Language of document : ECLI:EU:T:2010:272



ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

1er juillet 2010 (*)

« Aides d’État – Service public de la radiodiffusion – Aide envisagée par la République française en faveur de France Télévisions – Dotation en capital de 150 millions d’euros – Décision de ne pas soulever d’objections – Service d’intérêt économique général – Critère de proportionnalité – Absence de difficultés sérieuses »

Dans les affaires jointes T‑568/08 et T‑573/08,

Métropole télévision (M6), établie à Neuilly-sur-Seine (France), représentée par Mes O. Freget, N. Chahid‑Nouraï, R. Lazerges et M. Potel, avocats,

Télévision française 1 SA (TF1), établie à Boulogne-Billancourt (France), représentée par Mes J.-P. Hordies et C. Smits, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

Canal +, établie à Issy-les-Moulineaux (France), représentée par Me E. Guillaume, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et B. Martenczuk, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée initialement par M. G. de Bergues et Mme A.‑L. Vendrolini, puis par MM. de Bergues et L. Butel, en qualité d’agents,

France Télévisions, établie à Paris (France), représentée par Mes J.‑P. Gunther, D. Tayar, A. Giraud et S. Snoeck, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet des demandes d’annulation de la décision C (2008) 3506 final de la Commission, du 16 juillet 2008, relative au projet d’octroi par la République française d’une dotation en capital de 150 millions d’euros à France Télévisions SA, et des demandes d’injonction à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. M. Ciucă, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 16 CE dispose :

« Sans préjudice des articles 73 [CE], 86 [CE] et 87 [CE], et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général parmi les valeurs communes de l’Union ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l’Union, la Communauté et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions. »

2        L’article 86, paragraphe 2, CE, dispose :

« Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté. »

3        L’article 87, paragraphe 1, CE dispose :

« Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

4        L’article 311 CE dispose :

« Les protocoles qui, du commun accord des États membres, seront annexés au présent traité en font partie intégrante. »

5        Le protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres (JO 1997, C 340, p. 109, ci-après le « protocole d’Amsterdam »), introduit par le traité d’Amsterdam en annexe au traité CE, dispose :

« [Les États membres,] considérant que la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu’à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias, sont conven[us] des dispositions interprétatives ci-après, qui sont annexées au traité [CE] :

Les dispositions du traité [CE] sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte. »

6        Le 15 novembre 2001, la Commission des Communautés européennes a publié une communication concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (JO C 320, p. 5, ci-après la « communication sur la radiodiffusion »), dans laquelle elle a énoncé les principes auxquels elle se conformera dans son application de l’article 87 CE et de l’article 86, paragraphe 2, CE au financement des organismes publics de radiodiffusion par l’État.

 Faits à l’origine des litiges

7        France Télévisions est une société publique française, créée par la loi française 2000‑719, du 1er août 2000, modifiant la loi 86‑1067, du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (JORF n° 177, du 2 août 2000, p. 11903), propriétaire des chaînes de service public France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, ainsi que RFO (Réseau France Outre-mer) qui regroupe les télévisions et radios publiques émettant dans les départements et territoires d’outre-mer français.

8        À la suite de l’annonce, le 8 janvier 2008, par le président de la République française, de la suppression à terme de la publicité télévisée sur la télévision publique, la République française a, le 11 juin 2008, notifié à la Commission son projet de procéder à une dotation en capital de 150 millions d’euros en faveur de France Télévisions.

9        Le 18 juin 2008, la Commission a demandé des informations complémentaires à la République française, qui lui ont été fournies par lettre du 26 juin 2008.

10      Le 16 juillet 2008, la Commission a adopté la décision C (2008) 3506 final, relative au projet d’octroi par la République française d’une dotation en capital de 150 millions d’euros à France Télévisions (ci‑après la « décision attaquée »). Une communication succincte de cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 23 septembre 2008 (JO C 242, p. 2).

11      Dans la décision attaquée, la Commission a relevé que la mesure notifiée se situait dans le contexte général du financement public de France Télévisions, déjà examiné dans sa décision 2004/838/CE, du 10 décembre 2003, relative aux aides d’État mises à exécution par la France en faveur de France 2 et de France 3 (JO 2004, L 361, p. 21, ci-après la « décision du 10 décembre 2003 ») et dans sa décision C (2005) 1166 final, du 20 avril 2005, relative à l’aide accordée à France Télévisions [aide E 10/2005 (ex C 60/1999) – France, Redevance radiodiffusion], dont une communication succincte est publiée au Journal officiel du 30 septembre 2005 (C 240, p. 20) (ci-après la « décision du 20 avril 2005 »), mais constituait une mesure distincte de celles faisant l’objet desdites décisions (paragraphe 3 de la décision attaquée).

12      Dans son appréciation de la mesure notifiée, la Commission, après avoir constaté que les conditions d’existence d’une aide d’État, tenant à une intervention de l’État ou à la mise en œuvre de ressources d’État, à l’affectation des échanges entre États membres, à l’existence d’un avantage et, enfin, à l’atteinte ou à la menace d’atteinte à la concurrence, étaient remplies (paragraphes 13 à 33 de la décision attaquée), a examiné la compatibilité de l’aide d’État avec le marché commun au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE (paragraphes 34 à 50 de la décision attaquée).

13      Dans ce cadre, la Commission, après avoir constaté que la condition relative à la définition, au mandat et au contrôle de la mission de service public de France Télévisions était remplie (paragraphes 36 à 42 de la décision attaquée), a examiné la condition de proportionnalité (paragraphes 43 à 49 de la décision attaquée).

14      À cet égard, la Commission a relevé que le financement du service public fourni par France Télévisions se fondait sur un système mixte au sens de la communication sur la radiodiffusion, en ce qu’il comprend des ressources d’État et des recettes provenant d’activités commerciales, et que cette communication rappelait la liberté de principe dont disposent les États membres pour choisir les moyens de financement des obligations du service public et partait du principe que le financement par l’État est généralement nécessaire dans ce but, pour autant que les aides d’État n’excèdent pas les coûts nets induits par la mission de service public, compte tenu des autres recettes directes ou indirectes tirées de cette dernière (paragraphe 43 de la décision attaquée).

15      La Commission a constaté que l’aide d’État notifiée « prévue sous forme de dotation en capital de EUR 150 millions n’exc[édait] que de EUR [...] millions environ l’écart de recettes publicitaires déjà constaté de EUR [...] million[s] entre les recettes publicitaires encaissées entre janvier et juin 2008 et celles de la même période janvier-juin pour 2007 ». Elle a ajouté que, « [a]vec la confirmation de la volonté gouvernementale de faire disparaître la publicité des écrans publics, la poursuite de cette tendance sembl[ait] suffisamment prévisible pour atteindre l’estimation faite par l’opérateur et acceptée par les autorités françaises de EUR [...] millions de perte de recettes pour l’ensemble de l’année 2008 » (paragraphe 45 de la décision attaquée).

16      La Commission a constaté que, « [d]ans ce contexte, la définition des obligations et autres sources de financement du service public pour France Télévisions rest[ait] inchangé[e], avec des coûts augmentés à hauteur de EUR [...] millions selon les autorités françaises du fait de la nécessité de programmation supplémentaire due à la disparition d’annonces », et a retenu que « [l]a diminution de recettes publicitaires à hauteur de EUR [...] millions [était] susceptible d’amputer d’autant le bénéfice net des activités commerciales en augmentant par là mécaniquement et proportionnellement le coût net de l’activité de service public qui se verra, par ailleurs alourdi du montant de EUR [...] millions, nécessaire pour la programmation supplémentaire » (paragraphe 46 de la décision attaquée).

17      La Commission a considéré que, « [d]ans ces conditions, une dotation de EUR 150 millions en ressources publiques supplémentaires n’[était] pas susceptible d’excéder les variations induites dans le coût net du service publique dues aux évolutions des recettes publicitaires pour 2008 et au besoin de programmation supplémentaire » et que, « [d]e ce fait, la dotation en capital ne devrait pas entraîner de surcompensation des coûts induits par l’accomplissement des missions de service public » (paragraphe 47 de la décision attaquée).

18      La Commission a relevé, en référence aux engagements pris par la République française dans le contexte d’autres mesures de financement de France Télévisions examinées dans la décision du 20 avril 2005 (paragraphe 12 de la décision attaquée), que, « [e]n tout état de cause, l’attribution de nouvelles ressources publiques à France Télévisions rest[ait] sujette au respect de l’engagement souscrit par la République française et traduit dans ses textes législatifs et réglementaires pour éviter que la dotation en ressources publiques entraîne une quelconque surcompensation des coûts nets du service public [...] » (paragraphe 48 de la décision attaquée).

19      La Commission a indiqué que, « [d]ans le cadre de la présente procédure, les autorités françaises [lui avaient] confirmé [...] que ces dispositions s’appliqueront » et qu’« elles s’engag[eaient] à les appliquer à la dotation en capital envisagée en vue de son affectation à des dépenses résultant des obligations de service public de France Télévisions ». La Commission a ajouté que « [lesdites] autorités s[’étaient] engagées ainsi à vérifier que tel est le cas et à en [lui] faire rapport [...] trois mois après la clôture des comptes de l’exercice 2008 au plus tard », et a relevé qu’« [i]l devr[ait] donc être tenu compte de l’évolution réelle des recettes publicitaires de France Télévisions pour l’ensemble de l’année 2008 et d’éventuelles charges de programmation alourdissant le coût du service public » (paragraphe 49 de la décision attaquée).

20      La Commission, au vu de ce qui précède, a décidé, dans le cadre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), de ne pas soulever d’objections à l’égard de la mesure notifiée, s’agissant d’une aide compatible avec le traité, au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, et a décidé que la République française lui ferait rapport sur l’affectation effective de cette aide au financement des obligations de service public dont France Télévisions est chargée dans les trois mois suivant la clôture des comptes de l’exercice 2008 (décision attaquée, sous le titre « 5. Décision »).

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 17 décembre 2008, les requérantes, Métropole télévision (M6) et Télévision française 1 SA (TF1), ont introduit les présents recours.

22      Par deux ordonnances du président de la cinquième chambre du Tribunal du 6 mai 2009, Canal + a été admise à intervenir au soutien des conclusions de M6, dans l’affaire T‑568/08, et de TF1, dans l’affaire T‑573/08.

23      Par quatre ordonnances du président de la cinquième chambre du Tribunal du 22 juin 2009, la République française et France Télévisions ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans les affaires T‑568/08 et T‑573/08.

24      Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 2 février 2010, les présentes affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

25      Par lettre du 8 mars 2010, Canal + a informé le Tribunal qu’elle n’entendait pas intervenir lors de l’audience du 10 mars 2010.

26      Dans l’affaire T‑568/08, M6, soutenue – sauf s’agissant des dépens – par Canal +, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner l’ouverture de la procédure formelle d’examen ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      Dans l’affaire T‑573/08, TF1, soutenue – sauf s’agissant des dépens – par Canal +, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner l’ouverture de la procédure formelle d’examen ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      Dans chacune des affaires T‑568/08 et T‑573/08, la Commission, soutenue par la République française et par France Télévisions, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

29      Lors de l’audience du 10 mars 2010, les requérantes ont renoncé à leur troisième chef de conclusions, visant à ce que soit ordonnée l’ouverture de la procédure formelle d’examen, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

 En droit

30      M6 fait valoir trois moyens d’annulation, tirés, premièrement, de la violation de ses droits procéduraux, deuxièmement, du caractère insuffisant de l’information de la Commission et, troisièmement, de la violation de l’obligation de motivation. TF1 fait valoir deux moyens d’annulation, tirés, premièrement, de la violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen en présence de difficultés sérieuses et, deuxièmement, de la violation de l’obligation de motivation.

31      S’agissant du premier moyen d’annulation de M6 dont la recevabilité a été mise en doute par la Commission au regard de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, il convient de considérer qu’il est recevable. En effet, ce premier moyen d’annulation de M6 doit se lire en combinaison avec le deuxième moyen d’annulation de cette partie requérante, avec lequel il vise, en substance et comme le premier moyen d’annulation de TF1, à l’annulation de la décision attaquée, motif pris de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient requis l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

32      Dans ces conditions, il convient d’entamer l’examen des présents recours par celui des premier et deuxième moyens d’annulation de M6, pris ensemble, et du premier moyen d’annulation de TF1.

 Sur les premier et deuxième moyens d’annulation de M6, pris ensemble, et sur le premier moyen d’annulation de TF1, tirés, en substance, de la violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen en présence de difficultés sérieuses

 Arguments des parties

33      Les requérantes, soutenues par Canal +, font valoir que la décision attaquée recèle un certain nombre d’inexactitudes et d’imprécisions, lesquelles révèlent que la Commission ne s’est pas suffisamment informée et n’a pas suffisamment examiné les circonstances concrètes, tant économiques que juridiques, à l’origine de la perte des recettes publicitaires de France Télévisions. Par conséquent, la Commission ne se serait pas mise en position de constater l’existence de difficultés sérieuses qui auraient requis l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

34      Au nombre de ces inexactitudes et de ces imprécisions figureraient, en premier lieu, les appréciations de la Commission selon lesquelles « l’annonce du 8 janvier 2008 et la confirmation de la disparition à terme de la publicité [ont] eu un impact immédiat sur les finances de France Télévisions » (paragraphe 9 de la décision attaquée), alors que ce seraient les nouvelles conditions générales de ventes de France Télévisions – dont l’adoption constituerait une erreur stratégique de ce radiodiffuseur – qui seraient à l’origine des pertes de recettes publicitaires de France Télévisions. TF1 ajoute, comme autre cause de la baisse des recettes publicitaires de France Télévisions, les conditions du marché de la vente d’espaces publicitaires en France existant dès avant l’annonce présidentielle du 8 janvier 2008 et dont la Commission aurait eu connaissance.

35      Compte tenu de ces appréciations erronées de la Commission quant à la cause de la baisse des recettes publicitaires de France Télévisions, la Commission ne se serait pas mise en situation de constater que cette baisse était en réalité due à une faute de gestion liée au revirement de la politique commerciale de France Télévisions, constat qui aurait pu l’amener à conclure que la dotation litigieuse dissimulait, en réalité, une aide au fonctionnement visant à libérer France Télévisions des coûts que celle-ci aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, et qui ne pourrait être autorisée que dans des circonstances exceptionnelles.

36      En deuxième lieu, la Commission n’aurait pas pu raisonnablement affirmer, sans se livrer à une analyse précise des produits et des charges en l’espèce, que le déficit des recettes publicitaires augmentait « mécaniquement » le coût net du service public (décision attaquée, paragraphe 46). Est invoqué, à cet égard, le paragraphe 49, dernière phrase, de la communication sur la radiodiffusion.

37      En troisième lieu, l’affirmation de la Commission, au paragraphe 4 de la décision attaquée, selon laquelle, « en améliorant la trésorerie du groupe, la dotation devrait ainsi permettre d’engager les investissements nécessaires à l’accomplissement de ses missions de service public, dont la bonne exécution est rendue délicate selon les autorités françaises » serait suspecte, dès lors qu’il pourrait être mis en doute que la seule perte, pour le premier semestre de 2008, de 37 % des 28 % de ressources de France Télévisions issues de la publicité puisse affecter la situation financière de cette entreprise au point de rendre délicate la bonne exécution du service public en 2008.

38      En quatrième lieu, la Commission (paragraphe 9 de la décision attaquée) aurait affirmé que les concurrents de France Télévisions « adapt[aient] progressivement leur offre commerciale pour capter les annonceurs en proposant des espaces publicitaires et des tarifs privilégiés pour 2009 à condition qu’une part du volume d’affaires capté par France Télévisions leur soit confiée dès 2008 », alors que les requérantes n’auraient, quant à elles, nullement modifié leurs offres commerciales dans les conditions ainsi décrites.

39      En cinquième lieu, la Commission ne se serait pas donnée les moyens de connaître la destination finale de la dotation notifiée. Ainsi, elle prétendrait elle-même ignorer cette affectation finale, puisqu’elle indiquerait que « les nouvelles ressources mises à la disposition de [France Télévisions] devraient normalement venir abonder la trésorerie du groupe sans être formellement affectées ». Or, un tel comportement ne correspondrait pas à un exercice normal de ses pouvoirs de contrôle par la Commission. Celle-ci n’aurait pas dû se satisfaire des affirmations du gouvernement français et aurait dû rechercher si l’aide accordée répondait bien aux exigences du principe de proportionnalité. Constitueraient des aides au fonctionnement les aides en faveur des campagnes de publicité et des études de marché, destinées à la commercialisation des produits de l’entreprise.

40      En conclusion, la Commission n’aurait pas disposé de toute l’information utile pour un examen correct de la dotation notifiée et aurait manqué de s’assurer de la fiabilité des informations communiquées concernant les causes des pertes publicitaires de France Télévisions, ce qui l’aurait conduite à méconnaître l’existence de difficultés sérieuses d’appréciation qui auraient dû aboutir à l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

41      Enfin, les circonstances que l’appréciation de l’aide et de sa compatibilité avec le marché commun ait duré seulement trois semaines, durée anormalement courte, et que la Commission ait pris un seul contact avec les autorités françaises, permettraient de craindre que la Commission n’ait tenté de profiter du caractère peu transparent de la procédure préliminaire pour rapidement écarter ou ignorer les difficultés importantes qui auraient dû justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen. En s’abstenant de consulter les parties intéressées, la Commission n’aurait pas respecté le principe du contradictoire.

42      S’agissant de l’argumentation de la Commission selon laquelle l’ampleur de la baisse des recettes et de l’augmentation des coûts de programmation estimée dans la décision attaquée n’a pas été contestée, TF1 répond qu’une telle contestation aurait été irrecevable, puisque, relative à l’appréciation de la compatibilité de l’aide notifiée avec le marché commun, elle aurait dépassé le cadre de son recours, limité à la protection de ses droits procéduraux. Ce recours ne viserait pas, avant tout, à remettre en cause les appréciations portées par la Commission dans la décision attaquée, mais à démontrer que les éléments les ayant déterminées seraient incorrects et acceptés sans nuance ni vérification, de sorte que l’examen mené par la Commission serait insuffisant et incomplet.

43      La Commission, soutenue par la République française et par France Télévisions, conteste les arguments des requérantes.

44      En ce qui concerne, tout d’abord, l’argumentation des requérantes selon laquelle la décision attaquée aurait reposé sur des inexactitudes matérielles et des informations insuffisantes, la Commission relève qu’une telle argumentation ne pourrait prospérer que si, effectivement, la décision attaquée contenait de telles inexactitudes ou reposait sur de telles informations insuffisantes, si la Commission ne pouvait ignorer ces inexactitudes ou ces insuffisances et, enfin, si celles-ci étaient déterminantes dans son appréciation de la compatibilité de l’aide.

45      S’agissant, en premier lieu, de la prétendue inexactitude matérielle de la décision attaquée quant à la cause des pertes de recettes publicitaires de France Télévisions, ce ne serait pas la cause ou les causes de ces pertes, mais leur ampleur ainsi que la hausse des coûts complémentaires de programmation, qui seraient déterminantes pour expliquer la décision attaquée.

46      Or, selon la Commission, ni l’ampleur des pertes de recettes publicitaires ni la hausse des coûts complémentaires de programmation encourus par France Télévisions pour 2008 ne sont contestées par les requérantes et il ne serait pas allégué qu’elle aurait dû entretenir des doutes sur ces points.

47      Les éléments sur lesquels les requérantes concentreraient leurs critiques seraient, en réalité, accessoires dans l’économie du raisonnement de la Commission, lequel se fonderait, au paragraphe 45 de la décision attaquée, pour l’essentiel, sur la conclusion intermédiaire du paragraphe 10 de cette décision, nullement remis en cause par les requérantes. Ces éléments feraient, en outre, l’objet d’une lecture isolée par les requérantes, alors qu’ils seraient nuancés par d’autres passages de la décision attaquée.

48      Ainsi, la Commission n’aurait pas affirmé que la seule annonce du 8 janvier 2008 expliquerait toute la réduction des recettes publicitaires, ni n’aurait exclu que cette réduction puisse avoir d’autres causes. Il ne pourrait, au demeurant, être nié que cette annonce pouvait convaincre les annonceurs de s’adresser à d’autres prestataires pour diffuser leurs publicités. La Commission ajoute, à titre tout à fait subsidiaire, que les arguments des requérantes ne démontreraient pas que la perte de recettes publicitaires aurait été essentiellement due à des causes indépendantes de cette annonce.

49      Enfin, la Commission fait valoir que, ainsi que l’indiquent les références opérées dans la décision attaquée aux décisions des 10 décembre 2003 et 20 avril 2005, elle n’a nullement, contrairement à ce que suggère TF1, manqué d’apprécier dans leur contexte les données qui lui étaient transmises.

50      L’argument des requérantes selon lequel une information complète sur les causes des pertes publicitaires aurait été nécessaire aux motifs que ne saurait être octroyée une aide au fonctionnement pour couvrir les erreurs de gestion de l’activité publicitaire de France Télévisions, ou encore que de telles erreurs devraient être sanctionnées par l’absence de mise à disposition de moyens publics alternatifs aux recettes publicitaires pourtant nécessaires au service public, reposerait sur une erreur d’interprétation de la décision attaquée et de la communication sur la radiodiffusion. La Commission indique que, en effet, l’article 86, paragraphe 2, CE permet la compensation du coût de fonctionnement du service public et que la communication sur la radiodiffusion prévoit qu’elle doit s’assurer de la proportionnalité du financement public à ces coûts, en évitant toute surcompensation, ce qu’elle a fait en l’espèce. La communication sur la radiodiffusion ne réserverait pas les aides d’État aux entreprises bien gérées. Même lorsque le besoin de financement du service public serait la conséquence d’erreurs de gestion, ce besoin de financement pourrait donner lieu à l’octroi d’une aide d’État, pourvu qu’il n’y ait pas de surcompensation du coût net de service public et que toutes les autres conditions posées par la communication sur la radiodiffusion soient respectées. Il en résulterait que la Commission n’avait pas de raison de considérer l’information dont elle disposait comme insuffisante pour apprécier la compatibilité de l’aide.

51      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument selon lequel elle n’aurait pas pu raisonnablement affirmer, sans se livrer à une analyse précise des produits et des charges en l’espèce, que le déficit des recettes publicitaires augmentait « mécaniquement » et proportionnellement le coût net du service public (décision attaquée, paragraphe 46), la Commission fait valoir que l’évolution du bénéfice net des activités commerciales de France Télévisions, à court terme, dépendait directement de l’évolution de ses recettes publicitaires, aucun indice ne laissant penser que les coûts de ses activités commerciales pouvaient varier sensiblement à l’horizon de 2008 examiné dans la décision attaquée. Dès lors, il aurait été exact que la diminution des recettes commerciales était de nature à réduire d’autant le bénéfice net des activités commerciales et à augmenter « mécaniquement » le coût net des activités de service public. La Commission aurait donc bien identifié, dans le cadre d’une appréciation prospective, ces coûts et ces charges, sans préjudice d’une appréciation a posteriori, ainsi que l’attesterait le paragraphe 49 de la décision attaquée.

52      S’agissant, en troisième lieu, de la prétendue affirmation inexacte selon laquelle la dotation aurait été nécessaire pour permettre à France Télévisions d’engager les investissements nécessaires à l’accomplissement de sa mission de service public, dont la bonne exécution était rendue délicate selon les autorités françaises, la Commission fait observer qu’il n’est contesté ni que la perte estimée des recettes publicitaires de France Télévisions en 2008 s’élevait à environ 5 % de son chiffre d’affaires ni que France Télévisions ait dû supporter des coûts de programmation plus importants du fait de la disparition de la publicité.

53      Or, cette réduction des recettes et ces nouveaux coûts de programmation auraient concouru « mécaniquement » à un accroissement des coûts nets de service public d’un montant supérieur à 300 millions d’euros, donc très supérieur au montant de la dotation notifiée, si la tendance observée sur les six premiers mois de l’année se poursuivait.

54      Une telle situation aurait été manifestement problématique, étant entendu que, compte tenu des engagements de la République française d’éviter que les dotations en ressources publiques n’entraînent une quelconque surcompensation des coûts nets du service public, tout aurait indiqué que France Télévisions ne serait pas en mesure, en utilisant les seuls moyens qui lui avaient été alloués par l’État et en l’absence de la dotation notifiée, de faire face à cet accroissement de ses coûts nets de service public. Dans ces conditions, TF1 ne pourrait prétendre, sans aucun fondement, qu’une telle situation n’était pas de nature à affecter la situation financière de France Télévisions au point de rendre délicate la bonne exécution de la mission de service public dès 2008.

55      S’agissant, en quatrième lieu, de l’affirmation prétendument inexacte, selon laquelle les concurrents de France Télévisions adapteraient progressivement leur offre commerciale pour capter les annonceurs en proposant des conditions privilégiées pour 2009 à condition qu’une part du volume d’affaires capté par France Télévisions leur soit confiée dès 2008, la Commission indique qu’elle a été informée de ce comportement par les conseils d’une société concurrente lors d’une réunion qui s’est tenue avant la notification du projet d’aide en cause, le 29 mai 2008.

56      Ce comportement, relevant du « sens commun » et au sujet duquel la Commission serait, de toute manière, demeurée prudente, n’aurait, en tout état de cause, formé la matière que d’un élément de motivation accessoire et surabondant. Ainsi, les observations relatives à l’ampleur de la baisse des recettes publicitaires demeureraient valables, même dans l’hypothèse où il ne serait pas pleinement établi que les offres des concurrents de France Télévisions étaient adaptées de manière à capter les parts de marché de cette dernière. La Commission fait valoir qu’il n’a donc pas été nécessaire de soumettre cette information au principe du contradictoire et que l’argument de M6 sur ce point, comme il ne porte pas sur un élément essentiel de son raisonnement, ne peut entraîner l’annulation de la décision attaquée.

57      S’agissant, en cinquième lieu, de l’argument tiré de l’insuffisance des informations relatives à la destination de la dotation notifiée, insuffisance qui induirait prétendument le risque d’autoriser une aide au fonctionnement d’activités ne relevant pas du service public, la Commission fait valoir que non seulement le montant de cette dotation (150 millions d’euros) était d’emblée très inférieur à la perte estimée de recettes publicitaires et à l’augmentation des coûts de programmation pour 2008 (300 millions d’euros), mais que, de plus, la République française avait adopté, conformément à ses engagements, des dispositions afin d’éviter que les dotations en ressources publiques n’entraînent une quelconque surcompensation des coûts nets du service public. Enfin, l’aide examinée n’aurait pas été une aide en faveur de campagnes de publicité et d’études de marché, mais une aide destinée à compenser les coûts nets du service public.

58      En ce qui concerne, ensuite, les arguments des requérantes fondés sur la durée et les circonstances de la procédure préliminaire d’examen, la Commission fait observer que la courte durée d’une telle procédure ne saurait constituer, en soi, un indice de l’existence de difficultés sérieuses, mais plutôt un signe du déroulement normal de cette procédure, laquelle est brève par nature. L’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 ne lui interdirait nullement de statuer en moins de deux mois.

59      Au demeurant, la Commission relève qu’elle a été informée des mesures envisagées bien avant leur notification le 11 juin 2008, la presse ayant commenté les projets du gouvernement français au cours du premier semestre de 2008 et des contacts informels ayant été noués entre les autorités françaises et la Commission dans le courant du mois de mai 2008. Elle aurait donc bien connu le contexte du financement de France Télévisions, compte tenu de ses décisions antérieures sur le financement de ce radiodiffuseur public. L’examen de la mesure aurait duré en pratique plus de sept semaines, dont cinq après la notification, ce qui n’aurait rien d’anormal. Enfin, la mesure envisagée aurait été assez simple et son analyse ne saurait être qualifiée de complexe.

 Appréciation du Tribunal

60      Selon une jurisprudence constante, la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire de l’article 88, paragraphe 3, CE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le traité. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêts de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, point 13 ; du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 29 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 33, et du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, non encore publié au Recueil, point 61 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, SIDE/Commission, T‑49/93, Rec. p. II‑2501, point 58).

61      La notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun (arrêt Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, point 60 supra, point 63, et arrêt SIDE/Commission, point 60 supra, point 60). Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, dépasse la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon‑Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867, point 47 ; voir, en ce sens, arrêts Cook/Commission, point 60 supra, points 31 à 38, et Matra/Commission, point 60 supra, points 34 à 39 ; arrêts du Tribunal SIDE/Commission, point 60 supra, points 60 à 75, et du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T‑11/95, Rec. p. II‑3235, points 164 à 200).

62      Par ailleurs, il convient de rappeler que, si une mesure étatique de financement d’un service public constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, cette mesure peut néanmoins être déclarée compatible avec le marché commun si elle remplit les conditions d’application de la dérogation prévue à l’article 86, paragraphe 2, CE.

63      Au paragraphe 57 de la communication sur la radiodiffusion, la Commission a, au titre du critère de proportionnalité du financement public aux besoins du service public, indiqué que, « pour que [ce critère] soit respecté, il est nécessaire que les aides d’État n’excèdent pas les coûts nets induits par la mission de service public, compte tenu des autres recettes directes ou indirectes tirées de cette dernière ». La Commission a ajouté que « [c]’est pourquoi les bénéfices nets que les activités commerciales retirent du service public seront pris en considération pour apprécier la proportionnalité de l’aide ».

64      En l’espèce, la Commission a constaté que la dotation de 150 millions d’euros notifiée par la République française n’était « pas susceptible d’excéder les variations induites dans le coût net du service public dues aux évolutions des recettes publicitaires pour 2008 et au besoin de programmation supplémentaire » (paragraphe 47 de la décision attaquée).

65      Force est de constater que c’est à bon droit que la Commission a pu effectuer une telle constatation et en déduire qu’il n’existait pas de difficultés sérieuses quant à la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

66      Il convient, en effet, d’observer que le montant de la dotation en capital constituant la mesure litigieuse est très inférieur à celui du montant total estimé des coûts nets supplémentaires découlant des chiffres figurant au paragraphe 46 de la décision attaquée et occultés dans la version publique de cette décision.

67      Or, en premier lieu, il y a lieu de constater que, dans leurs requêtes, les requérantes n’ont initié aucune contestation visant à remettre en cause le montant estimé de ces coûts nets supplémentaires et n’ont formulé aucune demande de production par la Commission, aux fins d’une telle contestation, d’une version confidentielle de la décision attaquée.

68      Les requérantes n’ont pas même contesté le fait – découlant pourtant de la décision attaquée telle que publiée – que le montant estimé des pertes publicitaires pour 2008 et des besoins de programmation supplémentaire excédait, à tout le moins, 150 millions d’euros.

69      Dans ses mémoires en défense, la Commission, qui a expressément relevé l’absence de contestation des requérantes, a indiqué que le montant estimé des variations des recettes publicitaires et des besoins de programmation, découlant des chiffres figurant au paragraphe 46 de la décision attaquée et occultés dans la version publique de cette décision, s’élevait à plus de 300 millions d’euros.

70      Dans leurs répliques, les requérantes n’ont aucunement contesté ce montant de 300 millions d’euros.

71      Au contraire, TF1 a expressément admis cette absence de contestation, en faisant valoir qu’une telle contestation, parce qu’elle aurait mis en cause la compatibilité de l’aide, aurait été irrecevable dans le cadre d’un recours visant, comme en l’espèce, à la seule protection des droits procéduraux (voir point 42 ci-dessus).

72      Force est cependant de constater que, contrairement à ce que soutient TF1, l’objet du présent recours ne l’aurait nullement empêchée, si elle l’avait voulu, de contester le montant des coûts nets supplémentaires estimé par la Commission pour 2008. En effet, selon la jurisprudence, la circonstance que le Tribunal ne puisse, en présence d’une difficulté sérieuse et compte tenu de la compétence exclusive de la Commission pour l’appréciation de la compatibilité des aides d’État avec le marché commun, substituer son appréciation à celle de la Commission, ne s’oppose nullement au droit des parties intéressées de soulever, au soutien d’un recours en annulation visant la protection de leurs droits procéduraux, des arguments contestant la compatibilité de l’aide, lesquels arguments doivent alors être appréciés par le Tribunal au regard de l’existence d’une difficulté sérieuse (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, point 91 ; du 4 juillet 2007, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, T‑475/04, Rec. p. II‑2097, points 93 ; du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑375/03, non publié au Recueil, point 67, et du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec. p. II‑81, point 333).

73      Ainsi, et contrairement à ce que prétend TF1, elle aurait été parfaitement recevable, si elle l’avait voulu, à contester le montant d’augmentation des coûts nets de service public estimé par la Commission dans la décision attaquée et expressément indiqué par cette dernière dans la défense.

74      Quant à M6, elle n’a pas même réagi, dans la réplique, à la constatation opérée par la Commission, dans la défense, relative à l’absence de contestation de sa part du montant d’augmentation des coûts nets de service public estimé par la Commission dans la décision attaquée.

75      Ce n’est que lors de l’audience que M6 a soutenu que, si elle n’a pas contesté dans son recours l’estimation opérée par la Commission, ce serait parce qu’elle n’aurait tout simplement pas eu connaissance des montants en cause, qu’elle n’aurait découverts qu’à l’audience. En d’autres termes, la décision attaquée ayant été publiée sans indication de ces montants, M6 aurait été dans l’impossibilité de soulever une contestation, voire même seulement d’alléguer que la Commission aurait dû entretenir des doutes sérieux sur ce point.

76      Le Tribunal considère cependant que, indépendamment même du fait que cette argumentation, avancée tardivement, est irrecevable au regard de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, elle est, en tout état de cause, non fondée.

77      En effet, rien n’aurait empêché M6, si elle avait, comme elle le prétend, eu l’intention de fonder son recours en annulation sur une contestation du montant des coûts nets supplémentaires estimé par la Commission dans la décision attaquée, d’initier cette contestation dans sa requête en l’assortissant – au cas où la Commission ne lui aurait pas déjà communiqué une version confidentielle de la décision attaquée – d’une demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction visant à la production, par la Commission, d’une telle version confidentielle. En outre, rien n’aurait empêché M6 de soutenir, a minima, que la baisse des recettes publicitaires et l’augmentation des coûts de programmation étaient d’un montant inférieur au montant de 150 millions d’euros de la dotation notifiée, ou qu’à tout le moins des doutes sérieux devaient exister à cet égard.

78      Or, M6 n’a pas, pas plus que TF1, soulevé une telle contestation dans ses mémoires et formulé une telle demande.

79      C’est donc à tort que M6, confrontée à la réalité de son absence de contestation de l’estimation de l’augmentation des coûts nets de service public, tente d’expliquer, lors de l’audience, cette absence de contestation par des circonstances qui ne la justifient nullement et auxquelles – l’aurait-elle souhaité – elle aurait parfaitement pu remédier.

80      Il ressort des considérations qui précèdent que ni TF1 ni M6 ne contestent, dans leurs recours, le montant estimé des coûts nets de service public supplémentaires en 2008, alors pourtant qu’aucune circonstance de droit ou de fait ne privait ces parties, l’auraient-elles souhaité, de la possibilité de le faire.

81      Au-delà des constatations suffisantes qui précèdent, le Tribunal ne peut que relever que les requérantes disposaient, dès avant l’introduction de leurs recours, d’informations les convaincant de l’ampleur de la baisse des recettes publicitaires de France Télévisions en 2008. Cette circonstance peut suffire à expliquer que les requérantes n’aient pas cherché à contester l’augmentation des coûts nets de service public estimée par la Commission dans la décision attaquée, mais aient reporté leurs critiques sur d’autres éléments de cette décision.

82      Ainsi, il était, dès l’époque des faits, de notoriété publique que France Télévisions connaissait une baisse très importante de ses recettes publicitaires en 2008. Les articles de presse publiés à cette époque et produits par M6 et TF1 en annexe de leurs requêtes faisaient ainsi état d’une chute très importante des recettes publicitaires de France Télévisions.

83      Ensuite, au-delà même de ces informations issues de la presse, M6 et TF1 disposaient, lorsqu’elles ont introduit leurs recours en décembre 2008, d’autres informations soulignant l’ampleur de la baisse des recettes publicitaires.

84      Il ressortait ainsi d’un rapport établi en 2008 par un cabinet de consultants, à la demande d’une association de chaînes de télévision privées – fondée par M6, Canal + et TF1 – et produit par TF1 en annexe de sa requête, que, sur l’ensemble du premier semestre de 2008, les investissements publicitaires sur France Télévisions avaient chuté de 37 %.

85      M6 et TF1, ainsi que Canal +, font d’ailleurs état, dans leurs écritures, de ce pourcentage de 37 %, figurant dans le rapport mentionné au point précédent, de baisse des recettes publicitaires de France Télévisions au premier semestre de 2008.

86      En outre, le même rapport indique que le montant des recettes publicitaires annuelles de France 2, de France 3 et de France 5, hors décrochages régionaux, montant qui s’élevait à 638 millions d’euros en 2007, devrait se réduire à un montant de 510 millions d’euros en 2008, soit une baisse de 20 % sur l’année (128 millions d’euros).

87      Quoi qu’il en soit de ces considérations relatives aux informations dont les requérantes disposaient lors de l’introduction de leurs recours, il n’en reste pas moins que, ainsi que cela est relevé de manière conclusive au point 80 ci-dessus, le montant de l’augmentation des coûts de service public pour 2008 (300 millions d’euros) ne fait l’objet, sans justification valable, d’aucune contestation particulière de la part des requérantes.

88      En second lieu, c’est à tort que les requérantes font valoir (voir point 36 ci-dessus), dans le cadre de leur argumentation visant à établir l’insuffisance de l’information dont disposait la Commission et de l’examen auquel elle a procédé, que la Commission n’aurait pas pu, sans se livrer à une analyse précise des produits et des charges en l’espèce, affirmer, au paragraphe 46 de la décision attaquée, que le déficit de recettes publicitaires augmentait « mécaniquement » le coût net du service public. Est invoqué, au soutien de ce grief, le paragraphe 49, dernière phrase, de la communication sur la radiodiffusion.

89      Le paragraphe 49, dernière phrase, de la communication sur la radiodiffusion expose que « [c]e n’est que sur la base d’une répartition appropriée des produits et des charges qu’il est possible de déterminer si le financement public se limite véritablement aux coûts nets de la mission de service public et donc s’il peut être autorisé en application de l’article 86, paragraphe 2, [CE] ». Cette phrase souligne la nécessité de veiller, dans la détermination des coûts nets du service public, à ne pas compter comme coûts de service public des charges ne relevant pas dudit service, ainsi qu’à ne pas omettre de porter en réduction des coûts bruts de service public les produits tirés, directement ou indirectement, de ce service.

90      Lorsque, au paragraphe 46 de la décision attaquée, la Commission, a considéré que « [l]a diminution des recettes publicitaires à hauteur de EUR [...] est susceptible d’amputer d’autant le bénéfice net des activités commerciales », elle a exprimé, succinctement mais clairement, la position selon laquelle la baisse estimée des recettes publicitaires en 2008 ne s’accompagnerait d’aucune baisse des charges commerciales y afférentes d’une ampleur susceptible d’empêcher l’établissement d’une relation de proportionnalité entre la baisse desdites recettes et la baisse du bénéfice net des activités commerciales et, partant, entre la baisse des recettes et l’augmentation des coûts nets du service public.

91      La Commission n’a donc, contrairement à ce que suggère, par sa référence au paragraphe 49 de la communication sur la radiodiffusion, le grief des requérantes, pas qualifié les charges encourues pour l’obtention des recettes publicitaires de coûts de service public, ni considéré que les produits de la vente par France Télévisions de ses espaces publicitaires n’étaient pas liés au service public.

92      En outre, si la Commission n’a pas fourni, audit paragraphe 46 de la décision attaquée, d’indications sur les éléments l’ayant amenée à adopter sa position, il n’en reste pas moins que ces éléments figurent par ailleurs dans la décision attaquée et qu’il en ressort que la Commission était fondée à considérer qu’aucune baisse significative des charges commerciales en 2008 n’était raisonnablement envisageable.

93      Ainsi, la Commission, après avoir relevé que « le groupe [France Télévisions] a dégagé un résultat net positif chaque année entre 2003 et 2007 » (paragraphe 8 de la décision attaquée), a constaté, en substance, une chute brutale des revenus nets tirés des activités commerciales dès le début de l’année 2008. C’est ainsi que la Commission a constaté que la baisse des recettes publicitaires « a dégradé la situation de trésorerie, qui est devenue structurellement négative en 2008 » (paragraphe 10 de la décision attaquée). Elle a relevé que si cette baisse « devait se poursuivre pour l’ensemble de l’année 2008, France Télévisions, suivie par les autorités françaises, estime qu’elle aboutirait [...] à un résultat négatif net [...] en 2008 » (paragraphe 10 de la décision attaquée). En outre, la Commission a constaté que la dotation notifiée visait à couvrir une diminution de recettes publicitaires « soudaine et imprévue, comme le montre le budget prévisionnel de France Télévisions pour 2008, qui a été bâti sur des hypothèses ne tenant nullement compte d’une telle diminution » (paragraphe 21 de la décision attaquée).

94      Il ressort, en substance, de ces constatations de la Commission, opérées en juillet 2008 sur la base des données disponibles à cette date, que la baisse des recettes publicitaires subie par France Télévisions depuis le début de l’année ne s’était accompagnée d’aucune diminution significative des charges commerciales liées à l’activité publicitaire de France Télévisions et qu’il n’était pas sérieusement envisageable que des économies significatives sur les coûts de commercialisation des espaces publicitaires pourraient être réalisées au cours du second semestre de 2008.

95      En d’autres termes, il ressort suffisamment des éléments contenus dans la décision attaquée que la Commission était fondée à considérer que, s’agissant de l’année 2008, seule visée par la dotation notifiée, aucune économie significative sur les charges commerciales ne pouvait être raisonnablement prévue qui empêcherait de conclure à une relation de proportionnalité entre la baisse des recettes commerciales et la baisse du bénéfice net.

96      Partant, l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas été en mesure d’affirmer, comme elle l’a fait dans la décision attaquée, que le déficit de recettes publicitaires pour 2008 augmentait « mécaniquement » le coût net du service public n’est pas fondé.

97      Le Tribunal relève, au demeurant, que ni M6 ni d’ailleurs TF1 ou Canal +, entreprises pourtant familières – en tant que radiodiffuseurs commerciaux – des mécanismes et des systèmes de commercialisation des espaces publicitaires télévisés, ne soutiennent qu’une diminution significative des charges commerciales de France Télévisions en 2008, qui se serait opposée à l’établissement d’une telle relation de proportionnalité entre la baisse des recettes commerciales et la baisse du bénéfice commercial net, aurait été concrètement envisageable.

98      En conclusion, non seulement le montant d’augmentation des coûts nets de service public pour 2008 (300 millions d’euros) estimé par la Commission dans la décision attaquée ne fait l’objet d’aucune contestation (voir points 67 à 87 ci-dessus), mais encore ce montant n’est pas sérieusement remis en cause à l’occasion de l’examen du grief des requérantes, relatif au rapport de proportionnalité retenu par la Commission entre la baisse des recettes commerciales de France Télévisions et la baisse du bénéfice commercial net (voir points 88 à 97 ci-dessus).

99      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, relatives à l’absence de contestation ou de remise en cause du montant estimé de 300 millions d’euros d’augmentation des coûts nets de service public, il y a lieu de considérer que la Commission, eu égard au montant de la dotation notifiée (150 millions d’euros), ne pouvait nourrir aucun doute quant au respect du critère de proportionnalité.

100    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments avancés par les requérantes.

101    S’agissant de l’affirmation de TF1 (voir point 37 ci-dessus) selon laquelle il pourrait être mis en doute que la seule perte, pour le premier semestre de 2008, de 37 % des 28 % de ressources de France Télévisions issues de la publicité puisse affecter la situation financière de cette entreprise au point de rendre délicate la bonne exécution du service public en 2008, cette affirmation, outre qu’elle est non étayée, méconnaît la circonstance, rappelée au point 99 ci-dessus, tenant au différentiel entre, d’une part, le montant estimé et non contesté d’augmentation des coûts nets de service public pour 2008 et, d’autre part, le montant de la dotation notifiée.

102    Quant aux allégations des requérantes (voir points 34 et 38 ci-dessus) selon lesquelles la décision attaquée aurait comporté des inexactitudes, premièrement, en ce que la baisse des recettes publicitaires au premier semestre de 2008 n’aurait pas été causée tant par l’annonce du 8 janvier 2008 que par les conditions du marché publicitaire ou encore par une stratégie commerciale erronée de France Télévisions et, deuxièmement, en ce qu’il ne serait pas avéré que les concurrents de France Télévisions auraient adapté leurs politiques commerciales dans les termes décrits par la Commission, ces allégations, à les supposer établies, ne retirent rien à la réalité de la baisse des recettes publicitaires au premier semestre de 2008, à la perspective raisonnablement prévisible d’une poursuite de cette tendance au second semestre de 2008 et à l’existence de besoins de programmation supplémentaire. Partant, ces allégations ne remettent nullement en cause l’augmentation des coûts nets de service public en 2008 estimée par la Commission dans la décision attaquée et par ailleurs non contestée par les requérantes.

103    S’agissant de l’argument des requérantes (voir point 35 ci-dessus) selon lequel la Commission, faute d’avoir reconnu que la baisse des recettes publicitaires aurait essentiellement résulté d’une prétendue erreur de France Télévisions dans la définition de sa politique commerciale en 2008, ne se serait pas mise en situation de constater l’existence d’une difficulté sérieuse tenant au fait que la dotation financière aurait dissimulé, en réalité, une aide au fonctionnement visant à libérer France Télévisions des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, aide qui ne pourrait être autorisée que dans des circonstances exceptionnelles, il convient de le rejeter.

104    En effet, l’activité de France Télévisions de vente d’espaces publicitaires constitue une activité commerciale qui, si elle s’adosse à la programmation de service public diffusée par France Télévisions dans le cadre de son mandat de service public, ne constitue, pour autant, nullement une activité de service public. La communication sur la radiodiffusion relève, à cet égard que, « si les organismes publics de radiodiffusion peuvent exercer des activités commerciales telles que la vente d’espaces publicitaires pour se procurer des revenus, de telles activités ne peuvent normalement pas être considérées comme faisant partie intégrante du service public » (paragraphe 36, dernière phrase, de la communication sur la radiodiffusion).

105    L’exercice par le radiodiffuseur public de cette activité commerciale résulte d’un choix de l’État membre concerné, opéré en vertu de sa compétence reconnue à cet égard par le protocole d’Amsterdam, de recourir à la vente d’espaces publicitaires sur les chaînes de télévision publiques aux fins de réduire la charge, pour l’État, du financement du service public de la radiodiffusion.

106    Or, la dotation financière notifiée par la République française et approuvée par la Commission n’est nullement destinée au financement de cette activité commerciale de vente d’espaces publicitaires. Ainsi et contrairement à ce que suggère M6, cette aide n’est pas une aide au fonctionnement de cette activité. Elle n’a pas pour objet de financer des campagnes de publicité auprès des annonceurs potentiels, des études de marché concernant la politique commerciale de France Télévisions ou encore toute autre dépense relevant de l’activité commerciale de France Télévisions.

107    Cette aide est, au contraire, explicitement et exclusivement destinée à couvrir des coûts du service public de la radiodiffusion assumé par ce radiodiffuseur public. Ces coûts, d’un montant estimé par la Commission – et non contesté – de 300 millions d’euros, sont, premièrement, la part des coûts de service public de France Télévisions en 2008 que la baisse des recettes publicitaires pour cette année laisse non financés et, deuxièmement, les coûts de programmation supplémentaire induits en 2008 par la prochaine suppression de la publicité télévisée sur France Télévisions.

108    La circonstance qu’une partie de ces coûts restant à la charge de l’État en 2008 résulte de recettes publicitaires moins élevées ne retire rien au fait qu’il s’agit indiscutablement de coûts de service public, encourus pour les besoins de ce service. Compte tenu de la nature de ces coûts, l’État membre concerné ne saurait être empêché d’en assurer le financement, sauf à le priver de la compétence reconnue par l’article 16 CE et le protocole d’Amsterdam aux États membres dans la définition et le financement du service public de la radiodiffusion.

109    Par suite, la position des requérantes, consistant à réclamer qu’une moindre efficacité économique alléguée du radiodiffuseur de service public dans l’exercice d’une activité commerciale de vente d’espaces publicitaires soit sanctionnée par une couverture insuffisante – et donc incompatible avec « l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre » (voir protocole d’Amsterdam) – des coûts nets du service public, est directement contraire aux dispositions du traité et, plus particulièrement, du protocole d’Amsterdam.

110    Il y a lieu de relever que toute autre aurait été la situation si les requérantes avaient rapporté la preuve que des doutes sérieux existaient quant à la destination effective de la dotation notifiée et, en particulier, s’il avait fallu craindre que cette dotation ne soit détournée de son objet pour subventionner l’activité commerciale de France Télévisions.

111    En effet, dans un tel cas de figure et ainsi qu’il est relevé dans la communication sur la radiodiffusion, le risque aurait existé que l’on se trouve « en présence d’une compensation qui [aille] au-delà de ce qui aurait été strictement nécessaire à l’accomplissement de [la] mission de service public et d’une pratique ‘affectant les échanges et la concurrence dans une mesure contraire à l’intérêt commun’ et donc enfreignant le protocole [d’Amsterdam] » (paragraphe 58, in fine, de la communication sur la radiodiffusion).

112    Il n’aurait alors pas été possible pour la Commission de prendre, comme en l’espèce, une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999. La Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen.

113    Or, il n’est pas établi que la Commission aurait dû nourrir de tels doutes. Tout au plus est-il fait valoir qu’elle ne se serait pas donnée les moyens de connaître la destination finale de la dotation notifiée (voir point 39 ci-dessus), ce que refléterait, prétendument, son indication selon laquelle la dotation notifiée viendrait « abonder la trésorerie du groupe sans être formellement affectée » (paragraphe 11 de la décision attaquée).

114    Il convient cependant de relever qu’il ressort clairement de la décision attaquée que, quelles que soient les modalités concrètes d’affectation de la dotation notifiée dans les comptes de France Télévisions, cette dotation, opérée sous la forme d’une augmentation du capital de France Télévisions, n’était notifiée par la République française et ne devait être utilisée par ce radiodiffuseur public qu’aux fins exclusives du service public.

115    La Commission a ainsi expressément rappelé l’existence des engagements souscrits par la République française dans le contexte de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision du 20 avril 2005 et traduits dans les textes législatifs et réglementaires français pour éviter toute surcompensation des coûts nets du service public (paragraphe 48 de la décision attaquée). La Commission a pris acte de ce que les autorités françaises ont confirmé que ces dispositions s’appliqueraient en l’espèce et qu’elles se sont engagées à les faire appliquer en vue de l’affectation de la dotation financière à des dépenses résultant des obligations de service public de France Télévisions (paragraphe 49 de la décision attaquée).

116    Enfin, la Commission a expressément décidé que la République française lui ferait rapport sur l’affectation effective de la dotation notifiée au financement des obligations de service public de France Télévisions dans les trois mois suivant la clôture des comptes de l’exercice 2008 (point 49 et le développement figurant sous le titre « 5. Décision », deuxième alinéa, de la décision attaquée).

117    Dans ces conditions et eu égard aux précautions ainsi prises par la Commission, s’agissant tant de l’utilisation concrète de la dotation financière que du contrôle a posteriori de cette utilisation, la Commission n’avait aucune raison, lors de l’adoption de la décision attaquée, de craindre que cette dotation – au demeurant très inférieure au montant estimé des coûts nets supplémentaires à compenser – soit utilisée à d’autres fins que le financement du service public de la radiodiffusion.

118    En conclusion, c’est à tort que les requérantes, motif pris d’une prétendue inefficacité économique de France Télévisions dans l’exercice d’une activité commerciale ne relevant pas du service public, s’opposent à la dotation financière en cause, alors même qu’aucune raison ne justifiait de craindre un subventionnement croisé de cette activité commerciale par cette dotation.

119    Les considérations qui précèdent conduisent également à écarter la référence, opérée par M6, à l’arrêt du Tribunal du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd/Commission (T‑157/01, Rec. p. II‑917, ci-après l’« arrêt Danske »), lequel concernait, entre autres mesures, une aide sous forme de dotation octroyée à une entreprise de transport titulaire de contrats de service public au sens de l’article 1er, paragraphe 4, et de l’article 14 du règlement (CEE) n° 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), tel que modifié.

120    En effet, alors que, en l’espèce, la dotation financière de 150 millions d’euros notifiée par la République française visait spécifiquement et exclusivement à la compensation des coûts de service public (d’un montant au demeurant très supérieur à cette dotation), dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Danske, point 119 supra, l’aide litigieuse venait s’ajouter à la rémunération contractuelle que l’entreprise en cause avait librement acceptée pour l’exécution des contrats de service public remportés par elle auprès des autorités danoises adjudicatrices (arrêt Danske, point 119 supra, point 88). En d’autres termes, l’aide en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Danske, point 119 supra, emportait, dans le contexte du système contractuel instauré par le règlement n° 1191/69 modifié, une surcompensation.

121    En outre, alors que, en l’espèce, la Commission, compte tenu des précautions et des garanties prises dans la décision attaquée, était raisonnablement fondée à exclure tout risque d’une utilisation de la dotation financière aux fins d’un subventionnement croisé de l’activité commerciale de France Télévisions, en revanche, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Danske, point 119 supra, l’aide litigieuse subventionnait l’entreprise de transport en cause dans son activité commerciale. En effet, cette aide visait précisément à permettre à cette entreprise de poursuivre son activité commerciale malgré les déficits causés par les contrats de service public dont elle était titulaire et qu’elle avait remportés sur ses concurrents moyennant l’acceptation de conditions tarifaires non rentables (voir, à cet égard, arrêt Danske, point 119 supra, points 80, 87 et 88).

122    Ainsi, et à la différence de la dotation financière en l’espèce, laquelle vise uniquement à compenser des coûts nets du service public de la radiodiffusion à l’exclusion de toute utilisation à des fins commerciales, et n’affecte donc pas la concurrence et les échanges sur le marché de la vente d’espaces publicitaires télévisés dans une mesure contraire à l’intérêt commun, l’aide en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Danske, point 119 supra, affectait directement la concurrence sur le marché du transport.

123    Enfin, il convient de rappeler que l’activité de transport ne saurait être comparée à l’activité de la radiodiffusion publique. En effet, si l’activité de transport est, en tant que telle, indiscutablement une activité économique et concurrentielle et le service public des transports un service d’intérêt économique général (ci-après « SIEG »), en revanche, s’agissant de la radiodiffusion publique, la qualification retenue de SIEG, plutôt que de service d’intérêt général non économique, s’explique plus par l’impact que la radiodiffusion de service public produit, de facto, sur le secteur, par ailleurs concurrentiel et marchand, de la radiodiffusion, que par une prétendue dimension marchande de la radiodiffusion de service public (arrêt du Tribunal du 26 juin 2008, SIC/Commission, T‑442/03, Rec. p. II‑1161, point 153).

124    En effet, et comme cela ressort du protocole d’Amsterdam, le service public de la radiodiffusion est « directement li[é] aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ». Dans le même sens, la résolution du Conseil et des États membres du 25 janvier 1999 concernant le service public de radiodiffusion (JO C 30, p. 1) relève que ce service public, « eu égard aux fonctions culturelles, sociales et démocratiques qu’il assume pour le bien commun, revêt une importance vitale pour ce qui est d’assurer la démocratie, le pluralisme, la cohésion sociale et la diversité culturelle et linguistique » (considérant B de la résolution) (arrêt SIC/Commission, point 123 supra, point 153).

125    Ces considérations expliquent et justifient que les États membres aient, par le protocole d’Amsterdam, convenu que « [l]es dispositions du traité [CE] sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n’altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l’intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte ».

126    Or, en l’espèce, il n’est nullement établi que la Commission aurait dû nourrir des doutes quant à l’objet et aux effets de la dotation financière en cause. Il ne faisait aucun doute que cette dotation était accordée à France Télévisions aux seules fins de « l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par [la République française] ». En outre, il ne faisait aucun doute, compte tenu des précautions prises dans la décision attaquée pour éviter tout subventionnement croisé, que ce financement n’était pas de nature à « [altérer] les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». 

127    S’agissant, ensuite, de la référence, opérée par M6 lors de l’audience, au point 249 de l’arrêt BUPA e.a./Commission, point 72 supra, lequel point concerne la quatrième des quatre conditions définies aux points 88 à 93 de l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, Rec. p. I‑7747, ci-après l’« arrêt Altmark » et, s’agissant des conditions susvisées, les « conditions Altmark »), il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cette référence est effectuée à tort par M6.

128    En effet, cette référence, opérée par M6 aux fins de soutenir que le respect de la quatrième condition Altmark conditionnerait l’octroi de la dérogation prévue à l’article 86, paragraphe 2, CE, repose sur une confusion entre les conditions qui déterminent la qualification d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et celles qui sont utilisées pour évaluer la compatibilité d’une aide au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE.

129    Il convient, à cet égard, de rappeler que les conditions Altmark ont pour seul et unique objet la qualification de la mesure en cause d’aide d’État, aux fins de la détermination de l’existence d’une obligation de notification de cette mesure à la Commission, dans l’hypothèse d’une aide nouvelle, ou de coopération avec cette institution, dans le cas d’une aide existante (arrêt du Tribunal du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, Rec. p. II‑471, points 130 et 131, et ordonnance du Tribunal du 25 novembre 2009, Andersen/Commission, T‑87/09, non encore publiée au Recueil, point 57).

130    D’ailleurs, le point 249 de l’arrêt BUPA e.a./Commission, point 72 supra, relatif à la quatrième condition Altmark, s’insère précisément dans l’appréciation du Tribunal sur la qualification de la mesure en cause d’aide d’État (appréciation contenue aux points 161 à 258 de l’arrêt BUPA e.a./Commission, point 72 supra), et non dans l’appréciation du Tribunal sur l’application de la dérogation prévue à l’article 86, paragraphe 2, CE (appréciation contenue aux points 259 à 310 de l’arrêt BUPA e.a./Commission, précité).

131    Il résulte des considérations qui précèdent que la référence opérée par M6 à l’arrêt BUPA e.a./Commission, point 72 supra, repose sur une confusion entre le test Altmark, qui vise à déterminer l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et le test de l’article 86, paragraphe 2, CE, qui permet d’établir si une mesure constitutive d’une aide d’État peut être considérée comme compatible avec le marché commun (arrêt TF1/Commission, point 129 supra, point 140).

132    Quant à prétendre, comme l’a fait en substance M6 lors de l’audience, que l’article 86, paragraphe 2, CE comporterait une condition d’efficacité économique dans la fourniture du service public, il convient de relever, premièrement, que cette prétention est dépourvue d’objet en l’espèce et, deuxièmement, qu’elle est, en tout état de cause, inexacte.

133    S’agissant, premièrement, du défaut d’objet de cette prétention en l’espèce, il suffit de relever que l’efficacité économique de France Télévisions dans la fourniture du SIEG de la radiodiffusion n’est pas mise en cause ni même évoquée dans les présents recours. Il n’est, en effet, nullement prétendu que France Télévisions pourrait remplir ses obligations de service public à moindre coût.

134    Seule est mise en cause dans les présents recours l’efficacité économique de France Télévisions dans l’exercice d’une activité commerciale – la vente d’espaces publicitaires télévisés – qui, si elle participe au financement du SIEG de la radiodiffusion, ne relève pour autant nullement de ce SIEG.

135    Or, à supposer que France Télévisions aurait été, comme le prétendent les requérantes, mais comme le conteste formellement cette société, inefficace économiquement dans son activité commerciale de vente d’espaces publicitaires, cette circonstance ne serait nullement de nature à priver la République française de sa compétence et de son droit à garantir le financement du SIEG de la radiodiffusion (voir points 104 à 109 ci-dessus), étant entendu que des précautions suffisantes avaient été prises qui permettaient d’exclure raisonnablement tout risque de subventionnement croisé de l’activité commerciale (voir points 110 à 117 ci-dessus).

136    S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si l’article 86, paragraphe 2, CE comporte une condition d’efficacité économique de l’opérateur en charge du service public dans la fourniture de ce service, il convient de relever que, aux termes de cette disposition, les entreprises chargées de la gestion de SIEG sont soumises aux règles de concurrence dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie, sous la réserve que le développement des échanges ne soit pas affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté (arrêts de la Cour du 19 mars 1991, France/Commission, C‑202/88, Rec. p. I‑1223, point 11 ; du 23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas, C‑157/94, Rec. p. I‑5699, point 28 ; du 21 septembre 1999, Albany, C‑67/96, Rec. p. I‑5751, point 102, et du 17 mai 2001, TNT Traco, C‑340/99, Rec. p. I‑4109, point 52).

137    En permettant, sous certaines conditions, des dérogations aux règles générales du traité, l’article 86, paragraphe 2, CE vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises, notamment du secteur public, en tant qu’instrument de politique économique ou sociale, avec l’intérêt de la Communauté au respect des règles de concurrence et à la préservation de l’unité du marché commun (arrêts France/Commission, point 136 supra, point 12 ; Commission/Pays-Bas, point 136 supra, point 39, et Albany, point 136 supra, point 103).

138    Il convient également de rappeler qu’il n’est pas nécessaire, pour que les conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE soient remplies, que l’équilibre financier ou la viabilité économique de l’entreprise chargée de la gestion d’un SIEG soit menacée. Il suffit que, en l’absence des droits litigieux, il soit fait échec à l’accomplissement des missions particulières imparties à l’entreprise, telles qu’elles sont précisées par les obligations et contraintes pesant sur elle, ou que le maintien de ces droits soit nécessaire pour permettre à leur titulaire d’accomplir les missions d’intérêt économique général qui lui ont été imparties dans des conditions économiquement acceptables (arrêts de la Cour Commission/Pays-Bas, point 136 supra, points 52 et 53 ; Albany, point 136 supra, point 107 ; TNT Traco, point 136 supra, point 54, et du 15 novembre 2007, International Mail Spain, C‑162/06, Rec. p. I‑9911, point 35 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 mai 1993, Corbeau, C‑320/91, Rec. p. I‑2533, points 14 à 16).

139    En outre, la Commission, en l’absence – comme en l’espèce – d’une réglementation communautaire harmonisée en la matière, n’est pas habilitée à se prononcer sur l’étendue des missions de service public incombant à l’exploitant public, à savoir le niveau des coûts liés à ce service, ni sur l’opportunité des choix politiques pris, à cet égard, par les autorités nationales, ni sur l’efficacité économique de l’exploitant public (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Tesauro sous l’arrêt Corbeau, point 138 supra, Rec. p. I‑2548, point 16, et de l’avocat général M. Tizzano sous l’arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Ferring, C‑53/00, Rec. p. I‑9067, I‑9069, point 51 ; arrêt du Tribunal du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, Rec. p. II‑229, point 108).

140    Il s’ensuit que la question de savoir si une entreprise chargée du SIEG de la radiodiffusion pourrait remplir ses obligations de service public à un moindre coût est dénuée de pertinence pour l’appréciation de la compatibilité du financement étatique de ce service au regard des règles communautaires en matière d’aides d’État. Ce que l’article 86, paragraphe 2, CE vise, par l’appréciation de la proportionnalité de l’aide, à prévenir, c’est que l’opérateur chargé du SIEG bénéficie d’un financement dépassant les coûts nets du service public.

141    Il résulte des considérations qui précèdent que non seulement l’efficacité économique de France Télévisions dans la fourniture du SIEG de la radiodiffusion n’est pas en cause en l’espèce (voir points 133 à 135 ci-dessus), mais cette efficacité économique est, en tout état de cause, dépourvue de pertinence pour l’appréciation de la compatibilité de la dotation financière avec le marché commun en vertu de l’article 86, paragraphe 2, CE.

142    En ce qui concerne, enfin, les critiques des requérantes fondées sur la durée de la procédure d’examen préliminaire et le fait que la Commission ait pris un seul contact avec les autorités françaises (voir point 41 ci-dessus), ces circonstances ne constituent nullement des indices de l’existence d’une difficulté sérieuse, mais reflètent plutôt, comme le fait valoir la Commission, le fait que l’examen de la compatibilité avec le marché commun de la mesure notifiée en l’espèce ne soulevait aucune difficulté particulière.

143    En l’absence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun, aucune disposition découlant du traité ou d’une autre règle de droit n’imposait à la Commission de procéder autrement qu’elle l’a fait dans le cadre de la procédure préliminaire d’examen de l’article 88, paragraphe 3, CE, ni, en particulier, d’entendre les intéressés comme elle aurait dû le faire si elle avait ouvert la procédure formelle d’examen au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêt Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, point 72 supra, point 90). C’est donc à tort que les requérantes prétendent que, en s’abstenant de consulter les parties intéressées, la Commission aurait manqué au principe du contradictoire.

144    Compte tenu des considérations qui précèdent, desquelles il ressort que l’appréciation de la mesure notifiée ne soulevait, à la lumière des informations suffisantes dont disposait la Commission, aucune difficulté sérieuse, il convient de rejeter les présents moyens.

 Sur le troisième moyen de M6 et le second moyen de TF1, tirés d’une violation de l’obligation de motivation

 Argumentation des parties

145    TF1, soutenue par Canal +, fait valoir que, la Commission s’étant abstenue de rassembler les informations nécessaires et de considérer les informations dont elle disposait déjà, la motivation de la décision attaquée ne peut être que lacunaire.

146    En outre, la motivation de la décision attaquée relative à la substitution de ressources publiques aux ressources commerciales de France Télévisions pour la totalité des pertes de revenus publicitaires serait inadéquate et insuffisante. En effet, il ressortirait des prises de position antérieures de la Commission que seuls pourraient venir en déduction des coûts bruts de service public les bénéfices nets directement ou indirectement liés à l’exécution du service public [voir le paragraphe 57 de la communication sur la radiodiffusion et le point 123 de la décision 2004/339/CE de la Commission, du 15 octobre 2003, sur les mesures mises à exécution par l’Italie en faveur de la RAI SpA (JO 2004, L 119, p. 1, ci-après la « décision RAI »)]. Les recettes commerciales non liées au service public devraient être réservées aux activités commerciales et ne pourraient être déduites des charges brutes du service public. Or, l’affirmation selon laquelle la baisse des ressources privées augmente « mécaniquement et proportionnellement » le coût net de l’activité de service public méconnaîtrait cette distinction.

147    Dans la réplique, TF1 précise que, dans la mesure où la notion de recettes commerciales renverrait à un chiffre d’affaires et non à un bénéfice net des charges commerciales, la Commission, par la position rappelée au point précédent, semblerait admettre, ce qui différerait de ses prises de position antérieures, que la dotation litigieuse puisse compenser non pas la seule augmentation du coût net du service public, mais, en réalité, également des coûts commerciaux.

148    La décision attaquée ne serait donc pas suffisamment motivée en ce qui concerne ce changement apparent de méthode de la Commission par rapport à sa pratique antérieure, et elle ne le serait également pas en ce qui concerne l’absence de risque de subvention croisée. Cette violation de l’obligation de motivation constituerait un indice de difficulté sérieuse.

149    M6, soutenue par Canal +, fait, quant à elle, valoir que la décision attaquée ne comporte aucune considération de nature à établir l’exactitude de l’affirmation selon laquelle « l’annonce du 8 janvier 2008 et la confirmation de la disparition à terme de la publicité [ont] eu un impact immédiat sur les finances de France Télévisions ». Au-delà d’une description de l’« effet d’annonce » et de la chute des recettes publicitaires, la décision attaquée ne comporterait aucune explication économique du lien de causalité direct entre l’annonce du 8 janvier 2008 et les mauvais résultats publicitaires de France Télévisions.

150    Dans le même sens, l’affirmation figurant au paragraphe 27 de la décision attaquée, selon laquelle la « dotation [notifiée] s’apparente [...] plus à une compensation pour l’effet de l’annonce du retrait du marché publicitaire faite par l’État régulateur qu’à une opportunité d’investissement saisie par l’État actionnaire », affirmation qui serait non étayée et éloignée des réalités du marché publicitaire en France, confirmerait l’absence, dans la décision attaquée, d’appréciation circonstanciée des véritables causes de la perte de revenus publicitaires de France Télévisions.

151    Quant à l’affirmation contenue au paragraphe 9 de la décision attaquée relative à la réaction des concurrents qui auraient adapté leur offre commerciale pour capter les annonceurs de France Télévisions, elle serait non seulement erronée, mais de plus injustifiée, et témoignerait de la mauvaise information de la Commission et du caractère superficiel de son analyse.

152    La Commission aurait donc manqué à son obligation de motivation. La violation de cette obligation témoignerait de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû obliger la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen.

153    La Commission, soutenue par la République française et par France Télévisions, fait valoir que la décision attaquée a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides d’État, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide concernée, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen. Or, selon la Commission, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles elle estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun. Cette décision ne requerrait qu’une motivation sommaire.

154    La Commission fait valoir que, en ce qui concerne le contexte de la décision attaquée, celle-ci est intervenue à la suite de deux autres décisions favorables par lesquelles elle a estimé que des subventions d’investissement et des dotations en capital au profit des chaînes de France Télévisions constituaient des aides compatibles avec le marché commun. Même si la dotation examinée en l’espèce serait distincte de ces mesures antérieures, elle se situerait néanmoins dans le contexte général du financement public de France Télévisions examiné dans ces décisions. De ce fait, la Commission indique qu’elle était parfaitement fondée à retenir en l’espèce une motivation plus succincte que celle qu’elle aurait produite en l’absence de décisions antérieures.

155    En tout état de cause, la décision attaquée comporterait tous les éléments nécessaires du raisonnement de la Commission et répondrait parfaitement aux exigences de l’article 253 CE.

156    En ce qui concerne l’argument de TF1 selon lequel, dès lors que la Commission se serait prétendument abstenue de rassembler les informations nécessaires et de considérer les informations dont elle disposait déjà, la motivation de la décision attaquée ne pourrait être que lacunaire, la Commission constate que cet argument confond une question de substance et une question de procédure. La Commission aurait clairement exprimé son raisonnement dans la décision attaquée, ce que TF1 ne contesterait pas, cette dernière estimant seulement que ce raisonnement reposerait sur une information insuffisante et n’emporterait pas la conviction. Or, il s’agirait là d’une question de substance et non de motivation, à laquelle la Commission aurait déjà répondu dans le cadre du premier moyen.

157    En ce qui concerne l’argument par lequel TF1 lui reproche d’avoir considéré que toute perte de recettes publicitaires (y compris d’hypothétiques recettes non liées au service public) entraînait une augmentation du coût net du service public, alors que seules les pertes de recettes publicitaires liées au service public pourraient entraîner une telle augmentation, la Commission fait valoir qu’il est manifeste que la baisse observée était bien celle des recettes commerciales liées à l’exécution du service public. En effet, il résulterait de la décision attaquée que l’aide examinée visait à compenser une chute des recettes publicitaires de France Télévisions (ainsi que l’augmentation des coûts de service public). Ces recettes résulteraient de la diffusion de publicités entre les programmes de France Télévisions et ces programmes relèveraient de la mission de service public de France Télévisions, ainsi que cela ressortirait du paragraphe 36 de la décision attaquée. L’explication prétendument manquante relèverait donc de l’évidence et la Commission ne voit pas en quoi il aurait été nécessaire de motiver davantage la décision attaquée.

158    S’agissant du grief de TF1 tiré de ce que la Commission aurait confondu recettes commerciales et bénéfice commercial net, de sorte qu’elle ne se serait pas suffisamment prémunie contre le risque de subventions croisées et se serait écartée de sa pratique antérieure, la Commission fait valoir que rien ne laissait penser que les charges commerciales de France Télévisions pouvaient diminuer de manière significative en 2008, et que même dans l’hypothèse où France Télévisions se serait séparée d’une partie de son personnel affecté aux activités commerciales, cela aurait représenté, à court terme, un coût supplémentaire. Le fait que la Commission n’ait pas spéculé, lors de l’adoption de la décision attaquée, sur d’hypothétiques évolutions à la baisse des coûts de gestion de la publicité dans le futur, ne saurait affecter la légalité de la décision attaquée et ne contredirait pas l’approche retenue par la Commission dans ses décisions antérieures.

159    Enfin, il conviendrait de rappeler que le besoin de financement de France Télévisions pour 2008 serait né à la fois d’une baisse des recettes publicitaires, estimée à 150 millions d’euros, et d’une augmentation des coûts de programmation, estimée à plus de 145 millions d’euros, soit au total 300 millions, alors que la dotation notifiée se serait élevée à 150 millions d’euros. Eu égard à ces ordres de grandeur, il n’aurait donc été envisagé que de compenser la moitié de l’augmentation du coût net de service public de France Télévisions. Au regard de ces ordres de grandeur, les coûts liés aux activités commerciales de France Télévisions auraient été, de toute façon, limités et leur évolution à court terme parfaitement négligeable.

160    En ce qui concerne l’argument de M6 selon lequel elle n’aurait pas apprécié précisément les conditions concrètes ayant conduit à la perte des recettes publicitaires de France Télévisions, la Commission fait valoir qu’il n’était pas essentiel, aux fins de la décision attaquée, de rechercher les causes exactes de ces pertes.

161    En ce qui concerne la motivation du paragraphe 9 de la décision attaquée, relative aux causes de la baisse des recettes publicitaires de France Télévisions, les éléments contestés par M6 seraient accessoires dans l’économie de la décision attaquée.

162    Quant à la critique par M6 de la motivation du paragraphe 27 de la décision attaquée, relative au critère de l’investisseur privé en économie de marché, la Commission indique qu’elle s’interroge sur le sens exact de cette critique et fait valoir que ce point de la décision attaquée ne contient que des arguments de bon sens, dont M6 ne démontre nullement le caractère erroné.

 Appréciation du Tribunal

163    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, points 35 et 36, et du 22 décembre 2008, Regie Networks, C‑333/07, Rec. p. I‑10807, point 63 ; arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsvaerftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, Rec. p. II‑1399, point 230).

164    En ce qui concerne l’argument de TF1 (voir point 145 ci-dessus) selon lequel la motivation de la décision attaquée ne peut être que lacunaire dès lors que la Commission s’est abstenue de rassembler les informations nécessaires et de considérer celles dont elle disposait déjà, cet argument doit être rejeté, dès lors qu’il se confond, en réalité, avec les critiques de substance dénonçant l’insuffisance prétendue de l’information et de l’examen de la Commission, déjà écartées dans le cadre de l’examen des précédents moyens d’annulation.

165    S’agissant de l’argument de TF1 (voir points 146 et 147 ci-dessus) selon lequel la Commission se serait, sans motivation, écartée de sa pratique antérieure lorsqu’elle aurait admis une substitution de ressources publiques aux ressources commerciales pour la totalité des pertes publicitaires de France Télévisions, il convient de rappeler que le respect du critère de proportionnalité requiert « que les aides d’État n’excèdent pas les coûts nets induits par la mission de service public, compte tenu des autres recettes directes ou indirectes tirées de cette dernière » (paragraphe 57 de la communication sur la radiodiffusion), la Commission ajoutant que « [c]’est pourquoi les bénéfices nets que les activités commerciales retirent du service public seront pris en considération pour apprécier la proportionnalité de l’aide » (paragraphe 57 de ladite communication).

166    Dans le même sens, la Commission, dans la décision RAI, a indiqué que « [l]a compensation est admise uniquement pour les coûts nets liés à la fonction de service public », que « [c]ela signifie qu’il faut tenir compte des recettes directes et indirectes provenant du service public » et, donc, que « du [...] montant total des coûts du service public [...], il faut déduire, par exemple, les recettes publicitaires nettes réalisées au cours de la retransmission de programmes relevant du service public ainsi que les recettes nettes provenant de la commercialisation de ce type de programmes » (point 123 de la décision RAI).

167    Pour autant, premièrement, que l’argument susvisé de TF1 se fonde sur la position selon laquelle des recettes commerciales non liées au service public ne sont pas déduites des charges brutes du service public, avec pour corollaire qu’une baisse de telles recettes commerciales ne peut avoir pour effet d’augmenter les coûts nets du service public (voir point 146 ci-dessus), il suffit de constater que la baisse des recettes commerciales constatée en l’espèce concernait des recettes liées au service public, puisqu’il s’agissait des recettes issues de la vente d’espaces publicitaires insérés dans la programmation de service public diffusée par France Télévisions. La Commission ne s’est donc nullement écartée de sa pratique antérieure en considérant que la baisse des recettes publicitaires de France Télévisions entraînait une augmentation des coûts nets de service public.

168    Pour autant, deuxièmement, que, par l’argument susvisé, tel qu’il est formulé dans la réplique (voir point 147 ci-dessus), TF1 reproche à la Commission d’avoir confondu la notion de recettes commerciales et celle de bénéfice net et d’avoir donc admis, en s’écartant de sa pratique antérieure et sans explication, que la dotation notifiée pouvait compenser des coûts commerciaux, il a déjà été constaté (voir points 90 et 91 ci-dessus) que la Commission n’a pas confondu les notions susvisées, mais a considéré, en substance, que la baisse des recettes commerciales en 2008 ne s’accompagnerait d’aucune variation des charges commerciales d’une ampleur susceptible d’empêcher l’établissement d’une relation de proportionnalité entre la baisse desdites recettes et celle du bénéfice net et, partant, entre la baisse des recettes et l’augmentation des coûts nets du service public. Compte tenu de cette appréciation, la Commission ne s’est pas écartée de sa pratique antérieure.

169    Il résulte des considérations qui précèdent que, la Commission ne s’étant nullement écartée de sa pratique antérieure, l’argument de TF1 tiré de l’absence de motivation à cet égard doit être rejeté comme fondé sur une prémisse erronée.

170    S’agissant des arguments (voir points 149 à 151 ci-dessus) par lesquels M6 dénonce, en substance, le caractère insuffisant de l’examen des causes exactes de la baisse des recettes publicitaires et le caractère erroné et injustifié de l’affirmation de la Commission au paragraphe 9 de la décision attaquée relative à la réaction des concurrents à l’annonce du 8 janvier 2008, il convient de relever que ces arguments se confondent, en substance, avec les griefs avancés dans le cadre des précédents moyens d’annulation et déjà écartés.

171    Il résulte des considérations qui précèdent que les présents moyens d’annulation, tirés de la violation de l’obligation de motivation, doivent être rejetés.

172    Les requérantes ayant succombé en tous leurs moyens, il convient de rejeter les présents recours.

 Sur les dépens

173    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

174    Les requérantes ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission et de France Télévisions, conformément aux conclusions de ces dernières.

175    Canal +, intervenante au soutien des conclusions des requérantes, ainsi que la République française, intervenante au soutien des conclusions de la Commission, supporteront chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Métropole télévision (M6) est condamnée à supporter ses propres dépens dans l’affaire T‑568/08 ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et par France Télévisions dans cette affaire.

3)      Télévision française 1 SA (TF1) est condamnée à supporter ses propres dépens dans l’affaire T‑573/08 ainsi que ceux exposés par la Commission et par France Télévisions dans cette affaire.

4)      La République française et Canal + supporteront, chacune, leurs propres dépens dans les affaires T‑568/08 et T‑573/08.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er juillet 2010.

Signatures


* Langue de procédure : le français.