Language of document : ECLI:EU:C:2008:300

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

22 mai 2008 (*)

«Pension d’invalidité allouée aux victimes civiles de la guerre ou de la répression – Condition de résidence sur le territoire national – Article 18, paragraphe 1, CE»

Dans l’affaire C‑499/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Sąd Okręgowy w Koszalinie (Pologne), par décision du 13 novembre 2006, parvenue à la Cour le 8 décembre 2006, dans la procédure

Halina Nerkowska

contre

Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Koszalinie,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. G. Arestis, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász et J. Malenovský, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Nerkowska, par elle-même,

–        pour le Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Koszalinie, par Me W. Witkowicz, adwokat,

–        pour le gouvernement polonais, par Mme E. Ośniecka-Tamecka, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de Mme W. Ferrante, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes D. Maidani et A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 février 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 18, paragraphe 1, CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Nerkowska au Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Koszalinie (institution de sécurité sociale, caisse de Koszalin) à propos du refus de ce dernier de lui verser une pension d’invalidité au titre des dommages de santé consécutifs aux six années de déportation qu’elle a subies dans l’ex-Union des républiques socialistes soviétiques (ex-URSS).

 La réglementation nationale

3        La réglementation nationale est constituée par la loi sur les pensions des invalides de guerre et de l’armée ainsi que de leur famille (Ustawa o zaopatrzeniu inwalidów wojennych i wojskowych oraz ich rodzin), du 29 mai 1974, telle que modifiée (Dz. U de 2002, nº 9, position 87, ci-après la «loi de 1974»), et la loi sur les combattants et certaines personnes victimes de répression pendant et après la guerre (Ustawa o kombatantach oraz niektórych osobach będących ofiarami represji wojennych i okresu powojennego), du 24 janvier 1991 (Dz. U n° 17, position 75).

4        L’article 5 de la loi de 1974 prévoit que les prestations prévues par celle-ci sont servies à l’ayant droit pendant la durée de son séjour sur le territoire de la République de Pologne, à moins que la loi ou un accord international n’en dispose autrement.

5        Conformément à l’article 3 de la loi de 1974, ces pensions sont financées par l’État polonais.

6        En vertu de l’article 12, paragraphe 2, de la loi du 24 janvier 1991, sur les combattants et certaines personnes victimes de répression pendant et après la guerre, les prestations en espèces et les autres droits prévus par la loi de 1974 bénéficient également aux personnes qui, notamment, ont été rattachées à l’un des groupes d’invalides en raison d’une invalidité liée, en particulier, à un séjour en captivité ou dans des camps d’internement, ou dans des camps dépendant de la Direction centrale des prisonniers de guerre et des internés (GUPVI) du Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD) et, à partir du mois de mars 1946, du ministère des Affaires intérieures (MVD) de l’ex-URSS, ou dans des camps dépendant de la Division des camps de contrôle et de filtration du NKVD et, à partir du mois de mars 1946, dudit ministère des Affaires intérieures. Ces prestations bénéficient également aux personnes qui ont été victimes de répression pendant et après la guerre, c’est-à-dire aux personnes qui, en raison de leurs convictions politiques, religieuses et nationales, ont été exilées de force ou déportées en ex-URSS. On considère comme une invalidité liée à un séjour en déportation l’invalidité résultant de blessures, de contusions et d’autres lésions ou maladies survenues du fait d’un tel séjour.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

7        Mme Nerkowska, qui possède actuellement la nationalité polonaise, est née le 2 février 1946 sur le territoire de l’actuelle Biélorussie.

8        À l’âge de 3 ans, elle a perdu ses parents, qui ont été déportés en Sibérie en vertu d’une décision judiciaire.

9        Au cours du mois d’avril de l’année 1951, Mme Nerkowska, son frère et sa tante ont été eux-mêmes déportés en ex-URSS. Elle y a vécu dans des conditions difficiles jusqu’au mois de janvier 1957.

10      À l’issue d’une période de près de six ans, elle est rentrée en Pologne. Elle y a effectué des études, puis, après les avoir achevées, a occupé un poste administratif.

11      En 1985, elle a quitté la Pologne et s’est durablement établie en Allemagne.

12      Au cours du mois d’octobre de l’année 2000, le Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Koszalinie a été saisi d’une demande présentée par Mme Nerkowska pour obtenir une pension d’invalidité au titre des dommages de santé qu’elle a subis durant sa déportation.

13      Par décision du 4 octobre 2002, le Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Koszalinie a admis le droit à pension de Mme Nerkowska au titre de son incapacité partielle de travail liée à son séjour dans des espaces concentrationnaires, mais le versement de la prestation due à ce titre a toutefois été suspendu au motif que la bénéficiaire ne résidait pas sur le territoire polonais.

14      Contestant cette décision, Mme Nerkowska a saisi le Sąd Okręgowy w Koszalinie (Tribunal régional de Koszalin) en lui demandant de juger qu’elle est fondée à obtenir le versement de la pension d’invalidité sollicitée. Cette juridiction n’a pas fait droit à son argumentation et a rejeté le recours par jugement du 22 mai 2003 intervenu à l’issue de la procédure probatoire.

15      Une nouvelle demande tendant au versement de la prestation susmentionnée a été introduite par Mme Nerkowska au cours du mois de septembre de l’année 2006. À l’appui de sa demande, cette dernière a fait valoir que la République de Pologne avait adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004 et avait ainsi incorporé le droit communautaire au droit interne polonais.

16      À l’issue de la procédure administrative, le Zakład Ubezpieczeń Społecznych Oddział w Koszalinie a adopté, le 14 septembre 2006, la décision faisant l’objet de l’affaire au principal et a refusé à Mme Nerkowska le paiement de la pension d’invalidité correspondant au droit qui lui avait été antérieurement reconnu au motif qu’elle ne résidait pas sur le territoire de la République de Pologne.

17      Mme Nerkowska a contesté ladite décision devant la juridiction de renvoi en demandant qu’elle soit modifiée de telle manière que sa pension d’invalidité lui soit versée. Elle a fait valoir que, compte tenu de l’adhésion de la République de Pologne à l’Union, son lieu actuel de résidence ne saurait constituer un obstacle pour le paiement de cette prestation.

18      Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Koszalinie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 18 CE, qui garantit aux citoyens de l’Union européenne le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, fait-il obstacle à l’application des dispositions nationales inscrites à l’article 5 de la [loi de 1974], dans la mesure où ces dispositions subordonnent le versement de la prestation de pension au titre d’une incapacité de travail liée à un séjour dans des espaces concentrationnaires à la condition que l’ayant droit réside sur le territoire de la République de Pologne?»

 Sur la question préjudicielle

19      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 18, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre en vertu de laquelle ce dernier refuse à l’un de ses ressortissants le versement d’une prestation octroyée aux victimes civiles de la guerre ou de la répression, alors que le droit à une telle prestation a été reconnu à ce ressortissant par une décision de l’autorité compétente, au seul motif que ce dernier est domicilié non pas sur le territoire de cet État, mais sur celui d’un autre État membre.

20      À cet égard, il convient, à titre liminaire, de déterminer si une situation telle que celle de l’affaire au principal relève du champ d’application du droit communautaire, et notamment de l’article 18, paragraphe 1, CE.

 Sur l’applicabilité de l’article 18, paragraphe 1, CE

21      En ce qui concerne, d’une part, le champ d’application personnel de ladite disposition, il suffit de constater que, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, CE, toute personne ayant la nationalité d’un État membre possède le statut de citoyen de l’Union. En outre, le paragraphe 2 du même article 17 attache à ce statut les droits et les devoirs prévus par le traité CE, au nombre desquels figurent ceux mentionnés à l’article 18, paragraphe 1, CE (arrêt du 26 octobre 2006, Tas-Hagen et Tas, C‑192/05, Rec. p. I-10451, point 18).

22      En tant que ressortissante polonaise, Mme Nerkowska jouit du statut de citoyen de l’Union institué par l’article 17, paragraphe 1, CE et peut donc se prévaloir éventuellement des droits afférents à un tel statut, notamment les droits de libre circulation et de libre séjour prévus à l’article 18, paragraphe 1, CE.

23      D’autre part, quant au champ d’application matériel de l’article 18, paragraphe 1, CE, il importe de relever que, au stade actuel du développement du droit communautaire, une prestation telle que celle en cause au principal, qui a pour but de dédommager les victimes civiles de la guerre ou de la répression du préjudice psychique ou corporel qu’elles ont subi, relève de la compétence des États membres (arrêt Tas-Hagen et Tas, précité, point 21).

24      Cependant, ces derniers doivent exercer une telle compétence dans le respect du droit communautaire, en particulier des dispositions du traité relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (arrêt Tas-Hagen et Tas, précité, point 22).

25      En outre, il est constant que la citoyenneté de l’Union, prévue à l’article 17 CE, n’a pas pour objectif d’étendre le champ d’application matériel du traité à des situations internes n’ayant aucun rattachement au droit communautaire (arrêts du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet, C‑64/96 et C‑65/96, Rec. p. I-3171, point 23; du 2 octobre 2003, Garcia Avello, C‑148/02, Rec. p. I-11613, point 26, ainsi que Tas-Hagen et Tas, précité, point 23).

26      Toutefois, la Cour a déjà jugé que les situations relevant du domaine d’application ratione materiæ du droit communautaire comprennent, notamment, celles relevant de l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité et celles relevant de l’exercice de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 18 CE (arrêts du 15 mars 2005, Bidar, C‑209/03, Rec. p. I-2119, point 33, ainsi que du 12 juillet 2005, Schempp, C‑403/03, Rec. p. I-6421, points 17 et 18).

27      En l’occurrence, il convient de constater qu’une situation telle que celle de Mme Nerkowska relève du droit de libre circulation et de libre séjour des citoyens de l’Union dans les États membres. La requérante au principal, en établissant sa résidence en Allemagne, a exercé le droit conféré par l’article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un État membre autre que celui dont il est le ressortissant.

28      En outre, il ressort clairement du dossier transmis à la Cour par la juridiction de renvoi que le refus du versement de la pension d’invalidité qui a été octroyée à Mme Nerkowska résulte du seul fait que cette dernière avait établi sa résidence en Allemagne.

29      Il résulte de ce qui précède qu’une situation dans laquelle l’exercice par Mme Nerkowska d’une liberté reconnue par l’ordre juridique communautaire a une incidence sur le droit de cette dernière au versement d’une prestation prévue par la législation nationale ne saurait être considérée comme étant purement interne et n’ayant aucun rattachement au droit communautaire.

30      Il y a donc lieu d’examiner si l’article 18, paragraphe 1, CE, qui est applicable à une situation telle que celle au principal, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale exigeant, pour le paiement d’une pension d’invalidité allouée aux victimes civiles de la guerre ou de la répression, que le bénéficiaire ait sa résidence sur le territoire de l’État membre qui octroie une telle prestation.

 Sur l’exigence d’une condition de résidence

31      S’agissant de la portée de l’article 18, paragraphe 1, CE, la Cour a déjà jugé que les facilités ouvertes par le traité en matière de libre circulation ne pourraient produire leurs pleins effets si un ressortissant d’un État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage par les obstacles mis à son séjour dans l’État membre d’accueil en raison d’une réglementation de son État d’origine pénalisant le fait qu’il les a exercées (arrêts du 29 avril 2004, Pusa, C‑224/02, Rec. p. I‑5763, point 19, ainsi que Tas-Hagen et Tas, précité, point 30).

32      Une réglementation nationale qui désavantage certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l’Union (arrêts du 18 juillet 2006, De Cuyper, C-406/04, Rec. p. I-6947, point 39, ainsi que Tas-Hagen et Tas, précité, point 31).

33      Or, la loi de 1974 constitue une telle restriction. En effet, en subordonnant le paiement de la pension d’invalidité instituée au profit des victimes civiles de la guerre ou de la répression à la condition que les bénéficiaires aient leur résidence sur le territoire national, cette loi est susceptible de dissuader les ressortissants polonais qui sont dans une situation telle que celle de la requérante au principal d’exercer leur liberté de circuler et de séjourner dans un État membre autre que la Pologne.

34      Une réglementation nationale qui impose une telle restriction à l’exercice des libertés par les ressortissants nationaux ne peut être justifiée, au regard du droit communautaire, que si elle se fonde sur des considérations objectives d’intérêt général indépendantes de la nationalité des personnes concernées et est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (arrêt précités De Cuyper, point 40, ainsi que Tas-Hagen et Tas, point 33).

35      Quant à la première condition, il ressort des observations soumises à la Cour tant par le défendeur au principal que par le gouvernement polonais que la restriction prévue par la loi de 1974 résulte essentiellement de la volonté du législateur polonais de circonscrire l’obligation de solidarité à l’égard des victimes civiles de la guerre ou de la répression aux seules personnes qui ont un lien de rattachement au peuple polonais. La condition de résidence serait donc la manifestation du degré d’intégration de celles-ci dans la société polonaise.

36      En outre, le défendeur au principal et le gouvernement polonais relèvent que seule une condition de résidence telle que celle en cause dans l’affaire au principal est de nature à garantir la possibilité de vérifier que la situation du bénéficiaire de la prestation concernée n’a pas subi de changements susceptibles d’avoir une incidence sur le droit de ce dernier à cette prestation. À cet égard, ils soulignent que l’absence de possibilité de recourir à l’assistance administrative et médicale des autres États membres, prévue pour les prestations de sécurité sociale par le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), prive d’efficacité et d’effectivité le contrôle effectué par les organismes compétents polonais. Ils font valoir, également, que d’autres mesures moins restrictives n’auraient pas une efficacité équivalente à celle de ladite condition.

37      Certes, tant la volonté de garantir l’existence d’un lien de rattachement entre la société de l’État membre concerné et le bénéficiaire d’une prestation que la nécessité de vérifier que ce dernier continue à remplir les conditions d’octroi de cette prestation constituent des considérations objectives d’intérêt général de nature à justifier que les conditions d’octroi ou de paiement d’une telle prestation puissent affecter la liberté de circulation des citoyens de cet État membre.

38      En ce qui concerne l’exigence d’un lien de rattachement avec la société de l’État membre concerné, la Cour a considéré, s’agissant d’une prestation telle que celle en cause au principal, qui n’est pas régie par le droit communautaire, que les États membres ont une ample marge d’appréciation en ce qui concerne la fixation des critères d’évaluation d’un tel rattachement, tout en étant tenus de respecter les limites imposées par le droit communautaire (arrêt Tas-Hagen et Tas, précité, point 36).

39      Il est ainsi légitime pour un État membre, par le moyen de conditions liées à la nationalité ou à la résidence de la personne concernée, de limiter la réparation octroyée à des victimes civiles de la guerre ou de la répression à des personnes considérées comme manifestant un certain degré de rattachement à la société de cet État membre.

40      Toutefois, si la restriction constatée au point 33 du présent arrêt est susceptible d’être justifiée par les considérations objectives d’intérêt général telles que celles mentionnées au point précédent, encore faut-il que celle-ci ne soit pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

41      En premier lieu, en ce qui concerne la condition de résidence continue sur le territoire national pendant toute la période de versement de ladite prestation considérée comme un élément de rattachement à la société polonaise des victimes civiles de la guerre ou de la répression, il convient de constater que, s’il est vrai que la résidence constitue un critère de nature à révéler l’existence d’un tel rattachement, il n’en demeure pas moins que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, une telle condition va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi.

42      En effet, il est constant que Mme Nerkowska possède la nationalité polonaise et a vécu en Pologne durant plus de vingt ans, période pendant laquelle elle y a fait ses études et travaillé.

43      Le fait de posséder la nationalité de l’État membre qui octroie la prestation en cause au principal ainsi que d’avoir vécu dans cet État pendant plus de vingt ans, en étudiant et en travaillant, peut suffire à établir des liens de rattachement entre ce dernier et le bénéficiaire de cette prestation. Dans ces conditions, l’exigence d’une résidence, pendant toute la période de versement de ladite prestation, doit être considérée comme disproportionnée, dans la mesure où elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir un tel rattachement.

44      En second lieu, en ce qui concerne l’argument selon lequel la condition de résidence serait le seul moyen de vérifier que le bénéficiaire d’une pension d’invalidité continue à remplir les conditions d’octroi de celle-ci, il suffit de répondre qu’il ne saurait être valablement soutenu que l’objectif poursuivi ne peut pas être atteint par d’autres moyens qui, tout en étant moins contraignants, sont aussi efficaces.

45      En effet, si un contrôle médical ou administratif exigeait la présence du bénéficiaire d’une prestation telle que celle en cause au principal sur le territoire de l’État membre concerné, rien ne s’oppose à ce que cet État membre invite ce bénéficiaire à se rendre dans cet État aux fins de se soumettre à un tel contrôle, y compris sous peine de suspension du versement de la prestation en cas de refus injustifié de la part dudit bénéficiaire.

46      Par conséquent, une condition de résidence telle que celle en cause au principal va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de vérifier que le bénéficiaire d’une prestation continue à remplir les conditions d’octroi de celle-ci et, partant, elle ne respecte pas le principe de proportionnalité rappelé aux points 34 et 40 du présent arrêt.

47      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 18, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre en vertu de laquelle ce dernier refuse, de manière générale et en toutes circonstances, le versement à ses ressortissants d’une prestation octroyée aux victimes civiles de la guerre ou de la répression du seul fait que ceux-ci ne résident pas pendant toute la période de versement de cette prestation sur le territoire de cet État, mais sur celui d’un autre État membre.

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

L’article 18, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre en vertu de laquelle ce dernier refuse, de manière générale et en toutes circonstances, le versement à ses ressortissants d’une prestation octroyée aux victimes civiles de la guerre ou de la répression du seul fait que ceux-ci ne résident pas pendant toute la période de versement de cette prestation sur le territoire de cet État, mais sur celui d’un autre État membre.

Signatures


* Langue de procédure: le polonais.