ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

11 décembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pensions – Droits à pension acquis avant l’entrée au service des Communautés – Transfert au régime communautaire – Calcul des annuités – Article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut – Abrogation de dispositions relatives à la conversion monétaire du montant transféré »

Dans l’affaire F‑60/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Joaquin Martin Bermejo, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Martin et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Simm et I. Sulce, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 18 juin 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 19 juin suivant), M. Martin Bermejo demande l’annulation de la décision du 27 septembre 2006 par laquelle la Commission des Communautés européennes a fixé la bonification d’annuités de pension communautaire résultant du transfert des droits à pension qu’il avait acquis avant d’entrer au service des Communautés.

 Cadre juridique

 Règlements du Conseil relatifs à l’introduction de l’euro

2        Aux termes de l’article 3 du règlement (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l’introduction de l’euro (JO L 162, p. 1, ci-après le « règlement sur l’introduction de l’euro ») :

« L’introduction de l’euro n’a pas pour effet de modifier les termes d’un instrument juridique ou de libérer ou de dispenser de son exécution, et elle ne donne pas à une partie le droit de modifier un tel instrument ou d’y mettre fin unilatéralement. La présente disposition s’applique sans préjudice de ce dont les parties sont convenues. »

3        L’article 14 du règlement (CE) n° 974/98 du Conseil, du 3 mai 1998, concernant l’introduction de l’euro (JO L 139, p. 1), dispose :

« Les références aux unités monétaires nationales qui figurent dans des instruments juridiques existant à la fin de la période transitoire doivent être lues comme des références à l’unité euro en appliquant les taux de conversion respectifs. Les règles relatives à l’arrondissage des sommes d’argent arrêtées par le règlement [sur l’introduction de l’euro] s’appliquent. »

4        Selon l’article 13 du règlement n° 974/98, l’article 14 précité s’applique « à compter de la fin de la période transitoire », période qui est définie, à l’article 1er de ce règlement, comme « la période commençant le 1er janvier 1999 et prenant fin le 31 décembre 2001 ».

 Statut des fonctionnaires et dispositions générales d’exécution

5        L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes disposait, dans sa rédaction en vigueur antérieurement au 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut ») :

« Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés, soit l’équivalent actuariel, soit le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu’elle prend en compte d’après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat. »

6        Par décision du 2 juillet 1969, la Commission avait adopté les dispositions générales d’exécution de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut, modifiées ultérieurement par décisions de la Commission du 4 février 1972 et du 16 mars 1977 (Informations administratives n° 789 du 16 avril 1993, ci-après les « anciennes DGE »).

7        En vertu de l’article 4, paragraphe 4, des anciennes DGE, le montant transféré au compte des Communautés, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII de l’ancien statut, dans une monnaie autre que le franc belge, était – pour la détermination du nombre d’annuités pour la période du 1er janvier 1972 jusqu’à la date de la titularisation du fonctionnaire – converti en francs belges sur la base du taux actualisé moyen fixé par la Commission (ci-après le « mécanisme du taux actualisé moyen ».

8        Ce taux actualisé reflétait le taux de change moyen entre la monnaie nationale concernée et le franc belge sur l’ensemble de la période de paiement des cotisations au niveau national.

9        L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, prévoit désormais, dans sa rédaction issue du règlement n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1), entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « statut ») :

« Le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir :

–        cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

–        exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser aux Communautés le capital, actualisé jusqu’à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

En pareil cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, par voie de dispositions générales d’exécution, compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités qu’elle prend en compte d’après le régime de pension communautaire au titre de la période de service antérieur sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif.

[…] »

10      Par décision du 28 avril 2004, la Commission a abrogé les anciennes DGE et adopté de nouvelles dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut (Informations administratives n° 60‑2004 du 9 juin 2004), entrées en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après les « DGE »).

11      L’article 7, paragraphe 3, de ces DGE prévoit que le montant transféré aux Communautés dans une monnaie autre que l’euro est, pour la détermination du nombre d’annuités, converti en euros sur la base du taux mensuel fixé par la Commission pour l’exécution du budget pour le mois d’enregistrement de la demande. Il résulte ainsi de ces DGE que lorsque le montant transféré aux Communautés est libellé en euros, aucun mécanisme de conversion monétaire de ce montant ne doit être utilisé dans le calcul du nombre d’annuités à prendre en compte dans le régime communautaire de pensions. Le mécanisme du taux actualisé moyen a donc été supprimé, à compter du 1er mai 2004, pour les demandes de transfert de droits à pension acquis au titre d’activités effectuées dans des États membres ayant adopté l’euro.

 Faits à l’origine du litige

12      Le requérant est entré au service de la Commission le 1er octobre 1996 en qualité d’agent temporaire. Le 1er avril 2004, il a été nommé fonctionnaire stagiaire.

13      Le 30 juin 2005, le requérant a demandé le transfert des droits à pension qu’il avait acquis en Espagne et en Belgique avant son entrée au service des Communautés.

14      Le requérant ayant renoncé au transfert de ses droits acquis en Belgique, la Commission, par décision du 27 septembre 2006, a fixé à quatre ans, un mois et dix-sept jours le nombre d’annuités de pension statutaire résultant du transfert de droits acquis par le requérant en Espagne (ci-après la « décision attaquée »).

15      Par note du 27 novembre 2006, le requérant a formé une réclamation contre la décision attaquée. Dans cette réclamation, il a notamment fait valoir que, mal informé par l’administration de la date à laquelle il serait recevable à introduire une demande de transfert, il aurait attendu la fin de sa période d’engagement en qualité d’agent temporaire et sa titularisation comme fonctionnaire pour présenter une telle demande. Il aurait ainsi été contraint, en raison de cette mauvaise information et de sa qualité d’agent temporaire, d’introduire sa demande après le 1er mai 2004, date d’entrée en vigueur des nouvelles règles applicables à sa demande de transfert, nettement moins avantageuses que les précédentes, alors que les fonctionnaires, disposant seulement d’un délai de six mois après leur titularisation pour demander un transfert, auraient pu bénéficier des anciennes règles. En conclusion de sa réclamation, le requérant sollicitait de l’administration qu’elle applique à sa demande de transfert les dispositions de l’ancien statut, en vigueur avant le 1er mai 2004.

16      Le 2 mars 2007, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté ladite réclamation.

17      Par lettre du 31 mai 2007, le requérant a demandé à l’AIPN de se prononcer sur un argument de sa réclamation laissé sans réponse et tiré de ce que, avant l’entrée en vigueur du statut, les droits à pension transférés par le système de pension espagnol bénéficiaient d’un taux de conversion très favorable entre la peseta espagnole et le franc belge. Le requérant estimait dans cette lettre que sa bonification d’annuités de pension communautaire devait être recalculée en prenant en considération le mécanisme du taux actualisé moyen prévu par les anciennes DGE, dans le respect des principes rappelés par le Tribunal dans son arrêt du 14 novembre 2006, Chatziioannidou/Commission (F‑100/05, RecFP p. I‑A‑1‑129 et II‑A‑1‑487, ci-après l’« arrêt Chatziioannidou »).

18      Par lettre du 7 juin 2007, la Commission a rejeté cette demande, en considérant que le transfert des droits à pension du requérant était soumis aux dispositions du statut et que l’intéressé n’était donc pas dans une situation comparable à celle de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Chatziioannidou, relative à l’état du droit antérieur au 1er mai 2004.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par lettre parvenue au greffe du Tribunal le 26 juillet 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 30 juillet suivant), le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure à l’appui des conclusions de la Commission. Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 1er octobre 2007, le Conseil a été admis à intervenir.

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable et, à titre subsidiaire, non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

22      La partie intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le moyen relatif à l’illégalité des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut comme manifestement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé.

 En droit

23      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, adopté le 25 juillet 2007 (JO L 225, p. 1) et entré en vigueur le 1er novembre 2007, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

24      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur (voir arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55, et du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, Rec. p. II‑3121, point 58). Néanmoins, il est de jurisprudence bien établie que la recevabilité d’un recours s’apprécie au moment de son introduction (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50/84, Rec. p. 3991, point 8 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 8 octobre 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R II, Rec. p. II‑2943, point 49).

25      Il résulte de ces considérations que si la règle énoncée à l’article 76 du règlement de procédure, selon laquelle le Tribunal peut, par ordonnance, rejeter un recours qui apparaît manifestement voué au rejet, est une règle de procédure qui s’applique dès la date de son entrée en vigueur à tous les litiges pendants devant le Tribunal, il n’en va pas de même des règles sur la base desquelles le Tribunal peut, en application de cet article, regarder un recours comme manifestement irrecevable. En effet, ces dernières règles, dans la mesure où elles déterminent la recevabilité d’un recours, sont nécessairement celles qui étaient applicables à la date d’introduction de celui-ci.

26      Dans le présent litige, à la date à laquelle le recours a été introduit, le 18 juin 2007, les règles qui fixent les conditions de recevabilité applicables étaient celles auxquelles renvoyait l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier. En effet, ledit article 111 est la disposition qui, dans le règlement de procédure du Tribunal de première instance, correspond à l’article 76 du règlement de procédure.

27      Par conséquent, il y a lieu d’appliquer, d’une part, la règle de procédure visée par l’article 76 du règlement de procédure, et, d’autre part, les règles de recevabilité auxquelles renvoyait l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

28      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

29      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux griefs, tirés respectivement de l’illégalité de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et d’une exception d’illégalité des DGE.

30      D’emblée, il convient de relever, comme le fait la Commission, que le premier grief n’est assorti d’aucun argument et est dépourvu de toute précision. Le requérant se borne à demander la constatation, « pour autant que de besoin », de l’illégalité de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, sans indiquer quel vice affecterait cette disposition, en particulier en n’expliquant pas de quelle manière l’illégalité des DGE, alléguée par ailleurs, serait susceptible d’entacher la légalité dudit article. Ce premier grief ne répond donc pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance et doit, dès lors, être rejeté comme manifestement irrecevable.

31      Le second grief se décompose en deux moyens : d’une part, les DGE seraient illégales au motif qu’elles auraient été adoptées en violation de l’article 3 du règlement sur l’introduction de l’euro et du principe de sécurité juridique ; d’autre part, elles méconnaîtraient le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

 Sur le moyen tiré de ce que les DGE violeraient l’article 3 du règlement sur l’introduction de l’euro et le principe de sécurité juridique

 Arguments des parties

32      Le requérant soutient, en se référant à l’arrêt Chatziioannidou, que les DGE, en abrogeant le mécanisme du taux actualisé moyen prévu par l’article 4, paragraphe 4, des anciennes DGE, ont méconnu les dispositions du règlement sur l’introduction de l’euro qui visent à garantir que l’adoption de la nouvelle monnaie s’effectue, au nom du principe de sécurité juridique, dans la plus grande neutralité possible.

33      La Commission rétorque que ce moyen est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu’il n’est pas fondé. Si, dans l’arrêt Chatziioannidou, le Tribunal se serait prononcé sur la légalité des anciennes DGE et sur les demandes de transfert antérieures au 1er mai 2004, il ne serait pas saisi de la même question dans le présent litige. Le Tribunal de première instance, dans son arrêt rendu sur le pourvoi formé par la Commission à l’encontre de l’arrêt Chatziioannidou (arrêt du 12 septembre 2007, Commission/Chatziioannidou, T‑20/07 P, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000), aurait jugé que le règlement sur l’introduction de l’euro ne faisait pas obstacle à ce que la Commission modifiât sa réglementation relative à la conversion monétaire des montants transférés, à condition de procéder à une modification explicite de ces dispositions.

 Appréciation du Tribunal

34      Il est de jurisprudence constante que, sous peine d’irrecevabilité, les conclusions du recours doivent contenir des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation (arrêt du Tribunal de première instance du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331, point 31 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 15 décembre 1998, De Compte/Parlement, T‑25/98, RecFP p. I‑A‑629 et II‑1903, point 51, et arrêt du Tribunal de première instance du 1er avril 2004, Gussetti/Commission, T‑312/02, RecFP p. I‑A‑125 et II‑547, points 47 et 48) et qu’un moyen soulevé devant le juge communautaire doit l’avoir déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse (arrêts du Tribunal de première instance du 10 avril 2003, Robert/Parlement, T‑186/01, RecFP p. I‑A‑131 et II‑631, point 64, et du 25 octobre 2005, Cwik/Commission, T‑96/04, RecFP p. I‑A‑343 et II‑1523, point 32).

35      La règle de concordance entre la réclamation et le recours ne doit cependant pas être appliquée de façon restrictive, mais dans un esprit d’ouverture (arrêts du Tribunal de première instance du 8 juin 1995, Allo/Commission, T‑496/93, RecFP p. I‑A‑127 et II‑405, point 27 ; du 9 juillet 1997, S/Cour de justice, T‑4/96, Rec. p. II‑1125, point 99, et Gussetti/Commission, précité, points 47 et 48). Il a été en particulier jugé que le contenu de la réclamation n’a pas pour objet de lier de façon rigoureuse et définitive la phase contentieuse, à condition que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (arrêt de la Cour du 23 avril 2002, Campogrande/Commission, C‑62/01 P, Rec. p. I‑3793, point 35) et que, notamment, les chefs de contestation invoqués dans la réclamation peuvent être développés par des moyens et des arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêts du Tribunal de première instance du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, Rec. p. II‑357, point 16, et du 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, Rec FP p. I‑A‑101 et II‑465, point 90).

36      En l’espèce, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre dans son mémoire en défense, le moyen tiré de la violation de l’article 3 du règlement sur l’introduction de l’euro et du principe de sécurité juridique n’a pas été soulevé par le requérant dans sa réclamation. Dans celle-ci, le requérant a seulement fait état, de manière cursive, du bénéfice ayant résulté du mécanisme du taux actualisé moyen pour certains de ses collègues qui avaient, comme lui, acquis des droits à pension en Espagne. Il n’a, à aucun moment, fait allusion aux dispositions du règlement sur l’introduction de l’euro.

37      Le requérant n’a pas davantage excipé, dans sa réclamation, de l’illégalité des DGE en se fondant sur un quelconque objectif de neutralité que la Commission aurait dû s’efforcer de respecter lors de l’adoption de l’euro. Même interprétée dans un esprit d’ouverture, comme l’exige la jurisprudence, la réclamation ne peut donc être analysée comme contenant une critique, implicite ou indirecte, des conséquences que la Commission a cru pouvoir tirer de l’introduction de l’euro (voir par exemple, pour une exception d’illégalité non invoquée dans la réclamation, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, B/Commission, F‑7/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, points 24 à 33, et la jurisprudence citée).

38      Certes, le requérant a, par lettre du 31 mai 2007, demandé à l’administration de lui appliquer le mécanisme du taux actualisé moyen, en invoquant l’arrêt Chatziioannidou. Toutefois, force est de constater que cette demande a été formulée après la prise de position de l’AIPN sur la réclamation et, en tout état de cause, bien après l’expiration du délai de réclamation ouvert à l’encontre de la décision attaquée. Dans ces conditions, à supposer même que cette lettre puisse être interprétée comme une réclamation complémentaire, le requérant n’était plus recevable à présenter une telle contestation après l’expiration du délai de réclamation de trois mois fixé par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

39      Dès lors, faute d’avoir été soulevé dans la réclamation, le présent moyen ne peut qu’être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur le moyen tiré de ce que les DGE méconnaîtraient le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

 Arguments des parties

40      Selon le requérant, le Tribunal aurait jugé, aux points 54 et 55 de l’arrêt Chatziioannidou, que le mécanisme du taux actualisé moyen était appliqué par la Commission aux fins de garantir l’égalité de traitement entre tous les fonctionnaires sollicitant le transfert de leurs droits à pension. Les DGE ne permettraient plus de prendre en compte les fluctuations monétaires entre le franc belge et la peseta espagnole ayant eu lieu pendant la période de cotisation du requérant en Espagne et, de ce fait, ne garantiraient plus l’égalité de traitement entre tous les fonctionnaires sollicitant le transfert de leurs droits à pension.

41      La Commission estime que la référence à l’arrêt Chatziioannidou n’est pas pertinente dans le présent litige. Le présent moyen ne s’appuierait sur aucun autre argument et, n’étant pas assorti des précisions permettant d’en apprécier la portée, devrait être déclaré irrecevable.

 Appréciation du Tribunal

42      En premier lieu, il convient de préciser la portée de l’arrêt Chatziioannidou, invoqué par le requérant.

43      Au point 55 de l’arrêt Chatziioannidou, le Tribunal a relevé que, avant le 1er janvier 2002, l’application par la Commission du mécanisme du taux actualisé moyen dans tous les cas, y compris lorsque les montants transférés par les caisses nationales de pension étaient libellés en francs belges, permettait de garantir l’égalité de traitement entre tous les fonctionnaires sollicitant le transfert de droits à pension.

44      En statuant ainsi, le Tribunal a considéré que l’application au niveau communautaire, avant la fin de la période transitoire d’introduction de l’euro, du mécanisme du taux actualisé moyen permettait de prémunir l’ensemble des fonctionnaires sollicitant un transfert de leurs droits à pension des conséquences de la dépréciation monétaire des sommes versées aux régimes nationaux de pension.

45      Il ne peut cependant être inféré de cette constatation, par un raisonnement a contrario, que le Tribunal aurait jugé que l’abrogation du mécanisme du taux actualisé moyen serait contraire au principe d’égalité de traitement.

46      En effet, d’abord, le Tribunal n’a fait la constatation rappelée au point 44 du présent arrêt que pour écarter un argument qu’avait soulevé la Commission, selon lequel seules les autorités nationales auraient eu compétence pour déterminer la valeur financière réelle des contributions versées au régime national de pension concerné.

47      Ensuite, il ressort clairement de l’arrêt Chatziioannidou que le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si l’abrogation du mécanisme du taux actualisé moyen aurait méconnu le principe de non-discrimination. En effet, cette question était directement posée par le second moyen du recours dont le Tribunal avait été saisi dans cette affaire. Or, le Tribunal n’a pas examiné ce moyen, ainsi que l’indiquent les points 31 et 58 de son arrêt. Le Tribunal n’a censuré que l’illégalité de la décision de la Commission constatant la caducité implicite du mécanisme du taux actualisé moyen, au motif que cette décision méconnaissait les dispositions visant à garantir que l’introduction de l’euro soit le plus neutre possible.

48      Enfin, au point 55 de l’arrêt Chatziioannidou, le Tribunal n’a pris en considération que la situation des fonctionnaires affectés par la décision de la Commission constatant, au 1er janvier 2002, la caducité implicite du mécanisme du taux actualisé moyen. Le Tribunal ne peut donc avoir intégré à son analyse la différence de traitement résultant ultérieurement de l’abrogation expresse de ce mécanisme par les DGE, à compter du 1er mai 2004.

49      Le requérant, qui a introduit sa demande de transfert après cette dernière date, ne saurait donc tirer argument de l’arrêt Chatziioannidou pour démontrer que les DGE porteraient atteinte au principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

50      En second lieu, il convient de relever que, hormis la référence aux points 54 et 55 de l’arrêt Chatziioannidou, le présent moyen n’est étayé par aucune autre considération ni démonstration.

51      Certes, il peut être déduit des points 32 à 34 de la requête que le requérant critique une différence de traitement entre les fonctionnaires sollicitant un transfert de droits à pension acquis en Espagne. Toutefois, il n’indique pas explicitement par rapport à quel groupe ou quelle catégorie, parmi ces fonctionnaires, il serait victime d’une différence illégale de traitement et n’explique pas en quoi sa situation serait comparable à celle de ce groupe ou de cette catégorie.

52      Tout au plus le moyen peut-il être analysé, au bénéfice d’un effort d’interprétation, comme critiquant la différence de traitement entre les fonctionnaires ayant bénéficié du mécanisme du taux actualisé moyen des anciennes DGE et ceux qui, tel le requérant, auraient été privés dudit mécanisme, de par l’entrée en vigueur des DGE.

53      Mais même ainsi analysé, le moyen ne peut prospérer.

54      En effet, la différence de traitement alléguée par le requérant n’est que le résultat de l’application successive de règles différentes : les fonctionnaires du groupe « favorisé » ont introduit une demande de transfert sous l’empire des anciennes DGE, tandis que la demande de transfert du requérant, introduite le 30 juin 2005, est régie par les seules dispositions des DGE entrées en vigueur le 1er mai 2004.

55      Or, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, le propre d’une nouvelle règle est d’établir une distinction entre les personnes qui entraient dans le champ d’application de la règle antérieure et les personnes qui entrent dans le champ d’application de cette nouvelle règle à compter de l’entrée en vigueur de celle-ci. Semblable distinction ne viole pas, en tant que telle, le principe de non-discrimination, à peine de rendre impossible toute modification de la loi (arrêt du Tribunal du 16 janvier 2007, Vienne e.a./Parlement, F‑115/05, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑47, point 59).

56      Dans la mesure où il était loisible à la Commission, sans qu’y fasse obstacle le règlement sur l’introduction de l’euro, de modifier les DGE, notamment pour préciser les modalités d’application des dispositions du statut entrées en vigueur le 1er mai 2004, la différence de traitement alléguée par le requérant ne peut, en tant que telle, en l’absence de toute critique circonstanciée des effets juridiques des règles en cause dans le temps ou sur la situation des fonctionnaires qui y sont soumis, caractériser une atteinte au principe d’égalité.

57      Il n’appartient pas au Tribunal, dans un tel contexte, de procéder lui-même à la recherche des arguments qui permettraient d’établir que la différence de traitement issue de l’entrée en vigueur des DGE n’est pas objectivement justifiée ou qu’elle est disproportionnée par rapport aux finalités de la nouvelle réglementation.

58      Dès lors, le moyen ne peut qu’être rejeté comme manifestement non fondé, en tant qu’il se réfère à l’arrêt Chatziioannidou, et comme manifestement irrecevable pour défaut de précision, pour le surplus.

59      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission à l’encontre du recours dans son ensemble, que le recours doit être rejeté en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé.

 Sur les dépens

60      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Par conséquent, le Conseil, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 décembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.