Language of document : ECLI:EU:C:2008:223

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 avril 2008 (*)

«Directive 1999/70/CE – Clauses 4 et 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée – Emplois à durée déterminée dans l’administration publique – Conditions d’emploi – Rémunérations et pensions – Renouvellement de contrats à durée déterminée pour une durée allant jusqu’à huit ans – Autonomie procédurale – Effet direct»

Dans l’affaire C‑268/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Labour Court (Irlande), par décision du 12 juin 2006, parvenue à la Cour le 19 juin 2006, dans la procédure

Impact

contre

Minister for Agriculture and Food,

Minister for Arts, Sport and Tourism,

Minister for Communications, Marine and Natural Resources,

Minister for Foreign Affairs,

Minister for Justice, Equality and Law Reform,

Minister for Transport,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Rosas, K. Lenaerts (rapporteur), G. Arestis, U. Lõhmus et L. Bay Larsen, présidents de chambre, MM. P. Kūris, E. Juhász, A. Borg Barthet, J. Klučka et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 décembre 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Impact, par M. B. O’Moore, SC, Mme M. Bolger, BL, et M. D. Connolly, solicitor,

–        pour l’Irlande, par MM. D. O’Hagan et M. Heneghan, en qualité d’agents, assistés de M. A. Collins, SC, ainsi que de MM. A. Kerr et F. O’Dubhghaill, BL,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. M. de Grave, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes E. O’Neill, K. Smith et I. Rao, en qualité d’agents, assistées de M. R. Hill, barrister,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. M. van Beek et J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 janvier 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des clauses 4 et 5 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), qui figure à l’annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43), ainsi que sur l’étendue de l’autonomie procédurale des États membres et la portée de l’obligation d’interprétation conforme qui pèse sur les juridictions de ces derniers.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le syndicat irlandais Impact, agissant au nom d’agents publics irlandais, aux ministères qui emploient respectivement ces agents, au sujet, d’une part, des conditions de rémunérations et de pensions appliquées à ces derniers en raison de leur statut de travailleur à durée déterminée et, d’autre part, des conditions de renouvellement de certains contrats à durée déterminée par l’un de ces ministères.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        La directive 1999/70 est fondée sur l’article 139, paragraphe 2, CE et vise, aux termes de son article 1er, «à mettre en œuvre l’accord-cadre […], figurant en annexe, conclu […] entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP)».

4        Aux termes de l’article 2, premier alinéa, de cette directive:

«Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s’assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.»

5        En vertu de son article 3, ladite directive est entrée en vigueur le 10 juillet 1999, date de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

6        Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci «a pour objet:

a)      d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b)      d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs».

7        La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée «Principe de non-discrimination», prévoit:

«1.      Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.      Lorsque c’est approprié, le principe du ‘pro rata temporis’ s’applique.

3.      Les modalités d’application de la présente clause sont définies par les États membres, après consultation des partenaires sociaux, et/ou par les partenaires sociaux, compte tenu de la législation [c]ommunautaire et la législation, des conventions collectives et pratiques nationales.

4.      Les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont justifiés par des raisons objectives.»

8        La clause 5 de l’accord-cadre, relative aux «[m]esures visant à prévenir l’utilisation abusive», énonce:

«1.      Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas [de] mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a)      des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b)      la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c)      le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.      Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a)      sont considérés comme ‘successifs’;

b)      sont réputés conclus pour une durée indéterminée.»

9        L’accord-cadre contient également une clause 8 relative aux «[d]ispositions sur la mise en œuvre», dont le point 5 prévoit:

«La prévention et le règlement des litiges et plaintes résultant de l’application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.»

 La réglementation nationale

10      La directive 1999/70 a été transposée dans l’ordre juridique irlandais par la loi de 2003 relative à la protection des salariés (travail à durée déterminée) [Protection of Employees (Fixed – Term Work) Act 2003, ci-après la «loi de 2003»)]. Cette loi est entrée en vigueur le 14 juillet 2003.

11      L’article 6 de la loi de 2003 transpose la clause 4 de l’accord-cadre. Les dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, de ladite loi garantissent aux salariés à durée déterminée des droits à rémunération et à pension égaux à ceux de salariés permanents comparables.

12      L’article 9 de la loi de 2003 transpose la clause 5 de l’accord-cadre. À son paragraphe 1, il prévoit que le contrat de travail à durée déterminée d’un salarié qui, à la date de l’adoption de cette loi ou postérieurement à cette date, a achevé sa troisième année d’emploi ininterrompue au service de son employeur ou d’un employeur associé, ne peut être renouvelé qu’une seule fois par cet employeur, pour une période d’un an au maximum. En vertu de l’article 9, paragraphe 3, de cette loi, toute condition insérée dans un contrat de travail en violation du paragraphe 1 de cet article est dépourvue d’effet et le contrat en cause est réputé conclu pour une durée indéterminée.

13      Un employeur peut toutefois déroger, pour des raisons objectives, aux obligations découlant des articles 6 et 9 de la loi de 2003. La notion de raisons objectives est explicitée à l’article 7 de cette loi.

14      L’article 14, paragraphe 1, de la loi de 2003 prévoit qu’un employé ou le syndicat dont celui-ci est membre peut adresser une demande fondée sur une violation de ladite loi à un rights commissioner, lequel est tenu d’examiner la demande et de rendre une décision par écrit. Si la demande est accueillie, celui-ci peut accorder une réparation selon les modalités prévues à l’article 14, paragraphe 2, de ladite loi, à savoir, notamment, une indemnisation pouvant aller jusqu’à deux années de salaire.

15      L’article 15 de la loi de 2003 prévoit la possibilité d’interjeter appel de la décision d’un rights commissioner devant la Labour Court. Un pourvoi contre la décision rendue en appel est possible devant la High Court.

16      Les rights commissioners et la Labour Court ont été institués, respectivement, par les lois de 1969 et de 1946 en matière de relations de travail (Industrial Relations Act 1969 et Industrial Relations Act 1946). Différentes lois irlandaises, dont la loi de 2003, leur donnent compétence pour connaître des litiges entre employeurs et employés. Toutefois, d’après les indications données dans la décision de renvoi, ni les rights commissioners ni la Labour Court ne sont expressément compétents pour statuer sur une demande fondée sur une disposition du droit communautaire ayant un effet direct, à moins que cette disposition n’entre dans le champ d’application de la législation qui fonde leur compétence.

 Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles

17      Dans l’affaire au principal, Impact agit au nom de 91 de ses membres (ci-après les «demandeurs au principal»), employés au sein de différents ministères irlandais (ci-après les «défendeurs au principal») sur la base de contrats à durée déterminée successifs pour des périodes qui ont commencé à courir avant le 14 juillet 2003, date d’entrée en vigueur de la loi de 2003, et qui se sont prolongées au-delà de cette date.

18      Les demandeurs au principal sont tous des agents non titulaires et ils font l’objet, en vertu de la réglementation irlandaise relative à l’emploi dans la fonction publique, d’un régime distinct de celui applicable aux agents titulaires. Il est précisé dans la décision de renvoi que, de l’avis desdits demandeurs, ce dernier régime est plus avantageux que celui qui leur est applicable.

19      Parmi les demandeurs au principal, certains ont accompli moins de trois années de service ininterrompu en tant que salariés à durée déterminée et revendiquent des conditions d’emploi égales à celles de salariés permanents comparables, tandis que les autres ont accompli plus de trois années de service ininterrompu et réclament, outre l’égalité des conditions d’emploi, un contrat à durée indéterminée.

20      Selon la décision de renvoi, les contrats à durée déterminée en cause visaient à répondre à des besoins temporaires des défendeurs au principal et à faire face à des situations dans lesquelles un financement permanent de ces emplois ne pouvait pas être garanti. La pratique générale desdits défendeurs consistait à renouveler ces contrats pour des périodes comprises entre un et deux ans. Toutefois, au cours de la période immédiatement antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 2003, l’un des défendeurs au principal a renouvelé les contrats d’un certain nombre de demandeurs au principal pour une durée déterminée allant jusqu’à huit ans.

21      Estimant que les défendeurs au principal avaient, en tant qu’employeurs, enfreint les dispositions de la loi de 2003 et de la directive 1999/70 au détriment des demandeurs au principal, Impact a intenté une action au nom de ces derniers devant un rights commissioner. Dans le cadre de cette action, il a invoqué, d’une part, une violation du droit de ceux-ci à un traitement égal, en termes de rémunération et de droits à pension, à celui des agents titulaires, considérés, selon les demandeurs au principal, comme des salariés permanents comparables, et, d’autre part, le caractère abusif des renouvellements successifs des contrats à durée déterminée. Les demandes ainsi présentées ont été fondées sur les clauses 4 et 5 de l’accord-cadre pour ce qui concerne la période comprise entre le 10 juillet 2001, date d’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70, et le 14 juillet 2003, date d’entrée en vigueur des dispositions assurant la transposition de celle-ci dans l’ordre juridique irlandais. Pour la période postérieure à cette dernière date, ces demandes ont été fondées sur l’article 6 de la loi de 2003.

22      Les défendeurs au principal ont contesté la compétence du rights commissioner pour connaître des demandes en cause pour autant que celles-ci s’appuyaient sur la directive 1999/70. Ils ont fait valoir, à cet égard, que ledit rights commissioner était uniquement compétent pour statuer sur des demandes fondées sur le droit interne. Ils ont également allégué que les clauses 4 et 5 de l’accord-cadre, qui ne sont ni inconditionnelles ni suffisamment précises, ne pouvaient être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales. Ils ont par ailleurs soutenu que les termes de la clause 4 de l’accord-cadre ne permettaient pas à un travailleur à durée déterminée de prétendre à des conditions de rémunération et de pension égales à celles d’un travailleur permanent comparable.

23      Le rights commissioner a estimé qu’il était compétent pour connaître de l’intégralité des demandes, y compris en tant qu’elles se rapportaient à la période comprise entre le 10 juillet 2001 et le 14 juillet 2003. Il a jugé que le principe de non-discrimination affirmé dans la clause 4 de l’accord-cadre portait également sur la rémunération ainsi que sur les droits à pension et que cette clause était directement applicable, ce qui n’était pas le cas de la clause 5.

24      Estimant que les demandes autres que celles s’appuyant sur la clause 5 de l’accord-cadre étaient fondées et que les défendeurs au principal avaient violé les droits des demandeurs au principal tant en vertu du droit interne que de la directive 1999/70 en leur réservant des conditions d’emploi moins favorables que celles consenties aux travailleurs permanents comparables, le rights commissioner a, sur la base de l’article 14, paragraphe 2, de la loi de 2003, accordé auxdits demandeurs une compensation pécuniaire allant de 2 000 à 40 000 euros. Il a en outre enjoint aux défendeurs au principal de consentir aux demandeurs au principal des conditions d’emploi équivalentes à celles dont bénéficient ces travailleurs. Il leur a également ordonné d’accorder à certains demandeurs au principal un contrat à durée indéterminée à des conditions qui ne soient pas moins favorables que celles réservées auxdits travailleurs.

25      Les défendeurs au principal ont interjeté appel de la décision du rights commissioner devant la Labour Court. Impact a introduit un appel incident contre cette décision en tant que cette dernière a déclaré la clause 5 de l’accord-cadre dépourvue d’effet direct.

26      Eu égard aux argumentations échangées devant elle, la juridiction de renvoi est confrontée à une série de questions, déterminantes pour la solution du litige au principal, qui dépendent de l’interprétation du droit communautaire.

27      En premier lieu, bien que la loi de 2003 ne lui confère pas expressément la compétence pour statuer sur une demande tendant à l’application directe du droit communautaire, cette juridiction doute cependant, compte tenu de l’article 10 CE, d’une part, et des principes d’équivalence et d’effectivité qui encadrent l’autonomie procédurale dont bénéficient les États membres, d’autre part, qu’elle puisse se déclarer incompétente pour examiner les demandes au principal en tant qu’elles sont fondées sur la directive 1999/70 et sur l’accord-cadre.

28      En deuxième lieu, à supposer qu’elle soit compétente pour appliquer le droit communautaire, la juridiction de renvoi se demande si les clauses 4 et 5 de l’accord-cadre, sur lesquelles sont fondées les demandes au principal pour ce qui concerne la période comprise entre le 10 juillet 2001 et le 14 juillet 2003, sont inconditionnelles et suffisamment précises pour être dotées d’un effet direct. Elle est d’avis que tel est le cas uniquement de la clause 4.

29      En troisième lieu, la juridiction de renvoi se demande si la clause 5 de l’accord-cadre peut être invoquée pour faire constater l’illégalité de la décision, prise par l’un des défendeurs au principal au cours de la période immédiatement antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 2003, de maintenir, en ce qui concerne certains demandeurs au principal, des contrats d’une durée allant jusqu’à huit ans.

30      Cette juridiction estime que, en dépit de l’absence apparente de mauvaise foi du défendeur au principal en cause et d’explications de celui-ci tirées de besoins temporaires ainsi que de l’impossibilité de garantir le financement permanent des emplois concernés, cette décision a eu pour résultat concret de priver les demandeurs au principal de la possibilité d’obtenir un contrat à durée indéterminée dans un délai raisonnable après l’adoption de la loi de 2003. Elle considère que, à travers ladite décision, l’Irlande a retiré, au détriment desdits demandeurs, un avantage de l’illégalité qu’elle a elle-même commise en ne transposant pas la directive 1999/70 dans le délai imparti.

31      En quatrième lieu, à supposer qu’elle ne soit pas compétente pour appliquer le droit communautaire ou que les clauses 4 et 5 de l’accord-cadre soient dépourvues d’effet direct, la juridiction de renvoi se demande si l’obligation d’interprétation conforme qui pèse sur elle implique qu’elle doive interpréter la loi de 2003 en ce sens que celle-ci rétroagit au 10 juillet 2001.

32      Cette juridiction relève que, bien que le droit irlandais exclue en principe l’application rétroactive des lois, l’article 6 de la loi de 2003 ne comporte aucune indication qui fasse obstacle à son application rétroactive. Elle ajoute que, si, certes, l’obligation d’interprétation conforme trouve ses limites dans les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité, et ne peut, en elle-même et indépendamment d’une loi nationale de mise en œuvre de la directive 1999/70, créer ou aggraver la responsabilité pénale résultant d’une violation du droit communautaire, la question se pose toutefois, en l’occurrence, de savoir si cette obligation signifie que le droit interne peut être appliqué de manière rétroactive afin de permettre l’engagement de la responsabilité civile d’un État membre, en sa qualité d’employeur, en raison d’actes ou d’omissions contraires à une directive et qui remontent à une période où celle-ci aurait dû être transposée par ledit État membre.

33      En cinquième lieu, la juridiction de renvoi se demande si les conditions d’emploi, au sens de la clause 4 de l’accord-cadre, recouvrent les conditions de rémunération et les droits à pension.

34      Renvoyant à l’acception large du concept de rémunération dans le contexte de l’article 141 CE, relatif au principe d’égalité des sexes, elle considère qu’une interprétation excluant les rémunérations du champ d’application de la clause concernée reviendrait à priver les travailleurs à durée déterminée d’une protection contre les discriminations en ce qui concerne une série d’aspects essentiels relevant de la rémunération, ce qui irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par l’accord-cadre.

35      Elle estime par ailleurs que, eu égard à l’article 136 CE et à la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs adoptée lors de la réunion du Conseil européen tenue à Strasbourg le 9 décembre 1989 (en particulier son point 7), en liaison avec lesquels l’article 137 CE doit être lu, le paragraphe 5 de ce dernier article, qui exclut les rémunérations du champ d’application de cet article, doit être interprété en ce sens qu’il vise uniquement à dénier une compétence législative à la Communauté européenne pour la fixation d’un salaire minimal communautaire et qu’il ne s’oppose donc pas à l’incorporation des éléments de rémunération et de pension dans la notion de «conditions de travail» au sens de l’article 137, paragraphe 1, CE.

36      Compte tenu de ces différentes interrogations, la Labour Court a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Lorsqu’ils tranchent un litige en première instance en vertu d’une disposition de droit interne ou qu’ils statuent sur l’appel formé contre une telle décision, les [r]ights [c]ommissioners et la Labour Court sont-ils tenus en vertu d’un principe de droit communautaire (en particulier les principes d’équivalence et d’effectivité) d’appliquer une disposition directement applicable de la directive 1999/70[…] dans des circonstances où:

–        le [r]ights [c]ommissioner et la Labour Court n’ont pas reçu expressément compétence à cet effet en vertu du droit interne de l’État membre concerné, y compris des dispositions de droit interne transposant la directive;

–        les particuliers peuvent saisir la High Court d’autres demandes découlant du fait que leur employeur n’a pas appliqué la directive à leur situation particulière, et où

–        les particuliers peuvent saisir les juridictions ordinaires compétentes d’autres demandes à l’encontre de l’État membre concerné, en vue d’obtenir réparation du dommage qu’ils ont subi du fait que cet État n’a pas transposé la directive dans les délais?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question:

a)      La clause 4, [point] 1, de l’accord-cadre […] est-elle inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par les particuliers devant leurs juridictions nationales?

b)      La clause 5, [point] 1, de l’accord-cadre […] est-elle inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par les particuliers devant leurs juridictions nationales?

3)      Eu égard aux réponses de la Cour à la première question et à la deuxième question, sous b), la clause 5, [point] 1, de l’accord-cadre […] interdit-elle à un État membre agissant en qualité d’employeur de renouveler un contrat de travail à durée déterminée pour une durée allant jusqu’à huit ans durant la période postérieure à la date à laquelle ladite directive aurait dû être transposée et antérieure à l’adoption de la législation de transposition, lorsque:

–        le contrat avait toujours été renouvelé jusque-là pour des périodes plus courtes, et que l’employeur a besoin des services du salarié pour une période excédant la durée de prorogation habituelle;

–        le renouvellement du contrat pour cette période plus longue a pour effet d’empêcher un particulier de bénéficier pleinement de l’application de la clause 5 de l’accord-cadre lors de sa transposition en droit interne, et

–        qu’il n’existe pas de raisons objectives étrangères au statut du salarié en tant que travailleur à durée déterminée de nature à justifier un tel renouvellement?

4)      En cas de réponse négative à la première ou à la deuxième question, le [r]ights [c]ommissioner et la Labour Court sont-ils tenus en vertu d’une disposition de droit communautaire (et en particulier de l’obligation d’interpréter le droit interne à la lumière du texte et de la finalité d’une directive, de manière à atteindre le résultat visé par celle-ci) d’interpréter les dispositions de droit interne adoptées en vue de transposer la directive 1999/70[…] en ce sens qu’elles rétroagissent à la date à laquelle ladite directive aurait dû être transposée, lorsque:

–        le libellé de la disposition de droit interne n’exclut pas expressément une telle interprétation, mais que

–        une règle de droit interne régissant l’interprétation des lois exclut une telle application rétroactive à moins qu’il existe une indication claire et dénuée d’ambiguïté en sens contraire?

5)      En cas de réponse affirmative à la première ou à la quatrième question, les ‘conditions d’emploi’ auxquelles la clause 4 de l’accord-cadre […] fait référence comprennent-elles les conditions d’un contrat de travail relatives aux rémunérations et pensions?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

37      Par sa première question, la juridiction de renvoi vise, en substance, à savoir si, en dépit de l’absence de disposition expresse en ce sens dans le droit national applicable, une juridiction nationale, telle qu’elle-même ou un rights commissioner, appelée à trancher un litige fondé sur une violation de la loi transposant la directive 1999/70, est tenue, en vertu du droit communautaire, de se déclarer compétente également pour connaître de prétentions directement fondées sur cette directive elle-même, alors que celles-ci se rapportent à une période postérieure à la date d’expiration du délai de transposition de la directive concernée, mais antérieure à la date d’entrée en vigueur de la loi de transposition qui lui a conféré compétence pour connaître de demandes fondées sur cette loi.

38      À cet égard, la juridiction de renvoi précise que les intéressés peuvent attraire l’État membre concerné devant les juridictions ordinaires, soit en sa qualité d’employeur, soit aux fins d’obtenir la réparation du dommage découlant d’un défaut de transposition de la directive 1999/70 dans le délai imparti.

39      À titre liminaire, il convient de relever, ainsi que l’a fait l’Irlande lors de l’audience, que ni la directive 1999/70 ni l’accord-cadre ne désignent les instances nationales compétentes pour garantir leur application, pas plus qu’ils ne définissent les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer cette application. Au contraire, la clause 8, point 5, de l’accord-cadre renvoie à la législation, aux conventions collectives et à la pratique nationale en ce qui concerne la prévention et le règlement des litiges ainsi que des plaintes résultant de l’application de celui-ci.

40      Il faut par ailleurs rappeler que la liberté du choix des voies et moyens destinés à assurer la mise en œuvre d’une directive laisse entière l’obligation, pour chacun des États membres destinataires, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le plein effet de la directive concernée, conformément à l’objectif que celle-ci poursuit (voir arrêt du 10 avril 1984, von Colson et Kamann, 14/83, Rec. p. 1891, point 15).

41      L’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 10 CE, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, aux autorités juridictionnelles (arrêt von Colson et Kamann, précité, point 26).

42      C’est en effet aux juridictions nationales qu’il incombe en particulier d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit communautaire et de garantir le plein effet de celles-ci (arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835, point 111).

43      À cet égard, il importe de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, Rec. p. I-2271, point 37 et jurisprudence citée).

44      Conformément à une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral, 33/76, Rec. p. 1989, point 5; Comet, 45/76, Rec. p. 2043, point 13; du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C‑312/93, Rec. p. I‑4599, point 12; Unibet, précité, point 39, et du 7 juin 2007, van der Weerd e.a., C‑222/05 à C‑225/05, Rec. p. I‑4233, point 28).

45      Les États membres portent toutefois la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits (voir, notamment, arrêts du 9 juillet 1985, Bozzetti, 179/84, Rec. p. 2301, point 17; du 18 janvier 1996, SEIM, C-446/93, Rec. p. I-73, point 32, et du 17 septembre 1997, Dorsch Consult, C-54/96, Rec. p. I-4961, point 40).

46      À ce titre, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence bien établie, les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts précités Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral, point 5; Comet, points 13 à 16; Peterbroeck, point 12; Unibet, point 43, ainsi que van der Weerd e.a., point 28).

47      Ces exigences d’équivalence et d’effectivité, qui expriment l’obligation générale pour les États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, valent également en ce qui concerne la désignation des juridictions compétentes pour connaître des actions fondées sur ce droit.

48      En effet, un non-respect desdites exigences sur ce plan est, tout autant qu’un manquement à celles-ci sur le plan de la définition des modalités procédurales, de nature à porter atteinte au principe de protection juridictionnelle effective.

49      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi.

50      Il convient de souligner que, la loi de 2003 constituant la législation par laquelle l’Irlande s’est acquittée des obligations qui lui incombent en vertu de la directive 1999/70, une demande fondée sur une violation de cette loi et une demande directement fondée sur ladite directive doivent, ainsi que l’a elle-même souligné la juridiction de renvoi, être considérées comme relevant d’une seule et même voie de recours (voir, en ce sens, arrêts du 1er décembre 1998, Levez, C‑326/96, Rec. p. I‑7835, points 46 et 47, ainsi que du 16 mai 2000, Preston e.a., C‑78/98, Rec. p. I‑3201, point 51). En effet, en dépit de fondements juridiques formellement distincts, elles visent, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 58 de ses conclusions, à la protection des mêmes droits, dérivés du droit communautaire, à savoir de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre.

51      Dans ces conditions, lorsque le législateur national a fait le choix de conférer à des juridictions spécialisées la compétence pour connaître des demandes fondées sur la loi de transposition de la directive 1999/70, l’obligation qui serait faite à des particuliers dans la situation des demandeurs au principal, qui ont entendu saisir une telle juridiction spécialisée d’une demande tirée d’une violation de ladite loi, de saisir, parallèlement, une juridiction ordinaire d’une demande distincte aux fins de faire valoir les droits qu’ils pourraient tirer directement de cette directive elle-même pour la période comprise entre la date d’expiration du délai de transposition de celle-ci et la date d’entrée en vigueur de la loi assurant cette transposition, s’avérerait contraire au principe d’effectivité si, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il devait en résulter pour ces particuliers des inconvénients procéduraux, en termes, notamment, de coût, de durée et de règles de représentation, de nature à rendre excessivement difficile l’exercice des droits tirés de ladite directive.

52      Lors de l’audience, l’Irlande a fait valoir que la compétence reconnue par la loi de 2003 aux rights commissioners et à la Labour Court est facultative et, dès lors, n’empêche pas les particuliers de former devant une juridiction ordinaire un seul et même recours, fondé pour partie sur le droit national et pour partie sur le droit communautaire.

53      Quand bien même cette affirmation serait exacte, il n’en demeure pas moins que, dès lors que des particuliers ont, à l’instar des demandeurs au principal, entendu recourir à la compétence conférée, serait-ce à titre facultatif, par le législateur national, lors de la transposition de la directive 1999/70, à ces juridictions spécialisées pour connaître des litiges fondés sur la loi de 2003, le principe d’effectivité exigerait qu’ils puissent également revendiquer, devant ces mêmes juridictions, la protection des droits qu’ils pourraient tirer directement de cette directive elle-même, s’il devait ressortir des vérifications effectuées par la juridiction de renvoi que l’obligation de scinder leur recours en deux demandes distinctes et d’introduire celle directement fondée sur ladite directive devant une juridiction ordinaire conduit à des complications procédurales de nature à rendre excessivement difficile l’exercice des droits que confère aux intéressés l’ordre juridique communautaire.

54      Si la juridiction de renvoi venait à constater une telle violation du principe d’effectivité, il lui incomberait d’interpréter les règles internes de compétence dans toute la mesure du possible d’une manière telle qu’elles contribuent à la mise en œuvre de l’objectif consistant à garantir une protection juridictionnelle effective des droits que peuvent tirer les justiciables du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt Unibet, précité, point 44).

55      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que le droit communautaire, en particulier le principe d’effectivité, exigerait qu’une juridiction spécialisée, appelée, dans le cadre de la compétence qui lui a été conférée, serait-ce à titre facultatif, par la législation assurant la transposition de la directive 1999/70, pour connaître d’une demande fondée sur une violation de cette législation, se déclare compétente pour connaître également des prétentions du demandeur directement fondées sur cette directive elle-même pour la période comprise entre la date d’expiration du délai de transposition de celle-ci et la date d’entrée en vigueur de ladite législation, s’il s’avérait que l’obligation pour ce demandeur de saisir, parallèlement, une juridiction ordinaire d’une demande distincte directement fondée sur ladite directive devait entraîner des inconvénients procéduraux de nature à rendre excessivement difficile l’exercice des droits qui lui sont conférés par l’ordre juridique communautaire. Il appartient à la juridiction nationale de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard.

 Sur la deuxième question

56      Pour le cas où, eu égard aux éléments de réponse fournis sur sa première question, la juridiction de renvoi serait tenue de se déclarer compétente pour connaître des prétentions des demandeurs au principal directement fondées sur la directive 1999/70, il convient de répondre à sa deuxième question, par laquelle elle demande, en substance, si les clauses 4, point 1, et 5, point 1, de l’accord-cadre peuvent être invoquées par des particuliers devant une juridiction nationale.

57      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, dans tous les cas où des dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer à l’encontre de l’État, notamment en sa qualité d’employeur (voir, notamment, en ce sens, arrêts du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, points 46 et 49, ainsi que du 20 mars 2003, Kutz-Bauer, C‑187/00, Rec. p. I‑2741, points 69 et 71).

58      Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 87 de ses conclusions, il est permis de transposer cette jurisprudence aux accords qui, tel l’accord-cadre, sont nés d’un dialogue conduit, sur la base de l’article 139, paragraphe 1, CE, entre partenaires sociaux au niveau communautaire et qui ont été mis en œuvre, conformément au paragraphe 2 de ce même article, par une directive du Conseil de l’Union européenne, dont ils font alors partie intégrante.

 Sur la clause 4, point 1, de l’accord-cadre

59      La clause 4, point 1, de l’accord-cadre énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

60      Cette disposition interdit, d’une manière générale et dans des termes dépourvus d’équivoque, toute différence de traitement non objectivement justifiée à l’égard des travailleurs à durée déterminée en ce qui concerne les conditions d’emploi. Ainsi que l’a soutenu Impact, son contenu apparaît ainsi suffisamment précis pour qu’elle puisse être invoquée par un justiciable et appliquée par le juge (voir, par analogie, arrêt Marshall, précité, point 52).

61      Contrairement à ce qu’a fait valoir l’Irlande, l’absence de définition, dans la disposition concernée, de la notion de conditions d’emploi n’entame pas l’aptitude de ladite disposition à être appliquée par un juge aux données du litige dont il a à connaître et, par conséquent, n’est pas de nature à ôter au contenu de cette disposition son caractère suffisamment précis. Ainsi, des dispositions d’une directive ont déjà été considérées comme étant suffisamment précises nonobstant l’absence de définition communautaire des notions de droit social que comportent ces dispositions (voir, à cet égard, arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C‑6/90 et C‑9/90, Rec. p. I‑5357, points 13 et 14).

62      Par ailleurs, l’interdiction précise édictée par la clause 4, point 1, de l’accord-cadre ne nécessite l’intervention d’aucun acte des institutions communautaires (voir, par analogie, arrêt du 4 décembre 1974, van Duyn, 41/74, Rec. p. 1337, point 6). Du reste, la disposition examinée ne confère aucunement aux États membres la faculté, lors de sa transposition en droit interne, de conditionner ou de restreindre la portée de l’interdiction qu’elle édicte en matière de conditions d’emploi (voir, par analogie, arrêt Marshall, précité, point 55).

63      Certes, ainsi que l’a fait valoir l’Irlande, cette disposition comporte, par rapport au principe de non-discrimination qu’elle énonce, une réserve relative aux justifications fondées sur des raisons objectives.

64      Toutefois, ainsi que l’a elle-même souligné la juridiction de renvoi, l’application de cette réserve est susceptible d’un contrôle juridictionnel (voir, pour un exemple d’un tel contrôle portant sur la notion de raisons objectives dans le contexte de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, arrêt du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, Rec. p. I‑6057, points 58 à 75), si bien que la possibilité de s’en prévaloir n’empêche pas de considérer que la disposition examinée confère aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice et que les juridictions nationales doivent sauvegarder (voir, par analogie, arrêts van Duyn, précité, point 7; du 10 novembre 1992, Hansa Fleisch Ernst Mundt, C‑156/91, Rec. p. I‑5567, point 15; du 9 septembre 1999, Feyrer, C‑374/97, Rec. p. I‑5153, point 24, ainsi que du 17 septembre 2002, Baumbast et R, C‑413/99, Rec. p. I‑7091, points 85 et 86).

65      La précision et le caractère inconditionnel de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre ne sont pas davantage affectés par le point 2 de cette clause. En effet, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 101 de ses conclusions, ce point 2 ne fait que souligner l’une des conséquences susceptibles d’être le cas échéant attachées, sous le contrôle éventuel du juge, à l’application du principe de non-discrimination en faveur des travailleurs à durée déterminée, sans aucunement porter atteinte à la teneur même de ce principe.

66      Quant à la clause 4, point 3, de l’accord-cadre, également invoquée par l’Irlande pour dénier un effet direct au point 1 de celle-ci, il convient de faire observer qu’elle laisse aux États membres et/ou aux partenaires sociaux le soin de définir les modalités destinées à faciliter l’«application» du principe d’interdiction de discrimination édicté par cette clause.

67      De telles modalités ne peuvent donc, en aucune façon, porter sur la définition du contenu même de ce principe (voir, par analogie, arrêt du 19 janvier 1982, Becker, 8/81, Rec. p. 53, points 32 et 33). Ainsi que l’a suggéré la juridiction de renvoi elle-même, et comme l’a fait valoir Impact, elles ne sauraient ainsi conditionner l’existence ou restreindre la portée de celui-ci (voir, par analogie, arrêts du 21 juin 1974, Reyners, 2/74, Rec. p. 631, points 21 et 26, ainsi que Becker, précité, point 39).

68      Il s’ensuit que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre apparaît, du point de vue de son contenu, inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un particulier devant un juge national.

 Sur la clause 5, point 1, de l’accord-cadre

69      La clause 5, point 1, de l’accord-cadre impose aux États membres, dans le but de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, d’adopter l’une ou plusieurs des mesures qu’elle énumère, lorsque leur droit interne ne comporte pas de mesures légales équivalentes. Les mesures ainsi énumérées, au nombre de trois, ont trait, respectivement, à des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail, à la durée maximale totale de ces contrats ou relations de travail successifs et au nombre de renouvellement de ceux-ci.

70      En prescrivant l’adoption effective et contraignante de l’une au moins des mesures qu’elle énumère et qui visent à prévenir l’utilisation abusive de contrats à durée limitée successifs dès lors que le droit national ne comporte pas déjà des mesures équivalentes (voir arrêts Adeneler e.a., précité, points 65 et 101; du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C‑53/04, Rec. p. I‑7213, point 44, ainsi que Vassallo, C‑180/04, Rec. p. I‑7251, point 35), la clause 5, point 1, de l’accord-cadre assigne aux États membres un objectif général, consistant en la prévention de tels abus, tout en leur laissant le choix des moyens pour y parvenir.

71      En vertu de cette disposition, il relève en effet du pouvoir d’appréciation des États membres de recourir à cette fin à une ou plusieurs des mesures énoncées dans cette clause, ou encore à des mesures légales existantes équivalentes, et ce tout en tenant compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs.

72      Certes, ainsi que l’a fait valoir la Commission en s’appuyant sur l’arrêt Francovich e.a., précité (point 17), la faculté, pour les États membres, de choisir parmi une multiplicité de moyens possibles en vue d’atteindre le résultat prescrit par une directive n’exclut pas la possibilité, pour les particuliers, de faire valoir devant les juridictions nationales les droits dont le contenu peut être déterminé avec une précision suffisante sur la base des seules dispositions de cette directive (voir également, en ce sens, arrêts du 2 août 1993, Marshall, C‑271/91, Rec. p. I‑4367, point 37, ainsi que Pfeiffer e.a., précité, point 105).

73      Force est cependant de constater que, à la différence des dispositions en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Francovich e.a., précité, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre ne comporte aucune obligation inconditionnelle et suffisamment précise pouvant être invoquée, à défaut de mesures de transposition prises dans les délais, par un particulier devant un juge national.

74      Dans l’arrêt Francovich e.a., précité, la Cour a pu, en dépit de la liberté de choix laissée par la directive concernée aux États membres pour atteindre le résultat prescrit par cette directive, identifier dans celle-ci des dispositions définissant, de manière inconditionnelle et suffisamment précise, un contenu de protection minimale en faveur des particuliers, en l’occurrence une garantie minimale concernant le paiement des créances salariales en cas d’insolvabilité de l’employeur (voir également, pour d’autres cas d’identification d’une telle protection minimale, arrêts du 3 octobre 2000, Simap, C‑303/98, Rec. p. I‑7963, points 68 et 69, ainsi que Pfeiffer e.a., précité, point 105).

75      Or, en l’occurrence, la suggestion de la Commission, selon laquelle la clause 5, point 1, de l’accord-cadre déterminerait également une telle protection matérielle minimale en ce qu’elle exigerait, en l’absence de toute autre mesure destinée à lutter contre les abus ou, du moins, de mesure suffisamment efficace, objective et transparente à cette fin, que des raisons objectives justifient le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, ne saurait être retenue.

76      En effet, d’une part, s’il est vrai, ainsi que la Cour l’a souligné au point 67 de l’arrêt Adeneler e.a., précité, que, aux termes du point 7 des considérations générales de l’accord-cadre, les parties signataires de ce dernier ont estimé que «l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée basée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus», il reste que la lecture prônée par la Commission reviendrait à instaurer une hiérarchie entre les différentes mesures visées à la clause 5, point 1, dudit accord-cadre, alors que les termes mêmes de cette disposition indiquent sans équivoque que les différentes mesures envisagées sont conçues comme «équivalentes».

77      D’autre part, ainsi que l’a également relevé Mme l’avocat général au point 116 de ses conclusions, l’interprétation suggérée par la Commission aurait pour conséquence de priver de tout sens le choix des moyens laissé par la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, étant donné qu’elle permettrait à un particulier d’exciper de l’absence de raisons objectives pour contester le renouvellement de son contrat à durée déterminée, quand bien même ce renouvellement n’enfreindrait pas les règles relatives à la durée maximale totale ou au nombre de renouvellements que l’État membre concerné aurait adoptées conformément aux options offertes par ladite clause 5, point 1, sous b) et c).

78      Contrairement à ce qui a été admis dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts cités au point 72 du présent arrêt, il n’est donc pas possible, dans la présente affaire, de déterminer de façon suffisante la protection minimale qui devrait, en tout état de cause, être mise en œuvre au titre de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre.

79      Il s’ensuit que cette disposition n’apparaît pas, du point de vue de son contenu, inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un particulier devant un juge national.

80      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre est inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un particulier devant un juge national, et que tel n’est pas le cas, en revanche, de la clause 5, point 1, dudit accord-cadre.

 Sur la troisième question

81      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, eu égard aux réponses apportées à la première question ainsi qu’à la deuxième question en ce que celle-ci concerne la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, si cette disposition de l’accord-cadre interdit à un État membre, en tant qu’employeur, de renouveler un contrat de travail à durée déterminée pour une durée allant jusqu’à huit ans durant la période comprise entre la date d’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et celle de l’entrée en vigueur de la loi de transposition de cette directive.

82      Dans le cadre de cette troisième question, la juridiction de renvoi précise que, auparavant, le contrat concerné avait toujours été renouvelé pour des périodes plus courtes, que l’employeur a besoin des services de l’intéressé pour une période excédant la durée habituelle du renouvellement, que le renouvellement de ce contrat pour une période plus longue a pour effet de priver le travailleur de l’application de la clause 5 de l’accord-cadre une fois celle-ci transposée en droit interne et qu’il n’existe pas de raisons objectives, étrangères au statut de travailleur à durée déterminée de l’intéressé, de nature à justifier un tel renouvellement.

83      Pour le cas où, eu égard aux éléments de réponse fournis sur sa première question, la juridiction de renvoi serait tenue de se déclarer compétente pour connaître des prétentions des demandeurs au principal directement fondées sur la directive 1999/70, il convient de préciser que, si, certes, ainsi qu’il a été répondu à la deuxième question, le contenu de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre n’est pas inconditionnel et suffisamment précis pour pouvoir être invoqué par un particulier devant un juge national, il n’en demeure pas moins que, aux termes de l’article 249, troisième alinéa, CE, la directive, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens, lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre (voir arrêt von Colson et Kamann, précité, point 15).

84      À son article 2, paragraphe 1, la directive 1999/70 prévoit ainsi que les États membres doivent prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats qu’elle impose.

85      Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 41 du présent arrêt, l’obligation pour les États membres d’atteindre le résultat prévu par une directive et celle, en vertu de l’article 10 CE, de prendre toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres (voir arrêt von Colson et Kamann, précité, point 26). De telles obligations pèsent sur ces autorités, y compris, le cas échéant, en leur qualité d’employeur public.

86      En ce qui concerne l’objectif prescrit par la directive 1999/70 et par l’accord-cadre, ce dernier part, ainsi qu’il ressort des points 6 et 8 de ses considérations générales, de la prémisse selon laquelle les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, tout en reconnaissant que les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 61).

87      En conséquence, le bénéfice de la stabilité de l’emploi est conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs (voir arrêt du 22 novembre 2005, Mangold, C-144/04, Rec. p. I-9981, point 64), alors que, ainsi qu’il ressort du deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre et du point 8 des considérations générales de celui-ci, ce n’est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 62).

88      Dans cette optique, l’accord-cadre vise à encadrer le recours successif à cette dernière catégorie de relations de travail, considérée comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés (voir arrêt Adeneler e.a., précité, point 63).

89      Ainsi qu’il ressort de la clause 1, sous b), de cet accord-cadre, l’objet de ce dernier est d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. Selon ses propres termes, la clause 5, point 1, dudit accord-cadre poursuit spécifiquement cet objectif de prévention.

90      Il s’ensuit que les États membres sont tenus, en vertu tant des articles 10 CE et 249, troisième alinéa, CE que de la directive 1999/70 elle-même, de prendre toute mesure, générale ou particulière, propre à atteindre l’objectif visé par ladite directive et par l’accord-cadre consistant à prévenir le recours abusif à des contrats à durée déterminée.

91      Or, cette obligation serait privée d’effet utile si une autorité d’un État membre, agissant en qualité d’employeur public, était autorisée à renouveler des contrats pour une durée inhabituellement longue au cours de la période comprise entre la date d’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et celle de l’entrée en vigueur de la loi de transposition de celle-ci, avec pour résultat de priver pendant un délai déraisonnable les intéressés du bénéfice des mesures adoptées par le législateur national pour transposer la clause 5 de l’accord-cadre.

92      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que les articles 10 CE et 249, troisième alinéa, CE ainsi que la directive 1999/70 doivent être interprétés en ce sens qu’une autorité d’un État membre agissant en qualité d’employeur public n’est pas autorisée à adopter des mesures, contraires à l’objectif poursuivi par ladite directive et l’accord-cadre en ce qui concerne la prévention de l’utilisation abusive des contrats à durée déterminée, consistant à renouveler de tels contrats pour une durée inhabituellement longue au cours de la période comprise entre la date d’expiration du délai de transposition de cette directive et celle de l’entrée en vigueur de la loi assurant cette transposition.

 Sur la quatrième question

93      Pour le cas où, eu égard aux éléments de réponse fournis à sa première question, la juridiction de renvoi ne serait pas tenue de se déclarer compétente pour connaître des prétentions des demandeurs au principal directement fondées sur la directive 1999/70, il y a lieu de répondre à sa quatrième question, par laquelle elle s’interroge, en substance, sur l’existence d’une obligation pour elle, au titre de son obligation d’interpréter le droit interne en conformité avec le droit communautaire, de conférer à la loi de 2003 un effet qui rétroagisse à la date d’expiration du délai de transposition de cette directive.

94      À titre liminaire, il convient de relever que cette quatrième question concerne uniquement l’article 6 de la loi de 2003, qui constitue la mesure de transposition de la clause 4 de l’accord-cadre.

95      En effet, il est indiqué, dans la décision de renvoi, que les demandeurs au principal ont en revanche concédé que les termes employés à l’article 9 de la loi de 2003 excluent par eux-mêmes que soit attribué un effet rétroactif à cet article, qui correspond à la transposition de la clause 5 de l’accord-cadre, et ce sous peine d’aboutir à une interprétation contra legem.

96      Il importe, par conséquent, d’examiner si la juridiction de renvoi, dans l’hypothèse, visée au point 93 du présent arrêt, où elle serait uniquement compétente pour statuer sur les demandes au principal en tant que celles-ci sont fondées sur une violation de la loi de 2003, est tenue, au titre de l’exigence d’interprétation conforme, de conférer à l’article 6 de ladite loi un effet qui rétroagisse à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70.

97      La juridiction de renvoi précise à cet égard que, si, certes, le libellé de cet article de la loi de 2003 n’exclut pas expressément qu’un tel effet rétroactif soit reconnu à cette disposition, une règle de droit interne relative à l’interprétation des lois exclut pour sa part qu’une loi soit appliquée rétroactivement, sauf indication claire et univoque en sens contraire.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, en appliquant le droit interne et, notamment, les dispositions d’une réglementation spécifiquement adoptée aux fins de mettre en œuvre les exigences d’une directive, les juridictions nationales sont tenues d’interpréter ce droit, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l’article 249, troisième alinéa, CE (voir, notamment, arrêt Pfeiffer e.a., précité, point 113 et jurisprudence citée).

99      L’exigence d’une interprétation conforme du droit national est en effet inhérente au système du traité CE en ce qu’elle permet aux juridictions nationales d’assurer, dans le cadre de leurs compétences, la pleine efficacité du droit communautaire lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies (voir, notamment, arrêts précités Pfeiffer e.a., point 114, et Adeneler e.a., point 109).

100    Toutefois, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment dans ceux de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité, et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (voir arrêts du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen, 80/86, Rec. p. 3969, point 13, ainsi que Adeneler e.a., précité, point 110; voir également, par analogie, arrêt du 16 juin 2005, Pupino, C-105/03, Rec. p. I-5285, points 44 et 47).

101    Le principe d’interprétation conforme requiert néanmoins que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (voir arrêts précités Pfeiffer e.a., points 115, 116, 118 et 119, ainsi que Adeneler e.a., point 111).

102    En l’occurrence, dès lors que, selon les indications contenues dans la décision de renvoi, le droit interne paraît comporter une règle excluant l’application rétroactive d’une loi à défaut d’indication claire et dépourvue d’ambiguïté en sens contraire, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier s’il existe dans ce droit, notamment dans la loi de 2003, une disposition, comportant une indication de cette nature, susceptible de conférer un tel effet rétroactif à l’article 6 de ladite loi.

103    À défaut d’une telle disposition, le droit communautaire, en particulier l’exigence d’interprétation conforme, ne pourrait, sous peine de contraindre la juridiction de renvoi à interpréter le droit national contra legem, être interprété comme lui imposant de conférer à l’article 6 de la loi de 2003 une portée rétroagissant à la date d’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70.

104    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que, dans la mesure où le droit national applicable comporte une règle excluant l’application rétroactive d’une loi à défaut d’indication claire et dépourvue d’ambiguïté en sens contraire, une juridiction nationale, saisie d’une demande fondée sur une violation d’une disposition de la loi nationale transposant la directive 1999/70, n’est tenue, en vertu du droit communautaire, de conférer à ladite disposition un effet rétroagissant à la date d’expiration du délai de transposition de cette directive que s’il existe, dans ce droit national, une indication de cette nature, susceptible de conférer à cette disposition un tel effet rétroactif.

 Sur la cinquième question

105    Pour le cas où la juridiction de renvoi serait tenue, eu égard aux éléments de réponse fournis à sa première question, de se déclarer compétente pour connaître d’une demande directement fondée sur la directive 1999/70, il convient de répondre à sa cinquième question, par laquelle elle demande si les conditions d’emploi au sens de la clause 4 de l’accord-cadre comprennent les conditions relatives aux rémunérations et aux pensions, fixées dans un contrat de travail.

106    À cet égard, ainsi que la Cour l’a déjà constaté, le Conseil, en adoptant la directive 1999/70 visant à mettre en œuvre l’accord-cadre, s’est fondé sur l’article 139, paragraphe 2, CE, qui dispose que la mise en œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient dans les matières relevant de l’article 137 CE (arrêt du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso, C‑307/05, Rec. p. I-0000, point 33).

107    Parmi ces matières, figurent, à l’article 137, paragraphe 1, sous b), CE, les «conditions de travail».

108    Force est de constater que les termes de l’article 137, paragraphe 1, sous b), CE, pas plus que ceux de la clause 4 de l’accord-cadre, ne permettent, à eux seuls, de décider si les conditions de travail ou les conditions d’emploi, respectivement visées dans ces deux dispositions, comprennent ou non les conditions afférentes à des éléments tels que les rémunérations et les pensions en cause au principal.

109    À cet égard, le fait, souligné par le gouvernement du Royaume-Uni, qu’un certain nombre de dispositions de droit communautaire, telles que l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), telle que modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO L 269, p. 15), l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180, p. 22), ou encore l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16), mentionnent expressément que la notion de conditions d’emploi et de travail, à laquelle se réfèrent ces dispositions, englobe les rémunérations n’autorise pas à déduire de l’absence de mention en ce sens dans la clause 4 de l’accord-cadre que la notion de conditions d’emploi aux fins de l’application de cette clause ne concerne pas des aspects financiers tels que ceux en cause au principal.

110    Les termes de la clause 4 de l’accord-cadre ne permettant pas de trancher la question d’interprétation posée, il convient, conformément à une jurisprudence constante, de prendre en considération le contexte et les objectifs poursuivis par la réglementation dont cette clause fait partie (voir, notamment, arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, Rec. p. 3781, point 12; du 21 février 1984, St. Nikolaus Brennerei und Likörfabrik, 337/82, Rec. p. 1051, point 10; du 14 octobre 1999, Adidas, C‑223/98, Rec. p. I‑7081, point 23, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 21).

111    À cet égard, ainsi que la Cour l’a déjà relevé (arrêt Del Cerro Alonso, précité, point 36), il ressort des termes de la clause 1, sous a), de l’accord-cadre que l’un des objets de celui-ci est «d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination». De même, le préambule de l’accord-cadre précise, à son troisième alinéa, que cet accord-cadre «illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination». Le quatorzième considérant de la directive 1999/70 indique à cet effet que l’objectif de l’accord-cadre consiste, notamment, à améliorer la qualité du travail à durée déterminée en fixant des prescriptions minimales de nature à garantir l’application du principe de non-discrimination.

112    L’accord-cadre, en particulier sa clause 4, poursuit ainsi un but qui participe des objectifs fondamentaux inscrits à l’article 136, premier alinéa, CE de même qu’au troisième alinéa du préambule du traité et aux points 7 et 10, premier alinéa, de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs à laquelle renvoie la disposition susvisée du traité, et qui sont liés à l’amélioration des conditions de vie et de travail ainsi qu’à l’existence d’une protection sociale adéquate des travailleurs, en l’occurrence des travailleurs à durée déterminée.

113    Du reste, l’article 136, premier alinéa, CE, qui définit les objectifs en vue desquels le Conseil peut, dans les matières visées à l’article 137 CE, mettre en œuvre, conformément à l’article 139, paragraphe 2, CE, des accords conclus entre partenaires sociaux au niveau communautaire, renvoie à la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961, qui fait figurer, dans sa partie I, point 4, le droit de tous les travailleurs à une «rémunération équitable leur assurant, ainsi qu’à leurs familles, un niveau de vie satisfaisant» parmi les objectifs que les parties contractantes se sont engagées à atteindre, aux termes de l’article 20 figurant dans la partie III de cette charte.

114    Eu égard à ces objectifs, la clause 4 de l’accord-cadre doit être comprise comme exprimant un principe de droit social communautaire qui ne saurait être interprété de manière restrictive (voir arrêt Del Cerro Alonso, précité, point 38).

115    Ainsi que l’ont fait valoir tant Impact que la Commission, une interprétation de la clause 4 de l’accord-cadre qui exclurait catégoriquement de la notion de «conditions d’emploi» au sens de celle-ci les conditions financières, telles que celles relatives aux rémunérations et aux pensions, reviendrait à réduire, au mépris de l’objectif assigné à ladite clause, le champ de la protection accordée aux travailleurs concernés contre les discriminations, en introduisant une distinction, fondée sur la nature des conditions d’emploi, que les termes de cette clause ne suggèrent nullement.

116    Du reste, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 161 de ses conclusions, une telle interprétation conduirait à priver de sens la référence, faite à la clause 4, point 2, de l’accord-cadre, au principe du pro rata temporis, dont l’applicabilité ne se conçoit par définition qu’en présence de prestations divisibles, telles que celles découlant de conditions d’emploi financières, liées, par exemple, aux rémunérations et aux pensions.

117    Contrairement à ce qu’ont fait valoir l’Irlande et le gouvernement du Royaume-Uni, l’analyse qui précède n’est pas remise en cause par la jurisprudence développée par la Cour dans le domaine de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, selon laquelle les conditions de travail au sens de la directive 76/207, dans sa version antérieure à celle découlant de la directive 2002/73, n’englobent pas les rémunérations (voir, notamment, arrêts du 13 février 1996, Gillespie e.a., C‑342/93, Rec. p. I‑475, point 24; du 12 octobre 2004, Wippel, C‑313/02, Rec. p. I‑9483, points 29 à 33, et du 8 septembre 2005, McKenna, C‑191/03, Rec. p. I‑7631, point 30).

118    En effet, ladite jurisprudence s’explique par l’existence parallèle de l’article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et d’une directive propre à l’égalité de traitement des hommes et des femmes en matière des rémunérations, à savoir la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JO L 45, p. 19).

119    Eu égard à l’absence d’une telle dualité normative en ce qui concerne le principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée, aucun enseignement ne saurait être tiré de cette jurisprudence aux fins de l’interprétation de la notion de «conditions d’emploi» au sens de la clause 4 de l’accord-cadre.

120    S’agissant de l’objection de l’Irlande et du gouvernement du Royaume-Uni fondée sur l’article 137, paragraphe 5, CE, tel qu’il est interprété par l’arrêt du 1er décembre 2005, Dellas e.a. (C‑14/04, Rec. p. I‑10253, points 38 et 39), il convient de rappeler que la directive 1999/70 a été adoptée sur le fondement de l’article 139, paragraphe 2, CE, lequel renvoie à l’article 137 CE pour l’énumération des matières relevant de la compétence du Conseil aux fins, notamment, de la mise en œuvre d’accords conclus par les partenaires sociaux au niveau communautaire.

121    Selon les termes de l’article 137, paragraphe 5, CE, les dispositions de cet article «ne s’appliquent ni aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out».

122    Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, dès lors que le paragraphe 5 de l’article 137 CE constitue une disposition dérogatoire aux paragraphes 1 à 4 du même article, les matières réservées par ledit paragraphe doivent faire l’objet d’une interprétation stricte de nature à ne pas affecter indûment la portée desdits paragraphes 1 à 4, ni remettre en cause les objectifs poursuivis par l’article 136 CE (arrêt Del Cerro Alonso, précité, point 39).

123    En ce qui concerne plus particulièrement l’exception relative aux «rémunérations» énoncée à l’article 137, paragraphe 5, CE, celle-ci trouve sa raison d’être dans le fait que la fixation du niveau des rémunérations relève de l’autonomie contractuelle des partenaires sociaux à l’échelon national ainsi que de la compétence des États membres en la matière. Dans ces conditions, il a été jugé approprié, en l’état actuel du droit communautaire, d’exclure la détermination du niveau des salaires d’une harmonisation au titre des articles 136 CE et suivants (arrêt Del Cerro Alonso, précité, points 40 et 46).

124    Ainsi que l’a fait valoir la Commission, ladite exception doit par conséquent être comprise comme visant les mesures qui, telle une uniformisation de tout ou partie des éléments constitutifs des salaires et/ou de leur niveau dans les États membres ou encore l’instauration d’un salaire minimal communautaire, comporteraient une ingérence directe du droit communautaire dans la détermination des rémunérations au sein de la Communauté.

125    Elle ne saurait cependant s’étendre à toute question présentant un lien quelconque avec la rémunération, et ce sous peine de vider d’une grande partie de leur substance certains des domaines visés à l’article 137, paragraphe 1, CE [voir, en ce sens, arrêt Del Cerro Alonso, précité, point 41; voir également, dans le même sens, arrêt du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil (C‑84/94, Rec. p. I‑5755), sur la compétence du Conseil pour adopter, sur le fondement de l’article 118 A du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), la directive 93/104/CE, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), notamment l’article 7 de cette directive, relatif à l’octroi d’un congé annuel payé de quatre semaines].

126    Il s’ensuit que la réserve énoncée à l’article 137, paragraphe 5, CE ne fait pas obstacle à ce que la clause 4 de l’accord-cadre soit comprise comme prescrivant aux États membres l’obligation de garantir en faveur des travailleurs à durée déterminée l’application du principe de non-discrimination également en matière de rémunérations. Cette réserve ne saurait par conséquent empêcher des travailleurs tels que les demandeurs au principal de s’opposer, en excipant de l’effet direct de ladite clause 4, point 1, à l’application, en matière de rémunérations, d’un traitement qui, en dehors de toute justification objective, serait moins favorable que celui réservé à cet égard aux travailleurs à durée indéterminée comparables (voir, en ce sens, arrêt Del Cerro Alonso, précité, points 42 et 47).

127    Pour les motifs exposés aux points 43 à 45 de l’arrêt Del Cerro Alonso, précité, l’interprétation qui précède n’est aucunement incompatible avec les développements figurant aux points 38 et 39 de l’arrêt Dellas e.a., précité.

128    Lors de l’audience, le gouvernement du Royaume-Uni a soutenu qu’il est permis d’inférer de l’arrêt Del Cerro Alonso, précité, que le principe de non-discrimination énoncé par l’accord-cadre ne concerne que les éléments constitutifs de la rémunération, à l’exclusion du niveau de ceux-ci, que les instances nationales compétentes demeurent libres de fixer de manière différenciée pour les travailleurs à durée indéterminée et pour les travailleurs à durée déterminée.

129    Toutefois, s’il est vrai, ainsi qu’il ressort des points 40 et 46 de l’arrêt Del Cerro Alonso, précité, et qu’il a été rappelé aux points 123 et 124 du présent arrêt, que la détermination du niveau des divers éléments constitutifs de la rémunération d’un travailleur échappe à la compétence du législateur communautaire et demeure incontestablement du ressort des instances compétentes dans les différents États membres, il n’en demeure pas moins que, dans l’exercice de leur compétence dans les domaines ne relevant pas de celle de la Communauté, ces instances sont tenues au respect du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, C‑438/05, Rec. p. I-0000, point 40, et du 18 décembre 2007, Laval un Partneri, C‑341/05, Rec. p. I-0000, point 87), notamment de la clause 4 de l’accord-cadre.

130    Il s’ensuit que, dans la détermination tant des éléments constitutifs de la rémunération que du niveau de ces éléments, les instances nationales compétentes se doivent d’appliquer aux travailleurs à durée déterminée le principe de non-discrimination tel qu’il est consacré par la clause 4 de l’accord-cadre.

131    En ce qui concerne les pensions, il convient de préciser que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour rendue dans le contexte de l’article 119 du traité, puis, à compter du 1er mai 1999, dans celui de l’article 141 CE, articles relatifs au principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de rémunérations, relèvent de la notion de «rémunération» au sens de l’article 141, paragraphe 2, second alinéa, CE les pensions qui sont fonction de la relation d’emploi unissant le travailleur à l’employeur, à l’exclusion de celles découlant d’un système légal au financement duquel les travailleurs, les employeurs et, éventuellement, les pouvoirs publics contribuent dans une mesure qui est moins fonction d’une telle relation d’emploi que de considérations de politique sociale (voir, notamment, arrêts du 25 mai 1971, Defrenne, 80/70, Rec. p. 445, points 7 et 8; du 13 mai 1986, Bilka-Kaufhaus, 170/84, Rec. p. 1607, points 16 à 22; du 17 mai 1990, Barber, C‑262/88, Rec. p. I‑1889, points 22 à 28, ainsi que du 23 octobre 2003, Schönheit et Becker, C‑4/02 et C‑5/02, Rec. p. I‑12575, points 56 à 64).

132    Compte tenu de cette jurisprudence, il doit être considéré que relèvent de la notion de «conditions d’emploi» au sens de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre les pensions qui sont fonction d’un rapport d’emploi entre travailleur et employeur, à l’exclusion des pensions légales de sécurité sociale, qui sont moins fonction d’un tel rapport que de considérations d’ordre social.

133    Cette interprétation se trouve corroborée par l’indication figurant au cinquième alinéa du préambule de l’accord-cadre, selon laquelle les parties à ce dernier «reconnaiss[e]nt que les questions concernant les régimes légaux de sécurité sociale relèvent de la décision des États membres» et en appellent à ceux-ci pour concrétiser leur déclaration sur l’emploi du Conseil européen de Dublin de 1996, qui soulignait, notamment, la nécessité d’adapter les systèmes de sécurité sociale aux nouveaux modèles de travail afin d’offrir une protection sociale appropriée aux personnes engagées dans le cadre de tels modèles.

134    Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la cinquième question que la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens que les conditions d’emploi au sens de celle-ci englobent les conditions relatives aux rémunérations ainsi qu’aux pensions qui sont fonction de la relation d’emploi, à l’exclusion des conditions concernant les pensions découlant d’un régime légal de sécurité sociale.

 Sur les dépens

135    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Le droit communautaire, en particulier le principe d’effectivité, exigerait qu’une juridiction spécialisée, appelée, dans le cadre de la compétence qui lui a été conférée, serait-ce à titre facultatif, par la législation assurant la transposition de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, pour connaître d’une demande fondée sur une violation de cette législation, se déclare compétente pour connaître également des prétentions du demandeur directement fondées sur cette directive elle-même pour la période comprise entre la date d’expiration du délai de transposition de celle-ci et la date d’entrée en vigueur de ladite législation, s’il s’avérait que l’obligation pour ce demandeur de saisir, parallèlement, une juridiction ordinaire d’une demande distincte directement fondée sur ladite directive devait entraîner des inconvénients procéduraux de nature à rendre excessivement difficile l’exercice des droits qui lui sont conférés par l’ordre juridique communautaire. Il appartient à la juridiction nationale de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard.

2)      La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure à l’annexe de la directive 1999/70, est inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par un particulier devant un juge national. Tel n’est pas le cas, en revanche, de la clause 5, point 1, dudit accord-cadre.

3)      Les articles 10 CE et 249, troisième alinéa, CE ainsi que la directive 1999/70 doivent être interprétés en ce sens qu’une autorité d’un État membre agissant en qualité d’employeur public n’est pas autorisée à adopter des mesures, contraires à l’objectif poursuivi par ladite directive et l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée en ce qui concerne la prévention de l’utilisation abusive des contrats à durée déterminée, consistant à renouveler de tels contrats pour une durée inhabituellement longue au cours de la période comprise entre la date d’expiration du délai de transposition de cette directive et celle de l’entrée en vigueur de la loi assurant cette transposition.

4)      Dans la mesure où le droit national applicable comporte une règle excluant l’application rétroactive d’une loi à défaut d’indication claire et dépourvue d’ambiguïté en sens contraire, une juridiction nationale, saisie d’une demande fondée sur une violation d’une disposition de la loi nationale transposant la directive 1999/70, n’est tenue, en vertu du droit communautaire, de conférer à ladite disposition un effet rétroagissant à la date d’expiration du délai de transposition de cette directive que s’il existe, dans ce droit national, une indication de cette nature, susceptible de conférer à cette disposition un tel effet rétroactif.

5)      La clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée doit être interprétée en ce sens que les conditions d’emploi au sens de celle-ci englobent les conditions relatives aux rémunérations ainsi qu’aux pensions qui sont fonction de la relation d’emploi, à l’exclusion des conditions concernant les pensions découlant d’un régime légal de sécurité sociale.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.