DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

31 janvier 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale STREAMS – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 – Pratique antérieure de l’EUIPO »

Dans l’affaire T‑97/18,

DeepMind Technologies Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. T. St Quintin, barrister, Mmes K. Gilbert et G. Lodge, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté initialement par M. V. Ruzek et Mme D. Walicka, puis par MM. Ruzek et H. O’Neil, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 27 novembre 2017 (affaire R 35/2017-1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal STREAMS comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : M. E Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 février 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 10 mai 2018,

vu la lettre par laquelle la requérante a renoncé à sa demande de fixation d’une audience et la lettre par laquelle l’EUIPO a renoncé à la tenue d’une audience et ayant décidé, en application de l’article 108, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 février 2016, Google Inc. a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal STREAMS.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels informatiquespermettant d’accéder à des données médicales de patients et de les consulter » ;

–        classe 42 : « Fournisseurs de services d’application proposant des logiciels informatiques permettant d’accéder à des données médicales de patients et de les consulter ».

4        Le 21 mars 2016, l’examinatrice a provisoirement rejeté la demande d’enregistrement, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenus respectivement article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001].

5        Le 19 juillet 2016, Google a déposé des observations contre le rejet provisoire de la demande d’enregistrement.

6        Le 11 octobre 2016, la demande d’enregistrement a été transférée à la requérante, DeepMind Technologies Ltd.

7        Par décision du 8 novembre 2016, l’examinatrice a maintenu ses objections et a rejeté la demande d’enregistrement dans son intégralité (ci-après la « décision de l’examinatrice »).

8        Le 5 janvier 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinatrice. Dans le mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a, notamment, sollicité la limitation de la liste des produits et des services couverts par la marque demandée « dans l’hypothèse où, nonobstant les présents moyens, la chambre de recours décid[ait] de maintenir la décision de l’examinatrice ». La requérante entendait ainsi apporter, concernant les produits et les services faisant l’objet de la marque demandée, décrits au point 3 ci-dessus, la précision suivante : « à l’exception de logiciels informatiques destinés à la transmission en flux continu de contenus multimédia et vidéo ou de données sur l’Internet ».

9        Par décision du 27 novembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. À cet égard, premièrement, la chambre de recours a considéré, aux points 11 à 13 de la décision attaquée, que la limitation de la liste des produits et des services couverts par la marque demandée était irrecevable dès lors qu’elle n’avait pas été formulée de façon inconditionnelle. Elle a également précisé que, même si elle avait été acceptée, cette limitation n’aurait pas eu d’incidence sur l’issue de la procédure. Deuxièmement, la chambre de recours a estimé, aux points 29 à 36 de la décision attaquée, que la marque demandée ne pouvait pas être enregistrée, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, dès lors qu’elle désignait les caractéristiques, type et qualité des produits et des services concernés. Troisièmement, elle a relevé, aux points 42 à 45 de la décision attaquée, que la marque demandée ne pouvait pas être enregistrée, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, car elle était dépourvue de tout caractère distinctif. Quatrièmement, la chambre de recours a conclu, aux points 46 à 49 de la décision attaquée, que le fait que différentes marques contenant les mots « stream » ou « streams » avaient été enregistrées antérieurement ne saurait avoir pour effet d’autoriser l’enregistrement d’une marque qui relève des motifs de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        modifier et remplacer la décision attaquée en vue de constater que la demande d’enregistrement n’aurait pas dû être rejetée ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la limitation de la liste des produits et des services concernés

12      Postérieurement au dépôt de la requête, la requérante s’est adressée, le 21 février 2018, à l’EUIPO afin de solliciter une limitation de la liste des produits et des services concernés qui exclurait les « logiciels utilisés dans la diffusion en continu d’informations médicales ».

13      Dans le mémoire en réponse, l’EUIPO conteste la recevabilité de cette demande.

14      Par courrier du 2 novembre 2018, la requérante a informé le Tribunal que l’EUIPO aurait finalement rejeté cette demande. En conséquence, la requérante a précisé qu’elle n’entendait plus se prévaloir de cette limitation de la liste des produits et des services concernés dans le cadre de la présente procédure.

15      Compte tenu de ces éléments, il convient de constater que la question de la recevabilité de cette limitation de la liste des produits et des services concernés est devenue sans objet.

 Sur le fond

16      À titre liminaire, il y a lieu de considérer que, par son premier chef de conclusions, formulé à titre principal, la requérante demande, en substance, au Tribunal de réformer la décision attaquée. Par son deuxième chef de conclusions, formulé à titre subsidiaire, la requérante sollicite l’annulation de la décision attaquée.

17      Or, s’agissant des conclusions en réformation, il découle d’une jurisprudence constante que l’exercice du pouvoir de réformation doit, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

18      Le Tribunal estime qu’il convient ainsi de procéder au contrôle de l’appréciation portée par la chambre de recours et que cela implique d’analyser préalablement les moyens présentés par la requérante qui tendent à l’annulation de la décision attaquée.

19      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 7 du règlement 2017/1001, deuxièmement, de la violation de l’obligation de motivation et, troisièmement, de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

  Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7 du règlement 2017/1001

20      Au soutien de son premier moyen, la requérante avance, en substance, deux griefs, pris, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), lus en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

21      S’agissant du second grief, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que la marque demandée serait immédiatement perçue, sans autre réflexion, comme une description des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement a été sollicité.

22      Pour la requérante, cette conclusion erronée découlerait de trois erreurs d’appréciation. Premièrement, la chambre de recours aurait omis de tenir compte du fait que, pour le public pertinent, un dispositif ou un service de transmission en flux continu de données permettrait un accès temporaire auxdites données. Deuxièmement, la chambre de recours aurait omis de prendre en considération le fait que les produits et les services concernés ne peuvent pas fonctionner si les données médicales du patient sont seulement fournies de façon temporaire ; au contraire, ces produits et ces services nécessiteraient une présentation continue desdites données. Troisièmement, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte de la différence essentielle et décisive entre la forme au pluriel du mot « stream », laquelle serait inconnue dans le contexte de l’accès aux données informatiques, et la forme au singulier de ce même mot. De même, ce serait à tort que la chambre de recours se serait fondée uniquement sur les définitions retenues par les dictionnaires du mot « stream ».

23      L’EUIPO conteste ces arguments.

24      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

25      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 empêche que les signes ou les indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 27, et du 2 mai 2012, Universal Display/OHMI (UniversalPHOLED), T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 14 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31].

26      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience se révèle positive ou de faire un autre choix si elle se révèle négative (arrêt du 2 mai 2012, UniversalPHOLED, T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 15 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30).

27      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits ou des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, EU:T:2014:891, point 16 et jurisprudence citée].

28      Enfin, il convient de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, au regard de la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, au regard des produits ou des services concernés [voir arrêt du 7 juin 2005, Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft/OHMI (MunichFinancialServices), T‑316/03, EU:T:2005:201, point 26 et jurisprudence citée].

29      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 en concluant que la marque demandée avait un caractère descriptif.

30      En premier lieu, la chambre de recours a considéré, aux points 21 à 24 de la décision attaquée, que le public pertinent était le public de l’Union européenne composé de membres du personnel médical et de professionnels des soins de santé anglophones ou possédant une connaissance suffisante de l’utilisation de la terminologie anglaise dans le domaine des technologies de l’information. Ces appréciations, qui ne sont d’ailleurs pas contestées par les parties, doivent être entérinées.

31      En deuxième lieu, la chambre de recours a relevé, au point 29 de la décision attaquée, que la marque demandée constituait la forme plurielle du mot « stream », qui, en informatique, désigne un flux continu de données ou d’instructions, en particulier un flux présentant un taux constant ou prévisible. La chambre de recours a également indiqué que l’entrée « stream » dans l’Oxford Dictionary attestait de l’utilisation de ce mot dans sa forme plurielle et avec la même signification.

32      À cet égard, ne peuvent prospérer les arguments de la requérante selon lesquels la forme plurielle du mot « stream », premièrement, différerait de manière décisive de la forme au singulier de ce même mot, deuxièmement, n’aurait jamais été utilisée dans le domaine de l’accès aux données et, troisièmement, serait inconnue du public pertinent dans ce contexte.

33      D’une part, la requérante n’a soumis au Tribunal aucune preuve étayant ces trois affirmations.

34      D’autre part, pour que l’EUIPO oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il n’est pas nécessaire que les signes et les indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et ces indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32, et du 26 octobre 2017, Alpirsbacher Klosterbräu Glauner/EUIPO (Klosterstoff), T‑844/16, EU:T:2017:759, point 23 et jurisprudence citée].

35      Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée et en se fondant notamment sur l’Oxford Dictionary, que la marque demandée sera perçue par le public pertinent comme la forme plurielle du mot « stream » utilisé dans le domaine de la transmission de données.

36      En troisième lieu, la chambre de recours aurait omis, selon la requérante, de tenir compte du fait que le public pertinent considérera toujours qu’un dispositif ou un service de transmission en flux continu de données permet un accès temporaire auxdites données. En substance, la requérante soutient que les flux continus de données, caractérisés par leur accès temporaire aux données, se distingueraient des produits et des services désignés par la marque demandée en ce sens que ces derniers requièrent une présentation permanente des données médicales de patients. Il en découlerait que le mot « streams », en ce qu’il évoque un flux continu (« streaming » en langue anglaise) et donc un accès temporaire aux données, ne serait pas descriptif des produits et des services en cause, puisque ceux-ci nécessitent un accès permanent auxdites données médicales de patients.

37      Toutefois, comme le soutient l’EUIPO, il ne peut être présumé, et la requérante n’a d’ailleurs soumis aucune preuve en ce sens, que le public pertinent, composé de membres du personnel médical et de professionnels des soins de santé, ait une connaissance suffisamment approfondie des technologies en cause lui permettant de distinguer, sans autre réflexion, les caractéristiques techniques des flux continus de données de celles des produits et des services désignés par la marque demandée. En outre, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, il n’existe aucun obstacle à la transmission de données médicales de patients en flux continu. Enfin, ainsi que l’indique l’EUIPO, la transmission en flux continu desdites données présente même l’avantage d’en assurer la confidentialité dans la mesure où elles ne sont pas téléchargées et sont supprimées après leur utilisation.

38      C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que le public pertinent n’éprouvera aucune difficulté à comprendre que la marque demandée désigne le type et la qualité des produits et des services en cause, à savoir que ceux-ci permettent d’accéder aux données médicales de patients et de les consulter en temps réel. Le second grief, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, doit par conséquent être écarté.

39      Compte tenu des considérations qui précèdent, le premier grief, pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, ne saurait davantage prospérer.

40      En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29, et du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI), T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, point 74]. Par conséquent, dès lors que, pour les produits et les services en cause, il résulte de l’examen du second grief que le signe présenté à l’enregistrement revêt un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et que ce motif justifie à lui seul le refus d’enregistrement contesté, il n’est pas utile, en tout état de cause, d’examiner le bien-fondé du grief tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2008, Indorata-Serviços e Gestão/OHMI, C‑212/07 P, non publiée, EU:C:2008:83, point 28).

41      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

42      Au soutien de son deuxième moyen, la requérante considère, en substance, que la motivation visée au point 13 de la décision attaquée est incompréhensible ou injustifiable, ou les deux.

43      L’EUIPO conteste ces arguments.

44      Il convient de rappeler que l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 prévoit l’obligation pour l’EUIPO de motiver ses décisions. Selon la jurisprudence, cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque, et a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêts du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C‑96/11 P, non publié, EU:C:2012:537, point 86 et jurisprudence citée, et du 2 avril 2009, Zuffa/OHMI (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP), T‑118/06, EU:T:2009:100, point 19 et jurisprudence citée].

45      En l’espèce, premièrement, la chambre de recours a considéré, au point 12 de la décision attaquée, que la limitation de la liste des produits et des services couverts par la marque demandée était irrecevable. En effet, cette demande avait été présentée uniquement dans l’hypothèse où la chambre de recours entendait maintenir la décision de l’examinatrice. Or, comme l’a rappelé à raison la chambre de recours, la jurisprudence exige qu’une telle demande soit formulée de façon expresse et non conditionnelle [arrêt du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, points 60 et 61].

46      Deuxièmement, la chambre de recours a notamment indiqué, au point 13 de la décision attaquée, que, « néanmoins, même si elle [était] acceptée » et « même si l’on [en] [tenait] compte », cette limitation n’aurait pas d’incidence sur l’issue de la procédure.

47      Il est constant que, par le présent moyen, la requérante n’entend pas remettre en cause l’irrecevabilité constatée, à titre principal, au point 12 de la décision attaquée. La requérante se borne, en effet, à contester la motivation retenue par la chambre de recours au point 13 de cette même décision. Or, il ressort de la rédaction de ce dernier point que celui-ci est formulé à titre surabondant. Comme le soutient l’EUIPO, ce n’est que par souci d’exhaustivité que la chambre de recours a examiné les éventuelles conséquences sur la procédure de la prise en compte de cette limitation de la liste des produits et des services couverts par la marque demandée, alors qu’elle avait déjà été déclarée irrecevable.

48      Dès lors que la requérante conteste un motif surabondant, qui, certes, n’est pas parfaitement clair, l’accueil du deuxième moyen ne permettrait ni de renverser l’irrecevabilité constatée par la chambre de recours ni d’aboutir à l’annulation de la décision attaquée. Ce moyen est donc inopérant et doit, partant, être rejeté [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, non publié, EU:T:2013:225, point 27 et jurisprudence citée].

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration

49      Au soutien de son troisième moyen, la requérante fait valoir que, en refusant l’enregistrement de la marque demandée, la chambre de recours n’aurait pas suffisamment motivé les raisons qui justifieraient de s’écarter de la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO. Elle reproche ainsi à la chambre de recours de n’avoir pas pris en compte deux marques de l’Union européenne verbales antérieures, STREAMS et STREAM+, qui ont été acceptées à l’enregistrement, pour les produits et les services compris dans les classes 9 et 42, sans que l’examinatrice s’y oppose. Ce serait, en outre, à tort que la chambre de recours aurait considéré n’être pas liée par ces décisions antérieures de l’EUIPO.

50      L’EUIPO conteste ces arguments.

51      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées ou annulées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 76, et ordonnance du 26 mai 2016, Hewlett Packard Development Company/EUIPO, C‑77/16 P, non publiée, EU:C:2016:373, point 4).

52      Il découle de ces principes qu’il appartient aux chambres de recours, lorsqu’elles décident de retenir une appréciation différente de celle adoptée dans des décisions antérieures relatives à des demandes similaires invoquées devant elles, de motiver explicitement cette divergence par rapport auxdites décisions (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 66). Toutefois, une telle obligation de motivation relative à une divergence par rapport à des décisions antérieures est moins importante s’agissant d’un examen qui dépend strictement de la marque demandée, que s’agissant de constats d’ordre factuel ne dépendant pas de cette même marque (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 77 et 81).

53      En effet, les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité de ces décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65 ; du 2 mai 2012, UniversalPHOLED, T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 37, et du 8 mai 2012, Mizuno/OHMI – Golfino (G), T‑101/11, non publié, EU:T:2012:223, point 77 et jurisprudence citée].

54      En l’espèce, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours a explicitement motivé la raison pour laquelle elle s’est écartée des décisions antérieures invoquées par la requérante. En effet, elle a considéré, au point 49 de la décision attaquée, que le fait que l’EUIPO ait accepté antérieurement les marques de tiers comportant l’élément verbal « stream » ou « streams », soit seul, soit conjointement avec un autre élément pour les produits et les services compris dans les classes 9 et 42, ne saurait avoir pour effet d’autoriser l’enregistrement injustifié d’une marque qui, à la lumière des faits du cas d’espèce, relève des motifs de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

55      La requérante ne saurait contester le bien-fondé de cette motivation sans remettre en cause le bien-fondé du refus de l’enregistrement de la marque demandée. Or, il importe de noter, ainsi qu’il ressort des points 30 à 38 ci-dessus, que la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

56      Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      DeepMind Technologies Ltd est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 janvier 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.