Language of document : ECLI:EU:T:2008:395

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

24 septembre 2008 (*)

« Aides d’État – Aide existante ou aide nouvelle – Entreprise en difficulté – Principe de sécurité juridique – Principe de protection de la confiance légitime – Critère de l’investisseur privé – Compatibilité avec le marché commun – Conditions »

Dans l’affaire T‑20/03,

Kahla/Thüringen Porzellan GmbH, établie à Kahla (Allemagne), représentée par Mes M. Schütte et S. Zühlke, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Freistaat Thüringen (Allemagne), représenté initialement par Mes A. Weitbrecht et A. van Ysendyck, puis par Mes Weitbrecht et M. Núñez-Müller, avocats,

et par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. W.‑D. Plessing et M. Lumma, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz et V. Di Bucci, en qualité d’agents, assistés de M. C. Koenig, professeur,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2003/643/CE de la Commission, du 13 mai 2003, relative à l’aide d’État accordée par l’Allemagne en faveur de Kahla Porzellan GmbH et de Kahla/Thüringen Porzellan GmbH (JO L 227, p. 12), en ce que cette décision concerne les concours financiers accordés en faveur de Kahla/Thüringen Porzellan GmbH,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de M. M. Vilaras, président, Mme M. E. Martins Ribeiro, MM. F. Dehousse, D. Šváby et Mme K. Jürimäe, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 octobre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        L’entreprise Kahla Porzellan GmbH (ci‑après « Kahla I »), dont l’activité est la production de vaisselle et d’objets en porcelaine, est située dans le Land de Thuringe, l’une des régions pouvant éventuellement bénéficier d’aides en application de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE.

2        Kahla I a été constituée en 1990 par la transformation d’un combinat de l’ex-République démocratique allemande (RDA), VEB Vereinigte Porzellanwerke Kahla, en deux sociétés, dont l’une est devenue Kahla I, laquelle a été privatisée en avril 1991 par la Treuhandanstalt (ci‑après la « THA »). Kahla I s’est déclarée en faillite le 9 août 1993 et la procédure de liquidation a été engagée le 29 septembre 1993.

3        L’entreprise Kahla/Thüringen Porzellan GmbH (ci‑après « Kahla II » ou la « requérante ») a été constituée en novembre 1993 par M. G. R. Elle a repris, en janvier 1994, les terrains, machines et installations ainsi que 380 salariés de la société en liquidation Kahla I.

4        La cession des biens immobiliers de Kahla I a été approuvée par la THA, à laquelle ces biens immobiliers étaient rétrocédés, ainsi que par l’organisme qui lui a succédé, la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben (BvS).

5        Le contrat de vente des actifs de Kahla I prévoyait un prix total de 7,391 millions de marks allemands (DEM). Le montant de 2,05 millions de DEM pour les installations devait être financé par une subvention du Land de Thuringe de 2,5 millions de DEM. Les droits, marques, modèles déposés et savoir-faire ont été transférés pour 1 DEM symbolique, tandis que le fichier clients et le carnet de commandes ont été transférés à titre gratuit. Le prix demandé pour les stocks s’élevait à 2,136 millions de DEM et les biens immobiliers devaient être cédés, en franchise de droits, pour la somme de 3,205 millions de DEM. Le prix des stocks ayant été minoré postérieurement, le prix total payé s’est élevé à 6,727 millions de DEM.

6        Le 5 mars 1994, l’entreprise publique Thüringen Industriebeteiligungs GmbH & Co. KG (ci‑après « TIB »), contrôlée par le Land de Thuringe, a pris une participation de 49 % dans le capital de la requérante. Le 31 décembre 1999, TIB a cédé cette participation à M. G. R. et à son fils, M. H. R., pour un prix plus élevé que celui que TIB avait payé en mars 1994.

7        Après avoir reçu des plaintes et à la suite de courriers et de rencontres avec les représentants de la République fédérale d’Allemagne, la Commission a engagé, le 15 novembre 2000, la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant les aides ad hoc en faveur de Kahla I et de la requérante. La décision de la Commission d’ouvrir la procédure a été notifiée le 9 janvier 2001 à la République fédérale d’Allemagne et publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 30 juin 2001 (JO C 185, p. 45). La Commission a enjoint à la République fédérale d’Allemagne de lui communiquer tous les documents, indications et données nécessaires à l’appréciation de la compatibilité des aides. En particulier, il s’agissait des données permettant d’établir si Kahla I et la requérante étaient des entreprises indépendantes ou si la requérante devait être considérée comme le successeur d’une entreprise ou comme une « solution de continuation ». Il s’agissait, en outre, des informations permettant d’établir si certaines des aides étaient conformes aux régimes d’aides approuvés. Enfin, il s’agissait de tous les plans de restructuration existants concernant Kahla I et la requérante, décrivant les investissements réalisés ou envisagés et l’ensemble des autres coûts de restructuration financés par des aides d’État, commentant les bilans et les comptes de résultat (pour Kahla I), décrivant l’évolution des capacités ainsi que les données permettant de savoir si l’investisseur avait apporté une contribution. La Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations au sujet de l’aide en cause.

8        Par lettre du 26 mars 2001, la République fédérale d’Allemagne a répondu à l’injonction en fournissant des informations au sujet des aides en cause et en informant la Commission de nouvelles aides. Le 28 mai 2001, la Commission a demandé des renseignements complémentaires qu’elle a obtenus les 30 juin et 9 août 2001. Le 31 juillet 2001, la Commission a reçu des observations de la part de la requérante.

9        Par lettre du 28 novembre 2001 (JO 2002, C 26, p. 19), la Commission a notifié à la République fédérale d’Allemagne sa décision d’étendre la procédure formelle d’examen aux aides qui n’étaient pas conformes aux régimes d’aides approuvés, ainsi qu’aux aides qui n’avaient pas été notifiées auparavant. La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations.

10      Le 10 décembre 2001, l’affaire a été discutée avec des représentants de la République fédérale d’Allemagne et de l’entreprise.

11      Le 30 janvier 2002, la République fédérale d’Allemagne a formulé des observations sur la décision d’extension de la procédure et a communiqué des informations détaillées. Par courrier du 28 février 2002, la requérante a transmis à la Commission ses observations.

12      Après avoir reçu une nouvelle plainte alléguant que la requérante avait perçu d’autres aides, la Commission a demandé à la République fédérale d’Allemagne, par lettre du 30 avril 2002, des renseignements complémentaires qu’elle a obtenus le 29 mai 2002.

13      À la suite de la rencontre du 24 juillet 2002 avec des représentants de la République fédérale d’Allemagne, des explications complémentaires ont été fournies par celle-ci le 7 août 2002. Le 30 juillet 2002, la requérante a communiqué des observations et, par lettre du 1er octobre 2002, la République fédérale d’Allemagne a transmis de nouvelles observations.

14      Au terme de la procédure formelle d’examen, la Commission a adopté, le 30 octobre 2002, la décision C (2002) 4040 finale relative à l’aide d’État accordée par l’Allemagne en faveur de Kahla I et de Kahla II, notifiée le 4 novembre 2002 à l’Allemagne et portée à la connaissance de la requérante le 12 novembre 2002.

15      À la suite de l’introduction du présent recours (voir point 39 ci‑après), la Commission a communiqué à la République fédérale d’Allemagne, par lettre du 13 mai 2003, la modification de la décision du 30 octobre 2002, notamment, de son article 1er, en ce que l’injonction de récupération vise la mesure 22, des considérants 34, 37, 99, 101, 103 et 171, concernant la mesure 16, et des considérants 146 et 147, concernant la mesure 32. La Commission a adopté, en conséquence, une nouvelle décision, la décision 2003/643/CE, du 13 mai 2003, relative à l’aide d’État accordée par l’Allemagne en faveur de Kahla I et de Kahla II (JO L 227, p. 12, ci-après la « décision attaquée »). La décision attaquée a été portée à la connaissance de la requérante le 16 mai 2003 et publiée le 11 septembre 2003.

 Décision attaquée

16      Dans la décision attaquée, la Commission apprécie séparément les mesures financières accordées par les pouvoirs publics à Kahla I et à la requérante. Elle rappelle, au considérant 85 de la décision attaquée, que dans l’extension de la procédure d’examen, elle a conclu que Kahla I et la requérante étaient des personnes morales distinctes et que cette dernière a été considérée comme une « société de continuation », puisque M. G. R. l’a constituée comme une « société d’opportunité » en vue de la poursuite des activités de Kahla I, en liquidation, et de la reprise des actifs de cette dernière.

17      S’agissant de Kahla I, la Commission indique au considérant 22 de la décision attaquée que, de sa constitution jusqu’à sa mise en faillite, les pouvoirs publics lui ont accordé des mesures financières pour un montant total de 115,736 millions de DEM (mesures 1 à 10).

18      S’agissant de la requérante, la Commission identifie 23 concours financiers qui lui ont été octroyés entre 1994 et 1999 pour un montant total de 39,028 millions de DEM (mesures 11 à 33). Parmi ces mesures, décrites aux considérants 34 à 59 de la décision attaquée, figurent notamment les suivantes :

–        Mesure 11 : prise de participation, à hauteur de 49 % du capital de la requérante, par TIB, le 5 mars 1994, moyennant le paiement de 1,975 million de DEM ;

–        Mesure 12 : prêt participatif de 6 millions de DEM consenti en mars 1994 par TIB ;

–        Mesure 13 : garantie de crédit, accordée en mars 1994 par le Land de Thuringe pour des crédits d’investissement, qui a couvert les prêts objet des mesures 18 à 22 ;

–        Mesure 14 : garantie à 90 % accordée en mars 1994 par le Land de Thuringe pour des crédits d’exploitation d’un montant de 6,5 millions de DEM ouverts en septembre 1995 par une banque privée ;

–        Mesure 15 : subvention à l’investissement d’un montant initial de 2 millions de DEM, porté à 2,5 millions de DEM, versée en mai 1994 par le Land de Thuringe ;

–        Mesure 16 : prêt d’une banque publique pour la constitution de capitaux propres (ci-après le « prêt EKH ») de 0,2 million de DEM accordé en juin 1994 à M. G. R. dans le cadre de la création de la requérante ;

–        Mesure 21 : prêt d’investissement de 3,45 millions de DEM accordé en avril 1995 ;

–        Mesure 23 : garantie visée à la mesure 13 qui a couvert un prêt de 1 million de DEM consenti en février 1996 par une banque privée ;

–        Mesure 26 : subventions en faveur de l’emploi associées à des investissements de protection de l’environnement d’un montant de 1,549 million de DEM, accordées par la direction fédérale de l’emploi de 1994 à 1996 ;

–        Mesure 27 : subventions diverses pour la participation à des foires et expositions, la publicité, la recherche et le développement et l’insertion de travailleurs, octroyées de 1994 à 1996 pour un montant de 0,492 million de DEM ;

–        Mesure 30 : garantie visée à la mesure 13 qui a couvert un prêt de 2,32 millions de DEM consenti par une banque privée en mai 1999 ;

–        Mesure 32 : subventions diverses pour la participation à des foires et expositions, la publicité, l’insertion de travailleurs et les frais de personnel dans le cadre des activités de recherche et de développement, octroyées de 1997 à 1999 pour un montant de 0,352 million de DEM.

19      En premier lieu, la Commission estime que les mesures financières accordées à la requérante constituent des aides au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et considère, dans ce contexte, que les organismes publics ne se sont pas comportés comme des investisseurs dans une économie de marché.

20      D’une manière générale, la Commission observe, aux considérants 94 à 97 de la décision attaquée, qu’il ressort de deux rapports émanant de cabinets de consultants, à savoir, le rapport Rölfs Bühler Stümpges Hauck & Partner (ci-après « RBSH & P »), de novembre 1993, et le rapport Arthur Andersen (ci-après « AA »), de janvier 1994, que l’objectif du gouvernement du Land et de ses établissements financiers consistait à sauvegarder des emplois. En outre, les consultants prévoyaient au moins deux exercices déficitaires et n’envisageaient aucune contrepartie éventuelle à la participation des autorités publiques.

21      En ce qui concerne plus particulièrement la prise de participation par TIB à hauteur de 49 % du capital de la requérante (mesure 11), la Commission précise, aux considérants 98 et 99 de la décision attaquée, que d’après les consultants les risques potentiels étaient élevés. Elle observe à cet égard que rien n’a été fait pour y parer et qu’il n’a pas non plus été procédé à une analyse des recettes futures. Les conditions de la participation de TIB n’étaient pas, en outre, comparables aux conditions accordées à M. G. R. Dans ce contexte, la Commission précise que, contrairement aux déclarations de la République fédérale d’Allemagne, M. G. R. n’a pas investi dans la requérante 2,055 millions de DEM, mais seulement 0,055 million de DEM. Les 2 millions de DEM restants provenaient de ressources d’État sous la forme de deux prêts consentis à M. G. R., que la Commission considère comme deux mesures d’aide en faveur de la requérante (voir point 24 ci‑après), dont l’un était inclus dans une garantie donnée par l’État à la banque qui avait accordé le prêt (mesure 16) et l’autre était garanti par une hypothèque sur les biens immobiliers de la requérante (prêt de 1,8 million de DEM qui a fait l’objet de la mesure 17). Le risque assumé par TIB, qui a mis à la disposition de la requérante 1,975 million de DEM sous la forme d’une participation, était nettement plus conséquent que celui supporté par l’investisseur privé. Celui-ci avait, en outre, le droit de résilier le contrat si la participation de TIB ou d’autres mesures n’étaient pas effectives.

22      En ce qui concerne les autres mesures en faveur de la requérante, la Commission observe, au considérant 100 de la décision attaquée, que, au vu de la situation particulière de l’entreprise et du fait que celle-ci poursuit son activité sur un marché caractérisé par des surcapacités structurelles, un investisseur dans une économie de marché n’aurait accordé un soutien financier qu’en le subordonnant à des conditions tenant compte de ces faits.

23      Ainsi, s’agissant, en particulier, du prêt participatif consenti par TIB (mesure 12), la Commission observe, au considérant 102 de la décision attaquée, que le taux d’intérêt a été fixé à 12 %, mais qu’il a été consenti sans exiger les moindres sûretés et sous réserve d’un taux d’intérêt de 0 % pendant les deux premières années au moins, le montant des intérêts étant plafonné à 50 % du bénéfice de l’exercice concerné. En outre, des droits de vote supplémentaires n’ont pas été attachés au prêt et aucune prime de risque n’a été prévue pour compenser les risques prévus par les consultants.

24      Quant aux divers prêts consentis par des banques publiques (dont les deux prêts consentis à M. G. R. et la mesure 21), la Commission observe, au considérant 102 de la décision attaquée, qu’ils ont tous été consentis à un taux d’intérêt inférieur au taux de référence et que, dans la mesure où des sûretés ont été constituées, elles l’ont été par les pouvoirs publics ou alors ce sont les mêmes éléments d’actifs qui, à différentes reprises, ont servi de sûretés pour garantir différents prêts. S’agissant plus particulièrement du prêt EKH (mesure 16), la Commission observe, au considérant 103 de la décision attaquée, qu’il a été garanti par l’État et non par la constitution d’une garantie personnelle et que, quand bien même une garantie personnelle aurait été constituée, elle serait de rang inférieur à toutes les autres sûretés et ne couvrirait qu’une partie infiniment petite du risque de défaillance potentiellement important. Au considérant 130 de la décision attaquée, la Commission observe que, bien qu’il ait été accordé directement à M. G. R., ce prêt avait pour objet de soutenir une entreprise et qu’il doit donc être considéré comme une aide en faveur de la requérante.

25      En deuxième lieu, la Commission examine les difficultés de la requérante.

26      Elle précise, d’abord, aux considérants 106 et 107 de la décision attaquée, que la requérante est une « solution de continuation », à savoir une entreprise nouvellement créée dans la partie est de l’Allemagne qui a repris les actifs d’une société en liquidation. Selon la Commission, les « solutions de continuation » ne sont pas comparables à d’autres entreprises nouvellement créées, puisque ces sociétés, ayant repris les actifs d’une société en liquidation et poursuivant l’activité de celle-ci, ordinairement sans procéder auparavant à la moindre restructuration acceptable, héritent d’une série de défauts structurels et ont besoin de modifications substantielles pour pouvoir s’adapter à une économie de marché. La Commission explique que, compte tenu de la situation particulière des nouveaux Länder, elle a accepté un concept flexible et libéral qui permet aux « solutions de continuation » d’avoir recours à des aides à la restructuration et observe que ce mode opératoire a été codifié dans la note 10 de la communication 1999/C 288/02 de la Commission portant lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO C 288, p. 2, ci‑après les « lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1999 »).

27      La Commission précise, ensuite, aux considérants 108 à 118 de la décision attaquée, que la requérante était en difficulté de 1994 à la fin de 1996, jusqu’à ce qu’elle ait enregistré pour la première fois un résultat légèrement positif et que la part des capitaux propres ait commencé à augmenter, fort probablement grâce à l’aide octroyée.

28      La Commission observe, aux considérants 108 et 109 de la décision attaquée, que la condition générale prévue au point 2.1 de la communication 94/C 368/05 de la Commission portant lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (JO C 368, p. 12, ci‑après les « lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994 ») est remplie et rappelle qu’une entreprise en difficulté se définit comme une entreprise incapable d’assurer son redressement grâce à ses propres ressources ou à des fonds obtenus auprès de ses actionnaires ou par l’emprunt. Selon la Commission, cette situation, d’une part, est constatée à l’époque de la constitution de la requérante et au moment de l’octroi de l’aide dans les rapports élaborés par RBSH & P et AA, lesquels considèrent la requérante en difficulté et préconisent sa restructuration et, d’autre part, est confirmée par le fait que l’entreprise n’a jamais obtenu de concours financiers de banques privées sans l’aide de l’État.

29      Après avoir rappelé, au considérant 110 de la décision attaquée, que certains indicateurs des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994 ne sont pas applicables aux entreprises nouvellement créées, la Commission précise, aux considérants 111 à 113, que la faible valeur de l’actif net, les effectifs pléthoriques, la marge brute d’autofinancement et l’endettement élevé de l’entreprise attestent que la requérante était en difficulté au moment de l’octroi de l’aide. En outre, la Commission explique, au considérant 114 de la décision attaquée, que, si l’application d’un régime spécial d’amortissement (mesure 33) a peut-être entraîné des pertes plus élevées, sans le soutien de l’État, la requérante aurait subi des pertes nettement plus élevées et aurait probablement disparu du marché.

30      La Commission observe, aux considérants 115 et 116 de la décision attaquée, que sa conclusion ne peut être modifiée ex post par le fait que les difficultés de la requérante ont été surmontées grâce à l’octroi d’aides substantielles sur une période brève. Elle conteste ainsi la teneur d’un rapport du 21 janvier 2002, présenté par la République fédérale d’Allemagne, et rappelle que les rapports disponibles en 1994 ont conclu que le soutien de l’État était absolument déterminant pour le rétablissement de l’entreprise.

31      En troisième lieu, la Commission examine si les aides octroyées à la requérante sont conformes aux régimes d’aides approuvés, invoqués par la République fédérale d’Allemagne.

32      Au terme de cet examen, la Commission conclut, au considérant 148 de la décision attaquée, que plusieurs des mesures octroyées à la requérante, dont la mesure 17 (voir point 21 ci‑dessus), constituent des aides existantes qu’elle n’a pas à réexaminer.

33      En revanche, la Commission estime, aux considérants 128 et 129 de la décision attaquée, que la subvention à l’investissement du Land de Thuringe (mesure 15) n’est pas conforme au régime au titre duquel elle a été prétendument accordée, étant donné qu’à l’époque de la subvention la requérante était une entreprise en difficulté. Elle précise que, dans l’extension de la procédure formelle d’examen, elle avait relevé par erreur que le régime autorisé ne s’appliquait qu’aux petites et moyennes entreprises (PME), mais que la République fédérale d’Allemagne avait très justement indiqué que les grandes entreprises pouvaient elles aussi bénéficier d’aides au titre de ce régime, sous réserve de certaines conditions. La Commission observe que le régime, en revanche, écartait explicitement de son champ d’application les entreprises en difficulté et rappelle qu’elle avait adopté une décision négative au sujet de ce régime en raison de son emploi abusif, car il avait été appliqué, notamment, à des entreprises en difficulté, contrairement aux dispositions particulières approuvées par la Commission [décision 2003/225/CE de la Commission, du 19 juin 2002, concernant le programme du Land de Thuringe en faveur des investissements des PME et ses cas d’application (JO 2003, L 91, p. 1)].

34      En ce qui concerne le prêt EKH (mesure 16), la Commission précise, au considérant 130 de la décision attaquée, qu’il n’est pas conforme au programme d’aide à la constitution de capitaux propres au titre duquel il a été prétendument accordé, puisque la requérante n’était pas une PME.

35      S’agissant des subventions en faveur de l’emploi associées à des investissements de protection de l’environnement (mesure 26), la Commission estime, aux considérants 134 à 139 de la décision attaquée, qu’elles ne relèvent pas de l’article 249 h de l’Arbeitsförderungsgesetz (loi visant à la promotion de l’emploi, ci‑après l’« AFG »), régime qu’elle a approuvé comme ne constituant pas un régime d’aides. La Commission observe que, ainsi que la République fédérale d’Allemagne l’a expliqué dans sa lettre du 29 juillet 1994, d’une part, les mesures énoncées à l’article 249 h de l’AFG dans le domaine de la réhabilitation et de l’amélioration de l’environnement s’adressaient à des personnes morales de droit public et surtout à des collectivités territoriales (villes, cantons, communes, etc.), ainsi qu’aux régies de la THA et, d’autre part, les mesures qui sont dans l’intérêt d’une entreprise privée ne pouvaient bénéficier d’une aide. Or, au moment de l’octroi des subventions, la requérante était une entreprise privée. En outre, la Commission observe qu’une partie des subventions a été accordée par le Land de Thuringe, alors que seul le Bundesanstalt für Arbeit (direction fédérale de l’emploi) était habilité à les octroyer. Par ailleurs, les subventions ont favorisé la requérante dès lors qu’elles ont été octroyées pour l’élimination de vieilles installations. De plus, selon la Commission, la loi allemande recèle une composante très nettement sélective qui ne permet pas de considérer la mesure en cause comme une mesure générale.

36      En quatrième lieu, la Commission examine les mesures relevant prétendument de la règle dite « de minimis ». En ce qui concerne, en particulier, la période allant de 1997 à 1999 (considérants 152 à 154 de la décision attaquée), la Commission conteste que la mesure 30 et une partie de la mesure 32 relèvent de la règle dite « de minimis ». Elles constituent, en conséquence, des aides au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

37      S’agissant, en cinquième lieu, de la compatibilité des aides avec le marché commun, la Commission rappelle, aux considérants 157 à 174 de la décision attaquée, en ce qui concerne les aides octroyées jusqu’à la fin de 1996, que la requérante était une entreprise en difficulté jusqu’en 1996. Elle considère que ces aides ne sont pas, en conséquence, des aides régionales compatibles avec le marché commun. La Commission considère, ensuite, que les conditions posées par les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994, invoquées par la République fédérale d’Allemagne, ainsi qu’il ressort du considérant 80 de la décision attaquée, ne sont pas remplies en l’occurrence. La Commission précise, d’une part, que, malgré des injonctions réitérées, la République fédérale d’Allemagne n’a jamais communiqué la version définitive d’un quelconque plan de restructuration, ni indiqué les mesures de restructuration qui avaient effectivement été exécutées et, d’autre part, que la contribution privée au coût total de la restructuration ne saurait être considérée comme substantielle, seul présentant un caractère purement privé l’apport de M. G. R. d’un montant de 0,055 million de DEM. Quant aux aides ad hoc octroyées après 1997, la Commission estime, aux considérants 175 à 184 de la décision attaquée, qu’elles ne peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun au sens des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9).

38      Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission déclare incompatibles avec le marché commun, la prise de participation et le prêt participatif de TIB (mesures 11 et 12), les garanties du Land de Thuringe à hauteur de 90 % (mesures 13, 14, 23 et 30), la subvention du Land de Thuringe (mesure 15), le prêt d’une banque publique pour la constitution de capitaux propres (mesure 16), le prêt d’une banque publique (mesure 21), les subventions en faveur de l’emploi (mesure 26), les mesures destinées à l’insertion de travailleurs, à la participation à des foires et expositions et à la publicité (mesure 27) et les mesures destinées à la recherche et au développement, à l’insertion de travailleurs, à la participation à des foires et expositions et à la réduction des coûts (mesure 32). À l’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission enjoint à la République fédérale d’Allemagne de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de la requérante les aides visées à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision.

 Procédure et conclusions des parties

39      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 janvier 2003, la requérante a introduit le présent recours.

40      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2003, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la partie requérante.

41      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 mai 2003, le Land de Thuringe (Freistaat Thüringen) a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la partie requérante.

42      Par ordonnance du 9 juillet 2003, le président de la cinquième chambre élargie a fait droit à ces demandes.

43      À la suite de la modification de la décision de la Commission du 30 octobre 2002, la requérante a présenté, par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2003, un mémoire en réplique tenant compte de cette modification.

44      La République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en intervention le 25 août 2003.

45      Le Land de Thuringe a déposé son mémoire en intervention le 10 septembre 2003.

46      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé, d’une part, d’adopter des mesures d’organisation de la procédure en invitant les parties à répondre par écrit à des questions et à produire des documents et, d’autre part, d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont déféré à la demande du Tribunal dans le délai imparti.

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l’audience du 19 octobre 2006.

48      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée ;

–        annuler l’article 2 de la décision attaquée, dans la mesure où il concerne les mesures visées à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        condamner la Commission à supporter les coûts résultant de la modification de la décision du 30 octobre 2002, et ce indépendamment de l’issue du litige.

49      La République fédérale d’Allemagne, partie intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 2, et l’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée, du moins dans la mesure où il s’agit de la subvention du Land de Thuringe ;

–        condamner la Commission aux dépens.

50      Le Land de Thuringe, partie intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée ;

–        annuler l’article 2 de la décision attaquée, dans la mesure où il porte sur les mesures visées à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        condamner la Commission aux dépens résultant de la modification de la décision du 30 octobre 2002, et ce indépendamment de l’issue du litige ;

–        condamner la Commission aux dépens de l’intervention.

51      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

52      Au soutien de son recours, la requérante soulève quatre moyens d’annulation.

53      Les trois premiers moyens sont respectivement tirés de la violation des articles 87 CE et 88 CE, du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime, en ce qui concerne la subvention à l’investissement du Land de Thuringe (mesure 15) et les subventions en faveur de l’emploi associées à des investissements de protection de l’environnement (mesure 26).

54      Le quatrième moyen est tiré, en substance, d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation. La requérante subdivise le quatrième moyen en six branches relatives, premièrement, à l’inexactitude matérielle des faits ; deuxièmement, à la qualification d’entreprise en difficulté ; troisièmement, à l’appréciation du comportement de TIB au regard du critère de l’investisseur privé ; quatrièmement, aux lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration ; cinquièmement, à la récupération du prêt objet de la mesure 22, et, sixièmement, aux aides dites « de minimis » pour la période allant de 1997 à 1999 (mesure 32). Toutefois, en adoptant la décision attaquée, la Commission a, notamment, supprimé l’injonction de récupération du prêt faisant l’objet de la mesure 22 (voir point 15 ci‑dessus). En outre, après l’adoption de la décision attaquée, les parties se sont accordées sur le calcul des subventions faisant l’objet de la mesure 32. En réponse à une question du Tribunal, elles ont confirmé qu’il n’y avait plus de points litigieux concernant la mesure 32 (aide dite « de minimis » entre 1997 et 1999), ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience. Partant, il n’y a plus lieu d’examiner les deux dernières branches du quatrième moyen.

55      Le Tribunal examinera, ensemble, les trois premiers moyens, qui n’ont d’incidence que sur les seules mesures 15 et 26, puis, séparément, le quatrième moyen, qui affecte les autres des mesures visées dans la décision attaquée.

A –  Sur les premier, deuxième et troisième moyens, tirés de la violation des articles 87 CE et 88 CE, du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime

1.     En ce qui concerne la subvention à l’investissement du Land de Thuringe (mesure 15)

a)     Arguments des parties

 Sur la violation des articles 87 CE et 88 CE

56      La requérante soutient que la subvention à l’investissement du Land de Thuringe a été octroyée conformément à un régime général d’aides autorisé et constitue donc une aide existante. Elle fait valoir, à titre principal, que la Commission a introduit rétroactivement des conditions supplémentaires dans le régime autorisé et, à titre subsidiaire, qu’elle ne saurait être considérée comme une entreprise en difficulté.

–       Sur les conditions d’application du régime

57      La requérante fait valoir que le programme du Land de Thuringe en faveur des investissements des PME était applicable à toutes les entreprises sans réserve et, dès lors, aux entreprises en difficulté et aux « solutions de continuation ». De telles réserves ne se déduiraient ni de la lettre d’autorisation de la Commission du 26 novembre 1993, ni de la communication publiée sous une forme abrégée au Journal officiel. Il ressortirait de cette publication, au contraire, que le programme s’adressait précisément aux entreprises nouvellement créées, comme la requérante, et que l’un des objectifs était de fournir une aide au démarrage.

58      La requérante considère que les précisions données par la République fédérale d’Allemagne dans une communication du 26 août 1993 étaient destinées uniquement à expliquer le régime notifié et ne sauraient modifier la teneur claire du programme. Si la Commission estimait que le texte notifié visait certaines situations qu’elle ne souhaitait pas autoriser, elle aurait dû engager la procédure formelle d’examen et exiger dans ce cadre la modification du régime ou prévoir une obligation de notification individuelle. En tout état de cause, la communication du 26 août 1993 n’exclurait pas l’application du programme à des cas comme celui de la requérante qui a acquis des éléments d’actif d’une entreprise et les a modernisés.

59      Selon la requérante, une restriction du programme ne peut pas non plus être déduite de son autorisation en tant que régime d’aides à finalité régionale. Au contraire, les entreprises en difficulté pourraient, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission, obtenir des aides à finalité régionale [décision 1999/157/CE de la Commission, du 22 avril 1998, relative à une aide d’État en faveur de Triptis Porzellan GmbH i. GV., Thuringe (JO 1999, L 52, p. 48), et décision 2003/383/CE de la Commission, du 2 octobre 2002, relative à l’aide d’État C 44/01 (ex NN 147/98) accordée par l’Allemagne en faveur de Technische Glaswerke Ilmenau GmbH (JO 2003, L 140, p. 30)], comme cela apparaît également dans la décision attaquée. De même, une « solution de continuation » relevant de la note 10 des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1999 aurait pu prétendre à la subvention du Land de Thuringe, ladite disposition n’excluant pas le soutien des entreprises nouvellement créées au titre des aides régionales. La requérante fait observer, dans ce contexte, qu’elle n’a pas obtenu la subvention à l’investissement à des fins de restructuration, mais pour des investissements éligibles conformément au programme autorisé.

60      Elle fait également observer que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, le programme, malgré son nom, n’était pas non plus limité aux PME, la Commission l’ayant autorisé pour des entreprises de plus grande taille.

61      Quant à la décision 2003/225, concernant l’application abusive du programme, la requérante soutient que la Commission a expressément réservé à la décision attaquée l’examen de l’application du régime à la requérante et que l’on ne saurait donc lui opposer cette décision.

62      La requérante fait valoir, enfin, que l’examen de la Commission doit se limiter à vérifier si l’appréciation portée par les autorités nationales quant à la conformité d’une aide au régime au titre duquel elle a été octroyée est entachée d’une erreur manifeste.

63      La République fédérale d’Allemagne soutient que, même si la communication du gouvernement allemand du 26 août 1993 écartait les aides au sauvetage et à la restructuration, la Commission n’aurait toujours pas établi que la subvention litigieuse n’avait pas respecté les conditions du programme d’aide autorisé. D’après la République fédérale d’Allemagne, il y a lieu d’examiner, dans la perspective ex ante de mai 1994, si la subvention à l’investissement litigieuse peut être qualifiée d’aide au sauvetage et à la restructuration exclue de l’application du programme. La République fédérale d’Allemagne considère, à cet égard, que si l’on se trouve en présence d’une entreprise nouvellement créée qui, n’étant pas une entreprise en difficulté, ne peut être admise au bénéfice d’une aide à la restructuration, alors l’octroi de la subvention à l’investissement respectait les conditions du programme, car il ne s’agissait pas d’une aide à la restructuration.

64      Le Land de Thuringe soutient pleinement la position de la requérante et critique, en particulier, le fait que la Commission établit une ligne de séparation artificielle entre aide à finalité régionale et aide à la restructuration.

65      La Commission rétorque que la République fédérale d’Allemagne avait explicitement précisé dans la communication du 26 août 1993 que les entreprises en difficulté étaient écartées du champ d’application du régime et qu’il ressort clairement du régime notifié lui-même, ainsi que de la référence publiée au Journal officiel, que les aides au sauvetage et à la restructuration n’étaient pas incluses.

–       Sur la qualification de la requérante d’entreprise en difficulté

66      La requérante soutient qu’elle est une entreprise nouvellement créée qui n’a jamais été, ni aux termes du projet d’entreprise, ni au cours de son développement effectif, une entreprise en difficulté.

67      Elle fait valoir, en premier lieu, que, selon le principe constamment suivi par la Commission, une entreprise nouvellement créée ne saurait être considérée comme une entreprise en difficulté même si elle reprend les actifs d’une société insolvable. Par ailleurs, la qualification d’entreprise en difficulté de toutes les « solutions de continuation » ne saurait découler de la note 10 des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1999. Selon la requérante, considérer que toutes les « solutions de continuation » de l’Allemagne de l’Est qui avaient acquis des actifs lors d’une liquidation judiciaire sont des entreprises en difficulté serait manifestement inexact et entraînerait une discrimination entre les entreprises nouvellement créées en l’Allemagne de l’Est et celles du reste de l’Union européenne.

68      La requérante fait valoir, en deuxième lieu, qu’elle a été créée par un investisseur indépendant, expert reconnu dans son domaine, qui était étranger aux difficultés de Kahla I. La Commission n’aurait apporté aucune preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle la requérante aurait effectivement « hérité » des difficultés de la société insolvable Kahla I. Selon la requérante, il n’existe pas d’indices matériels permettant de conclure qu’elle faisait partie de la même « entité matérielle » que Kahla I. De plus, conformément à la jurisprudence, on ne saurait considérer indistinctement deux entreprises comme une seule et même « unité juridique ». La requérante affirme qu’elle n’a pas poursuivi l’activité de l’entreprise insolvable, mais qu’elle a simplement acquis au prix du marché des éléments d’actifs à l’occasion d’une procédure de redressement judiciaire et les a utilisés dans le cadre d’un projet d’entreprise cohérent et raisonnable, portant sur un tout autre marché, moyennant une toute autre structure et une toute autre stratégie de marketing, pour une clientèle fort différente. D’ailleurs, le fait que la requérante ait continué à investir dans des machines achetées d’occasion ne prouverait pas davantage que la requérante ait « hérité » des difficultés de Kahla I.

69      La requérante soutient, en troisième lieu, que le rapport élaboré par RBSH & P ainsi que celui du cabinet AA décrivent la création d’une nouvelle entreprise. Ces rapports ne constitueraient pas des plans de restructuration et ne sauraient donc étayer la thèse selon laquelle la requérante aurait été créée d’emblée comme une entreprise en difficulté. Les projets d’entreprise montrent, selon la requérante, qu’il n’était pas prévu que la nouvelle entreprise connaisse des difficultés. Bien au contraire, les consultants auraient constaté ex ante que le projet d’entreprise était économiquement réaliste. Ces évaluations seraient exactes, voire très modestes, l’entreprise ayant connu un développement couronné de succès allant bien au-delà des prévisions initiales, ce que confirmerait l’expertise du cabinet d’auditeurs Saale/Revision. La requérante demande dans son mémoire en réplique qu’un expert mandaté par le Tribunal soit entendu sur cette question.

70      La requérante fait valoir, en quatrième lieu, qu’un examen des critères énoncés au point 2.1 des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994 ou aux points 4 et suivants de celles de 1999 fait apparaître qu’elle n’était pas une entreprise en difficulté.

71      La Commission, n’ayant pas examiné chacun de ces critères en détail, n’aurait pas agi en conformité avec sa pratique décisionnelle constante. Selon la requérante, la Commission a, en réalité, reconnu que la plupart des critères des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration, tels que la baisse de rentabilité, le niveau croissant des pertes, la diminution de la marge brute d’autofinancement, la progression des charges financières, n’étaient pas remplis en l’espèce ou a affirmé qu’ils n’étaient pas décisifs lorsqu’il s’agit d’apprécier une nouvelle entreprise.

72      La requérante considère que, contrairement à ce que prétend la Commission, les données du projet d’entreprise ne correspondent pas à certains des critères des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration. Au contraire, la valeur nette comptable, la marge brute d’autofinancement et les charges financières auraient évolué, comme le montrerait l’expertise du cabinet Saale/Revision, selon les prévisions du projet d’entreprise.

73      S’agissant de la valeur nette comptable, la Commission n’aurait pas fourni de preuves de ce qu’elle était anormalement basse pour une entreprise saine. Or, la requérante aurait déjà démontré que la valeur nette comptable ne révélait aucune difficulté financière ou économique. La requérante affirme qu’elle a établi que les éléments d’actif acquis permettaient de construire une entreprise rentable, tant d’après ses projets (ex ante) que d’après les chiffres encore plus prometteurs de ses résultats effectifs (ex post). Selon la requérante, le mode de financement des éléments d’actif ne donne aucune indication sur la question de savoir si la valeur nette comptable a évolué négativement ou si elle était trop basse pour une entreprise viable dès le départ. De plus, la Commission aurait constaté que les éléments d’actif avaient été acquis au prix du marché et n’aurait pas expliqué comment cette valeur nette comptable pouvait être trop basse alors qu’elle correspondait à la valeur du marché.

74      En outre, la marge brute d’autofinancement et les charges financières inscrites dans le projet d’entreprise devraient être considérées comme normales. Le projet d’entreprise ne prévoirait certainement pas que la marge brute d’autofinancement s’effriterait ou que les charges financières deviendraient trop lourdes.

75      En ce qui concerne la marge brute d’autofinancement, la requérante soutient que, s’agissant d’une « start up », elle est toujours faible, voire négative au début. De plus, la requérante fait valoir qu’il n’existe aucune preuve de ce que le « cash‑flow » aurait été trop réduit pour les activités opérationnelles de la requérante. Des difficultés de liquidité n’auraient pas été prévues et ne se seraient effectivement pas présentées lors de la mise en œuvre du projet. D’ailleurs, contrairement à l’opinion de la Commission, le « cash-flow » de la société proviendrait de ses activités opérationnelles et non des aides et, en tout état de cause, la source du « cash‑flow » ne serait pas susceptible de prouver le caractère trop réduit de ce dernier dès lors que, même après déduction de toutes les aides, l’entreprise aurait dégagé un « cash-flow » positif.

76      Quant aux charges financières, la requérante soutient qu’elles ne résultaient pas de crédits imposés par les difficultés économiques du passé, hypothèse sur laquelle se fondent les critères des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration. Ces charges, au contraire, résulteraient uniquement d’investissements dans des immobilisations productives rentables à court terme, dans le cadre d’un projet d’entreprise satisfaisant, comme le confirmerait l’évolution effective de son activité. La Commission tenterait d’occulter cette réalité en invoquant la prétendue nécessité d’une évaluation ex ante.

77      La requérante conteste également l’affirmation de la Commission selon laquelle les effectifs étaient trop élevés. Elle rappelle que la société n’a embauché, lors de la reprise de l’activité, que 380 des 696 salariés employés par Kahla I en 1993. Quant à la légère compression des effectifs, ramenés à 322 salariés, au début de 1996, elle ne s’expliquerait pas par des difficultés économiques, mais par la mise en place d’une organisation plus efficace, à l’issue d’une première phase d’activité et après la réalisation des premiers investissements.

78      S’agissant des pertes envisagées par les consultants pour les années 1994-1996, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné s’il s’agissait de pertes liées à la structure de l’entreprise et soutient qu’il s’agissait de pertes liées au démarrage de l’activité. Selon la requérante, la mise en œuvre du projet d’entreprise ne s’est accompagnée d’aucune perte opérationnelle ; il ne s’agirait que de pertes comptables résultant du recours à des amortissements fiscaux exceptionnels conformément à un régime d’aides autorisé. Si la requérante avait procédé à des amortissements conformément aux règles générales applicables dans ce domaine, elle aurait affiché des bénéfices dès la première année. Cela ressort, selon la requérante, des explications qu’elle a fournies au cours de la procédure formelle d’examen et du rapport d’un expert comptable qu’elle a produit.

79      La requérante fait valoir, en cinquième lieu, qu’une entreprise n’est pas davantage en difficulté pour la simple raison qu’elle reçoit des fonds publics. Ce cercle vicieux aboutirait à faire de toute entreprise qui bénéficie d’aides à l’investissement pour l’acquisition de biens d’occasion une entreprise en difficulté. Or, si l’on se trouve confronté à un projet incluant un programme de financement qui comporte des dispositions suffisantes contre les risques prévisibles, afin que l’entreprise puisse exister sans aides après la phase de création, alors l’entreprise ainsi créée ne saurait être regardée comme une entreprise en difficulté.

80      De surcroît, TIB et M. G. R. auraient mis à la disposition de l’entreprise des fonds propres d’un montant substantiel qui ne sauraient être assimilés à des aides. En ce qui concerne les fonds apportés par M. G. R., la requérante soutient que, pour répondre à la question de savoir si l’entreprise est une entreprise en difficulté, la question du mode de financement de l’investisseur qui se trouve derrière l’entreprise ne saurait être déterminante. Quant aux fonds apportés par TIB, la requérante considère qu’ils ne sauraient être assimilés à des aides et soutient que la qualification d’aide d’État de ces fonds n’aurait, en tout état de cause, aucune influence sur la légalité d’autres subventions ou sur la compatibilité de la subvention à l’investissement avec le régime au titre duquel elle a été octroyée.

81      Le Land de Thuringe fait observer, en particulier, que la phase au cours de laquelle la requérante se trouvait prétendument en difficulté était particulièrement brève et explique, en outre, que l’inscription de la requérante sur une liste d’entreprises en difficulté dans le cadre d’une autre procédure s’est produite par inadvertance, la République fédérale d’Allemagne l’ayant rectifiée par la suite.

82      La Commission estime que l’argumentation avancée par la requérante et le Land de Thuringe doit être rejetée dans son intégralité comme non fondée.

 Sur la violation du principe de sécurité juridique

83      La requérante fait valoir que la Commission a introduit a posteriori dans un régime autorisé de nouvelles conditions désavantageuses pour elle et que, partant, la Commission a modifié rétroactivement, à son détriment, sa position juridique, en violation du principe de sécurité juridique. Étant donné que les aides accordées dans le cadre de programmes autorisés ne nécessitent pas d’autorisation, d’éventuelles restrictions devraient apparaître soit dans le régime lui-même, soit dans la décision d’autorisation.

84      La République fédérale d’Allemagne considère qu’il serait contraire à la sécurité juridique que la Commission désapprouve, ex post, l’interprétation de l’autorité nationale compétente, issue de la perspective ex ante pertinente, qui s’est fondée sur le droit en matière d’aides en vigueur au moment de l’octroi de l’aide. Dans ce contexte, la République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’il était raisonnable, dans la perspective ex ante de mai 1994, de qualifier la requérante d’entreprise nouvellement créée, qui ne relevait pas des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994 et qui, dès lors, n’avait pas reçu d’aide à la restructuration sous la forme d’une subvention à l’investissement. En outre, conformément au point 18, sous i), de l’annexe à la communication de la Commission de 1979, intitulée « Modalités d’application des principes de coordination des régimes d’aides à finalité régionale » (JO 1979, C 31), « un investissement en capital fixe réalisé sous la forme de reprise d’un établissement qui a été fermé ou qui aurait été fermé sans cette reprise peut également être considéré comme un investissement initial ». Enfin, la requérante ayant acquis les actifs au prix du marché, les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994 n’excluraient pas la qualification d’aide à finalité régionale en ce qui concerne la subvention à l’investissement litigieuse accordée pour l’acquisition de ces actifs.

85      Le Land de Thuringe se rallie à l’argumentation de la requérante et ajoute que la Commission doit se limiter, conformément au principe de sécurité juridique, à constater si, le cas échéant, l’autorité nationale a appliqué de façon abusive le programme approuvé.

86      La Commission rétorque que la décision attaquée n’a pas modifié rétroactivement la position juridique de la requérante, le champ d’application de la mesure ayant été limité dès le début.

 Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

87      La requérante invoque la violation du principe de protection de la confiance légitime en ce que la Commission ne tient pas compte de ce que l’autorisation du programme, telle que publiée, ne permettait pas de déceler les sévères restrictions qu’elle a appliquées dans le cadre de la décision attaquée. La requérante considère qu’un opérateur exerçant ses activités comme un bon père de famille peut présumer le caractère existant d’une aide lorsque toutes les conditions d’un programme autorisé sont réunies.

88      Aucune réserve ne figurant dans le texte du programme ou de l’autorisation, la requérante ne pouvait les déceler même en faisant preuve de toute la diligence nécessaire. La publication au Journal officiel disponible ne fournirait aucun indice incitant la requérante à douter du contenu du programme autorisé. Elle n’aurait donc pas de raison ni d’obligation juridique de s’informer auprès de la Commission pour savoir si les conditions du programme étaient réellement réunies.

89      De surcroît, la requérante considère qu’un opérateur économique diligent ne pouvait pas envisager que la Commission, en dérogation à sa pratique constante et en violation du libellé même des lignes directrices publiées par elle, qualifierait une entreprise nouvellement créée d’entreprise en difficulté.

90      La Commission conteste l’ensemble des arguments avancés par la requérante.

b)     Appréciation du Tribunal

 Sur la violation des articles 87 CE et 88 CE

91      En substance, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle la subvention à l’investissement objet de la mesure 15 n’est pas couverte par le programme du Land de Thuringe en faveur des investissements des PME.

92      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dès lors qu’un régime général d’aides a été approuvé, les mesures individuelles d’exécution ne doivent pas, sauf si des réserves ont été émises en ce sens par la Commission dans la décision d’approbation, lui être notifiées. En effet, comme les aides individuelles sont de simples mesures individuelles d’exécution du régime général d’aides, les facteurs que la Commission devrait prendre en considération pour les apprécier seraient les mêmes que ceux qu’elle a appliqués lors de l’examen du régime général. Il est dès lors inutile de soumettre les aides individuelles à l’examen de la Commission (arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Italie/Commission, C‑47/91, Rec. p. I‑4635, point 21).

93      Une aide constituant une application rigoureuse et prévisible des conditions fixées dans la décision d’approbation du régime général approuvé est donc considérée comme une aide existante qui n’a pas à être notifiée à la Commission ni à être examinée au regard de l’article 87 CE (arrêt de la Cour du 16 mai 2002, ARAP e.a./Commission, C‑321/99 P, Rec. p. I‑4287, point 83, et arrêt du Tribunal du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission, T‑176/01, Rec. p. II‑3931, point 51).

94      En revanche, si ces mesures ne sont pas couvertes par les régimes généraux invoqués, elles constituent des aides nouvelles dont la compatibilité avec le marché commun doit être soumise à l’examen de la Commission.

95      En outre, il convient de relever qu’une décision de la Commission statuant sur la conformité d’une aide avec le régime concerné relève de l’exercice de son obligation de veiller à l’application des articles 87 CE et 88 CE. De ce fait, l’examen par la Commission de la conformité d’une aide avec ce régime ne constitue pas une initiative dépassant le cadre de ses compétences. Dès lors, contrairement à ce qu’allègue la requérante, l’appréciation de la Commission ne saurait être limitée par celle des autorités nationales qui ont octroyé l’aide.

96      Le Tribunal considère que l’examen des autres allégations tirées de la violation des articles 87 CE et 88 CE doit être réalisé en deux temps. D’abord, il convient de vérifier la portée exacte du programme du Land de Thuringe et, ensuite, au vu de cet examen, si l’aide accordée à la requérante satisfait aux conditions d’octroi fixées par ledit programme.

–       Sur la portée du régime autorisé

97      Il y a lieu de rappeler que le programme du Land de Thuringe en faveur des investissements des PME a été notifié par la République fédérale d’Allemagne, le 1er juillet 1993, en tant que régime à finalité régionale.

98      Conformément au texte de la directive régissant le programme du Land de Thuringe et aux indications reprises dans le formulaire de notification de celui-ci, les bénéficiaires éligibles au titre du régime étaient, en règle générale, des PME du secteur manufacturier et d’autres entreprises comparables du Land de Thuringe. Des entreprises de plus grande taille pouvaient, toutefois, par dérogation à la règle énoncée ci‑dessus, bénéficier d’aides au titre du programme.

99      Selon la directive ci-dessus mentionnée, ces aides couvraient des investissements de toute nature et de toute finalité, à l’exception des aides à la recherche et au développement. Les coûts éligibles au titre du programme, tels que mentionnés au point 11 du formulaire de notification, couvraient tant les investissements productifs (à l’exception de l’acquisition de terrains) que les investissements effectués dans le cadre d’un programme de restructuration.

100    Il ressort également du texte de la directive et du formulaire de notification que l’aide était liée à un projet et qu’elle ne pouvait être accordée qu’à la condition qu’il existe « un projet à long terme et solide, compte tenu des subventions versées au titre de cette directive, et que cela soit confirmé par la banque de l’entreprise dans le cadre des mesures globales de financement ».

101    La République fédérale d’Allemagne invoquait dans la notification du programme les dispositions combinées de l’article 87, paragraphe 2, sous c), CE et de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE et motivait la compatibilité des aides avec le marché commun en se référant aux difficultés spécifiques rencontrées par les PME de l’Allemagne de l’Est en raison de la transition vers l’économie du marché. Elle précisait dans ce contexte que « [l]a vétusté des immeubles et des installations hérités de l’économie planifiée du passé et l’absence, en général, de trésorerie entraîn[aient] des besoins financiers disproportionnés pour les [PME] de Thuringe et mett[aient] donc en cause […] leur accès au marché dans des conditions équitables ». Les mesures visaient dans ce contexte à reconstituer la structure traditionnelle des PME dans le Land de Thuringe.

102    Estimant que des clarifications ultérieures étaient nécessaires à l’égard de la notion de « programme de restructuration » visée au point 11 du formulaire de notification (voir point 99 ci‑dessus), la Commission a, par lettre du 3 août 1993, demandé à la République fédérale d’Allemagne des informations complémentaires.

103    En réponse à cette demande, la République fédérale d’Allemagne a indiqué dans sa communication du 26 août 1993 (ci‑après la « communication du 26 août 1993 »), reçue par la Commission le 30 août 1993, ce qui suit :

« S’agissant du point 11 de la notification (notion de ‘restructuration’), il y a manifestement un malentendu. Le gouvernement [allemand] précise que ce programme d’aides ne permet pas l’octroi d’aides au sauvetage et à la restructuration. Pour ces objectifs particuliers, le Land de Thuringe a déjà notifié séparément deux directives […] Les conditions d’éligibilité aux aides correspondent à l’esprit et à la lettre des règlements relatifs aux fonds structurels de la Communauté […] Comme cela a déjà été exposé dans la [notification] du 1er juillet 1993, l’objectif de ces mesures est de soutenir les investissements nécessaires et les efforts d’adaptation aux exigences élevées du marché des [PME] privatisées après 1989 et qui, tout en étant saines, se trouvent souvent dans une situation financière précaire. Le ‘programme de restructuration’ doit être vu dans ce contexte comme un programme d’aide aux investissements à des fins de création d’une nouvelle entreprise, d’agrandissement et de modernisation. »

104    Enfin, par lettre du 26 novembre 1993, la Commission a décidé, se référant explicitement à la communication du 26 août 1993, de ne pas soulever d’objections à l’égard de la mise en œuvre du programme notifié.

105    Il ressort des éléments qui précèdent que la République fédérale d’Allemagne avait donné à la Commission, avant que celle-ci n’approuve le régime, des indications, en premier lieu, quant à la situation financière des bénéficiaires auxquels le programme s’adressait, en précisant qu’il s’agissait des entreprises privatisées après 1989, qui, « tout en étant saines, se trouvent souvent dans une situation financière précaire ».

106    À cet égard, il y a lieu de constater que la référence à la « situation financière précaire » des entreprises éligibles, interprétée de manière stricte à la lumière notamment de son libellé, de son contexte et de ses objectifs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, points 20 et 21, et la jurisprudence citée), ne saurait être regardée comme renvoyant à la situation des entreprises en difficulté. En effet, il importe de souligner que, ainsi que la République fédérale d’Allemagne l’avait expliqué dans la notification du régime, les entreprises du Land de Thuringe, comme d’ailleurs la plupart des entreprises de l’ex-RDA, ont rencontré des difficultés particulières en raison du passage d’une économie planifiée à une économie de marché. C’est dans ce contexte qu’il convient de comprendre la référence à la « situation financière précaire » dans laquelle pouvaient éventuellement se trouver les bénéficiaires éligibles au titre du programme. L’emploi de l’expression « situation financière précaire » faisait ainsi référence à des difficultés liées au passage d’une économie planifiée à une économie de marché et non à celles caractéristiques d’une entreprise en difficulté. Cela ressort également du lien indissociable entre l’expression « situation financière précaire » et celle d’« entreprise saine » utilisée dans la même phrase. En effet, l’expression « entreprise saine » tend clairement à indiquer que la précarité financière des entreprises éligibles ne saurait être telle que l’entreprise cesse d’être considérée comme saine.

107    Il importe également de relever que, dans sa communication du 26 août 1993, la République fédérale d’Allemagne avait donné des indications, en second lieu, quant à la nature des aides octroyées au titre du régime, en précisant que « [l]e programme […] ne permet[tait] pas l’octroi d’aides au sauvetage et à la restructuration ».

108    Cette précision, liée au fait que le Land de Thuringe avait également notifié un programme spécifiquement destiné au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, doit être interprétée, dans les circonstances de l’espèce, comme une indication confirmant que le programme excluait les entreprises en difficulté. En effet, il ne serait pas logique de considérer que l’intention de la République fédérale d’Allemagne n’était pas d’écarter du programme les entreprises en difficulté alors qu’elle écartait explicitement les aides qui leur étaient spécifiquement destinées.

109    Il est donc sans importance de déterminer si, comme le prétendent la requérante et la République fédérale d’Allemagne, des aides à l’investissement en faveur des entreprises en difficulté pouvaient, à l’époque, être accordées au titre d’un régime à finalité régionale, dès lors que, en précisant dans sa communication du 26 août 1993 que le régime s’adressait aux entreprises saines, d’une part, et qu’il ne permettait pas l’octroi d’aides au sauvetage et à la restructuration, d’autre part, la République fédérale d’Allemagne a explicitement écarté du régime les entreprises en difficulté.

110    La requérante considère, toutefois, que la communication du 26 août 1993 ne saurait modifier le texte du programme tel que notifié à la Commission le 1er juillet 1993. Or, la communication du 26 août 1993 fait partie du programme autorisé, dans la mesure où les informations complémentaires et les précisions de celle-ci ont été considérées pertinentes par la Commission afin de décider de ne pas soulever d’objections à l’égard de la mise en œuvre du projet notifié. La Commission n’était donc pas tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen, comme le prétend la requérante, pour exiger dans ce cadre la modification du programme ou la notification de certains cas d’application. En effet, la République fédérale d’Allemagne ayant fourni des précisions permettant à la Commission d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que le projet notifié était compatible avec le traité, l’ouverture de la procédure formelle aurait été superflue, voire sans objet.

111    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission était fondée à considérer que les entreprises en difficulté étaient écartées du champ d’application du programme du Land de Thuringe.

–       Sur la subvention octroyée à la requérante

112    Il ressort de la décision attaquée que la Commission considère que la subvention octroyée à la requérante ne satisfait pas aux conditions du programme du Land de Thuringe, du fait que celle-ci était en difficulté de 1994 à la fin de 1996, jusqu’à ce qu’elle ait enregistré pour la première fois un résultat légèrement positif et que la part des capitaux propres ait commencé à augmenter (considérants 118 et 129 de la décision attaquée).

113    La Commission expose dans la décision attaquée que, au vu des rapports disponibles au moment pertinent, elle a, en vertu de sa pratique constante, considéré la requérante, qui était une « solution de continuation », comme une entreprise en difficulté (considérant 116 de la décision attaquée).

114    En revanche, la requérante fait valoir qu’elle a obtenu la subvention destinée à favoriser le démarrage de l’entreprise et qu’elle était, dès l’origine, économiquement viable.

115    Il convient de rappeler, d’emblée, que l’examen auquel doit se livrer la Commission implique la prise en considération et l’appréciation de faits et de circonstances économiques complexes. Le juge communautaire ne pouvant substituer son appréciation des faits et des circonstances économiques complexes à celle de la Commission, le contrôle du Tribunal doit, par conséquent, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, Rec. p. II‑1579, point 91, et la jurisprudence citée).

116    En l’occurrence, la situation financière de la requérante au moment où l’aide en question a été octroyée est appréciée dans la décision attaquée sur la base de deux rapports de cabinets de consultants disponibles à l’époque de la constitution de la requérante, à savoir le rapport du cabinet RBSH & P du 29 novembre 1993 et le rapport élaboré par AA du 11 janvier 1994.

117    Le rapport de RBSH & P avait pour objectif l’élaboration d’un projet d’entreprise en vue de mettre en place une « solution de continuation » de l’entreprise faillie Kahla I qui débuterait ses activités le 1er janvier 1994. Élaboré en collaboration avec M. G. R., ce projet devait servir de base de discussions entre le liquidateur judiciaire, le Land de Thuringe, le gouvernement fédéral, les banques et les investisseurs potentiels.

118    Le projet d’entreprise était caractérisé par plusieurs éléments. Il était, notamment, prévu que la « solution de continuation » reprenne les activités commerciales de base de Kahla I, à savoir la production de porcelaine de ménage, qui seraient développées dans le secteur de la porcelaine de ménage haut de gamme et dans le secteur de la porcelaine hôtelière. Ce projet prévoyait la reprise de l’ensemble des stocks et de 380 salariés, ainsi que l’utilisation des immobilisations de Kahla I (terrains, bâtiments, machines et installations) considérées comme nécessaires à la bonne marche de la « solution de continuation ». Sur ce dernier point, les consultants indiquaient que, pour permettre de surmonter la phase de restructuration nécessaire dans l’attente d’un investisseur potentiel, la mise à disposition de ces immobilisations en faveur de la future société devait s’effectuer à titre gratuit pendant les quatre premières années. Le projet d’entreprise était caractérisé, en outre, par la réalisation des premiers investissements de remplacement, d’agrandissement et de rationalisation. Enfin, il reposait sur la participation de M. G. R. en tant qu’associé de référence, dont l’apport de fonds s’élevait à 50 000 DEM, ainsi que sur l’apport de fonds d’un associé dépourvu de droits de vote pour un montant de 9,5 millions de DEM.

119    Quant au rapport du cabinet AA, il a été réalisé à la demande de TIB afin d’évaluer la participation de celle-ci en qualité d’associée potentielle dans la « solution de continuation ». Ce rapport examinait le projet d’entreprise tel qu’élaboré par le cabinet RBSH & P en prenant en considération les changements substantiels intervenus entre temps dans la structure de base. Notamment, le projet d’entreprise se fondait sur les hypothèses, d’une part, de la participation de TIB n’ouvrant pas de droits de vote et d’un engagement financier d’un montant de 7,95 millions de DEM permettant, en cas de réussite du projet, de garantir 365 emplois jusqu’en 1997 au moins, et, d’autre part, de l’acquisition des immobilisations de Kahla I visées par le premier rapport pour un montant total de 5,2 millions DEM. Il était prévu dans ce rapport qu’une partie de ces immobilisations, à savoir les installations et les machines nécessaires à la marche de l’entreprise, serait financée par la subvention à l’investissement du Land de Thuringe en cause.

120    Il importe de souligner que, contrairement à ce que prétend la requérante, les consultants évaluaient les risques attachés au projet d’entreprise comme étant élevés. En effet, ainsi qu’il ressort du rapport de RBSH & P, plusieurs éléments de la structure restaient à définir et les consultants soulignaient les très grandes difficultés auxquelles le projet se heurtait. Le rapport élaboré par AA, pour sa part, considérait que les objectifs assignés à l’entreprise étaient très ambitieux et qu’il existait un grand nombre de risques susceptibles de conduire à l’échec du projet. Selon les consultants de ce dernier rapport, les analyses montraient qu’un écart, même faible, avec les objectifs chiffrés pouvait signifier l’échec du projet de continuation.

121    Au vu de ces rapports, le Tribunal estime que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant, au considérant 117 de la décision attaquée, que le soutien des pouvoirs publics était déterminant pour garantir, à la suite d’un processus de restructuration, la viabilité de la requérante.

122    En effet, ainsi qu’il ressort sans ambiguïté du rapport élaboré par RBSH & P, l’entreprise « n’é[tait] pas en mesure de supporter à elle seule les coûts de financement très élevés au regard du chiffre d’affaires escompté, liés au processus de restructuration (besoins d’investissements, nouveaux projets pour les locaux, taille surdimensionnée des installations de production, etc.) ». Les consultants soulignaient, en outre, que « la nécessité de ce processus de restructuration trouv[ait] son origine dans le passé et la ‘solution de continuation’ ne saurait donc en répondre » et qu’un « soutien des pouvoirs publics, lors de la dotation en capitaux qui s’impos[ait], au moyen de garanties régionales du Land ou autres, [était] la condition nécessaire à l’adaptation des structures de [Kahla] aux exigences de l’économie de marché ».

123    La circonstance avancée par la requérante, selon laquelle elle était une entreprise nouvellement créée qui n’a repris que certains éléments de Kahla I et dont l’activité a été réorientée, ne saurait infirmer la conclusion selon laquelle la requérante devait être restructurée pour assurer sa viabilité. Il ressort en effet des deux rapports que la réorientation des activités vers les secteurs plus rentables de la porcelaine de ménage haut de gamme et de la porcelaine hôtelière exigeait notamment la réalisation préalable d’investissements de remplacement, d’agrandissement et de rationalisation. Or, les consultants eux-mêmes qualifiaient de restructuration ce processus d’adaptation d’une durée de quatre ans.

124    Quant à l’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, d’une part, l’entreprise disposait de fonds propres d’un montant substantiel sans recours aux aides et, d’autre part, les fonds publics avaient été alloués dans le cadre de régimes approuvés, elle ne saurait être accueillie.

125    D’une part, il convient de rappeler que, ainsi que la Commission l’a constaté dans la décision attaquée, sans être contredite sur ce point par la requérante, le coût total des mesures nécessaires proposées par les consultants s’élevait, d’après le rapport du cabinet RBSH & P, à 30,945 millions de DEM et, d’après le rapport du cabinet AA, à 27,727 millions de DEM (considérant 167 de la décision attaquée). Il s’ensuit que, pour assurer la viabilité de la requérante, le coût total des mesures proposées était nettement supérieur aux fonds apportés par ses actionnaires (voir point 118 in fine ci‑dessus).

126    D’autre part, le prétendu caractère compatible avec le marché commun des subventions octroyées à la requérante ne saurait infirmer la conclusion selon laquelle la viabilité de la requérante dépendait du soutien des pouvoirs publics. À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas déduit les difficultés dans lesquelles se trouvait la requérante du fait qu’elle avait reçu des aides. En revanche, la Commission a considéré que cette circonstance ne faisait que confirmer que la requérante se trouvait en difficulté. De plus, le fait que la requérante n’a pu obtenir de concours financiers de la part des banques sans aide d’État (voir points 24 et 28 ci‑dessus), ce qu’elle ne conteste pas, montre que, en raison de la situation de l’entreprise, les établissements financiers n’étaient pas disposés à lui apporter des ressources aux conditions du marché. De même, en ce qui concerne l’investisseur privé, l’apport de M. G. R. n’était pas assuré, dès lors qu’il avait le droit de résilier le contrat si l’entreprise ne percevait pas le concours escompté.

127    S’agissant des règles applicables au moment de l’octroi de la subvention à l’investissement du Land de Thuringe, il convient de relever qu’il est constant que les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994, appliquées par la Commission en l’espèce, sont l’expression de la pratique usuelle de la Commission en matière d’aides à la restructuration, telle que définie aux points 227, 228 et 177 du huitième rapport de la Commission sur la politique de concurrence de 1979 et avalisée par la Cour de justice (voir arrêts de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809 ; du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, et du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, Rec. p. I‑307).

128    Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que la Commission a, à juste titre, estimé que la définition figurant au point 2.1 des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994, selon laquelle une entreprise en difficulté est « incapable d’assurer son redressement avec ses propres ressources ou avec des fonds obtenus auprès de ses actionnaires ou par l’emprunt », correspondait aux faits de l’espèce.

129    S’agissant de l’argumentation de la requérante tirée des indicateurs mentionnés dans les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994, il y a lieu de rappeler que l’importance accordée par la Commission aux indicateurs de tendance ne prive pas nécessairement de pertinence d’autres types d’indicateurs (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec. p. II‑2123, point 111).

130    Ainsi, la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, se fonder sur des indicateurs tels que la faible valeur de l’actif net et de la marge brute d’autofinancement ou le niveau élevé de l’endettement, pour constater que la requérante était une entreprise en difficulté. En effet, eu égard au coût total des mesures nécessaires proposées par les consultants dans leurs rapports respectifs, l’appréciation selon laquelle la valeur de l’actif net et la marge brute d’autofinancement étaient trop faibles pour assurer le financement de ces mesures et, partant, la viabilité de la requérante, ne saurait être considérée comme manifestement erronée. De même, la requérante ne démontre pas que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que, sans le soutien de l’État, la requérante n’aurait pas pu supporter de telles charges financières.

131    Quant aux effectifs de la nouvelle entreprise, les rapports des consultants les considéraient compatibles avec le succès du projet d’entreprise de la requérante. Toutefois, comme la Commission l’a précisé au considérant 112 de la décision attaquée, le soutien des pouvoirs publics était lié au maintien des effectifs. Il ressort par ailleurs des deux rapports des consultants que le niveau des effectifs a été influencé par des considérations d’ordre social. Le rapport du cabinet RBSH & P note d’ailleurs que le chiffre d’affaires par salarié que la requérante devait atteindre la première année était inférieur à celui que l’industrie céramique atteignait les années précédentes. Il se situait ainsi en dessous de la moyenne. Cela n’est pas caractéristique de l’approche d’une entreprise nouvelle poursuivant un objectif de rentabilité.

132    S’agissant, enfin, des pertes envisagées par les consultants, il convient de rappeler que la Commission a précisé, au considérant 114 de la décision attaquée, que, « sans le soutien de l’État, l’entreprise aurait subi des pertes nettement plus élevées et aurait probablement disparu du marché » et que, dès lors, le fait que l’application d’un régime spécial d’amortissement ait pu entraîner des pertes plus élevées est sans importance. Dans ces conditions, l’allégation de la requérante, selon laquelle, si elle avait procédé à des amortissements conformément aux règles générales applicables en ce domaine, elle aurait affiché des bénéfices dès la première année, est dépourvue de pertinence. Cette allégation est, par ailleurs, en contradiction avec l’affirmation selon laquelle il s’agirait de pertes liées au démarrage de l’activité.

133    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en constatant que la requérante était une entreprise en difficulté.

134    Dès lors, le Tribunal estime que la Commission était en droit de considérer que les conditions permettant l’octroi des aides aux investissements des PME n’étaient pas remplies en l’espèce et que le versement par le Land de Thuringe de la somme de 2,5 millions de DEM sous la forme d’une subvention n’était pas conforme à la décision approuvant le régime. Par conséquent, la Commission a considéré à bon droit que cette subvention devait être qualifiée d’aide nouvelle au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE.

135    Partant, il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments concernant la violation des articles 87 CE et 88 CE en ce qui concerne la subvention à l’investissement du Land de Thuringe (mesure 15).

 Sur la violation du principe de sécurité juridique

136    Il convient de rappeler que l’exigence fondamentale de la sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20, et arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Oliveira/Commission, T‑73/95, Rec. p. II‑381, point 29).

137    Le Tribunal estime que, en l’espèce, il n’y a pas eu violation du principe de sécurité juridique.

138    Premièrement, l’allégation de la requérante, selon laquelle la Commission aurait, par la décision attaquée, introduit rétroactivement des conditions supplémentaires par rapport à celles figurant dans la décision d’autorisation du programme du Land de Thuringe en faveur des investissements des PME, n’est pas fondée. En effet, il ressort des points 97 à 111 ci‑dessus que la Commission s’est limitée strictement, dans son appréciation de la conformité de la subvention faisant l’objet de la mesure 15, aux conditions établies dans la décision du 26 novembre 1993 approuvant le programme du Land de Thuringe.

139    Deuxièmement, il convient de rejeter l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle, en substance, la Commission a désapprouvé, ex post, l’interprétation de l’autorité nationale compétente, issue de la perspective ex ante pertinente, laquelle autorité nationale s’était fondée sur le droit en matière d’aides en vigueur au moment de l’octroi de l’aide et avait raisonnablement considéré la requérante comme une entreprise nouvellement créée qui ne relevait pas des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994.

140    À cet égard, il y a lieu de rappeler le contexte dans lequel le programme du Land de Thuringe a été approuvé par la Commission. En particulier, il convient de rappeler que, en précisant que le programme s’adressait aux entreprises saines, d’une part, et qu’il ne permettait pas l’octroi d’aides au sauvetage et à la restructuration, d’autre part, la République fédérale d’Allemagne a explicitement écarté du régime les entreprises en difficulté (voir point 109 ci‑dessus).

141    Dès lors, même si, comme le prétend la République fédérale d’Allemagne, des aides à l’investissement en faveur des entreprises en difficulté pouvaient être accordées au titre du programme notifié en tant que régime d’aides à finalité régionale, il était clair que, à la lumière de la communication du 26 août 1993, de telles entreprises ne sauraient être les bénéficiaires d’une aide conformément au programme approuvé.

142    De même, la circonstance que les entreprises nouvelles ne sont pas généralement éligibles au bénéfice d’aides au sauvetage et à la restructuration ne saurait constituer, à la suite de la communication du 26 août 1993, un élément d’incertitude quant à la portée du programme qui exclut de son champ d’application les entreprises en difficulté indépendamment du fait qu’il s’agisse d’entreprises nouvellement créées.

143    En tout état de cause, le manque de clarté allégué, à le supposer établi, ne saurait, eu égard à son ampleur très limitée, porter atteinte à la sécurité juridique.

144    Il s’ensuit que la Commission n’a pas agi de manière contraire à ce principe en constatant que la subvention octroyée à la requérante ne satisfaisait pas aux conditions du programme du Land de Thuringe du fait que celle-ci était à l’époque une entreprise en difficulté.

145    Par conséquent, l’ensemble des arguments concernant la violation du principe de sécurité juridique en ce qui concerne la subvention à l’investissement du Land de Thuringe (mesure 15) doit être rejeté.

 Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

146    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de la Communauté, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 104 et 107). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, point 59, et du 19 mars 2003, Innova Privat‑Akademie/Commission, T‑273/01, Rec. p. II‑1093, point 26).

147    En l’occurrence, la requérante invoque, essentiellement, le caractère existant de l’aide pour fonder sa confiance légitime.

148    À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a, en effet, précisé qu’il ne saurait être accepté que la Commission inflige la sanction de restitution d’aides au détriment d’un bénéficiaire d’aides qui a respecté les conditions des aides telles qu’imposées par la Commission dans les décisions d’autorisation (arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Kvaerner Warnow Werft/Commission, T‑227/99 et T‑134/00, Rec. p. II‑1205, point 92).

149    Toutefois, ainsi qu’il a été déjà constaté au point 134 ci‑dessus, la subvention à l’investissement octroyée à la requérante ne respecte pas strictement les conditions fixées dans la décision d’approbation du programme du Land de Thuringe.

150    Quant à l’absence de restriction explicite dans le régime concerné, tel que publié au Journal officiel, le Tribunal relève qu’elle ne saurait fonder la confiance légitime de la requérante dans la régularité de la subvention à l’investissement du Land de Thuringe. En effet, la requérante n’était pas dispensée de se tenir informée de la régularité de l’octroi de l’aide qui lui a été consentie. En tout état de cause, la circonstance avancée par la requérante ne saurait aucunement être assimilée à d’éventuelles assurances précises fournies par la Commission dans le sens que le programme litigieux aurait été applicable aux entreprises en difficulté.

151    Quant à l’argument selon lequel les entreprises nouvellement créées ne pouvaient pas être considérées, à l’époque, comme des entreprises en difficulté, il y a lieu de relever que cette circonstance ne doit pas être interprétée en ce sens qu’elles ne peuvent se trouver, comme en l’espèce, dans une situation de difficulté.

152    Il s’ensuit que l’ensemble des arguments concernant la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté comme non fondé en ce qui concerne la subvention à l’investissement du Land de Thuringe.

2.     En ce qui concerne les subventions en faveur de l’emploi associées à des investissements de protection de l’environnement (mesure 26)

a)     Arguments des parties

 Sur la violation des articles 87 CE et 88 CE

153    La requérante conteste, en premier lieu, l’appréciation de la Commission selon laquelle les mesures mises en œuvre par la requérante ne sont pas conformes au régime de l’article 249 h de l’AFG.

154    La requérante allègue que, d’après les termes non équivoques de l’article 249 h de l’AFG, les entreprises privées, et non pas seulement les entreprises relevant de la THA, pouvaient mettre en œuvre ces mesures. Cela serait confirmé par des dispositions que la Commission n’ignorait pas, telles la circulaire d’application du 27 janvier 1993 et l’article 92, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’AFG. Selon la requérante, une limitation du champ d’application du régime aux seules entreprises de la THA ne ressort ni de la décision d’autorisation de la Commission, ni de la référence publiée au Journal officiel, ni de la communication de la République fédérale d’Allemagne du 29 juillet 1994, dont les explications ne sauraient, en tout état de cause, altérer la portée sans équivoque du texte fondant le régime. Pour ce faire, aurait été nécessaire soit une modification expresse par la République fédérale d’Allemagne, soit l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

155    Au stade de la réplique, la requérante produit un rapport d’expertise à l’appui de sa thèse selon laquelle elle était en droit de mettre en œuvre des mesures au titre de l’article 249 h de l’AFG, ce qu’elle a fait afin d’employer des travailleurs précédemment sans emploi, et ce, dès lors, dans l’intérêt public. La requérante demande que le directeur, de l’époque, de l’Arbeitsamt Jena (office du travail de Jena, Allemagne) soit entendu sur ce point.

156    En second lieu, la requérante fait valoir que les mesures qu’elle a mises en œuvre en vertu de l’article 249 h de l’AFG ne constituent pas une aide d’État.

157    D’abord, elle allègue qu’une mesure étatique ne saurait constituer une aide d’État du fait qu’elle a été mise en œuvre par une entreprise privée et non par une entreprise publique. Selon la requérante, les entreprises de la THA ont également mis en œuvre les mesures au titre de l’article 249 h de l’AFG sur leurs propres sites d’exploitation.

158    Ensuite, la requérante conteste qu’elle ait été favorisée par la mise en œuvre des mesures et demande que M. G. R. soit entendu à cet égard. Selon la requérante, elle n’a obtenu, au titre desdites mesures, que le remboursement des frais correspondant aux salaires versés aux seuls travailleurs engagés dans le cadre de l’exécution de ces mesures ou du matériel utilisé. Selon elle, les mesures ont été mises en œuvre pour aider des chômeurs et ne l’auraient pas été sans l’article 249 h de l’AFG. Un avantage indirect n’aurait pas été davantage établi. Seule une partie des travaux de déblaiement était nécessaire pour la préparation d’investissements et, d’ailleurs, le coût pour la réalisation de ces travaux était nettement inférieur à son apport personnel (613 031,01 DEM) de sorte que tout avantage éventuel était déjà compensé. Quant aux travaux de déblaiement qui n’étaient pas nécessaires, elle ne les aurait pas réalisés du tout ou les aurait réalisés sur une période plus longue sans surcoût. La requérante conteste, en outre, que ces travaux aient été déjà réalisés par Kahla I. Selon la requérante, elle a proposé à la Commission de visiter le terrain ou de le faire expertiser de toute autre manière pour déterminer si elle avait réellement été avantagée. Or, les représentants de la Commission auraient affirmé qu’ils disposaient de toutes les informations nécessaires à cette fin. Selon la requérante, l’expertise qu’elle produit contredit les allégations sommaires et non motivées de la Commission.

159    La requérante ajoute que, en vertu de l’article 242 s de l’AFG, le même régime était applicable aux entreprises des anciens Länder et que, dès lors, les dispositions combinées des articles 249 h et 242 s de l’AFG constituent une mesure générale.

160    Elle soutient, enfin, que le fait que la Commission ait autorisé en 1997 l’article 249 h de l’AFG modifié comme une aide d’État ne saurait être invoqué comme preuve de l’existence d’éléments d’aide d’État dans toutes les mesures prises au titre de l’article 249 h de l’AFG.

161    La Commission réplique que les mesures ne relèvent pas de l’article 249 h de l’AFG puisque la requérante n’était pas l’un des gestionnaires visés par la communication du gouvernement allemand du 29 juillet 1994, laquelle précisait, en outre, que les mesures devaient être dissociées de tout intérêt particulier. La Commission observe que la requérante a mis en œuvre les mesures en cause pour dépolluer son propre terrain et qu’elles constituent une aide d’État en sa faveur.

 Sur la violation du principe de sécurité juridique

162    La requérante fait valoir que la Commission a introduit a posteriori dans un régime autorisé de nouvelles conditions désavantageuses pour elle et que, partant, la Commission a modifié rétroactivement, à son détriment, sa position juridique en violation du principe de sécurité juridique. Étant donné que les aides qui sont accordées dans le cadre de programmes autorisés ne nécessitent pas d’autorisation, d’éventuelles restrictions devraient apparaître soit dans le régime lui-même, soit dans la décision d’autorisation.

163    La Commission conteste l’ensemble de l’argumentation de la requérante.

 Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

164    La requérante allègue que, la Commission ayant constaté que l’article 249 h de l’AFG ne comportait pas d’éléments d’aide, un opérateur diligent pouvait se fier, lors de la mise en œuvre des mesures adoptées au titre de cette disposition, au fait que les mesures ne comportaient pas d’éléments d’aide exigeant une autorisation particulière de la Commission.

165    La requérante soutient que toutes les conditions de l’article 249 h de l’AFG et de ses dispositions d’application ont été respectées et demande que, en cas de doutes à ce propos, un expert soit désigné. Selon la requérante, la Commission a elle-même créé une situation de confiance puisqu’elle aurait dû expressément mentionner que cette disposition était limitée aux entreprises du THA dans sa lettre d’autorisation ou dans la publication au Journal officiel. Quant au fait que la requérante a perçu des subventions, outre de l’État fédéral, du Land de Thuringe, la requérante soutient, que, étant donné que les mesures prises par l’État fédéral ne contenaient pas d’éléments d’aide, un industriel raisonnable pouvait partir du principe qu’il en était de même concernant les fonds du Land de Thuringe.

166    La Commission conteste l’ensemble de l’argumentation de la requérante.

b)     Appréciation du Tribunal

 Sur la violation des articles 87 CE et 88 CE

–       Sur la conformité avec le régime de l’article 249 h de l’AFG

167    S’agissant de la question de savoir si les subventions en faveur de l’emploi octroyées à la requérante constituent une mesure d’application de l’article 249 h de l’AFG, il convient de rappeler, à titre préalable, que par l’adoption de cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 1993, le législateur allemand a adopté une nouvelle réglementation relative à la création d’emploi, limitée au territoire de l’ex-RDA.

168    Aux termes de l’article 249 h, paragraphe 1, de l’AFG, « [l’Office fédéral pour l’emploi] peut encourager l’emploi de chômeurs dans des tâches dont l’exécution […] vise à l’amélioration de l’environnement, des services sociaux ou de l’aide à la jeunesse, par l’octroi de subventions aux employeurs ».

169    Selon l’article 249 h, paragraphe 3, de l’AFG, les « tâches qui visent à l’assainissement du milieu ambiant ou à l’amélioration de l’environnement, des services sociaux ou de l’aide à la jeunesse peuvent être encouragées, en application des présentes dispositions, au moyen de subventions contribuant aux coûts salariaux des travailleurs que l’agence pour l’emploi a affectés aux employeurs lorsque ces tâches doivent être exécutées rapidement en raison du besoin d’assainissement ou d’amélioration et qu’elles ne peuvent pas être exécutées en l’absence des mesures d’encouragement prévues par la présente disposition […] D’une manière générale, ne peuvent être encouragées, dans le domaine de l’assainissement du milieu ambiant ou de l’amélioration de l’environnement, que des tâches dont l’exécution est confiée à une entreprise industrielle ou commerciale ; il en va notamment ainsi pour les tâches des personnes morales de droit public. À titre exceptionnel, des tâches exécutées par le prestataire lui‑même peuvent être encouragées lorsqu’elles ne seraient pas exécutées autrement. »

170    À la suite de plusieurs demandes d’information, la Commission a été mise au courant, notamment par communication de la République fédérale d’Allemagne du 2 décembre 1992, des éléments constitutifs de cette réglementation.

171    La République fédérale d’Allemagne a également transmis à la Commission, par communication du 11 mai 1993, la circulaire du conseil d’administration de l’office fédéral pour l’emploi « en faveur de l’emploi par des mesures d’amélioration de l’environnement, des services sociaux et de l’aide sociale à la jeunesse et à l’enfance », du 27 janvier 1993, qui contient un catalogue d’exemples de mesures éligibles au soutien prévu par l’article 249 h de l’AFG.

172    Des informations complémentaires concernant le régime de l’article 249 h de l’AFG ont été, en outre, apportées par communications de la République fédérale d’Allemagne, les 4 octobre 1993 et 29 juillet 1994.

173    C’est au vu des informations qui précèdent que la Commission a décidé, par lettre du 13 janvier 1995, de ne pas soulever d’objections à la mise en œuvre desdites mesures « dès lors que ces mesures ne relevaient pas des dispositions de l’article [87], paragraphe 1, CE ».

174    La requérante allègue, en substance, qu’elle a mis en œuvre des mesures de promotion de l’emploi sur la base des dispositions de l’article 249 h de l’AFG et que des chômeurs ont été engagés dans ce cadre pour des travaux de réhabilitation de l’environnement tels que l’enlèvement de ferraille et gravats provenant de l’activité de l’ancien conglomérat, VEB Vereinigte Porzellanwerke Kahla.

175    Or, la Commission a considéré dans la décision attaquée, au vu de la communication de la République fédérale d’Allemagne du 29 juillet 1994, que les entreprises privées n’étaient pas éligibles aux mesures énoncées à l’article 249 h de l’AFG et que les mesures qui étaient prises dans l’intérêt d’une entreprise ne pouvaient pas bénéficier du soutien prévu par cette disposition (considérant 134 de la décision attaquée).

176    À cet égard, il y a lieu de rejeter, d’emblée, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la Commission n’était pas en droit de se fonder sur la communication du gouvernement allemand du 29 juillet 1994. En effet, il ressort des éléments évoqués ci-dessus que les informations complémentaires et les précisions contenues dans cette communication, mentionnée explicitement dans la décision d’autorisation, ont été prises en considération par la Commission, qui les a considérées pertinentes pour constater que les mesures examinées ne constituaient pas des aides au sens de l’article 87 CE. Elles sont donc pertinentes afin de vérifier la portée exacte du régime autorisé. La Commission n’était donc pas tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen, comme le prétend la requérante, pour exiger dans ce cadre la modification du régime notifié. En effet, la République fédérale d’Allemagne ayant fourni des précisions permettant à la Commission d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que les mesures examinées ne constituaient pas des aides au sens de l’article 87 CE, l’ouverture de la procédure formelle aurait été superflue, voire sans objet.

177    Il convient donc d’examiner, au vu de la communication du 29 juillet 1994, si les tâches exécutées par la requérante pouvaient bénéficier du soutien prévu par l’article 249 h de l’AFG.

178    Premièrement, il y a lieu de rappeler que la République fédérale d’Allemagne avait indiqué dans sa communication du 29 juillet 1994 que les « organismes promoteurs des mesures adoptées en vertu de l’article 249 h de l’AFG dans le domaine de l’assainissement écologique et de l’amélioration de l’environnement sont des personnes morales de droit public, en particulier des collectivités territoriales (municipalités, districts, communes, notamment) ainsi que des entreprises en régie de la [THA] et d’autres établissements, par exemple des sociétés de reconstruction ou des sociétés œuvrant pour la promotion du travail et de l’emploi. L’entreprise à laquelle le marché est confié n’est pas l’organisme promoteur de la mesure. Les mesures servant des intérêts particuliers, c’est-à-dire les mesures qui constituent un avantage consenti à l’organisme promoteur de la mesure, ne sont pas éligibles en vertu de l’AFG. »

179    Il ressort, en outre, de la communication du 29 juillet 1994 que les « organismes promoteurs » étaient tenus de confier les travaux à une entreprise exécutante, ainsi que la République fédérale d’Allemagne l’avait préalablement expliqué, notamment, dans sa communication du 4 octobre 1993, mentionnée également dans la décision d’autorisation de la Commission. La République fédérale d’Allemagne a précisé dans cette dernière communication que « [d]’après l’article 249 h, paragraphe 3, troisième phrase, de l’AFG, les seuls travaux éligibles à l’aide dans le domaine de la réhabilitation et de l’amélioration de l’environnement (réhabilitation des sites contaminés) [étaient], en principe, ceux dont l’exécution [était] confiée à une entreprise fédérale à caractère industriel et commercial (Wirtschaftsunternehmen) [et qu’en] règle générale ces travaux [faisaient] l’objet d’un appel d’offres par l’organisme responsable (Land, communes, entreprises relevant de la THA, par exemple) ».

180    Il découle directement de ce qui précède que les entreprises privées n’étaient pas éligibles en tant qu’« organismes promoteurs » des mesures adoptées en vertu de l’article 249 h de l’AFG dans le domaine de l’environnement. En effet, cette disposition ne visait les entreprises privées que de façon indirecte, dans la mesure où les « organismes promoteurs » étaient tenus de confier l’exécution des travaux à une entreprise industrielle ou commerciale.

181    Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que la République fédérale d’Allemagne avait précisé, dans la communication du 29 juillet 1994, d’abord, que ces « mesures ne servent pas les intérêts particuliers, c’est-à-dire qu’elles sont adoptées à titre complémentaire, dans l’intérêt général […] Ceci signifie que les mesures adoptées dans l’intérêt d’une entreprise ne sont pas éligibles ». Ensuite, elle avait précisé que les « exemples répertoriés dans le catalogue relèvent de domaines liés à la gestion directe des risques auxquels est exposée la population (par exemple l’assainissement de parcs d’activité) et/ou à l’amélioration de la qualité de vie de la population (travaux de démolition, suppression de résidus de la construction polluants grâce à des installations de recyclage relevant à cette fin des mesures d’assainissement […]) Ces mesures sont nécessaires dans la perspective du traitement et de la préparation des espaces industriels, afin de limiter ou d’écarter les risques directs. Elles précèdent la mise en valeur effective des espaces industriels, et, à défaut de ces mesures, cette mise en valeur n’aurait pas lieu en raison des risques liés à l’environnement ».

182    Les mesures éligibles au titre du régime étaient, dès lors, des travaux d’intérêt général qui n’auraient pas été effectués si les mesures de soutien prévues à l’article 249 h de l’AFG n’avaient pas existé.

183    La requérante n’avance aucun élément permettant d’établir à quel titre les subventions en faveur de l’emploi lui ont été octroyées, mais se limite à faire valoir, en substance, qu’elle n’a obtenu, au titre desdites mesures, que le remboursement des frais de salaires versés aux travailleurs engagés dans le cadre des travaux éligibles au titre de l’article 249 h de l’AFG.

184    Le Tribunal constate, toutefois, que la requérante ne relève pas du cercle des « organismes promoteurs » des mesures au titre de l’article 249 h de l’AFG et que, dès lors, les subventions litigieuses ne pouvaient pas lui être octroyées à ce titre. En effet, en tant qu’entreprise privée, la requérante n’aurait pu bénéficier du soutien prévu à l’article 249 h de l’AFG que dans la mesure où elle exécutait des travaux d’intérêt général confiés par un organisme promoteur.

185    Il est donc sans importance de déterminer si, comme le prétend la requérante, elle a mis en œuvre les mesures litigieuses afin d’employer des travailleurs précédemment sans emploi. En effet, outre l’objectif à caractère social visé par l’article 249 h de l’AFG, cette disposition exigeait que les travaux auxquels les chômeurs étaient affectés soient, à titre complémentaire, des tâches d’intérêt général.

186    De plus, les travaux exécutés par la requérante sur ses propres terrains ne sauraient être considérés comme liés à la gestion directe des risques auxquels est exposée la population et/ou à l’amélioration de la qualité de vie de la population et, partant, comme des mesures d’intérêt général au sens de l’article 249 h de l’AFG. La circonstance que la circulaire du 27 janvier 1993 mentionnait, en tant que mesure éligible au soutien prévu par l’article 249 h de l’AFG, l’enlèvement de gravats et de ferraille dans des sites industriels, commerciaux et artisanaux ne saurait infirmer la conclusion selon laquelle les travaux exécutés par la requérante n’étaient pas d’intérêt général. En effet, il ressort du catalogue d’exemples de mesures éligibles au soutien prévu par l’article 249 h de l’AFG visé par la circulaire du 27 janvier 1993 que, dans le domaine de l’environnement, les mesures au niveau de l’entreprise, telles que l’assainissement écologique de bâtiments et d’autres constructions, les travaux de déblayage, le démontage d’installation, la démolition de construction, fondations et bâtiments, étaient liées à la réhabilitation de sites abandonnés.

187    Enfin, quant au rapport d’expertise produit par la requérante au stade de sa réplique, il y a lieu de constater que ces éléments d’information n’ayant pas été produits, et n’ayant, de ce fait, pu être pris en considération, lors de l’élaboration de la décision attaquée, ils ne peuvent être invoqués pour en discuter la légalité (voir arrêt Belgique/Commission, précité, points 11 et 16).

188    Dès lors, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la Commission a considéré que les subventions litigieuses n’étaient pas conformes au régime prévu à l’article 249 h de l’AFG.

–       Sur la qualification d’aide d’État des subventions en faveur de l’emploi

189    Il importe de rappeler que l’article 87 CE a pour objectif de prévenir que les échanges entre États membres soient affectés par des avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (arrêt de la Cour du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, point 26).

190    Il y a dès lors lieu d’examiner les subventions en faveur de l’emploi en cause au regard des conditions auxquelles l’article 87, paragraphe 1, CE subordonne la qualification d’aide d’État d’une mesure nationale, à savoir le financement d’une telle mesure par l’État ou au moyen de ressources d’État, l’existence d’un avantage pour une entreprise, la sélectivité de ladite mesure, ainsi que l’incidence de cette dernière sur les échanges entre États membres et la distorsion de concurrence résultant de celle-ci.

191    Au préalable, il convient de rejeter d’emblée l’argumentation tirée de ce que l’article 249 h de l’AFG ne relèverait pas de l’article 87, paragraphe 1, CE. En effet, ainsi qu’il ressort des points 167 à 188 ci‑dessus, les subventions octroyées à la requérante ne sont pas conformes à l’article 249 h de l’AFG, seule mesure que la Commission a considérée comme ne constituant pas une aide d’État.

192    En ce qui concerne, premièrement, l’exigence selon laquelle l’aide doit être accordée au moyen de ressources d’État et être imputable à l’État, il est constant qu’elle est satisfaite en l’espèce puisque la requérante a perçu 1,549 million de DEM de la direction fédérale de l’emploi et du Land de Thuringe, c’est‑à‑dire d’autorités publiques.

193    En ce qui concerne, deuxièmement, l’existence d’un avantage au profit de certaines entreprises, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion d’aide d’État est plus générale que celle de subvention, parce qu’elle comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions elles‑mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir arrêts de la Cour du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C‑387/92, Rec. p. I‑877, point 13, et du 1er décembre 1998, Ecotrade, C‑200/97, Rec. p. I‑7907, point 34).

194    Il en découle qu’une intervention des autorités publiques visant à la libérer de cette charge apparaît comme un avantage économique tel que visé par l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 novembre 2003, GEMO, C‑126/01, Rec. p. I‑13769, point 33). Tel est le cas, en l’espèce, de la charge financière induite par l’élimination de gravats et de ferraille, qui doit être considérée comme un coût inhérent à l’activité économique de l’entreprise.

195    Il importe de souligner, en outre, que, ainsi que la République fédérale d’Allemagne l’a précisé dans sa communication du 29 juillet 1994, un « appel d’offre relatif aux mesures relevant de l’article 249 h de l’AFG est réalisé conformément aux dispositions légales en vigueur […] Le marché est attribué au plus offrant. L’organisme promoteur de la mesure doit justifier l’ensemble du financement. Les aides au titre de l’article 249 h de l’AFG [allouées par l’Office fédéral pour l’emploi] sont remises à l’organisme promoteur, à charge pour ce dernier de verser l’aide aux coûts salariaux à l’entreprise exécutante pour les travailleurs employés […] Il n’existe donc pas d’avantage consenti à l’entreprise chargée de l’assainissement ».

196    Or, en l’occurrence, la requérante n’a pas exécuté des travaux d’intérêt général confiés par un organisme promoteur dans le cadre d’un appel d’offre, mais, au contraire, a été libérée d’une partie des charges (coûts salariaux) afférentes aux travaux qu’elle a exécutés dans son propre intérêt. La circonstance qu’elle ait mis en œuvre les mesures afin d’employer des travailleurs précédemment sans emploi ne saurait conférer aux travaux qu’elle a exécutés le caractère d’intérêt général.

197    De plus, indépendamment de la question de savoir si les mesures que la requérante a mises en œuvre pouvaient être assimilées à celles adoptées en application de l’article 249 h de l’AFG, il y a lieu de souligner que le caractère social d’interventions étatiques ne suffit pas à les faire échapper d’emblée à la qualification d’aides au sens de l’article 87 CE (arrêt de la Cour du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I‑2289, point 50).

198    Le fait que la requérante ait contribué au financement des travaux pour enlever les gravats et la ferraille de son terrain n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, ainsi que le relève la Commission, il reste que la requérante n’a pas réellement supporté la partie du coût qui correspond au montant de la subvention qu’elle a perçue, indépendamment du fait qu’elle ait financé, comme elle le prétend, une partie de ces travaux.

199    En ce qui concerne, troisièmement, la sélectivité, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante tirée de ce que le même régime était applicable aux entreprises des anciens Länder. Par cet argument, la requérante tente, en réalité, de démontrer la portée générale de l’article 249 h de l’AFG. Or, la question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si les subventions octroyées à la requérante en dehors de tout régime avaient un caractère sélectif. Dans ces conditions, il suffit de relever que, ainsi que le fait valoir la Commission, la requérante a bénéficié d’un allégement dont d’autres entreprises n’ont pu bénéficier.

200    Quant à l’exigence selon laquelle, quatrièmement, le régime d’aides doit affecter les échanges entre États membres et fausser ou menacer de fausser la concurrence, il résulte du considérant 91 de la décision attaquée que la Commission a estimé, sans être contredite par la requérante, que le marché de la porcelaine était un marché de produits européens fortement concurrentiel et affecté de surcapacités et que, dès lors, les avantages financiers qui favorisent une entreprise par rapport à ses concurrents menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges entre États membres.

201    Par conséquent, il y a lieu de constater que les subventions en faveur de l’emploi octroyées à la requérante constituent une aide d’État au sens de l’article 87 CE.

202    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est à bon droit que ces subventions devaient être qualifiées d’aide nouvelle au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE.

203    Il s’ensuit que l’ensemble des arguments concernant la violation des articles 87 CE et 88 CE en ce qui concerne les subventions en faveur de l’emploi objet de la mesure 26 doit être rejeté dans son intégralité comme non fondé.

 Sur la violation du principe de sécurité juridique

204    La requérante allègue que la Commission a, par la décision attaquée, introduit rétroactivement des conditions supplémentaires par rapport à celles figurant dans la décision d’autorisation relative à l’article 249 h de l’AFG.

205    Or, il ressort des points 167 à 188 ci‑dessus que cette allégation n’est pas fondée. En effet, la Commission s’est limitée strictement à apprécier la conformité des subventions en faveur de l’emploi de la mesure 26, aux conditions établies dans la décision du 13 janvier 1995 autorisant l’article 249 h de l’AFG. Il importe de souligner, à cet égard, que la Commission avait explicitement mentionné dans ladite décision les communications de la République fédérale d’Allemagne précisant la portée de l’article 249 h de l’AFG, notamment celle du 29 juillet 1994, qu’elle a correctement interprétées et appliquées, dans la décision attaquée, aux subventions en cause.

206    Il s’ensuit que l’argumentation relative à la violation du principe de sécurité juridique en ce qui concerne les subventions en faveur de l’emploi objet de la mesure 26 doit être rejetée.

 Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

207    La requérante soutient, essentiellement, que les subventions de la mesure 26 relèvent de l’article 249 h de l’AFG. Or, ainsi qu’il a été considéré aux points 167 à 188 ci‑dessus, les subventions en faveur de l’emploi de la mesure 26 ne sont pas conformes aux conditions fixées dans la décision d’approbation relative à l’article 249 h de l’AFG.

208    Quant à la prétendue absence de limitation explicite dans l’article 249 h de l’AFG et dans la référence publiée au Journal officiel, le Tribunal relève, eu égard aux principes énoncés au point 146 ci‑dessus, qu’elle ne saurait fonder la confiance légitime de la requérante dans la régularité de l’octroi des subventions de la mesure 26. En effet, cette circonstance ne saurait aucunement être assimilée à d’éventuelles assurances précises fournies par la Commission dans le sens que les entreprises privées pourraient bénéficier d’aides au titre de l’article 249 h de l’AFG.

209    Il s’ensuit que l’argumentation relative à la violation du principe de protection de la confiance légitime en ce qui concerne les subventions en faveur de l’emploi objet de la mesure 26 doit être rejetée.

B –  Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit manifestes

1.     Sur l’établissement erroné des faits

a)     Arguments des parties

210    La requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d’erreurs de fait qui ont eu une incidence sur l’appréciation selon laquelle TIB n’aurait pas agi comme un investisseur dans une économie de marché et sur l’appréciation selon laquelle la contribution personnelle de M. G. R. au coût de la restructuration n’aurait pas été substantielle.

211    En premier lieu, la requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle il n’était pas prévu de contrepartie à l’engagement de TIB dans l’entreprise (mesures 11 et 12) et considère que cela va à l’encontre des constatations que la Commission a elle-même effectuées dans la décision attaquée. S’agissant plus particulièrement de la prise de participation à hauteur de 49 % dans le capital de la requérante (mesure 11), la requérante allègue que, en vertu du contrat (Gesellschaftsvertrag) du 23 mars 1994, M. G. R. pouvait racheter la participation de TIB moyennant le versement d’intérêts annuels de 6 % à dater du paiement, c’est ce qui s’est passé à la fin de 1999. Quant au prêt participatif consenti par TIB (mesure 12), la requérante affirme qu’il devait rapporter 12 % d’intérêts par an, limités à la moitié des bénéfices annuels, et que ces intérêts ont été versés par la requérante jusqu’au rachat du prêt à la fin de 1999.

212    En second lieu, la requérante allègue que la décision attaquée est entachée d’erreurs de fait en ce qui concerne les fonds mis à la disposition de l’entreprise par M. G. R. La requérante affirme que le constat selon lequel l’emprunt à hauteur de 0,2 million de DEM (mesure 16) contracté par M. G. R. pour financer sa participation dans le capital de la requérante bénéficiait d’une garantie de l’État est inexact. Une telle garantie n’aurait jamais existé, M. G. R. et son épouse étant personnellement et solidairement responsables de ce prêt. D’ailleurs, M. G. R. aurait financé les intérêts et l’amortissement du capital relatifs à ce prêt, ainsi qu’à celui de 1,8 million de DEM qu’il a également contracté pour financer sa participation dans l’entreprise, ce qui devrait avoir plus de valeur qu’un simple cautionnement. Dans son mémoire en réplique, la requérante observe que la Commission a reconnu que le prêt n’était pas concerné par la garantie à hauteur de 90 % en faveur de la requérante, mais que, cependant, la Commission méconnaît le fait que l’État fédéral avait accepté de fournir cette garantie à la banque finançant l’ensemble du programme.

213    La Commission conteste l’ensemble de l’argumentation avancée par la requérante.

b)     Appréciation du Tribunal

214    En ce qui concerne, en premier lieu, les fonds mis à la disposition de la requérante par TIB (mesures 11 et 12), il y a lieu de constater, tout d’abord, que la Commission a affirmé, au considérant 97 de la décision attaquée, que « les rapports […] n’envisag[aient] aucune contrepartie éventuelle à la participation des autorités, comme cela aurait été le cas pour n’importe quel investisseur dans une économie de marché ».

215    S’il est vrai que cette formulation peut prêter à confusion, laissant entendre qu’aucune contrepartie n’a été prévue en ce qui concerne l’engagement de TIB (mesures 11 et 12), force est de constater que ce passage se réfère, de manière générale, au soutien financier accordé à la requérante par l’ensemble des établissements financiers publics, alors que les fonds mis à la disposition de la requérante par TIB font l’objet d’un examen spécifique aux considérants 98 et suivants de la décision attaquée (voir points 20 et 21 ci‑dessus).

216    S’agissant, en particulier, de la contrepartie à la prise de participation à hauteur de 49 % du capital social de la requérante (mesure 11), la Commission a indiqué, au considérant 98 de la décision attaquée, que la circonstance que TIB ait cédé sa participation cinq ans plus tard à M. G. R. et à son fils pour un prix plus élevé que celui qu’il avait payé en 1994, ne changeait rien au fait que TIB ne s’était pas comportée comme un investisseur privé. Elle a précisé, en outre, que les risques étaient élevés, qu’il n’avait pas non plus été procédé à une analyse des recettes futures et que le bénéfice réellement dégagé par TIB était fort mince.

217    Il en ressort que la Commission a considéré que le rachat par M. G. R. de la participation de TIB ne constituait pas une contrepartie adéquate au regard du critère de l’investisseur privé. Il s’ensuit que l’argument de la requérante, selon lequel la Commission a constaté dans la décision attaquée qu’il n’était pas prévu de contrepartie à la prise de participation de TIB dans l’entreprise, n’est pas fondé.

218    S’agissant de la contrepartie au prêt participatif consenti par TIB à la requérante (mesure 12), la Commission a effectué, au considérant 102 de la décision attaquée, les constats suivants :

« [I]l est établi que le taux d’intérêt avait été fixé à 12 %, mais que le montant des intérêts était plafonné à 50 % du bénéfice de l’exercice concerné. Les rapports avaient déjà souligné qu’au moins les deux premiers exercices de [la requérante] seraient déficitaires, et ce fut effectivement le cas. Aucun taux d’intérêt majoré n’a été fixé pour compenser les années où le paiement d’intérêts était peu probable. Force est de constater que TIB a délibérément consenti un prêt participatif auquel n’étaient pas attachés des droits de vote supplémentaires, sans exiger les moindres sûretés et avec un taux d’intérêt de 0 % pendant deux ans au moins. Aucune prime de risque n’a été prévue pour compenser les risques prévus dans le rapport sur la base duquel ce prêt participatif […] a été accordé. »

219    Il ressort de ce passage que la Commission a considéré que la fixation d’un taux d’intérêt à 12 % annuel ne constituait pas une contrepartie adéquate au prêt participatif consenti par TIB au regard du critère de l’investisseur privé. Il s’ensuit que l’argument de la requérante, selon lequel la Commission a constaté dans la décision attaquée qu’il n’était pas prévu de contrepartie au prêt participatif consenti par TIB à la requérante, n’est pas fondé.

220    En ce qui concerne, en deuxième lieu, les fonds apportés à l’entreprise par M. G. R., il importe de rappeler que la Commission a considéré dans la décision attaquée que les deux prêts consentis à M. G. R. pour un montant total de 2 millions de DEM constituaient deux mesures d’aides en faveur de la requérante (voir points 21 et 24 ci‑dessus).

221    La requérante allègue, en substance, que le prêt objet de la mesure 16 ne bénéficiait pas d’une garantie en sa faveur et que M. G. R. lui-même était responsable des intérêts et de l’amortissement des deux prêts contractés par lui grâce auxquels il a financé sa participation dans le capital de la requérante.

222    À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a admis dans ses écritures que c’est à tort qu’elle avait constaté, dans la décision du 30 octobre 2002, que le prêt objet de la mesure 16 était couvert par la garantie du Land de Thuringe à hauteur de 90 % (mesure 13). Le Tribunal constate que cette erreur est corrigée dans la décision attaquée dans laquelle la Commission a précisé, au considérant 99, que le prêt objet de la mesure 16 « était inclus dans la garantie donnée par l’État à la Deutsche Ausgleichsbank qui avait accordé le prêt ».

223    En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle M. G. R. a supporté le paiement des intérêts et le remboursement du capital afférents aux deux prêts, il y a lieu d’observer que la Commission n’a jamais prétendu que M. G. R. n’était pas responsable de ces prêts. Elle a, au contraire, constaté que les prêts avaient été accordés à M. G. R. Dès lors, il paraît évident, comme le relève à juste titre la Commission, qu’il était responsable du paiement des intérêts et du remboursement du capital.

224    Quant aux autres allégations de la requérante, le Tribunal observe qu’elles se rapportent plutôt à une prétendue erreur d’appréciation commise par la Commission concernant l’engagement de TIB dans l’entreprise et l’application des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration et doivent donc être examinées dans le cadre des autres branches du moyen.

225    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen comme non fondée.

2.     Sur la qualification de la requérante d’entreprise en difficulté

a)     Arguments des parties

226    La requérante fait observer que, si sa qualification comme entreprise en difficulté joue essentiellement un rôle au stade de l’examen de la subvention à l’investissement (mesure 15), cette qualification influence également l’appréciation portée sur d’autres mesures d’aide, notamment la prise de participation et le prêt participatif de TIB (mesures 11 et 12). Selon la requérante, cette appréciation est à l’origine, également, du refus d’application des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale.

227    La Commission rétorque que son appréciation quant à la qualification de la requérante d’entreprise en difficulté n’est pas erronée et renvoie aux explications qu’elle a fournies précédemment.

b)     Appréciation du Tribunal

228    Il y a lieu de constater que la requérante se limite à rappeler l’incidence que la qualification d’entreprise en difficulté a eue sur l’examen de plusieurs mesures d’aide, ainsi que sur l’applicabilité des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale en l’espèce.

229    Or, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 133 ci‑dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant, au considérant 118 de la décision attaquée, que la requérante était une entreprise en difficulté de 1994 à la fin de 1996.

230    Partant, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du moyen.

3.     Sur l’appréciation erronée de l’engagement de TIB dans l’entreprise (mesures 11 et 12)

a)     Arguments des parties

231    La requérante fait valoir que la décision attaquée, qui expose que TIB ne s’est pas comportée comme un investisseur privé, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

232    La requérante soutient que TIB s’est prononcée en faveur de l’investissement au terme d’une expertise minutieuse du projet d’entreprise confiée aux cabinets RBSH & P et AA. Selon la requérante, ces expertises tenaient bien évidemment compte des risques économiques liés à la création d’une entreprise et prévoyaient des mesures d’investissement et d’organisation propres à garantir le succès de l’entreprise, comme le démontre la situation économique actuelle de la requérante. En cas de doutes à cet égard, la Commission aurait pu désigner un expert indépendant. La requérante soutient que le maintien des emplois n’était qu’un objectif secondaire de TIB, qui a certes été souligné dans le rapport du cabinet AA, car il joue un rôle important pour une entreprise publique. Les rapports ne préconiseraient donc pas une restructuration et, en tout état de cause, cette circonstance n’exclurait pas le caractère conforme aux conditions du marché de l’engagement de TIB. De plus, selon la requérante, il s’agit d’un cercle vicieux puisque la Commission a déduit cette nécessité du fait que les fonds que TIB a apportés à l’entreprise constituaient une aide d’État.

233    La requérante affirme que, contrairement à ce que prétend la Commission, il était prévu dans le contrat (Gesellschaftsvertrag) du 23 mars 1994 que l’engagement de TIB s’accompagnerait d’une contrepartie appropriée. D’une part, M. G. R. pouvait racheter la participation de TIB (mesure 11) moyennant le versement d’intérêts annuels de 6 % à dater du paiement. C’est ce qui s’est passé à la fin de 1999. D’autre part, le prêt participatif (mesure 12) devait rapporter 12 % d’intérêts par an. La requérante explique que la limitation du montant des intérêts à la moitié des bénéfices annuels est une clause générale habituelle dans le cas des prêts d’associés afin d’éviter de mettre à la charge de l’entreprise, lors de la phase de démarrage, un service d’intérêts qui pourrait compromettre son succès. La faiblesse de ces intérêts serait compensée, comme en l’espèce, par un taux d’intérêt plus élevé lors des exercices bénéficiaires. Cette limitation répondrait donc à l’intérêt que représentait pour TIB, en sa qualité d’associée, le succès économique de la requérante et correspondrait à l’absence de tout versement d’intérêts et de dividendes à M. G. R. Le taux d’intérêt ayant été fixé à 12 %, la requérante considère que la Commission ne saurait affirmer que les parties n’ont pas prévu de prime de risque. TIB aurait reçu des intérêts élevés de la part de la requérante jusqu’au rachat du prêt à la fin de 1999.

234    La requérante conteste, également, l’appréciation de la Commission selon laquelle M. G. R. ne se serait pas engagé dans le capital de la requérante aux mêmes conditions que TIB. M. G. R. aurait investi 2,055 millions de DEM dans l’entreprise, dont 2 millions auraient été financés par deux prêts contractés par lui (mesures 16 et 17). Selon la requérante, il y a lieu de prendre en considération ces ressources, et pas seulement le montant de 0,055 million de DEM, lors de l’appréciation de la participation de l’investisseur privé. S’agissant du prêt objet de la mesure 16, la requérante allègue qu’il n’était pas couvert par une garantie étatique et que M. G. R. a supporté l’intégralité du risque lié au remboursement. Quant au prêt objet de la mesure 17, dont M. G. R. répondait personnellement conjointement avec la requérante, cette dernière allègue que le fait qu’il était garanti par une hypothèque sur un terrain lui appartenant est sans importance étant donné que cette hypothèque ne provenait pas de fonds publics. De plus, les deux prêts auraient été accordés au titre de programmes d’aides à la création d’entreprises que la Commission a autorisés et la requérante reproche à la Commission de rétorquer aux entrepreneurs qui se sont fiés aux aides qu’ils ne constituent pas des investisseurs à part entière. Selon la requérante, l’octroi d’aides est secondaire par rapport à l’engagement plein et entier d’un investisseur dont l’existence même est en jeu. Ainsi, M. G. R. serait plus susceptible de constituer un investisseur de référence qu’une grande entreprise, laquelle, en cas d’échec du projet, ne serait pas sérieusement menacée dans son existence.

235    La Commission estime que l’argumentation avancée par la requérante, en ce qui concerne l’engagement de TIB dans l’entreprise, doit être rejetée dans son intégralité comme non fondée.

b)     Appréciation du Tribunal

236    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’intervention des pouvoirs publics dans le capital d’une entreprise, sous quelque forme que ce soit, peut constituer une aide d’État (voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, HAMSA/Commission, T‑152/99, Rec. p. II‑3049, point 125, et la jurisprudence citée).

237    En vue de déterminer si la prise de participation de TIB à hauteur de 49 % du capital social de la requérante (mesure 11) et le prêt participatif de 6 millions de DEM qu’il a consenti à la requérante (mesure 12) présentent le caractère d’une aide étatique, il est pertinent d’appliquer le critère, mentionné dans la décision litigieuse et d’ailleurs non contesté par la requérante, de l’investisseur privé en économie de marché. Ainsi, il y a lieu d’apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé d’une taille qui puisse être comparée à celle de l’investisseur public aurait pu être amené à réaliser une opération d’une telle importance.

238    À cet égard, il a été précisé que, si le comportement de l’investisseur privé, auquel doit être comparée l’intervention de l’investisseur public poursuivant des objectifs de politique économique, n’est pas nécessairement celui de l’investisseur ordinaire plaçant des capitaux en vue de leur rentabilisation à plus ou moins court terme, il doit, au moins, être celui d’un holding privé ou d’un groupe privé d’entreprises poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle et être guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (voir arrêt HAMSA/Commission, précité, point 126, et la jurisprudence citée). En outre, la comparaison entre les comportements des investisseurs publics et privés doit être établie par rapport à l’attitude qu’aurait eue, lors de l’opération en cause, un investisseur privé, eu égard aux informations disponibles et aux évolutions prévisibles à ce moment (arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, points 244 à 246).

239    Il doit également être rappelé que l’appréciation, par la Commission, de la question de savoir si une mesure satisfait au critère de l’opérateur privé en économie de marché implique une appréciation économique complexe. La Commission, lorsqu’elle adopte un acte impliquant une telle appréciation, jouit d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle juridictionnel, même s’il est en principe entier pour ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’absence d’erreur de droit, de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ainsi que de l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l’auteur de la décision (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, point 97, et la jurisprudence citée).

240    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la décision attaquée.

241    En premier lieu, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir considéré, au vu de deux rapports de cabinets de consultants disponibles à l’époque de la constitution de la requérante, à savoir le rapport du cabinet RBSH & P du 29 novembre 1993 et le rapport élaboré par AA du 11 janvier 1994, que l’objectif de TIB consistait à sauvegarder des emplois.

242    Le Tribunal constate, en effet, que d’après le rapport élaboré par AA, destiné à permettre à TIB d’évaluer sa participation dans l’entreprise, l’objectif de celle‑ci était la sauvegarde des emplois et les consultants étaient tenus, comme l’admet d’ailleurs la requérante, d’élaborer le projet d’entreprise en tenant compte de cette considération. Certes, rien ne s’oppose à la prise en considération par les entreprises publiques de politiques à caractère social, régional ou sectoriel. Toutefois, l’apport en capitaux de la part des autorités publiques doit être apprécié en vertu du critère de l’investisseur privé, abstraction faite de toute considération à caractère social ou de politique régionale ou sectorielle (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, T‑129/95, T‑2/96 et T‑97/96, Rec. p. II‑17, point 120, et la jurisprudence citée).

243    En deuxième lieu, il convient de relever que, pour conclure que la prise de participation de TIB et le prêt participatif n’étaient pas conformes au comportement d’un investisseur privé, la Commission a examiné, à juste titre, la situation de la requérante au moment de l’intervention publique ainsi que les perspectives économiques de l’entreprise.

244    À cet égard, le Tribunal observe que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission a correctement apprécié la situation de l’entreprise au moment de l’intervention de TIB. Ainsi qu’il ressort des points 116 à 133 ci‑dessus, concernant la qualification d’entreprise en difficulté, la requérante devait procéder à un processus de restructuration pour assurer sa viabilité, ainsi que les consultants l’ont constaté à l’époque.

245    S’il est vrai que la circonstance que la requérante devait être restructurée pour assurer sa viabilité ne saurait déterminer, comme l’affirme la requérante, le caractère non conforme aux conditions du marché de l’intervention de TIB, il n’en reste pas moins que, lorsqu’il s’agit d’un apport en capital à une entreprise en difficulté, le risque de l’investissement en question est influencé par les difficultés dans lesquelles se trouve une telle entreprise.

246    La requérante soutient, dans ce contexte, que l’engagement de TIB s’est effectué au terme d’une expertise minutieuse du projet d’entreprise et que les consultants ayant examiné les risques aboutissaient à la conclusion que le projet avait toutes les chances de succès. À cet égard, il convient de relever, d’abord, que d’après les consultants, le succès du projet d’entreprise de la requérante dépendait dans une large mesure de la décision des autorités régionales, dans le cadre de la politique structurelle du Land de Thuringe, d’appuyer économiquement le seul producteur de porcelaine de la région, en l’occurrence la requérante. En outre, le Tribunal constate que, si les rapports élaborés par RBSH & P et AA prévoyaient des mesures en vue d’assurer la viabilité de l’entreprise, il ressort des deux rapports que les consultants considéraient le projet d’entreprise comme très risqué. De plus, contrairement aux allégations de la requérante, les risques mis en évidence par les consultants n’étaient pas ceux existant avant la mise en oeuvre des mesures. En effet, les consultants ont considéré que de nombreux risques subsistaient et que le succès du projet d’entreprise n’était pas complètement assuré. De surcroît, force est de constater que les appréciations des consultants dans les rapports respectifs relèvent plutôt de considérations de viabilité de l’entreprise que de considérations de rentabilité qui normalement guident la stratégie industrielle et commerciale des opérateurs privés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Alitalia/Commission, T‑296/97, Rec. p. II‑3871, point 84).

247    Au vu de la situation de l’entreprise au moment de l’octroi des mesures concernées, d’une part, et des perspectives d’évolution, d’autre part, il est permis de considérer que TIB s’est inspirée des considérations à caractère social et régional qui caractérisent le comportement de l’État en tant que puissance publique et non en tant qu’acteur du marché.

248    En troisième lieu, il y a lieu de relever que la Commission a considéré, eu égard aux perspectives économiques de la requérante à cette date, que la contrepartie de l’intervention de TIB dans l’entreprise n’était pas adéquate. Cette considération ne saurait être qualifiée de manifestement erronée.

249    S’agissant, premièrement, de la prise de participation à hauteur de 49 % dans le capital social de la requérante (mesure 11), la Commission a correctement considéré qu’il n’avait pas été procédé à une analyse des recettes futures. Il convient de rappeler, à cet égard, que les appréciations des consultants dans les rapports mis à la disposition de TIB, avant que celle-ci n’acquiert une participation dans le capital de la requérante, ne relevaient pas de considérations de rentabilité. Ainsi, le Tribunal constate que l’analyse d’éventuelles recettes à escompter n’a pas fait l’objet des rapports des consultants.

250    L’argument avancé par la requérante, selon lequel, aux termes du contrat (Gesellschaftsvertrag) du 23 mars 1994, M. G. R. pouvait racheter la participation de TIB moyennant le versement d’intérêts annuels de 6 %, ne saurait infirmer la conclusion de la Commission. En effet, cette circonstance ne saurait être assimilée à une analyse des recettes futures, dans la mesure où la requérante ne prétend pas que M. G. R. se serait engagé en toute hypothèse à acquérir ladite participation. En outre, la requérante n’avance aucun élément concret de nature à remettre en question l’appréciation de la Commission selon laquelle le bénéfice réellement dégagé par TIB était fort mince. À cet égard, d’une part, le Tribunal observe que les taux de référence relevés au considérant 101 de la décision attaquée concernant les divers crédits consentis à la requérante sont supérieurs à 6 %. D’autre part, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 99 de la décision attaquée, le montant de 1,975 million de DEM que TIB a mis à la disposition de la requérante sous la forme d’une participation représente des capitaux propres qui, en cas d’insolvabilité, deviennent des créances de rang inférieur. Il s’ensuit qu’un bénéfice équivalant à 6 % d’intérêts annuels, tel que celui prévu dans le contrat (Gesellschaftsvertrag) du 23 mars 1994, ne saurait être considéré comme une contrepartie adéquate à la prise de participation de TIB dans le capital de la requérante.

251    S’agissant, deuxièmement, de la contrepartie prévue pour le prêt participatif (mesure 12), la Commission a exposé au considérant 102 de la décision attaquée que, si le taux d’intérêt a été fixé à 12 %, ce prêt a été consenti sans exiger la moindre sûreté et avec un taux d’intérêt de 0 % pendant deux ans au moins. Elle a rappelé également que le montant des intérêts était plafonné à 50 % du bénéfice de l’exercice concerné. Or, les deux rapports prévoyaient qu’au moins les deux premiers exercices seraient déficitaires. Aucun taux d’intérêt majoré n’a été fixé pour compenser les années pendant lesquelles le paiement d’intérêts était peu probable. Par ailleurs, des droits de vote supplémentaires n’ont pas été attachés au prêt et aucune prime de risque n’a été instaurée pour compenser les risques prévus par les consultants.

252    La requérante n’apporte aucun élément permettant de considérer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’une telle contrepartie n’était pas adéquate. D’abord, la requérante ne saurait affirmer sans se contredire que la fixation du taux d’intérêt à 12 % a permis, d’une part, de compenser les années déficitaires et, d’autre part, de prendre en considération les risques de l’opération. Or, force est de constater que, eu égard au chiffre d’affaires prévu pour les premiers exercices non déficitaires, une telle compensation ne pouvait pas être envisagée, le montant des intérêts étant toujours plafonné à 50 % du bénéfice. Ensuite, il importe de relever que la Commission a pris en considération également le fait qu’il n’était prévu aucune sûreté et que le prêt ne conférait pas de droits supplémentaires, ce que la requérante ne conteste pas.

253    En quatrième lieu, la Commission a souligné que M. G. R. ne pouvait pas être considéré comme un investisseur privé auquel TIB serait comparable (considérant 99 de la décision attaquée).

254    Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon la pratique de la Commission confirmée par la jurisprudence, si l’intervention des pouvoirs publics est effectuée parallèlement à une intervention significative d’opérateurs privés, dans des conditions comparables, l’existence d’une aide peut être écartée (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, Rec. p. II‑2109, points 148 et 149). Toutefois, la Cour et le Tribunal ont considéré que, si les investissements privés dans la même entreprise ne sont effectués que postérieurement à l’allocation des fonds publics, l’existence d’une aide ne saurait être exclue (voir, sur ce point, arrêt du 14 février 1990, France/Commission, précité, point 40).

255    En l’occurrence, la requérante allègue, en substance, que M. G. R. a investi 2,055 millions de DEM dans le capital de la requérante, dont 2 millions ont été financés par deux prêts qu’il avait contractés.

256    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort des considérants 102 et 130 de la décision attaquée, la Commission a considéré, sans être contredite par la requérante, que ces deux prêts n’avaient pas été octroyés aux conditions du marché et que, bien que consentis à M. G. R., ils étaient destinés en réalité à soutenir la requérante. Or, cette qualification des deux prêts comme deux mesures d’aide octroyées à la requérante (mesures 16 et 17) exclut la possibilité de considérer ces fonds comme un apport de M. G. R. sur ses propres ressources. Dès lors, l’apport de M. G. R. sur ses propres ressources était uniquement de 0,055 million de DEM.

257    Il y a lieu de rappeler que la Commission a également pris en considération le fait, d’une part, que TIB avait apporté 1,975 million de DEM sous la forme d’une participation et, d’autre part, que M. G. R. avait le droit de résilier le contrat si la prise de participation de TIB et l’octroi du prêt participatif, ainsi que, en général, l’octroi d’autres aides ne se réalisaient pas, alors que TIB ne disposait pas de ce droit.

258    Il est donc permis de considérer que l’apport des capitaux privés était davantage la conséquence du soutien économique de l’État que le résultat d’une décision prise par un investisseur avisé qui aurait décidé d’investir, convaincu par les perspectives de rentabilité de son investissement (voir, en ce sens, arrêt Alitalia/Commission, précité, point 93). Dans ces conditions, l’apport des fonds publics ne saurait être considéré comme conforme au critère de l’investisseur privé.

259    Le fait que M. G. R. était tenu de rembourser les deux prêts ne saurait infirmer cette conclusion. D’une part, ainsi qu’il a été indiqué au point 256 ci‑dessus, la requérante n’avance pas d’arguments tendant à remettre en question l’appréciation de la Commission selon laquelle ces deux prêts, bien que consentis à M. G. R., constituent deux mesures d’aide en faveur de la requérante. D’autre part, même si cette circonstance devait être interprétée en ce sens que l’investisseur privé a assumé un certain risque en s’engageant dans le capital de la requérante, il ressort des points 256 et 257 que ce risque était en définitive inférieur à celui assumé par TIB.

260    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant, au considérant 98 de la décision attaquée, que TIB ne s’était pas comportée comme un investisseur privé dans une économie de marché et en qualifiant en conséquence la prise de participation (mesure 11) et le prêt participatif (mesure 12) d’aides d’État en faveur de la requérante.

261    Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du moyen.

4.     Sur l’appréciation des aides au regard des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration

a)     Arguments des parties

262    La requérante fait valoir que la décision attaquée, en ce qu’elle relève que les mesures accordées de 1994 à la fin de 1996 ne sont pas compatibles avec les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

263    S’agissant, en premier lieu, de la prétendue absence de plan de restructuration, la requérante affirme, tout d’abord, que cette appréciation est incompatible avec le constat selon lequel les rapports des consultants disponibles à l’époque évoquaient une restructuration. Selon la requérante, la Commission aurait dû s’appuyer sur le projet d’entreprise élaboré, avant la constitution de la requérante, par le cabinet RBSH & P d’un commun accord avec M. G. R. et vérifié par le cabinet AA. Ce projet aurait été, d’ailleurs, mis en œuvre avec succès. La requérante affirme, ensuite, que la Commission connaissait tous les critères du plan d’entreprise et, notamment, une analyse détaillée de la situation du marché, des produits et de la clientèle à capter pour la nouvelle entreprise ; des pronostics concrets concernant le chiffre d’affaires prévisionnel et le chiffre d’affaires effectif ; les différents scénarios en ce qui concerne le « cash-flow » dans différents montages financiers ; toutes les mesures de financement prévues et mises en œuvre, y compris les apports de fonds privés et publics ; les investissements programmés et réalisés ; et, enfin, l’utilisation des fonds découlant des rapports annuels de l’entreprise. S’agissant du financement prévu pour la création de l’entreprise, la requérante affirme que la République fédérale d’Allemagne a communiqué le 15 mars 2001 à la Commission un plan d’investissement concernant les investissements effectués de 1994 à 2000 et que sa communication du 1er octobre 2002 expliquait plus en détail le contenu du projet élaboré par le cabinet RBSH & P. Les légères modifications apportées au plan de financement global étaient dues, selon la requérante, à la décision d’acquérir, et non de louer, les immobilisations.

264    En cas de difficultés de compréhension, la Commission aurait pu faire appel à un expert ou demander des explications au gouvernement allemand ou à la requérante. Or, durant toute la procédure formelle d’examen, la Commission n’aurait pas posé une seule question concrète à propos de difficultés de compréhension concernant différents éléments du plan d’entreprise ou du contexte global de ce dernier. D’ailleurs, le directeur général de la concurrence aurait expressément confirmé en juin 2002 qu’il disposait de toutes les informations nécessaires à l’examen de l’affaire.

265    S’agissant, en second lieu, de l’appréciation de la Commission quant à la contribution privée au coût total de la restructuration, la requérante soutient que TIB, M. G. R. et elle-même ont fourni un apport considérable. La requérante soutient, d’abord, que TIB s’est engagée dans son capital aux conditions du marché et que, dès lors, les fonds qu’elle a mis à sa disposition (mesures 11 et 12) auraient dû être considérés comme un apport privé. Elle affirme, ensuite, que la Commission aurait dû prendre en considération, en tant que contribution personnelle de M. G. R., non seulement l’apport de 0,055 million de DEM, mais également les fonds fournis sous la forme de prêts à hauteur de 2 millions de DEM, puisque M. G. R. en répondait. D’ailleurs, M. G. R. ayant renoncé à exiger des intérêts de la part de la requérante, il conviendrait également d’en tenir compte. Selon la requérante, ces paiements d’intérêts ont été établis. Enfin, la requérante considère que la Commission aurait dû tenir compte de la circonstance que la marge brute d’autofinancement positive de l’entreprise a été décisive, tant d’un point de vue prévisionnel qu’en réalité, pour le succès de son développement. Il s’agirait de moyens que, selon le projet d’entreprise, la requérante devait dégager elle‑même en vendant ses produits et qui étaient à la disposition de l’entreprise en vue de sa construction, M. G. R. ayant renoncé à toute distribution de bénéfice jusqu’en 1999.

266    La Commission conteste avoir commis une erreur d’appréciation en considérant qu’il n’existait pas de plan de restructuration crédible et cohérent fondé sur des hypothèses réalistes concernant les conditions d’exploitation futures de la requérante et soutient que les aides ne pouvaient non plus être approuvées eu égard à la contribution marginale de l’entreprise aux coûts de la restructuration.

b)     Appréciation du Tribunal

267    La requérante conteste, en substance, le constat de la Commission selon lequel les mesures allouées à la requérante entre 1994 et la fin de 1996 ne sont pas compatibles avec le marché commun au regard des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994.

268    Il convient de rappeler, tout d’abord, qu’il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 87, paragraphe 3, CE accorde à la Commission un large pouvoir d’appréciation en vue d’admettre des aides par dérogation à l’interdiction générale du paragraphe 1 dudit article, dans la mesure où l’appréciation, dans ce cas, de la compatibilité ou de l’incompatibilité d’une aide d’État avec le marché commun soulève des problèmes impliquant la prise en considération et l’appréciation de faits et circonstances économiques complexes (arrêt de la Cour du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C‑39/94, Rec. p. I‑3547, point 36). Le juge communautaire ne pouvant substituer son appréciation des faits, notamment sur le plan économique, à celle de l’auteur de la décision, le contrôle du Tribunal doit, à cet égard, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission, T‑126/99, Rec. p. II‑2427, point 32, et du 14 octobre 2004, Pollmeier Malchow/Commission, T‑137/02, Rec. p. II‑3541, point 52).

269    Il convient de rappeler, également, que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté et les appréciations complexes portées par la Commission ne doivent être examinées qu’en fonction des seuls éléments dont celle‑ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêts du Tribunal du 6 octobre 1999, Salomon/Commission, T‑123/97, Rec. p. II‑2925, point 48, et Graphischer Maschinenbau/Commission, précité, point 33).

270    Enfin, la Commission peut s’imposer des orientations pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation par des actes tels que les lignes directrices en question, dans la mesure où ces actes contiennent des règles indicatives sur l’orientation à suivre par cette institution et qu’ils ne s’écartent pas des normes du traité (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C‑278/00, Rec. p. I‑3997, point 98, et la jurisprudence citée). C’est donc à la lumière de ces règles que la décision attaquée doit être examinée.

271    En l’espèce, la Commission a examiné les aides octroyées à la requérante à la lumière des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994, qui définissent les critères pour l’évaluation de la compatibilité des aides à la restructuration des entreprises en difficulté.

272    Les lignes directrices exigent que les aides à la restructuration soient encadrées par un plan, dont l’approbation est soumise à trois conditions matérielles : il doit permettre le retour de l’entreprise à la viabilité, prévenir des distorsions de concurrence indues et assurer la proportionnalité des aides aux coûts et avantages de la restructuration. Ainsi, de telles aides doivent être associées à un véritable plan de restructuration et ne peuvent être accordées que lorsqu’il peut être prouvé que le maintien en activité d’une entreprise et le rétablissement de sa rentabilité servent au mieux les intérêts de la Communauté.

273    Il appartient au Tribunal de vérifier si, en l’espèce, ces exigences ont été respectées.

274    Il ressort de la décision attaquée que, pour conclure que les conditions définies par les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration n’étaient pas remplies, la Commission s’est fondée, en premier lieu, sur l’absence de plan de restructuration.

275    Il importe de relever, à cet égard, qu’un plan de restructuration doit contenir des données précises et fiables, ainsi que toutes les précisions permettant d’apprécier si les conditions matérielles définies par les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration sont remplies.

276    Dans la décision attaquée, la Commission a expliqué que, « malgré les injonctions réitérées de la Commission, [la République fédérale d’Allemagne] n’a[vait] jamais communiqué la version définitive d’un plan de restructuration […] ni indiqué quelles mesures de restructuration [avaient] été effectivement exécutées » (considérant 169). Par ailleurs, au considérant 167 de la décision attaquée, elle a effectué plusieurs constats pour motiver cette conclusion. Ainsi, la Commission a pris acte de ce que le premier rapport avait été élaboré avant la réalisation de la cession des éléments d’actifs et le deuxième était destiné exclusivement à TIB pour lui permettre de déterminer l’opportunité de la prise d’une participation dans l’entreprise. D’ailleurs, la Commission a précisé que les mesures proposées et leur coût différaient d’un rapport à l’autre et ne concordaient pas non plus avec les coûts mentionnés par la République fédérale d’Allemagne dans le « plan d’investissement » et les coûts détaillés dans le tableau 5 de la décision attaquée, au titre desquels l’aide a été prétendument accordée. De plus, la Commission a observé que, dans les deux rapports, la liste des mesures prévues pour le financement de ces coûts omettait de nombreuses aides qui avaient été effectivement accordées à l’entreprise (tableau 4 de la décision attaquée), ce qui s’applique aussi au « plan d’investissement ». La Commission a donc considéré que soit le plan n’était pas définitif, soit l’entreprise avait perçu un excédent d’aides.

277    L’analyse de la Commission à cet égard n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

278    Il ressort, en effet, du dossier que le rapport élaboré par RBSH & P et celui élaboré par AA diffèrent quant à l’analyse des coûts des mesures proposées et qu’ils ne prennent pas en considération l’ensemble des concours financiers effectivement alloués à la requérante pendant la période où elle était en difficulté. Les appréciations des consultants sont, par ailleurs, en contradiction avec les coûts mentionnés par la République fédérale d’Allemagne dans le « plan d’investissement ». Dans ces conditions, la Commission était fondée à constater que les aides octroyées à la requérante n’étaient pas liées à un plan de restructuration.

279    La requérante n’avance aucun argument permettant d’infirmer cette conclusion et se borne à évoquer d’une manière générale les éléments qui tiennent lieu, selon elle, de plan de restructuration, sans pour autant préciser dans quel document ils se trouvent. De surcroît, la requérante ne fournit aucun éclaircissement quant aux contradictions entre les trois documents examinés par la Commission dans la décision attaquée.

280    Contrairement à ce que prétend la requérante, la conclusion quant à l’absence de plan de restructuration n’est pas contredite par l’appréciation de la Commission selon laquelle la requérante avait mis en œuvre un projet de restructuration. Le fait que la Commission ait constaté que les rapports élaborés par RBSH & P et AA prévoyaient des mesures destinées à la restructuration de l’entreprise ne saurait conférer à ces rapports un caractère exhaustif. De plus, une aide octroyée à une entreprise en difficulté ne saurait être déclarée compatible avec le marché commun du simple fait que des mesures de restructuration ont été prévues, même si cette restructuration a été effectuée, comme en l’espèce, avec succès. Il convient de relever, à cet égard, que pour permettre à la Commission d’apprécier si les aides en cause sont susceptibles d’inciter les entreprises bénéficiaires à adopter un comportement de nature à contribuer à la réalisation de l’objectif visé à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, il est nécessaire de vérifier que le plan de restructuration remplit l’ensemble des conditions matérielles prévues par les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration.

281    Il convient également de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle, si la Commission considérait que les informations dont elle disposait n’étaient pas complètes, elle aurait dû demander des explications aux autorités allemandes. À cet égard, il importe de souligner que, par sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen concernant les aides octroyées à la requérante, la Commission a enjoint à la République fédérale d’Allemagne de lui fournir un plan de restructuration (voir point 7 ci‑dessus) concernant la requérante. En outre, dans sa décision d’étendre la procédure formelle d’examen (voir point 9 ci‑dessus), la Commission a constaté qu’aucun plan de restructuration n’avait été présenté par la requérante. Par conséquent, elle émettait les mêmes doutes que lors de l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Force est donc de constater que l’appréciation de la Commission quant à l’absence de plan de restructuration, loin d’exprimer l’idée selon laquelle la Commission ne disposait pas des informations indispensables pour pouvoir procéder à l’appréciation de la compatibilité des aides, souligne le fait que les conditions auxquelles une aide à la restructuration doit répondre pour être autorisée conformément aux lignes directrices, en particulier l’existence d’un plan cohérent de restructuration au moment de l’octroi de l’aide, n’étaient pas remplies. Dans ces conditions, un tel argument manque en fait.

282    La Commission a considéré, en second lieu, que la contribution privée au coût total de la restructuration ne pouvait être considérée comme substantielle.

283    La requérante ne conteste pas que les bénéficiaires, conformément aux lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1994, doivent normalement contribuer à la restructuration de manière substantielle sur leurs propres ressources ou par un financement extérieur obtenu aux conditions du marché.

284    Il y a lieu de constater que la Commission s’est fondée en l’espèce, d’une part, sur le fait que, en l’absence de relevé exact des coûts de restructuration, il n’était pas possible d’affirmer que la contribution privée était substantielle et, d’autre part, sur la constatation que seule la somme de 0,055 million de DEM pouvait être considérée comme l’apport d’un investisseur privé.

285    Le Tribunal estime que cette appréciation n’est pas entachée d’erreur manifeste.

286    D’abord, il est manifeste que, en l’absence de plan de restructuration cohérent et crédible, la Commission n’a pas été en mesure d’apprécier l’ampleur et la nature de la contribution privée au coût total de la restructuration. Ensuite, les arguments invoqués par la requérante ne sauraient remettre en question l’appréciation de la Commission, au considérant 171 de la décision attaquée, selon laquelle seul l’apport de M. G. R. d’un montant de 0,055 million de DEM présentait un caractère purement privé.

287    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les fonds apportés par TIB doivent être considérés comme un apport privé, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort des points 236 à 260 ci‑dessus, l’engagement de TIB dans le capital de la requérante n’a pas été assorti de conditions qui auraient été raisonnables pour un investisseur privé et que, dès lors, les fonds que TIB a apportés à la requérante (mesures 11 et 12) doivent être considérés comme une aide d’État. Quant à la marge brute d’autofinancement, elle ne saurait être assimilée à une contribution de l’entreprise bénéficiaire. En effet, une marge brute d’autofinancement positive, dans le cadre de la restructuration d’une entreprise en difficulté, n’est que le résultat des aides octroyées au bénéficiaire et de ce fait ne saurait être considérée comme une participation au coût de la restructuration. S’agissant, ensuite, des fonds prétendument apportés par l’investisseur privé, il suffit de rappeler que la requérante n’a pas établi que les deux prêts grâce auxquels M. G. R. a financé sa participation dans le capital de la requérante (mesures 16 et 17) ne constituaient pas des aides d’État en faveur de la requérante. Enfin, la requérante n’a avancé aucun élément durant la phase administrative d’examen, pas plus que dans le cadre de la présente procédure, de nature à établir la renonciation par l’investisseur privé à exiger des intérêts. Dès lors, c’est à bon droit que la Commission n’a pas tenu ces faits pour établis.

288    Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que les constatations de la Commission quant à la proportionnalité des aides au coût de la restructuration étaient manifestement erronées.

289    Par conséquent, il y a lieu de conclure, à la lumière de toutes les considérations qui précèdent, que la Commission était fondée à considérer que les conditions posées par les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration n’étaient pas remplies.

290    Il s’ensuit que la quatrième branche du moyen doit être rejetée.

291    Partant, le quatrième moyen dans son ensemble doit être rejeté, ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par la requérante

292    La requérante a demandé, premièrement, qu’un expert mandaté soit entendu sur le point de savoir si les plans d’entreprise élaborés par des consultants indépendants au moment de la constitution de la requérante prévoyaient des difficultés, deuxièmement, que le directeur, de l’époque, de l’office du travail de Jena soit entendu sur la finalité des mesures que la requérante avait mises en œuvre au titre de l’article 249 h de l’AFG et, troisièmement, que l’associé et le gérant de la requérante soient entendus sur le point de savoir, dans le cadre de l’exécution des mesures au titre de l’article 249 h de l’AFG, si la requérante avait supporté elle-même une partie des coûts, si les mesures auraient été exécutées à défaut de ladite disposition et si les travaux avaient déjà été réalisés avant la constitution de la requérante.

293    La Commission ne s’est pas prononcée à cet égard.

294    En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère qu’il n’y a pas lieu, en conséquence, de procéder aux mesures d’organisation de la procédure sollicitées.

 Sur les dépens

295    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supportera ses propres dépens pour des motifs exceptionnels. En l’espèce, il convient d’observer que, si la requérante succombe en ce qui concerne ses conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, la Commission a modifié, à la suite de l’introduction du présent recours, la décision du 30 octobre 2002 visée par la requête introductive d’instance et a adopté une nouvelle décision, laquelle constitue la décision attaquée. La requérante a, en conséquence, remanié partiellement la motivation de ses prétentions et a modifié ses conclusions. Par ailleurs, après l’adoption de la décision attaquée, les parties se sont mises d’accord sur le montant des subventions faisant l’objet de la mesure 32. La requérante et la partie défenderesse ont confirmé, à la suite d’une question du Tribunal, qu’il n’y avait plus de points litigieux entre les parties principales concernant cette mesure.

296    Dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux exposés par la Commission. Cette dernière supportera donc deux tiers de ses propres dépens.

297    Le Land de Thuringe supportera ses propres dépens.

298    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. En conséquence, la République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Kahla/Thüringen Porzellan GmbH supportera ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux exposés par la Commission. Cette dernière supportera deux tiers de ses dépens.

3)      Le Land de Thuringe et la République fédérale d’Allemagne supporteront leurs propres dépens.

Vilaras

Martins Ribeiro

Dehousse

Šváby

 

      Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2008.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Vilaras


Table des matières


Faits à l’origine du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur les premier, deuxième et troisième moyens, tirés de la violation des articles 87 CE et 88 CE, du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime

1.  En ce qui concerne la subvention à l’investissement du Land de Thuringe (mesure 15)

a)  Arguments des parties

Sur la violation des articles 87 CE et 88 CE

–  Sur les conditions d’application du régime

–  Sur la qualification de la requérante d’entreprise en difficulté

Sur la violation du principe de sécurité juridique

Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

b)  Appréciation du Tribunal

Sur la violation des articles 87 CE et 88 CE

–  Sur la portée du régime autorisé

–  Sur la subvention octroyée à la requérante

Sur la violation du principe de sécurité juridique

Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

2.  En ce qui concerne les subventions en faveur de l’emploi associées à des investissements de protection de l’environnement (mesure 26)

a)  Arguments des parties

Sur la violation des articles 87 CE et 88 CE

Sur la violation du principe de sécurité juridique

Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

b)  Appréciation du Tribunal

Sur la violation des articles 87 CE et 88 CE

–  Sur la conformité avec le régime de l’article 249 h de l’AFG

–  Sur la qualification d’aide d’État des subventions en faveur de l’emploi

Sur la violation du principe de sécurité juridique

Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

B –  Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit manifestes

1.  Sur l’établissement erroné des faits

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la qualification de la requérante d’entreprise en difficulté

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur l’appréciation erronée de l’engagement de TIB dans l’entreprise (mesures 11 et 12)

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

4.  Sur l’appréciation des aides au regard des lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par la requérante

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.