ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

10 juillet 2008


Affaire F-61/06


Cathy Sapara

contre

Eurojust

« Fonction publique – Agents temporaires – Recrutement – Stage – Prolongation de la période de stage – Licenciement à la fin de la période de stage – Obligation de motivation – Droits de la défense – Erreur manifeste d’appréciation – Harcèlement moral »

Objet : Recours, introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA, par lequel Mme Sapara demande d’annuler la décision d’Eurojust, du 6 juillet 2005, prononçant son licenciement à l’issue de sa période de stage, d’ordonner sa réintégration au sein d’Eurojust à compter du 6 juillet 2005, de condamner Eurojust à lui payer, au titre du préjudice matériel, le salaire qu’elle aurait dû percevoir entre le 6 juillet 2005 et le 15 octobre 2009, ainsi que, au titre du préjudice moral, la somme, évaluée sur une base provisoire ex aequo et bono, de 200 000 euros.

Décision : Le recours est rejeté. Chaque partie supporte ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Recrutement – Stage – Décision de prolongation

(Régime applicable aux autres agents, art. 14, alinéa 3)

2.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Recrutement – Stage – Rapport de fin de stage

(Régime applicable aux autres agents, art. 14, alinéa 3)

3.      Fonctionnaires – Harcèlement moral – Notion

(Statut des fonctionnaires, art. 12 bis, § 3 ; régime applicable aux autres agents, art. 11, alinéa 1)

4.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Recrutement – Stage – Appréciation des résultats

(Régime applicable aux autres agents, art. 14, alinéa 3)

5.      Fonctionnaires – Agents temporaires – Recrutement – Stage – Évaluation négative des aptitudes de l’intéressé

(Régime applicable aux autres agents, art. 14, alinéa 3)


1.      Il peut être déduit de l’article 14, troisième alinéa, du régime applicable aux autres agents que, si l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement décide de prolonger le stage auquel est soumis un agent temporaire stagiaire, elle est tenue de fonder sa décision sur le rapport établi en fin de période de stage. Le fait que le supérieur hiérarchique de cet agent ait déjà proposé cette prolongation dans un premier rapport, rédigé à mi‑parcours de la période de stage, ne constitue pas une violation de cette disposition, une telle proposition, quoique prématurée, n’étant pas susceptible de produire d’effets sur la situation de l’intéressé.

(voir points 54, 56 et 57)


2.      Si les dispositions de l’article 14, troisième alinéa, du régime applicable aux autres agents ne prévoient pas expressément, dans l’hypothèse de la prolongation du stage d’un agent temporaire stagiaire, l’établissement d’un nouveau rapport de fin de stage à l’issue de cette prolongation, elles ne sauraient être interprétées comme faisant obstacle à ce que l’administration puisse établir un second rapport au terme de ladite prolongation. En effet, dès lors qu’une prolongation de stage a été accordée à l’intéressé, l’autorité compétente peut procéder à l’établissement d’un second rapport.

(voir point 60)

Référence à :

Cour : 8 octobre 1981, Tither/Commission, 175/80, Rec. p. 2345, point 12


3.      S’il est vrai que les valeurs fondamentales sur lesquelles repose l’ordre juridique communautaire s’opposent à ce qu’un fonctionnaire fasse des plaisanteries relatives à la couleur de peau d’un de ses collègues, que ces faits aient été ou non répétés, un tel comportement, condamnable et inacceptable, ne peut toutefois pas pour autant être qualifié de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut lorsqu’il est établi que les plaisanteries n’étaient pas répétées et qu’elles ont cessé lorsque le collègue visé en a fait la demande.

(voir points 105 à 107)


4.      Étant donné la grande marge dont dispose l’administration quant à l’appréciation des aptitudes et des prestations d’un agent temporaire stagiaire selon l’intérêt du service, il n’appartient pas au Tribunal de se substituer au jugement des institutions en ce qui concerne leur appréciation du résultat d’un stage, sauf en cas d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.

(voir point 120)

Référence à :

Cour : 13 décembre 1989, Patrinos/CES, C‑17/88, Rec. p. 4249, publication sommaire, point 33

Tribunal de première instance : 27 juin 2002, Tralli/BCE, T‑373/00, T‑27/01, T‑56/01 et T‑69/01, RecFP p. I‑A‑97 et II‑453, point 76


5.      Le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci constitue un principe fondamental du droit communautaire. Ce principe, qui répond aux exigences d’une bonne administration, exige que la personne visée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder un tel acte.

En matière de licenciement d’un agent temporaire à l’issue de la période de stage, le principe du respect des droits de la défense est mis en œuvre par l’article 14, troisième alinéa, du régime applicable aux autres agents, qui prévoit que le rapport, dont fait l’objet l’agent temporaire un mois avant l’expiration de son stage sur son aptitude à s’acquitter des tâches que comportent ses fonctions ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service, « est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations ». Ce principe n’exige, en revanche, pas de l’administration qu’elle adresse, au cours de la période de stage, un avertissement à l’agent temporaire dont les prestations professionnelles ne donnent pas satisfaction. D’ailleurs, même à supposer que l’administration n’informe pas l’intéressé, lors de la période de stage, de ses prétendues insuffisances professionnelles, une telle circonstance ne saurait caractériser une violation du principe du respect des droits de la défense, dès lors que le rapport de fin de stage, sur lequel l’administration s’est fondée pour proposer le licenciement, a été dûment communiqué à l’intéressé.

(voir points 148 à 150)

Référence à :

Cour : 15 mai 1985, Patrinos/CES, 3/84, Rec. p. 1421, point 19 ; 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, Rec. p. I‑10915, points 37 et 38

Tribunal de première instance : 5 mars 1997, Rozand-Lambiotte/Commission, T‑96/95, RecFP p. I‑A‑35 et II‑97, point 102 ; 8 mars 2005, Vlachaki/Commission, T‑277/03, RecFP p. I‑A‑57 et II‑243, point 64 ; 10 octobre 2006, Van der Spree/Commission, T‑182/04, RecFP p. I-A-2-205 et II‑A‑2‑1049, point 70