Language of document : ECLI:EU:C:2008:179

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

1er avril 2008 (*)

«Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Prestations aux survivants prévues par un régime obligatoire de prévoyance professionnelle – Notion de ‘rémunération’ – Refus d’octroi en raison de l’absence de mariage – Partenaires de même sexe – Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle»

Dans l’affaire C‑267/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bayerisches Verwaltungsgericht München (Allemagne), par décision du 1er juin 2006, parvenue à la Cour le 20 juin 2006, dans la procédure

Tadao Maruko

contre

Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts et L. Bay Larsen, présidents de chambre, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, P. Kūris, J. Klučka (rapporteur), A. Ó Caoimh, Mme P. Lindh et M. J.-C. Bonichot, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juin 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Maruko, par Mes H. Graupner, R. Wintemute et M. Bruns, Rechtsanwälte,

–        pour la Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen, par Mme C. Draws et M. P. Rammert, en qualité d’agents, assistés de Mes A. Bartosch et T. Grupp, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme V. Jackson, en qualité d’agent, assistée de M. T. Ward, barrister,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. J. Enegren et Mme I. Kaufmann-Bühler, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 septembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, 2, paragraphe 2, sous a) et b), i), ainsi que 3, paragraphes 1, sous c), et 3, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Maruko à la Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen (caisse de retraite des théâtres allemands, ci-après la «VddB») au sujet du refus de cette dernière de lui accorder le bénéfice d’une pension de veuf au titre des prestations aux survivants prévues par le régime obligatoire de prévoyance professionnelle auquel son partenaire de vie décédé était affilié.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        Les treizième et vingt-deuxième considérants de la directive 2000/78 énoncent:

«(13) La présente directive ne s’applique pas aux régimes de sécurité sociale et de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une rémunération au sens donné à ce terme pour l’application de l’article 141 du traité CE ni aux versements de toute nature effectués par l’État qui ont pour objectif l’accès à l’emploi ou le maintien dans l’emploi.

[…]

(22)      La présente directive est sans préjudice des lois nationales relatives à l’état civil et des prestations qui en dépendent.»

4        L’article 1er de la directive 2000/78 dispose:

«La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.»

5        Aux termes de l’article 2 de ladite directive:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.      Aux fins du paragraphe 1:

a)      une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

b)      une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que:

i)      cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, […]

[…]»

6        L’article 3 de la même directive est libellé de la manière suivante:

«1.      Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[…]

c)      les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

[…]

3.      La présente directive ne s’applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurité sociale ou de protection sociale.

[…]»

7        Conformément à l’article 18, premier alinéa, de la directive 2000/78, les États membres devaient adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 2 décembre 2003 ou pouvaient confier aux partenaires sociaux la mise en œuvre de cette directive pour ce qui est des dispositions relevant des accords collectifs. Toutefois, dans ce cas, ils devaient s’assurer que, au plus tard le 2 décembre 2003, les partenaires sociaux avaient mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres étant tenus de prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par ladite directive. En outre, ils devaient informer immédiatement la Commission des Communautés européennes desdites dispositions.

 La réglementation nationale

 La loi relative au partenariat de vie enregistré

8        L’article 1er de la loi relative au partenariat de vie enregistré (Gesetz über die Eingetragene Lebenspartnerschaft), du 16 février 2001 (BGBl. 2001 I, p. 266), telle que modifiée par la loi du 15 décembre 2004 (BGBl. 2004 I, p. 3396, ci-après le «LPartG»), prévoit:

«(1)      Deux personnes de même sexe établissent un partenariatlorsqu’elles déclarent mutuellement, personnellement et en présence l’une de l’autre qu’elles souhaitent mener ensemble un partenariat de vie (partenaires de vie). Les déclarations ne peuvent être faites sous condition ou à terme. Les déclarations produisent leurs effets lorsqu’elles sont effectuées devant l’autorité compétente.

(2)      Un partenariat ne peut être valablement établi:

1.      avec une personne qui est mineure ou mariée ou qui mène déjà un partenariat avec une tierce personne;

2.      entre ascendants et descendants;

3.      entre frères ou sœurs germains, utérins ou consanguins;

4.      lorsqu’au moment de l’établissement du partenariat les partenaires refusent de contracter des devoirs selon l’article 2.

[…]»

9        L’article 2 du LPartG dispose:

«Les partenaires de vie se doivent mutuellement secours et assistance et s’obligent mutuellement à une communauté de vie. Ils assument des responsabilités l’un envers l’autre.»

10      Aux termes de l’article 5 de ladite loi:

«Les partenaires de vie sont mutuellement tenus de contribuer de manière adéquate aux besoins de la communauté partenariale par leur travail et leur patrimoine. Les articles 1360, deuxième phrase, 1360 a et 1360 b du code civil ainsi que l’article 16, alinéa 2, s’appliquent par analogie.»

11      L’article 11, paragraphe 1, de la même loi prévoit:

«Sauf disposition contraire, le partenaire de vie est considéré comme un membre de la famille de l’autre partenaire de vie.»

 La réglementation relative aux pensions de veuve ou de veuf

12      Par le LPartG, le législateur allemand a apporté des modifications au livre VI du code de la sécurité sociale – Régime légal d’assurance retraite (Sozialgesetzbuch VI – Gesetzliche Rentenversicherung).

13      L’article 46 figurant dans le livre VI dudit code, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2005 (ci-après le «code social»), dispose:

«(1)      Les veuves ou les veufs qui ne se sont pas remariés ont droit, après le décès du conjoint assuré, à une petite pension de veuve ou de veuf, à condition que le conjoint assuré ait accompli la durée minimale d’assurance généralement requise. Ce droit est limité à une période maximale de 24 mois civils à compter du mois suivant celui du décès de l’assuré.

[…]

(4)      Il est entendu, pour la détermination du droit à une pension de veuve ou de veuf, que la conclusion d’un partenariat de vie est assimilée à la conclusion d’un mariage, qu’un partenariat de vie est assimilé à un mariage, qu’un partenaire survivant est assimilé à une veuve et à un veuf et qu’un partenaire de vie est assimilé à un conjoint. À la dissolution ou à la déclaration de nullité d’un remariage correspondent respectivement la résiliation ou la dissolution d’un nouveau partenariat.»

14      Ce même livre VI contient d’autres dispositions similaires concernant l’assimilation du partenariat de vie au mariage, notamment les articles 47, paragraphe 4, 90, paragraphe 3, 107, paragraphe 3, et 120d, paragraphe 1.

 La convention collective des théâtres allemands

15      L’article 1er de la convention collective des théâtres allemands (Tarifordnung für die deutschen Theater), du 27 octobre 1937 (Reichsarbeitsblatt 1937 VI, p. 1080, ci-après la «convention collective»), prévoit:

«(1)      Toute personne morale exploitant au sein du Reich un théâtre (exploitant d’un théâtre) est tenue de souscrire pour le personnel artistique employé dans son établissement théâtral une assurance retraite et survie, conformément aux dispositions suivantes, et de faire part par écrit à chaque membre du personnel artistique de l’assurance souscrite.

(2)      En accord avec les ministres du Reich concernés, le ministre de l’Information et de la Propagande désigne l’institut d’assurance et arrête les conditions d’assurance (statuts). Il fixe également la date à compter de laquelle l’assurance doit être souscrite conformément à la présente convention.

(3)      Au sens de la présente convention, on entend par personnel artistique les personnes qui, en vertu de la loi sur la chambre de culture du Reich et des règlements d’application relatifs à cette loi, sont obligatoirement affiliées à la chambre théâtrale du Reich (section scène), en particulier: les metteurs en scène, les acteurs, chefs d’orchestre, régisseurs, conseillers artistiques, directeurs de chorale, répétiteurs, inspecteurs, souffleurs et personnes occupant une position semblable, les responsables techniques (tels que les chefs machinistes, les préposés aux décors et aux costumes et les personnes occupant une position semblable, dans la mesure où elles sont responsables de leur secteur), ainsi que les conseillers consultatifs, membres du chœur, danseurs et coiffeurs.»

16      Aux termes de l’article 4 de la convention collective:

«Les primes d’assurance sont supportées pour moitié par l’exploitant du théâtre et pour moitié par le membre du personnel artistique. L’exploitant du théâtre est tenu de reverser les primes d’assurance à l’organisme assureur.»

 Les statuts de la VddB

17      Les articles 27, 32 et 34 des statuts de la VddB prévoient:

«Article 27 – Nature de la prévoyance et conditions générales

(1)      Les évènements ouvrant droit à prestation sont la survenance d’une incapacité de travail ou d’une invalidité, l’admission à la retraite anticipée, l’arrivée à l’âge normal de la retraite et le décès.

(2)      Sur demande, l’organisme sert […] à titre de prestations aux survivants […] une pension de veuve (articles 32 et 33), une pension de veuf (article 34) […] si, immédiatement avant la survenance de l’évènement ouvrant droit à prestation, l’assuré était assuré à titre obligatoire, volontaire, ou avait continué l’assurance, et si le délai de carence est respecté […].

[…]

Article 32 – Pension de veuve

(1)      A droit à une pension de veuve l’épouse de l’assuré ou du retraité, si le mariage a perduré jusqu’au jour du décès de ce dernier.

[…]

Article 34 – Pension de veuf

(1)      A droit à une pension de veuf l’époux de l’assurée ou de la retraitée, si le mariage a perduré jusqu’au jour du décès de cette dernière.

[…]»

18      L’article 30, paragraphe 5, des mêmes statuts établit les modalités de détermination du montant de la pension de retraite sur la base de laquelle la prestation de survie est calculée.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      Le 8 novembre 2001, M. Maruko a constitué, en vertu de l’article 1er du LPartG dans sa version initiale, un partenariat de vie avec un créateur de costumes de théâtre.

20      Celui-ci était affilié à la VddB depuis le 1er septembre 1959 et a continué à cotiser à cette caisse à titre volontaire pendant les périodes au cours desquelles il n’y a pas été affilié à titre obligatoire.

21      Le partenaire de vie de M. Maruko est décédé le 12 janvier 2005.

22      Par lettre en date du 17 février 2005, M. Maruko a sollicité le bénéfice d’une pension de veuf auprès de la VddB. Cette dernière a, par décision du 28 février 2005, rejeté la demande au motif que ses statuts ne prévoient pas un tel bénéfice pour les partenaires de vie survivants.

23      M. Maruko a exercé un recours devant la juridiction de renvoi. Selon lui, le refus opposé par la VddB viole le principe de l’égalité de traitement, dans la mesure où le législateur allemand a, depuis le 1er janvier 2005, mis en place une telle égalité entre le partenariat de vie et le mariage, en introduisant notamment l’article 46, paragraphe 4, dans le code social. Le fait de ne pas accorder à une personne, après le décès de son partenaire de vie, le bénéfice de prestations de survie dans les mêmes conditions qu’à un époux survivant constituerait une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle de ladite personne. Selon M. Maruko, les partenaires de vie sont traités de manière moins favorable que ne le sont les époux, alors même que, comme ceux-ci, ils se doivent secours et assistance, s’obligent mutuellement à une communauté de vie et assument des responsabilités l’un envers l’autre. Le régime des biens des partenaires de vie serait en Allemagne équivalent à celui des époux.

24      Se demandant, en premier lieu, si le régime de prévoyance géré par la VddB est assimilable à un régime public de sécurité sociale, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/78, et si ledit régime se trouve hors du champ d’application de cette directive, la juridiction de renvoi indique que le fait que l’affiliation auprès de la VddB est obligatoire en vertu de la loi et qu’aucune concertation relative à l’affiliation en question n’est envisageable au sein des entreprises théâtrales plaide en faveur d’une telle assimilation. Elle ajoute toutefois que, en dehors des périodes travaillées, le personnel des théâtres a la possibilité de continuer volontairement à être affilié au régime de prévoyance en cause au principal, que celui-ci est basé sur le principe de la capitalisation, que les cotisations sont payées pour moitié par les entreprises théâtrales, d’une part, et par les assurés, d’autre part, et que la VddB gère et réglemente ses activités de manière autonome, sans l’intervention du législateur fédéral.

25      Eu égard à la structure de la VddB et à l’influence décisive exercée par les entreprises théâtrales et les assurés sur son fonctionnement, la juridiction de renvoi indique être encline à penser que ladite caisse ne gère pas un régime assimilé à un régime public de sécurité sociale, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/78.

26      La juridiction de renvoi se demande, en deuxième lieu, si la prestation de survie en cause au principal peut être considérée comme une «rémunération», au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78, ce qui justifierait une application de cette dernière. La juridiction de renvoi indique que, en principe, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, les prestations aux survivants entrent dans le champ d’application de cette notion de «rémunération». Selon elle, cette interprétation n’est pas infirmée par la circonstance que la prestation de survie en cause au principal est payée non pas au travailleur, mais à son conjoint survivant, car le droit à une telle prestation est un avantage qui trouve son origine dans l’affiliation du travailleur au régime de prévoyance géré par la VddB, de sorte que ladite prestation est acquise au conjoint survivant de celui-ci dans le cadre du lien d’emploi entre l’employeur et ledit travailleur.

27      La juridiction de renvoi cherche, en troisième lieu, à savoir si les dispositions combinées des articles 1er et 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 font obstacle aux dispositions des statuts tels que ceux de la VddB, en vertu desquelles, après le décès de son partenaire de vie, une personne ne perçoit pas de prestations de survie équivalentes à celles offertes à l’époux survivant, alors même que, à l’instar des époux, les partenaires de vie ont vécu au sein d’une communauté d’assistance et d’entraide constituée à vie de manière formelle.

28      Selon la juridiction de renvoi, dès lors que la présente affaire entre dans le champ d’application de la directive 2000/78 et qu’il existe une discrimination, M. Maruko pourrait invoquer les dispositions de cette directive.

29      La juridiction de renvoi ajoute que, contrairement aux couples hétérosexuels qui peuvent se marier et, le cas échéant, bénéficier d’une prestation de survie, l’assuré et le requérant au principal ne pouvaient en aucun cas, en raison de leur orientation sexuelle, remplir la condition de mariage à laquelle le régime de prévoyance géré par la VddB subordonne le bénéfice de cette prestation. Or, selon la juridiction de renvoi, les dispositions combinées des articles 1er et 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 peuvent faire obstacle à ce que des dispositions, telles que celles des statuts de la VddB, limitent le bénéfice de ladite prestation aux époux survivants.

30      Dans l’hypothèse où les dispositions combinées des articles 1er et 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 font obstacle aux dispositions des statuts tels que ceux de la VddB, la juridiction de renvoi se demande, en quatrième lieu, si une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est autorisée, eu égard au vingt-deuxième considérant de cette directive.

31      Elle note que ce considérant n’a pas été repris dans le corps de ladite directive. Elle se demande si un tel considérant est de nature à restreindre le champ d’application de la directive 2000/78. La juridiction de renvoi considère que, eu égard à l’importance du principe communautaire de l’égalité de traitement, il convient de ne pas interpréter de manière extensive les considérants de cette directive. Elle demande à cet égard si, dans l’affaire au principal, le refus de la VddB d’octroyer une prestation de survie à une personne dont le partenaire de vie est décédé constitue une discrimination autorisée bien que fondée sur l’orientation sexuelle.

32      En cinquième lieu, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, en vertu de l’arrêt du 17 mai 1990, Barber (C‑262/88, Rec. p. I‑1889), le bénéfice des prestations aux survivants est limité aux périodes postérieures au 17 mai 1990. Elle indique que les dispositions nationales en cause au principal relèvent de l’article 141 CE et que l’effet direct de cet article ne peut être invoqué que pour les prestations dues au titre des périodes d’emploi postérieures au 17 mai 1990. Elle cite à cet égard l’arrêt du 28 septembre 1994, Coloroll Pension Trustees (C‑200/91, Rec. p. I‑4389).

33      Dans ces conditions, le Bayerisches Verwaltungsgericht München a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Un régime obligatoire de prévoyance professionnelle – tel que celui géré en l’espèce par la [VddB] – est-il un régime assimilé aux régimes publics, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/78 […]?

2)      Les prestations aux survivants servies sous forme de pensions de veuve ou de veuf par une institution de prévoyance obligatoire doivent-elles être considérées comme une rémunération, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 […]?

3)      Les dispositions combinées des articles 1er et 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 […] font-elles obstacle aux dispositions des statuts d’un régime complémentaire de prévoyance en vertu desquelles, après le décès de son partenaire, le partenaire enregistré ne perçoit pas de prestations aux survivants équivalentes à celles servies à des époux alors même que, à l’instar des époux, le partenaire enregistré vit au sein d’une communauté d’assistance et d’entraide constituée à vie de manière formelle?

4)      Dans le cas où il serait répondu par l’affirmative à la question précédente, une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est-elle autorisée, eu égard au vingt-deuxième considérant de la directive 2000/78 […]?

5)      Le bénéfice des prestations aux survivants se limiterait-il aux périodes postérieures au 17 mai 1990 sur le fondement de la jurisprudence Barber, [précitée]?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première, deuxième et quatrième questions

34      Par ses première, deuxième et quatrième questions, auxquelles il convient de répondre conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une prestation de survie octroyée dans le cadre d’un régime de prévoyance professionnelle tel que celui géré par la VddB entre dans le champ d’application de la directive 2000/78.

 Observations soumises à la Cour

35      S’agissant des première et deuxième questions posées, la VddB considère que le régime qu’elle gère est un régime légal de sécurité sociale et que la prestation de survie en cause au principal ne peut être considérée comme une «rémunération» au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78. Cette prestation échapperait donc au champ d’application de ladite directive.

36      Au soutien de cette position, la VddB souligne, notamment, qu’elle est un organisme de droit public faisant partie de l’administration fédérale et que le régime de prévoyance en cause au principal est un régime obligatoire, fondé sur la loi. Elle ajoute que la convention collective a valeur législative et a été intégrée, avec les statuts de la VddB, dans le traité d’unification du 31 août 1990 et que l’obligation d’affiliation existe pour des catégories de travailleurs définies de manière générale. La prestation de survie en cause au principal serait liée non pas directement à un emploi déterminé, mais à des considérations générales d’ordre social. Elle ne dépendrait pas directement des périodes d’emploi accomplies et son montant ne serait pas calculé en fonction du dernier salaire.

37      La Commission considère, en revanche, que la prestation de survie en cause au principal entre dans le champ d’application de la directive 2000/78, dans la mesure où elle est octroyée au titre de la relation d’emploi conclue entre une personne et son employeur, laquelle relation a pour conséquence l’affiliation obligatoire de l’employé auprès de la VddB. Le montant de ladite prestation serait déterminé en fonction de la durée de la relation d’assurance et des cotisations acquittées.

38      S’agissant de la quatrième question posée, tant M. Maruko que la Commission soulignent que le vingt-deuxième considérant de la directive 2000/78 n’est repris dans aucun des articles de cette directive. Pour M. Maruko, si le législateur communautaire avait voulu faire échapper du champ d’application de ladite directive toutes les prestations liées à l’état civil, l’énoncé dudit considérant aurait fait l’objet d’une disposition particulière dans le corps de ladite directive. Pour la Commission, ce même considérant n’est que l’expression de l’absence de compétence de l’Union européenne en matière d’état civil.

39      La VddB et le gouvernement du Royaume-Uni considèrent, notamment, que le vingt-deuxième considérant de la directive 2000/78 contient une exclusion claire et générale et qu’il fixe le champ d’application de cette directive. Celle-ci ne s’appliquerait pas aux dispositions de droit national relatives à l’état civil ni aux prestations qui en dépendent, ce qui serait le cas de la prestation de survie en cause au principal.

 Réponse de la Cour

40      Il ressort de l’article 3, paragraphes 1, sous c), et 3, de la directive 2000/78 que cette dernière s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne, notamment, les conditions de rémunération et qu’elle ne s’applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurité sociale ou de protection sociale.

41      Le champ d’application de la directive 2000/78 doit s’entendre, à la lumière desdites dispositions lues en combinaison avec le treizième considérant de cette directive, comme ne couvrant pas les régimes de sécurité sociale et de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une rémunération au sens donné à ce terme pour l’application de l’article 141 CE ni aux versements de toute nature effectués par l’État qui ont pour objectif l’accès à l’emploi ou le maintien dans l’emploi.

42      Il convient donc de déterminer si une prestation de survie octroyée au titre d’un régime de prévoyance professionnelle tel que celui géré par la VddB peut être assimilée à une «rémunération» au sens de l’article 141 CE.

43      Cet article prévoit qu’il faut entendre par rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimal, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.

44      Comme la Cour l’a déjà jugé (voir arrêts du 6 octobre 1993, Ten Oever, C‑109/91, Rec. p. I‑4879, point 8, et du 28 septembre 1994, Beune, C‑7/93, Rec. p. I‑4471, point 21), la circonstance que certaines prestations sont versées après la cessation de la relation d’emploi n’exclut pas qu’elles puissent avoir un caractère de «rémunération» au sens de l’article 141 CE.

45      La Cour a ainsi reconnu qu’une pension de survie prévue par un régime de pensions professionnel, créé par convention collective, relève du champ d’application de cet article. Elle a précisé à ce sujet que la circonstance que ladite pension, par définition, est payée non pas au travailleur, mais à son survivant, n’est pas de nature à infirmer cette interprétation, dès lors qu’une telle prestation est un avantage qui trouve son origine dans l’affiliation au régime du conjoint du survivant, de sorte que la pension est acquise à ce dernier dans le cadre du lien d’emploi entre l’employeur et ledit conjoint et lui est versée en raison de l’emploi de celui-ci (voir arrêts Ten Oever, précité, points 12 et 13; Coloroll Pension Trustees, précité, point 18; du 17 avril 1997, Evrenopoulos, C‑147/95, Rec. p. I‑2057, point 22, et du 9 octobre 2001, Menauer, C‑379/99, Rec. p. I‑7275, point 18).

46      Par ailleurs, pour apprécier si une pension de retraite, sur la base de laquelle est calculée le cas échéant la prestation de survie comme dans l’affaire au principal, entre dans le champ d’application de l’article 141 CE, la Cour a précisé que, parmi les critères qu’elle a retenus au gré des situations dont elle a été saisie pour qualifier un régime de pension, seul le critère tiré de la constatation que la pension de retraite est versée au travailleur en raison de la relation de travail qui l’unit à son ancien employeur, c’est-à-dire le critère de l’emploi, tiré des termes mêmes dudit article, peut revêtir un caractère déterminant (voir, en ce sens, arrêts Beune, précité, point 43; Evrenopoulos, précité, point 19; du 29 novembre 2001, Griesmar, C‑366/99, Rec. p. I‑9383, point 28; du 12 septembre 2002, Niemi, C‑351/00, Rec. p. I‑7007, points 44 et 45, ainsi que du 23 octobre 2003, Schönheit et Becker, C‑4/02 et C‑5/02, Rec. p. I‑12575, point 56).

47      Certes, ce critère ne saurait avoir un caractère exclusif, puisque les pensions versées par des régimes légaux de sécurité sociale peuvent, en tout ou en partie, tenir compte de la rémunération d’activité (arrêts précités Beune, point 44; Evrenopoulos, point 20; Griesmar, point 29; Niemi, point 46, ainsi que Schönheit et Becker, point 57).

48      Cependant, les considérations de politique sociale, d’organisation de l’État, d’éthique ou même les préoccupations de nature budgétaire qui ont eu ou qui ont pu avoir un rôle dans la fixation d’un régime par le législateur national ne sauraient prévaloir si la pension n’intéresse qu’une catégorie particulière de travailleurs, si elle est directement fonction du temps de service accompli et si son montant est calculé sur la base du dernier traitement (arrêts précités Beune, point 45; Evrenopoulos, point 21; Griesmar, point 30; Niemi, point 47, ainsi que Schönheit et Becker, point 58).

49      S’agissant du régime obligatoire de prévoyance professionnelle géré par la VddB, il y a lieu de relever, en premier lieu, qu’il trouve sa source dans une convention collective de travail, ayant pour but, d’après les éléments fournis par la juridiction de renvoi, de former un supplément aux prestations sociales dues en vertu de la réglementation nationale d’application générale.

50      En deuxième lieu, il est constant que ledit régime est financé exclusivement par les travailleurs et les employeurs du secteur considéré, à l’exclusion de toute intervention financière publique.

51      En troisième lieu, il ressort du dossier que le même régime est destiné, selon l’article 1er de la convention collective, au personnel artistique employé dans l’un des théâtres exploités en Allemagne.

52      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 70 de ses conclusions, pour que le droit à la prestation de survie soit reconnu, il est exigé que le conjoint du bénéficiaire de cette prestation ait été affilié à la VddB avant son décès. Cette affiliation concerne obligatoirement le personnel artistique employé par les théâtres allemands. Elle concerne également un certain nombre de personnes qui décident de s’affilier volontairement à la VddB, une telle affiliation étant possible dès lors que les personnes en cause peuvent justifier avoir préalablement été employées pendant un certain nombre de mois par un théâtre allemand.

53      Lesdits affiliés obligatoires et volontaires forment donc une catégorie particulière de travailleurs.

54      Par ailleurs, s’agissant du critère selon lequel la pension doit être directement fonction du temps de service accompli, il convient de relever que, en vertu de l’article 30, paragraphe 5, des statuts de la VddB, le montant de la pension de retraite, sur la base de laquelle est calculée la prestation de survie, est déterminé en fonction de la durée d’affiliation du travailleur, cette solution constituant une conséquence logique de la structure du régime de prévoyance professionnelle en cause qui couvre deux types d’affiliation, ainsi qu’il a été souligné aux points 52 et 53 du présent arrêt.

55      S’agissant également du montant de la même pension de retraite, celui‑ci n’est pas fixé par la loi mais est, en application de l’article 30, paragraphe 5, des statuts de la VddB, calculé sur la base du montant de l’ensemble des cotisations versées tout au long de l’affiliation par le travailleur et auxquelles est appliqué un facteur d’actualisation.

56      Il s’ensuit que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 72 de ses conclusions, la prestation de survie en cause au principal découle de la relation de travail du partenaire de vie de M. Maruko et qu’elle doit, en conséquence, être qualifiée de «rémunération» au sens de l’article 141 CE.

57      Cette conclusion n’est pas remise en cause par la qualité d’organisme public de la VddB (voir, en ce sens, arrêt Evrenopoulos, précité, points 16 et 23) ni par le caractère obligatoire de l’affiliation au régime donnant droit à la prestation de survie en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 25 mai 2000, Podesta, C‑50/99, Rec. p. I‑4039, point 32).

58      En ce qui concerne la portée du vingt-deuxième considérant de la directive 2000/78, celui-ci énonce que ladite directive est sans préjudice des lois nationales relatives à l’état civil et des prestations qui en dépendent.

59      Certes, l’état civil et les prestations qui en découlent sont des matières relevant de la compétence des États membres et le droit communautaire ne porte pas atteinte à cette compétence. Toutefois, il importe de rappeler que les États membres doivent, dans l’exercice de ladite compétence, respecter le droit communautaire, notamment les dispositions relatives au principe de non-discrimination (voir, par analogie, arrêts du 16 mai 2006, Watts, C‑372/04, Rec. p. I‑4325, point 92, et du 19 avril 2007, Stamatelaki, C‑444/05, Rec. p. I‑3185, point 23).

60      Dès lors qu’une prestation de survie telle que celle en cause au principal a été qualifiée de «rémunération» au sens de l’article 141 CE et qu’elle entre dans le champ d’application de la directive 2000/78, pour les raisons exposées aux points 49 à 57 du présent arrêt, le vingt‑deuxième considérant de la directive 2000/78 ne saurait être de nature à remettre en cause l’application de cette directive.

61      Dans ces conditions, il convient de répondre aux première, deuxième et quatrième questions qu’une prestation de survie octroyée dans le cadre d’un régime de prévoyance professionnelle tel que celui géré par la VddB entre dans le champ d’application de la directive 2000/78.

 Sur la troisième question

62      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si les dispositions combinées des articles 1er et 2 de la directive 2000/78 s’opposent à une réglementation telle que celle en cause au principal en vertu de laquelle, après le décès de son partenaire de vie, le partenaire survivant ne perçoit pas une prestation de survie équivalente à celle octroyée à un époux survivant, alors même que, à l’instar des époux, les partenaires de vie ont vécu au sein d’une communauté d’assistance et d’entraide constituée à vie de manière formelle.

 Observations soumises à la Cour

63      M. Maruko et la Commission estiment que le refus d’octroyer la prestation de survie en cause au principal aux partenaires de vie survivants constitue une discrimination indirecte au sens de la directive 2000/78, dans la mesure où deux personnes de même sexe ne peuvent pas se marier en Allemagne et, partant, ne peuvent pas bénéficier de cette prestation dont le bénéfice est réservé aux époux survivants. Selon eux, les époux et les partenaires de vie sont dans une situation juridique comparable qui justifie l’octroi de ladite prestation aux partenaires survivants.

64      Pour la VddB, il n’existe aucune obligation d’ordre constitutionnel de traiter de manière identique, du point de vue du droit social ou de la prévoyance, le mariage et le partenariat de vie. Ce dernier constituerait une institution sui generis et un nouvel état des personnes. Il ne serait pas possible de déduire de la réglementation allemande une quelconque obligation d’égalité de traitement des partenaires de vie et des époux.

 Réponse de la Cour

65      Conformément à son article 1er, la directive 2000/78 a pour objet de combattre, en matière d’emploi et de travail, certains types de discriminations, au nombre desquelles figure celle fondée sur l’orientation sexuelle, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.

66      Aux termes de l’article 2 de ladite directive, on entend par «principe de l’égalité de traitement» l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’un des motifs énoncés à l’article 1er de la même directive. Selon l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable que ne l’est une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive. Le paragraphe 2, sous b), i), du même article 2 prévoit qu’une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

67      Il ressort des informations figurant dans la décision de renvoi que, à partir de 2001, année d’entrée en vigueur du LPartG, dans sa version initiale, la République fédérale d’Allemagne a adapté son ordre juridique pour permettre aux personnes de même sexe de vivre au sein d’une communauté d’assistance et d’entraide constituée à vie de manière formelle. Ayant choisi de ne pas ouvrir à ces personnes le mariage, qui reste réservé aux seules personnes de sexe différent, ledit État membre a institué pour les personnes de même sexe un régime distinct, le partenariat de vie, dont les conditions ont été progressivement assimilées à celles applicables au mariage.

68      La juridiction de renvoi relève à cet égard que la loi du 15 décembre 2004 a contribué au rapprochement progressif du régime mis en place pour le partenariat de vie avec celui applicable au mariage. Par cette loi, le législateur allemand a apporté des modifications au livre VI du code de la sécurité sociale – Régime légal d’assurance retraite, en ajoutant notamment un paragraphe 4 à l’article 46 figurant dans ledit livre, duquel il résulte que le partenariat de vie est assimilé au mariage pour ce qui concerne la pension de veuve ou de veuf visée à cette disposition. Des modifications analogues ont été apportées à d’autres dispositions de ce même livre VI.

69      La juridiction de renvoi estime que, compte tenu de ce rapprochement entre mariage et partenariat de vie, qu’elle considère comme une assimilation progressive et qui ressort, selon elle, du régime établi par le LPartG, et notamment des modifications intervenues avec la loi du 15 décembre 2004, le partenariat de vie, sans être identique au mariage, place les personnes de même sexe dans une situation comparable à celle des époux pour ce qui concerne la prestation de survie en cause au principal.

70      Or, elle constate que le bénéfice de cette prestation de survie est limité, en application des dispositions des statuts de la VddB, aux seuls époux survivants et est refusé aux partenaires de vie survivants.

71      Dans ce cas, ces partenaires de vie se voient donc traités de manière moins favorable que les époux survivants s’agissant du bénéfice de ladite prestation de survie.

72      À supposer que la juridiction de renvoi décide que les époux survivants et les partenaires de vie survivants sont dans une situation comparable pour ce qui concerne cette même prestation de survie, une réglementation telle que celle en cause au principal doit en conséquence être considérée comme constitutive d’une discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle, au sens des articles 1er et 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78.

73      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la troisième question que les dispositions combinées des articles 1er et 2 de la directive 2000/78 s’opposent à une réglementation telle que celle en cause au principal en vertu de laquelle, après le décès de son partenaire de vie, le partenaire survivant ne perçoit pas une prestation de survie équivalente à celle octroyée à un époux survivant, alors que, en droit national, le partenariat de vie placerait les personnes de même sexe dans une situation comparable à celle des époux pour ce qui concerne ladite prestation de survie. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si un partenaire de vie survivant est dans une situation comparable à celle d’un époux bénéficiaire de la prestation de survie prévue par le régime de prévoyance professionnelle géré par la VddB.

 Sur la cinquième question

74      Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, au cas où la Cour devrait juger que la directive 2000/78 s’oppose à une réglementation telle que celle en cause au principal, s’il y a lieu de limiter dans le temps le bénéfice de la prestation de survie en cause au principal et notamment aux périodes postérieures au 17 mai 1990 sur le fondement de la jurisprudence Barber, précitée.

 Observations soumises à la Cour

75      La VddB considère que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Barber, précité, est différente, en fait et en droit, de l’affaire au principal et qu’il ne peut pas être donné à la directive 2000/78 un effet rétroactif en décidant de l’application de cette directive à une date antérieure à la date d’expiration du délai imparti aux États membres pour la transposer.

76      La Commission est d’avis qu’il n’y a pas lieu de répondre à la cinquième question. Elle estime que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Barber, précité, est différente, en fait et en droit, de l’affaire au principal et elle souligne que la directive 2000/78 ne contient aucune disposition dérogatoire au principe de non-discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Elle précise que, à la différence de l’affaire au principal, l’attention avait été attirée, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Barber, précité, sur les conséquences financières que pourrait avoir une interprétation nouvelle de l’article 141 CE. Elle indique, à cet égard, que, dans la mesure où le LPartG n’est entré en vigueur que le 1er août 2001 et où le législateur allemand a, depuis le 1er janvier 2005, mis en place en matière de régime d’assurances sociales une égalité de traitement entre partenariat de vie et mariage, la prise en compte d’une telle égalité dans les régimes de prévoyance professionnelle ne met pas ces derniers en difficulté financière.

 Réponse de la Cour

77      Il ressort de la jurisprudence que la Cour peut, à titre exceptionnel, en tenant compte des troubles graves que son arrêt pourrait entraîner pour le passé, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer l’interprétation que, saisie par voie de question préjudicielle, la Cour donne d’une disposition. Pareille limitation ne peut être admise que par la Cour, dans l’arrêt même qui statue sur l’interprétation sollicitée (voir, notamment, arrêts Barber, précité, point 41, et du 6 mars 2007, Meilicke e.a., C‑292/04, Rec. p. I‑1835, point 36).

78      Il ne ressort pas du dossier que l’équilibre financier du régime tel que celui géré par la VddB risque d’être rétroactivement bouleversé par l’absence de limitation dans le temps des effets du présent arrêt.

79      Il découle de ce qui précède qu’il convient de répondre à la cinquième question qu’il n’y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.

 Sur les dépens

80      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Une prestation de survie octroyée dans le cadre d’un régime de prévoyance professionnelle tel que celui géré par la Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen entre dans le champ d’application de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

2)      Les dispositions combinées des articles 1er et 2 de la directive 2000/78 s’opposent à une réglementation telle que celle en cause au principal en vertu de laquelle, après le décès de son partenaire de vie, le partenaire survivant ne perçoit pas une prestation de survie équivalente à celle octroyée à un époux survivant, alors que, en droit national, le partenariat de vie placerait les personnes de même sexe dans une situation comparable à celle des époux pour ce qui concerne ladite prestation de survie. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si un partenaire de vie survivant est dans une situation comparable à celle d’un époux bénéficiaire de la prestation de survie prévue par le régime de prévoyance professionnelle géré par la Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.