Language of document : ECLI:EU:C:2010:546

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 23 septembre 2010 (1)

Affaire C‑266/09

Stichting Natuur en Milieu

Vereniging Milieudefensie

Vereniging Goede Waar & Co.

contre

College voor de toelating van gewasbeschermingsmiddelen en biociden

[demande de décision préjudicielle formée par le College van beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas)]

«Directive 2003/4/CE – Accès à l’information en matière d’environnement – Informations en matière d’environnement – Directive 91/414/CEE – Produits phytopharmaceutiques – Procédure d’autorisation»





I –    Introduction

1.        La présente procédure concerne l’accès aux informations relatives à des résidus d’un produit phytosanitaire sur des laitues qui ont été déclarés pour ce produit dans le cadre de la procédure d’autorisation. Il convient notamment de clarifier s’il s’agit, à cet égard, d’informations environnementales au sens de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (2) (ci-après la «directive sur l’information environnementale»), et dans quelle mesure la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (3) (ci-après la «directive sur les produits phytopharmaceutiques»), a une influence sur l’application de la directive sur l’information environnementale.

II – Cadre juridique

A –    Le droit international

2.        Le droit d’accès aux informations environnementales est régi par la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (4) (ci-après la «convention d’Aarhus») que la Communauté a signée le 25 juin 1998 à Aarhus (Danemark) (5).

3.        L’article 4, paragraphe 4, sous d), de ladite convention régit le refus de la publication des informations environnementales pour des raisons liées à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles:

«Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte:

[...]

d)      à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles, lorsque cette confidentialité est prévue par le droit national ou communautaire afin de protéger un intérêt économique légitime, y compris l’intérêt public lié à la préservation de la confidentialité des statistiques et du secret fiscal;

[...]»

4.        La protection des secrets commerciaux fait également l’objet de l’article 39 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après 1’«ADPIC»), lequel est annexé à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé le 15 avril 1994 à Marrakech et approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (6):

«1. En assurant une protection effective contre la concurrence déloyale conformément à l’article 10 bis de la Convention de Paris (1967), les membres protégeront les renseignements non divulgués conformément au paragraphe 2 et les données communiquées aux pouvoirs publics ou à leurs organismes conformément au paragraphe 3.

2. Les personnes physiques et morales auront la possibilité d’empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements:

a)      soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles;

b)      aient une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets; et

c)      aient fait l’objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets.

3. Lorsqu’ils subordonnent l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques ou de produits chimiques pour l’agriculture qui comportent des entités chimiques nouvelles à la communication de données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées, dont l’établissement demande un effort considérable, les membres protégeront ces données contre l’exploitation déloyale dans le commerce. En outre, les membres protégeront ces données contre la divulgation, sauf si cela est nécessaire pour protéger le public, ou à moins que des mesures ne soient prises pour s’assurer que les données sont protégées contre l’exploitation déloyale dans le commerce.»

B –    Le droit de l’Union

1.      La directive sur l’information environnementale

5.        Le droit d’accès aux informations environnementales était initialement régi par la directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la liberté d’accès à l’information environnementale (7) (ci-après 1’«ancienne directive sur l’information environnementale»). Elle a été abrogée à l’expiration du délai de transposition de la nouvelle directive sur l’information environnementale, à savoir le 14 février 2005. La nouvelle directive met en œuvre le droit d’accès aux informations selon la convention d’Aarhus.

6.        L’article 2 définit notamment la notion d’information environnementale:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)      ‘information environnementale’: toute information disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant:

a)      l’état des éléments de l’environnement, tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l’interaction entre ces éléments;

b)      des facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement visés au point a);

c)      les mesures (y compris les mesures administratives), telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a) et b), ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments;

d)      les rapports sur l’application de la législation environnementale;

e)      les analyses coût-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées au point c), et

f)      l’état de la santé humaine, la sécurité, y compris, le cas échéant, la contamination de la chaîne alimentaire, et les conditions de vie des personnes, les sites culturels et les constructions, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par l’état des éléments de l’environnement visés au point a), ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs, mesures ou activités visés aux points b) et c);

[…]»

7.        Le droit d’accès aux informations environnementales est régi par l’article 3, paragraphe 1:

«Les États membres veillent à ce que les autorités publiques soient tenues, conformément à la présente directive, de mettre à la disposition de tout demandeur, et sans que celui-ci soit obligé de faire valoir un intérêt, les informations environnementales qu’elles détiennent ou qui sont détenues pour leur compte.»

8.        Les exceptions sont prévues à l’article 4. Les dispositions prévues à l’article 4, paragraphe 2, sous d), e) et g), sont particulièrement pertinentes pour la présente espèce:

«Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte:

[…]

d)      à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles, lorsque cette confidentialité est prévue par le droit national ou communautaire afin de protéger un intérêt économique légitime, y compris l’intérêt public lié à la préservation de la confidentialité des statistiques et du secret fiscal;

e)      à des droits de propriété intellectuelle;

[…]

g)      aux intérêts ou à la protection de toute personne qui a fourni les informations demandées sur une base volontaire sans y être contrainte par la loi ou sans que la loi puisse l’y contraindre, à moins que cette personne n’ait consenti à la divulgation de ces données;

[…]

Les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d’espèce de confidentialité des informations commerciales ou industrielles. Dans chaque cas particulier, l’intérêt public lié à la divulgation est mis en balance avec l’intérêt lié au refus de divulguer. Les États membres ne peuvent, en vertu du paragraphe 2, points a), d), f), g) et h), prévoir qu’une demande soit rejetée lorsqu’elle concerne des informations relatives à des émissions dans l’environnement.

[…]»

2.      La directive sur les produits phytopharmaceutiques

9.        La directive sur les produits phytopharmaceutiques régit l’autorisation, la mise sur le marché, l’utilisation et le contrôle de produits phytopharmaceutiques ainsi que la mise sur le marché et le contrôle des substances actives destinées à un usage défini. Les produits phytopharmaceutiques doivent notamment être autorisés par les États membres. Cela présuppose une étude d’impact.

10.      L’article 14 régit la protection des informations déposées dans le cadre de la procédure d’autorisation:

«Sans préjudice des dispositions de la directive 90/313/CEE du Conseil, du 7 juin 1990, concernant la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement, les États membres et la Commission veillent à ce que les indications fournies par les demandeurs, qui constituent un secret industriel ou commercial, restent confidentielles, si le demandeur qui souhaite l’inscription d’une substance active à l’annexe I ou le demandeur de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique en font la demande et si l’État membre, ou la Commission, accepte la justification fournie par le demandeur.

La confidentialité ne s’applique pas:

–        aux dénominations et à la teneur de la ou des substances actives ni à la dénomination du produit phytopharmaceutique,

–        au nom des autres substances considérées comme dangereuses aux termes des directives 67/548/CEE et 78/631/CEE,

–        aux données physico-chimiques concernant la substance active et le produit phytopharmaceutique,

–        aux moyens utilisés pour rendre la substance active ou le produit phytopharmaceutique inoffensifs,

–        au résumé des résultats des essais destinés à établir l’efficacité du produit et son innocuité pour l’homme, les animaux, les végétaux et l’environnement,

–        aux méthodes et précautions recommandées pour réduire les risques lors de la manipulation, de l’entreposage, du transport, et les risques d’incendie ou autres,

–        aux méthodes d’analyse visées à l’article 4 paragraphe 1 points c) et d) et à l’article 5 paragraphe 1,

–        aux méthodes d’élimination du produit et de son emballage,

–        aux mesures de décontamination à prendre au cas où le produit serait répandu accidentellement ou en cas de fuite accidentelle,

–        aux premiers soins et au traitement médical à appliquer en cas de lésions corporelles.

Lorsque le demandeur révèle, ultérieurement, des informations restées précédemment confidentielles, il est tenu d’en informer l’autorité compétente.»

11.      La substance active propamocarbe est autorisée depuis le 1er octobre 2007 dans l’Union en tant que fongicide (8). Mais la demande de décision préjudicielle concerne encore des mesures fondées sur l’autorisation néerlandaise auparavant en vigueur.

3.     La directive concernant la fixation des teneurs maximales des résidus

12.      Pour le surplus, la directive 90/642/CEE du Conseil, du 27 novembre 1990, concernant la fixation de teneurs maximales pour les résidus de pesticides sur ou dans certains produits d’origine végétale, y compris les fruits et légumes (9), présente de l’intérêt. Selon l’article 5 ter, paragraphe 2, les États membres définissent leurs propres teneurs maximales en résidus dans les cas où il n’a pas encore été établi de teneurs maximales dans l’Union.

13.      Le douzième considérant de cette directive énonce:

«considérant en outre que le respect des teneurs maximales garantira que ces produits pourront circuler librement tout en protégeant de manière appropriée la santé des consommateurs et des animaux».

C –    Le droit néerlandais

14.      Le Royaume des Pays-Bas a transposé la directive sur les informations environnementales, mais ces dispositions n’étaient pas applicables au présent cas d’espèce. Par contre, la décision attaquée s’est fondée sur l’article 22, paragraphe 2, de la loi néerlandaise sur les pesticides:

«Si des données ressortent ou peuvent être déduites d’une pièce déposée, conformément aux dispositions de la présente loi ou en vertu de celle-ci, devant notre ministre concerné ou devant le College, ou encore devant une autre personne ou institution, et dont la confidentialité se justifie en tant que secret industriel, notre ministre concerné ou le College décide, à la demande écrite de la partie qui dépose la pièce, que ces données resteront confidentielles. Une telle demande doit être motivée.»

III – Litige au principal et questions préjudicielles

15.      En 1999, les autorités néerlandaises compétentes ont modifié la teneur maximale autorisée en résidus de la substance active propamocarbe sur et dans la laitue. Elle a été fixée à 15 mg/kg. Cette valeur a été établie à la suite de la demande d’extension de l’autorisation du produit «Previcur N». Bayer CropScience BV (ci-après «Bayer») est le successeur du détenteur de cette autorisation.

16.      Par courrier du 31 janvier 2005, les requérantes, la Stichting Natuur en Milieu e.a., la Vereniging Milieudefensie et la Vereniging Goede Waar & Co., ont demandé au défendeur, le College voor de toelating van gewasbeschermingsmiddelen en biociden (administration compétente pour l’autorisation de pesticides, ci-après le «CTB»), de leur communiquer toutes les informations ayant été à la base de la décision de fixation de la teneur maximale pour les résidus mentionnée ci‑dessus.

17.      Par décision du 8 mars 2005, le CTB a rejeté la demande des requérantes en se fondant sur l’article 22 de la loi néerlandaise sur les pesticides. Cette disposition aurait primauté sur les règles relatives à l’accès aux informations environnementales.

18.      Les requérantes ont introduit une réclamation contre cette décision, par lettre du 14 avril 2005. Après avoir donné à Bayer la possibilité de prendre position, le CTB a rendu, le 22 juin 2007, sa décision sur réclamation attaquée dans l’affaire au principal, décision qui a été rectifiée le 17 juillet 2007.

19.      Par cette décision, le CTB a refusé la divulgation des études de résidus et des rapports d’essais en champs qui avaient été déposés dans le cadre de la définition de la teneur maximale en résidus et qui, selon Bayer, contenaient des secrets d’affaires.

20.      Les requérantes ont introduit un recours le 6 août 2007 à l’encontre de cette décision devant la juridiction de renvoi.

21.      Dans cette procédure, le College van beroep voor het bedrijfsleven (juridiction administrative en matière commerciale et industrielle) a posé les questions suivantes à la Cour:

«1)      La notion d’information environnementale visée à l’article 2 de la directive 2003/4/CE doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle comprend l’information produite dans le cadre d’une procédure nationale d’autorisation (ou d’extension de l’autorisation) d’un produit phytopharmaceutique en vue de la détermination de la teneur maximale d’un pesticide, d’un composant de celui-ci ou de ses produits de transformation, dans les aliments et boissons?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question: quel est le rapport entre l’article 14 de la directive 91/414/CEE et la directive 2003/4/CE, en ce qu’il importe pour l’application à l’information décrite dans la question précédente, et en particulier: ce rapport implique-t-il que l’article 14 de la directive 91/414/CEE ne peut s’appliquer que pour autant qu’il n’est pas porté atteinte aux obligations découlant de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/4/CE?

3)      S’il découle de la réponse aux deux premières questions que le défendeur dans la présente procédure est tenu d’appliquer l’article 4 de la directive 2003/4/CE, cet article implique-t-il alors que la mise en balance qu’il prescrit de l’intérêt public servi par la divulgation et de l’intérêt particulier servi par le refus de divulguer doit avoir lieu au moment de l’application, ou que cette mise en balance peut être réalisée dans la législation nationale?»

22.      Des observations écrites ont été déposées non seulement par la requérante, la Stichting Natuur en Milieu, mais aussi par la partie intervenante, Bayer, les gouvernements hellénique et néerlandais, ainsi que par la Commission européenne. Vereniging Milieudefensie, Bayer, les gouvernements hellénique et néerlandais et la Commission ont présenté leurs observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 9 septembre 2010.

IV – Analyse

A –    Sur l’application dans le temps de la nouvelle directive sur l’information environnementale

23.      Il convient, tout d’abord, de clarifier s’il y a lieu d’appliquer la nouvelle ou l’ancienne directive sur l’information environnementale. Dans ce contexte, j’examinerai tout d’abord les principes généraux relatifs à l’application dans le temps des actes juridiques du droit de l’Union (ci-dessous, sous 1) et ensuite la référence que fait l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques à l’ancienne directive sur l’information environnementale (ci-dessous, sous 2).

1.      Les principes généraux d’application des actes juridiques de l’Union dans le temps

24.      La juridiction de renvoi aimerait savoir si la nouvelle directive sur l’information environnementale peut être appliquée à des informations qui – comme en l’espèce – avaient déjà été transmises auprès des autorités compétentes avant l’écoulement du délai de transposition.

25.      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas, en principe, des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur (10). En effet, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le point de départ de l’application dans le temps d’un acte communautaire soit fixé à une date antérieure à celle de sa publication. À cet égard, les règles communautaires de droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leurs finalités ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué (11).

26.      Toutefois, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne (12). Le principe de protection de la confiance légitime ne saurait être étendu au point d’empêcher, de façon générale, une règle nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la règle ancienne (13).

27.      L’accès aux informations qu’a reçues une administration dans le passé n’est pas, conformément à la directive sur les informations environnementales, une question de droit procédural, mais relève du droit matériel. Les droits d’information de nature procédurale poursuivent toujours un autre objectif, à savoir une consultation dans le cadre d’une mesure contraignante, alors que le droit d’accès aux informations environnementales est formellement accordé indépendamment de tout autre objectif. Par conséquent, une application rétroactive de la directive sur l’information environnementale doit en principe être refusée.

28.      Pourtant, la décision relative à l’accès aux informations dont disposait auparavant une autorité présente la caractéristique d’un effet futur d’une situation qui est née antérieurement. En effet, ce n’est qu’au moment de la décision sur la demande d’accès que la question se pose de savoir si les informations doivent être données.

29.      Cette soumission particulière au temps du droit d’accès est explicitement exprimée à l’article 4, paragraphe 7, première phrase, du règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil (14). Selon cette disposition, les exceptions s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Cela résulte impérativement du principe également applicable à la directive sur l’information environnementale selon lequel l’accès ne peut être refusé que si le fait que les intérêts légalement protégés sont négativement affectés prévaut sur l’intérêt public à la divulgation des informations. Tant l’incidence négative que l’intérêt du public peuvent varier dans le temps et conduire à ce que la mise en balance conduise à un autre résultat.

30.      Par conséquent, on ne saurait déduire des dispositions de la directive sur l’information environnementale que le moment auquel les informations sont entrées en possession des autorités est pertinent pour la mise en œuvre du droit d’accès. L’article 3, paragraphe 1, vise sans aucune distinction l’ensemble des informations disponibles et il n’existe aucune disposition particulière en ce qui concerne les informations anciennes. S’il apparaît que, au moment de la transmission des informations avant l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’accès aux informations environnementales, il existait une attente légitime à un traitement confidentiel durable, il ne conviendrait pas d’en tenir compte lors de la détermination du champ d’application de la directive sur l’information environnementale, mais plutôt lors de la mise en œuvre des dérogations.

31.      Dès lors, le moment auquel les informations litigieuses ont été reçues par les autorités compétentes est dépourvu de pertinence (15).

32.      Toutefois, la Commission et le Royaume des Pays-Bas considèrent que, dans la procédure au principal, il convient d’appliquer l’ancienne directive sur l’information environnementale, parce que la première demande d’accès a été introduite avant l’échéance du délai de transposition de la nouvelle directive (16). À cet égard, la Commission se fonde sur le principe tempus regit actum. Cela signifie que les effets juridiques d’une situation doivent être appréciés en fonction de la disposition juridique en vigueur au moment des événements litigieux (17).

33.      Dans certaines circonstances, il peut effectivement être indiqué d’apprécier une demande en vertu du droit en vigueur au moment de son introduction, voire même de se fonder sur des événements antérieurs. Cela peut résulter des dispositions juridiques applicables en l’espèce – éventuellement en lien avec le principe mentionné ci-dessus de la sécurité juridique ou de la protection de la confiance légitime (18).

34.      Toutefois, dans le cadre de la directive sur l’information environnementale, l’événement pertinent pour l’application de la disposition est la décision sur l’accès aux informations. Cela résulte déjà du fait que le demandeur aurait pu, à tout moment, introduire une nouvelle demande après l’écoulement du délai de transposition de la nouvelle directive sur l’information environnementale, sans que l’on puisse normalement lui opposer une décision sur une demande antérieure (19).

35.      À cela s’ajoute dans le présent cas d’espèce que la demande n’a été introduite que deux semaines avant l’écoulement du délai de transposition de la nouvelle directive sur l’information environnementale et que la première décision a été adoptée après que ce délai a été écoulé. La décision administrative définitive qui a été attaquée dans l’affaire au principal n’a été, quant à elle, adoptée que plus de deux ans après. Dans ce contexte, le fait de se prévaloir de l’ancienne directive sur l’information environnementale plus restreinte peut sembler presque abusif.

36.      Par conséquent, selon les principes généraux de l’application dans le temps des actes juridiques du droit de l’Union, il convient d’appliquer au présent cas d’espèce la nouvelle directive sur l’information environnementale.

2.      L’application de la nouvelle directive sur l’information environnementale en lien avec l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques

37.      Toutefois, il s’agit en l’espèce d’informations qui ont été transmises dans le cadre d’une procédure d’extension de l’autorisation d’un produit phytosanitaire. Leur traitement confidentiel fait l’objet de l’article 14 de la directive sur les produits phytosanitaires. Cette disposition s’applique expressément sans préjudice de l’ancienne directive sur l’information environnementale. Il convient, dès lors, d’examiner si cette réglementation se réfère impérativement à l’ancienne directive (renvoi statique) ou si la nouvelle directive sur l’information environnementale a remplacé cette disposition dans son champ d’application (renvoi dynamique).

38.      On pourrait ajouter à l’encontre d’une application de la nouvelle directive sur l’information environnementale que, lors de l’adoption de la directive sur les produits phytopharmaceutiques, le législateur avait à l’esprit les dispositions de l’ancienne directive sur l’information environnementale. S’agissant de la protection des secrets commerciaux et industriels, un conflit entre la directive sur les produits phytopharmaceutiques et l’ancienne directive sur l’information environnementale devrait être largement exclu, parce que l’article 3, paragraphe 2, quatrième tiret, de l’ancienne directive permettait aux États membres de refuser l’accès aux informations lorsque des secrets commerciaux et industriels étaient en cause.

39.      En revanche, la nouvelle directive sur l’information environnementale limite la protection des secrets commerciaux et industriels. Selon l’article 4, paragraphe 2, sous d), un refus n’est possible que si, premièrement, la publication a des effets négatifs sur des secrets commerciaux et industriels; deuxièmement, l’intérêt à la protection de ces secrets est supérieur à l’intérêt public à cette publication et que, troisièmement, il ne s’agit pas d’information sur les émissions dans l’environnement. Par conséquent, on peut très bien s’imaginer que la nouvelle directive sur l’information environnementale permette l’accès à des informations qui, en vertu de l’ancienne directive, ont été traitées comme confidentielles.

40.      Pourtant, l’article 11 de la nouvelle directive sur l’information environnementale abroge l’ancienne directive et prévoit que les références à l’ancienne directive soient considérées comme étant faites à la nouvelle. En conséquence, le libellé de la nouvelle directive exclut la poursuite d’une application isolée de l’ancienne directive pour la protection des secrets commerciaux en matière phytopharmaceutique.

41.      Par ailleurs, les accords internationaux conclus par l’Union ont primauté sur les textes de droit communautaire dérivé (20). Pour cette raison, les dispositions du droit de l’Union dérivé doivent faire l’objet, si possible, d’une interprétation conforme aux obligations de droit public de l’Union (21). Les règles de la nouvelle directive sur l’information environnementale concernant la protection des secrets commerciaux et industriels sont conformes avec ce qui est prévu par l’article 4, paragraphe 4, sous d), de la convention d’Aarhus, qui s’applique également aux produits phytopharmaceutiques, tandis que les règles de l’ancienne directive sur l’information environnementale n’auraient pas suffisamment mis en œuvre la convention sur ce point.

42.      Par conséquent, l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques doit être interprété en ce sens qu’il s’applique sans préjudice de la nouvelle directive sur l’information environnementale et il convient d’apprécier la demande de renvoi préjudiciel en se fondant sur la nouvelle directive sur l’information environnementale.

B –    Sur la première question

43.      La première question vise à clarifier si les informations qui ont été produites dans le cadre d’une procédure nationale d’extension de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique en vue de la détermination de la teneur maximale d’un pesticide dans les aliments et les boissons sont des informations environnementales.

44.      S’agissant de l’ancienne directive sur l’information environnementale, la Cour avait déjà jugé que le législateur a entendu donner à la notion d’«information relative à l’environnement» un sens large et qu’il s’est abstenu de définir cette notion d’une manière qui aurait été susceptible d’exclure du champ d’application de ladite directive une quelconque des activités qu’exerce l’autorité publique (22). La nouvelle directive sur l’information environnementale contient une définition qui est plus précise et plus étendue (23). Toutefois, ni l’ancienne ni la nouvelle directive sur l’information environnementale n’a pour objectif d’ouvrir un droit d’accès général et illimité à l’ensemble des informations détenues par les autorités publiques présentant un rapport même minime avec un des éléments de l’environnement. Cette directive exige en effet que, pour relever du droit d’accès qu’elle instaure, de telles informations entrent dans une ou plusieurs des catégories énumérées par la directive (24). Par conséquent, il convient d’examiner si les informations litigieuses peuvent être classées dans une catégorie.

45.      Selon la juridiction de renvoi, les études en question contiennent, d’une part, la définition de la quantité (maximale) acceptable de propamocarbe pouvant être présente sur ou dans la laitue au regard des bonnes pratiques agricoles et de la santé publique et, d’autre part, le constat que le produit «Previcur N» respecte cette norme s’il est utilisé conformément aux prescriptions légales d’utilisation et au mode d’emploi légal.

46.      Bayer soutient que les études et protocoles contiennent en substance des informations relatives aux essais en champs des produits phytopharmaceutiques ainsi qu’une évaluation statistique. Il en résulterait que ces documents révéleraient uniquement quelles sont les teneurs du produit qui restent sur les plantes en cas d’utilisation régulière. En revanche, les effets du produit, mais également les éventuels risques pour la santé des substances ont été examinés dans d’autres études.

1.      L’article 2, point 1, sous f), de la directive sur l’information environnementale – Informations relatives à la santé

47.      Dans la mesure où les informations en cause servent à fixer une teneur maximale de résidus et qu’elles visent à protéger (également) la santé humaine, les parties ont surtout discuté la question de savoir s’il s’agit d’informations environnementales liées à la santé au sens de l’article 2, point 1, sous f), de la directive sur l’information environnementale. Selon cette disposition, les informations environnementales visent l’état de la santé et de la sécurité humaines, y compris, le cas échéant, la contamination de la chaîne alimentaire, et les conditions de vie des personnes, les sites culturels et les constructions, pour autant qu’ils soient ou puissent être altérés par l’état des éléments de l’environnement visé à l’article 2, point 1, sous a), ou, par l’intermédiaire de ces éléments, par l’un des facteurs, des mesures ou des activités visés sous b) et c).

48.      Cette définition est très large en ce qui concerne les aspects visés de la vie humaine. Toutefois, elle ne comprend que des informations relatives aux impacts qui sont causés par des éléments de l’environnement, des facteurs ou mesures environnementaux et/ou des activités liées à l’environnement. L’objectif est d’éviter qu’un nombre important d’informations non environnementales soit couvert (25).

49.      Les informations relatives aux résidus des produits phytopharmaceutiques sur les aliments se fondent manifestement sur la contamination de la chaîne alimentaire et, dans cette mesure, également sur la santé et la sécurité humaines. Toutefois, Bayer et le Royaume des Pays-Bas contestent le fait que les informations litigieuses concernent des atteintes à des éléments de l’environnement. C’est pourquoi, avant de prendre une décision finale relative à l’application de l’article 2, point 1, sous f), de la directive sur l’information environnementale, il y a lieu d’examiner tout d’abord les points a), b) et c) de cette même disposition.

2.      L’article 2, point 1, sous a), de la directive sur l’information environnementale – État d’éléments de l’environnement

50.      Selon l’article 2, point 1, sous a), de la directive sur l’information environnementale, on entend par information environnementale toute information concernant l’état des éléments de l’environnement, tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l’interaction entre ces éléments.

51.      Les informations litigieuses ont trait à l’état des laitues traitées, à savoir la présence de résidus des pesticides sur ces plantes dans le cadre d’une utilisation correcte de ces derniers. Si ces plantes sont des éléments de l’environnement, alors il s’agit d’information environnementale.

52.      L’énumération des éléments de l’environnement n’est pas exhaustive, mais seulement exemplative. Sur le plan conceptuel, on pourrait considérer que tout ce qui se produit dans l’environnement est un élément de l’environnement. En conséquence, les laitues traitées aux pesticides seraient alors considérées comme des éléments de l’environnement.

53.      Néanmoins, les éléments de l’environnement énumérés ne consistent pas en des objets ou en des exemplaires limités, mais plutôt en des milieux abstraits: l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels ainsi que la diversité biologique et ses composantes. Il s’agit d’éléments structurels de l’environnement ou de certains domaines de l’environnement.

54.      Il est exact que les laitues en tant que telles n’ont pas leur place dans cette énumération, mais il s’agit plutôt du terme générique de culture agricole. Cette notion touche de très larges domaines de notre environnement et devrait, dès lors, être reconnue comme un élément de l’environnement. Les informations relatives aux laitues traitées concerneraient alors l’état d’une partie de cet élément de l’environnement.

55.      À cela on pourrait opposer que les cultures agricoles ne font pas partie de l’environnement naturel, mais relèvent plutôt des procédés humains de fabrication. Elles ne sont donc pas une partie de l’environnement naturel, mais relèvent plutôt de l’environnement humain.

56.      Le fait que la notion d’environnement en droit de l’Union inclut uniquement les éléments naturels ou quasi naturels est étayé par la notion d’«habitat naturel», qui est mentionnée comme un des éléments de l’environnement à l’article 2, point 1, sous a), de la directive sur l’information environnementale, mais également dans divers autres actes de l’Union (26). Plus particulièrement, l’article 2, point 12, de la directive sur les produits phytopharmaceutiques n’étend pas la notion d’environnement aux cultures, mais la limite à la faune et à la flore sauvages. Il en résulte que seules la faune et la flore sauvages bénéficient de la protection particulière du droit de l’environnement de l’Union (27), tandis que les cultures agricoles relèvent du droit de l’agriculture.

57.      Toutefois, la notion d’environnement du droit de l’Union ne se limite pas toujours à l’environnement naturel. Ainsi, l’évaluation de l’impact sur l’environnement s’étend notamment sur les risques pour la population et les biens matériels, y compris le patrimoine architectural et archéologique (28). Par ailleurs, la directive-cadre sur l’eau prévoit des normes de qualité environnementales pour les masses d’eau artificielles (29). Et, comme l’affirme enfin la Commission, l’ancienne directive sur les informations environnementales considérait encore les informations relatives à la flore et à la faune comme des informations environnementales, indépendamment de la question de savoir s’il s’agissait de faunes et de flores naturelles.

58.      Dès lors, la limitation éventuelle de la notion d’environnement à l’environnement naturel n’est pas l’expression d’un principe général, mais elle résulte de la finalité poursuivie par la définition. La directive sur l’information environnementale ne contient pas d’élément indiquant une telle finalité limitée. En revanche, il y a lieu de considérer que la nouvelle directive ne restreint pas la notion d’information environnementale par rapport à l’ancienne directive (30). Par conséquent, la mention des habitats naturels dans l’énumération des éléments de l’environnement établie uniquement à titre exemplatif ne doit pas être comprise de manière restrictive. En fait, les autres exemples ne sont pas qualifiés par le terme «naturel».

59.      Une distinction entre l’environnement artificiel et l’environnement naturel ne serait en pratique guère réalisable, parce qu’il n’existe en Europe pratiquement plus de secteurs de l’environnement qui ne soient plus ou moins influencés par l’homme. Ainsi, les informations relatives aux forêts productrices de bois d’œuvre, à savoir en ce qui concerne le dépérissement des forêts, ne seraient pas des informations environnementales selon cette logique.

60.      S’agissant des cultures agricoles, elles relèvent de l’environnement à tout le moins si elles interagissent avec les éléments naturels de l’environnement. Il en va ainsi de la culture à ciel ouvert des laitues, parce que ces dernières peuvent notamment entrer en contact avec le sol et les animaux sauvages, mais elle peut également avoir un impact sur les eaux et en particulier sur les eaux souterraines.

61.      Par conséquent, les informations litigieuses relatives aux résidus dans les laitues constituent des informations environnementales ayant la forme d’informations sur les éléments de l’environnement en vertu de l’article 2, point 1, sous a), de la directive sur l’information environnementale.

3. L’article 2, point 1, sous b), de la directive sur l’information environnementale – Informations relatives aux facteurs environnementaux

62.      Il convient également de noter l’article 2, point 1, sous b), de ladite directive. Cette catégorie vise les informations relatives aux facteurs tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement visés au point a).

63.      Stichting Natuur en Milieu et, a priori, la Commission soutiennent que les études et les rapports contenaient des informations relatives à des facteurs qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement.

64.      Cela est exact parce que la substance active propamocarbe et le produit phytopharmaceutique «Previcur N» sont des substances dont la dispersion a des incidences sur des éléments de l’environnement conformément à leur destination. Ces incidences ne concernent pas seulement les laitues traitées, mais également les autres éléments de l’environnement, et notamment les plantes, les animaux et les champignons, mais également l’eau, le sol et l’atmosphère ambiante.

65.      Dès lors, même si – contrairement à la thèse ici défendue – on devait considérer que les cultures agricoles n’étaient pas des éléments de l’environnement, il s’agirait encore toujours d’informations relatives à des facteurs environnementaux. En effet, même des informations sur des résidus dans des laitues sont des informations relatives au rejet de substances ayant des incidences sur des éléments de l’environnement. Les résidus eux-mêmes peuvent avoir des incidences sur des éléments de l’environnement lorsque, par exemple, ils sont absorbés par des animaux sauvages.

66.      Dès lors, les informations litigieuses relatives au traitement des laitues constituent également des informations environnementales ayant la forme d’informations relatives aux facteurs environnementaux au sens de l’article 2, point 1, sous b), de la directive sur l’information environnementale.

4. L’article 2, point 1, sous c), de la directive sur l’information environnementale – Informations sur les mesures administratives

67.      De plus, il pourrait s’agir d’informations environnementales au sens de l’article 2, point 1, sous c), de la directive sur l’information environnementale. Cette catégorie vise les informations sur les mesures (y compris les mesures administratives), telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments et les facteurs visés aux points a) et b), ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments.

68.      Pourtant, les informations sur les mesures administratives qui ne servent pas à la protection de l’environnement ne sont pas des informations environnementales (31). Il pourrait y avoir des doutes quant à l’existence d’informations environnementales au sens de l’article 2, point 1, sous c), de la directive sur l’information environnementale, parce que les études et les rapports sur la fixation d’une teneur maximale des résidus ont été utilisés. Selon Bayer et le Royaume des Pays-Bas, la finalité de celle-ci est d’abord la protection des consommateurs et la commercialisation des marchandises en cause et non la protection de l’environnement. Le douzième considérant de la directive 90/642 et le deuxième considérant du règlement (CE) n° 396/2005 (32), qui n’est pas applicable ratione temporis à la présente espèce, viennent confirmer cette appréciation.

69.      Toutefois, la République hellénique a souligné à juste titre, dans le cadre de la procédure écrite, que les informations en cause ont été produites dans le cadre de la procédure d’extension de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique après la demande de décision préjudicielle. Et la Commission souligne que de telles études doivent être transmises dans le cadre de la procédure d’autorisation en vertu de l’article 13, paragraphe 1, sous b), et de l’annexe II, partie A, point 6.3, de la directive sur les produits phytopharmaceutiques. Par conséquent, il y a lieu de considérer que les études et les rapports sont pertinents non seulement pour la fixation des teneurs maximales des résidus, mais également pour servir de fondement à une autorisation. La décision sur l’autorisation des produits phytopharmaceutiques est une mesure administrative au sens de l’article 2, point 1, sous c), de la directive sur l’information environnementale pouvant avoir des incidences sur l’état des éléments de l’environnement.

70.      Pour pouvoir apprécier ces mesures de manière complète, il est raisonnable de considérer toutes les informations relatives à la procédure comme des informations environnementales. En pratique, il devrait souvent être possible de savoir d’après le contexte si l’information en question présente de l’importance pour l’environnement. Ainsi, les études en cause en l’espèce pourraient clarifier la question de savoir si et sous quelles conditions des teneurs en résidus dangereusement élevées peuvent se trouver sur les cultures, ce qui peut avoir de l’importance non seulement pour la protection des consommateurs, mais également pour l’environnement.

71.      Par conséquent, les informations transmises dans le cadre de la procédure d’autorisation sont des informations sur ces mesures administratives et donc également des informations environnementales au sens de l’article 2, point 1, sous c), de la directive sur l’information environnementale (33).

5. Conclusion

72.      Sur la base des considérations qui précèdent relatives à l’article 2, point 1, sous a), b) et c), de la directive sur l’information environnementale, les études et les rapports litigieux constituent bien des informations environnementales ayant la forme d’informations sur la contamination de la chaîne alimentaire au sens de l’article 2, point 1, sous f), de ladite directive.

73.      En résumé, la notion d’«information environnementale» de l’article 2 de la directive sur l’information environnementale doit être interprétée en ce sens qu’elle comprend l’information produite dans le cadre d’une procédure nationale d’autorisation (ou d’extension de l’autorisation) d’un produit phytopharmaceutique en vue de la détermination de la teneur maximale d’un pesticide, d’un composant de celui-ci ou de ses produits de transformation, dans les aliments et boissons.

C – Deuxième question – La directive sur l’information environnementale et l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques

74.      Par la deuxième question, la juridiction de renvoi aimerait savoir quel est le rapport entre la directive sur l’information environnementale et l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques, et notamment si l’article 14 de cette dernière directive ne peut s’appliquer que pour autant qu’il n’est pas porté atteinte aux obligations découlant de l’article 4, paragraphe 2, de la directive sur l’information environnementale.

75.      Il est exact que la fixation de teneurs maximales de résidus est soumise à des dispositions spécifiques du droit de l’Union – au moment de la décision néerlandaise concernant le propamocarbe, il s’agissait de l’article 5 ter, paragraphe 2, de la directive 90/642 – qui ne prévoyaient aucune règle relative au traitement de la confidentialité des informations commerciales ou industrielles; toutefois, l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques est applicable dans la mesure où les informations litigieuses ont été transmises dans le cadre d’une procédure d’autorisation d’un pesticide.

1. L’application de l’article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive sur l’information environnementale à la lumière de l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques

76.      Dans la mesure où l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques est applicable sans préjudice de la directive sur l’information environnementale, il convient de traiter une demande d’information environnementale transmise dans le cadre d’une procédure d’autorisation de pesticides d’après les critères de la directive sur l’information environnementale (34). Lorsqu’elles envisagent de refuser l’accès aux informations, les autorités compétentes sont d’abord tenues d’examiner si la publication de ces informations porterait atteinte à la confidentialité des informations commerciales ou industrielles protégées légalement ou s’il s’agit d’informations relatives à des émissions dans l’environnement et enfin, le cas échéant, de procéder à la mise en balance de l’intérêt public servi par la publication et de l’intérêt servi par le refus de publier.

77.      La protection légale de la confidentialité des informations commerciales ou industrielles a déjà été reconnue comme un principe (35) général et même comme un élément du principe du respect du droit à la vie privée par le droit de la concurrence et le droit des marchés publics (36); il s’agit également d’une obligation de droit international public de l’Union en vertu de l’article 39 de l’ADPIC et, par ailleurs, elle résulte en l’espèce également de la directive sur les produits phytopharmaceutiques et du droit néerlandais.

78.      L’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques est par ailleurs utile pour identifier les secrets à protéger qui en découlent. D’une part, cette disposition énumère différentes informations qui ne relèvent pas de la protection de la confidentialité des informations commerciales ou industrielles (37). Toutefois, la présente espèce n’est pas concernée par cela. D’autre part, l’article 14 de cette directive prévoit une procédure dans laquelle les autorités compétentes constatent avec les entreprises concernées quelles informations contiennent des secrets commerciaux ou industriels. En effet, le traitement confidentiel implique le dépôt d’une demande dont la justification doit être acceptée par les autorités compétentes.

79.      Bayer et le Royaume des Pays-Bas considèrent que la décision des autorités compétentes en ce qui concerne la reconnaissance de secrets prévue à l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques doit déterminer la décision sur la demande d’accès en vertu de la directive sur l’information environnementale. Dans ce contexte, Bayer soutient que les autorités procéderaient déjà à une mise en balance suffisante lors de la demande de l’entreprise. Cela signifie, en fin de compte, que la protection de la confidentialité des informations commerciales ou industrielles devrait être appréciée uniquement sur la base de l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques.

80.      Je ne suis pas entièrement convaincue par cette thèse. Certes, il existe de nombreux éléments qui suggèrent que l’appréciation de la protection de la confidentialité des informations commerciales et industrielles devrait se fonder sur l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques, néanmoins, cela ne doit pas exclure l’application des éléments additionnels de la directive sur l’information environnementale. Plus précisément:

81.      Lorsque la procédure prévue à l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques est mise en œuvre correctement, il y a lieu de considérer qu’en principe les informations dont la révélation porterait atteinte aux secrets commerciaux et industriels sont identifiées. À cet égard, il convient de tenir compte de la protection de ces positions fournie par les droits fondamentaux, mais également de leur restriction licite en raison de l’existence d’autres intérêts prépondérants, et notamment par les réglementations en matière d’accès aux informations environnementales.

82.      Il en résulte qu’une décision correcte en vertu de l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques implique que l’on tienne compte non seulement du libellé de cette disposition, mais également des obligations prévues par la directive sur l’information environnementale. Ainsi, l’article 4, paragraphe 2, quatrième phrase, de la directive sur l’information environnementale interdit de classer en tant que secrets commerciaux et industriels à traiter de manière confidentielle les informations sur les émissions dans l’environnement. Par conséquent, les autorités nationales ne peuvent accepter aucune demande de traitement confidentiel de telles informations.

83.      Toutefois, même en cas d’application correcte de l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques, on ne peut exclure que les fondements de la protection des informations n’existent plus jusqu’au moment où une décision soit rendue sur la demande d’accès (38). Dans ce cas, la confidentialité ne serait plus justifiée et l’on ne pourrait plus opposer au demandeur la décision selon l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques.

84.      Il serait également possible que la demande d’accès aux informations environnementales fasse référence à des intérêts publics additionnels à la publication des informations que les autorités compétentes n’ont pas prises en compte lors de la décision initiale sur la protection de la confidentialité. Dans ce cas, la décision selon l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques n’aurait alors pas suffisamment mis en balance la protection de la confidentialité et l’intérêt public à la divulgation. Bien plus, il conviendrait de procéder à une nouvelle appréciation.

85.      En conséquence, la décision correctement adoptée en vertu de l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques concernant la protection de la confidentialité des informations commerciales et industrielles est pertinente pour la décision de publication des informations environnementales en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive sur l’information environnementale (uniquement) sans préjudice d’éventuels nouveaux développements et d’informations complémentaires concernant l’intérêt public à la divulgation.

2. Informations et émissions dans l’environnement

86.      Selon l’article 4, paragraphe 2, quatrième phrase, de la directive sur l’information environnementale, la divulgation d’informations environnementales ne peut être rejetée en raison de la confidentialité des informations commerciales et industrielles si la demande concerne des émissions dans l’environnement. S’il est exact que la demande de questions préjudicielles ne contient pas de questions relatives aux définitions de telles informations, pourtant, il est manifeste que cette question a une grande importance pour l’affaire au principal et est dès lors examinée par les parties.

87.      S’agissant de la définition des émissions, le guide d’application de la convention d’Aarhus (39) fait référence à la définition de la directive PRIP (40). Selon l’article 2, point 5, de cette directive, on entend par «émission» le rejet direct ou indirect, à partir de sources ponctuelles ou diffuses de l’installation, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol. En conséquence, le Royaume des Pays-Bas et la Commission proposent de restreindre la notion d’émissions aux émissions des installations au sens de la directive PRIP, en sorte que la dissémination de produits phytopharmaceutiques dans le cadre de l’agriculture ne constitue pas une émission.

88.      Le guide est en principe une aide appropriée à l’interprétation de notions juridiques imprécises de la directive sur l’information environnementale (41). Il est exact qu’il ne peut fixer de manière contraignante l’interprétation de la convention d’Aarhus, mais il a été à tout le moins adopté en pleine connaissance des parties à la convention et avec leur soutien (42). Dès lors, il est permis de supposer que, lors de l’adoption de la directive sur l’information environnementale, le législateur avait connaissance de ce guide.

89.      Toutefois, il est douteux que, en se référant à la directive PRIP, le guide entendait restreindre la notion d’émissions aux installations. La notion d’installations n’est utilisée dans ladite définition des émissions qu’en raison du fait que la directive PRIP fait référence aux installations. D’un autre côté, une telle restriction de la notion d’émission ne résulte ni de la directive sur l’information environnementale ni de la convention d’Aarhus.

90.      Au contraire: selon l’article 4, paragraphe 4, sous d), de la convention d’Aarhus, les informations sur les émissions qui sont pertinentes pour la protection de l’environnement doivent être divulguées. La question de savoir si ces émissions émanent d’installations n’a pas de pertinence par rapport à la question de savoir si elles sont importantes pour la protection de l’environnement. Que l’on pense seulement aux émissions liées aux transports.

91.      Nonobstant la restriction liée aux installations, il n’en demeure pas moins que la définition des émissions de la directive PRIP est tout à fait pertinente. Par conséquent, on peut la reprendre pour l’application de la directive sur l’information environnementale sans la référence aux installations. Il s’ensuit que l’article 4, paragraphe 2, quatrième phrase, de la directive sur l’information environnementale concerne des informations relatives au rejet direct ou indirect, à partir de sources ponctuelles ou diffuses, de substances, de vibrations, de chaleur ou de bruit dans l’air, l’eau ou le sol.

92.      Ainsi comprise, la notion d’émission correspond par ailleurs largement à la définition de l’article 2, point 8, de la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (43), qu’a soulignée la Vereniging Milieudefensie. Il en résulte qu’il y a lieu d’entendre par émissions le rejet dans l’environnement, à la suite d’activités humaines, de substances, de préparations, d’organismes ou de micro-organismes. Cette directive, qui n’existait pas encore lors de la rédaction du guide, correspond davantage, s’agissant de son champ d’application, à la directive sur l’information environnementale qu’à la directive PRIP, parce qu’elle n’est pas limitée aux installations.

93.      Toutefois, selon cette définition, les informations sur les émissions ne visent pas non plus les informations sur les substances qui seront rejetées à un moment donné dans l’environnement. Ainsi que la Commission l’expose à juste titre, toute substance est finalement destinée à être libérée dans l’environnement lors de son cycle de vie. Au contraire, il s’agit plutôt d’informations sur les rejets en tant que tels.

94.      Apparemment, la présente affaire ne concerne que de manière marginale les informations relatives aux rejets de substances. Certes, il y a lieu de considérer que les rapports d’essais montrent les quantités de produits phytopharmaceutiques qui ont été utilisées. Toutefois, ils présentent surtout un intérêt en ce qui concerne les informations relatives aux résidus laissés sur les laitues. Il s’agit là de conséquences précises liées à ces rejets.

95.      De telles conséquences constituent précisément la raison pour laquelle les informations relatives aux émissions dans l’environnement doivent généralement être divulguées. En effet, le public a un intérêt élevé à connaître la manière dont il pourrait être affecté par une émission. Avant l’émission, les incidences sur l’homme et l’environnement étaient plutôt invraisemblables ou à tout le moins limitées à la sphère du détenteur des secrets commerciaux. Par contre, les substances rejetées entrent forcément en interaction avec l’environnement et peut-être également avec l’homme. Par conséquent, le guide d’application de la convention d’Aarhus souligne que la protection de la confidentialité des informations commerciales doit prendre fin lorsque les substances visées par les informations tenues secrètes sont rejetées. Il s’ensuit que d’éventuelles incidences sur l’environnement ne doivent précisément pas être considérées comme des secrets commerciaux (44). Les intérêts en présence justifient notamment de mettre à l’arrière-plan la protection donnée par les droits fondamentaux de la confidentialité des secrets commerciaux en ce qui concerne les informations sur les émissions sans procéder à aucune mise en balance en l’espèce. L’article 39, paragraphe 3, de l’ADPIC permet également une divulgation de telles informations si cela est nécessaire à la protection du public.

96.      Il en résulte que les informations relatives aux résidus d’émissions dans l’environnement doivent être considérées comme faisant partie des informations sur les émissions au sens de la convention d’Aarhus.

97.      Cela vaut, à plus forte raison, pour la clause relative aux émissions de la directive sur l’information environnementale qui est clairement rédigée de manière plus généreuse que la clause sur les émissions dans la convention d’Aarhus.

98.      L’article 4, paragraphe 4, sous d), de la convention d’Aarhus prévoit uniquement que les secrets commerciaux et industriels ne doivent pas s’opposer à la divulgation des informations sur les émissions qui présentent un intérêt pour la protection de l’environnement. Le fait de se référer à cet intérêt pourrait être compris comme une limitation à la clause sur les émissions (45).

99.      D’un autre côté, l’article 4, paragraphe 2, quatrième phrase, de la directive sur l’information environnementale ne contient pas le passage relatif à l’intérêt pour la protection de l’environnement et étend le champ d’application de la clause sur les émissions à d’autres motifs du traitement de la confidentialité.

100. Cette extension est la résultante de débats aigus lors de la procédure législative. Dans la proposition initiale, la Commission a renoncé à exiger un intérêt pour la protection de l’environnement, mais elle a uniquement exclu l’utilisation des secrets commerciaux et industriels en cas d’informations sur les émissions (46). En revanche, la position commune du Conseil est revenue au libellé de la convention (47). Mais le Parlement a même exigé que les informations relatives aux émissions dans l’environnement ne soient jamais traitées de manière confidentielle (48). Ce n’est que dans le comité de conciliation que l’on s’est en fin de compte entendu pour adopter l’actuelle réglementation, selon laquelle la plupart des motifs de confidentialité ne peuvent être appliqués aux informations sur les émissions dans l’environnement et en vertu de laquelle la référence à l’intérêt pour la protection de l’environnement est supprimée. Il en résulte que l’extension de la clause sur les émissions se fonde sur une décision délibérée du législateur.

101. Pour ces motifs, les études et les rapports d’essais litigieux constituent des informations sur les émissions dans l’environnement dont la divulgation ne peut être rejetée en raison de la confidentialité des informations commerciales et industrielles.

D – Troisième question – L’appréciation par le législateur

102. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi aimerait savoir si la mise en balance prescrite par l’article 4, paragraphe 2, troisième phrase, de la directive sur l’information environnementale de l’intérêt public servi par la divulgation et de l’intérêt particulier servi par le refus de divulguer doit avoir lieu au moment de l’application, ou si cette mise en balance peut être réalisée dans la législation nationale.

103. Selon cette disposition, dans chaque cas particulier, il est procédé à la mise en balance de l’intérêt public servi par la divulgation et de l’intérêt particulier servi par le refus de divulguer.

104. Bayer soutient que la convention d’Aarhus ne prescrit aucune mise en balance dans les cas particuliers. Dans ce même sens, la République de Finlande a également déposé une déclaration lors de l’adoption de la directive, parce que le fait de procéder à des mises en balance dans les cas particuliers lui faisait craindre une restriction arbitraire du droit d’accès (49).

105. Toutefois, comme le font observer la République hellénique et la Commission, il est incompatible avec le libellé de l’article 4, paragraphe 2, de la directive sur l’information environnementale que la mise en balance dans les cas particuliers puisse être remplacée par une appréciation générale du législateur national. De plus, contrairement à la déclaration de la République de Finlande, il n’y a là aucune restriction du droit d’accès par rapport à la convention d’Aarhus, parce que cette appréciation permet de faire connaître des informations en dépit du fait que des intérêts légalement protégés soient négativement affectés, lorsque l’intérêt public à la divulgation prévaut.

106. Selon le Royaume des Pays-Bas et Bayer, une telle mise en balance est déjà effectuée lors de l’application de l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques. En effet, la reconnaissance de secrets commerciaux et industriels impliquerait cette appréciation. Les limites fixées par cette disposition et par la mise en œuvre nationale de cette mise en balance serviraient la sécurité juridique et seraient dès lors nécessaires.

107. Toutefois, ainsi que je l’ai déjà exposé, cette mise en balance en vertu de l’article 14 de la directive sur les produits phytopharmaceutiques est peut-être incomplète. Dès lors, elle ne peut remplacer intégralement la mise en balance prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième phrase, de la directive sur l’information environnementale.

108. Selon l’article 4, paragraphe 2, troisième phrase, de la directive sur l’information environnementale, il convient par conséquent de procéder dans chaque cas particulier à la mise en balance prescrite par cette disposition de l’intérêt public servi par la divulgation au moment de l’application.

V –    Conclusion

109. Par conséquent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées:

«1)      La notion d’‘information environnementale’ de l’article 2 de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil, doit être interprétée en ce sens qu’elle comprend l’information produite dans le cadre d’une procédure nationale d’autorisation (ou d’extension de l’autorisation) d’un produit phytopharmaceutique en vue de la détermination de la teneur maximale d’un pesticide, d’un composant de celui-ci ou de ses produits de transformation, dans les aliments et boissons.

2)      Sans préjudice d’éventuels nouveaux développements et d’informations complémentaires relatives à l’intérêt public à la divulgation, une décision correctement adoptée en vertu de l’article 14 de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, concernant la protection de la confidentialité des informations commerciales et industrielles est pertinente pour la décision de publication des informations environnementales en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous d), de la directive 2003/4. Les études et le rapport d’essais litigieux constituent des informations sur les émissions dans l’environnement dont la divulgation ne peut être rejetée en raison de la confidentialité des informations commerciales et industrielles.

3)      Selon l’article 4, paragraphe 2, troisième phrase, de la directive 2003/4, il convient de procéder dans chaque cas particulier à la mise en balance prescrite par cette disposition de l’intérêt public servi par la divulgation avec l’intérêt lié au refus de diffuser au moment de l’application.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 41, p. 26.


3 – JO L 230, p. 1; les annexes de cette directive sont fréquemment complétées, mais les dispositions pertinentes n’ont pas été modifiées.


4 – JO 2005, L 124, p. 4.


5 – Ratifiée par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO L 124, p. 1).


6 – JO L 336, p. 1.


7 – JO L 158, p. 56.


8 – Numéro 160 de l’annexe I de la directive sur les produits phytopharmaceutiques, adopté par la directive 2007/25/CE de la Commission, du 23 avril 2007 (JO L 106, p. 34).


9 – JO L 350, p. 71, telle que modifiée par la directive 98/82/CE de la Commission, du 27 octobre 1998 (JO L 290, p. 25).


10 – Arrêts du 12 novembre 1981, Salumi e.a. (212/80 à 217/80, Rec. p. I-2735, point 9); du 23 février 2006, Molenbergnatie (C-201/04, Rec. p. I‑2049, point 31), et du 14 février 2008, Varec (C-450/06, Rec. p. I-581, point 27).


11 – Arrêt du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I-7869, point 119 et jurisprudence citée).


12 – Arrêts du 14 avril 1970, Brock (68/69, Rec. p. 171, point 7); du 5 décembre 1973, SOPAD (143/73, Rec. p. 1433, point 8); du 10 juillet 1986, Licata/CES (270/84, Rec. p. 2305, point 31); du 2 octobre 1997, Saldanha et MTS (C-122/96, Rec. p. I‑5325, point 14); du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer (C-162/00, Rec. p. I-1049, point 50); du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, Rec. p. I-9465, point 43), et du 6 juillet 2010, Monsanto Technology (C-428/08, non encore publié au Recueil, point 66).


13 – Arrêts du 16 mai 1979, Tomadini (84/78, Rec. p. 1801, point 21); du 14 janvier 1987, Allemagne/Commission (278/84, Rec. p. 1, point 36); du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil (203/86, Rec. p. 4563, point 19); du 29 juin 1999, Butterfly Music (C-60/98, Rec. p. I-3939, point 25); Pokrzeptowicz-Meyer (précité à la note 12, point 55), et Commission/Freistaat Sachsen (précité à la note 12, point 43).


14 – Règlement du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).


15 – De même, les arrêts du 11 janvier 2000, Pays-Bas et van der Wal/Commission (C‑174/98 P et C-189/98 P, Rec. p. I-1), et du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, non encore publié au Recueil), concernaient des documents qui étaient entrés en possession de la Commission avant l’entrée en vigueur de la réglementation sur l’accès appliquée.


16 – Dans le même sens, voir points 6 et suiv. des conclusions de l’avocat général Sharpston du 22 décembre 2008 dans l’affaire Azelvandre (C-552/07, Rec. p. I-987). La Cour n’a pas traité de cette question dans son arrêt du 17 février 2009 (point 52).


17 – Point 8 des conclusions du 3 mai 2007 de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire ZF Zefeser (arrêt du 18 décembre 2007, C-62/06, Rec. p. I-11995).


18 – Voir arrêt Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (précité à la note 11, points 115 et suiv.).


19 – Sur le règlement nº 1049/2001, voir arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission (C-362/08 P, non encore publié au Recueil, points 56 et suiv.), et conclusions du 15 septembre 2009 de l’avocat général Mengozzi dans cette affaire, points 136 et suiv.


20 – Arrêts du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne (C‑61/94, Rec. p. I‑3989, point. 52); du 1er avril 2004, Bellio F.lli (C‑286/02, Rec. p. I‑3465, point 33), et du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA (C-344/04, Rec. p. I-403, point 35).


21 – Arrêts Commission/Allemagne (précité à la note 20, point 52); du 14 juillet 1998, Bettati (C‑341/95, Rec. p. I‑4355, point 20); Bellio F.lli (précité à la note 20, point 33); du 7 décembre 2006, SGAE (C‑306/05, Rec. p. I‑11519, point 35), et du 14 mai 2009, Internationaal Verhuis- en Transportbedrijf Jan de Lely (C‑161/08, Rec. p. I‑4075, point 38).


22 – Arrêts du 17 juin 1998, Mecklenburg (C‑321/96, Rec. p. I‑3809, point 19), et du 12 juin 2003, Glawischnig (C‑316/01, Rec. p. I‑5995, point 24).


23 – Arrêt Glawischnig (précité à la note 22, point 5).


24 – Ibidem, point 25.


25 – Stec, S., Casey-Lefkowitz, S., et Jendroska, J., The Aarhus Convention: an Implementation Guide, New York, 2000, p. 38 et suiv. (p. 47 et suiv. de la version française).


26 – Défini à l’article 1er, sous c), de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7); voir également la définition des dommages environnementaux à l’article 2, point 1, de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux (JO L 143, p. 56).


27 – Outre la directive 92/43, voir également la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 20, p. 7).


28 – Annexe IV, point 3 de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant la directive 85/337/CEE du Conseil, les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et 2008/1/CE et le règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil (JO L 140, p. 114).


29 – Article 4, paragraphe 1, sous a), iii), de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327, p. 1), telle que modifiée par la directive 2009/31.


30 – Arrêt Glawischnig (précité à la note 22, point 5).


31 – Arrêt Glaswischnig (précité à la note 22, points 29 et suiv.).


32 – Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 23 février 2005, concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale et modifiant la directive 91/414 (JO L 70, p. 10).


33 – Voir arrêt Mecklenburg (précité à la note 22, point 21).


34 – Sur la signification de «sans préjudice», voir point 47 de mes conclusions du 18 juillet 2007 dans l’affaire Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), implicitement confirmé par l’arrêt du 29 janvier 2008 (points 42 et suiv.) et par le onzième considérant de la directive 2008/1/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (version codifiée) (JO L 24, p. 8).


35 – Arrêts du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission (53/85, Rec. p. 1965, point 28); du 19 mai 1994, SEP/Commission (C‑36/92 P, Rec. p. I‑1911, point 37), et Varec (précité à la note 10, point 49).


36 – Arrêt Varec (précité à la note 10, point 48).


37 – Dans cette mesure, cette disposition est analogue à la réglementation prévue par la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (JO L 106, p. 1), telle qu’interprétée dans l’arrêt Azelvandre (précité à la note 16, point 52).


38 – Voir ci-dessus, points 27 et suiv.


39 – Voir Stec e.a. (précités à la note 25, p. 76).


40 – Directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26), entre-temps remplacée par la directive 2008/1.


41 – C’est ce que semble également considérer l’avocat général Sharpston aux points 17, 18 et 32 de ses conclusions du 2 juillet 2009 dans l’affaire Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening (arrêt du 15 octobre 2009, C‑263/08, Rec. p. I-9967).


42 – Voir rapports de la première conférence des signataires de la convention d’Aarhus à Kichinev, Moldavie, du 19 au 21 avril 1999 (CEP/WG.5/1999/2, n° 40) et de la deuxième conférence de Dubrovnik, Croatie, du 3 au 5 juillet 2000 (CEP/WG.5/2000/2, n° 43).


43 – Précitée à la note 26.


44 – Voir Stec e.a. (précités à la note 25, p. 76).


45 – Toutefois, voir Stec e.a. (précités à la note 25, p. 76).


46 – Article 4, paragraphe 2, sous d), de la proposition de la Commission COM(2000) 402 final, p. 25.


47 – Position commune du 28 janvier 2002 (document du Conseil 11878/1/01 REV 1, p. 12).


48 – Voir 21e proposition de modification du Parlement du 14 mars 2001 (JO C 343, p. 165 [172]) et 33e proposition de modification du 30 mai 2002 (document du Conseil 9445/02, p. 12).


49 – Document du Conseil 14917/02 ADD 1 REV 1, du 13 décembre 2002.