Language of document : ECLI:EU:T:2012:96

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 février 2012(*)

 « Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale SERVO SUO – Marque communautaire verbale antérieure SERVUS – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 » 

Dans l’affaire T‑525/10,

Azienda Agricola Colsaliz di Faganello Antonio, établie à Refrontolo (Italie), représentée par Mes G. Massa et P. Massa, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. G. Mannucci, puis par M. P. Bullock, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Weinkellerei Lenz Moser AG, établie à Linz (Autriche), représentée par Me C.-R. Haarman, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 16 août 2010 (affaire R‑1571/2009‑2), relative à une procédure d’opposition entre Weinkellerei Lenz Moser AG et Azienda Agricola Colsaliz di Faganello Antonio,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe, et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 novembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 16 mars 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 30 mars 2011,

à la suite de l’audience du 6 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 mars 2007, la requérante, Azienda Agricola Colsaliz di Faganello Antonio, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins, modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SERVO SUO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 40/2007, du 6 août 2007.

5        Le 27 septembre 2007, l’intervenante, Weinkellerei Lenz Moser AG, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée, pour les produits visés au point 3 ci-dessus. À l’appui de son opposition, l’intervenante invoquait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

6        L’opposition était fondée sur plusieurs enregistrements antérieurs, notamment celui de la marque communautaire verbale SERVUS, déposée le 24 juillet 1997 et enregistrée le 24 février 1999, désignant des produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières), vins, mousseux ».

7        Par décision du 10 novembre 2009, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, estimant qu’il existait un risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée.

8        Le 21 décembre 2009, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 16 août 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours dans son intégralité. Elle a estimé, en premier lieu, que les produits visés par la marque antérieure étaient identiques à ceux visés par la marque demandée. En second lieu, elle a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique. Elle a aussi conclu à l’identité des marques en conflit sur le plan conceptuel pour le public italien. En conséquence, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler et réformer la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait, à tort, conclu à l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure. La chambre de recours aurait, d’une part, fait une mauvaise appréciation, au regard de la jurisprudence, de leur similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, en particulier en n’appliquant pas le principe d’interdépendance des facteurs, et, d’autre part, conclu erronément à l’identité des produits visés par les marques en conflit.

13      L’OHMI et l’intervenante contestent le bien-fondé de l’ensemble des arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

15      Selon la jurisprudence, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce. Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, notamment entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

16      Il y a de même lieu de rappeler que, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

17      Avant d’examiner les arguments avancés par les parties à la lumière de ces principes, il convient de relever que c’est au regard des consommateurs situés sur le territoire de l’Union européenne que l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer, comme l’a estimé, à bon droit, la chambre de recours sans que la requérante le conteste.

 Sur le public pertinent

18      S’agissant de la définition du public pertinent, la requérante conteste l’analyse faite par la chambre de recours, au point 19 de la décision attaquée, selon laquelle le public pertinent est, en l’espèce, le consommateur moyen de produits de consommation courante, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Elle estime que le public pertinent est composé de consommateurs avec un niveau d’attention plus élevé que celui du consommateur moyen d’autres produits de consommation courante et que ce public est particulièrement vigilant en ce qui concerne l’origine, la dénomination, les caractéristiques et, partant, la marque des produits en cause.

19      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

20      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

21      Il ressort en outre d’une jurisprudence constante que les vins sont des produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié au Recueil, point 46 ; du 14 novembre 2007, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (CASTELL DEL REMEI ODA), T‑101/06, non publié au Recueil, point 52, et du 12 mars 2008, Sebirán/OHMI – El Coto De Rioja (Coto D’Arcis), T‑332/04, non publié au Recueil, point 29].

22      Les produits visés par la demande d’enregistrement étant destinés à la consommation courante, il y a lieu de conclure que le public pertinent est composé de consommateurs moyens faisant preuve d’un niveau d’attention moyen à l’occasion de leur acquisition, ainsi que le font valoir l’OHMI et l’intervenante. Le fait que, comme l’allègue la requérante, les vins qu’elle commercialise soient, le cas échéant, des vins de qualité bénéficiant d’une certaine notoriété ne modifie pas cette constatation, dès lors que l’enregistrement de la marque communautaire a été demandé non seulement pour des vins qui seraient d’une telle qualité, mais aussi, de manière générale, pour les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

 Sur la comparaison des produits

23      La requérante soutient que les produits visés par les marques en conflit se différencient par leurs caractéristiques organoleptiques, leur provenance, leurs modalités d’utilisation, leurs canaux de distribution, les secteurs de marché concernés et, en conséquence, ils ne ciblent pas les mêmes consommateurs. En outre, la marque demandée bénéficierait d’un caractère distinctif fort renforcé par la règlementation européenne sur la transparence en matière de provenance des vins.

24      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

25      Il ressort du point 20 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les produits en cause étaient identiques dans la mesure où les produits visés par la marque demandée sont inclus dans la liste des produits visés par la marque antérieure.

26      Il y a lieu de considérer, à cet égard, que la chambre de recours n’a commis aucune erreur. En effet, il est de jurisprudence constante que, lorsque les produits visés par la marque antérieure incluent les produits visés par la demande de marque, ces produits sont considérés comme identiques [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, points 32 et 33 ; du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 34, et du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI-Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec. p. II‑5309, point 51].

27      En l’espèce, les produits visés par la marque demandée, à savoir les « boisons alcooliques (à l’exception des bières) », relevant de la classe 33, font partie de la liste des produits couverts par la marque antérieure, à savoir les « boissons alcooliques (à l’exception des bières), vins, mousseux », relevant de la même classe. Dès lors, les produits en cause doivent être considérés comme identiques au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

28      Les arguments de la requérante concernant le fait que les produits en cause sont différents en ce qui concerne leurs caractéristiques organoleptiques, leur provenance, leurs modalités d’utilisation, leurs canaux de distribution et les secteurs de marché concernés ne sont, à cet égard, pas pertinents, dès lors que, comme le relève l’OHMI, les produits visés par la marque antérieure sont les « boissons alcooliques (à l’exception des bières) » en général, incluant explicitement les vins et les vins mousseux dont le « prosecco », sans précision quant à leur origine, leur provenance ou leur qualité. Il y a en outre lieu de relever, premièrement, que la requérante n’a apporté aucun élément de preuve permettant d’étayer ses arguments quant à la différence des produits en cause au niveau de leurs canaux de distribution, de leur nature ou de leur usage. Deuxièmement, il y a lieu de souligner qu’une différence de provenance des produits n’est pas de nature à établir l’absence d’un risque de confusion dans la mesure où il n’est pas exclu qu’une même entreprise produise des produits similaires dans des lieux différents (voir, en ce sens, arrêt CRISTAL CASTELLBLANCH, point 26 supra, points 52 et 53).

29      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée bénéficie d’un caractère distinctif fort renforcé par la règlementation européenne sur la transparence en matière de provenance des vins, il convient de remarquer, d’une part, que ledit caractère est sans pertinence dans le cadre de l’examen de la similitude des produits et, d’autre part, que l’existence d’une telle règlementation n’est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, en particulier au regard du fait que les produits visés par les marques en conflit ne couvrent pas exclusivement les vins.

30      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré que les produits en cause étaient identiques. Dès lors, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante concernant la comparaison des produits.

 Sur la comparaison des signes

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

32      D’une façon générale, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30].

33      En outre, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, en vertu du caractère unitaire de la marque communautaire, un enregistrement doit être refusé lorsqu’un motif relatif de refus existe dans une partie seulement de l’Union [arrêts du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI–Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection, T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 34, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI–Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76].

34      Il convient donc de vérifier si l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit, retenue par la chambre de recours, à la suite de l’examen de leur similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, n’est pas entachée d’erreur.

 Sur la similitude visuelle

35      S’agissant de la similitude visuelle, la requérante considère que la chambre de recours a, notamment, commis une erreur, d’une part, en surestimant l’importance de l’élément commun « serv » et, d’autre part, en ne prenant pas suffisamment en compte le fait que la marque demandée était composée de deux mots tandis que la marque antérieure n’était constituée que d’un seul mot. À cet égard, elle soutient que la chambre de recours s’est contredite en affirmant que la comparaison des signes en conflit devait être globale alors qu’elle n’aurait en réalité effectué cette comparaison que par lettres et par syllabes. La requérante lui reproche en outre de ne pas avoir fondé son appréciation de la similitude desdits signes sur des représentations graphiques réelles.

36      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

37      À titre préliminaire, s’agissant des annexes de la requête fournies par la requérante qui comparent des représentations graphiques des marques en conflit, il y a lieu de rappeler que les modalités concrètes d’application des marques verbales sur les produits en cause sont dépourvues de pertinence pour l’appréciation de la similitude visuelle, laquelle appréciation s’opère sur la base des signes tels qu’enregistrés ou demandés auprès de l’OHMI [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juin 2010, Muñoz Arraiza/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Calificada Rioja (RIOJAVINA), T‑138/09, Rec. p. II‑2317, point 50].

38      S’agissant de la comparaison visuelle des signes tels qu’enregistrés ou demandés, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la circonstance que l’élément « serv » est présent dans les deux marques constitue un facteur de similitude particulièrement important au regard du rôle considérable qu’il joue dans la perception de chacune de ces marques par le public pertinent. En effet, dans la marque antérieure comme dans la marque demandée, l’élément « serv » se situe au début du signe. Or, il convient de rappeler que le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’un signe verbal qu’à sa fin [voir arrêt du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, point 51, et la jurisprudence citée]. Il y a lieu de noter, en outre, que la requérante n’a pas présenté d’éléments suggérant que ce principe ne s’applique pas au cas d’espèce.

39      En deuxième lieu, il convient de constater, ainsi que le font valoir l’OHMI et l’intervenante, qu’en plus de l’élément commun « serv », les six lettres de la marque antérieure sont présentes dans la marque demandée, que cinq de ces six lettres sont disposées de la même façon dans les deux marques et que l’élément additionnel « suo » de la marque demandée ne comprend que trois lettres, placées à la fin, sur un total de huit lettres, , ce qui limite son importance sur le plan visuel.

40      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante soutenant que la chambre de recours n’a pas appliqué correctement, sur le plan visuel, la règle jurisprudentielle de l’appréciation globale,, il y a lieu de constater que la chambre de recours a procédé, au point 23 de la décision attaquée, à une analyse fondée sur un examen des lettres et des syllabes. Elle a considéré qu’un degré moyen de similitude visuelle entre les marques en conflit existait dans la mesure où, quand bien même les signes en conflit différaient, s’agissant, d’une part, de la lettre « o » et de la position de la lettre « u » et, d’autre part, du nombre de mots, les quatre lettres initiales des deux signes étaient identiques et lesdites marques avaient en commun une deuxième lettre « s ».

41      Il y a lieu de considérer qu’une telle analyse ne saurait être critiquée. En effet, l’appréciation de la similitude visuelle des signes en conflit, dans le but d’évaluer l’impression d’ensemble produite par ceux‑ci, peut tenir compte, notamment, s’agissant de marques verbales, de leur longueur, des lettres dont elles sont formées, ainsi que de l’ordre de ces lettres [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal RESPICUR, point 20 supra, point 55 ; du 20 novembre 2007, Castellani/OHMI – Markant Handels und Service (CASTELLANI), T‑149/06, Rec. p. II‑4755, point 54, et du 25 mars 2009, Kaul/OHMI–Bayer (ARCOL), T‑402/07, Rec. p. II‑737, point 83]. Il y a lieu de souligner, par ailleurs, que la requérante n’a pas avancé d’éléments de nature à remettre en cause la pertinence de ce principe au cas d’espèce. Dès lors, il convient de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a fondé son appréciation de l’impression visuelle d’ensemble produite par les signes en conflit sur une analyse fondée sur le nombre et l’ordre des lettres composant ces signes.

42      Ensuite, il convient de souligner que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours a bien pris en compte le fait que la marque demandée était composée de deux mots tandis que la marque antérieure n’était constituée que d’un seul mot. Il ressort en effet du point 28 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en considération l’argument de la requérante, mais qu’elle a estimé qu’il n’était pas suffisant pour conclure à un faible degré ou à une absence de similitude visuelle.

43      Eu égard aux points 41 et 42 ci-dessus, il doit être constaté que la présence de deux lettres et d’un mot supplémentaires dans la marque demandée, ainsi que l’absence de voyelle « o » dans la marque antérieure, sans être négligeable sur le plan visuel, ne sont pas suffisantes pour remettre en cause la constatation d’une similitude visuelle moyenne entre les signes en cause. En effet, si les marques en conflit présentent certaines différences, le consommateur ne décomposera pas les marques en fonction des lettres qui diffèrent entre elles et qui ne sont pas descriptives d’un produit ou d’un service, mais se livrera à une appréciation globale du signe selon la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus. Il ressort, en outre, également d’une jurisprudence constante que le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire [voir arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T‑186/02, Rec. p. II‑1887, point 38, et la jurisprudence citée].

44      Il convient donc de considérer que la chambre de recours a estimé à bon droit que les différences relevées par la requérante entre les marques en conflit, sur le plan visuel, n’étaient pas de nature à remettre en cause l’existence d’un degré moyen de similitude visuelle entre elles.

 Sur la similitude phonétique

45      S’agissant de la similitude phonétique, la requérante soutient notamment que la chambre de recours a insuffisamment pris en considération les différences syllabiques entre les marques en conflit, ainsi que le fait que la voyelle « o » est absente de la marque antérieure.

46      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

47      Il ressort du point 24 de la décision attaquée que la chambre de recours a conclu à l’existence d’ un degré moyen de similitude phonétique entre les marques en conflit.

48      Cette conclusion ne saurait être valablement contestée, en premier lieu, au vu de l’identité de l’élément « serv ». Selon la chambre de recours, l’élément « serv » se prononcera probablement de manière identique sur l’ensemble du territoire pertinent. La requérante ne conteste ni cet argument ni le fait que l’accent tonique soit mis, dans les marques en conflit, sur la première syllabe « ser ».

49      En deuxième lieu, il convient de constater que la position identique des consonnes « v » et « s » dans les deux marques ainsi que la circonstance que l’ensemble des lettres de la marque antérieure sont inclues dans la marque demandée contribuent à accentuer fortement la similitude phonétique, ainsi que le soutient l’OHMI.

50      En troisième lieu, il y a lieu de constater, ainsi que le soutiennent l’OHMI et l’intervenante, que la consonne « s » située au début de la troisième syllabe, dans la marque demandée, sera prononcée conjointement avec la deuxième syllabe par une partie du public pertinent, ce qui, partant, accentuera la similitude phonétique des éléments « vos » et « vus » des marques en conflit et contribuera à ce que la marque demandée ne soit pas perçue comme étant constituée de deux mots distincts.

51      En conséquence, s’il est vrai, comme le fait valoir la requérante, que la marque antérieure ne contient pas de voyelle « o », bien que les consonnes soient identiques et placées au même endroit que dans la marque demandée, et que cette dernière contient bien deux syllabes supplémentaires, il y a lieu de retenir, ainsi que l’a fait la chambre de recours, l’existence d’un degré moyen de similitude phonétique. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le fait que le nombre de syllabes soit différent ne saurait en soi suffire pour écarter d’emblée l’existence d’une similitude entre les signes tant cette dernière doit être appréciée sur la base de l’impression d’ensemble produite par leur prononciation complète [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI et Cornu, C‑108/07 P, non publié au Recueil, point 48, et arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia, Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 85).

52      Partant, il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante concernant la similitude phonétique.

 Sur la similitude conceptuelle

53      En ce qui concerne la similitude conceptuelle, la requérante considère que la chambre de recours a, d’une part, commis une erreur s’agissant de la signification de l’expression « servo suo » en langue italienne et, d’autre part, sous-estimé la capacité de certains consommateurs à saisir les différences de significations entre les marques en conflit.

54      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

55      En premier lieu, il ressort du point 25 de la décision attaquée que la chambre de recours a bien attribué à l’expression « servo suo » la même signification en italien que la requérante, c’est-à-dire celle de soumission à la volonté d’autrui, et non la signification d’une formule de civilité. En conséquence, dans la mesure où la requérante ne conteste pas que les consommateurs italiens puissent attribuer une signification semblable à la marque antérieure, il y a lieu de constater qu’elle n’a apporté aucun élément permettant de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle lesdits consommateurs feront un rapprochement conceptuel entre les marques en conflit. Le premier argument de la requérante doit donc être rejeté comme étant non fondé.

56      En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a sous-estimé la capacité de certains consommateurs, en particulier, les consommateurs italiens, français et espagnols, à comprendre les différences de significations entre les marques en conflit, il y a lieu de constater, d’abord, que ledit argument repose sur une interprétation erronée de la décision attaquée. Il ressort en effet du point 25 de la décision attaquée que la chambre de recours n’a conclu à une probable confusion conceptuelle que pour l’Italie, dans la mesure où le mot « servus » est un mot latin signifiant « servant » et qu’il est susceptible d’être compris par le public italien. Un tel rapprochement conceptuel entre les marques en conflit serait aussi possible en Espagne, où le mot « siervo » signifiant « servant », est proche du premier mot de la marque demandée « servo », et dont la population serait aussi à même de comprendre la signification du mot latin « servus ». En revanche, la chambre de recours estime très improbable l’existence d’un rapprochement conceptuel pour les autres pays de l’Union, en particulier pour ceux où le mot « servus » est une formule de civilité.

57      Ensuite, la requérante fonde son grief, d’une part, sur des extraits de sites Internet contenant des traductions du mot « servus » de l’allemand vers l’anglais et l’italien, et, d’autre part, sur le fait que le consommateur pertinent est particulièrement attentif et que, en conséquence, il sera plus à même de saisir la différence conceptuelle entre les marques en conflit.

58      Premièrement, il y a lieu de constater que ces extraits de sites Internet montrent qu’en allemand le mot « servus » est une formule de civilité. Dans la mesure où le public pertinent pour lequel un risque de confusion a été constaté est constitué des consommateurs italiens et, dans une moindre mesure, des consommateurs espagnols, la traduction du mot « servus » de l’allemand vers l’anglais et l’italien n’est pas susceptible de remettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée. En effet, il convient de rappeler qu’en vertu de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus, un enregistrement de marque communautaire doit être refusé lorsqu’un motif relatif de refus existe dans une partie seulement du territoire pertinent.

59      Deuxièmement, s’agissant du niveau d’attention des consommateurs, il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été établi au point 22 ci-dessus que le consommateur pertinent manifeste, en l’espèce, un niveau d’attention moyen, et non pas élevé. Il n’y a donc pas lieu de considérer que le consommateur pertinent sera particulièrement attentif à l’aspect conceptuel des marques en cause. Le second argument de la requérante ne saurait donc être accueilli. Partant, l’ensemble des arguments de la requérante concernant la similitude conceptuelle doit être rejeté comme étant non fondé.

60      Il ressort donc de l’ensemble des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique entre les marques en conflit, ainsi qu’à l’existence d’une similitude conceptuelle limitée au public italien.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

61      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt VENADO avec cadre e.a., point 33 supra, point 74).

62      La chambre de recours a considéré que, dans la mesure où les produits en cause étaient identiques, où les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique et où il existait une similitude conceptuelle pour le public italien, il y avait lieu de conclure à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

63      La requérante conteste l’analyse de la chambre de recours en soutenant, notamment, que cette dernière, d’une part, a sous-estimé l’importance de l’aspect visuel, et, d’autre part, n’aurait pas dû conclure à l’existence d’un risque de confusion après avoir établi un degré moyen de similitude entre les marques en conflit.

64      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

65      Compte tenu de l’identité des produits en cause (voir point 30 ci-dessus) et du degré moyen de similitude entre les marques en conflit (voir point 60 ci-dessus), ainsi que de l’interdépendance entre les facteurs devant être pris en considération dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de conclure, à l’instar de la chambre de recours, qu’il existe, en l’espèce, un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

66      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les différents arguments avancés par la requérante.

67      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a sous-évalué l’importance de la comparaison visuelle dans son appréciation globale du risque de confusion, il y a lieu de rappeler, premièrement, qu’il a déjà été établi que la chambre de recours n’a commis aucune erreur en concluant à l’existence d’un degré moyen de similitude sur le plan visuel (voir point 44 ci-dessus). Deuxièmement, il ressort du point 27 de la décision attaquée que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours a accordé autant d’importance à l’aspect visuel qu’à l’aspect phonétique. Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la similitude visuelle est plus importante que la similitude phonétique pour la catégorie de produits en cause, il suffit de rappeler, comme le font valoir à bon droit l’OHMI et l’intervenante, sans que la requérante avance d’argument visant à le contester, qu’il est de jurisprudence constante que, pour les vins, il y a lieu d’attacher une importance particulière à l’aspect phonétique [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, non encore publié au Recueil, point 62, et la jurisprudence citée].

68      En second lieu, pour autant que la requérante soutient qu’il est nécessaire de prouver l’existence d’une renommée de la marque antérieure, ainsi que l’existence d’un préjudice subi par le titulaire de la marque antérieure, sans juste motif, pour établir l’existence d’un risque de confusion, il y a lieu de constater, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à bon droit au point 30 de la décision attaquée, que ces deux conditions ne doivent être remplies qu’en cas d’opposition au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. L’opposition de l’intervenante étant fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante comme étant non fondé.

69      Dès lors, il convient de rejeter le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Azienda Agricola Colsaliz di Faganello Antonio est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 février 2012. .

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.