Language of document : ECLI:EU:F:2009:103

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

10 septembre 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2005 – Légalité des instructions régissant la procédure de promotion – Consultation du comité du statut – Examen comparatif des mérites – Discrimination à l’encontre des représentants du personnel »

Dans l’affaire F‑47/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Joachim Behmer, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, initialement représenté par M. M. Mustapha Pacha, Mmes C. Burgos et R. Ignătescu, en qualité d’agents, puis par Mmes C. Burgos et R. Ignătescu, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. S. Van Raepenbusch, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 21 mai 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 22 mai suivant), M. Behmer demande notamment l’annulation de la décision du Parlement européen de ne pas le promouvoir au grade A*13 avec effet au 1er janvier 2005 au titre de l’exercice de promotion 2005 (ci-après la « décision de non-promotion 2005 »).

 Cadre juridique

2        L’article 1er quinquies, paragraphe 5, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« Dès lors qu’une personne relevant du présent statut, qui s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement tel que défini ci-dessus, établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l’institution de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement. […] »

3        L’article 24 ter du statut énonce :

« Les fonctionnaires jouissent du droit d’association ; ils peuvent notamment être membres d’organisations syndicales ou professionnelles de fonctionnaires européens. »

4        L’article 45, paragraphe 1, du statut dispose :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

5        L’article 110, paragraphe 1, du statut énonce :

« Les dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut. […] »

6        L’article 1er de l’annexe II du statut prévoit dans son dernier alinéa :

« Les fonctions assumées par les membres du comité du personnel et par les fonctionnaires siégeant par délégation du comité dans un organe statutaire ou créé par l’institution sont considérées comme parties des services qu’ils sont tenus d’assurer dans leur institution. L’intéressé ne peut subir de préjudice du fait de l’exercice de ces fonctions. »

7        Le 6 juillet 2005, le bureau du Parlement a adopté une décision relative à la politique de promotion et de programmation des carrières applicable à partir de l’exercice de notation 2004 et de l’exercice de promotion 2005 (ci-après la « décision portant politique de promotion »). Au titre A « Progression de la carrière au sein d’un même groupe de fonctions/catégorie », le point I intitulé « Principes », dispose :

« I.1 Mérite et progression de la carrière

Le mérite n’est pas une notion statique, mais un concept dynamique qui prend en compte la constance des efforts dans le temps. La notion de mérite recouvre, par exemple, la manière dont le fonctionnaire/agent s’acquitte des tâches qui lui sont confiées conformément à la description des fonctions contenue dans le rapport de notation, le niveau des services rendus, une mobilité réussie, le niveau de responsabilité exercée, la réalisation d’un projet ou d’une étude complexe ainsi que de travaux exceptionnels, l’expérience professionnelle dans un secteur donné, la capacité d’assumer davantage de responsabilités.

Le mérite d’un fonctionnaire/agent définit le rythme de progression de sa carrière.

L’institution assure, dans un souci d’égalité de traitement et des genres, à chaque fonctionnaire/agent méritant une progression régulière vers les grades supérieurs. Celle-ci se réalise selon un plan d’avancement de carrière qui s’inscrit dans la programmation budgétaire sur laquelle le système de promotion s’appuie.

I.2 Plan d’avancement de carrière

Le plan d’avancement de carrière détermine la durée moyenne dans chaque grade.

En application de l’article 6, paragraphes 1 et 2, du statut, le rythme moyen des promotions pour les fonctionnaires/agents d’un niveau de mérite suffisant correspond aux tableaux suivants, sous réserve des mesures transitoires prévues au point II :

Fonctionnaires

Grade

Durée moyenne dans le grade
- en années -

 

Assistants
(AST)

Administrateurs
(AD)

13

-

5

12

-

4

[…]

[…]

[…]

[…]

I.3       Évaluation du mérite

I.3.1       […]

I.3.2       Sans préjudice des dispositions statutaires relatives à la promotion, il existe pour chaque grade un nombre minimal de points de mérite ou ‘seuil de référence’ à partir duquel un fonctionnaire/agent sera d’office pris en considération dans le cadre de l’examen des promotions.

Ce seuil de référence est égal au nombre d’années de la ‘durée moyenne dans le grade’, tel qu’il figure dans le plan d’avancement de carrière […] multiplié par 2.

I.3.3      Le fait de ne pas avoir atteint le seuil de référence ne prive pas obligatoirement un fonctionnaire/agent promouvable de la promotion. Dans cette hypothèse, l’[autorité investie du pouvoir de nomination] saisit les comités de promotion d’une proposition de promotion n’entrant pas dans le cadre précité et la justifie sur la base du caractère exceptionnel de la notation et du mérite du fonctionnaire/agent par rapport au mérite des fonctionnaires/agents ayant atteint le seuil de référence.

[…] »

8        Le 25 juillet 2005, le secrétaire général du Parlement a adopté les mesures d’application relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion (ci-après les « mesures d’application »).

9        Le point II.2 des mesures d’application, intitulé « Seuil de référence », prévoit :

« a)      Le nombre minimal de points de mérite ou ‘seuil de référence’ à partir duquel un fonctionnaire/agent concerné par les plans d’avancement de carrière ci-dessus est pris d’office en considération pour une éventuelle promotion au sein de sa catégorie/son groupe de fonctions est égal au double du nombre d’années de la ‘durée moyenne dans le grade’.

b)      Sans préjudice des dispositions de l’article 45, paragraphe 1, du statut, le fait de n’avoir pas atteint le seuil de référence ne prive pas obligatoirement un fonctionnaire/agent promouvable de la promotion. Dans cette hypothèse, l’[autorité investie du pouvoir de nomination/autorité habilitée à conclure les contrats] devra justifier la promotion sur la base du caractère exceptionnel de la notation et du mérite du fonctionnaire/de l’agent, par rapport au mérite des fonctionnaires/agents ayant atteint le seuil de référence.

c)      Un fonctionnaire qui, tout en ayant une moyenne de points inférieure à 1, atteint ou dépasse le seuil de référence peut être promu lorsque le nombre d’années au cours desquelles il a obtenu au moins un point atteindra le double de celui fixé par le plan d’avancement de carrière pour atteindre le seuil de référence. Le [c]omité de promotion sera appelé à attacher une attention particulière à l’examen de ces dossiers.

[…] »

10      Au titre III des mesures d’application, intitulé « Mesures transitoires et dérogatoires », il est notamment indiqué :

« Les fonctionnaires [de grade AD 12 en fonction avant le 1er mai 2004] se verront attribuer des points de mérite à compter de l’exercice 2004. Or, en attendant qu’il soit possible d’établir pour ces populations un régime de promotion fondé sur les notions de durée moyenne dans le grade/seuil de référence, leur promotion se fera selon la procédure suivante :

–        le collège des notateurs de l’entité fonctionnelle à laquelle appartient le fonctionnaire, constitué uniquement de fonctionnaires ayant un grade supérieur à celui des fonctionnaires promouvables, procède à l’examen comparatif du mérite des promouvables sur [la] base de leurs points de mérite, d’une analyse globale de leurs prestations depuis leur dernière promotion en tenant compte de tout élément pertinent et après avoir entendu, le cas échéant, l’avis des précédents notateurs des fonctionnaires en question ;

–        la liste des fonctionnaires auxquels il est proposé qu’une promotion soit accordée est établie par le responsable de l’entité fonctionnelle et transmise au [s]ecrétaire général accompagnée d’une justification détaillée et basée sur l’examen dont [il est] question au tiret ci-dessus ;

–        l’ensemble des listes ainsi établies est examiné lors d’une réunion conjointe des responsables d’[entité] fonctionnelle en vue de l’établissement de la liste définitive des recommandations, laquelle est transmise aux comités de promotion[…] correspondants, qui communiquent leurs avis selon les procédures habituelles ;

–        la décision finale est arrêtée par l’[autorité investie du pouvoir de nomination], la liste des fonctionnaires promus étant rendue publique.

[…] »

11      L’article 17 de l’accord-cadre du 12 juillet 1990 conclu entre le Parlement et les organisations syndicales ou professionnelles du personnel (ci-après l’« accord-cadre »), énonce :

« L’appartenance à une organisation syndicale ou professionnelle, la participation à une activité syndicale ou l’exercice d’un mandat ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, porter préjudice à la situation professionnelle ou au déroulement de la carrière des intéressés. »

 Faits à l’origine du litige

12      Le requérant est entré en service auprès de la Commission des Communautés européennes le 1er janvier 1987 en tant que fonctionnaire stagiaire de grade LA 7.

13      Lauréat d’un concours interne, il a été transféré au Parlement à un poste de traducteur principal (grade LA 5), le 1er mai 1989.

14      Le 1er janvier 1994, le requérant a été promu au grade LA 4.

15      Lors du décloisonnement du cadre linguistique, lequel a permis aux fonctionnaires dudit cadre d’accéder par voie de mutation aux postes de l’ancienne catégorie A, le requérant a été nommé administrateur principal à la direction générale (DG) « Information », le 15 juillet 2001, avec classement au grade A 4.

16      Depuis 1996, le requérant est coordinateur du comité intersyndical au sein du Parlement. Après avoir occupé d’autres fonctions au sein du syndicat « Union syndicale Luxembourg » et en avoir été le président de 1996 à 2001, il en est également, depuis cette date, le vice-président.

17      Suite à l’entrée en vigueur de la réforme du statut le 1er mai 2004, le requérant a été reclassé au grade dénommé A*12, renommé, le 1er mai 2006, AD 12.

18      Le 21 septembre 2005, le requérant s’est vu proposer l’attribution de deux points de mérite au titre de l’exercice de notation 2004 (ci-après la « proposition d’attribution de points »).

19      Le 23 septembre 2005, le requérant a saisi le comité des rapports pour contester la proposition d’attribution de points.

20      Le 18 janvier 2006, le comité des rapports a conclu que l’attribution d’un troisième point de mérite au requérant serait justifiée.

21      Le 9 mars 2006, le directeur général de la DG « Information » a décidé, après avoir consulté le comité des rapports, d’attribuer deux points de mérite au requérant au titre de l’exercice de notation 2004 (ci-après la « décision d’attribution de points 2004 »).

22      Le 21 mars 2006, la décision d’attribution de points 2004 a été notifiée au requérant.

23      Le 19 juin 2006, le requérant a introduit une réclamation contre la décision d’attribution de points 2004.

24      Le 18 janvier 2007, le secrétaire général du Parlement a fait droit à la réclamation formée par le requérant à l’encontre de la décision d’attribution de points 2004 et a retiré ladite décision, ayant constaté « que le point I.6 des [m]esures d’application […] n’avait pas été respecté, la décision contestée du 9 mars 2006, qui s’écarte de l’avis n° 133/2005 du [c]omité des rapports, n’ayant pas été motivée par [l’autorité investie du pouvoir de nomination] ».

25      Le 4 juin 2007, le directeur général de la DG « Information » a adopté une nouvelle décision d’attribution des points de mérite au titre de l’exercice 2004, qui remplace celle du 9 mars 2006 (ci-après la « deuxième décision d’attribution de points 2004 »). Dans la note jointe à cette décision, il est indiqué que : « [t]el que demandé par le [s]ecrétaire général, nous avons repris la procédure d’adoption de la décision définitive d’attribution de vos points de mérite[ ;] […] [i]l ressort d’un examen comparatif attentif et minutieux que votre rapport de notation n’est pas équivalent à celui des fonctionnaires ayant reçu un troisième point qui ont tous, en fonction, de leur grade et de leur niveau de responsabilités, fait preuve de mérites exceptionnels, quel que soit leur service d’affectation ».

26      En parallèle à la procédure d’attribution des points de mérite, la liste des fonctionnaires promouvables, du grade A*12 vers le grade A*13, au 1er janvier 2005 au titre de l’exercice de promotion 2005 a été publiée le 19 octobre 2005.

27      Lors de sa réunion du 7 mars 2006, le comité consultatif de promotion a établi, par ordre de mérite, une liste des fonctionnaires à recommander à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») pour une promotion vers le grade A*13 au titre de l’exercice de promotion 2005. Le requérant ne figurait pas sur cette liste.

28      Le 14 juin 2006, la liste des fonctionnaires promus au grade A*13 au titre de l’exercice de promotion 2005 a été adressée par courriel à l’ensemble du personnel.

29      Par lettre du 14 septembre 2006, enregistrée le lendemain au courrier officiel du Parlement, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de non-promotion 2005.

30      Par lettre en date du 9 février 2007, dont le requérant indique avoir pris connaissance le 12 février 2007, le président du Parlement a rejeté la réclamation introduite contre la décision de non-promotion 2005.

31      Le 24 avril 2007, le requérant a demandé le réexamen de sa situation concernant la décision de non-promotion 2005.

32      Par courriel du 8 mai 2007 et lettre du 9 mai 2007, le président du Parlement a informé le requérant qu’aucun élément nouveau ne justifiait le réexamen de son dossier.

 Conclusions des parties et procédure

33      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer illégales la décision portant politique de promotion ainsi que les mesures d’application ;

–        annuler la décision de non-promotion 2005 ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

34      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours non fondé ;

–        décider sur les dépens comme de droit.

35      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 4 juin 2008, les affaires F‑47/07, F‑124/07 et F‑16/08, Behmer/Parlement, ont été jointes aux fins de la procédure orale.

36      Par voie de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité le requérant à répondre aux observations formulées par le Parlement dans son mémoire en défense. Le requérant s’est exécuté en faisant parvenir ses observations écrites par télécopie au greffe du Tribunal, le 4 décembre 2008. Le Tribunal a demandé au Parlement, lors de l’audience, si celui-ci souhaitait répondre par écrit aux observations du requérant. Le Parlement a indiqué souhaiter répondre oralement à l’audience.

37      Le Tribunal, dans le cadre de ces mêmes mesures d’organisation de la procédure, a demandé aux parties certaines précisions et compléments d’information ainsi que la production de documents. Les parties ont déféré à ces demandes en faisant parvenir leurs réponses au greffe du Tribunal par télécopie les 4 et 8 décembre 2008, pour le requérant et le 4 décembre 2008 pour le Parlement.

38      Par lettre du 13 janvier 2009, les parties ont été informées de la clôture de la procédure orale.

 En droit

1.     Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal dise pour droit que la décision portant politique de promotion ainsi que les mesures d’application sont illégales

39      Il y a lieu de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut, de faire des déclarations en droit (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, points 8 et 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 3 mars 1993, Peroulakis/Commission, T‑69/91, Rec. p. II‑185, point 14 ; du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 13, et du 16 mai 2006, Magone/Commission, T‑73/05, RecFP p. I‑A‑2‑107 et II‑A‑2‑485, point 15).

40      Il s’ensuit que sont irrecevables les conclusions du requérant tendant à ce que le Tribunal dise pour droit que sont illégales la décision portant politique de promotion et les mesures d’application.

2.     Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de non-promotion 2005

41      Au soutien de son recours, le requérant avance trois moyens, tirés :

–        premièrement, de la violation des articles 45 et 110, paragraphe 1, du statut et d’une exception d’illégalité à l’encontre de la décision portant politique de promotion ;

–        deuxièmement, de la violation de l’article 45 du statut, des principes de vocation à la carrière et d’égalité de traitement, ainsi que de l’obligation de motivation et de l’erreur manifeste d’appréciation ;

–        troisièmement, de la violation des articles 1er quinquies et 24 ter du statut, de l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut, du principe de non-discrimination et de l’article 17 de l’accord-cadre.

 Concernant le premier moyen, tiré de la violation des articles 45 et 110, paragraphe 1, du statut et d’une exception d’illégalité à l’encontre de la décision portant politique de promotion

42      Le premier moyen peut, en substance, être subdivisé en deux branches.

43      Dans la première branche, les écrits du requérant doivent être regardés comme soulevant une exception d’illégalité à l’égard de la décision portant politique de promotion pour violation des articles 45 et 110, paragraphe 1, du statut.

44      Dans la deuxième branche, le requérant soulève en substance une exception d’illégalité à l’égard de la décision portant politique de promotion en ce que la réforme du régime de promotion opérée par cette décision conduirait, d’une part, à une discrimination à l’égard des fonctionnaires promouvables disposant d’une ancienneté de grade élevée et, d’autre part, à une violation du principe de confiance légitime.

 En ce qui concerne la première branche du premier moyen, tirée de l’illégalité de la décision portant politique de promotion pour violation des articles 45 et 110, paragraphe 1, du statut

–       Arguments des parties

45      Selon le requérant la décision portant politique de promotion et les mesures d’application auraient, malgré leur dénomination, la portée de « dispositions générales d’exécution » (ci-après les « DGE ») de sorte que le comité du statut aurait dû être consulté pour leur adoption.

46      En défense, le Parlement relève, à titre liminaire, que, dans le titre de son moyen, le requérant indique uniquement attaquer la légalité de la décision portant politique de promotion mais que, dans son argumentation, il se réfère uniquement aux mesures d’application. Sur le fond, le Parlement considère que ni la décision portant politique de promotion, ni les mesures d’application ne constituent des DGE.

–       Appréciation du Tribunal

47      Eu égard aux arguments des parties, il convient de vérifier si la décision portant politique de promotion et les mesures d’application constituent des DGE au sens de l’article 110 du statut. À cet égard il ressort de la jurisprudence que l’expression « les dispositions générales d’exécution » figurant à l’article 110 du statut, vise en premier lieu les mesures d’application expressément prévues par certaines dispositions spéciales du statut et que, à défaut de stipulation expresse, l’obligation d’édicter des mesures d’exécution soumises aux conditions formelles dudit article ne saurait être admise qu’à titre exceptionnel, à savoir lorsque les dispositions du statut manquent de clarté et de précision à un point tel qu’elles ne se prêtent pas à une application dépourvue d’arbitraire (voir en ce sens, arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Rauch/Commission, 16/64, Rec. p. 179, 193, et du 8 juillet 1965, Prakash/Commission, 19/63 et 65/63, Rec. p. 677, 695 ; arrêt du Tribunal de première instance du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T‑156/95, RecFP p. I‑A‑171 et II‑509, point 53).

48      Or, force est de constater, d’une part, que les dispositions de l’article 45 du statut, paragraphe 1, ne prévoient pas expressément l’obligation que soient adoptées des dispositions générales d’exécution au sens de l’article 110. D’autre part, lesdites dispositions sont suffisamment précises pour se prêter à une application non arbitraire, même en l’absence de dispositions exécutives formelles. Dans ces conditions, il n’y avait aucune obligation pour le Parlement de soumettre l’adoption des mesures internes en cause aux formalités prévues par l’article 110 du statut (voir arrêts Rauch/Commission, précité, Prakash/Commission, précité; Echauz Brigaldi e.a./Commission, précité, point 53).

49      Partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée, sans qu’il soit nécessaire de déterminer précisément à l’égard de quelle mesure interne le requérant entendait soulever une exception d’illégalité.

 En ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’illégalité de la décision portant politique de promotion pour violation du principe d’égalité de traitement et de confiance légitime

–       Arguments des parties

50      Le requérant relève que l’adoption de la décision portant politique de promotion a réformé le régime de promotion et ceci au détriment des fonctionnaires qui, comme lui, ont une ancienneté de grade élevée. En effet, le passage d’une analyse chiffrée des points obtenus et des rapports de notation à un examen comparatif du mérite des fonctionnaires promouvables constituerait, selon le requérant, une remise en cause de l’appréciation de ses mérites qui avait déjà été opérée lors des exercices de promotion précédents. À ce titre, le requérant indique en substance que ces mesures porteraient atteinte aux principes d’égalité de traitement et de confiance légitime. Dans ses écrits, le requérant considère que pour ces mêmes raisons, le nouveau régime de promotion violerait également le principe de sécurité juridique, le requérant employant cependant cette notion dans un sens proche de celui de confiance légitime. Enfin, le requérant affirme que, en raison de l’entrée en vigueur de la réforme du statut, les fonctionnaires AD 12 ne seraient plus considérés comme étant en fin de carrière, ce qui constituerait une discrimination à son endroit.

51      En défense, le Parlement relève que les arguments tirés de la violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique ne sont pas suffisamment développés pour qu’il puisse y répondre utilement. Sur le fond, il estime qu’il est libre de choisir la méthode qui lui convient pour procéder à l’examen comparatif des mérites au sens de l’article 45 du statut.

–       Appréciation du Tribunal

52      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le pouvoir réglementaire est libre d’apporter à tout moment les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt du service et ceci même lorsque les dispositions introduites sont moins favorables aux fonctionnaires, à condition toutefois que soient sauvegardés les droits régulièrement acquis par les fonctionnaires ou agents et que les personnes spécifiquement concernées par la réglementation nouvelle soient traitées de manière identique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 mars 1975, Gillet/Commission, 28/74, Rec. p. 463, points 5 et 6 ; arrêts du Tribunal de première instance du 30 septembre 1998, Ryan/Cour des comptes, T‑121/97, Rec. p. II‑3885, points 98 et 104, ainsi que du 18 septembre 2008, Angé Serrano e.a./Parlement, T‑47/05, RecFP p. I‑A‑2‑0000 et II‑A‑2‑0000, point 107, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant la Cour, affaire C‑496/08 P ; arrêts du Tribunal du 19 octobre 2006, De Smedt/Commission, F‑59/05, RecFP p. I‑A‑1‑109 et II‑A‑1‑409, point 71, et du 24 avril 2008, Dalmasso/Commission, F‑61/05, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 78).

53      En conséquence, le requérant ne saurait invoquer une violation du principe de sécurité juridique lorsque l’administration modifie le régime de promotion, sachant, premièrement, que cette dernière a pu légitimement estimer qu’il était dans l’intérêt du service de modifier ce régime, deuxièmement, que la réforme dudit régime ne modifie pas les principes directeurs concernant entre autres les critères, la procédure et la transparence applicables à l’exercice de promotion des fonctionnaires au sein du Parlement et ainsi ne porte pas atteinte aux droits ayant pu être déjà régulièrement acquis en matière de promotion, et que, troisièmement, tous les fonctionnaires A*12 ont été traités d’une manière identique.

54      Par ailleurs, dès lors que le passage d’un régime de promotion à un autre est légal, le requérant ne saurait reprocher à l’administration d’avoir violé le principe d’égalité de traitement lorsqu’elle a réformé le régime de promotion au motif que les modifications intervenues l’auraient été au détriment des fonctionnaires disposant d’une ancienneté de grade élevée.

55      De plus, il y a lieu de faire observer que le droit d’invoquer le principe de protection de la confiance légitime s’étend aux particuliers se trouvant dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire a fait naître dans leur chef des espérances fondées (arrêt de la Cour du 19 mai 1983, Mavridis/Parlement, 289/81, Rec. p. 1731, point 21). En revanche, aucun fonctionnaire ne peut invoquer une violation du principe de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du Tribunal de première instance du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T‑123/89, Rec. p. II‑131, point 25, et du 30 novembre 1994, Dornonville de la Cour/Commission, T‑498/93, RecFP p. I‑A‑257 et II‑813, point 46).

56      En l’absence d’engagement de l’administration de maintenir en l’état l’ancien régime de promotion, le requérant ne saurait donc en l’espèce se prévaloir du principe de confiance légitime pour s’opposer à la réforme dudit régime (voir, notamment en ce sens, arrêt Angé Serrano e.a./Parlement, précité, point 121).

57      La légalité de la réforme du régime de promotion n’est pas remise en cause par l’allégation selon laquelle le requérant aurait subi un préjudice du fait qu’il n’aurait plus été considéré comme étant en fin de carrière, puisqu’il ne fournit aucune explication permettant au Tribunal d’apprécier le bien-fondé du grief alors que, bien au contraire, la réforme du régime de promotion a rendu possible pour ce dernier l’accès à un grade nouvellement créé, le grade AD 13.

58      Partant et sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa recevabilité, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

59      Aucune des deux branches du moyen n’étant fondée, le premier moyen doit être rejeté.

 Concernant le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 45 du statut, des principes de vocation à la carrière et d’égalité de traitement, ainsi que de l’obligation de motivation et de l’erreur manifeste d’appréciation

60      Le moyen peut être divisé en deux branches, qui seront examinées successivement.

61      Dans la première branche, le requérant affirme que l’examen comparatif de ses mérites aurait été effectué par l’AIPN en violation de l’article 45 du statut et des principes de vocation à la carrière et d’égalité de traitement, et qu’il aurait été également entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

62      Dans la deuxième branche, le requérant invoque une violation de l’obligation de motivation.

 En ce qui concerne la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 45 du statut et des principes de vocation à la carrière et d’égalité de traitement ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

63      En premier lieu, le requérant estime en substance que l’administration aurait violé l’article 45 du statut en ce que la décision de non-promotion 2005 serait illégale car se fondant sur une décision d’attribution de points 2004 ayant été, par la suite, retirée.

64      En outre, le requérant relève que dans le mémoire en défense du Parlement, il est indiqué que, lors de sa réunion du 7 mars 2006, le comité consultatif de promotion aurait eu à sa disposition ladite décision d’attribution de points 2004, laquelle sera par la suite retirée. Il estime cependant que cette affirmation est nécessairement inexacte puisque ladite décision n’a été formellement adoptée que le 9 mars.

65      En deuxième lieu, le requérant estime que l’administration a commis une erreur d’appréciation en promouvant des fonctionnaires ayant obtenu trois ou, comme lui, deux points de mérite, mais qui ne pouvaient pas se prévaloir de la même « constance des efforts dans le temps » dès lors qu’ils auraient une ancienneté de grade inférieure à la sienne. Plus généralement, le requérant affirme que l’administration n’aurait pas tenu compte de la « constance des efforts dans le temps » des fonctionnaires pour décider des promotions comme elle aurait dû le faire en vertu de la décision portant politique de promotion, en ce qu’elle n’a pas utilisé comme critère pour départager les fonctionnaires les plus méritants, leur ancienneté dans le grade.

66      En outre, le requérant relève l’existence d’une erreur dans la liste transmise au comité consultatif de promotion des promouvables classés par points de mérite attribués et par ancienneté en ce que son ancienneté dans le grade y a été mentionnée comme remontant à 2001, date à laquelle il a bénéficié d’une mesure prise dans le cadre du décloisonnement du cadre linguistique, et non à 1994, date de sa dernière promotion. Le requérant souligne à ce sujet que le directeur général de la DG « Information », au sein de laquelle il travaille, aurait reconnu, dans une note du 3 décembre 2005, que la fixation de l’ancienneté de l’intéressé aurait été erronément fixée à 2001 et aurait demandé à ses services de la corriger.

67      En troisième lieu, le requérant affirme que le comité consultatif de promotion n’a pas procédé à l’examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires promouvables, mais uniquement à celui des fonctionnaires recommandés par leur direction générale respective. Pour soutenir sa thèse, le requérant s’est notamment référé lors de l’audience aux réponses du Parlement aux mesures d’organisation de la procédure, où ce dernier aurait reconnu cet état de fait.

68      En dernier lieu, le requérant reproche, dans ses écrits, à l’administration de ne pas avoir pris en compte, au même niveau que les rapports de notation, l’utilisation de langues autres que celle dont les fonctionnaires ont justifié posséder une connaissance approfondie, lui-même connaissant huit langues communautaires, ainsi que, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées, notamment par certains des fonctionnaires promus.

69      En défense, le Parlement considère qu’il n’y avait pas de raison de réexaminer la décision de non-promotion 2005. Selon lui, ce n’est que dans l’hypothèse où la deuxième décision d’attribution de points 2004 se serait écartée de la proposition initiale en décidant de lui attribuer trois points de mérite au lieu des deux pris en compte par le comité consultatif de promotion qu’il eût été nécessaire de retirer la décision de non-promotion 2005. Pour justifier son affirmation selon laquelle le comité consultatif de promotion disposait, le 7 mars 2006, du nombre de points de mérite attribué au requérant alors que cette décision n’a été formellement adoptée que le 9 mars, le Parlement affirme que la décision globale d’attribution des points de mérite aurait été en substance adoptée le 2 mars 2006. Il en déduit que le comité consultatif de promotion savait, lorsqu’il s’est réuni le 7 mars suivant, combien de points allaient être attribués au requérant.

70      Concernant le deuxième grief, le Parlement rappelle que l’appréciation des mérites des fonctionnaires promouvables constitue le critère déterminant de toute promotion et que ce ne serait qu’à titre subsidiaire que l’AIPN pourrait prendre en considération l’ancienneté des candidats dans le grade. Partant, il estime que les fonctionnaires les plus méritants, bien qu’ayant une ancienneté inférieure à celle du requérant, devaient malgré tout être promus.

71      Lors de l’audience, le Parlement a cependant admis que le point de départ de l’ancienneté du requérant prise en considération a été erronément fixé à 2001, date à laquelle l’intéressé a bénéficié d’une mesure prise dans le cadre du décloisonnement du cadre linguistique, au lieu de 1994, date de sa dernière promotion, mais considère que cette erreur aurait été sans conséquence, car de nombreux autres fonctionnaires, ayant obtenu comme lui deux points de mérite, disposaient d’une ancienneté supérieure à la sienne.

72      Concernant le troisième grief, le Parlement a admis, lors de l’audience, que le comité consultatif de promotion s’était fondé pour ses travaux sur les listes de propositions des directions générales, mais estime que ledit comité pouvait procéder ainsi car le mérite de tous les fonctionnaires avait déjà été comparé lors des phases antérieures de la procédure et que le comité disposait des informations relatives aux appréciations comparatives qui ont été ainsi opérées. Il ajoute que cette méthode de sélection aurait été nécessaire afin de sélectionner uniquement 25 fonctionnaires promus parmi les 403 fonctionnaires promouvables ayant une ancienneté importante.

73      Par ailleurs, le Parlement souligne que l’avis du comité consultatif de promotion n’a pas toujours été repris par le secrétaire général, sous-entendant ainsi que la procédure suivie par le comité consultatif de promotion ne serait pas déterminante pour caractériser une éventuelle erreur manifeste d’appréciation au stade de la décision de promotion.

74      Enfin, concernant le dernier grief, le Parlement affirme que l’utilisation des langues par le requérant dans l’exercice de ses fonctions a bien été prise en compte. Il observe que des commentaires factuels ainsi que la description des tâches effectuées par le requérant tels que figurant dans le rapport de notation indiquaient nettement que l’intéressé utilisait, dans ses fonctions, des langues autres que celle dont il avait justifié avoir une connaissance approfondie. Le Parlement ajoute que les fiches de synthèse élaborées par la DG « Information » en vue de la promotion des fonctionnaires A*12 mentionnaient également des informations relatives à ce sujet.

–       Appréciation du Tribunal

75      En premier lieu, le requérant qui a introduit son recours avant que l’administration n’ait adopté de décision d’attribution de points 2004 en remplacement de la décision attaquée, estime que le retrait de la décision d’attribution de points 2004 impliquait nécessairement l’annulation de la décision de non-promotion 2005 dès lors que celle-ci avait été prise sur le fondement de la décision retirée.

76      À cet égard, il y a lieu de relever que selon une jurisprudence constante concernant l’articulation chronologique de la notation et de la promotion, pertinente par analogie, l’AIPN n’a pas l’obligation de reporter la publication de la liste des fonctionnaires promus lorsque la décision d’attribution des points de mérite de l’un des candidats n’est pas encore définitive. En effet, la circonstance que l’AIPN adopte ses décisions de promotion sans disposer de toutes les décisions d’attribution des points de mérite, ne constitue pas en soi une irrégularité. (voir notamment, par analogie, arrêts de la Cour du 27 janvier 1983, List/Commission, 263/81, Rec. p. 103, point 27, du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C‑68/91 P, Rec. p. I‑6849, point 17, arrêts du Tribunal de première instance du 5 octobre 2000, Rappe/Commission, T‑202/99, RecFP p. I‑A‑201 et II‑911, point 39, et du 15 novembre 2001, Sebastiani/Commission, T‑194/99, RecFP p. I‑A‑215 et II‑991, points 44 et suivants). Ce n’est que lorsque l’absence de la décision définitive est due à un retard substantiel imputable uniquement à l’administration qu’une irrégularité peut être constatée (voir, notamment, arrêt Sebastiani/Commission, précité, point 46).

77      À la lumière de cette jurisprudence, il y a lieu de rechercher si, en l’espèce, la nouvelle décision d’attribution des points de mérite qui s’est substituée à celle initialement adoptée, est intervenue à la suite d’un retard substantiel imputable uniquement à l’administration.

78      Il ressort du dossier que, lorsque le requérant a introduit son recours, aucune décision définitive d’attribution des points n’avait été adoptée. Il y a lieu de rappeler que la première décision d’attribution de points 2004 avait été prise le 9 mars 2006 et que le requérant a ensuite introduit une réclamation le 19 juin 2006. Le 18 janvier 2007, le secrétaire général du Parlement a retiré la décision d’attribution de points 2004. Le 4 juin 2007, le directeur général de la DG « Information » a adopté une nouvelle décision d’attribution de points 2004.

79      Au vu de ces circonstances, il y a lieu d’abord de relever que le temps pris pour l’adoption de la décision définitive d’attribution des points, s’explique par le fait de l’introduction d’une réclamation par le requérant le 19 juin 2006.

80      Ensuite, en tenant compte de ce que le requérant a introduit la réclamation presque trois mois après l’adoption de la décision d’attribution des points, du délai total de sept mois prévu par l’article 90 du statut pour l’introduction d’une réclamation et pour son examen par l’administration ainsi que de ce que l’administration a adopté une nouvelle décision d’attribution cinq mois après la décision du secrétaire générale de retirer la décision initiale, sachant que le statut ne prévoit pas de délai pour adopter un nouvel acte lorsqu’un premier acte a été retiré, il n’y a pas lieu de constater l’existence d’un retard substantiel imputable uniquement à l’administration pour l’adoption de la décision définitive d’attribution des points de mérite 2004. En conséquence, la décision de promotion 2005 n’est pas entachée d’une irrégularité.

81      Par ailleurs, le requérant observe que contrairement aux affirmations du Parlement, le comité consultatif de promotion ne pouvait avoir disposé lors de sa réunion du 7 mars 2006 de la décision d’attribution de points 2004, laquelle sera par la suite retirée, puisque cette dernière n’a été formellement adoptée que le 9 mars 2006.

82      À cet égard, il y a lieu de constater que le comité disposait néanmoins de la proposition d’attribution de points au requérant au titre de 2004 et que dans une telle situation le comité rend son avis sous réserve de la décision définitive d’attribution des points de mérite. Par conséquent, la circonstance selon laquelle le comité consultatif de promotion ne pouvait disposer de la décision d’attribution de points 2004, n’a pas entaché la décision de non-promotion d’une irrégularité.

83      En deuxième lieu, le requérant reproche à l’administration d’avoir commis une erreur d’appréciation en promouvant des fonctionnaires ayant obtenu, comme lui, deux points de mérite, mais qui ne pouvaient pas se prévaloir de la même « constance des efforts dans le temps » dès lors qu’ils auraient une ancienneté dans le grade inférieure à la sienne. Plus généralement, le requérant affirme que l’administration n’aurait pas tenu compte de la « constance des efforts dans le temps » des fonctionnaires pour décider des promotions comme elle aurait dû le faire en vertu de la décision portant politique de promotion, en ce qu’elle n’a pas utilisé comme critère pour départager les fonctionnaires les plus méritants, leur ancienneté dans le grade.

84      À cet égard, il convient de relever que l’ancienneté dans le grade ne figure pas parmi les critères visés à l’article 45 du statut pour déterminer lesquels parmi les fonctionnaires doivent être promus et que, selon la jurisprudence, un tel critère n’intervient que de façon subsidiaire (arrêt du Tribunal de première instance du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑609, point 42, et la jurisprudence citée). Partant, la circonstance selon laquelle des fonctionnaires ayant obtenu, comme le requérant, deux points de mérite tout en ayant une ancienneté dans le grade inférieure ont pu être promus n’est pas susceptible de caractériser l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que l’administration a pu estimer que l’application d’autres critères justifiait leur promotion.

85      En ce qui concerne les allégations plus générales du requérant selon lesquelles la « constance des efforts dans le temps » n’aurait pas été prise en compte et, à travers cette notion, l’ancienneté dans le grade des fonctionnaires, il y a lieu de relever que la prise en compte de cet élément ne signifie pas qu’il faille prendre en considération tout le parcours professionnel d’un fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 septembre 2009, Behmer/Parlement, F‑124/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, points 106 à 110).

86      En troisième lieu, le requérant affirme que le comité consultatif de promotion n’aurait pas procédé à l’examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires promouvables, mais uniquement à celui des fonctionnaires recommandés par leurs directions générales d’appartenance.

87      Il y a toutefois lieu de relever que les dispositions de l’article 45 du statut ne s’imposent qu’à l’égard de l’AIPN, lorsqu’elle adopte sa décision de promotion, et non à l’égard du comité consultatif de promotion lorsqu’il rend son avis. Par contre, le titre III des mesures d’application prévoit expressément que, s’agissant des fonctionnaires de grade AD 12 qui, comme le requérant, étaient déjà en fonction avant le 1er mai 2004, le comité rende son avis sur la base d’une liste de recommandations établies par les responsables d’entités fonctionnelles. En conséquence, le comité consultatif de promotion n’a pas commis d’erreur de droit en fondant ses travaux sur les recommandations émises par les directions générales.

88      En dernier lieu, le requérant reproche à l’administration de ne pas avoir pris en compte, ou du moins pas comme critère principal, l’utilisation de langues autres que celle dont les fonctionnaires ont justifié avoir une connaissance approfondie.

89      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), la requête doit contenir tous les moyens et les arguments de fait et de droit invoqués. Or, en l’espèce, ce n’est qu’au stade de son mémoire en réplique que le requérant a mentionné son argument tiré de l’absence de prise en compte de l’utilisation des langues, sans le développer. Partant, ce grief doit être rejeté comme irrecevable.

90      Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 En ce qui concerne la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

91      Le requérant invoque une violation de l’obligation de motivation. Il ajoute dans son mémoire en réplique, que la motivation de la décision de promotion ne ferait pas état de la manière dont sa connaissance de huit langues a été prise en considération.

92      Dans son mémoire en défense, le Parlement estime que la branche du moyen ne se fonde sur aucun développement ou précision, de sorte qu’il ne serait pas en mesure d’y répliquer. Il en conclut que la branche du moyen serait irrecevable.

–       Appréciation du Tribunal

93      Le requérant indique dans sa requête invoquer une violation de l’obligation de motivation. Toutefois, il y a lieu de constater que le requérant ne fournit aucun élément au soutien de la branche du deuxième moyen, relative à une telle violation. Par principe, l’absence d’indication concernant les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours se fonde entraîne son irrecevabilité (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal de première instance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49 ; arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 29 ; ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2007, Mascheroni/Commission, F‑63/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 52). Toutefois, l’obligation de motivation ayant notamment pour objet de permettre au Tribunal d’exercer son contrôle, il y a lieu de rechercher d’office si le Parlement a satisfait à l’obligation de motiver sa décision (voir arrêt de la Cour du 1er juillet 1986, Usinor/Commission, 185/85, Rec. p. 2079, point 19 ; arrêt du Tribunal de première instance du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, RecFP p. I‑A‑2‑195 et II‑A‑2‑999, point 31 ; arrêt du Tribunal du 6 mars 2008, Skareby/Commission, F‑46/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 96, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de première instance, affaire T-193/08 P).

94      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 45 du statut n’exige pas la motivation des décisions de promotion en ce qui concerne les candidats non promus. Toutefois si l’AIPN n’est pas dans l’obligation de motiver les décisions de promotion à l’égard des candidats non promus, elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation déposée en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par un candidat non promu (arrêt de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, point 13), la motivation de la décision rejetant la réclamation étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (voir arrêt de la Cour du 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec. p. 1971, point 12 ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Barbin/Parlement, F‑81/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 27).

95      En l’espèce, il y a lieu de constater que le président du Parlement a indiqué dans sa décision portant rejet de la réclamation du requérant, que les mérites de celui-ci n’étaient pas suffisants pour justifier sa promotion en ce que « les responsabilités exercées par [l]es fonctionnaires [ayant été promus] étant indéniablement supérieures ».

96      Il s’ensuit que, conformément aux exigences posées par la jurisprudence en matière de promotion (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Barbin/Parlement, F‑44/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 35), les éléments mentionnés dans le rejet de la réclamation ont pu permettre au requérant de déduire les motifs de la décision de non-promotion 2005 et d’exercer le recours nécessaire à la défense de ses droits et intérêts. Ils rendent en outre possible le contrôle de légalité du Tribunal sur cette décision.

97      Concernant plus spécifiquement l’allégation du requérant selon laquelle la motivation de la décision de non-promotion 2005 ne ferait pas état de la manière dont sa connaissance de huit langues aurait été prise en considération, il convient de faire observer que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation a pour objet, d’une part, de permettre au requérant d’apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (arrêt du 8 octobre 2008, Barbin/Parlement, F‑44/07, précité, point 35). Partant, l’administration n’est pas tenue d’indiquer comment elle a apprécié chacun des critères l’ayant conduite à adopter une décision, dès lors que ladite décision est suffisamment motivée eu égard aux exigences précitées, posées par la jurisprudence.

98      En conséquence la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation doit être rejetée comme étant non fondée.

99      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des articles 1er quinquies et 24 ter du statut et de l’article 1er, sixième alinéa, de son annexe II, ainsi que du principe de non-discrimination et de l’article 17 de l’accord-cadre

 Arguments des parties

100    En substance, le requérant sous-entend que la décision de non-promotion 2005 serait la conséquence de ses activités de représentation du personnel. En effet, il estime que le Parlement n’aurait pas mis en œuvre les mesures nécessaires afin de garantir un effet utile aux dispositions visant à le protéger en tant que représentant du personnel, de toute discrimination. Pour soutenir son moyen, le requérant se réfère à quatre éléments.

101    Tout d’abord, le requérant fait état de sa participation très active à une manifestation en 2003 contre la réforme du statut. Il relève notamment que son supérieur hiérarchique actuel était, à l’époque des faits, directeur de la sécurité et qu’il s’était opposé à lui durant la manifestation.

102    Ensuite, le requérant allègue que le responsable du secteur « Ressources humaines » au sein du secrétariat central de la DG « Information », lequel aurait exercé une influence sur l’adoption de la décision de non- promotion 2005, serait l’un de ses adversaires syndicaux.

103    À coté de ces circonstances, le requérant évoque incidemment dans sa réplique deux autres circonstances, à savoir, d’une part, que la décision d’attribution de points 2004 ne comporterait qu’une motivation stéréotypée et, d’autre part, que ses activités de représentation du personnel n’auraient pas été prises en considération pour sa promotion comme elles auraient dû l’être au titre des responsabilités exercées, visées à l’article 45 du statut, puisqu’il note que son rapport de notation ne ferait pas état de ses activités de représentation du personnel.

104    De son côté, le Parlement se défend de toute discrimination et estime que le requérant lui intente un procès d’intention. Il fait ainsi valoir que le requérant n’aurait établi aucun fait permettant de présumer l’existence d’une discrimination au sens de l’article 1er quinquies du statut. Enfin, concernant l’absence de motivation de la deuxième décision d’attribution de points 2004, le Parlement estime que ce point serait étranger à l’objet du recours à savoir l’annulation de la décision de non-promotion 2005.

 Appréciation du Tribunal

105    Le requérant reproche au Parlement de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour s’assurer qu’il n’était pas discriminé en raison de ses activités de représentation du personnel. Partant, une telle affirmation doit être regardée comme alléguant une discrimination à l’égard du requérant en raison des fonctions de représentant du personnel qu’il exerce.

106    Toutefois, il convient de relever que requérant n’avance aucun fait de nature à établir l’existence d’une discrimination ni même à en présumer l’existence.

107    Tout d’abord, le requérant invoque des faits survenus à l’occasion d’une manifestation en 2003 contre la réforme du statut. Toutefois, la simple référence à des faits datant de 2003 dans la situation où la décision de non-promotion 2005 a été adoptée le 13 juin 2006 ne saurait suffire à établir une discrimination ou à en présumer l’existence.

108    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le comportement, à le supposer établi, du directeur général de la DG « Information », qui est actuellement le supérieur hiérarchique du requérant, lors des manifestations de 2003, car l’adoption de la décision de non-promotion 2005 n’a pas pu être le produit de sa seule volonté et qu’il n’est pas démontré que le directeur général aurait exercé une influence déterminante sur la décision de non-promotion 2005.

109    De même, la circonstance que le responsable du secteur « Ressources humaines » au sein du secrétariat central de la DG « Information » serait l’un des adversaires syndicaux du requérant ne permet pas d’établir une discrimination ou d’en présumer l’existence. En effet, il y a lieu de relever que le requérant se contente de faire état d’une divergence d’opinion avec cette personne et de supputer une discrimination en ce que « [l’]on ne peut exclure que les positions syndicales aient influencé le travail […] du [responsable du secteur ‘Ressources humaines’] ». Or, ces supputations ne sont pas de nature à établir l’existence d’une discrimination ni même à en faire présumer l’existence.

110    En ce qui concerne les éléments soulevés incidemment par le requérant, il convient de constater, s’agissant tout d’abord du caractère stéréotypé de la motivation de la décision d’attribution de points 2004, que cet argument est inopérant puisque il ne sert pas à supporter le troisième moyen et que, de plus, il porte sur la légalité de la deuxième décision d’attribution de points 2004 et non sur la décision de non-promotion 2005. Ensuite, s’agissant de l’argument selon lequel le Parlement n’aurait pas démontré avoir pris des mesures afin de s’assurer que ses activités de représentant du personnel avaient été prises en compte au titre des responsabilités exercées, visées à l’article 45 du statut, il y a lieu de relever que le requérant ne précise pas en quoi cette circonstance, à la supposer avérée, serait susceptible d’établir l’existence d’une discrimination ou d’établir une présomption de discrimination et ceci d’autant que, le requérant n’ayant pas inséré dans sa requête de développements concernant l’absence de prise en compte de ses fonctions de représentation du personnel lors de l’examen comparatif de ses mérites au sens de l’article 45, il ne saurait contourner les dispositions de l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal de première instance selon lesquelles la requête doit contenir tous les moyens et les arguments de fait et de droit invoqués, en rattachant artificiellement son grief à un moyen fondé sur l’existence d’une discrimination.

111    Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme étant infondé.

 Sur les dépens

112    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

113    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Kanninen

Boruta

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kanninen


* Langue de procédure : le français.