Language of document : ECLI:EU:C:2005:790

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

15 décembre 2005 (*)

«Manquement d’État – Directive 2000/60/CE – Politique communautaire dans le domaine de l’eau – Non‑transposition dans le délai prescrit»

Dans l’affaire C‑33/05,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 31 janvier 2005,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes J. Hottiaux et S. Pardo Quintillán, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M. M. Wimmer, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. J.‑P Puissochet et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. R. Grass,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1       Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327, p. 1, ci‑après la «directive»), ou, en tout état de cause, en ne lui communiquant pas lesdites dispositions, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2       Conformément à l’article 24, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 22 décembre 2003 et en informer immédiatement la Commission.

 La procédure précontentieuse

3       Considérant que la directive n’avait pas été transposée en droit belge dans le délai prescrit en ce qui concerne la Région wallonne et la Région de Bruxelles‑Capitale, la Commission a engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226, premier alinéa, CE. Conformément à cette disposition et après avoir, le 27 janvier 2004, mis le Royaume de Belgique en demeure de présenter ses observations, la Commission a, le 6 septembre 2004, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations résultant de ladite directive dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis.

4       Par lettre du 14 septembre 2004, les autorités belges ont informé la Commission que la transposition de la directive en ce qui concerne la Région de Bruxelles‑Capitale était en cours.

5       La Commission n’ayant obtenu aucun autre élément d’information lui permettant de conclure que les mesures nécessaires à la transposition de la directive avaient été définitivement prises, elle a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

6       Dans son mémoire en défense, le Royaume de Belgique a démontré que la Région wallonne a intégralement transposé la directive par le décret du 27 mai 2004, relatif au livre II du code de l’environnement, constituant le code de l’eau (Moniteur Belge du 23 septembre 2004, p. 68724), et par l’arrêté du gouvernement wallon, du 3 mars 2005, relatif au livre II du code de l’environnement, contenant le code de l’eau (Moniteur Belge du 11 avril 2005, p. 14995).

7       En conséquence, la Commission a, dans son mémoire en réplique, renoncé à son grief concernant la non‑communication par le Royaume de Belgique des dispositions législatives, réglementaires et administratives adoptées par la Région wallonne pour se conformer à la directive.

8       En ce qui concerne la Région de Bruxelles‑Capitale, le Royaume de Belgique ne conteste pas, dans son mémoire en défense, que la procédure de transposition de la directive dans l’ordre juridique de cette Région a pris du retard. Il souligne cependant qu’un avant-projet d’ordonnance est en cours de finalisation et que ladite Région, nonobstant l’absence de transposition formelle de la directive, a toutefois mis en œuvre certaines dispositions de celle-ci.

9       Selon le Royaume de Belgique, l’article 3, paragraphes 3 et 4, de la directive a été transposé par l’accord international sur l’Escaut, la Région de Bruxelles‑Capitale étant au nombre des parties contractantes de celui-ci. Cet accord a été ratifié par cette dernière en vertu de l’ordonnance bruxelloise du 1er avril 2004 (Moniteur Belge du 26 avril 2004, p. 34274).

10     Le Royaume de Belgique fait valoir également que la Région de Bruxelles‑Capitale a satisfait aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la directive en effectuant un état des lieux du district hydrographique situé sur son territoire, en réalisant et en faisant approuver par le district hydrographique international le «rapport faîtier», ainsi qu’en commandant et en réceptionnant une étude visant à définir une méthodologie pour effectuer les mesures biologiques de la qualité de l’eau.

11     En outre, le Royaume de Belgique souligne que la Région de Bruxelles‑Capitale a adopté un arrêté ministériel établissant un programme de réduction de la pollution des eaux générée par certaines substances dangereuses, telles que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (Moniteur Belge du 5 avril 2005, p. 14370).

12     La Commission soutient, dans son mémoire en réplique, que les informations fournies par le Royaume de Belgique n’exonèrent pas cet État membre de son obligation de se conformer à l’article 24 de la directive et de lui communiquer les mesures de transposition. Quant à l’argument relatif à la transposition informelle de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, la Commission rappelle que, avant d’effectuer les analyses et études prévues à cet article, l’État membre doit transposer cette disposition dans son ordre juridique interne et en informer la Commission.

13     Par conséquent, la Commission considère que le Royaume de Belgique n’a invoqué aucun élément pertinent concernant la transposition des dispositions de la directive dans la Région de Bruxelles-Capitale.

 Appréciation de la Cour

14     En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 13 mars 2003, Commission/Espagne, C‑333/01, Rec. p. I‑2623, point 8, et du 14 septembre 2004, Commission/Espagne, C‑168/03, Rec. p. I‑8227, point 24).

15     En l’espèce, il est constant que, à la date d’expiration du délai de deux mois imparti dans l’avis motivé, les mesures destinées à assurer la transposition de la directive en ce qui concerne la Région de Bruxelles‑Capitale n’avaient pas été adoptées par les autorités compétentes de cette dernière.

16     En deuxième lieu, s’agissant de l’argumentation du Royaume de Belgique relative à la transposition de ladite directive au moyen de l’accord international sur l’Escaut et de l’arrêté ministériel mentionné au point 11 du présent arrêt, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des termes de cette dernière dans une disposition légale expresse et spécifique et peut, en fonction de son contenu, se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui‑ci assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise, afin que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et de s’en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales (voir, notamment, arrêts du 28 février 1991, Commission/Allemagne, C‑131/88, Rec. p. I‑825, point 6, et du 26 mai 2005, Commission/Suède, C‑287/04, non publié au Recueil, point 6).

17     Toutefois, le Royaume de Belgique n’a pas démontré que l’accord international sur l’Escaut ou ledit arrêté ministériel assure effectivement la pleine application de la directive.

18     En troisième lieu, concernant l’argument selon lequel le Royaume de Belgique aurait satisfait aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la directive, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable de l’obligation qui incombe aux États membres, destinataires d’une directive (voir, notamment, arrêts Commission/Allemagne, précité, point 61, et du 14 avril 2005, Commission/Pays‑Bas, C‑146/04, non publié au Recueil, point 6).

19     Dans ces conditions, le recours introduit par la Commission doit être considéré comme fondé.

20     Au regard des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive, en ce qui concerne la Région de Bruxelles‑Capitale, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

 Sur les dépens

21     Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui‑ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      En ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, en ce qui concerne la Région de Bruxelles‑Capitale, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.