pas adéquates car il ne s’agit pas d’hypothèses comparables. À cet égard, il souligne trois caractéristiques principales de l’infraction résultant de l’inexécution des obligations liées au formulaire 720. Tout d’abord, le formulaire 720 constituerait une déclaration fiscale à caractère informatif. Ensuite, il correspondrait à une déclaration de données à caractère monétaire. Enfin, il concernerait une déclaration présentée par le contribuable concerné par les informations en cause.

154. La comparaison la plus adéquate serait la déclaration des opérations liées, dans la mesure où les trois caractéristiques précédentes seraient réunies pour les deux amendes : il s’agirait d’obligations d’information, elles porteraient sur des valeurs monétaires et ce seraient des déclarations présentées par le contribuable lui‑même et non par un tiers.

155. En ce qui concerne les opérations liées, ce gouvernement souligne que le contribuable doit consigner et conserver certaines informations relatives aux opérations qu’il réalise avec des personnes et des entités liées. En cas d’inexécution de cette obligation, l’article 18, paragraphe 13, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés prévoit l’existence d’une infraction fiscale en cas de non-fourniture de ces informations ou de leur fourniture incomplète, inexacte ou comportant de fausses informations concernant ces opérations liées. Cet article 18, paragraphe 13, prévoit, à son point 1, la sanction applicable dans l’hypothèse où il n’est pas nécessaire de procéder à des corrections de l’évaluation, c’est‑à‑dire lorsque aucun dommage économique n’est causé au fisc dans la mesure où le montant de l’impôt n’est pas affecté, et le point 2 de cette disposition réglemente la sanction applicable lorsqu’il y a lieu de procéder à des corrections de l’évaluation. Par conséquent, tout comme la réglementation du formulaire 720, l’article 18, paragraphe 13, point 1, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés consacre une infraction relative à une obligation d’information – ne causant pas de dommage économique – qui est de nature monétaire et qui pèse sur le contribuable concerné par l’information en cause. Pour ce type d’infraction, les sanctions consistent en une amende forfaitaire de 1 000 euros pour chaque donnée et de 10 000 euros par ensemble de données, omis(es), inexact(es) ou faux(sses).

156. Enfin, selon le gouvernement espagnol, le niveau d’informations provenant de tiers dont dispose l’administration ne devrait pas être pris en compte, les amendes forfaitaires sanctionnant le seul comportement du contribuable.

c)      Appréciation

157. S’agissant de la nature des amendes forfaitaires, j’observe que les parties s’accordent sur le fait que l’obligation de présenter le formulaire 720 constitue une obligation formelle, dont la non‑exécution ne cause aucun préjudice économique direct au fisc, et qui prend la forme d’une obligation à caractère général qui s’adresse directement au contribuable.

158. Cela étant précisé, les amendes forfaitaires me paraissent disproportionnées pour les motifs invoqués par la Commission.

159. En effet, en ce qui concerne la question de savoir si les amendes forfaitaires infligées en cas d’inexécution des obligations liées au formulaire 720 doivent être comparées avec celles prévues par les articles 198 et 199 de la LFG ou avec celles des opérations liées, je partage le point de vue de la Commission. En effet, les opérations liées constituent des opérations spécifiques, et n’ont donc pas de caractère général. En outre, j’observe que la dix-huitième disposition additionnelle, paragraphe 2, de la LFG, fait une référence directe aux articles 198 et 199 de la LFG, en ce qu’elle prévoit que les amendes forfaitaires ne se cumulent pas avec celles prévues par ces dispositions. Cette référence me conduit à penser que, en l’absence de sanctions spécifiques prévues à la dix‑huitième disposition additionnelle, paragraphe 2, de la LFG, les sanctions prévues aux articles 198 et 199 de la LFG seraient applicables.

160. À cet égard, je constate que, comme la Commission le fait observer aux points 147 à 152 des présentes conclusions, ce qui n’est pas contesté par le gouvernement espagnol, les amendes infligées en cas d’inexécution des obligations liées au formulaire 720 sont 15, 50 et 66 fois plus élevées que celles appliquées dans des situations internes. Si les États membres disposent d’une marge d’appréciation afin d’établir les sanctions appropriées (96), j’estime toutefois que les amendes litigieuses sont tellement élevées qu’elles paraissent disproportionnées,sans qu’il soit nécessaire de faire ici la distinction entre les différentes catégories de biens. Ainsi, s’il m’apparaît clairement que les amendes infligées pour la catégorie des nouveaux comptes bancaires sont disproportionnées dès lors que l’administration fiscale espagnole dispose déjà de telles informations (97), j’estime qu’il y a lieu, eu égard aux amendes très élevées et au fait que les amendes ne sanctionnent que l’inexécution d’une obligation formelle, de tirer la même conclusion pour les autres catégories d’avoirs.

161. Enfin, j’observe que le fait que ces amendes peuvent, selon les informations du gouvernement espagnol, être réduites en vertu du principe de proportionnalité ne peut aboutir à un résultat contraire. Force est de constater qu’une faculté relevant du pouvoir discrétionnaire de l’administration ne suffit pas à faire disparaître le manquement qui résulte de la dix‑huitième disposition additionnelle, paragraphe 2, de la LFG (98).

162. Il résulte de ce qui précède qu’il convient d’accueillir le troisième moyen dans son intégralité.

F.      Sur les dépens

163. En vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, lorsque les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens, à moins que, au vu des circonstances de l’espèce, la Cour estime qu’il est justifié qu’une partie supporte, outre ses propres dépens, une fraction des dépens de l’autre partie.

164. En l’occurrence, la Commission a conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne aux dépens. Le Royaume d’Espagne ayant succombé dans le cadre du troisième grief et partiellement dans le cadre des premier et deuxième griefs de la Commission, j’estime qu’il convient de condamner le Royaume d’Espagne à la moitié des dépens exposés par la Commission.

V.      Conclusion

165. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

1)      Le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 63 TFUE et de l’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen en :

–        établissant que l’inexécution de l’obligation d’information relative aux nouveaux comptes bancaires à l’étranger ou la présentation tardive du formulaire 720 entraîne la qualification de ces avoirs en tant que gains patrimoniaux non justifiés indépendamment de la date d’acquisition des avoirs concernés ;

–        infligeant une amende proportionnelle de 150 % en cas d’inexécution de l’obligation d’information relative aux nouveaux comptes bancaires à l’étranger ou de présentation tardive du formulaire 720 indépendamment de la date d’acquisition de ces avoirs ;

–        infligeant, en cas d’inexécution de l’obligation d’information relative aux biens et droits à l’étranger ou de présentation tardive du formulaire 720, des amendes forfaitaires plus sévères que les sanctions prévues par le régime général de sanction pour des infractions similaires.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Royaume d’Espagne supporte la moitié des dépens exposés par la Commission européenne.


1      Langue originale : le français.


2      Directive du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (JO 2011, L 64, p. 1).


3      Directive du Conseil du 9 décembre 2014, modifiant la directive 2011/16 (JO 2014, L 359, p. 1).


4      Cette conséquence fait l’objet du premier grief de la Commission.


5      Cette sanction fait l’objet du deuxième grief de la Commission.


6      Cette sanction fait l’objet du troisième grief de la Commission.


7      Voir la dix-huitième disposition additionnelle, paragraphe 1, de la LFG.


8      Selon les informations fournies par la Commission, dans le cas de comptes bancaires, le contribuable doit communiquer cinq données ou groupes de données : nom de l’établissement financier ou de la banque ; identification du compte bancaire ; dates d’ouverture ou de clôture, ou d’octroi ou de révocation de l’autorisation pour exploiter le compte bancaire ; solde du compte au 31 décembre et solde moyen du dernier trimestre de l’année. Dans le cas de valeurs ou de droits, le contribuable doit déclarer essentiellement les données ou groupes de données suivants : nom de l’établissement émetteur des titres ou de l’emprunteur de la dette ou identification de la relation juridique ; solde des titres (actions ou obligations) ou des droits au 31 décembre, avec indication du nombre et de la catégorie des actions ou des titres et de leur valeur nominale. Dans le cas des assurances-vie et des rentes viagères temporaires ou à vie, le contribuable doit déclarer essentiellement les données ou groupes de données suivants : identification et domicile de la compagnie d’assurances, identification du contrat d’assurance ou des rentes périodiques temporaires ou à vie en vigueur au 31 décembre ; la valeur de rachat dans le cas des contrats d’assurance ou la valeur de capitalisation dans le cas des rentes. Dans le cas des biens immobiliers, le contribuable doit communiquer essentiellement les données ou groupes de données suivants : identification du bien immobilier, en précisant son type ; localisation de l’État, du pays ou du territoire où il est situé, ville, rue et numéro ; date d’acquisition ; valeur d’acquisition ; en cas d’annulation ou de transmission des biens, des informations sont demandées sur la date d’annulation ou de transmission.


9      Selon la Commission, l’obligation de fournir des informations ne s’applique pas aux personnes physiques et morales détenant des biens et droits à l’étranger lorsque ces derniers sont enregistrés dans la comptabilité de manière personnalisée et identifiée.


10      Voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2016, NN (L) International (C‑48/15, EU:C:2016:356, point 39).


11      Voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation (C‑35/11, EU:C:2012:707, points 89 à 93), et du 28 février 2013, Beker et Beker (C‑168/11, EU:C:2013:117, points 25 à 31).


12      Voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Commission/PaysBas (C‑521/07, EU:C:2009:360, point 33) et du 5 mai 2011, Commission/Portugal (C‑267/09, EU:C:2011:273, point 51).


13      Voir en ce sens, notamment, arrêts du 26 septembre 2000, Commission/Belgique (C‑478/98, EU:C:2000:497, point 18) ; du 23 octobre 2007, Commission/Allemagne (C‑112/05, EU:C:2007:623, point 19), ainsi que du 26 mai 2016, NN (L) International (C‑48/15, EU:C:2016:356, point 44).


14      Il en va de même en ce qui concerne les objectifs reconnus par la jurisprudence de la Cour, en dehors du TFUE, tels que la prévention de la fraude et de l’évasion fiscales, des pratiques abusives et la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux. Voir, à titre d’exemple, arrêt du 4 mars 2004, Commission/France (C‑334/02, EU:C:2004:129, point 27).


15      Voir arrêts du 1er juillet 2010, Dijkman et Dijkman-Lavaleije (C‑233/09, EU:C:2010:397, points 45 à 48), et du 13 mars 2014, Bouanich (C‑375/12, EU:C:2014:138, points 46 à 48).


16      Voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, X et Passenheim-van Schoot (C‑155/08 et C‑157/08, ci‑après l’« arrêt X et Passenheim-van Schoot », EU:C:2009:368, points 36 à 40).


17      Voir arrêt X et Passenheim-van Schoot, points 36 à 40. Selon la Commission, la question de l’étendue des informations auxquelles l’administration fiscale a accès en fonction du lieu où les avoirs en cause sont situés pourra, en revanche, être examinée dans le cadre de la justification de la réglementation litigieuse et de sa proportionnalité.


18      Voir arrêt du 4 mars 2004, Commission/France (C‑334/02, EU:C:2004:129, point 27).


19      Arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral (120/78, EU:C:1979:42).


20      Voir, en ce sens, arrêts X et Passenheim-van Schoot, points 36 à 40, et du 5 juillet 2012, SIAT (C‑318/10, EU:C:2012:415, points 30 à 33).


21      Voir, à titre d’exemple, arrêt du 4 mars 2004, Commission/France (C‑334/02, EU:C:2004:129, point 27).


22      Voir article 39, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et article 121, paragraphes 1 à 5, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés.


23      Ce délai de prescription et ses modalités d’application sont prévus à l’article 66, sous a) et à l’article 67, paragraphe 1, sous a), de la LFG.


24      Voir article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et article 121, paragraphes 6, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés.


25      Elle indique ainsi que, à partir du moment où la qualification des gains patrimoniaux résulte de l’inexécution, par le contribuable, d’une obligation fiscale matérielle de paiement d’impôts, la qualification opère comme un recouvrement de la dette fiscale à l’initiative de l’administration fiscale afin de corriger la situation du contribuable qui, dans un premier temps, ne s’était pas soumis aux règles fiscales en vigueur.


26      En ce qui concerne ce délai de quatre ans, voir point 37 des présentes conclusions.


27      Selon la Commission, lorsque l’avoir à l’étranger a été acquis au cours d’un exercice fiscal au titre duquel le droit de l’administration fiscale de déterminer la dette fiscale ou d’en exiger le paiement était prescrit, il est tout à fait possible que le contribuable n’ait pas conservé les documents prouvant la déclaration fiscale des revenus avec lesquels cet avoir a été acquis.


28      Voir arrêts du 7 novembre 2013, K (C‑322/11, EU:C:2013:716, point 60), et, par analogie, du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2004:138, point 51).


29      Annexe I, section VIII, point D.2 de la directive 2011/16.


30      Selon la Commission, c’est le cas des comptes bancaires et des valeurs, lorsque leurs titulaires sont des sociétés cotées en Bourse et leurs entreprises liées, ou des établissements financiers. Le système d’échange automatique d’informations ne couvrirait pas non plus les informations relatives aux personnes autorisées (non titulaires) en ce qui concerne certains comptes financiers visés dans le formulaire 720. Il ne couvrirait pas davantage les informations relatives aux valeurs qui ne sont pas détenues par l’intermédiaire de comptes dans des établissements financiers.


31      Arrêt du 6 juin 2013, (C‑383/10, EU:C:2013:364, points 52 et 53).


32      Voir arrêts X et Passenheim-van Schoot, points 62 à 75, et du 15 septembre 2011, Halley (C‑132/10, EU:C:2011:586, point 35).


33      J’observe que la Commission n’a pas précisé, dans son recours, sur quelles dispositions du droit espagnol portait son premier grief. Toutefois, dans le cadre juridique du recours, elle a cité tant l’article 39 de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques que l’article 121 de la loi relative à l’impôt sur les sociétés. Je comprends dès lors le premier grief de la Commission en ce sens qu’il porte sur les deux dispositions. À cet égard, je relève que, dans son mémoire en défense, le gouvernement espagnol, lorsqu’il fait référence au premier grief de la Commission, ne mentionne que l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Cela étant dit, dès lors que le gouvernement espagnol propose à la Cour de rejeter le recours dans son intégralité, je comprends les arguments invoqués par le gouvernement espagnol portant sur l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques en ce sens qu’ils s’étendent à l’article 121, paragraphe 6, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés.


34      Premièrement, dans le cadre de la procédure de vérification aux fins de l’application de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’article 105, paragraphe 1, de la LFG, intitulé « Charge de la preuve », indique que « [d]ans les procédures d’imposition, la personne faisant valoir son droit doit en prouver les faits constitutifs ». Deuxièmement, l’article 102 de la LFG, intitulé « Notification des liquidations », cite, à son paragraphe 2, sous c), en tant qu’élément devant nécessairement figurer dans ces liquidations, « [l]a motivation de ces dernières lorsqu’elles ne correspondent pas aux informations données par le contribuable ou à l’application ou l’interprétation de la réglementation effectuée par ce dernier, en indiquant les faits et les éléments essentiels à leur origine ainsi que les fondements juridiques ». Troisièmement, le gouvernement espagnol renvoie à la « théorie de la proximité de l’objet de la preuve » qui figure à l’article 217 de la Ley 1/2000 de Enjuiciamiento Civil (loi relative à la procédure civile du 7 janvier 2000) (BOE no 7, du 8 janvier 2000), selon lequel il y a lieu de tenir compte de la possibilité et de la facilité pour chaque partie au litige de produire des preuves. Bien que, en principe, chaque partie devrait prouver les faits qu’elle allègue en sa faveur en vertu de l’article 106, paragraphe 1, de la LFG, l’application de la « théorie de la proximité de l’objet de la preuve » signifierait que, si le contribuable déclare qu’il ne conserve pas les documents relatifs à ses impôts afin de prouver qu’il a été imposé, l’administration fiscale doit rechercher ces informations dans ses archives afin de vérifier s’il a bien été imposé. Quatrièmement, ces règles et principes figureraient également dans la Ley 39/2015 del Procedimiento Administrativo Común de las Administraciones Públicas (loi relative à la procédure administrative commune du 1er octobre 2015) (BOE nº 236, du 2 octobre 2015). Cinquièmement et enfin, les articles 141 et 145 de la LFG disposeraient qu’il appartient aux autorités fiscales d’« enquêter sur les éléments factuels des obligations fiscales afin de découvrir celles qui seraient ignorées de l’administration » et de « [v]érifier la véracité et l’exactitude des déclarations présentées par les contribuables ».


35      Décision du Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif) du 16 janvier 2019 (R. G. 4253/2016).


36      Selon le gouvernement espagnol, cette règle de l’« actio nata » est prévue de manière générale à l’article 1969 du code civil espagnol (Gaceta de Madrid – actuellement le « BOE » – no 206, du 25 juillet 1889). Le gouvernement espagnol indique que, non seulement l’application de la règle de l’« actio nata » n’est pas contraire à la teneur littérale de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui ne mentionne aucune « imprescriptibilité », mais elle découle de l’esprit de la règle et d’une interprétation systématique conforme à la finalité de l’institution juridique de la prescription.


37      Voir, en ce qui concerne le délai de quatre ans, point 37 et note en bas de page 23 des présentes conclusions.


38      Voir arrêt X et Passenheim-van Schoot, point 86.


39      Voir arrêt du 8 mai 2008, Ecotrade (C‑95/07 et C‑96/07, EU:C:2008:267, points 50 et suiv).


40      Notamment, selon le gouvernement espagnol, cette directive ne couvre pas l’information relative aux valeurs mobilières (actions, participations), aux droits et revenus déposés, gérés ou obtenus dans un autre État membre, qui font l’objet de la déclaration d’informations, ni celle relative aux droits sur des biens immobiliers autres que les biens dont l’intéressé est propriétaire (droits à temps partagé, d’utilisation et de jouissance, nue-propriété), qui font également l’objet de la déclaration.


41      Voir point 61 de cet arrêt.


42      Voir la notion de « Comptes préexistants » à l’annexe I, section VIII, point C. 9, de la directive 2011/16.


43      Voir, notamment, arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Finlande (C‑246/08, EU:C:2009:671, point 52 et jurisprudence citée).


44      J’observe que, après que le présent recours en manquement a été introduit devant la Cour, une demande de décision préjudicielle, présentée par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) est parvenue à la Cour (affaire C‑330/20). Dans cette demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi pose, en substance, la même question que celle en cause en l’occurrence, à savoir la proportionnalité de la règle de prescription prévue à l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’incidence, à cet égard, du régime d’échange d’informations.


45      En effet, la Commission se borne à alléguer qu’il s’agit « d’un cas d’absence totale de délai de prescription ».


46      À titre d’exemple, rien ne ferait obstacle à ce que le redressement intervienne plusieurs décennies après l’entrée des avoirs en cause dans le patrimoine des contribuables si la date de cet évènement est celle à laquelle l’administration fiscale acquiert la connaissance de leur existence.


47      Arrêts X et Passenheim-van Schoot, points 51 et 52, et du 15 septembre 2011, Halley (C‑132/10, EU:C:2011:586, point 32).


48      Ce point souligné par la Commission a été confirmé par le gouvernement espagnol.


49      La notion de « nouveaux comptes » est définie à l’annexe I, section VIII, point C. 10, de la directive 2011/16 comme des comptes financiers ouverts à partir du 1er janvier 2016.


50      Conformément à une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Voir arrêt du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement) (C‑122/18, EU:C:2020:41, point 58 et jurisprudence citée). La date du délai fixé dans l’avis motivé du 15 février 2017 était de deux mois à compter de la réception par le gouvernement espagnol de celui‑ci.


51      Il s’agit des arrêts X et Passenheim-van Schoot et du 15 septembre 2011, Halley (C‑132/10, EU:C:2011:586), également invoqués par les parties.


52      Directive du Conseil du 19 décembre 1977 (JO 1977, L 336, p. 15).


53      Voir arrêts X et Passenheim-van Schoot, points 62, 63 et 74, et du 15 septembre 2011, Halley (C‑132/10, EU:C:2011:586, point 33).


54      Voir arrêt X et Passenheim-van Schoot, points 64 et 65.


55      Voir, en ce sens, arrêt X et Passenheim-van Schoot, points 64 et 65.


56      Voir arrêt X et Passenheim-van Schoot, points 72 et 73.


57      Voir arrêts X et Passenheim-van Schoot, points 74 et 75, et du 15 septembre 2011, Halley (C‑132/10, EU:C:2011:586, points 35 et 36).


58      Voir, notamment, arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann (C‑204/90, EU:C:1992:35, point 18) ; du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer (C‑386/04, EU:C:2006:568, point 50), ainsi que du 23 janvier 2014, Commission/Belgique (C‑296/12, EU:C:2014:24, point 43).


59      Voir, en ce sens, également conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Q (C‑133/13, EU:C:2014:2255, points 54 et 55).


60      En dernier recours, il lui reste la possibilité d’engager une procédure en manquement, conformément à l’article 259, TFUE. Voir, en ce sens, arrêts du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff (C‑620/15, EU:C:2017:309, point 46), et du 6 février 2018, Altun e.a. (C‑359/16, EU:C:2018:63, point 45).


61      Pour les informations spécifiques, voir point 51 des présentes conclusions.


62      Voir, en ce sens, considérants 1, 2 et 10 de la directive 2011/16.


63      Voir considérant 10 de la directive 2011/16. Pour les deux arguments du gouvernement espagnol, voir point 69 des présentes conclusions.


64      Voir point 71 des présentes conclusions.


65      J’observe que l’argument avancé par le gouvernement espagnol relatif aux comptes préexistants est présenté dans son mémoire en duplique sous la forme d’un renvoi à la réponse du gouvernement espagnol à l’avis motivé de la Commission. Même si la Commission n’a pas eu la possibilité de répondre au mémoire en duplique, dès lors que ce dernier met fin à la procédure écrite devant la Cour, elle a néanmoins eu connaissance de cet argument du gouvernement espagnol et elle a donc eu l’occasion d’y répondre.


66      Concrètement, le caractère disproportionné du délai litigieux de prescription se matérialise lorsque l’administration fiscale espagnole n’obtient pas d’information des autres États membres relatives aux nouveaux comptes financiers de ses contribuables en vertu des dispositions précitées, alors que ces informations auraient dues être fournies. Ainsi, dans de telles situations, l’application du principe de l’« actio nata » implique que le délai de redressement de quatre ans ne commence pas à courir, alors que l’administration fiscale ne saurait tirer, conformément à la jurisprudence précitée, des difficultés rencontrées pour réunir les informations requises ou des carences susceptibles d’intervenir dans la coopération entre les administrations fiscales des États membres une justification à la restriction des libertés fondamentales garanties par le traité. En revanche, si les informations sont effectivement fournies, par exemple avant la fin des délais réservés à la déclaration du formulaire 720, l’effet de la règle de l’« actio nata » n’entraînera, dans une telle situation, aucune prolongation réelle du délai de prescription par rapport au délai applicable dans des situations internes.


67      Concrètement, elle a jugé ce délai proportionné au motif que le choix d’un État membre de limiter ce délai dans le temps et de déterminer cette limite en fonction du délai applicable pour les poursuites en matière de délit de fraude fiscale ne paraît pas disproportionné (arrêt X et Passenheim-van Schoot, point 69).


68      Voir, à cet égard, points 83, 84 et 89 des présentes conclusions.


69      J’observe que, eu égard au principe de l’« actio nata », lorsque l’autorité fiscale possède des indices d’un élément imposable, elle doit procéder à un redressement au titre de la dette fiscale éventuelle dans un délai de quatre ans. Ce délai étant le même que celui applicable dans des situations internes, il ne s’agit pas d’un délai de redressement prolongé qui ne viserait pas spécifiquement à permettre à ses autorités fiscales de recourir utilement à des mécanismes d’assistance mutuelle et qui se déclencherait dès que les éléments imposables concernés se situent dans un autre État membre, comme mentionné par la Cour dans l’arrêt X et Passenheim-van Schoot.


70      Il s’agit des droits ou contrats d’assurance-vie, visés à l’article 8, paragraphe 1, sous c), de cette directive, et des biens immobiliers, visés au point e) de ce paragraphe 1.


71      Ainsi, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2011/16, l’autorité compétente de chaque État membre communique à l’autorité compétente d’un autre État membre, dans le cadre de l’échange automatique, « les informations dont elle dispose ». À cet égard, l’article 3, point 9, de cette directive précise que les informations disponibles au sens de l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive désignent des informations figurant dans les dossiers fiscaux de l’État membre qui communique les informations et pouvant être consultées conformément aux procédures de collecte et de traitement des informations applicables dans cet État membre.


72      S’agissant des biens immobiliers, les États membres disposent normalement des registres avec toutes les informations pertinentes.


73      Voir, par analogie, arrêt du 12 juillet 2012, Commission/Allemagne (C‑562/10, EU:C:2012:442, points 53 et 61).


74      Voir, pour ces informations, notes en bas de page 30 et 40 des présentes conclusions.


75      Voir, en ce sens, par exemple, arrêts du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, EU:C:2004:138, point 51), du 5 mai 2011, Commission/Portugal (C‑267/09, EU:C:2011:273, points 33 à 49), ainsi que du 7 novembre 2013, K (C‑322/11, EU:C:2013:716, point 60).


76      Voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, EU:C:2007:161, point 82) ; du 5 juillet 2012, SIAT (C‑318/10, EU:C:2012:415, point 50) ; du 3 octobre 2013, Itelcar (C‑282/12, EU:C:2013:629, point 37), ainsi que du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers) (C‑135/17, EU:C:2019:136, point 88).


77      En effet, par nature, le bénéfice d’une prescription permet seulement de faire obstacle aux conséquences que devrait emporter l’application de la présomption, ce qui est différent dans la mesure où le constat de fraude, lui, demeure. Le fait que les dispositions concernées ne permettent pas automatiquement d’échapper à la présomption de fraude fiscale au seul motif qu’il s’agit d’avoirs acquis au cours d’une période prescrite n’équivaut donc pas, en soi, à une présomption irréfragable de fraude.


78      Ainsi, la Commission renvoie, sur ce point, tant au libellé de l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques qu’aux exemples d’application concrète de cette réglementation. Voir point 43 des présentes conclusions.


79      Voir, arrêt du 12 mai 2005, Commission/Belgique (C‑287/03, EU:C:2005:282, point 28).


80      J’observe que les arguments du gouvernement espagnol ne citent que l’article 39, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Dès lors qu’il s’agit des principes généraux, je le comprends cependant en ce sens qu’ils concernent également l’article 121, paragraphe 6, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés.


81      Il s’agit de l’article 27 de la LFG.


82      Comme expliqué aux points 47 à 57 des présentes conclusions, sous le premier grief, la Commission est d’avis que les États membres disposent de moyens suffisants pour obtenir des informations sur les biens et droits détenus à l’étranger afin d’établir les contrôles fiscaux appropriés en vertu de la directive 2011/16.


83      Le gouvernement espagnol observe que, de manière générale, dans le droit administratif en matière de sanctions, le principe de proportionnalité est réglementé à l’article 29 de la Ley 40/2015 de Régimen Jurídico del Sector Público (loi 40/2015 sur le régime juridique du secteur public), dont le paragraphe 4 dispose que, « [l]orsque l’adéquation requise entre la sanction à infliger et la gravité du fait constitutif de l’infraction ainsi que les circonstances de l’espèce le justifient, l’organe compétent pour se prononcer peut infliger la sanction au degré inférieur ». Dans le domaine fiscal, le principe de proportionnalité est visé, de manière plus spécifique, aux dispositions suivantes : a) l’article 3 de la LFG, intitulé « Principes d’organisation et d’application du système fiscal », dont le paragraphe 2 prévoit que « [l]’application du système fiscal est fondée sur les principes de proportionnalité », et b) l’article 178 de la LFG, intitulé « Principes du pouvoir de sanction en matière fiscale », dont le second alinéa prévoit que « [s]’appliquent en particulier les principes de légalité, d’incrimination, de responsabilité, de proportionnalité et de non concurrence ».


84      Voir, à cet égard, points 59 à 61 des présentes conclusions.


85      Décision du Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico‑administratif ), première chambre, du 14 février 2019 (R. G. 529/2016).


86      Je note qu’il y a un doute quant au nombre de dossiers dans lesquels la sanction de 150 % a été appliquée. En effet, le gouvernement espagnol a fait référence une fois à 108 dossiers, et une fois à 129 dossiers dans ses observations.


87      Il s’agirait de l’article 191, paragraphe 4, de la LFG.


88      Le gouvernement espagnol renvoie à l’article 305 de la Ley Orgánica 10/1995 del Código Penal (loi organique relative au code pénal), du 23 novembre 1995 (BOE no 281, du 24 novembre 1995).


89      Cette disposition énonce qu’« [u]ne même action ou une même omission devant être appliquée en tant que critère de graduation d’une infraction ou en tant que circonstance déterminant la qualification d’une infraction de grave ou de très grave ne saurait être sanctionnée en tant qu’infraction indépendante ».


90      Si, en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées, ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect, notamment, du principe de proportionnalité. Voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2001, Louloudakis (C‑262/99, EU:C:2001:407, point 67 et jurisprudence citée).


91      Voir, à cet égard, points 144 et 145 des présentes conclusions.


92      En revanche, il n’est pas contesté que les informations dont dispose l’administration ne seront pas prises en compte.


93      Comme expliqué à la note en bas de page 50 des présentes conclusions, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Je précise que, tel que je le comprends, il ne s’agit pas d’une faculté relevant du pouvoir discrétionnaire de l’administration.


94      Voir jurisprudence citée aux points 71 et 109 des présentes conclusions.


95      Selon la Commission, dès lors que le droit espagnol ne prévoit pas de déclaration d’information des biens et droits situés en Espagne, il n’est pas possible d’apprécier le caractère disproportionné de la mesure seulement en déterminant quelle aurait été la sanction infligée si, en application de la réglementation relative à la déclaration du formulaire 720, un régime parallèle de sanctions spécifique n’avait pas été mis en place.


96      Voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2001, Louloudakis (C‑262/99, EU:C:2001:407, point 67 et jurisprudence citée).


97      Voir ma conclusion sur le premier grief. Je précise que, à la différence de l’amende proportionnelle de 150 %, les amendes forfaitaires sanctionnent directement le fait que les informations exigées par le formulaire 720 n’ont pas été fournies. Le fait que ces informations ne sont pas prises en compte, me paraît donc, sur ce point, disproportionné.


98      Arrêt du 2 août 1993, Commission/France (C‑276/91, EU:C:1993:336, point 25 et jurisprudence citée).