CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 28 février 2019 (1)

Affaire C649/17

Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände  Verbraucherzentrale Bundesverband eV

contre

Amazon EU Sàrl

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 2011/83/UE – Obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement – Informations sur les moyens de communications permettant au consommateur de contacter le professionnel rapidement et de communiquer avec lui efficacement »






1.        Afin d’assurer une protection efficace des consommateurs, au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs (2), suffit-il qu’un professionnel indique au consommateur, au stade antérieur à la conclusion d’un contrat à distance, sous une forme claire et compréhensible, des modalités de contact, même différentes de celles énumérées dans la disposition citée, permettant de garantir une communication rapide et efficace ?

2.        Telle est, en substance, la question qui sous-tend la procédure en l’espèce, qui trouve son origine dans le renvoi préjudiciel opéré par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) dans le cadre d’une procédure au principal dans laquelle le Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände  ‑ Verbraucherzentrale Bundesverband eV, (fédération allemande des associations de consommateurs, ci-après le « Bundesverband ») fait valoir que les instruments de contact offerts par Amazon EU Sàrl (ci‑après « Amazon ») au consommateur au stade antérieur à la conclusion du contrat ne sont pas appropriés, dans la mesure où ils sont en partie différents de ceux requis par la disposition précitée.

3.        Dans les présentes conclusions, j’exposerai les raisons pour lesquelles j’estime qu’une obligation d’indiquer, dans les contrats à distance, des moyens de contact de nature à garantir pleinement les objectifs de protection des consommateurs découle du droit de l’Union pour les professionnels.

4.        Ces objectifs ne peuvent être considérés comme dûment réalisés qu’au moyen d’instruments permettant au consommateur un contact rapide et efficace avec le professionnel, conformément aux spécificités du contrat conclu.

 I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        L’article 5 de la directive 2011/83, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats autres que les contrats à distance ou hors établissement » dispose :

« 1.      Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat autre qu’un contrat à distance ou hors établissement, ou par une offre du même type, le professionnel fournit au consommateur les informations suivantes, d’une manière claire et compréhensible, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte :

[...]

b)      l’identité du professionnel, par exemple sa raison sociale, l’adresse géographique de son établissement et son numéro de téléphone ;

[...] »

6.        L’article 6 de la directive 2011/83, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement », prévoit :

« 1.      Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes :

[...]

c)      l’adresse géographique où le professionnel est établi ainsi que le numéro de téléphone du professionnel, son numéro de télécopieur et son adresse électronique, lorsqu’ils sont disponibles, pour permettre au consommateur de le contacter rapidement et de communiquer avec lui efficacement [...] ;

[...] »

7.        L’article 21 de la directive 2011/83, intitulé « Communication au téléphone », dispose :

« Les États membres veillent à ce que, lorsque le professionnel exploite une ligne de téléphone pour le contacter par téléphone au sujet du contrat conclu, le consommateur, lorsqu’il contacte le professionnel, ne soit pas tenu de payer plus que le tarif de base [...] »

B.      Le droit allemand

8.        L’article 312d, paragraphe 1, du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand, ci-après le « BGB »), intitulé « Obligations d’information », prévoit :

« Dans le cas de contrats hors établissement et de contrats à distance, le professionnel a l’obligation d’informer le consommateur conformément à l’article 246a de l’Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuch (loi introductive au BGB, ci-après l’“EGBGB”). Les indications fournies par le professionnel en exécution de cette obligation font partie intégrante du contrat, à moins que les parties au contrat en aient convenu différemment. »

9.        L’article 246a de l’EGBGB, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats hors établissement et les contrats à distance, à l’exception des contrats concernant des services financiers », dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa, point 2 :

« Le professionnel est tenu, en vertu de l’article 312d, paragraphe 1, du BGB, de mettre à la disposition des consommateurs les informations suivantes :

[...]

2.      son identité, par exemple son nom commercial, ainsi que l’adresse du lieu où il est établi, son numéro de téléphone et, le cas échéant, son numéro de télécopieur et son adresse électronique, ainsi qu’éventuellement, l’adresse et l’identité du professionnel pour le compte duquel il agit. »

 II.      Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10.      Le Bundesverband reproche à Amazon, une plateforme de vente en ligne, de ne pas respecter de manière claire et compréhensible les obligations d’information à l’égard des consommateurs, ce qui constituerait une violation de la réglementation nationale allemande de mise en œuvre de la directive 2011/83.

11.      En particulier, selon le requérant au principal, Amazon omettrait d’indiquer aux consommateurs, au stade antérieur à la vente à distance (en ligne), son numéro de télécopie et contraindrait le consommateur à plusieurs passages sur le site, y compris plusieurs questions sur son identité, avant de pouvoir visualiser le numéro de téléphone pour joindre le centre d’appel.

12.      Il serait ainsi porté atteinte à la législation relative à la protection des consommateurs en vigueur en Allemagne qui, mettant en œuvre la directive 2011/83, impose au professionnel d’indiquer, d’une manière claire et compréhensible, outre l’adresse géographique, le numéro de téléphone et, le cas échéant, le numéro de télécopie et l’adresse de courrier électronique permettant au consommateur de contacter rapidement le professionnel et de communiquer avec lui efficacement.

13.      Le système de rappel automatique et de discussion en ligne, également proposés par Amazon, ne sauraient suffire, selon la requérante au principal, à satisfaire aux obligations prévues par la loi.

14.      Après avoir saisi le Landgericht Köln (tribunal régional de Cologne, Allemagne), qui a rejeté la demande le 13 octobre 2015, le Bundesverband a interjeté appel auprès de l’Oberlandesgericht Köln (tribunal régional supérieur de Cologne, Allemagne).

15.      Par un arrêt du 8 juillet 2016, cette juridiction a rejeté l’appel et confirmé la décision de première instance.

16.      Enfin, le Bundesverband a formé un pourvoi en cassation devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice).

17.      Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), nourrissant des doutes quant à la conformité au droit de l’Union d’une législation telle que la législation allemande, qui impose l’indication du numéro de téléphone du professionnel dans tous les cas et non pas seulement lorsqu’il est disponible, a ordonné le renvoi préjudiciel à la Cour de justice.

18.      Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a donc décidé d’interroger la Cour sur l’interprétation exacte de l’expression « lorsqu’ils sont disponibles », figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83, ainsi que sur la nature, exhaustive ou non, de la liste des moyens de communication prévue par cette disposition et sur le contenu de l’obligation de transparence imposée au professionnel.

19.      Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a suspendu la procédure et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les États membres peuvent-ils prévoir une disposition – telle que l’article 246a, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, point 2, de l’EGBGB – obligeant le professionnel à mettre toujours, et non pas seulement lorsqu’il est disponible, son numéro de téléphone à la disposition du consommateur lors de la conclusion de contrats à distance, avant que celui-ci ne consente au contrat ?

2)      La formule “gegebenenfalls” [le cas échéant] utilisée dans la version allemande de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive [2011/83] (et correspondant à “lorsqu’ils sont disponibles” dans la version française de cette même disposition) signifie-t-elle qu’un professionnel ne doit fournir des informations que sur les moyens de communication déjà effectivement existants dans son entreprise, autrement dit qu’il n’est pas tenu de mettre en place une nouvelle ligne téléphonique ou de télécopieur, ou de créer une nouvelle adresse électronique, s’il décide de passer également des contrats à distance dans son entreprise ?

3)      Si la deuxième question appelle une réponse positive :

La formule “gegebenenfalls” [le cas échéant] utilisée dans la version allemande de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive [2011/83] (et correspondant à “lorsqu’ils sont disponibles” dans la version française de cette même disposition) signifie-t-elle que les moyens de communication déjà existants dans une entreprise sont uniquement ceux que le professionnel utilise en tout état de cause effectivement aussi aux fins des contacts avec les consommateurs dans le cadre de la conclusion de contrats à distance, ou s’agit-il également de ceux que le professionnel a utilisés jusqu’alors exclusivement à d’autres fins, telles que la communication avec des professionnels ou des administrations ?

4)      L’énumération des moyens de communication figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive [2011/83], téléphone, télécopieur et adresse électronique, est-elle exhaustive, ou le professionnel peut-il également recourir à d’autres moyens de communication qui n’y sont pas mentionnés, tels qu’un tchat internet ou un système de rappel téléphonique, dès lors qu’ils permettent un contact rapide et une communication efficace ?

5)      Importe-t-il, pour l’application de l’obligation de transparence prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive [2011/83], qui impose au professionnel d’informer le consommateur sous une forme claire et compréhensible sur les moyens de communication mentionnés à l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive [2011/83], que l’information soit fournie rapidement et efficacement ? »

 III.      Analyse juridique

C.      La nature et les objectifs de la directive 2011/83

20.      L’objectif principal de la directive, ainsi qu’il ressort de son article 1er (3) et de son considérant 4 (4), est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, de manière à atteindre un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises.

21.      À cette fin, la directive 2011/83 procède à l’harmonisation de certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux contrats conclus entre les consommateurs et les professionnels.

22.      Elle vise, en s’écartant du principe d’harmonisation minimale présent dans les anciennes directives (5), à une harmonisation complète (6), en raison de laquelle les États membres ne peuvent pas adopter ou maintenir des dispositions par dérogation, sauf si c’est expressément prévu par la directive elle-même (7).

23.      Le champ d’application de la directive est très large puisqu’elle s’applique, comme l’énonce l’article 3, « à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur » et, notamment, à tous les contrats à distance et aux contrats hors établissement.

24.      Eu égard au large champ d’application de la directive, il est raisonnable de considérer qu’il est possible d’établir une distinction, dans l’interprétation des dispositions qu’elle contient, en fonction du contexte dans lequel le professionnel et le consommateur agissent aux fins de la conclusion du contrat.

25.      Par ailleurs, le considérant 36, se référant aux exigences d’information du professionnel, dispose que « [p]our les contrats à distance, les exigences d’information devraient être adaptées afin de tenir compte des contraintes techniques liées à certains médias » et ensuite, l’article 8 dispose que, « [e]n ce qui concerne les contrats à distance, le professionnel fournit au consommateur les informations prévues à l’article 6, paragraphe 1, ou met ces informations à sa disposition sous une forme adaptée à la technique de communication à distance utilisée ».

26.      Ces dispositions mettent clairement en corrélation la manière dont le professionnel communique avec le consommateur et les caractéristiques du moyen technique employé pour conclure la transaction.

27.      À la lumière des observations exposées aux points précédents, les caractéristiques de l’environnement dans lequel la négociation se déroule (domicile du consommateur, internet, etc.) et le moyen technique par lequel les parties entrent en relation (téléphone, documents papier, plateformes en ligne) ont une incidence sur les modalités du respect par le professionnel des obligations d’information qui lui incombent.

D.      Particularités des contrats conclus avec des professionnels qui exercent leur activité uniquement en ligne et pertinence des indications contenues dans l’arrêt du 16 octobre 2008 (C298/07, EU:C:2008:572)

28.      La partie défenderesse au principal est une plateforme qui fonctionne uniquement sur l’internet pour la vente de produits et de services de grande consommation.

29.      Quand un consommateur décide de choisir, pour l’achat d’un bien ou d’un service, un professionnel qui opère exclusivement en ligne, en lieu et place de professionnels « traditionnels » qui opèrent dans des locaux commerciaux ou de professionnels agissant par l’intermédiaire d’autres canaux de communication (par exemple, le téléphone), il entre en contact avec un système qui suppose certaines connaissances et qui impose certaines activités, autres que celles qui se mettent en place dans les canaux de distribution traditionnels.

30.      Tout d’abord, un achat sur l’internet présuppose une inscription au site du professionnel ainsi que la communication de certaines données à caractère personnel permettant l’identification et d’une adresse électronique.

31.      En règle générale, l’utilisation d’une carte de crédit ou de débit ou d’un système de paiement virtuel est requise aux fins du versement du prix du bien ou du service.

32.      Par conséquent, les consommateurs qui choisissent de s’adresser à un professionnel opérant exclusivement sur l’internet ont un niveau suffisant de connaissance des mécanismes qui permettent d’interagir dans le cadre du Web.

33.      En outre, quand un consommateur s’adresse à un professionnel qui opère uniquement sur l’internet, il procède à un choix de consommation libre, étant donné que les biens et les services pouvant être achetés sur des plateformes en ligne sont également disponibles par des canaux de distribution « traditionnels ».

34.      Du reste, aucune plateforme en ligne ne distribue en exclusivité des produits ou des services liés à des intérêts fondamentaux ou à des besoins premiers de la personne.

35.      Dès lors, si, à la lumière des considérations exposées aux points 28 et 29 des présentes conclusions, les modalités par lesquelles le professionnel remplit ses obligations doivent être cohérentes avec les caractéristiques de l’outil technique utilisé, alors, lorsque la transaction se fait sur le Web, elles doivent prendre en compte les caractéristiques du consommateur moyen qui utilise le e-commerce.

36.      Cette première conclusion est confirmée par la jurisprudence générale relative au consommateur et la jurisprudence plus spécifique concernant les obligations d’information visées par la directive sur le commerce électronique.

37.      En ce qui concerne la première, il convient d’observer que, dans l’interprétation de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, la Cour fait référence au consommateur moyen, à savoir « un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » (8).

38.      S’agissant de la seconde, je rappelle que la Cour s’est déjà prononcée sur les obligations d’information incombant au professionnel prévues par la directive sur le commerce électronique (9). Notamment, l’arrêt du 16 octobre 2008 (10) a résolu quelques questions préjudicielles qui présentent des similitudes avec celles qui font l’objet de la présente procédure (11).

39.      En substance, il était demandé à la Cour s’il était nécessaire pour le professionnel de mettre à la disposition du consommateur un numéro de téléphone pour communiquer avec lui ou s’il suffisait d’un autre moyen de contact permettant une communication rapide et efficace.

40.      Sur ce point, la Cour a jugé que « l’article 5, paragraphe 1, sous c), de la directive doit être interprété en ce sens que le prestataire de services est tenu de fournir aux destinataires du service, dès avant toute conclusion de contrat avec ces derniers, en sus de son adresse de courrier électronique, d’autres informations permettant une prise de contact rapide ainsi qu’une communication directe et efficace. Ces informations ne doivent pas obligatoirement correspondre à un numéro de téléphone » (12).

41.      Elle a ensuite précisé qu’« [e]lles peuvent résider dans un formulaire de contact électronique, au moyen duquel les destinataires du service peuvent s’adresser sur l’internet au prestataire de services et auquel celui-ci répond par courrier électronique sauf dans des situations où un destinataire du service, se trouvant, après la prise de contact par voie électronique avec le prestataire de services, privé d’accès au réseau électronique, demande à ce dernier l’accès à une autre voie de communication non électronique » (13).

42.      Le libellé de la disposition faisant l’objet de l’interprétation de la Cour ne contenait pas de référence explicite à des modalités de contact spécifiques, outre l’adresse de courrier électronique, comme c’est en revanche le cas dans la disposition qui fait l’objet de la présente procédure (téléphone et télécopieur).

43.      Il convient toutefois d’observer à cet égard que la référence à des moyens spécifiques de contact (téléphone et télécopieur) est suivie de l’expression « lorsqu’ils sont disponibles », qui fera l’objet de l’interprétation dans la suite des présentes conclusions.

44.      Pour le moment, il y a lieu de souligner que tant la disposition faisant l’objet de l’interprétation de la Cour, que l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83, qui fait l’objet de la présente procédure, se rapportent à la nécessité de permettre au consommateur une prise de contact rapide et efficace.

45.      Par conséquent, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il n’est pas nécessaire, aux fins d’une prise de contact rapide et efficace du consommateur avec le professionnel opérant sur l’internet, de prévoir l’utilisation du téléphone.

E.      Obligations d’information incombant au professionnel dans les contrats de vente à distance et modalités de communication avec le consommateur

46.      L’article 6, de la directive 2011/83 – intitulé « Obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement » – prévoit, au paragraphe 1, l’obligation pour le professionnel de fournir au consommateur certaines informations, dont celles prévues sous c), qui fait référence à « l’adresse géographique où le professionnel est établi ainsi que le numéro de téléphone du professionnel, son numéro de télécopieur et son adresse électronique, lorsqu’ils sont disponibles ».

47.      Le même point c) de l’article 6, paragraphe 1, précise dans quel but ces informations doivent être disponibles, à savoir, pour « permettre au consommateur de le contacter rapidement et de communiquer avec lui efficacement ». De manière plus générale, l’article 6, paragraphe 1, prévoit, en ce qui concerne toutes les informations fournies, qu’elles doivent l’être « sous une forme claire et compréhensible ».

48.      Dès lors, les conditions essentielles pour que l’obligation d’information relative aux moyens de contact du professionnel soit correctement remplie sont au nombre de deux.

49.      En premier lieu, les informations sur les modalités de contact doivent être fournies « sous une forme claire et compréhensible » (14).

50.      En second lieu, les modalités de communication doivent permettre au consommateur « de contacter rapidement le professionnel et de communiquer avec lui efficacement ».

51.      Il s’agit de deux conditions distinctes qui jouent des rôles différents.

52.      La première procède d’une obligation plus générale de transparence des conditions contractuelles qui s’applique, de toute évidence, également aux modalités de contact et qui fait obligation au professionnel de veiller à ce que le consommateur soit en mesure de comprendre de manière non équivoque quelles sont les modalités de contact dont il dispose, en cas de nécessité, pour communiquer avec le professionnel.

53.      La seconde concerne les modalités de contact et impose au professionnel de veiller à ce que le consommateur soit en mesure, s’il en a besoin, de communiquer rapidement et efficacement.

54.      Ce qui importe, ce n’est pas tant le moyen de communication considéré dans l’abstrait que la capacité concrète, c’est-à-dire envisagée par rapport aux spécificités du contexte dans lequel se déroule la transaction, d’assurer que le consommateur puisse contacter rapidement le professionnel et communiquer avec lui efficacement et que les informations soient fournies sous une forme claire et compréhensible.

55.      Pour atteindre ces objectifs, il convient de tenir compte, à la suite également des considérations exposées aux points 24 à 45 des présentes conclusions, des caractéristiques du moyen technique utilisé pour négocier et conclure la transaction et des caractéristiques du type de consommateur qui utilise ce moyen.

F.      L’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83

56.      La réalisation des objectifs poursuivis par les obligations d’information imposées au professionnel ne semble pas exiger l’utilisation d’une technique de communication en particulier, comme la mise à disposition d’un numéro de téléphone à appeler. Comme nous l’avons vu, ce qui importe plutôt, c’est que la technique concrètement utilisée permette au consommateur de contacter rapidement le professionnel et de communiquer avec lui efficacement, et que le professionnel fournisse les informations sous une forme claire et compréhensible.

57.      Cette conclusion n’est pas contredite par le libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83.

58.      De manière plus générale, il convient d’observer que cet article 6 fait référence à tous les contrats à distance et aux contrats hors établissement, c’est-à-dire pas seulement aux contrats conclus entre un professionnel qui exploite une plateforme électronique et le consommateur.

59.      Pour cette raison, le législateur a prévu audit article 6, paragraphe 1, sous c) une liste hétérogène et diversifiée de moyens de communication dont l’aptitude à atteindre le but de l’article varie en fonction du contexte spécifique dans lequel se déroule la transaction.

60.      Pour les contrats conclus par téléphone, il sera naturel que le moyen de communication choisi pour les communications ultérieures soit le téléphone, mais pour les contrats conclus en ligne, d’autres techniques peuvent être plus appropriées pour contacter rapidement le professionnel et communiquer efficacement avec lui.

61.      Plus particulièrement, l’expression « lorsqu’ils sont disponibles » figurant au même article 6, paragraphe 1, sous c), confirme, sur le plan littéral, l’interprétation systématique et téléologique opérée dans les paragraphes précédents, qui exclut l’obligation d’inclure parmi les moyens de contact un numéro de téléphone.

62.      Il convient, à ce stade, de se concentrer sur la signification à donner à l’expression « lorsqu’ils sont disponibles » : dans la version en allemand : « gegebenenfalls » dans la version en anglais : « where available », et dans la version en italien : « ove disponibili ».

63.      On le sait, selon une jurisprudence constante, il convient, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte tant du libellé et de l’objectif de celle-ci que du contexte de cette disposition et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (15).

64.      Par ailleurs, dans la mesure où une disposition du droit de l’Union ne renvoie pas au droit des États membres en ce qui concerne une notion particulière, cette dernière doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de la disposition concernée, mais également de son contexte et de l’objectif poursuivi par la réglementation dont cette disposition fait partie (16).

65.      Le terme allemand « gegebenenfalls », qui est expliqué dans le dictionnaire allemand par l’expression « wenn ein fall eintritt » (« si cela devait se produire ») est de toute évidence de nature conditionnelle et fait référence à une simple éventualité. Dans la version en italien, elle est traduite par « ove disponibili » qui, en italien, équivaut à « eventualmente » (éventuellement) ou « all’occorrenza » (le cas échéant).

66.      Il en va de même des expressions utilisées dans les autres versions linguistiques de la directive : « lorsqu’ils sont disponibles » dans la version en français, et « where available » dans la version en anglais.

67.      Sur la base d’une interprétation littérale, l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83 n’impose pas au professionnel une obligation absolue et inconditionnelle d’indiquer toutes les coordonnées de contact qui y sont énumérées.

68.      Par ailleurs, dans le texte de l’article 6, paragraphe 1, sous c), les trois modalités de contact (téléphone, télécopie et adresse électronique) sont placées sur le même plan et suivies de l’expression « lorsqu’ils sont disponibles » qui, de ce fait, doit nécessairement se rapporter aux trois moyens de communication (17), à la différence de l’adresse géographique qui est placée dans la phrase introductive de l’énumération, en position séparée, et donc de nature à en imposer au professionnel l’indication en tout état de cause.

69.      Il convient à ce stade de préciser si l’expression « lorsqu’ils sont disponibles » implique que, lorsqu’une entreprise dispose d’une ligne téléphonique, celle-ci doit être mise à disposition pour communiquer avec le consommateur.

70.      Je ne considère pas que cette interprétation soit correcte.

71.      Tout d’abord, lorsque la directive a été rédigée, il était pratiquement impossible, tout comme aujourd’hui, d’envisager l’existence d’une entreprise sans ligne téléphonique. Si le législateur de l’Union avait entendu imposer aux entreprises qui ont une ligne téléphonique (pratiquement toutes) l’usage du téléphone pour communiquer avec le consommateur, l’emploi de l’expression « lorsqu’ils sont disponibles » n’aurait eu aucun sens.

72.      Pour donner un sens à cette expression, il y a lieu, au contraire, de se référer à l’hypothèse où non seulement la ligne téléphonique est présente mais elle est mise par le professionnel à disposition du service de communication avec le consommateur.

73.      Par ailleurs, s’agissant de l’interprétation du terme « disponible », il est synonyme de « utilisable, accessible, libre, dégagé ».

74.      En effet, tout ce qui existe ou se trouve dans un contexte donné n’est pas nécessairement disponible ou à la disposition de tous ceux qui souhaitent en faire usage.

75.      D’autres dispositions de la même directive confirment que l’utilisation de la ligne téléphonique pour communiquer entre le consommateur et le professionnel est éventuelle.

76.      L’article 21, intitulé « Communication au téléphone », qui impose aux États membres de ne pas permettre au professionnel d’appliquer des tarifs supérieurs à celui de base pour le contacter, contient l’expression « lorsque le professionnel exploite une ligne de téléphone pour le contacter par téléphone », confirmant la nature purement éventuelle de l’utilisation du téléphone comme moyen de communication avec le consommateur dans les contrats à distance.

77.      Ensuite, l’article 5, paragraphe 1, sous b), est très clair en ce qu’il impose, parmi les obligations d’information concernant les contrats autres que les contrats à distance ou hors établissement, « l’identité du professionnel, par exemple sa raison sociale, l’adresse géographique de son établissement et son numéro de téléphone », sans aucune référence à la possibilité que le téléphone soit ou non « disponible ». Cela confirme que ce n’est que dans certaines transactions que le professionnel est tenu de communiquer son numéro de téléphone.

78.      Compte tenu des observations qui précèdent, j’estime que la seule signification pouvant être accordée à l’expression « lorsqu’ils sont disponibles », lorsqu’elle se réfère en particulier aux numéros de téléphone, est celle-ci : « dans le cas où le professionnel dispose dans son entreprise d’une ligne téléphonique dédiée à la communication avec les consommateurs ».

79.      Par conséquent, l’interprétation littérale est cohérente avec les conclusions auxquelles je suis parvenu aux points 1 à 3 ci-dessus sur le plan de l’interprétation systématique et téléologique.

80.      Une autre considération peut être exprimée précisément en ce qui concerne les objectifs poursuivis par la directive.

81.      L’objectif de la directive 2011/83 est de réaliser un niveau de protection des consommateurs toujours plus élevé en assurant dans le même temps, comme l’indique le considérant 4, la compétitivité des entreprises.

82.      Un niveau élevé de protection du consommateur qui effectue des transactions sur l’internet n’est pas assuré, comme nous l’avons déjà observé, par la possibilité théorique d’entrer en contact téléphonique avec le professionnel qui exploite la plateforme, mais bien par le fait qu’il existe, concrètement, des outils appropriés, permettant une prise de contact rapide et efficace.

83.      À l’inverse, la simple mise à disposition d’un numéro de téléphone de contact pourrait s’avérer dénuée d’efficacité aux fins de la protection lorsque, par exemple, les temps d’attente sont trop longs.

84.      En revanche, un consommateur qui, précisément parce qu’il effectue des achats en utilisant une plateforme électronique, a une capacité suffisante pour surfer sur l’ internet, pourra faire usage de moyens bien plus efficaces pour communiquer avec le professionnel.

85.      En outre, à la lumière des objectifs de la directive 2011/83, les dispositions concernées du droit de l’Union doivent être interprétées de manière à garantir le niveau le plus élevé de protection du consommateur sans affecter la liberté d’organisation de l’entrepreneur, sauf dans la mesure strictement nécessaire à la mise en œuvre de cette protection.

86.      Dans cette perspective, une protection efficace des consommateurs ne se réalise pas en imposant une modalité spécifique de contact (par exemple, le téléphone) mais en garantissant aux consommateurs la possibilité de bénéficier des voies de communication les plus efficaces en fonction du support par lequel a lieu la transaction (18).

87.      Une autre solution, qui imposerait la mise en place d’une modalité spécifique de communication, par exemple, l’utilisation du téléphone, non nécessaire aux fins d’une protection efficace du consommateur, et qui serait appliquée de manière généralisée – et donc non limitée à des « géants du Web » comme Amazon –, risquerait d’être une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs de protection du consommateur, susceptible d’imposer des charges inappropriées aux entreprises concernées, au préjudice surtout des petites entreprises qui souhaitent utiliser l’internet pour élargir leurs marchés.

88.      Cela engendrerait une véritable incohérence des fins : en partant de l’intention de protéger le consommateur grâce à la mise à disposition d’un contact téléphonique, on finirait par lui porter préjudice, en limitant sa liberté de choix entre plusieurs opérateurs sur le marché ou en lui imposant des prix plus élevés en raison des coûts supportés par certaines entreprises.

89.      Les conclusions auxquelles je suis parvenu ne semblent pas affaiblies par le fait qu’un considérant de la directive 2011/83 dispose qu’il doit être tenu compte « des besoins spécifiques des consommateurs qui sont particulièrement vulnérables en raison d’une infirmité mentale, physique ou psychologique, de leur âge ou de leur crédulité » (19).

90.      Il convient, à cet égard, de rappeler encore une fois le large champ d’application de cette directive, qui concerne tous les contrats à distance ou hors établissement. Parmi ceux-ci, figurent également les types de contrats dans lesquels c’est le professionnel qui contacte le consommateur et lui propose une certaine offre. Dans de tels cas, la nécessité que les informations transmises soient de nature à répondre aux besoins spécifiques des consommateurs qui sont particulièrement vulnérables, pour les raisons susmentionnées, s’impose de manière particulièrement forte.

91.      Toutefois, indépendamment de la circonstance que, selon le même considérant, « la prise en compte de ces besoins spécifiques ne devrait pas aboutir à des niveaux différents de protection des consommateurs », on ne voit pas pourquoi l’utilisation du téléphone en tant que moyen de communication pourrait être plus protectrice pour les consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale, physique ou psychologique, de leur âge ou de leur crédulité.

92.      En d’autres termes, imposer l’obligation d’utiliser la ligne téléphonique aux fins de la communication avec le consommateur serait une mesure sans rapport d’utilité raisonnable pour l’objectif mentionné ci-dessus.

G.      Caractère indicatif de la liste prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83

93.      On peut également déduire des observations qui précèdent la conclusion que la liste prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83 n’est pas exhaustive, mais indicative.

94.      L’interprétation systématique, téléologique et littérale développée aux paragraphes précédents a conduit à considérer que l’article 6 impose au professionnel de mettre à la disposition du consommateur des moyens de communication rapides et efficaces et de veiller à ce que l’information soit claire et compréhensible.

95.      Pour autant que ces conditions soient respectées, il appartient au professionnel de choisir les moyens qu’il rend effectivement disponibles, compte tenu aussi des caractéristiques du contexte dans lequel se déroule la négociation avec le consommateur.

96.      Partant de cette prémisse, l’article 6, paragraphe 1, sous c), a été interprété en ce sens que le professionnel n’est pas tenu de mettre à la disposition du consommateur l’ensemble des trois moyens de communication prévus ni de mettre nécessairement à disposition un numéro de téléphone, pour la simple raison que l’entreprise dispose d’une ou plusieurs lignes téléphoniques.

97.      Cette interprétation étant acquise, il serait contraire à l’objectif d’une pleine protection du consommateur de considérer que l’énumération figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous c), est exhaustive. Cela aurait pour effet de priver le consommateur de la possibilité d’utiliser des moyens de contact particulièrement rapides et efficaces rendus possibles par le développement technologique.

98.      Comme chacun sait, l’évolution technologique, particulièrement développée et rapide dans le domaine numérique, rend rapidement obsolètes certains moyens de communication (il suffit de penser à la disparition substantielle de la télécopie) et introduit des dispositifs d’interaction sur le Web toujours nouveaux.

99.      En tout état de cause, l’objectif de garantir un niveau élevé de protection du consommateur et le fait que l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83 comporte une énumération indicative de plusieurs moyens de communication semblent impliquer la nécessité pour le professionnel de mettre à la disposition du consommateur plusieurs moyens de communication, en assurant leur liberté de choix.

100. Je me borne ici à observer qu’il est constant au vu du dossier que le système de rappel automatique mis en place par Amazon est plus efficace qu’un contact téléphonique avec un centre d’appel et qu’en toute hypothèse, il constitue une évolution technologique de ce dernier service.

101. Dans le cadre de ce système, le consommateur, en communiquant son numéro de téléphone, peut choisir d’être appelé immédiatement ou ultérieurement. Le rappel immédiat a lieu, d’après ce qui ressort du dossier, dans un laps de temps très court.

102. En ce qui concerne le système de discussion en ligne, il peut être considéré comme une simple succession de courriers électroniques en temps réel, et il constitue une sorte d’évolution technologique du télécopieur. Ce système est largement utilisé dans les transactions en ligne et aucun problème d’efficacité de celui-ci n’a été soulevé dans le dossier.

103. Une contestation relative à cette modalité de communication ressort du dossier : elle porte sur la protection des données à caractère personnel du consommateur.

104. Comme chacun le sait, le consommateur qui décide d’établir une relation contractuelle avec un professionnel qui opère exclusivement sur l’internet doit procéder, en règle générale, à un enregistrement qui requiert déjà la cession de certaines données à caractère personnel, parmi lesquelles, certainement, l’adresse de courrier électronique.

105. En outre, le traitement des données à caractère personnel que le consommateur communique au professionnel (par exemple, le numéro de téléphone en cas d’utilisation du système de rappel automatique) est adéquatement protégé par d’autres dispositions du droit de l’Union et la question ne relève donc pas de l’objet de la présente procédure.

H.      Contenu de l’obligation de transparence visée à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/83

106. Le professionnel a l’obligation de fournir, avant même que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance, des informations sur tous les éléments essentiels de la transaction (y compris les modalités de contact) « sous une forme claire et compréhensible ».

107. L’obligation de transparence comporte deux dimensions essentielles. La clarté, qui se rapporte aux modalités externes par lesquelles l’information est montrée au consommateur et donc à la lisibilité et au caractère reconnaissable de celle-ci au sein de l’environnement où a lieu l’opération. Le caractère compréhensible, qui se rapporte en revanche au contenu spécifique de l’information, qui doit être de nature à informer le consommateur des conséquences juridiques de ses choix. La clarté et le caractère compréhensible doivent être adaptés au moyen de communication utilisé.

108. L’article 6 de la directive 2011/83 ne prévoit pas d’autres conditions à respecter par le professionnel, outre celles indiquées ci‑dessus.

109. En particulier, cet article ne définit pas les délais nécessaires pour obtenir l’information en surfant sur le Web. Or, une navigation qui, en raison de sa complexité, rendrait difficile l’accès à l’information serait incompatible avec les objectifs de la directive. En effet, une information difficilement accessible est, en soi, également incompréhensible, en violation de l’article 6, paragraphe 1.

110. Le professionnel peut choisir les moyens de communication à mettre à la disposition du consommateur, à condition que le contact soit rapide et la communication efficace, mais le consommateur doit pouvoir accéder à l’information concernant ces moyens de manière simple, efficace et raisonnablement rapide.

I.      Compatibilité avec le droit de l’Union d’une législation nationale, telle que la législation allemande, qui impose l’usage du téléphone comme moyen de communication entre le professionnel et le consommateur

111. Les considérants 2, 5 et 7 et l’article 4 de la directive 2011/83 (20) confèrent le caractère d’harmonisation complète à la réglementation introduite par cette directive.

112. Notamment, l’article 4, intitulé « Niveau d’harmonisation », prévoit que « [l]es États membres s’abstiennent de maintenir ou d’introduire, dans leur droit national, des dispositions s’écartant de celles fixées par la présente directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des consommateurs, sauf si la présente directive en dispose autrement ».

113. Par conséquent, une législation nationale, quand la directive n’a pas ainsi disposé autrement, ne saurait introduire des dispositions supplémentaires, y compris plus strictes, imposant au professionnel l’obligation d’utiliser un certain moyen de communication avec le consommateur, moyen que la directive n’a pas prévu comme obligatoire.

114. Par conséquent, à la lumière de l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, sous c), que j’ai déjà exposée, allant dans le sens d’exclure l’obligation pour le professionnel d’utiliser le téléphone comme moyen de communication avec le consommateur, une telle obligation ne saurait être imposée par la législation nationale.

115. L’article 6, paragraphe 8, selon lequel « [l]es exigences en matière d’information prévues par la présente directive complètent celles qui figurent dans la directive 2006/123/CE [du Parlement européen et deu Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36)] et dans la directive [2000/31] et n’empêchent pas les États membres d’imposer des exigences supplémentaires en matière d’information conformément aux directives précitées », ne fait pas obstacle à cette conclusion.

116. Cette dernière disposition ne fait pas référence aux moyens de communication utilisés par les professionnels.

117. Mais il convient surtout de souligner qu’aux termes de l’article 8, paragraphe 10, « [l]es États membres s’abstiennent d’imposer toute autre exigence de forme en matière d’information précontractuelle en ce qui concerne l’exécution des obligations d’information énoncées dans la présente directive ».

 IV.      Conclusion

118. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles dont elle a été saisie par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) de la manière suivante :

1)      La directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, en raison de sa fonction d’harmonisation complète et à la lumière de son interprétation littérale, systématique et téléologique, s’oppose à une législation nationale qui imposerait au professionnel, dans le cadre de la conclusion d’un contrat à distance, de mettre, dans tous les cas et pas seulement lorsqu’il est disponible, son numéro de téléphone à la disposition du consommateur avant que celui-ci ne consente au contrat.

2)      Il convient d’interpréter la formule « gegebenenfalls », utilisée dans la version en allemand de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83, eu égard au libellé de la disposition, et pour des raisons systématiques et téléologiques, en ce sens qu’elle n’impose pas au professionnel de mettre en place une nouvelle ligne téléphonique ou de télécopieur ni de créer une nouvelle adresse de courrier électronique s’il décide de passer des contrats à distance.

3)      Il convient d’interpréter la formule « gegebenenfalls » utilisée dans la version en allemand de l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83, eu égard au libellé de la disposition, et pour des raisons systématiques et téléologiques, en ce sens que sont considérés comme « disponibles » dans l’entreprise uniquement les moyens de communication que le professionnel décide d’utiliser pour les relations avec les consommateurs dans le cadre de la conclusion de contrats à distance.

4)      L’énumération des moyens de communication figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2011/83, téléphone, télécopieur et adresse électronique, n’est pas exhaustive et le professionnel peut également recourir à d’autres moyens de communication qui n’y sont pas mentionnés, tels que, par exemple, un tchat internet ou un système de rappel téléphonique, pour autant que, quel que soit le moyen de communication utilisé, il garantisse concrètement au consommateur une pluralité de choix en ce qui concerne le moyen de communication à utiliser, une prise de contact rapide et une communication efficace, et à condition que l’information relative à ces moyens soit fournie sous une forme claire et compréhensible.

5)      Pour l’application de l’obligation de transparence prévue à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2011/83, l’information sur les moyens de communication mis à la disposition du consommateur par le professionnel doit être accessible de manière simple, efficace et raisonnablement rapide.


1      Langue originale : l’italien.


2      Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64).


3      L’article 1er de la directive 2011/83, intitulé « Objet », s’énonce comme suit : « L’objectif de la présente directive est de contribuer, en atteignant un niveau élevé de protection du consommateur, au bon fonctionnement du marché intérieur en rapprochant certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux contrats conclus entre les consommateurs et les professionnels. »


4      «       [...] L’harmonisation de certains aspects des contrats de consommation à distance et hors établissement est nécessaire pour promouvoir un véritable marché intérieur des consommateurs offrant un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises, dans le respect du principe de subsidiarité. »


5      Voir considérant 2 de la directive 2011/83, conformément auquel « [l]a présente directive devrait donc définir des règles standard pour les aspects communs des contrats à distance et hors établissement, en s’écartant du principe d’harmonisation minimale présent dans les anciennes directives tout en permettant aux États membres de maintenir ou d’adopter des règles nationales concernant certains aspects ».


6      Voir considérants 5 et 7 de la directive 2011/83, aux termes desquels « [u]ne harmonisation complète de l’information des consommateurs et du droit de rétractation dans les contrats à distance et les contrats hors établissement contribuera à un niveau de protection élevé des consommateurs et à un meilleur fonctionnement du marché intérieur sur le plan des relations entre entreprises et particuliers » et « [l]’harmonisation complète de certains aspects réglementaires essentiels devrait considérablement augmenter la sécurité juridique, tant pour les consommateurs que pour les professionnels ».


7      Article 4 de la directive 2011/83.


8      Arrêt du 7 août 2018, Verbraucherzentrale Berlin (C‑485/17, EU:C:2018:642, point 44 et jurisprudence citée).


9      Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique » (JO 2000, L 178, p. 1), voir article 5, intitulé « Informations générales à fournir », qui, au paragraphe 1, sous c), fait obligation au professionnel de rendre possible « un accès facile, direct et permanent » pour le consommateur aux « coordonnées du prestataire, y compris son adresse de courrier électronique, permettant d’entrer en contact rapidement et de communiquer directement et efficacement avec lui ».


10      Arrêt du 16 octobre 2008, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände (C‑298/07, EU:C:2008:572).


11      Voir arrêt du 16 octobre 2008, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände (C‑298/07, EU:C:2008:572, point 12) : « Un prestataire de services est-il obligé, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous c), de la directive [...], d’indiquer, dès avant toute conclusion de contrat avec un destinataire du service, un numéro de téléphone afin de permettre une prise de contact rapide et une communication directe et efficace ? 2) En cas de réponse négative à la première question : a) Un prestataire de services doit-il, dès avant toute conclusion de contrat avec un destinataire du service, outre l’indication de son adresse de courrier électronique, offrir une seconde voie de communication en application de l’article 5, paragraphe 1, sous c), de [la] directive ? b) En cas de réponse affirmative : pour constituer une seconde voie de communication, suffit-il que le prestataire de services mette en place un formulaire de contact par le biais duquel le destinataire peut s’adresser au moyen de l’internet au prestataire, ce dernier répondant à la question du destinataire par courrier électronique ? »


12      Arrêt du 16 octobre 2008, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände (C‑298/07, EU:C:2008:572, point 40).


13      Arrêt du 16 octobre 2008, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände (C‑298/07, EU:C:2008:572, point 40).


14      Condition valable pour toutes les informations visées à l’article 6, paragraphe 1, sous a) à t), de la directive 2011/83.


15      Arrêts du 22 novembre 2012, Brain Products (C‑219/11, EU:C:2012:742, point 13 et jurisprudence citée), et du 12 juin 2014, Lukoyl Neftohim Burgas (C‑330/13, EU:C:2014:1757, point 59).


16      Arrêts du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 20 et jurisprudence citée), et du 7 août 2018, Verbraucherzentrale Berlin (C‑485/17, EU:C:2018:642, point 27).


17      En ce sens, voir également le document d’orientation de la DG Justice de juin 2014 concernant la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive no 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, point 4.3.2.3, où la Commission affirme que l’expression « lorsqu’ils sont disponibles » devrait être interprétée en ce sens qu’elle « s’applique aux trois techniques de communication à distance [...], c’est‑à‑dire le téléphone, le télécopieur et le courrier électronique ».


18      En ce sens, voir également le document d’orientation de la DG Justice de juin 2014 cité à la note 17, point 4.3.2.3, où la Commission corrobore l’interprétation défendue en affirmant que, « [d]e manière générale, les professionnels devraient au moins fournir des informations détaillées sur les techniques de communication à distance qu’ils utilisent dans le cadre de leurs activités commerciales. Par exemple, les professionnels qui concluent des contrats par téléphone devraient fournir leurs coordonnées téléphoniques ».


19      Il s’agit du considérant 34, qui s’énonce comme suit : « Le professionnel devrait fournir au consommateur des informations claires et exhaustives avant que le consommateur soit lié par un contrat à distance ou hors établissement, un contrat autre qu’un contrat à distance ou hors établissement, ou toute offre du même type. Lorsqu’il fournit ces informations, le professionnel devrait tenir compte des besoins spécifiques des consommateurs qui sont particulièrement vulnérables en raison d’une infirmité mentale, physique ou psychologique, de leur âge ou de leur crédulité, d’une façon que le professionnel puisse raisonnablement prévoir. Cependant, la prise en compte de ces besoins spécifiques ne devrait pas aboutir à des niveaux différents de protection des consommateurs. »


20      Voir points 20 à 22 des présentes conclusions.