ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

10 mars 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Rémunération – Transfert d’une partie des émoluments en dehors du pays d’affectation – Article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut – Épargne-logement – Répétition de l’indu – Conditions – Irrégularité des transferts – Caractère évident de l’irrégularité »

Dans l’affaire F‑106/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 236 CE et 152 EA,

Stavros Giaprakis, fonctionnaire du Comité des régions de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M.-A. Lucas, avocat,

partie requérante,

contre

Comité des régions de l’Union européenne, représenté par M. P. Cervilla, en qualité d’agent, assisté de MB. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, H. Kreppel et H. Tagaras (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 octobre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 5 octobre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 10 octobre suivant), M. Giaprakis, fonctionnaire du Comité des régions de l’Union européenne (ci-après le « CDR »), demande, d’une part, l’annulation de la décision du 21 novembre 2006 du CDR visant à récupérer, en application de l’article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, les montants qui lui ont été versés au titre du coefficient correcteur (ci-après le « CC ») sur la partie de ses émoluments transférée en France d’avril 2004 à juin 2005, montants s’élevant à 1 246,06 euros, d’autre part, la condamnation du CDR à lui rembourser la somme de 1 246,06 euros retenue sur sa rémunération (le requérant indique par erreur la somme de 2 038,61 euros dans sa requête) et, enfin, à lui payer une somme de 1 000 euros en compensation du préjudice moral du fait de la décision du 21 novembre 2006 susmentionnée.

 Cadre juridique

 Dispositions statutaires

2        L’article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») est rédigé comme suit :

« Toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

La demande de répétition doit intervenir au plus tard au terme d’un délai de cinq ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la somme a été versée. Ce délai n’est pas opposable à l’autorité investie [du] pouvoir de nomination lorsque celle-ci est en mesure d’établir que l’intéressé a délibérément induit l’administration en erreur en vue d’obtenir le versement de la somme considérée. »

3        L’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut »), prévoyait :

« Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord par les institutions des Communautés après l’avis du comité du statut, le fonctionnaire peut :

a)      faire transférer régulièrement, par l’entremise de l’institution dont il relève, une partie de ses émoluments ne dépassant pas le montant qu’il perçoit au titre de l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation :

[…]

b)      faire effectuer des transferts réguliers dépassant le plafond indiqué [sous] a), in limine pour autant qu’ils soient destinés à couvrir des dépenses résultant notamment de charges régulières et prouvées que l’intéressé aurait à assumer en dehors du pays du siège de son institution ou du pays où il exerce ses fonctions ;

[…] »

4        Sur la base de l’article 17 de l’annexe VII de l’ancien statut, un « Règlement fixant les modalités relatives aux transferts d’une partie des émoluments des fonctionnaires des Communautés européennes » (ci-après l’« ancienne réglementation commune ») est entré en vigueur le 1er janvier 1980, avec effet au 1er avril 1979. L’article 1er de cette ancienne réglementation commune permettait au fonctionnaire de faire transférer régulièrement une partie de ses émoluments non supérieure au montant qu’il percevait au titre de l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation, tandis que l’article 2 de celle-ci disposait :

« En application de l’article 17, paragraphe 2, [sous] b), de l’annexe VII [de l’ancien] statut, le fonctionnaire peut, en outre, faire transférer régulièrement, sur sa demande et par l’entremise de l’institution, une partie de ses émoluments supérieure au montant visé à l’article 1er, pour autant que ces transferts soient destinés à couvrir des dépenses résultant de charges régulières et prouvées hors du pays de son affectation.

Sont à considérer comme des dépenses justifiant de tels transferts :

[...]

–        sur présentation de l’acte notarié et du contrat de prêt, le remboursement d’un prêt hypothécaire remboursable pendant sept ans au moins et relatif soit à l’acquisition d’un terrain à bâtir pour maison individuelle, soit à la construction, l’achat ou la transformation d’une première habitation ou, le cas échéant, d’une deuxième habitation dans un pays des Communautés,

–        sur présentation de l’acte notarié, les rentes viagères, et, sur présentation du contrat, les primes dues au titre de contrats d’assurance vie/invalidité ou de contrats d’épargne-logement relatifs aux opérations immobilières visées ci-dessus.

[...] »

5        Les chefs d’administration des différentes institutions communautaires ont approuvé, le 3 décembre 1992, la conclusion n° 204/92 sur les modalités relatives aux transferts d’une partie des émoluments des fonctionnaires, conclusion se référant en substance à l’article 2 de l’ancienne réglementation commune (ci-après la « conclusion des chefs d’administration »), laquelle a précisé, à ses points 2 et 4 :

« 2. Est considéré comme ‘contrat d’épargne-logement’, tout régime d’épargne particulier qui permet au fonctionnaire qui verse à un compte bancaire spécial d’obtenir à l’issue d’une période contractuelle d’épargne, un prêt destiné aux opérations immobilières visées aux deux derniers tirets de l’article 2 de [l’ancienne] réglementation [commune]. Un contrat d’épargne-logement reconnu en tant que tel par la législation nationale le régissant est acceptable au terme de la présente définition.

4. En cas de contrat d’épargne-logement le fonctionnaire est tenu de produire une attestation de l’organisme financier concerné, par laquelle celui-ci s’engage à informer l’institution chaque fois que le fonds d’épargne sera débloqué, ainsi que de souscrire lui-même un engagement portant sur l’affectation des fonds d’épargne à des opérations immobilières telles que définies par le [2e tiret ci-dessus du deuxième alinéa] de l’article 2 de [l’ancienne] réglementation [commune].

Au cas où cette affectation des fonds d’épargne n’est pas respectée, l’institution met fin au transfert et récupère la partie correspondant à la participation de l’institution […] »

6        Suite à l’entrée en vigueur, le 1er mai 2004, du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut a limité les possibilités de transfert, avec application du CC, d’une partie de la rémunération des fonctionnaires, en ne l’autorisant plus que dans le cas des frais de scolarité des enfants à charge fréquentant un établissement d’enseignement dans un État membre autre que celui d’affectation et, dans la limite de 5 % du traitement de base, dans le cas de versements réguliers au profit de toute autre personne vis-à-vis de laquelle le fonctionnaire démontre avoir des obligations en vertu d’une décision de justice ou d’une décision administrative.

7        L’article 17 de l’annexe XIII du statut prévoit cependant des mesures transitoires :

« Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 31 décembre 2008, par dérogation à l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, le fonctionnaire peut transférer un montant supplémentaire, sous réserve du respect des conditions suivantes :

a)      ce montant doit avoir été transféré régulièrement avant le 1er mai 2004 et les conditions requises pour l’autorisation doivent toujours être remplies ;

b)      ce montant supplémentaire ne peut avoir pour effet d’augmenter le total des transferts au-delà des seuils suivants, exprimés en pourcentage du montant total transféré chaque mois avant le 1er mai 2004 :

1er mai – 31 décembre 2004 : 100 %

1er janvier – 31 décembre 2005 : 80 %

1er janvier – 31 décembre 2006 : 60 %

1er janvier – 31 décembre 2007 : 40 %

1er janvier – 31 décembre 2008 : 20 % .»

8        Sur la base de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, une « Réglementation commune relative aux transferts d’une partie des émoluments des fonctionnaires des Communautés européennes », applicable à partir du 1er mai 2004, a abrogé et remplacé l’ancienne réglementation commune. Le CDR a approuvé, par décision du 11 octobre 2004, cette nouvelle réglementation commune. L’article 3, premier alinéa, de celle-ci dispose :

« L’institution vérifie régulièrement que les conditions qui ont justifié l’autorisation de transfert demeurent toujours remplies. Elle peut, dans ce cadre, demander la production de toute pièce justificative qu’elle juge utile. Elle met fin au transfert lorsqu’elle constate que les conditions qui ont justifié l’octroi du transfert ne sont plus remplies ou lorsque le fonctionnaire ne produit pas les pièces justificatives qui lui sont demandées. De telles vérifications peuvent donner lieu à l’application de l’article 85 du statut. »

 Droit français

9        Les articles L315-1 et suivants du code français de la construction et de l’habitation, dans leur version applicable à la date d’ouverture des comptes bancaires dans le cas d’espèce (ci-après le « CCH »), articles relatifs à l’épargne-logement, énoncent :

« Article L315-1

Le régime de l’épargne-logement a pour objet de permettre l’octroi de prêts aux personnes physiques qui ont fait des dépôts à un compte d’épargne-logement et qui affectent cette épargne au financement de logements destinés à l’habitation principale.

Les titulaires d’un compte d’épargne-logement qui n’affectent pas cette épargne au financement de logements destinés à l’habitation principale dans les conditions du premier alinéa peuvent l’affecter au financement de logements ayant une autre destination dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État qui détermine notamment les destinations autorisées. Ces destinations sont exclusives, à l’exception des résidences de tourisme, de tout usage commercial ou professionnel.

[…]

Article L315-3

Les dépôts d’épargne-logement sont reçus par la caisse nationale d’épargne et les caisses d’épargne ordinaires ainsi que dans les banques et organismes de crédit qui s’engagent par convention avec l’État à appliquer les règles fixées pour le fonctionnement de l’épargne-logement.

Article L315-4

Les bénéficiaires d’un prêt d’épargne-logement reçoivent de l’État, lors de la réalisation du prêt, une prime d’épargne dont le montant est fixé compte tenu de leur effort d’épargne.

Article L315-5

Les intérêts et la prime d’épargne versés aux titulaires de comptes d’épargne-logement ne sont pas pris en compte pour le calcul de l’allocation de logement. »

10      Les articles R*315-2 et suivants du CCH relatifs au compte d’épargne-logement (ci-après le « CEL ») disposent :

« Article R*315-2

Les sommes inscrites aux [CEL] portent intérêt, à un taux fixé par arrêté du ministre chargé des finances [et] du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

Au 31 décembre de chaque année, l’intérêt s’ajoute au capital et devient lui-même productif d’intérêt.

Article R*315-3

Il est délivré aux titulaires de [CEL] un livret mentionnant les opérations effectuées à leur compte.

Le montant du dépôt minimum auquel est subordonnée l’ouverture d’un [CEL] et le montant minimum des versements ultérieurs sont fixés par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

Les sommes inscrites au compte sont remboursables à vue. Toutefois, le retrait de fonds qui aurait pour effet de réduire le montant du dépôt à un montant inférieur au dépôt minimum prévu à l’alinéa précédent entraîne la clôture du compte.

Article R*315-4

Le montant maximum des sommes qui peuvent être portées à un [CEL] est fixé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

[…]

Article R*315-7

Les titulaires d’un [CEL] peuvent […] obtenir un prêt lorsque ce compte est ouvert depuis [18] mois au moins et lorsque le montant des intérêts acquis s’élève au moins à un montant fixé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation, en fonction du minimum exigé pour l’ouverture du compte ainsi que du taux d’intérêt appliqué aux dépôts.

[…]

Article R*315-12

[…] le montant et la durée maximum des prêts sont fixés de telle sorte que le total des intérêts à payer par l’emprunteur soit égal au total des intérêts acquis à la date de la demande du prêt et pris en compte pour le calcul du montant du prêt multiplié par un coefficient au minimum égal à 1.

[…]

Article R*315-16

Les bénéficiaires des prêts […] reçoivent de l’État une prime d’épargne versée au moment de la réalisation du prêt.

[…] »

11      L’article R*315-24 du CCH dispose qu’il est institué une catégorie particulière de CEL sous la forme de plans contractuels d’épargne à terme déterminé, appelés plans d’épargne-logement (ci-après le « PEL »).

12      Les dispositions relatives au PEL sont les suivantes :

« Article R*315-26

[…]

Le titulaire d’un [CEL] […] peut souscrire un [PEL] à la condition que ce plan soit domicilié dans le même établissement.

Article R*315-27

La souscription d’un [PEL] est subordonnée au versement d’un dépôt initial qui ne peut être inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé des finances [et] du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

Le souscripteur s’engage à effectuer chaque année, à échéances régulières, mensuelles, trimestrielles ou semestrielles, des versements d’un montant déterminé par le contrat.

Un ou plusieurs versements peuvent être majorés sans que le montant maximum des dépôts fixé par l’arrêté prévu à l’article R*315-4 puisse être dépassé au terme du [PEL].

Un ou plusieurs versements peuvent être effectués pour un montant inférieur à ce qui est prévu au contrat, à la condition que le total des versements de l’année ne soit pas inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

Article R*315-28

I. Le contrat fixe la durée du [PEL]. Cette durée ne peut être inférieure à quatre ans à compter du versement initial, sauf en ce qui concerne les plans ouverts entre le 1er janvier 1981 et le 31 mars 1992 inclus, pour lesquels elle ne peut être inférieure à cinq ans.

Des avenants au contrat initial peuvent, sous réserve des dispositions du II, proroger la durée du [PEL], pour une année au moins, ou la réduire en respectant les limites fixées à l’alinéa qui précède.

II. La durée d’un [PEL] ne peut être supérieure à dix ans.

[...]

Article R*3l5-29

Les sommes inscrites au compte du souscripteur d’un [PEL] portent intérêt, à un taux fixé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

Au 31 décembre de chaque année, l’intérêt s’ajoute au capital et devient lui-même productif d’intérêt. La capitalisation des intérêts ne peut avoir pour conséquence de réduire le montant du versement annuel minimum prévu à l’article R*315‑27, [quatrième alinéa].

Article R*315-30

Les versements et les intérêts capitalisés acquis demeurent indisponibles jusqu’à la date où le retrait définitif des fonds prévu à la sous-section [relative au retrait des fonds et primes d’épargne] devient possible.

Article R*315-31

Lorsque le total des versements d’une année est inférieur au montant fixé par l’arrêté prévu au dernier alinéa de l’article R*315-27, ou lorsque les sommes inscrites au crédit du compte d’un souscripteur font l’objet d’un retrait total ou partiel au cours de la période d’indisponibilité des fonds, le contrat d’épargne-logement est résilié de plein droit et le souscripteur perd le bénéfice des dispositions de la présente section[, relative au PEL].

Toutefois, si le retrait intervient après l’écoulement de la période minimale prévue au contrat, le bénéfice de la présente section[, relative au PEL] lui est conservé pour cette période et les périodes de douze mois consécutives.

Si le retrait intervient entre la quatrième et la cinquième année d’un [PEL] ouvert antérieurement au 1er avril 1992, le bénéfice de la présente section[, relative au PEL] est conservé pour la période de quatre ans.

Si le retrait intervient entre la troisième et la quatrième année, le bénéfice de la présente section[, relative au PEL] est conservé pour la période de trois ans ; la prime versée par l’État est, dans ce cas, réduite dans une proportion fixée par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé du logement.

[…]

Article R*3l5-34

Lorsque le [PEL] est venu à terme, le souscripteur peut demander et obtenir un prêt.

Il peut d’autre part obtenir une attestation lui permettant de bénéficier d’une priorité pour l’attribution des primes et des prêts spéciaux […] s’il satisfait aux conditions exigées pour leur attribution.

[…]

Article R*315-37

Le total des intérêts acquis pris en compte pour le calcul du montant du prêt, en application de l’article R*315-12, est évalué à la date de venue à terme du [PEL].

Le coefficient maximum de conversion des intérêts prévu au deuxième alinéa dudit article est fixé à 2,5 en matière de [PEL] à l’exception des prêts destinés au financement de la souscription de parts des sociétés civiles de placement immobilier pour lesquels le coefficient maximum de conversion des intérêts est fixé à 1,5.

Article R*315-38

L’attribution du prêt consenti au titre du [PEL] ne fait pas d’obstacle à l’octroi, en vue du financement d’une même opération, du prêt consenti en application de l’article R*315-7.

Toutefois, le montant cumulé des prêts ainsi consenti ne devra pas être supérieur au montant maximum fixé par [arrêté]

Le cumul des prêts n’est possible que si ces prêts sont consentis par le même établissement.

[…]

Article R*315-40

Pour les plans ouverts avant le 1er janvier 1981, les souscripteurs d’un [PEL] reçoivent de l’État, lors du retrait des fonds, une prime d’épargne égale au montant des intérêts acquis.

Pour les plans ouverts entre le 1er janvier 1981 et le 11 décembre 2002, cette prime est égale à un pourcentage, déterminé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé du logement, des intérêts acquis à la date de venue à terme du plan.

Pour les plans ouverts à compter du 12 décembre 2002, la prime d’épargne mentionnée à l’alinéa précédent est attribuée aux souscripteurs d’un [PEL] qui donne lieu à l’octroi du prêt mentionné à l’article R*315-34, lors du versement de ce prêt.

En outre, il est versé au souscripteur d’un [PEL] bénéficiaire d’un prêt prévu à l’article R*315-34 pour le financement des dépenses de construction, d’acquisition ou d’amélioration d’un logement destiné à son habitation personnelle une majoration de prime égale à un pourcentage par personne à charge du montant des intérêts acquis pris en compte pour le calcul du montant du prêt, déterminé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation. Seules ouvrent droit au bénéfice de cette majoration les personnes à charge vivant habituellement au foyer du bénéficiaire.

La prime d’épargne et le montant de la majoration ne peuvent pas dépasser un montant fixé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation. »

 Notes internes au CDR

13      M. Tsirimiagos, chef de l’unité du personnel du CDR (ci-après le « chef de l’unité du personnel ») a rédigé et fait diffuser, le 23 mars 2004, une communication au personnel, dont le contenu était le suivant (ci-après la « note du 23 mars 2004 ») :

« L’article 16 de l’annexe XIII du projet de […] statut […] prévoit la possibilité de continuer à effectuer, pendant une période transitoire et à des pourcentages dégressifs, des transferts d’une partie des émoluments qui ne seraient plus autorisés sur la base de l’article 17, paragraphe 2, du […] statut.

Votre attention est attirée sur le fait que pour bénéficier de ces dispositions transitoires, le transfert doit exister avant le 1er mai 2004. L’interprétation qui semble actuellement prévaloir est que ‘pour exister avant le 1er mai 2004’, le transfert doit avoir été effectué lors du paiement de la rémunération du mois d’avril 2004.

Il en résulte que pour pouvoir effectuer le transfert avec la rémunération d’avril, l’[u]nité du [p]ersonnel (M. Didier G[oetz]) doit être en possession des demandes et des pièces justificatives pour le 31 mars 2004 au plus tard.

Sont concernées : les personnes qui souhaitent modifier les transferts existants ou les personnes qui souhaiteraient effectuer à l’avenir un transfert. Ces personnes sont dès lors invitées à faire les démarches le plus rapidement possible, afin de tenir compte du temps nécessaire pour le traitement du dossier. »

14      Le chef de l’unité du personnel a également rédigé et fait diffuser, le 23 décembre 2004, la note suivante (ci-après la « note du 23 décembre 2004 ») :

« 1. Conformément à la réglementation en vigueur en la matière […], les demandes de transferts doivent faire l’objet d’une confirmation annuelle des bénéficiaires et d’un contrôle annuel par l’administration.

À cet effet, je vous prie de bien vouloir :

1.1      confirmer votre volonté de continuer à transférer une partie des émoluments en 2005, par retour d’e-mail à Mme B[uceta] […] avec copie à M. G[oetz] […]

1.2      fournir pour l’année 2004, les pièces justificatives (relevé des comptes bancaires actualisé au 31 [décembre] 2004 et copie des contrats) pour les montants dépassant l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation.

L’ensemble de ces informations devra impérativement être communiqué pour le 12 janvier 2005, au plus tard, à Mme B[uceta] […]

À défaut de production de ces pièces, il sera mis fin au transfert avec effet immédiat et application éventuelle de l’article 85 du [s]tatut (répétition de l’indu).

[…] »

 Faits à l’origine du litige

15      Le requérant, ressortissant grec et économiste de formation, a été nommé, en 2002, fonctionnaire du CDR. Il a été affecté au service « Budget » le 16 février 2002, puis, à dater du 1er janvier 2003, à la cellule de vérification de l’unité du personnel, en tant que vérificateur financier.

16      À la suite de la diffusion de la note du 23 mars 2004, le requérant, souhaitant introduire une demande de transfert d’une partie de ses émoluments avec application du CC, aurait pris contact par téléphone, le 26 mars 2004, avec l’agence « Lille Nationale » de la Société générale (ci-après la « banque »), située en France. Il aurait conclu avec celle-ci, d’une part, une « convention Jazz », comprenant un compte courant et un CEL, et, d’autre part, un contrat d’ouverture d’un PEL.

17      Le 26 mars 2004, le requérant a introduit, au titre de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, une « demande de transfert d’une partie des émoluments par les soins du CDR » auprès de M. Goetz, responsable du secteur « régime pécuniaire » de l’unité du personnel du CDR (ci-après le « responsable du secteur ‘régime pécuniaire’ »). Dans le formulaire de demande, le requérant indiquait comme motif l’ouverture d’un CEL et d’un PEL « en vue de l’achat d’une maison en Provence (France) » et cochait la rubrique prévoyant que le montant serait transféré dans l’État membre « où [il avait] des obligations de paiement dont la preuve [était] établie » ; cependant, il n’a pas rempli les rubriques relatives respectivement au numéro de compte et au nom de la banque et n’a pas joint de documents justificatifs.

18      Le requérant indique dans sa requête que, le 29 mars 2004, il aurait communiqué son numéro de compte au responsable du secteur « régime pécuniaire ». Ce dernier aurait informé le requérant que les pièces justificatives de sa demande pouvaient être communiquées après le 31 mars 2004, le délai indiqué dans la communication du 23 mars 2004 n’étant pas un délai de rigueur, pourvu que son transfert intervienne avant le 1er mai 2004 (comme prévu par l’article 17 de l’annexe XIII du statut).

19      Le responsable du secteur « régime pécuniaire » et le chef de l’unité du personnel, en tant qu’ordonnateur, ont complété et signé, d’après le requérant en date du 31 mars 2004, la partie du formulaire de demande de transfert réservée au secteur « régime pécuniaire ». Ce même 31 mars 2004, ils ont transmis à M. Di Rocco, « liquidateur » du CDR, une note, pour exécution avec effet au 1er avril 2004, concernant le transfert d’une partie des émoluments du requérant, note indiquant le numéro de son compte courant à la banque et les coordonnées de cette dernière, en précisant les termes suivants : « à la demande de l’intéressé du 26 mars 2004 ».

20      En date du 9 avril 2004, le requérant a signé auprès de sa banque, d’une part, la « convention Jazz », mentionnée au point 16 du présent arrêt, comprenant un compte courant et un CEL, et, d’autre part, le contrat d’ouverture du PEL.

21      Le requérant aurait remis ces documents, ce même 9 avril 2004 selon lui, le 15 avril suivant selon le CDR, au responsable du secteur « régime pécuniaire ». Ce dernier a ensuite établi, le 15 avril 2004, un ordre de paiement de 1 512,57 euros, soit 1 270 euros, montant des émoluments transférés, multiplié par le CC applicable à la France, qui était de 1,191.

22      Ce même 15 avril 2004, le responsable du secteur « régime pécuniaire » a visé l’ordre de paiement, lequel a ensuite été visé, le 19 avril 2004, par M. Notaro, vérificateur du CDR et, le 20 avril 2004, par M. Bescós Ferraz, directeur de l’administration du CDR (ci-après le « directeur de l’administration du CDR »), agissant en qualité d’ordonnateur. Cependant, étant apparemment incomplet et devant dès lors être régularisé, cet ordre de paiement semble avoir été refusé le 21 avril 2004 par le comptable du CDR, M. Dietrich.

23      Un nouvel ordre de paiement a été établi le 21 avril 2004 et visé, d’abord par le responsable du secteur « régime pécuniaire » le 22 avril suivant, puis par le vérificateur susmentionné et par le chef de l’unité du personnel, en tant qu’ordonnateur, le 26 avril suivant ; il a ensuite été visé, le 27 avril suivant, par le comptable susmentionné, pour être payé le 28 avril 2004 sur le compte courant du requérant ouvert auprès de la banque. Cet ordre de paiement portait l’indication « Transfert Emoluments 04/04 ».

24      Dès lors que la rémunération du mois d’avril 2004 avait été payée sans transfert d’une partie des émoluments, le paiement intervenu le 28 avril 2004 a été déduit, par le CDR, de la rémunération du requérant du mois de mai 2004. Le montant mensuel transféré et destiné à alimenter le PEL et le CEL a été de 1 270 euros jusqu’en décembre 2004 et de 1 016 euros à compter de janvier 2005, montants affectés d’un CC de 1,191 en avril 2004, 1,063 de mai à décembre 2004 et 1,069 à compter de janvier 2005. Ainsi, par les transferts que le CDR effectuait, le compte courant du requérant auprès de la banque a été crédité, de 1 512,57 euros en avril 2004, de 1 350,01 euros mensuellement pour la période allant de mai à décembre 2004 et de 1 086,10 euros mensuellement à compter de janvier 2005 ; il est constant qu’un montant de 250 euros était transféré mensuellement du compte courant sur le PEL du requérant et que le reste des sommes transférées devait alimenter le CEL de celui-ci.

25      À la suite de la diffusion de la note du 23 décembre 2004 et de l’envoi par le CDR de courriels au requérant, en dates des 5 et 11 janvier 2005, rappelant que les pièces justificatives pour la poursuite du transfert d’une partie des émoluments dépassant le montant de l’indemnité de dépaysement devaient parvenir à l’administration le 12 janvier 2005 au plus tard, le requérant a confirmé, par courriel du 12 janvier 2005 adressé à Mme Buceta et au responsable du secteur « régime pécuniaire » (conformément à la note du 23 décembre 2004), qu’il souhaitait poursuivre le transfert d’une partie de ses émoluments ; il a également indiqué qu’il communiquerait dès réception, soit aux alentours du 20 ou 22 du mois de janvier, « le relevé bancaire » (semble-t-il du mois de janvier 2005), apparemment à titre de pièce justificative relative aux transferts, et a rappelé que le CDR était déjà en possession des contrats conclus avec la banque. Le 7 février 2005, le requérant a remis au responsable du secteur « régime pécuniaire » un document bancaire faisant apparaître le solde de ses compte courant, CEL et PEL, qui était respectivement de 0 euro, 11 103,70 et 2 239,19 euros, lesquels montants correspondraient aux transferts effectués du mois d’avril 2004 au mois de décembre 2004.

26      Par lettre du 30 mai 2005, le directeur de l’administration du CDR a indiqué au requérant que les transferts qu’il faisait à l’étranger étaient « dans certains cas effectués sur [la] base de contrats prévoyant une simple faculté [de paiement] et non [une] obligation de [paiement] » et l’a ainsi informé que, à partir du mois de juin 2005, les « versements [effectués sur la base] d’un contrat ne faisant pas apparaître clairement une obligation de versement ne [seraient] donc plus considérés comme des contrats remplissant les conditions de l’article 2 [deuxième alinéa] de [l’ancienne] réglementation commune[ ; i]ls ne [pourraient] donc justifier la continuation des transferts à l’étranger ».

27      Le 8 juin 2005, le requérant a adressé, notamment au responsable du secteur « régime pécuniaire », un courriel par lequel il demandait l’arrêt de tout transfert le concernant, y compris ceux destinés à alimenter son PEL. Le même jour, le responsable du secteur « régime pécuniaire » a répondu au requérant qu’il avait pris bonne note de sa demande de « suppression » de tout transfert sur son compte courant, mais qu’il ne pourrait accéder à sa demande qu’à compter du transfert lié au paiement de sa rémunération du mois de juillet 2005, la procédure de paiement des rémunérations du mois de juin 2005 « ayant déjà été lancée ». Ainsi, au mois de juin 2005, un transfert d’une partie des émoluments avec application du CC a été effectué vers le PEL du requérant.

28      Par courriel du 20 juin 2005, le requérant a fait part au responsable du secteur « régime pécuniaire » de son souhait de faire transférer, à compter du mois de juillet 2005 et sans application de CC, une partie des émoluments sur son compte courant, ce pour un montant de 260 euros par mois. Par courriel du 15 décembre 2005, le requérant a confirmé au CDR sa volonté de continuer le transfert mensuel de 260 euros.

29      Par note du 17 juillet 2006, le directeur de l’administration du CDR, se référant à sa note du 30 mai 2005, a indiqué au requérant qu’une analyse approfondie de son dossier confirmait que « certains » de ses transferts avaient été indûment payés et que, à défaut de pièces justificatives ou explications complémentaires reçues avant le 15 septembre 2006, l’administration avait l’intention de procéder à une répétition de l’indu, dont le montant et les modalités de retenue lui seraient communiqués ultérieurement (ci-après la « note du 17 juillet 2006 »).

30      Par note du 18 juillet 2006, le requérant a demandé au directeur de l’administration du CDR de lui faire savoir quels justificatifs complémentaires manquants à son dossier il devait produire et a exprimé ses inquiétudes sur la manière dont le CDR gérait son dossier concernant le transfert d’une partie de ses émoluments.

31      Par note du 26 juillet 2006, le directeur de l’administration du CDR, se référant à la note du 18 juillet 2006, a indiqué au requérant que, en tant que responsable de la cellule de vérification, il aurait dû savoir qu’il n’avait pas respecté les délais pour présenter sa demande de transfert et que le premier versement effectué au mois d’avril 2004 constituait une avance sur la rémunération du mois de mai 2004, contraire à l’article 76 du statut ; en outre, il lui a précisé que les justificatifs bancaires se trouvant dans son dossier étaient incomplets pour justifier l’intégralité des transferts et en concluait que, sous réserve d’éléments supplémentaires que le requérant ajouterait à son dossier avant le 10 septembre 2006, l’administration, en application de l’article 85 du statut, allait procéder à une récupération des montants versés au titre du CC sur les montants indûment transférés depuis le mois de mai 2004 (ci-après la « note du 26 juillet 2006 »).

32      Par courrier du 21 novembre 2006 adressé au requérant, le directeur de l’administration du CDR a décidé que les versements des émoluments au titre de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut avaient été réalisés « sans respect des délais » et qu’il manquait dans le dossier du requérant les justificatifs bancaires de 2005, ceux de 2004 étant incomplets ; en conséquence, le directeur de l’administration du CDR en a conclu que les transferts effectués entre les mois d’avril 2004 et de juin 2005 étaient irréguliers, ce que le requérant ne pouvait ignorer, et que le montant total de 1 246,06 euros à répéter, en application de l’article 85 du statut, serait retenu sur les rémunérations du requérant des deux prochains mois (ci-après la « décision du 21 novembre 2006 »).

33      Le 22 février 2007, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du 21 novembre 2006. Dans cette réclamation, le requérant, pour l’essentiel, contestait d’abord l’irrégularité des transferts d’une partie de ses émoluments, et ensuite, à supposer qu’ils aient été irréguliers, l’appréciation du CDR suivant laquelle cette irrégularité était si évidente qu’il aurait dû en avoir connaissance.

34      Par décision du 20 juin 2007, le CDR a rejeté la réclamation du requérant au motif, notamment, que les conditions de l’article 85 du statut, tenant à l’irrégularité des transferts effectués au profit du CEL et au caractère évident pour le requérant de cette irrégularité, étaient remplies dans le cas d’espèce.

 Conclusions des parties et procédure

35      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du CDR du 21 novembre 2006 visant à récupérer les montants qui lui ont été versés au titre du CC sur la partie de ses émoluments transférée en France d’avril 2004 à juin 2005, pour un montant de 1 246,06 euros ;

–        condamner le CDR à lui rembourser la somme de 1 246,06 euros (le requérant indique par erreur la somme de 2 038,61 euros) retenue sur sa rémunération, majorée d’intérêts de retard au taux de 8 % l’an à dater du 1er décembre 2006, date de la récupération et jusqu’à complet paiement ;

–        condamner le CDR à lui payer la somme de 1 000 euros en compensation du préjudice moral subi ;

–        condamner le CDR aux dépens.

36      Le CDR conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le présent recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

37      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal conformément à l’article 55, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure et portées à la connaissance des parties par lettres du 28 février 2008, le Tribunal a invité le requérant à se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité, soulevée par le CDR et développée aux points 27 à 29 de son mémoire en défense, et à préciser au Tribunal la conclusion par laquelle il demande la condamnation du CDR « à lui rembourser la somme de 2 038,61 euros retenue sur sa rémunération, majorée d’intérêts de retard au taux de 8 % l’an à dater du 1er décembre 2006, date de la récupération et jusqu’à complet paiement », à savoir, indiquer au Tribunal à quoi correspond et comment est calculée cette somme de 2 038,61 euros, par rapport en particulier à la somme de 1 246,06 euros, mentionnée au point 149 de sa requête.

38      Par courrier parvenu au greffe le 28 février 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 29 février suivant), le requérant a indiqué au Tribunal que c’était en raison d’une erreur matérielle que la somme de 2 038,61 euros figurait au deuxième chef des conclusions et que la somme qui aurait dû être indiquée était bien celle de 1 246,06 euros. Dès lors, le Tribunal prend note que, dans son deuxième chef de conclusions, le requérant conclut à la condamnation du CDR à lui rembourser la somme de 1 246,06 euros retenue sur sa rémunération, majorée d’intérêts de retard au taux de 8 % l’an à dater du 1er décembre 2006, date de la récupération et jusqu’à complet paiement.

39      Par courrier parvenu au greffe le 21 mars 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 25 mars suivant), le requérant a déféré aux mesures d’organisation de la procédure relatives à l’exception d’irrecevabilité, concluant que son recours était parfaitement recevable.

40      Au cours de l’audience du 14 octobre 2008, le président a décidé de suspendre l’audience et d’inviter les parties à participer à une réunion informelle afin d’entamer une tentative de règlement amiable ; les parties n’ayant pas trouvé d’accord lors de la réunion informelle, l’audience a été reprise. Toujours lors de cette audience, et conformément à l’article 55 du règlement de procédure, le Tribunal a décidé de mesures d’organisation de la procédure, qui ont été portées à la connaissance des parties à l’issue de l’audience, puis par courriers du 15 octobre 2008 ; les parties ont déféré à ces mesures dans les délais impartis.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

41      À titre liminaire, le CDR excipe de l’irrecevabilité du recours en ce que l’acte faisant grief serait la note du 26 juillet 2006, avec comme conséquence la tardiveté de la réclamation introduite par le requérant et donc l’irrégularité de la procédure précontentieuse.

42      Dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, le requérant fait valoir que son recours est parfaitement recevable dans la mesure où les notes des 17 et 26 juillet 2006 ne sont que des actes préparatoires, contrairement à la décision du 21 novembre 2006 qui constitue un acte faisant grief ; le requérant invoque notamment le fait que la note du 17 juillet 2006 ne se prononce pas sur le principe de la répétition de l’indu mais sur la seule intention de procéder à une telle répétition et le fait que la note du 26 juillet 2006 ne fait pas apparaître les montants à récupérer, qui ne figurent que dans la décision du 21 novembre 2006.

 Appréciation du Tribunal

43      Il convient de rappeler d’emblée la jurisprudence selon laquelle un acte faisant grief est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, RecFP p. I‑A‑1‑55 et II‑A‑1‑199, point 33 et la jurisprudence citée), un tel acte devant émaner de l’autorité compétente et renfermer une prise de position définitive de l’administration (voir arrêts du Tribunal de première instance du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T‑46/90, Rec. p. II‑699, points 13 et 14, ainsi que du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 83 et 84).

44      Force est de constater que la note du 26 juillet 2006 ne correspond pas à cette définition.

45      En premier lieu, dans la note du 26 juillet 2006, le CDR a annoncé au requérant que, « en l’absence de toute explication satisfaisante ou autre pièce justificative complémentaire que [le requérant pourrait] ajouter à [son] dossier avant le 10 septembre », il procèderait à la répétition de l’indu sur les sommes versées au titre du CC sur les montants indûment transférés depuis mai 2004 ; le CDR a ajouté que le montant et les modalités de retenue seraient communiqués au requérant ultérieurement. Ainsi, et dès lors que la note du 26 juillet 2006 n’ordonnait pas la répétition de l’indu, mais faisait part d’une simple intention de répéter l’indu en l’absence d’explication satisfaisante ou de pièce justificative complémentaire, rien n’excluait que, à la lumière des explications et pièces fournies, le CDR s’abstienne de procéder à toute répétition.

46      En second lieu, la note du 26 juillet 2006 n’indique ni le montant de l’éventuelle répétition ni les modalités de la récupération. Or, en raison de la technicité et de la complexité des règles applicables aux transferts, et en particulier des règles relatives au calcul des majorations auxquelles donne lieu l’application des CC, il n’était pas possible pour le requérant de déterminer avec une précision suffisante le montant de l’éventuelle répétition à venir ; par ailleurs, il ignorait totalement les modalités de récupération qui lui seraient imposées. Dans ces conditions, non seulement la note du 26 juillet 2006 ne peut être considérée comme affectant directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, ni comme une prise de position définitive de l’administration du CDR, mais, de surcroît, une telle note ne permettait nullement au requérant d’apprécier l’opportunité d’une contestation de celle-ci, par l’introduction d’une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

47      Il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

48      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque deux moyens.

49      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut, dans la mesure où la décision du 21 novembre 2006 a conclu à l’irrégularité des transferts. Le second moyen, également tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut, repose sur le prétendu caractère évident de l’irrégularité des transferts.

 Sur le premier moyen, tiré de la prétendue irrégularité des transferts

50      Ce moyen comporte deux branches.

51      La première branche porte sur la violation de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut et de l’article 2, deuxième alinéa, dernier tiret, de l’ancienne règlementation commune. Le requérant fait grief au CDR d’avoir considéré, dans la décision du 21 novembre 2006, que les transferts d’une partie de ses émoluments opérés au titre du CEL ne correspondaient pas à une obligation de paiement, de telle sorte qu’ils n’étaient pas « dus », au sens de l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, ni destinés à couvrir des dépenses résultant de « charges régulières et prouvées » que l’intéressé aurait eu à assurer en dehors du pays du siège de son institution ou du pays où il exerce ses fonctions, selon les termes de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut ; ce, alors que l’ancienne réglementation commune, telle qu’interprétée par la conclusion des chefs d’administration et une décision du 4 juillet 2005 du secrétaire général du CDR ressortant d’une note de celui-ci du 11 juillet 2005, annexée à la requête (ci-après la « note du 11 juillet 2005 »), n’exigerait pas que les transferts correspondent à des versements obligatoires, mais seulement qu’ils relèvent d’un régime d’épargne permettant au fonctionnaire qui verse les sommes transférées à un compte bancaire spécial d’obtenir à la fin d’une période contractuelle d’épargne un prêt immobilier, étant entendu que relève d’un tel régime un contrat d’épargne-logement reconnu en tant que tel par la législation nationale le régissant. Or, en l’espèce, les transferts auraient été effectués vers un contrat d’épargne-logement reconnu en tant que tel par la législation française, à savoir un CEL. Le requérant conteste également le prétendu caractère insuffisant des justificatifs qu’il aurait fournis, dans la mesure où il a transmis, le 9 avril 2004, les contrats correspondant à son CEL et à son PEL et, le 7 février 2005, un document bancaire faisant apparaître le solde de ses CEL et PEL et attestant du maintien sur ces comptes de l’ensemble des sommes transférées d’avril à décembre 2004. Il considère enfin que le CDR a violé le principe de sollicitude en ne lui indiquant pas, dans la note du 17 juillet 2006 ni dans celle du 26 juillet 2006, les documents manquants à son dossier.

52      S’agissant de la première branche de ce moyen, le CDR souligne, à titre liminaire, que le requérant ne conteste ni la période concernée par la répétition de l’indu, ni le calcul du montant recouvré à ce titre, soit 1 246,06 euros. De plus, le CDR estime que le requérant méconnaît clairement le contenu des dispositions de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, ainsi que de l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, qui, tant par leur libellé que par leur finalité, plaident dans le sens de l’exigence d’une obligation de paiement, qui n’existerait pas concernant les versements effectués sur le CEL. Le CDR ajoute que la conclusion des chefs d’administration ne saurait déroger ni à l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, ni à l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, ce en vertu de la hiérarchie des normes. Concernant la note du 11 juillet 2005, outre le fait qu’elle est postérieure à la période litigieuse, le CDR indique qu’elle n’est que le résultat d’une réflexion interne et n’était d’ailleurs pas destinée à être communiquée. Enfin, le CDR fait observer que le requérant n’a introduit aucune réclamation à l’encontre de la décision du 30 mai 2005 par laquelle les transferts d’une partie de ses émoluments avaient été interrompus.

53      La seconde branche du premier moyen porte sur la violation de l’article 17, sous a), de l’annexe XIII du statut ainsi que de la note du 23 mars 2004, en ce que le CDR a considéré que les transferts d’une partie des émoluments du requérant n’avaient pas été opérés dans le respect des délais. À cet égard, le requérant relève que le délai du 31 mars 2004 pour déposer la demande de transfert d’une partie des émoluments n’était pas un délai de rigueur à peine de forclusion de la demande, mais un délai d’ordre prévu pour des raisons administratives, auquel l’administration pouvait déroger si, comme tel était le cas en l’espèce, les circonstances et le principe de sollicitude l’exigeaient. Le requérant fait également remarquer que la thèse du CDR, selon laquelle le transfert du 28 avril 2004 d’une partie de ses émoluments constituait une avance sur rémunération contraire à l’article 76 du statut, ne peut prospérer, la fiche de rémunération du requérant du mois de mai 2004 indiquant clairement que le montant de 1 270 euros, qui ne lui a pas été payé au titre de ce mois, constituait simplement une récupération du trop versé sur sa rémunération du mois d’avril 2004 ; d’ailleurs, l’ordre de paiement établi le 21 avril 2004 indique que la raison du paiement était « Transfert Emoluments 04/04 ». En tout état de cause, l’article 76 du statut n’interdirait pas les avances sur rémunération.

54      Sur la seconde branche du premier moyen, le CDR relève que si la demande de transfert d’une partie des émoluments du requérant a bien été effectuée le 26 mars 2004, aucune pièce justificative n’a pu être produite avant le 9 avril 2004. De plus, bien que le délai du 31 mars 2004 ne constituait pas un délai de rigueur, il aurait néanmoins été institué afin que les transferts des émoluments interviennent avant le 1er mai 2004, comme requis par l’article 17, sous a), de l’annexe XIII du statut, et ce, régulièrement, c’est-à-dire lors du paiement de la rémunération. En outre, étant donné que le montant intégral de la rémunération du mois d’avril 2004 a dû être versé au requérant à la mi-avril 2004, le transfert de 1 512,57 euros, intervenu hors masse salariale, ne pourrait que constituer une avance sur la rémunération du mois de mai 2004, la somme ayant d’ailleurs été récupérée sur cette rémunération. Or, l’article 76 du statut interdirait les avances sur rémunération. La seconde branche du premier moyen serait ainsi manifestement non fondée.

 Sur le second moyen, tiré du prétendu caractère évident de l’irrégularité des transferts

55      Le second moyen est tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut en ce que le CDR a considéré que l’irrégularité des transferts du requérant était si évidente qu’il ne pouvait, compte tenu de ses fonctions, manquer d’en avoir connaissance. Le requérant estime que, au regard de la conclusion des chefs d’administration, qui reflétait la pratique interinstitutionnelle en définissant la notion de contrat d’épargne-logement sans la moindre référence à la notion d’obligation de paiement et qui disposait que tout régime d’épargne reconnu comme tel par la législation applicable était acceptable au regard de cette définition, et de la note du 11 juillet 2005, il ne pouvait évidemment pas, quelles qu’aient pu être ses qualifications et son expérience professionnelles, imaginer que les transferts opérés vers son CEL étaient irréguliers, au motif qu’ils ne correspondaient pas à des paiements obligatoires. Le requérant considère également que l’irrégularité des transferts pour non-respect des délais n’était pas non plus évidente ; il fait notamment valoir que des institutions telles que la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour des comptes des Communautés européennes avaient admis des pièces justificatives produites après la date limite prévue pour l’introduction des demandes par leurs fonctionnaires et agents et avaient opéré à la fin du mois d’avril un premier transfert hors masse récupéré sur les rémunérations du mois de mai 2004.

56      En réponse, le CDR soutient que, conformément à une jurisprudence constante, au regard de sa formation, de son niveau de connaissances et des responsabilités et tâches qui lui étaient attribuées, à savoir vérificateur financier auprès de la cellule de vérification du CDR, il ne fait aucun doute que le requérant savait « dès le départ » ou ne pouvait manquer de savoir que les versements effectués de son compte courant sur son CEL étaient irréguliers. S’agissant du non-respect des délais, le CDR rappelle que le formulaire de demande de transfert mentionnait la nécessité de joindre les documents bancaires justificatifs, supposant ainsi l’existence de tels documents au moment de l’introduction de la demande, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ; le requérant n’ayant disposé de ces justificatifs bancaires que le 9 avril 2004, le CDR argue également du fait que le requérant savait que le premier transfert d’une partie de ses émoluments interviendrait nécessairement hors masse salariale et que ce transfert, intervenu le 28 avril 2004, constituait nécessairement une avance sur rémunération.

 Appréciation du Tribunal

57      Il convient de rappeler d’emblée que, à compter du 1er mai 2004, l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut ne couvre plus les transferts du type de ceux visés dans la présente affaire et que ce n’est qu’à titre transitoire, et pour une période expirant le 31 décembre 2008 (et avec un plafond qui décroît chaque année), que l’article 17 de l’annexe XIII du statut autorise la poursuite des transferts couverts par l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, ce sous forme d’un montant supplémentaire et à la condition notamment que ce montant ait été « transféré régulièrement » avant le 1er mai 2004. Selon les parties, qui sont en accord sur ce point, pour que cette condition soit remplie, il suffit qu’un seul transfert ait été effectué avant le 1er mai 2004.

58      Il ressort, par ailleurs, de l’article 85 du statut que la répétition de l’indu est soumise à deux conditions cumulatives, dont la première consiste dans l’irrégularité du versement que l’administration cherche à récupérer et, la seconde, dans la connaissance de cette irrégularité par le fonctionnaire ou dans la constatation que l’irrégularité en question était si évidente que le fonctionnaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

59      En l’espèce, le CDR fait valoir, d’une part, que l’application d’un CC aux transferts d’une partie des émoluments du requérant en France, transferts effectués entre avril 2004 et juin 2005, a donné lieu, dans la mesure où ces derniers auraient eu pour base légale les dispositions de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, combinées avec celles de l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, à des versements irréguliers au sens de l’article 85 du statut, d’autre part, que l’irrégularité était si évidente que le requérant la connaissait « dès le départ » ou ne pouvait manquer d’en avoir connaissance. Le requérant, quant à lui, nie l’irrégularité des opérations de transfert et, en particulier, l’irrégularité du versement que représente le montant résultant de l’application du CC ; il ajoute que, à supposer même qu’il existe une telle irrégularité, celle-ci ne pourrait être considérée comme si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

60      Ainsi qu’il résulte de la décision du 21 novembre 2006 (qui est l’acte faisant grief dont le requérant poursuit l’annulation), ainsi que de la note du 26 juillet 2006 (à laquelle la décision du 21 novembre 2006 renvoie), la question de la régularité des transferts se pose notamment au regard de la procédure suivie et du respect des délais pour le dépôt et l’exécution de la demande du requérant visant le transfert d’une partie de ses émoluments ; cette question concerne ainsi l’ensemble des transferts du requérant, à savoir tant les transferts sur le CEL que ceux sur le PEL. Cependant, dans la mesure où la note du 26 juillet 2006 renvoie à son tour à la note du 17 juillet 2006, laquelle renvoie à la note du 30 mai 2005, ces deux dernières notes – et notamment celle du 30 mai 2005 – soulevant la question, concernant le CEL, de l’« obligation de versement » en tant que condition de la régularité des transferts, le Tribunal examinera également cette dernière question s’agissant des transferts effectués en faveur du CEL.

61      Pour ce qui est de la première question parmi les deux susmentionnées, à savoir celle relative à un motif d’irrégularité lié à la procédure suivie pour la demande de transfert et au respect du délai prévu à cet effet, le CDR, qui conteste la régularité des versements, tire argument, d’une part, de ce que la demande de transfert du requérant, déposée le 26 mars 2004, comportait une fausse déclaration (celle d’avoir en France des obligations de paiement dont la preuve serait établie) et était incomplète (du fait que les pièces justificatives requises, notamment celles relatives aux comptes bancaires, faisaient défaut), d’autre part, et surtout, de la circonstance que le transfert effectué le 28 avril 2004, après le paiement de la rémunération de ce mois, constituait une avance sur la rémunération du mois de mai 2004, ce qui serait interdit par le statut. Pour soutenir sa position, le requérant fait valoir, en revanche, que le délai du 31 mars 2004 n’était pas un délai de rigueur et que le transfert effectué le 28 avril 2004 relevait de la rémunération du mois d’avril 2004, ainsi que cela ressortirait de l’indication expresse que l’ordre de transfert comportait.

62      Le Tribunal considère, cependant, être à même de résoudre le litige dont il est saisi sans se prononcer sur le motif d’irrégularité présenté au point précédent.

63      En effet, à supposer même, d’une part, que l’interprétation soutenue par le CDR soit correcte, de sorte qu’il n’ y a pas eu de transfert « régulier » avant le 1er mai 2004, d’autre part, que, partant, les dispositions transitoires de l’article 17 de l’annexe XIII du statut n’étaient pas applicables au requérant, enfin, que, par conséquent, les montants reçus par lui constituent des versements irréguliers au sens de l’article 85 du statut, force est de constater que, contrairement à ce que le CDR fait valoir, cette irrégularité est loin de présenter le caractère évident qui permettrait au Tribunal de conclure que le requérant la connaissait ou ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

64      D’une part, ainsi d’ailleurs que le CDR l’admet, le délai du 31 mars 2004 n’était pas un délai de rigueur, le requérant ayant soutenu – sans être contredit par le CDR – que, si certaines institutions, notamment la Commission des Communautés européennes, avaient fixé un certain délai pour les demandes de transferts de leurs propres fonctionnaires, d’autres institutions en revanche, telle que la Cour de justice, n’avaient pas procédé de la sorte. En outre, les comptes du requérant auprès de la banque ont été ouverts le 9 avril 2004, à savoir avant la date prévue de paiement de la rémunération du mois d’avril 2004 ; d’ailleurs, à cette même date, le requérant a fait parvenir au CDR – ainsi qu’il ressort des écrits mêmes de ce dernier – des pièces justificatives qui devaient accompagner la demande initiale.

65      D’autre part, et à supposer que l’institution soit privée de tout droit de faire une avance sur rémunération, et ce même si elle considère qu’une telle avance est justifiée au titre du devoir de sollicitude pesant sur elle, non seulement une telle interdiction n’est pas évidente pour un fonctionnaire qui n’est pas juriste, mais de surcroît, le requérant avait tous les raisons de croire que le transfert du 28 avril 2004 relevait de la rémunération du mois d’avril 2004, étant donné que l’ordre de transfert portait précisément l’indication « Transfert Emoluments 04/04 ». Au surplus, en l’absence même d’une telle indication, il ne saurait être soutenu que le requérant aurait pu douter de la régularité du transfert, alors que les ordres de transferts ont été, avant exécution, visés par de nombreuses personnes de l’institution et, à tout le moins, par des personnes autres que celles mises en cause tant par une enquête de l’Office européen de lutte antifraude que par une procédure disciplinaire entamée au sein du CDR et à l’égard desquelles le CDR a fait des allusions de collusion, y compris avec le requérant ; ces ordres ont été, par exemple, visés, entre autres, par le directeur de l’administration du CDR, lequel, comme l’institution l’a confirmé lors de l’audience, n’a nullement été visé par la procédure disciplinaire en cours, et par le comptable du CDR, M. Dietrich.

66      Pour ce qui est de la seconde question, à savoir celle relative au motif d’irrégularité lié à l’absence d’« obligation de versement » sur le CEL, le CDR tire notamment argument de la référence de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut aux « charges régulières et prouvées que l’intéressé aurait à assumer », pour conclure à l’irrégularité des versements alimentant le CEL ; en effet, les versements sur le CEL ne résultant, selon le CDR, d’aucune obligation de paiement, ils ne relèveraient donc pas de la notion susmentionnée de « charges » et, partant, du champ d’application matériel de l’article 17 susmentionné. Pour soutenir sa position, le requérant prend, en revanche, appui sur l’article 2 de l’ancienne réglementation commune, laquelle, parmi les exemples de dépenses justifiant les transferts au titre de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, cite expressément celles résultant de versements opérés au titre de « contrats d’épargne-logement » ; il se réfère aussi à l’interprétation de cette réglementation, telle qu’elle apparaît dans la conclusion des chefs d’administration et telle qu’elle prévaudrait également au sein du CDR.

67      Cependant, comme à l’égard de la première question, le Tribunal considère qu’il est à même de résoudre le litige dont il est saisi sans se prononcer sur ce motif d’irrégularité.

68      En effet, à supposer même que l’interprétation soutenue par le CDR soit correcte, de sorte que les versements sur le CEL ne relèveraient pas du champ d’application matériel de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut et que les montants reçus par le requérant au titre du CC pour les transferts effectués vers le CEL constitueraient des versements irréguliers au sens de l’article 85 du statut, force est de constater que, contrairement à ce que le CDR fait valoir, cette irrégularité est loin de présenter le caractère évident qui permettrait au Tribunal de conclure que le requérant ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

69      D’une part, en ce qui concerne le libellé des textes applicables, il y a lieu de relever qu’il ne permet pas de donner une réponse claire et non équivoque à la question de l’applicabilité de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut aux transferts vers le CEL.

70      Si la référence de cet article aux « charges régulières et prouvées que l’intéressé aurait à assumer » semble plaider plutôt en faveur de l’interprétation soutenue par le CDR, en revanche, la mention dans l’ancienne réglementation commune des « contrats d’épargne-logement », en tant qu’exemple de contrats engendrant des dépenses susceptibles de justifier des transferts au titre de l’article 17 susmentionné, pourrait, en dépit de la référence de cette disposition aux « primes dues » au titre de tels contrats, rejoindre l’interprétation défendue par le requérant.

71      Ainsi, sur la seule base des textes applicables, il ne peut raisonnablement être soutenu que l’une ou l’autre des deux interprétations, auxquelles ces textes se prêtent, est si manifestement infondée que l’article 85 du statut pourrait trouver application dans la présente affaire.

72      D’autre part, l’interprétation que ces textes ont reçue de la part des personnes responsables de leur application apparaît aller davantage dans le sens de la thèse du requérant que de celle du CDR.

73      À cet égard, il convient de rappeler la conclusion des chefs d’administration, dans laquelle il est expressément énoncé qu’« [e]st considéré comme ‘contrat d’épargne-logement’, tout régime d’épargne particulier qui permet au fonctionnaire qui verse à un compte bancaire spécial d’obtenir à l’issue d’une période contractuelle d’épargne, un prêt destiné aux opérations immobilières visées aux deux derniers tirets de l’article 2 de [l’ancienne] réglementation [commune ; u]n contrat d’épargne-logement reconnu en tant que tel par la législation nationale le régissant est acceptable aux termes de la présente définition ».

74      De plus, et surtout, le Tribunal relève que, à supposer même que le CDR n’avait pas une position arrêtée quant à l’interprétation à retenir des textes applicables en matière de transfert d’une partie des émoluments vers un CEL, le comportement des services compétents de cette institution a pu raisonnablement laisser croire au requérant que leur position penchait en faveur de l’applicabilité de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut aux versements effectués sur le CEL. Tout d’abord, et ainsi que le CDR l’a reconnu dans son mémoire en défense, le requérant a transmis au responsable du secteur « régime pécuniaire », le 7 février 2005, un document bancaire faisant apparaître le solde de ses comptes auprès de la banque, et notamment celui de son CEL, lequel était d’un montant de 11 103,70 euros ; or, et quel que soit le montant du solde du CEL, un tel élément démontre que les services compétents du CDR ont eu parfaitement connaissance du fait que la majeure partie des transferts du requérant avaient été opérés vers le CEL, ce sans que lesdits services n’expriment même un quelconque doute quant à l’applicabilité de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut à ces transferts. De surcroît, le secrétaire général du CDR a, dans sa note du 11 juillet 2005, reconnu, aux fins de l’application de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, tous les schémas d’épargne visant des transactions immobilières, « même s’ils ne comportent pas d’obligation juridique d’effectuer des paiements réguliers au sens strict du terme » ; s’il est vrai que le requérant n’était pas parmi les destinataires de cette note, il n’en reste pas moins que celle-ci, dressant les conclusions subséquentes aux discussions intervenues entre différents responsables du CDR, reflétait nécessairement l’opinion dominante prévalant au sein de cette institution.

75      Dans ces conditions, lorsque le CDR conclut à l’irrégularité des versements sur le CEL, le Tribunal ne saurait retenir la position de celui-ci suivant laquelle cette irrégularité était si évidente que le requérant la connaissait dès le départ ou ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

76      Les constatations auxquelles le Tribunal aboutit aux points 69 à 75 du présent arrêt ne peuvent nullement être tenues en échec par la circonstance, mise en avant par le CDR, que le requérant exerçait les fonctions de vérificateur financier au sein de l’institution. En effet, il n’existe aucune raison objective permettant non seulement de supposer qu’un vérificateur financier (qui de surcroît ne serait pas juriste et appartiendrait à la catégorie B), en l’occurrence le requérant, pouvait avoir une position arrêtée en faveur de la thèse de l’irrégularité des versements sur le CEL, alors même que cela n’était pas le cas des services compétents au sein du CDR et que le secrétaire général du CDR avait, au contraire, une position en faveur de la régularité de tels versements, mais, au surplus, d’imaginer que le bien-fondé d’une telle position était du degré d’évidence requis pour l’application de l’article 85 du statut.

77      Doivent aussi être écartés, comme inopérants, les arguments que le CDR tire des démarches que le requérant a entreprises en mars et avril 2004 afin de pouvoir bénéficier d’un premier transfert avant le 1er mai 2004 et, partant, du régime transitoire introduit par l’article 17 de l’annexe XIII du statut. En effet, à supposer même que le comportement du requérant lors de ces démarches (comportement qui relève du motif d’irrégularité lié à la procédure suivie pour la demande de transfert et au respect du délai prévu à cet effet – voir point 61 du présent arrêt) n’ait pas été irréprochable, par exemple en ce que, dans sa demande du 26 mars 2004, il faisait état d’obligations de paiement dont la preuve aurait été établie, ainsi que d’un compte ouvert à son nom, et ce malgré le fait que l’ouverture de ses PEL et CEL ne serait intervenue que le 9 avril 2004, il n’en reste pas moins que, de par sa nature, un tel comportement est étranger à la question de savoir si le requérant ne pouvait manquer d’avoir connaissance du fait que les versements sur le CEL ne relevaient pas de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut ; le CDR ne saurait non plus déduire d’un tel comportement du requérant, l’existence d’une sorte de mauvaise foi générale, qui plaiderait en faveur de la thèse suivant laquelle le requérant ne pouvait que connaître l’irrégularité et devait ainsi faire l’objet d’une mesure d’application de l’article 85 du statut. En toute hypothèse, et pour les raisons exposées aux points 64 et 65 du présent arrêt, les circonstances liées au dépôt de la demande de transfert, le 26 mars 2004, et au premier transfert effectué en exécution de cette demande, le 28 avril 2004, n’étaient pas de nature à faire naître, chez le requérant, des doutes quant à la régularité du transfert en question, doutes pouvant justifier l’application de l’article 85 du statut.

78      Il s’ensuit que les conclusions en annulation doivent être accueillies et que la décision du 21 novembre 2006 doit être annulée.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

79      Le requérant demande, par un « recours en indemnité et de pleine juridiction », réparation du préjudice matériel consistant dans la récupération de la somme de 1 246,06 euros, ainsi que réparation du préjudice moral, pour un montant évalué à 1 000 euros, en raison de l’atteinte à sa tranquillité d’esprit et surtout à son honneur et à sa réputation professionnelle.

80      Le CDR considère, à supposer même que cette demande puisse être qualifiée valablement de « recours en indemnité », que, dès lors que la décision du 21 novembre 2006 est légale, aucun comportement illégal ne peut être reproché au CDR et que le recours en indemnité doit donc être rejeté ; enfin, le requérant n’exposerait pas en quoi il aurait souffert d’un prétendu préjudice moral. Partant, la conclusion tendant à la récupération de la somme de 1 246,06 euros, ainsi que celle visant à la réparation du préjudice moral, pour un montant évalué à 1 000 euros, reviendraient en définitive à demander une injonction au Tribunal, pour laquelle il ne serait pas compétent.

 Appréciation du Tribunal

81      En ce qui concerne la réparation du préjudice matériel, le Tribunal constate que le montant demandé par le requérant, à savoir 1 246,06 euros, correspond exactement à celui dont le CDR a déjà procédé à la récupération. Le Tribunal, disposant de pouvoirs de pleine juridiction en matière pécuniaire, est compétent pour ordonner le remboursement de ces sommes au requérant.

82      Il y a lieu, dès lors, de condamner le CDR à rembourser au requérant le montant, déjà récupéré, de 1 246,06 euros, augmenté des intérêts moratoires à compter de la date de la récupération et jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les principales opérations de refinancement et applicable durant la période concernée, majoré de deux points (voir arrêts du Tribunal de première instance du 18 septembre 2002, Puente Martín/Commission, T‑29/01, RecFP p. I‑A‑157 et II‑833, point 88, et du 9 juillet 2003, Efthymiou/Commission, T‑22/01, RecFP p. I‑A‑177 et II‑891, point 45 ; arrêt du Tribunal du 16 janvier 2007, Borbély/Commission, F‑126/05, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑89, point 73).

83      S’agissant du prétendu préjudice moral, le Tribunal constate, d’une part, que son arrêt donne raison au requérant, ce qui, selon la jurisprudence, est de nature à constituer une satisfaction suffisante pour le préjudice moral éventuellement subi, d’autre part, que rien dans le dossier de l’affaire, et en particulier dans l’argumentation du requérant, ne permet de soutenir que ce dernier a subi un préjudice moral plus important que d’autres fonctionnaires lorsqu’ils font l’objet d’une répétition de l’indu. Il convient dès lors de rejeter la demande fondée sur un prétendu préjudice moral.

 Sur les dépens

84      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement relatives aux dépens et frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

85      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 de ce même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En outre, selon l’article 87, paragraphe 3, dudit règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

86      En l’espèce, le requérant ayant obtenu gain de cause sur l’essentiel de ses prétentions, il y a lieu de condamner le CDR à supporter l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Comité des régions de l’Union européenne du 21 novembre 2006, ordonnant la récupération des montants résultant de l’application du coefficient correcteur sur la partie des émoluments de M. Giaprakis transférée en France d’avril 2004 à juin 2005, pour un montant de 1 246,06 euros, est annulée.

2)      Le Comité des régions de l’Union européenne est condamné à rembourser à M. Giaprakis le montant de 1 246,06 euros, augmenté des intérêts moratoires à compter de la date de la récupération et jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les principales opérations de refinancement et applicable durant la période concernée, majoré de deux points.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Comité des régions de l’Union européenne supporte l’ensemble des dépens.

Gervasoni

Kreppel

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mars 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.