Language of document : ECLI:EU:C:2004:174

Arrêt de la Cour

ARRÊT DE LA COUR (assemblée plénière)
23 mars 2004 (1)


«Pourvoi – Irrecevabilité – Responsabilité non contractuelle – Traitement par le médiateur européen d'une plainte relative à un concours interne de titularisation»

Dans l'affaire C-234/02 P,

Médiateur européen, représenté par M. J. Sant'Anna, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. H. Krück et C. Karamarcos, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 10 avril 2002, Lamberts/Médiateur (T-209/00, Rec. p. II-2203), et tendant à l'annulation partielle de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Frank Lamberts, représenté par Me E. Boigelot, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie demanderesse en première instance ayant formé un pourvoi incident,



LA COUR (assemblée plénière),



composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, C. Gulmann (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues et A. Rosas, présidents de chambres, MM. J.-P. Puissochet et R. Schintgen, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 13 mai 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 juillet 2003,

rend le présent



Arrêt



1
Par requête déposée au greffe de la Cour le 24 juin 2002, le médiateur européen (ci-après le «médiateur») a, en vertu de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de première instance du 10 avril 2002, Lamberts/Médiateur (T-209/00, Rec. p. II‑2203, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a déclaré recevable le recours en indemnité fondé sur le prétendu mauvais traitement d’une plainte par le médiateur.


Le cadre juridique

2
L’article 195, paragraphes 1, 2 et 3, CE prévoit:

«1.    Le Parlement européen nomme un médiateur, habilité à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen de l’Union ou de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre et relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions ou organes communautaires, à l’exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles.

Conformément à sa mission, le médiateur procède aux enquêtes qu’il estime justifiées, soit de sa propre initiative, soit sur la base des plaintes qui lui ont été présentées directement ou par l’intermédiaire d’un membre du Parlement européen, sauf si les faits allégués font ou ont fait l’objet d’une procédure juridictionnelle. Dans les cas où le médiateur a constaté un cas de mauvaise administration, il saisit l’institution concernée, qui dispose d’un délai de trois mois pour lui faire tenir son avis. Le médiateur transmet ensuite un rapport au Parlement européen et à l’institution concernée.

La personne dont émane la plainte est informée du résultat de ces enquêtes. Chaque année, le médiateur présente un rapport au Parlement européen sur les résultats de ses enquêtes.

2.      […]

Le médiateur peut être déclaré démissionnaire par la Cour de justice, à la requête du Parlement européen, s’il ne remplit plus les conditions nécessaires à l’exercice de ses fonctions ou s’il a commis une faute grave.

3.      Le médiateur exerce ses fonctions en toute indépendance. Dans l’accomplissement de ses devoirs, il ne sollicite ni n’accepte d’instructions d’aucun organisme. […]»

3
Le 9 mars 1994, le Parlement européen a adopté la décision 94/262/CECA, CE, Euratom, concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du médiateur (JO L 113, p. 15). En application de l’article 14 de cette décision, le médiateur a adopté, le 16 octobre 1997, des dispositions d’exécution qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 1998 (ci-après les «dispositions d’exécution»). La procédure d’examen d’une plainte adressée au médiateur est, ainsi, régie par l’article 195, paragraphe 1, CE, la décision 94/262 et lesdites dispositions d’exécution.

4
Il ressort, en substance, des articles 2, paragraphes 4, 7 et 8, de la décision 94/262 et 3 et 4, paragraphes 1 et 2, des dispositions d’exécution que, lorsque le médiateur est saisi d’une plainte relative à un cas de mauvaise administration dans l’action des institutions ou organes communautaires, il ouvre une enquête à cet égard sauf si, pour une des raisons indiquées dans ces dispositions, cette plainte doit être rejetée comme irrecevable, notamment lorsque le médiateur ne trouve pas d’éléments suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête.

5
Conformément à l’article 2, paragraphe 5, de la décision 94/262, «[l]e médiateur peut conseiller à la personne dont émane la plainte de s’adresser à une autre autorité». Par ailleurs, en vertu de l’article 2, paragraphe 6, de la décision 94/262, les plaintes présentées au médiateur n’interrompent pas les délais de recours dans les procédures juridictionnelles ou administratives.

6
Selon les articles 195, paragraphe 1, deuxième alinéa, CE et 3, paragraphe 1, de la décision 94/262, le médiateur procède, de sa propre initiative ou sur la base des plaintes qui lui sont présentées, aux enquêtes qu’il estime justifiées pour clarifier tout cas éventuel de mauvaise administration.

7
Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 94/262, le médiateur en informe l’institution ou l’organe communautaire faisant l’objet de la plainte ou d’une enquête, cette institution ou cet organe pouvant «lui faire parvenir toute observation utile».

8
Après examen de l’avis de ladite institution ou dudit organe et des observations éventuelles faites par le plaignant, le médiateur peut décider soit de classer l’affaire par une décision motivée, soit de poursuivre son enquête. Il en informe le plaignant et l’institution ou l’organe concerné, conformément à l’article 4, paragraphe 5, des dispositions d’exécution.

9
Lorsque le médiateur a constaté un cas de mauvaise administration dans l’action d’une institution ou d’un organe communautaire, il recherche, «[d]ans la mesure du possible [...] avec l’institution ou l’organe concerné une solution de nature à éliminer [ce cas] et à donner satisfaction à la plainte», ainsi que le prévoit l’article 3, paragraphe 5, de la décision 94/262.

10
À cet égard, l’article 6 des dispositions d’exécution, intitulé «Solutions à l’amiable», prévoit, à son paragraphe 1, que le médiateur «coopère dans toute la mesure possible avec l’institution concernée pour trouver une solution à l’amiable éliminant le cas de mauvaise administration et donnant satisfaction au citoyen». Si le médiateur estime qu’une telle coopération a abouti, il classe l’affaire par une décision motivée et en informe le citoyen et l’institution concernés. En revanche, conformément au paragraphe 3 de la même disposition, s’il «estime qu’une solution à l’amiable n’est pas possible, ou que la recherche d’une solution à l’amiable n’a pas abouti, il classe l’affaire par une décision motivée, qui peut comporter un commentaire critique, ou établit un rapport contenant des projets de recommandations».

11
Pour ce qui est de la possibilité de formuler un «commentaire critique» au sens de cette dernière disposition, l’article 7, paragraphe 1, des dispositions d’exécution dispose que le médiateur formule un commentaire critique s’il estime notamment «qu’il n’est plus possible à l’institution concernée d’éliminer le cas de mauvaise administration» et que ledit cas «n’a pas d’implications générales».


Les faits à l’origine du litige

12
Il ressort des points 16 à 36 de l’arrêt attaqué que, en substance, les faits à l’origine du litige sont les suivants.

13
M. Lamberts a participé à un concours interne organisé par la Commission des Communautés européennes pour la titularisation d’agents temporaires de la catégorie A. Il a échoué à l’épreuve orale et impute cet échec au fait qu’il était, pendant cette épreuve, sous l’influence de médicaments pouvant causer un état de fatigue et réduire ses capacités de concentration. Ce traitement lui avait été prescrit à la suite d’un accident survenu quelques semaines avant l’épreuve orale. Il a souligné qu’il n’avait pas demandé l’ajournement de son épreuve orale en raison d’une clause figurant dans la convocation à ladite épreuve. Selon cette clause, «l’organisation des épreuves ne permet[tait] pas de changer l’horaire […] indiqué».

14
Après avoir en vain demandé un réexamen de son cas auprès des instances de la Commission, il a saisi le médiateur d’une plainte.

15
Après examen de cette plainte, le médiateur a transmis, le 21 octobre 1999, sa décision sur cette plainte à M. Lamberts. Il y indique que, d’après son enquête, la Commission est disposée, dans la pratique, à prendre en compte des circonstances exceptionnelles qui empêchent un candidat d’être présent à la date indiquée dans une convocation à des épreuves orales. Il ajoute que, dans l’intérêt d’une bonne administration, la Commission devrait inclure une telle clause dans la lettre de convocation à l’examen oral de façon à informer les candidats de cette possibilité.

16
Toutefois, en ce qui concerne le fait que, en l’espèce, l’institution a refusé au plaignant de se présenter une seconde fois à l’épreuve orale, le médiateur note en particulier, aux points 2.2 et 2.3 de sa décision, qu’un concours «doit être organisé dans le respect du principe de l’égalité de traitement des candidats. Le non-respect de ce principe peut entraîner l’annulation du concours. Cela peut engendrer des frais financiers et administratifs considérables pour l’administration. Il ressort de l’avis de la Commission que cette dernière a estimé qu’elle n’était pas en mesure de permettre à un candidat de présenter un second examen oral. Le médiateur fait remarquer qu’aucun élément de l’affaire ne laisse à penser que la décision de la Commission de ne pas permettre au candidat de représenter l’examen oral a été prise en violation d’une quelconque règle ou d’un quelconque principe qui lie la Commission». Pour ces raisons, le médiateur a estimé que, en l’espèce, «il n’y a pas eu mauvaise administration».

17
En conclusion, le médiateur a émis un commentaire critique quant à la pratique administrative de la Commission en général. Dans ce commentaire, il réitère l’appréciation selon laquelle, dans l’intérêt d’une bonne administration, la Commission devrait, à l’avenir, inclure d’une façon générale une clause spécifique dans ses lettres de convocation à l’examen oral informant les candidats que la date indiquée peut être modifiée dans des circonstances exceptionnelles. Quant à la plainte de M. Lamberts, le médiateur a toutefois conclu que, étant donné que «cet aspect de l’affaire a trait à des procédures relatives à des faits spécifiques appartenant au passé, il n’y a pas lieu de rechercher une solution à l’amiable». Aussi le médiateur a-t-il classé l’affaire.


La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 août 2000, M. Lamberts a introduit un recours dirigé contre le médiateur et le Parlement, visant à la réparation du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi du fait du traitement de sa plainte par le médiateur. Le médiateur et le Parlement ont conclu à ce que le recours soit rejeté comme irrecevable.

19
Par ordonnance du 22 février 2001, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours pour autant qu’il était dirigé contre le Parlement (Lamberts/Médiateur et Parlement, T-209/00, Rec. p. II-765). Par ordonnance du même jour, il a joint au fond l’exception d’irrecevabilité présentée par le médiateur. Celui-ci a conclu, à titre subsidiaire, à ce que le recours soit rejeté comme non fondé.

20
Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné d’abord la recevabilité du recours à l’encontre du médiateur. Aux points 48 à 52 de cet arrêt, il a fait référence à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle, en vertu des articles 235 CE et 288 CE, un recours peut être intenté contre tout organe de la Communauté afin d’engager la responsabilité non contractuelle de celle-ci et de réparer le préjudice causé par cet organe dans le cadre de l’exercice de ses compétences. Il a conclu qu’il était compétent pour connaître d’un recours en indemnité contre le médiateur.

21
Le Tribunal a ensuite jugé, au point 57 de l’arrêt attaqué, que:

ᆱ[…] la décision 94/262 a conféré au médiateur non seulement la tâche d’identifier et de chercher à éliminer les cas de mauvaise administration au nom de l’intérêt général mais également celle de rechercher, dans la mesure du possible, une solution conforme à l’intérêt particulier du citoyen concerné. Il est, certes, exact que le médiateur dispose, tel qu’il le souligne lui-même, d’une très large marge d’appréciation quant au bien-fondé des plaintes et aux suites à donner à celles-ci et qu’il ne lui incombe, dans ce contexte, aucune obligation de résultat. Même si le contrôle du juge communautaire doit, par conséquent, être limité, il n’en reste pas moins que l’hypothèse ne saurait être exclue que, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, un citoyen puisse démontrer que le médiateur a commis une faute manifeste dans l’exercice de ses tâches de nature à causer un préjudice au citoyen concerné.»

22
Aux points 58 et 59 du même arrêt, le Tribunal a considéré:

«58
[…] l’argumentation du médiateur tirée du caractère non contraignant des actes qu’il peut prendre à l’issue de ses enquêtes ne peut pas non plus être suivie. En effet, il y a lieu de rappeler que le recours en indemnité a été institué par le traité comme une voie de recours autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique […]. Alors que les recours en annulation et en carence visent à sanctionner l’illégalité d’un acte juridiquement contraignant ou l’absence d’un tel acte, le recours en indemnité a pour objet la demande de réparation d’un préjudice découlant d’un acte, qu’il soit juridiquement contraignant ou non, ou d’un comportement, imputable à une institution ou à un organe communautaire […].

59
En l’espèce, M. Lamberts reproche au médiateur d’avoir eu un comportement fautif dans le traitement de sa plainte. Or, ne saurait être exclue l’hypothèse qu’un tel comportement puisse violer le droit, que le traité et la décision 94/262 confèrent aux citoyens, à ce que le médiateur cherche une solution extrajudiciaire à un cas de mauvaise administration les affectant et qu’il puisse leur porter préjudice.»

23
Le Tribunal a rejeté le recours comme dénué de fondement, dans la mesure où M. Lamberts n’avait pas démontré que le médiateur avait commis des fautes de service dans le traitement de sa plainte.

24
Pour ce qui concerne les moyens pertinents dans le cadre du présent pourvoi, il résulte de l’arrêt attaqué ce qui suit.

25
En premier lieu, M. Lamberts avait reproché au médiateur de ne pas avoir attiré son attention sur la possibilité d’introduire un recours en annulation de la décision de la Commission devant le Tribunal. Or, ce dernier a jugé qu’un agent des Communautés est censé connaître les modalités d’un recours devant le Tribunal. Le médiateur peut conseiller le justiciable sur ce point, mais aucune disposition de droit communautaire ne l’y oblige.

26
En deuxième lieu, M. Lamberts a fait grief au médiateur d’avoir manqué d’impartialité et d’objectivité dans le traitement de sa plainte dans la mesure où celui-ci a pris en compte l’avis de la Commission alors que cet avis, en version anglaise, langue dans laquelle M. Lamberts avait introduit sa plainte, avait été soumis après le délai imparti par le médiateur. En outre, cette version de l’avis ne correspondrait pas à la version française initialement transmise. À ce propos, le Tribunal a relevé que le délai fixé par le médiateur à l’institution pour soumettre son avis n’est pas un délai de forclusion et que les versions linguistiques ne présentaient pas de différences en ce qui concerne les éléments pertinents pour l’examen par le médiateur de la plainte dont il était saisi.

27
En troisième lieu, M. Lamberts a soutenu que pesait sur le médiateur une obligation de moyens, afin de dégager une solution à l’amiable donnant satisfaction au citoyen. Le Tribunal a rappelé que le médiateur dispose, à cet égard, d’une très large marge d’appréciation. Par conséquent, la responsabilité non contractuelle du médiateur ne peut être engagée qu’en présence d’une méconnaissance flagrante et manifeste des obligations qui lui incombent dans ce contexte. Il ne peut, en principe, se limiter à transmettre les avis de l’institution au citoyen concerné. Or, en l’espèce, le médiateur a examiné le bien-fondé du point de vue défendu par la Commission et il a pu, sans commettre de faute, conclure, dans sa décision, que la recherche d’une solution à l’amiable donnant satisfaction à M. Lamberts ne pouvait aboutir.


Les conclusions des parties devant la Cour

28
Par son pourvoi, le médiateur conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il déclare recevable le recours en indemnité;

déclarer ce recours irrecevable.

29
M. Lamberts a déposé un mémoire en réponse au greffe de la Cour. Il conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter le pourvoi;

annuler l’arrêt attaqué en ce qui concerne le fond de la demande introduite en première instance et, partant:

à titre principal:

condamner le médiateur à lui payer un montant de 2 468 787 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et financier et un montant de 124 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, à majorer des intérêts judiciaires jusqu’au complet paiement,

condamner le médiateur aux dépens de l’instance,

à titre subsidiaire:

condamner le médiateur à lui payer un montant de 1 234 394 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et financier et un montant de 124 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, à majorer des intérêts judiciaires jusqu’au complet paiement,

condamner le médiateur aux dépens de l’instance.

30
Le Parlement a déposé un mémoire en intervention au soutien du médiateur.


Sur le pourvoi principal

31
L’article 56 du statut de la Cour de justice dispose qu’un pourvoi peut être formé devant la Cour notamment contre les décisions du Tribunal qui mettent fin à un incident de procédure portant sur une exception d’incompétence ou d’irrecevabilité et que ce pourvoi peut être formé par toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions.

32
Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a d’abord rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par le médiateur à l’encontre du recours de M. Lamberts pour ensuite rejeter le recours de celui-ci comme non fondé.

33
Le médiateur ayant partiellement succombé en ses conclusions, son pourvoi contre l’arrêt du Tribunal en tant qu’il rejette son exception d’irrecevabilité est dès lors recevable (voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 1999, France/Comafrica e.a., C-73/97 P, Rec. p. I-185, et du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C-23/00 P, Rec. p. I-1873, point 50).

34
Il convient ensuite de relever que le médiateur ne met pas en cause la constatation du Tribunal selon laquelle celui-ci est compétent, conformément aux articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE, pour connaître des recours en indemnité dirigés à son encontre en tant qu’organe de la Communauté.

35
En effet, le médiateur reconnaît que, en principe, un citoyen peut introduire un recours en indemnité en vue de la réparation des préjudices qu’il lui aurait causés du fait de ses éventuels comportements fautifs, à savoir des actes détachés des procédures d’enquête, qui auraient été commis en violation des devoirs imposés au médiateur par le traité et par son statut et qui auraient violé des droits subjectifs du citoyen, tel le droit à ce que certaines informations soient maintenues confidentielles.

36
En revanche, il estime contraire au droit communautaire qu’un recours en indemnité soit introduit à son encontre dans des circonstances telles que celles en l’espèce, ledit recours visant à faire contrôler la régularité de la procédure d’enquête qu’il a menée ainsi que celle de sa décision de clôturer la procédure. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu les limites qui s’imposent au contrôle juridictionnel de son activité.

37
À l’appui de son pourvoi, le médiateur invoque un moyen unique tiré, d’une part, de la violation par le Tribunal du droit communautaire, en particulier, de l’article 195 CE et de la décision 94/262, et, d’autre part, d’une méconnaissance ou d’une mauvaise interprétation par le Tribunal de sa propre jurisprudence ainsi que de celle de la Cour.

38
Ce moyen s’articule en trois branches.

Sur la première branche du moyen

Présentation et argumentation

39
Par la première branche de son moyen, le médiateur, soutenu par le Parlement, reproche au Tribunal d’avoir exercé un contrôle juridictionnel sur la régularité de la procédure d’enquête et de la décision de clôturer la procédure, alors que, en vertu des dispositions régissant l’exercice des fonctions du médiateur et sa responsabilité, le contrôle est conféré au Parlement.

40
Il se fonde à cet égard sur les articles 195 CE et 3, paragraphes 7 et 8, de la décision 94/262, selon lesquels le médiateur doit présenter au Parlement des rapports spéciaux et un rapport annuel sur son activité. Il relève, en substance, que ces rapports sont analysés par le Parlement et font l’objet d’une délibération. Il souligne que l’enquête menée sur la plainte de M. Lamberts était mentionnée dans le rapport annuel de 1999, qui a été présenté au Parlement en avril 2000. Après l’avoir analysé, le Parlement a élaboré son propre rapport, qu’il a adopté en juillet 2000. En acceptant d’examiner au fond une affaire dans laquelle M. Lamberts contestait la manière dont le médiateur avait traité sa plainte et les conclusions auxquelles il avait abouti, le Tribunal aurait effectué de façon erronée un contrôle de la légalité de la procédure d’enquête menée par le médiateur et de ses conclusions, qui ferait double emploi avec le contrôle qui incombe au Parlement en vertu du traité CE et qui aurait déjà été effectué.

41
En outre, le médiateur soutient que les articles 195, paragraphe 2, CE et 8 de la décision 94/262 prévoient une procédure particulière pour le cas où le médiateur commettrait une faute grave ou plusieurs fautes qui feraient douter de sa capacité à remplir ses fonctions. Dans cette hypothèse, à la requête du Parlement, le médiateur pourrait être déclaré démissionnaire par la Cour. Si M. Lamberts estimait que le médiateur n’avait pas correctement traité sa plainte, il aurait dû saisir le Parlement et non le Tribunal dans le cadre d’un recours en indemnité.

42
Le médiateur et le Parlement ajoutent que les interprétations sur lesquelles s’est fondé le Tribunal pour déclarer recevable un recours visant à réparer un préjudice causé par le médiateur sont susceptibles de porter atteinte à l’équilibre institutionnel instauré autour de lui et de remettre en cause son indépendance prévue à l’article 195, paragraphe 3, CE.

Appréciation de la Cour

43
Il convient de constater que le Tribunal n’a pas commis une erreur de droit en estimant qu’un contrôle juridictionnel des activités du médiateur n’est pas exclu du fait des pouvoirs de contrôle dont le Parlement dispose à son encontre.

44
En effet, d’une part, l’obligation pour le médiateur de faire rapport au Parlement ne peut être analysée comme un contrôle du Parlement sur la bonne exécution par le médiateur de ses missions dans le traitement des plaintes des citoyens.

45
D’autre part, la procédure de démission d’office du médiateur vise une appréciation de son activité envisagée globalement et non un contrôle par le Parlement de l’accomplissement par le médiateur de ses missions lors du traitement d’une plainte d’un citoyen.

46
En tout état de cause, les compétences dont dispose le Parlement à l’égard du médiateur ne s’apparentent pas à un pouvoir de contrôle juridictionnel.

47
Par conséquent, un contrôle juridictionnel de l’activité du médiateur ne fait pas double emploi avec celui qu’exerce le Parlement.

48
S’agissant du risque allégué selon lequel un contrôle juridictionnel de l’activité du médiateur remettrait en cause l’indépendance de celui-ci, la reconnaissance d’une responsabilité du fait d’un préjudice causé par l’activité du médiateur concerne non la responsabilité personnelle du médiateur mais celle de la Communauté. Or, il n’apparaît pas que la possibilité de voir engagée, sous certaines conditions, la responsabilité de la Communauté en raison d’un comportement du médiateur, dans l’exercice de ses fonctions, qui serait contraire au droit communautaire, soit de nature à mettre en cause l’indépendance du médiateur.

49
Selon une jurisprudence constante en matière de responsabilité de la Communauté pour des dommages causés à des particuliers par une violation du droit communautaire qui est imputable à une institution ou un organe communautaire, un droit à réparation est reconnu dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine, C-472/00 P, Rec. p. I-7541, point 25 et jurisprudence citée). S’agissant de la deuxième condition, le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit communautaire est suffisamment caractérisée est, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe communautaire concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (arrêt Commission/Fresh Marine, précité, point 26).

50
Pour rechercher s’il s’est produit une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté en raison du comportement du médiateur, il doit être tenu compte des spécificités de la fonction de ce dernier. Dans ce contexte, il convient de retenir que le médiateur n’est tenu qu’à une obligation de moyens et qu’il bénéficie d’une marge d’appréciation étendue.

51
Ainsi, contrairement à ce qu’ont fait valoir le médiateur et le Parlement, le contrôle exercé par le second sur le premier n’est pas exclusif d’un contrôle juridictionnel, lequel doit être exercé en tenant compte des spécificités de la fonction de médiateur.

52
Par conséquent, le Tribunal n’a pas violé les dispositions de droit communautaire régissant l’exercice des fonctions de médiateur et le contrôle sur celui-ci en déclarant recevable, en principe, un recours en indemnité fondé sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté en raison du prétendu mauvais traitement d’une plainte par le médiateur. C’est donc à juste titre que, au point 57 de l’arrêt attaqué, après avoir reconnu que le médiateur dispose d’une large marge d’appréciation quant au bien-fondé des plaintes et aux suites à donner à celles-ci et qu’il ne lui incombe, dans ce contexte, aucune obligation de résultat, le Tribunal a jugé que, même si le contrôle du juge communautaire doit, par conséquent, être limité, il ne saurait être exclu que, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, un citoyen puisse démontrer que le médiateur a commis une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire dans l’exercice de ses fonctions de nature à causer un préjudice au citoyen concerné.

53
La première branche du moyen n’est dès lors pas fondée.

Sur la deuxième branche du moyen

Présentation et argumentation

54
Par la deuxième branche de son moyen, le médiateur, soutenu par le Parlement, reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en déclarant recevable un recours en indemnité visant en réalité à mettre en cause la régularité de la procédure d’enquête et de la décision de clôturer la procédure alors que, en vertu de la jurisprudence du Tribunal et de la Cour, les voies de recours prévues à cette fin par le traité sont irrecevables, s’agissant du médiateur.

55
Ce dernier a notamment fait valoir que les enquêtes qu’il mène et les conclusions auxquelles il parvient, même si elles sont dénommées «décisions», n’ont aucun effet juridique direct sur la situation des citoyens ni aucun effet juridique contraignant pour l’institution concernée. Il estime par conséquent que, même si ses enquêtes étaient entachées de vices de forme et ses conclusions d’erreurs de droit, lesdites enquêtes et conclusions ne sauraient en aucun cas être à l’origine de dommages pour les plaignants qui ont subi un préjudice du fait d’un cas de mauvaise administration imputable à une institution communautaire et non au médiateur.

56
Le médiateur reproche en outre au Tribunal d’avoir procédé, aux points 64 à 85 de l’arrêt attaqué, à une analyse détaillée de son enquête et de ses conclusions, comme il l’aurait fait dans le cadre d’un recours en annulation, et d’avoir ainsi effectué un véritable contrôle de légalité sur l’ensemble de la procédure d’enquête et sur ses conclusions.

57
Ce faisant, le Tribunal n’aurait pas respecté la distinction entre les recours en indemnité, d’une part, et les recours en annulation et en carence, d’autre part, et aurait méconnu sa propre jurisprudence et celle de la Cour dont il résulterait que les enquêtes et les décisions du médiateur ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle juridictionnel dans le cadre de ces deux derniers recours.

58
Le médiateur reproche au Tribunal d’avoir néanmoins rendu possible un tel contrôle juridictionnel sous couvert d’un recours en indemnité et d’ouvrir ainsi la voie à l’introduction de nombreux recours en annulation, voire en carence, contre le médiateur sous couvert de prétendus recours en indemnité. Le Tribunal n’aurait pas tenu compte de ce que, en réalité, le recours en indemnité contre le médiateur constituait un détournement par M. Lamberts des voies de recours que sont le recours en annulation et le recours en carence.

Appréciation de la Cour

59
Le recours en responsabilité est une voie de recours autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique (arrêt du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325, point 6, et ordonnance du 21 juin 1993, Van Parijs e.a./Conseil et Commission, C-257/93, Rec. p. I-3335, point 14). Alors que les recours en annulation et en carence visent à sanctionner l’illégalité d’un acte juridiquement contraignant ou l’absence d’un tel acte, le recours en responsabilité a pour objet la demande en réparation d’un préjudice découlant d’un acte ou d’un comportement illicite imputable à une institution ou à un organe communautaire (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 1985, CMC/Commission, 118/83, Rec. p. 2325, points 29 à 31; du 27 mars 1990, Grifoni/Commission, C‑308/87, Rec. p. I-1203, et du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, Rec. p. I-4199).

60
L’une des conditions du droit à réparation est, tel que rappelé au point 49 du présent arrêt, l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers. Ainsi, en matière de responsabilité non contractuelle de la Communauté, il y a lieu d’apprécier le comportement qui est à l’origine du dommage pour établir la responsabilité d’une institution ou d’un organe communautaire.

61
De fait, si une juridiction communautaire ne pouvait apprécier la légalité du comportement d’une institution ou d’un organe communautaire, la procédure prévue à l’article 235 CE serait privée de son effet utile.

62
Par conséquent, dans le cadre d’un recours fondé sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté et visant à la réparation d’un préjudice prétendument causé par la manière dont le médiateur a traité une plainte, il convient d’apprécier la légalité du comportement du médiateur dans l’exercice de ses fonctions.

63
C’est donc à juste titre que le Tribunal a recherché, aux points 64 à 85 de l’arrêt attaqué, si le médiateur avait accompli la violation suffisamment caractérisée du droit communautaire que lui reprochait M. Lamberts et qu’il a contrôlé la manière dont le médiateur avait traité la plainte de celui-ci, afin de déterminer s’il devait faire droit au recours dont il était saisi.

64
En conclusion, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit sur la portée du recours en indemnité en déclarant recevable le recours formé par M. Lamberts.

65
Par suite, la deuxième branche du moyen est non fondée.

Sur la troisième branche du moyen

Présentation et argumentation

66
Par la troisième branche de son moyen, le médiateur, soutenu par le Parlement, reproche, en substance, au Tribunal d’avoir violé le droit communautaire en déclarant recevable le recours en indemnité intenté par M. Lamberts à son encontre, alors que ce recours visait la réparation d’un préjudice provoqué par le comportement de la Commission. En réalité, M. Lamberts, qui n’avait pas formé dans le délai requis un recours en annulation à l’encontre des décisions de la Commission prises à son égard, aurait recherché, sous couvert d’un recours en indemnité contre le médiateur, à contourner les délais d’ordre public régissant le recours en annulation pour contester, devant la juridiction communautaire, la légalité desdites décisions de la Commission.

Appréciation de la Cour

67
Le médiateur ne saurait être en aucun cas tenu pour responsable du comportement de la Commission. Une action visant à obtenir la réparation d’un préjudice causé par le comportement d’une institution ou d’un organe communautaire doit être dirigée contre cette institution ou cet organe.

68
À l’appui du recours formé en première instance devant le Tribunal, M. Lamberts a fait valoir qu’il avait subi un dommage causé par des fautes et des négligences qu’aurait commises le médiateur dans le traitement de sa plainte. Son recours ne vise donc pas à la réparation d’un préjudice causé par un comportement dommageable de la Commission.

69
Dès lors, c’est à juste titre que, au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, par le recours formé devant lui, M. Lamberts vise à obtenir un dédommagement pour le préjudice qu’il estimait avoir subi en raison d’une négligence commise par le médiateur dans l’exercice des fonctions qui lui ont été attribuées par le traité CE.

70
La troisième branche du moyen invoqué par le médiateur n’est par conséquent pas fondée.

71
Dans ces conditions, le pourvoi principal doit être rejeté.


Sur le pourvoi incident

72
À l’appui de son pourvoi incident, M. Lamberts invoque deux moyens.

73
Le médiateur et le Parlement soutiennent que le pourvoi incident doit être rejeté comme irrecevable.

Sur le premier moyen

74
Par son premier moyen, M. Lamberts fait grief au Tribunal d’avoir violé la décision 94/262 en ne retenant aucune faute dans le chef du médiateur. Le Tribunal aurait ainsi violé l’article 2, paragraphe 5, de cette décision, en ne sanctionnant pas le médiateur pour ne pas lui avoir conseillé en temps utile d’introduire un recours devant le juge communautaire ainsi que l’article 3, paragraphe 5, de celle‑ci, en le ne sanctionnant pas pour n’avoir pas tenté d’obtenir une solution à l’amiable lui donnant satisfaction, alors que le médiateur n’avait, ce faisant, pas rempli la mission pour laquelle il a été institué par le Parlement.

Sur la recevabilité du moyen

75
Il convient de relever que, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit communautaire faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (voir ordonnance du 11 novembre 2003, Martinez/Parlement, C-488/01 P, non encore publiée au Recueil, point 39, et jurisprudence citée).

76
Cependant, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de cette dernière qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir ordonnance Martinez/Parlement, précitée, point 40, et jurisprudence citée).

77
Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 35).

78
Or, en l’occurrence, par son premier moyen, M. Lamberts a spécifiquement identifié l’erreur de droit reprochée au Tribunal et effectivement critiqué l’interprétation du droit communautaire sur la base de laquelle celui-ci s’est fondé. Ce moyen vise, en effet, à mettre en cause la position arrêtée par le Tribunal sur une question de droit qui lui était soumise en première instance, à savoir l’interprétation à donner aux dispositions communautaires selon lesquelles le médiateur peut conseiller au plaignant de s’adresser à une autre autorité et doit tenter dans la mesure du possible de rechercher une solution à l’amiable.

79
Le premier moyen est donc recevable.

Sur le bien-fondé du moyen

80
Il convient de constater que les dispositions régissant l’exercice des fonctions de médiateur et plus particulièrement l’article 2, paragraphe 5, de la décision 94/262 n’imposent au médiateur aucune obligation d’informer le plaignant des autres voies de recours qui s’offrent à lui et des délais à respecter pour utiliser les voies de recours juridictionnelles. Il ne lui incombe pas, à plus forte raison, de conseiller au plaignant de suivre une voie de recours quelconque.

81
S’il peut être dans l’intérêt du bon accomplissement de la mission qui lui a été conférée par le traité que le médiateur informe, le cas échéant, le citoyen concerné des recours à introduire afin de servir au mieux ses intérêts, l’article 2, paragraphe 5, de la décision 94/262 ne saurait être interprété comme constitutif d’un droit pour le plaignant à être renvoyé devant le Tribunal pour y former un recours en annulation contre la décision de l’institution, objet de la plainte.

82
En ce qui concerne la recherche d’une solution à l’amiable dans le litige opposant la personne qui l’a saisi d’une plainte à une institution communautaire, conformément à l’article 3, paragraphe 5, de la décision 94/262, le médiateur est uniquement tenu de coopérer avec l’institution concernée afin de rechercher une solution de nature à éliminer le cas de mauvaise administration et à donner satisfaction au plaignant. Il dispose, à cet égard, d’un pouvoir d’appréciation très étendu. En particulier, il doit apprécier si la recherche d’une solution donnant satisfaction au plaignant est envisageable, étant précisé qu’il existe des situations dans lesquelles la recherche d’une telle solution n’est pas possible, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 3, des dispositions d’exécution, auquel cas le médiateur classe l’affaire par une décision motivée. En tout état de cause, il ne peut être reproché au médiateur de ne pas avoir correctement rempli la mission qui lui est confiée au seul motif qu’il a conclu à l’impossibilité de trouver une solution donnant satisfaction au plaignant. Le Tribunal n’a donc commis aucune erreur de droit ni dans son interprétation des dispositions communautaires selon lesquelles le médiateur recherche, dans la mesure du possible, une solution à l’amiable ni en jugeant, au point 85 de son arrêt, que le médiateur peut, sans commettre de faute de service, conclure dans la décision clôturant une enquête déterminée que la recherche d’une solution à l’amiable donnant satisfaction au plaignant ne peut aboutir.

83
Le premier moyen de M. Lamberts doit donc être rejeté comme non fondé.

Sur le second moyen

84
Par son second moyen, M. Lamberts reproche au Tribunal d’avoir commis deux erreurs d’appréciation importantes.

85
En premier lieu, il reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur d’appréciation en ce qu’il a relevé, au point 82 de l’arrêt attaqué, qu’«il ressort tant de l’avis de la Commission sur la plainte du requérant que de la lettre du 15 décembre 1999 du membre de la Commission responsable des affaires du personnel, que la Commission refusait de permettre au requérant de se présenter une seconde fois à l’épreuve orale ou de rechercher toute autre solution alternative», alors que M. Lamberts n’avait jamais demandé à présenter une seconde fois l’épreuve orale.

86
À cet égard, il convient, d’une part, de relever que le Tribunal a rappelé, au point 81 de l’arrêt attaqué, qu’il existe des situations dans lesquelles la recherche, par le médiateur, d’une solution à l’amiable n’est pas possible et a considéré, au point 82, que tel était le cas en l’espèce, puisque la Commission refusait de permettre à M. Lamberts de se présenter une seconde fois à l’épreuve orale ou de rechercher toute autre solution alternative.

87
D’autre part, l’argument de M. Lamberts critiquant le point 82 de l’arrêt attaqué ne vise pas à démontrer en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit en vérifiant si, en l’espèce, une solution à l’amiable était possible.

88
L’argument avancé par M. Lamberts en premier lieu doit dès lors être rejeté comme irrecevable pour les raisons rappelées au point 76 du présent arrêt.

89
En second lieu, le Tribunal aurait commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une motivation manifestement erronée lorsque, au point 84 de l’arrêt attaqué, il prétend que «ce n’est que dans le cadre de la procédure devant le Tribunal que le requérant a, à titre d’exemple, indiqué différentes solutions alternatives qui, selon lui, auraient dû et pu être envisagées», alors qu’il ressortirait clairement des pièces du dossier et, à cet égard, de l’annexe 26 notamment, où le requérant fait référence à la notion de «conseiller spécial», que M. Lamberts a fait part de telles solutions lors de l’instruction de la plainte et avant que le médiateur ne prenne sa décision, et que ce dernier n’en a jamais tenu compte.

90
Il convient de constater que, en ce qu’elle renvoie à l’ensemble des pièces d’un dossier, cette critique relative au point 84 de l’arrêt attaqué doit être considérée comme une critique de l’appréciation des preuves retenues par le Tribunal, non soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi, celui-ci étant limité aux questions de droit, conformément aux articles 225 CE et 58 du statut de la Cour de justice.

91
À supposer que le renvoi à l’annexe 26 du dossier présenté par M. Lamberts devant le Tribunal puisse être analysé comme un moyen tiré de la dénaturation de ce document, il convient de constater que cette annexe est constituée par une correspondance entre M. Lamberts et le secrétariat du médiateur, et en particulier par une lettre du 12 mars 1999 dans laquelle il est fait référence à la notion de «conseiller spécial». Dans cette lettre, M. Lamberts fait allusion à une pratique d’intégration sans concours préalable, contraire aux règles d’accès à la fonction publique communautaire telles que prévues par le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, qui aurait été mise en œuvre dans le cadre de l’intégration du personnel du secrétariat de Schengen au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, et demande que l’autorité investie du pouvoir de nomination à la Commission fasse preuve de flexibilité à son égard.

92
Au vu des pièces susmentionnées, il n’apparaît pas que, à un stade antérieur à celui de la procédure devant le Tribunal, M. Lamberts ait concrètement proposé des solutions envisageables de préférence à une nouvelle invitation à se présenter à l’épreuve orale. Par ailleurs, c’est à juste titre que le Tribunal n’a pas pris en considération la proposition de faire preuve de flexibilité à l’égard de M. Lamberts comme une solution alternative susceptible d’être envisagée.

93
C’est donc sans dénaturer les éléments de preuve qui lui ont été soumis que, au point 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que M. Lamberts n’avait pas proposé de solutions alternatives à un stade antérieur à l’introduction de son recours, de telle sorte que le médiateur n’avait pu prendre spécifiquement position sur de telles propositions avant l’introduction dudit recours.

94
Au vu de ce qui précède, le pourvoi incident est rejeté dans son ensemble.


Sur les dépens

95
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Conformément à l’article 69, paragraphe 3, du même règlement, la Cour peut cependant répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. Chacune des parties ayant succombé partiellement en ses moyens, il y a lieu de décider que chacune supporte ses propres dépens. Par ailleurs, aux termes de l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Parlement qui est intervenu au litige supporte ses propres dépens.


Par ces motifs,

LA COUR (assemblée plénière),

déclare et arrête:

1)
Le pourvoi principal et le pourvoi incident sont rejetés.

2)
Chacune des parties supporte ses propres dépens.

Skouris

Jann

Timmermans

Gulmann

Cunha Rodrigues

Rosas

Puissochet

Schintgen

Macken

Colneric

von Bahr

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mars 2004.

Le greffier

Le président

R. Grass

V. Skouris


1
Langue de procédure: le français.