DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 juin 2017 (*)

« Recours en annulation – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Défaut de représentation par un avocat – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑137/16,

Uniwersytet Wrocławski, établie à Wrocław (Pologne), représentée par Me W. Dubis, avocat,

partie requérante,

contre

Agence exécutive pour la recherche (REA), représentée par Mmes S. Payan-Lagrou et V. Canetti, en qualité d’agents, assistées de Mes M. Le Berre et G. Materna, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, l’annulation des décisions de la REA, agissant sur délégation de la Commission européenne, de résilier la convention de subvention Cossar (n° 252908) et obligeant la requérante à rembourser les sommes de 36 508,37 euros, de 58 031,38 euros et de 6 286,68 euros ainsi qu’à payer des dommages et intérêts d’un montant de 5 803,14 euros et, d’autre part, une demande tendant à la restitution par la REA des sommes correspondantes avec les intérêts calculés à compter du jour du paiement jusqu’au jour de la restitution,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, R. Barents (rapporteur) et J. Passer, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le présent recours a été introduit le 25 mars 2016 au nom de la requérante, l’Uniwersytet Wrocławski (université de Wrocław, Pologne), par Me Wojciech Dubis.

2        Dans son mémoire en défense du 11 juillet 2016, l’Agence exécutive pour la recherche (REA) a soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur cinq moyens, dont le premier repose sur le fait que l’avocat représentant la requérante ne semblerait pas satisfaire à la condition d’indépendance requise par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et par le règlement de procédure du Tribunal.

3        Les mémoires en réplique et en duplique ont été déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 1er septembre et le 25 octobre 2016.

 Conclusions des parties

4        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions de la REA, agissant sur délégation de la Commission européenne, mettant fin à la convention de subvention et l’obligeant à rembourser une partie des subventions qui lui ont été versées, à savoir 36 508,37 euros et 58 031,38 euros, à rembourser la garantie de 6 286,68 euros apportée par le Fonds de garantie ainsi qu’à exécuter la « clause pénale » d’un montant de 5 803,14 euros ;

–        ordonner à la REA de lui restituer les sommes de 36 508,37 euros et de 58 031,38 euros, la garantie de 6 286,68 euros apportée par le Fonds de garantie ainsi que la somme correspondant au montant de la « clause pénale » de la convention de subvention, soit 5 803,14 euros, avec intérêts, calculés à compter du jour du paiement jusqu’au jour de la restitution ;

–        condamner la REA aux dépens.

5        La REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        si la requête devait être déclarée recevable, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

6        Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

7        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

8        Dans son premier moyen d’irrecevabilité, la REA invoque le fait que l’avocat représentant la requérante ne semble pas satisfaire à la condition d’indépendance requise par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et par le règlement de procédure.

9        La REA soutient que l’avocat de la requérante est salarié du centre de recherche sur les problèmes juridiques et économiques des communications électroniques de la faculté de droit et de gestion de la requérante. Eu égard à ce rapport d’emploi, il ne saurait être considéré que la requérante est représentée par un avocat indépendant.

10      La requérante indique que son avocat n’avait pas de relation de travail avec elle au moment de l’introduction du recours et qu’il en est toujours ainsi. Il aurait été lié à elle par un contrat de travail du 1er octobre 1993 au 30 septembre 2014 et aurait occupé un poste de chercheur, d’une part, en tant qu’assistant et, d’autre part, en tant que maître de conférences. Or, tout emploi au sein d’une structure organisationnelle de la requérante ne priverait pas automatiquement l’avocat de son indépendance. Il conviendrait en l’espèce de faire une distinction entre un avocat qui exerce sa profession d’avocat en dehors de la structure organisationnelle de la requérante et qui occupe un poste sans aucun lien avec cette profession au sein de cette structure et un avocat qui fournit également au sein de ladite structure une assistance juridique et y occupe un poste correspondant à ces tâches. Il n’existerait pas de motif valable pour considérer, en particulier pour des chercheurs universitaires qui possèdent en parallèle un cabinet d’avocat, qu’en accomplissant des tâches dans le cadre de l’exercice libéral ils seraient hiérarchiquement, structurellement ou fonctionnellement subordonnés aux organes de la requérante.

11      La requérante ajoute que, depuis le 3 octobre 2015, elle n’est liée à l’avocat que par un contrat de droit civil ayant pour objet l’enseignement du droit privé international, la dispense de séminaires, la tenue de permanences et l’organisation d’un examen. Ce contrat civil se caractériserait en droit polonais par l’absence du lien de subordination, caractéristique principale d’un contrat de travail.

12      Dans la duplique, la REA conteste le fait que les formes juridiques successives du travail de l’avocat au sein de la requérante soient pertinentes ou reflètent des modifications réelles de la nature du travail et soutient que cela n’a pas d’incidence sur la question de savoir si l’avocat est indépendant au sens du règlement de procédure, car ces règles doivent s’apprécier de manière autonome, sans référence au droit national.

13      La REA ajoute que ce qui est important est de savoir si la requérante fait partie de l’environnement professionnel de l’avocat pour déterminer s’il peut être considéré comme un tiers et ainsi satisfaire à la règle d’indépendance au sens du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure.

14      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 19, troisième à cinquième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53 dudit statut, prévoit que « [l]es autres parties doivent être représentées par un avocat » et que « [s]eul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut représenter ou assister une partie devant la Cour ».

15      L’article 51 du règlement de procédure prévoit en ses paragraphes 2 et 3 que « [l]’avocat représentant ou assistant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE » et que « [l]es avocats sont tenus, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe un mandat délivré par cette dernière ».

16      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, concernant les deux conditions cumulatives énoncées à l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir, d’une part, avoir la qualité d’avocat et, d’autre part, être habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), contrairement à l’habilitation à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à cet accord, la notion d’avocat ne comporte aucun renvoi exprès au droit desdits États pour déterminer son sens et sa portée. Dès lors, selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union européenne que du principe d’égalité que les termes d’une telle disposition du droit de l’Union doivent normalement trouver dans toute l’Union une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêts du 19 septembre 2000, Linster, C‑287/98, EU:C:2000:468, point 43 ; du 14 décembre 2006, Nokia, C‑316/05, EU:C:2006:789, point 21 ; ordonnances du 20 février 2008, Comunidad Autónoma de Valencia/Commission, C‑363/06 P, non publiée, EU:C:2008:99, points 21 et 25, et du 4 décembre 2014, ADR Center/Commission, C‑259/14 P, non publiée, EU:C:2014:2417, point 34).

17      Partant, les dispositions concernant la représentation des parties non privilégiées devant les juridictions de l’Union doivent être interprétées, dans la mesure du possible, de manière autonome, sans faire référence au droit national (arrêt du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Pologne/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 35, et ordonnance du 4 décembre 2014, ADR Center/Commission, C‑259/14 P, non publiée, EU:C:2014:2417, point 35).

18      À cet égard, il convient de rappeler que la conception du rôle de l’avocat dans l’ordre juridique de l’Union, qui émane des traditions juridiques communes aux États membres et sur laquelle l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne se fonde, est celle d’un collaborateur de la justice appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance légale dont le client a besoin (voir, en ce sens, arrêts du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, EU:C:1982:157, point 24 ; du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 42 ; ordonnance du 29 septembre 2010, EREF/Commission, C‑74/10 P et C‑75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, point 52, et arrêt du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Pologne/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 23).

19      Or, l’exigence d’indépendance de l’avocat implique l’absence de tout rapport d’emploi entre ce dernier et son client (voir ordonnance du 29 septembre 2010, EREF/Commission, C‑74/10 P et C‑75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, point 53 et jurisprudence citée). En effet, la notion d’indépendance de l’avocat est définie non seulement de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi (arrêts du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 45, et du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Pologne/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 24).

20      Ce raisonnement s’applique avec la même force dans une situation telle que celle en cause dans le présent litige, dans laquelle l’avocat est lié par un contrat de droit civil polonais à la requérante. Même si, en l’absence d’un lien de subordination entre l’avocat et la requérante, la relation d’emploi créée par ce contrat de droit civil pourrait être considérée comme formellement absente, elle est susceptible d’influer sur l’indépendance de l’avocat. En effet, il existe un risque que l’opinion professionnelle de l’avocat soit, à tout le moins en partie, influencée par son environnement professionnel (arrêt du 6 septembre 2012, Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej et Pologne/Commission, C‑422/11 P et C‑423/11 P, EU:C:2012:553, point 25).

21      Il s’ensuit que, la requête introductive d’instance ayant été signée par Me Dubis, le présent recours n’a pas été introduit conformément à l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure.

22      Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la REA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours dans l’affaire T137/16 est rejeté comme étant manifestement irrecevable.

2)      L’Uniwersytet Wrocławski supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par l’Agence exécutive pour la recherche (REA).

Fait à Luxembourg, le 13 juin 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : le polonais.