DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

1er mars 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale CIPRIANI – Marque de l’Union européenne verbale antérieure HOTEL CIPRIANI – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 47, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des produits et des services – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑438/16,

Altunis-Trading, Gestão e Serviços, Lda, établie à Funchal (Portugal), représentée par Mes A. Vanzetti, S. Bergia et G. Sironi, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Hotel Cipriani Srl, établie à Venise (Italie), représentée initialement par MM. P. Cantrill, solicitor, et B. Brandreth, barrister, puis par MM. Brandreth, A. Poulter et P. Brownlow, solicitors,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 7 juin 2016 (affaire R 1889/2015-4), relative à une procédure d’opposition entre Hotel Cipriani et Altunis-Trading, Gestão e Serviços,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. J. Passer (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 5 janvier 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 12 janvier 2017,

à la suite de l’audience du 15 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En 1956, M. Giuseppe Cipriani, le père de M. Arrigo Cipriani, représentant légal de la requérante, Altunis-Trading, Gestão e Serviços, Lda, et un tiers ont créé Hotel Cipriani SpA, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Hotel Cipriani Srl.

2        En 1966, les parts sociales détenues dans Hotel Cipriani SpA par le tiers mentionné au point 1 ci-dessus ont été transférées à Stondon, Ondale and Patmore Company Ltd.

3        En 1967, M. Giuseppe Cipriani et Stondon, Ondale and Patmore Company ont conclu un accord en vertu duquel l’intégralité des parts de Hotel Cipriani SpA détenues par le premier étaient transférées à la seconde (ci-après l’« accord de 1967 »). Par ailleurs, cet accord contenait une série de dispositions relatives à l’utilisation du nom Cipriani.

4        Le 27 septembre 2012, la requérante a présenté une demande de protection dans l’Union européenne de l’enregistrement international no 1127870 à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

5        L’enregistrement international pour lequel la protection a été demandée est le signe verbal CIPRIANI.

6        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons sans alcool ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ».

7        Le 28 juin 2013, l’intervenante a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à la demande de protection pour tous les produits visés au point 6 ci-dessus, au motif d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001).

8        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure HOTEL CIPRIANI, désignant les services relevant de la classe 42 (devenue classe 43) et correspondant à la description suivante : « Hôtels, réservation d’hôtel, restaurants, cafétérias, lieux publics de restauration, bars, approvisionnement ; livraison de boissons pour consommation immédiate ».

9        Le 22 juillet 2015, la division d’opposition a fait droit à l’opposition formée par l’intervenante pour l’ensemble des produits visés au point 6 ci-dessus.

10      Le 21 septembre 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 7 juin 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, comme suit : premièrement, la chambre de recours a relevé l’usage sérieux de la marque antérieure. Deuxièmement, elle a considéré que les produits en cause et les services protégés par la marque antérieure présentaient un degré de similitude moyen et que le degré de similitude entre les marques était plutôt élevé.Dès lors, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion pour le public pertinent concernant l’ensemble des produits concernés.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition formée par l’intervenante et renvoyer l’affaire devant l’EUIPO ;

–        condamner l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante présente deux moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 15, de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenus article 18 et article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) ainsi que de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lus en combinaison avec la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), et, deuxièmement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

15      Par ailleurs, la requérante estime que toute action engagée par l’intervenante contre le groupe de sociétés Cipriani, dont fait partie la requérante, portant sur le nom Cipriani constitue une violation de l’accord de 1967, un accord qui lierait les parties.

16      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 15, de l’article 42, paragraphe 2, et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lus en combinaison avec la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95

17      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’usage sérieux de la marque HOTEL CIPRIANI pour les services d’hôtellerie de l’intervenante, à savoir les services relatifs aux « hôtels » et à la « réservation d’hôtel » (ci-après les « services d’hôtellerie »). En ce qui concerne les services de restauration et de débit de boissons de l’intervenante, à savoir les « restaurants, cafétérias, lieux publics de restauration, bars, approvisionnement ; livraison de boissons pour consommation immédiate » (ci-après les « services de restauration et de débit de boissons »), la requérante ne conteste pas davantage les appréciations formulées dans la décision attaquée concernant le temps et le lieu de l’usage de la marque pour lesdits services.

18      En revanche, elle conteste les appréciations portant sur l’importance et la nature de l’usage des services de restauration et de débit de boissons qui ont conduit la chambre de recours à affirmer que la marque antérieure faisait l’objet d’un usage sérieux pour lesdits services.

19      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001), lu à la lumière du considérant 10 du règlement no 207/2009 (devenu considérant 24 du règlement 2017/1001) et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque de l’Union européenne consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 17 janvier 2013, Reber/OHMI – Wedi & Hofmann (Walzer Traum), T‑355/09, non publié, EU:T:2013:22, point 25 et jurisprudence citée].

20      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

21      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

22      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 41].

23      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

24      En substance, ce moyen est subdivisé en deux branches, comme suit : en premier lieu, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas examiné de manière adéquate le fait que les services de restauration et de débit de boissons constituent des services accessoires par rapport aux services d’hôtellerie ; en second lieu, la requérante relève que, pour les services de restauration et de débit de boissons, l’intervenante utilise des signes différents de la marque sur laquelle l’opposition est fondée.

 Sur la première branche, tirée de la nature accessoire des services de restauration et de débit de boissons par rapport aux services d’hôtellerie

25      La requérante soutient que la chambre de recours a commis des erreurs manifestes d’appréciation lorsqu’elle a considéré que l’intervenante avait rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque HOTEL CIPRIANI au cours des cinq années qui précédaient le dépôt de la marque CIPRIANI eu égard aux services de restauration et de débit de boissons.En outre, la marque HOTEL CIPRIANI ne ferait pas l’objet d’un usage sérieux en ce qui concerne les services de restauration et de débit de boissons puisqu’ils ne seraient que des services accessoires par rapport aux services d’hôtellerie.

26      Selon la requérante, il ressort de la jurisprudence du Tribunal qu’il ne suffirait pas que la marque soit associée à un service pour qu’elle fasse l’objet d’un usage sérieux. Bien que la preuve de l’usage ait été rapportée pour les services d’hôtellerie, l’intervenante n’aurait pas rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque dans le domaine de la restauration et du débit de boisson.

27      L’EUIPO réfute l’affirmation concernant la nature accessoire des services de restauration et de débit de boissons, en soulignant que les preuves de l’usage figurant dans le dossier montrent que ces services ont été fournis de manière distincte et indépendante des services d’hôtellerie. Ils sont également proposés aux clients externes de l’hôtel (Hotel Cipriani) et représentent un volume important des recettes de celui-ci.

28      L’intervenante partage l’interprétation de la chambre de recours, soutenue par l’EUIPO, quant à l’indépendance des services de restauration et de débit de boissons. Elle soutient que lesdits services bénéficient d’une renommée particulière, indépendamment des services d’hôtellerie. Par ailleurs, les services de restauration et de débit de boissons seraient notamment recommandés et utilisés par des clients ne séjournant pas à l’hôtel.

29      Comme indiqué au point 18 de la décision attaquée, et ainsi qu’il ressort de l’analyse de la documentation contenue dans le dossier de l’EUIPO transmis au Tribunal, afin d’établir un usage sérieux de la marque antérieure, l’intervenante a produit, notamment, les éléments de preuve suivants :

–        le témoignage non daté de M. Philip Calvert, vice-président des affaires juridiques et commerciales chez Belmond Ltd, société holding de Hotel Cipriani Srl, qui résume les indications de lieu, de durée, d’importance et de nature figurant dans les éléments de preuve joints ;

–        de nombreuses factures sur lesquelles figure le signe HOTEL CIPRIANI, datant du 4 juin 2008 au 26 septembre 2011 et relevant par là même de la période pertinente, qui renvoient avant tout à des services de bars et de restaurants et sont adressées à des clients établis notamment en Belgique, au Danemark, en France, en Italie, en Finlande et au Royaume-Uni ; l’adresse de l’hôtel apparaît également sur les factures ;

–        des captures d’écran du site Internet Tripadvisor présentant des informations et des commentaires concernant « belmond hotel cipriani » ; les commentaires couvrent une longue période et certains d’entre eux s’inscrivent dans la période pertinente ;

–        un extrait du magazine You & Your Wedding, datant du 1er septembre 2010, concernant « hotel cipriani » et ses services de restaurants et d’approvisionnement ;

–        un extrait du guide Best Hotels, datant de 2011, sur lequel figure le signe HOTEL CIPRIANI écrit en italien et en anglais ;

–        un article extrait du guide Departures Venice dans lequel le signe HOTEL CIPRIANI figure sur certaines images et qui renvoie à des services d’hôtels, de restaurants et de bars ;

–        un article extrait du magazine Condé Nast Traveller, datant de janvier 2009, indiquant des montants en livres sterling et en euros et faisant référence à des services d’hébergement, de restaurants et de bars fournis par « hotel cipriani » ;

–        une liste de prix pour « bar cipriani » portant le signe HOTEL CIPRIANI au bas de la dernière page ; la liste des ingrédients est en anglais ;

–        une liste de tarifs datant de 2008 sur laquelle figure le signe HOTEL CIPRIANI et qui affiche les prix en euros pour les services d’hébergement et de livraison de produits alimentaires et de boissons ;

–        une brochure concernant des services de banquet portant le signe HOTEL CIPRIANI, écrite en anglais et en italien et dont les prix sont libellés en euros ;

–        un exemplaire d’un « Menu enfant » dressant une liste de plats en anglais et en italien.

30      S’agissant de l’analyse de l’importance de l’usage dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la marque était utilisée en tant que marque non seulement pour des services d’hôtellerie, mais également pour des services liés aux produits alimentaires et aux boissons. En outre, il ressortirait clairement des documents produits par l’intervenante que, même si les restaurants et les bars situés dans l’hôtel avaient leur propre nom, les clients les choisissaient et les reconnaissaient en raison du signe HOTEL CIPRIANI. Par ailleurs, les commentaires des consommateurs et les guides mentionneraient expressément les termes « hotel cipriani », et ils expliqueraient également que cet hôtel fournit des services de restauration et de débit de boissons et qu’il est possible d’y organiser des mariages et autres événements. Selon les documents produits par l’intervenante, les services liés aux produits alimentaires et aux boissons représenteraient près de 30 % des recettes totales de l’hôtel.

31      L’usage sérieux doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné et ne peut pas être démontré par des probabilités [arrêt du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 37]. La marque doit avoir été utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêts du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37, et du 30 avril 2008, Rykiel création et diffusion de modèles/OHMI – Cuadrado (SONIA SONIA RYKIEL), T‑131/06, non publié, EU:T:2008:135, point 38].

32      À l’instar de l’EUIPO, il convient de constater que les services de restauration et de débit de boissons de l’intervenante sont mentionnés dans des brochures et des guides qui incluent la marque HOTEL CIPRIANI. Par ailleurs, il ressort d’un certain nombre de factures datées de la période pertinente que ces services possèdent une valeur économique et un volume commercial important, indépendamment des services d’hôtellerie.

33      Il résulte de ce qui précède que, s’agissant de la prétendue nature accessoire des services de restauration de l’intervenante, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’usage sérieux de la marque antérieure, en ce compris pour les services de « cafétérias, bars, approvisionnement ; livraison de boissons pour consommation immédiate » compris dans la classe 42 (devenue classe 43). Partant, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, tirée de l’utilisation de différentes marques à l’égard des services de restauration et de débit de boissons

34      Selon la requérante, l’intervenante utiliserait des signes différents de la marque HOTEL CIPRIANI, ne contenant pas les termes « hotel cipriani », pour désigner ses services de restauration et de débit de boissons. Le consommateur ne ferait donc pas le lien entre les services de restauration et de débit de boissons, d’une part, et les services d’hôtellerie, d’autre part. Ainsi, l’usage sérieux de la marque HOTEL CIPRIANI ne serait pas démontré pour ces services de restauration et de débit de boissons.

35      L’EUIPO réfute l’affirmation selon laquelle l’usage d’une dénomination autre que la marque HOTEL CIPRIANI pour les services de restauration et de débit de boissons conduirait le public pertinent à ne pas associer ces services à la marque antérieure. En effet, l’EUIPO fait valoir que les restaurants et les bars de l’intervenante, proposés sous différents signes, sont très généralement, voire constamment, mentionnés en association avec la marque antérieure. Par ailleurs, il serait courant que les clients des restaurants et des bars de l’intervenante mentionnent la marque antérieure afin de se référer aux services de restauration. En outre, la requérante ne prouverait aucunement que l’utilisation de différents noms en complément de la marque antérieure altérerait le caractère sérieux de l’usage de cette dernière.La chambre de recours aurait donc correctement évalué l’usage sérieux de la marque antérieure en effectuant une appréciation globale de l’ensemble des éléments produits, plus particulièrement des factures, des livrets et des brochures.

36      L’intervenante souligne qu’il est possible de rapporter la preuve de l’usage de la marque HOTEL CIPRIANI en établissant un lien entre l’usage de la marque et les services de restauration et de débit de boissons fournis sous une différente dénomination. Ce lien serait vraisemblablement établi par l’utilisation commune par des tiers de la marque antérieure afin de désigner lesdits services.Enfin, l’intervenante fait valoir que, dans la mesure où ces services de restauration et de débit de boissons ont été fournis sous le signe HOTEL CIPRIANI, ils sont de nature à conférer un usage sérieux à la marque antérieure, même s’ils s’agissaient de services jugés accessoires par rapport aux services d’hôtellerie ou portant une dénomination différente de cette marque. De surcroît, l’intervenante remarque qu’il est surprenant que la requérante conteste l’usage sérieux de la marque HOTEL CIPRIANI pour les services de restauration et de débit de boissons. En effet, dans un arrêt du 9 décembre 2008 de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery, Royaume-Uni]opposant l’intervenante au président de la société requérante en l’espèce, la renommée et l’utilisation de la marque CIPRIANI par l’intervenante auraient été reconnues pour les services de restauration.

37      Eu égard à cette décision de justice de 2008, il convient de relever qu’il découle d’une jurisprudence constante que, si l’EUIPO n’est pas lié par les décisions rendues par les autorités nationales, ces dernières décisions, sans être contraignantes ou même décisives, peuvent néanmoins être prises en considération par l’EUIPO, en tant qu’indices, dans le cadre de l’appréciation des faits de la cause [voir arrêt du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 36 et jurisprudence citée]. Partant, les parties peuvent invoquer ces décisions rendues par les autorités nationales, à titre d’indices, en soutien de leur argumentation.

38      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que la requérante n’a pas prouvé que le public pertinent considérait que les services de restauration et de débit de boissons de l’intervenante étaient proposés sous les autres signes mentionnés au point 34 ci-dessus au détriment de la marque antérieure.

39      Au contraire, il ressort des documents mentionnés par la requérante que la marque antérieure est toujours indiquée en caractères gras et majuscules, alors que les autres signes sont à peine visibles. En outre, les factures produites par l’intervenante dans le dossier de l’EUIPO démontrent que ses factures arborent la marque antérieure en en-tête, tandis que les autres signes n’apparaissent que sur une partie d’entre elles et, le cas échéant, en petits caractères.

40      Selon la jurisprudence, il n’existe aucune règle en matière de marque de l’Union européenne obligeant à prouver l’usage de la marque antérieure de manière isolée, indépendamment de toute autre marque ou signe. Dès lors, il est possible que deux ou plusieurs marques fassent l’objet d’un usage conjoint et autonome avec ou sans le nom de la société du fabricant [voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, points 33 et 34, et du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, EU:T:2011:739, point 100]. Ainsi, comme l’EUIPO l’a fait valoir, l’emploi conjoint du nom de la marque avec la marque antérieure ne saurait porter atteinte à la fonction d’identification remplie par la marque à l’égard des services en cause (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2005, CRISTAL CASTELLBLANCH, T‑29/04, EU:T:2005:438, point 36).

41      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’usage sérieux de la marque antérieure, y compris pour les services de « cafétérias, bars, approvisionnement ; livraison de boissons pour consommation immédiate ». Par conséquent, il convient de rejeter également la seconde branche du premier moyen et, partant, l’entièreté de celui-ci.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 concernant l’appréciation de la similitude entre les produits et les services en cause

42      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001], il convient d’entendre notamment par « marques antérieures » les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

43      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

44      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 étaient remplies en l’espèce.

45      À titre liminaire, il convient de noter que la requérante ne conteste pas devant le Tribunal les constatations faites par la division d’opposition et reprises par la chambre de recours selon lesquelles le public pertinent est le public de l’Union européenne.

 Sur la comparaison des produits et des services en cause

46      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu, en interprétant de manière erronée la notion de complémentarité et ses critères d’appréciation, à une similitude entre les produits visés par la demande de protection et les services couverts par la marque antérieure. Elle reconnaît que les services de restauration et de débit de boissons présentent un lien étroit avec les produits en cause. Cependant, outre l’existence d’un lien étroit entre les produits et les services en cause, la complémentarité nécessiterait également que les consommateurs croient que la responsabilité de la fabrication de ces produits et celle de la fourniture de ces services incomberaient à la même entreprise. Cette appréciation ne devrait pas être conduite en référence à des paramètres abstraits, mais par rapport à la possibilité réelle d’une possible confusion dans l’esprit des consommateurs. Or, la chambre de recours aurait comparé les produits et les services en cause sans prendre en considération les circonstances de l’affaire. De surcroît, il serait de jurisprudence constante que les produits et les services sont, de nature, généralement différents. Dès lors, ce serait à tort que la chambre de recours aurait conclu à l’existence d’une complémentarité entre les produits relevant de la classe 32 et les services d’hôtellerie. Par ailleurs, la requérante estime qu’aucune similitude ne peut être constatée entre lesdits produits et services.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

48      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

49      Les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise. Par définition, des produits ou des services adressés à des publics différents ne peuvent pas présenter un caractère complémentaire [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, points 57 et 58 et jurisprudence citée].

50      Force est de constater que les services de restauration et de débit de boissons utilisent nécessairement les produits en cause. En effet, il est évident que des restaurants et des bars ne peuvent pas fournir efficacement leurs services sans proposer et fournir des boissons à leurs clients. Le débit et la livraison de boissons sont par nature liés aux services de restauration et destinés à un public identique. Par ailleurs, des produits alimentaires peuvent être offerts à la vente dans les lieux de restauration. De tels produits sont donc utilisés et proposés dans le cadre des services de restaurants, brasseries et cafés. Ces produits sont par conséquent étroitement liés auxdits services [arrêts du 15 février 2011, Yorma’s/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (YORMA’S), T‑213/09, non publié, EU:T:2011:37, point 46, et du 13 avril 2011, Bodegas y Viñedos Puerta de Labastida/OHMI – Unión de Cosecheros de Labastida (PUERTA DE LABASTIDA), T‑345/09, non publié, EU:T:2011:173, point 52].

51      La requérante fait valoir que la comparaison ne doit pas être conduite en référence à des paramètres abstraits, mais par rapport à une réelle possibilité de confusion dans l’esprit des consommateurs.

52      À cet égard, la chambre de recours a, à juste titre, noté qu’il était courant, de nos jours, que « les restaurants vendent non seulement des boissons, mais [...] produisent également les leurs, comme le café, le vin […], la bière […] ou encore les jus fraîchement pressés, les smoothies et les cocktails ». À l’inverse, « nombre de boulangeries vendent non seulement du pain et des pâtisseries, mais proposent également du café et des petits en-cas, tels que des petits déjeuners, servis à table ».

53      Enfin, la requérante invoque un certain nombre de décisions de la chambre de recours ou de la division d’opposition de l’EUIPO ainsi qu’un arrêt du 9 mars 2005, Osotspa/OHMI – Distribution & Marketing (Hai) (T‑33/03, EU:T:2005:89), qui affirmeraient la différence entre les services relevant de la classe 42 (devenue classe 43) et les produits relevant de la classe 32.

54      L’EUIPO rétorque qu’il est de jurisprudence constante que la légalité de ses décisions doit être appréciée uniquement par rapport au règlement no 207/2009 tel qu’interprété par les juges de l’Union et non sur le fondement de la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO. À cet égard, l’EUIPO invoque la jurisprudence du Tribunal, qui consacrerait la complémentarité entre les boissons et les services de restaurants et de bars relevant de la classe 42 (devenue classe 43) [arrêts du 15 février 2011, YORMA’S, T‑213/09, non publié, EU:T:2011:37, point 46 ; du 13 avril 2011, PUERTA DE LABASTIDA, T‑345/09, non publié, EU:T:2011:173, point 52, et du 18 février 2016, Harrys Pubar et Harry’s New York Bar/OHMI – Harry’s New York Bar et Harrys Pubar (HARRY’S BAR), T‑711/13 et T‑716/13, non publié, EU:T:2016:82, points 59, 60 et 71]. Il cite en particulier un arrêt du 4 juin 2015, Yoo Holdings/OHMI – Eckes-Granini Group (YOO) (T‑562/14, non publié, EU:T:2015:363, points 25 et 26), selon lequel les boissons de fruits et les jus de fruits compris dans la classe 32 couverts par les marques antérieures et les services de la classe 43 étaient complémentaires.

55      L’intervenante considère que les décisions des autorités de l’EUIPO sont dépourvues de pertinence et que l’interprétation faite par la requérante de l’arrêt du 9 mars 2005, Hai (T‑33/03, EU:T:2005:89), est erronée.

56      Eu égard aux décisions des instances de l’EUIPO, il importe de rappeler que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement no 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 5 février 2015, nMetric/OHMI (SMARTER SCHEDULING), T‑499/13, non publié, EU:T:2015:74, point 50].

57      Quant à l’arrêt du 9 mars 2005, Hai (T‑33/03, EU:T:2005:89), force est de constater que, aux points 41 à 46 de cet arrêt, le Tribunal déclare que les services compris dans la classe 42 (devenue classe 43) et les produits compris dans la classe 32 sont « moins proches » eu égard aux comparaisons entre les autres produits et services concernés par les marques en conflit, dont il convient de relever que certains des produits sont compris dans la même classe, à savoir la classe 32.

58      Par ailleurs, le Tribunal conclut, au point 46 dudit arrêt, que les services compris notamment dans la classe 42 (devenue classe 43), désignés par la demande de marque et incluant les services « hébergement et restauration », d’une part, et les produits couverts par les marques antérieures, relevant de la classe 32 et désignant les « boissons non alcooliques ; sirops et autres préparations pour faire des boissons », d’autre part, ne peuvent pas être considérés comme étant similaires. À cet égard, il convient de noter que, bien que les numéros des classes soient identiques dans les deux affaires et que les produits concernés soient également identiques, les services concernés relevant de la classe 42, décrits au point 5 dudit arrêt et rappelés ci-dessus, ne correspondent pas strictement aux services tels que définis au point 8 ci-dessus.

59      Plus généralement, les faits ayant donné lieu à l’affaire T‑33/03 doivent être distingués des faits afférents à la présente affaire décrits ci-dessus. En effet, l’affaire T‑33/03 concernait principalement des boissons énergétiques destinées à un public jeune et faisant normalement l’objet d’une distribution généralisée, par exemple dans les supermarchés (arrêt du 9 mars 2005, Hai, T‑33/03, EU:T:2005:89, points 38 et 63).

60      Il ressort de ce qui précède que cette jurisprudence ne s’applique pas en l’espèce. En revanche, en ce qui concerne la comparaison des produits et des services en cause, il convient de rappeler, à l’instar de l’EUIPO, que le Tribunal a maintes fois constaté la similitude entre les produits compris dans la classe 32 et les services compris dans la classe 42 (devenue classe 43) dans sa jurisprudence récente [arrêts du 4 juin 2015, YOO, T‑562/14, non publié, EU:T:2015:363, points 25 et 26 ; du 18 février 2016, HARRY’S BAR, T‑711/13 et T‑716/13, non publié, EU:T:2016:82, point 71, et du 18 février 2016, Harrys Pubar et Harry’s New York Bar/OHMI – Harry’s New York Bar et Harrys Pubar (HARRY’S NEW YORK BAR), T‑84/14 et T‑97/14, non publié, EU:T:2016:83, point 75].

61      Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu’il existait un certain degré de similitude entre les produits et les services en cause [voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2014, Comptoir d’Épicure/OHMI – A-Rosa Akademie (da rosa), T‑405/13, EU:T:2014:1072, points 97 et 98 et jurisprudence citée, et du 4 juin 2015, YOO, T‑562/14, non publié, EU:T:2015:363, points 25 à 28].

 Sur la comparaison des signes en conflit

62      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

63      La chambre de recours a considéré que le caractère distinctif du signe antérieur est normal. Par ailleurs, les marques en conflit sont des marques verbales dont les signes sont similaires sur les plans visuel et phonétique, dans la mesure où ils coïncident par l’élément verbal « cipriani ». La chambre de recours retient que l’élément « hotel » de la marque antérieure différencie les signes, mais que le caractère distinctif de ce dernier est faible au regard des services fournis par un établissement hôtelier ou à l’intérieur de celui-ci. Ainsi, la chambre de recours conclut que les marques sont très similaires sur les plans visuel et phonétique. La comparaison reste neutre sur le plan conceptuel et n’a pas d’incidence sur l’appréciation de la similitude entre les marques.

64      La requérante n’a pas contesté les conclusions de la chambre de recours concernant la similitude entre les signes en conflit et le caractère distinctif normal de la marque antérieure.

65      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le caractère distinctif du signe antérieur était normal et que les marques étaient très similaires sur les plans visuel et phonétique.

 Sur le risque global de confusion

66      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

67      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, eu égard au caractère distinctif normal de la marque antérieure, au degré de similitude moyen entre les produits et les services en cause, au fort degré de similitude visuelle et phonétique et au degré neutre de similitude conceptuelle entre les signes en conflit, un risque de confusion existait dans l’esprit du public pertinent quant aux services et aux produits en cause.

68      La requérante conteste cette conclusion. Selon la requérante, afin de conclure à un risque de confusion, la chambre de recours aurait dû effectuer une comparaison des produits concernés avec les services d’hôtellerie, d’une part, et les services de restauration, dont la preuve de l’usage sérieux n’aurait pas été rapportée, d’autre part. Elle affirme qu’une telle analyse aurait conduit à exclure un tel risque puisqu’il paraît évident que les produits relevant de la classe 32 ne présentent aucune similitude avec les services de la classe 43. Par ailleurs, elle admet que des boissons sont nécessairement proposées dans le cadre de l’activité d’un restaurant, mais considère que les boissons désignées par la marque CIPRIANI ne seraient pas rattachables par le consommateur à l’intervenante, puisque celui-ci serait en mesure de faire la différence entre le fournisseur du service et le producteur des produits proposés.Dans la mesure où le consommateur n’estimerait pas que l’intervenante a produit les boissons, tout risque de confusion entre les marques visées serait exclu.

69      L’EUIPO remarque qu’il est assez courant que les restaurants produisent leurs propres boissons. Ainsi, le public pertinent peut vraisemblablement être porté à croire que les boissons soient commercialisées par la même entreprise ou attribuer une « origine commerciale commune » à la fourniture des produits et des services. De plus, l’EUIPO met en évidence, au soutien de sa prétention, que la requérante elle-même adopte un tel comportement. En effet, membre du groupe de sociétés Cipriani, la requérante produit et commercialise des produits alimentaires et des boissons sous la même marque que celle de ses restaurants partout dans le monde, « dans le but que les clients associent les restaurants ‘Cipriani’ aux produits portant cette marque ». En produisant elle-même sa nourriture et ses boissons, la requérante souhaite faire valoir qu’elle commercialise les produits proposés et fabriqués par ses soins.

70      L’intervenante soutient et reprend les arguments de la chambre de recours et de l’EUIPO. Elle estime également qu’il est assez courant que les restaurants produisent eux-mêmes les boissons qu’ils vendent.

71      Il convient de rappeler que les produits désignés par la demande de protection et les services couverts par la marque antérieure sont étroitement liés et complémentaires.

72      C’est à juste titre que l’intervenante remarque que « le fait qu’un restaurant vende des produits sous une autre marque ne fait pas obstacle au fait que le consommateur p[uisse] penser qu’il est très courant qu’il vende des produits sous sa propre marque ».Ainsi, le consommateur peut effectivement être porté à croire qu’un restaurant vende ses propres produits sous sa propre marque, en plus de vendre des produits de marques différentes.

73      Par ailleurs, une similitude plutôt élevée entre les signes a été constatée par la chambre de recours, sans être contestée par la requérante.

74      Partant, eu égard au caractère distinctif normal de la marque antérieure, au degré de similitude moyen entre les produits et les services en cause, au fort degré de similitude visuelle et phonétique et au degré neutre de similitude conceptuelle entre les signes en conflit, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

75      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion entre la demande de protection et la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Il convient de rejeter le moyen fondé sur l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

 Sur l’accord de 1967

76      La conclusion qui précède ne peut pas être altérée par l’existence d’un accord signé en 1967 entre M. Giuseppe Cipriani et Stondon, Ondale and Patmore Company, et plus particulièrement de sa clause no 3.

77      La requérante soutient que la décision attaquée n’a pas pris en considération cet accord dans l’appréciation globale du bien-fondé de l’opposition de l’intervenante et que l’opposition est contraire audit accord dans la mesure où, par cet accord, la requérante et l’intervenante auraient accepté la coexistence de leurs marques respectives.

78      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

79      Il y a lieu de relever que, en substance, l’accord de 1967 ne limite le droit de ses signataires d’utiliser le nom Cipriani dans le cadre d’une nouvelle activité que pour une période de cinq ans suivant sa conclusion. En revanche, à l’issue de la période de cinq ans, il découle des clauses 3.1 et 3.2 de l’accord que tant Stondon, Ondale and Patmore Company que M. Giuseppe Cipriani et sa famille pouvaient, en conformité avec les règles de droit applicables en la matière, créer de nouvelles entreprises en utilisant le nom Cipriani [voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2017, Cipriani/EUIPO – Hotel Cipriani (CIPRIANI), T‑343/14, EU:T:2017:458, point 59].

80      Force est de constater que la requérante ne formule cet argument que sous forme de remarque, au point 44 de sa requête, sans l’ériger en tant que moyen autonome au soutien de son recours en annulation. En effet, il ressort, tant de la présentation générale de la requête que, de façon explicite, du résumé figurant à la fin de ce document, que « [l]a société Altunis invoque deux moyens à l’appui de son recours en annulation », qui ont fait l’objet de l’analyse présentée aux points 17 à 75 ci-dessus.

81      De surcroît, la requérante n’a fait état, ni durant la procédure devant l’EUIPO, ni devant le Tribunal, d’aucun argument spécifique permettant de rattacher l’allégation de la violation de l’accord de 1967 aux moyens invoqués au soutien de son recours. En particulier, la requérante n’explicite pas de quelle manière la prétendue violation de l’accord de 1967 pourrait conduire à accueillir les moyens soulevés dans son recours.

82      Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit ressortir du texte même de la requête et être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui [arrêts du 27 septembre 2005, Cargo Partner/OHMI (CARGO PARTNER), T‑123/04, EU:T:2005:340, point 27, et du 3 décembre 2014, Max Mara Fashion Group/OHMI – Mackays Stores (M & Co.), T‑272/13, non publié, EU:T:2014:1020, points 17 et 18].

83      Dès lors, eu égard à ce qui précède, cet argument tiré de la violation de l’accord de 1967 est irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, HARRY’S BAR, T‑711/13 et T‑716/13, non publié, EU:T:2016:82, points 25 à 28).

84      Par conséquent, il convient de rejeter l’intégralité du recours en annulation.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

86      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Altunis-Trading, Gestão e Serviços, Ldaest condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er mars 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.