ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

29 juin 2010


Affaire F-39/09


Jacqueline Goddijn

contre

Office européen de police (Europol)

« Fonction publique — Personnel d’Europol — Non‑renouvellement d’un contrat — Contrat à durée indéterminée — Article 6 du statut du personnel d’Europol — Principe du respect des droits de la défense »

Objet : Recours, introduit au titre de l’article 40, paragraphe 3, de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne portant création d’un Office européen de police (convention Europol) et de l’article 93, paragraphe 1, du statut du personnel d’Europol, par lequel Mme Goddijn demande l’annulation de la décision d’Europol, du 12 juin 2008, refusant de lui accorder un contrat à durée indéterminée et de la décision d’Europol, du 7 janvier 2009, rejetant sa réclamation contre la décision du 12 juin 2008.

Décision : La décision du 12 juin 2008 par laquelle Europol a refusé d’accorder à la requérante un contrat à durée indéterminée est annulée. Europol est condamné aux dépens.


Sommaire


1.      Droit de l’Union — Principes — Droits de la défense

2.      Fonctionnaires — Agents d’Europol — Décision affectant la situation administrative d’un agent — Prise en considération d’éléments ne figurant pas dans son dossier individuel — Illégalité

(Statut du personnel d’Europol, art. 6 et 23)

3.      Fonctionnaires — Agents d’Europol — Décision affectant la situation administrative d’un agent — Prise en considération d’éléments ne figurant pas dans son dossier individuel — Influence décisive — Annulation — Conditions

(Statut du personnel d’Europol, art. 23)


1.      Le respect des droits de la défense constitue une forme substantielle dont la violation peut être soulevée d’office. Il constitue également, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief, un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Ce principe exige que toute personne à l’encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à sa charge dans l’acte à intervenir. Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d’accès implique que l’administration doit communiquer à l’agent concerné tous les documents sur lesquels elle est susceptible de fonder sa décision.

(voir points 54 et 55)

Référence à :

Cour : 7 mai 1991, Interhotel/Commission, C‑291/89, Rec. p. I‑2257, point 14 ; 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 68 et 71 ; 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, Rec. p. I‑10915, points 37 et 38 ; 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, C‑59/06 P, non publié au Recueil, point 46

Tribunal de première instance : 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/05 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 487

Tribunal de la fonction publique : 11 septembre 2008, Bui Van/Commission, F‑51/07, RecFP p. I‑A‑1‑289 et II‑A‑1‑1533, point 77, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑491/08 P


2.      Pour les agents d’Europol, l’article 23 du statut du personnel d’Europol a pour objectif de garantir les droits de la défense, en évitant que des décisions prises par l’administration, affectant la situation d’un agent et sa carrière, ne soient fondées sur des faits concernant sa compétence, son rendement ou son comportement non mentionnés dans son dossier individuel. Il en résulte qu’une décision fondée sur de tels éléments factuels est contraire aux garanties dudit statut et doit être annulée comme étant intervenue à la suite d’une procédure entachée d’illégalité.

Une décision intervenue à l’issue d’une procédure particulière d’attribution de contrats à durée indéterminée prévue par les dispositions de l’article 6 du même statut et de l’article 7 de la décision du 8 décembre 2006, relative à la mise en œuvre de l’article 6 du statut du personnel d’Europol, peut affecter la situation administrative d’un agent Europol et constitue, dès lors, une décision faisant grief. Il s’ensuit qu’une telle décision ne peut être adoptée que conformément au principe du respect des droits de la défense.

(voir points 56 et 58)

Référence à :

Cour : 28 juin 1972, Brasseur/Parlement, 88/71, Rec. p. 499, point 11 ; 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, Rec. p. 739, point 11

Tribunal de première instance : 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, RecFP p. I‑A‑37 et II‑239, points 70 et 72 ; 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1865, point 50

Tribunal de la fonction publique : 28 juin 2007, Bianchi/ETF, F‑38/06, RecFP p. I‑A‑1‑183 et II‑A‑1‑1009, point 48


3.      La violation de l’article 23 du statut du personnel d’Europol et du principe du respect des droits de la défense n’entraîne l’annulation d’un acte que s’il est établi que des pièces qui n’ont pas été communiquées à un agent ont pu avoir une incidence décisive sur la décision de l’administration le concernant.

À cet égard, un formulaire d’évaluation, qui ne constitue pas une simple reprise d’informations contenues dans le rapport d’évaluation de l’intéressé, mais qui comporte des rubriques relatives à sa compétence, à son rendement et à sa conduite ainsi qu’une évaluation de l’impact du non‑renouvellement de son contrat sur le bon fonctionnement d’Europol, est susceptible d’avoir une influence décisive sur ladite décision.

(voir points 62 à 66)

Référence à :

Cour : 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 67

Tribunal de première instance : 6 février 2007, Wunenburger/Commission, T‑246/04 et T‑71/05, RecFP p. I‑A‑2‑21 et II‑A‑2‑131, point 149