DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

28 mars 2012 (*)

«Fonction publique – Concours général – Candidatures successives à un concours général – Refus d’enregistrement»

Dans l’affaire F‑36/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Chiara Rapone, demeurant à Rome (Italie), représentée par Me A. Rapone, avocat, puis par Me L. Rapone, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, H. Kreppel (rapporteur) et E. Perillo, juges,

greffier: Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 mai 2010, Mme Rapone demande au Tribunal d’annuler la décision par laquelle l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a refusé qu’elle soumette une deuxième candidature au concours EPSO/AD/177/10.

 Cadre juridique

2        Le 16 mars 2010, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/177/10 pour la constitution d’une réserve de recrutement d’administrateurs de grade AD 5 dans les domaines suivants: administration publique européenne, droit, économie, audit et technologies de l’information et de la communication (JO C 64 A, p. 1, ci-après l’«avis de concours»).

3        Le titre VII de l’avis de concours, intitulé «Comment postuler?», prévoyait, en son paragraphe 1, intitulé «Inscription électronique», ce qui suit:

«Vous devez vous inscrire par voie électronique en suivant la procédure indiquée sur le site internet d[e l]’EPSO. Délai: 15 avril 2010 à 12 heures (midi), heure de Bruxelles [Belgique].»

4        Dans l’avis de concours figurait également, encadrée et en caractères gras, la mention liminaire suivante:

«Avant de postuler, vous devez lire attentivement le guide [applicable aux concours généraux] publié au Journal officiel C 57 A du 9 mars 2010 ainsi que sur le site internet d[e l]’EPSO.

Ce guide, qui fait partie intégrante de l’avis de concours, vous aidera à comprendre les règles afférentes aux procédures et les modalités d’inscription.»

5        Dans le guide applicable aux concours généraux auquel renvoyait l’avis de concours (ci-après le «guide»), à la suite de l’intitulé du guide et avant la table des matières, il était indiqué ce qui suit:

«Ce guide fait partie intégrante de l’avis de concours, et les candidats doivent en prendre connaissance.»

6        Le point 2.1.1 du guide, intitulé «Créez votre compte EPSO», était ainsi libellé:

«Lors de votre inscription, il vous sera proposé soit de vous connecter à votre compte EPSO existant, soit, si vous n’en avez pas encore un, de créer un compte en suivant les instructions en ligne. Pour ce faire, vous devez disposer d’une adresse de courrier électronique valide et active.

Le compte EPSO sert d’interface électronique entre EPSO et les candidats. Il permet de communiquer avec ceux-ci, de conserver et mettre à jour leurs données personnelles ainsi que de tenir un historique de leurs candidatures, dans le respect de la protection des données.

Vous n’êtes pas autorisé à créer plus d’un compte EPSO (voir également le point 2.1.4 du présent guide). Ce compte unique restera valable pour toutes vos candidatures futures.»

7        Le point 2.1.3.1 du guide, intitulé «Procédure d’inscription», attirait l’attention des candidats aux concours généraux sur le fait qu’«une fois [leur] inscription [électronique] validée […], elle ne sera[it] plus modifiable, les données y relatives étant immédiatement traitées par [l’]EPSO pour l’organisation de ces concours».

8        Par ailleurs, le point 2.1.4 du guide, intitulé «Cas d’exclusion liés à l’inscription», avertissait les candidats que ceux-ci seraient exclus des concours à n’importe quel stade de la procédure en cas de création de plus d’un compte EPSO, d’inscription à «des concours/domaines/filières/options incompatibles» ou de production de «fausses déclarations».

9        Selon la procédure indiquée sur le site internet de l’EPSO, et à laquelle le candidat désireux de s’inscrire au concours EPSO/AD/177/10 était tenu de se conformer, celui-ci devait ouvrir la page «Postulez dès aujourd’hui» dudit site, sur laquelle figuraient non seulement le texte de l’avis de concours et celui du guide, mais aussi le texte d’un document intitulé «Mode d’emploi de l’inscription en ligne» (ci-après le «mode d’emploi»).

10      Dans l’introduction du mode d’emploi, sous le libellé «Voici cinq conseils pour une inscription réussie», il était rappelé aux candidats, entre autres, qu’ils devaient posséder un compte EPSO avant de commencer leur inscription et, ledit rappel mentionné, en caractères gras, qu’une fois leur inscription validée, ils ne pourraient plus la modifier ou la supprimer.

11      L’impossibilité pour les candidats de modifier leur inscription après l’avoir validée était à nouveau rappelée, également en caractères gras, dans la partie 4, sous G) du mode d’emploi, relative à la validation de l’inscription.

12      Sur la page «Postulez dès aujourd’hui» du site internet de l’EPSO figurait également, sous l’avis de concours, l’avertissement suivant:

«Pour rappel, vous ne pouvez introduire qu’une seule et unique candidature pour seulement l’un des domaines du concours cité ci-dessus. S’il s’avère que vous avez introduit plusieurs actes de candidature en ligne pour un ou pour plusieurs des domaines cités ci-dessus, l’ensemble de ces candidatures seront annulées et ceci à n’importe quel stade de la procédure. En cliquant sur l’une des rubriques de la page ‘Postulez dès aujourd’hui’, vous reconnaissez avoir lu le texte ci-dessus et en a voir accepté les termes.»

13      Le 25 mars 2010, l’EPSO a publié sur la page «Actualité» de son site internet, sous la rubrique «Les réponses à vos questions sur ‘la réservation’», une description détaillée de la nouvelle procédure de sélection. Cette description contenait notamment le passage suivant:

«Les réponses à vos questions sur ‘la réservation’

Un des buts de la nouvelle procédure de sélection est d’accélérer significativement le déroulement de tout le processus de l’inscription au recrutement. L’accélération de la première phase du concours peut se faire en mettant en parallèle l’inscription, la réservation et le passage des tests.

Comment cela fonctionne-t-il? Auparavant, tous les candidats qui s’inscrivaient pour un concours devaient attendre la date limite d’inscription pour réserver une date pour les tests et les passer. À partir de 2010, l’inscription, la réservation et le passage des tests se chevaucheront: cette nouvelle procédure permettra d’écourter la phase [des tests d’accès sur ordinateur] d’environ [quatorze] semaines actuellement à [neuf] semaines. Une fois que les candidats valident leur candidature, ils reçoivent une lettre dans leur compte EPSO les informant de la période de réservation pendant laquelle ils doivent réserver une date pour le passage des tests. Les candidats peuvent choisir la date en fonction des places disponibles sur toute la période de test.

La totalité de la période d’inscription pour [le] concours [EPSO/AD/177/10] est divisée en plusieurs sous-périodes. Le nombre de places/dates nécessaires pour permettre d’organiser tous les tests est alors calculé sur [la] base du nombre global d’inscriptions pour chacune des sous-périodes susmentionnées. Il en résulte, afin de pouvoir garantir un traitement égal des candidats, que tous les dates/centres/places ne peuvent pas être ouverts à partir du premier jour de réservation (24 mars), bien que plusieurs dates soient déjà disponibles pour avril et mai. Comme par le passé, les places sont attribuées selon le principe du ‘premier venu, premier servi’. Si un candidat ne voit qu’un nombre limité de dates/centres/places disponibles, cela signifie que les autres places ont déjà été réservées par d’autres candidats. Des dates/centres/places seront ajoutés graduellement, en tenant compte de la capacité nécessaire.

[…]

Les candidats ont la possibilité de procéder à un changement de réservation s’ils ne sont plus en mesure de passer les tests à la date spécifique choisie initialement. Néanmoins, un changement de réservation est possible uniquement en fonction des disponibilités. Le cas échéant, ce changement doit être fait au plus tard 48 heures avant la date de votre réservation initiale, et la nouvelle date de test doit être éloignée d’au moins 48 heures du moment de la nouvelle réservation.

Le parallélisme des phases d’inscription, de réservation et de test a une autre conséquence importante: les candidats ne pourront désormais plus apporter de modifications à leur candidature validée jusqu’à la date de clôture du concours. Dès qu’elle est validée, une candidature sera définitive et utilisée pour les étapes suivantes.»

 Faits à l’origine du litige

14      Après avoir créé un compte EPSO et y avoir enregistré ses coordonnées personnelles ainsi que ses adresses de correspondance, la requérante a rempli un formulaire d’inscription au concours EPSO/AD/177/10 dans le domaine «Droit». Elle a validé son inscription par voie électronique le 26 mars 2010 à 19 heures 07.

15      Avant de procéder à la validation susmentionnée, la requérante a vu le message suivant s’afficher à l’écran de son ordinateur:

«Vous devez cliquer sur le bouton ‘Valider’ pour que votre candidature soit validée et prise en compte. Nous attirons votre attention sur le fait qu’après avoir validé votre candidature vous ne pourrez plus la modifier, car elle sera traitée par l’EPSO. À ce moment, votre numéro de candidat s’affichera en haut de l’écran. Dès lors, vous ne pourrez plus supprimer votre candidature. […]»

16      Immédiatement après avoir validé son inscription, la requérante a reçu, dans son compte EPSO, outre son numéro de candidature, une communication de l’EPSO, contenant l’avertissement suivant:

«Votre candidature va être traitée par l’EPSO. Pour les concours ou procédures de sélection comportant des tests d’accès, un lien pour réserver une date de passage pour ces tests sera activé dans votre compte EPSO dans les 48 heures suivant la validation de votre candidature. Nous vous conseillons de réserver une date au plus vite, car la période de réservation d’une date de passage pour les tests d’accès est limitée dans le temps.»

17      Quelques minutes après la communication mentionnée au point précédent, la requérante a reçu, dans son compte EPSO, une deuxième communication de l’EPSO:

«Votre période de réservation pour les tests d’accès démarrera le 31 [mars] 2010 et se clôturera le [6 avril] 2010 à [12 heures] (midi, heure de Bruxelles). Si vous ne réservez pas durant cette période, votre participation à ce concours sera considérée comme retirée. Aucun rappel ne sera envoyé aux candidats.

Le 31/03/2010, un lien intitulé ‘Réservation’ sera activé dans votre compte EPSO […]»

18      Le 31 mars 2010, un lien «Réservation» a été activé dans le compte EPSO de la requérante, en même temps qu’une troisième communication de l’EPSO lui rappelait que la période de réservation des tests d’accès débutait ce 31 mars 2010 et s’achèverait le 6 avril 2010. Le message comportait par ailleurs l’information suivante: «Si vous ne réservez pas durant la période indiquée, votre candidature sera considérée comme retirée et votre participation à ce concours prendra fin.»

19      Il est constant entre les parties que la requérante n’a pas, dans le délai qui lui était imparti, réservé de date pour passer les tests d’accès.

20      Le 11 avril 2010, soit avant l’expiration du délai d’inscription figurant à l’avis de concours (le 15 avril 2010), la requérante a tenté de présenter par voie électronique une nouvelle candidature au concours EPSO/AD/177/10, dans le domaine «Droit». Toutefois, cette tentative n’a pu aboutir, un message électronique automatique du même jour informant l’intéressée qu’elle était déjà inscrite audit concours dans le domaine «Droit». Par ailleurs, une autre tentative faite le même jour de s’inscrire au concours EPSO/AD/177/10 dans le domaine «Administration publique européenne» n’a pu non plus aboutir, un message électronique rappelant à la requérante qu’une telle inscription était incompatible avec son inscription antérieure au concours EPSO/AD/177/10 dans le domaine «Droit».

21      Ce même 11 avril 2010, la requérante a envoyé à l’EPSO un courriel dans lequel, après avoir rappelé ses tentatives infructueuses de nouvelle inscription au concours EPSO/AD/117/10 dans les domaines «Droit» ou «Administration publique européenne», elle faisait valoir qu’aucune disposition de l’avis de concours ou du guide ne faisait obstacle à ce qu’une personne, dont une précédente candidature avait été considérée comme retirée, puisse présenter une nouvelle candidature dans le délai d’inscription. En conclusion de ce message, l’intéressée demandait à être autorisée à présenter une nouvelle candidature au concours EPSO/AD/177/10 soit dans le domaine «Droit» soit dans le domaine «Administration publique européenne».

22      Par courrier électronique du 12 avril 2010, l’agent de l’EPSO chargé des relations avec les candidats a répondu à la requérante que, puisque celle-ci avait laissé expirer le délai pour réserver une date en vue de passer les tests d’accès, elle ne pouvait plus être admise à valider une nouvelle inscription au concours EPSO/AD/117/10, quel que soit le domaine, et à participer auxdits tests. Dans ce message, l’agent de l’EPSO a par ailleurs rappelé la teneur de l’avertissement figurant sur la page «Postulez dès aujourd’hui» du site internet de l’EPSO.

 Procédure et conclusions des parties

23      Le présent recours a été introduit le 27 mai 2010.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision refusant l’enregistrement de la nouvelle demande de participation au concours EPSO/AD/177/10, domaine «Droit», refus confirmé par la lettre de l’EPSO du 12 avril 2010 (ci-après le «refus litigieux»);

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours comme dénué de fondement;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      Par mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à formuler toute observation utile sur la recevabilité du recours à la lumière de l’arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Vicente Carbajosa e.a./Commission (F‑77/08). Les parties ont déféré à la mesure.

27      Le représentant de la requérante a informé le greffe du Tribunal que, le litige portant principalement sur des aspects juridiques, la tenue d’une audience ne lui paraissait pas nécessaire. Le représentant de la Commission, invité à présenter ses observations sur ce point, a exprimé son accord pour que le Tribunal statue sans audience. En application de l’article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure, le Tribunal a décidé de clôturer la procédure orale et de statuer sans audience.

 En droit

 Arguments des parties

28      À l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation du refus litigieux, la requérante soulève deux moyens, le premier étant tiré de la «violation de l’avis de concours et du guide», le second du «défaut de motivation du refus».

29      Dans le premier moyen, la requérante fait valoir que le refus litigieux méconnaît l’avis de concours ainsi que le guide, puisque aucun de ces deux documents ne prévoirait l’existence d’une règle faisant obstacle à ce qu’un candidat à un concours général ayant validé son inscription mais n’ayant pas réservé en temps utile une date pour le passage des tests d’accès puisse introduire une nouvelle candidature avant l’expiration du délai d’inscription figurant dans l’avis de concours (ci-après la «règle contestée»). En particulier, une telle situation ne figurerait pas au nombre des cas d’exclusion du concours, prévus au point 2.1.4 du guide.

30      Dans le second moyen, la requérante prétend que «[l]es avertissements figurant sur le site [internet de l’EPSO] ainsi que [ceux qu’elle a reçus] dans [son] compte EPSO, et notamment [le message électronique] de l’EPSO du 12 avril 2010, ne comportent aucune motivation qui serait susceptible de rattacher le refus [litigieux] aux exigences de protection des principes d’effectivité et d’efficacité de l’action administrative». La requérante fait valoir, en substance, que, dans le cas où l’existence de la règle contestée pourrait effectivement être déduite de l’avis de concours et du guide, cette règle porterait atteinte au droit de participer aux concours et ne serait pas justifiée. La requérante exprime, en particulier, des doutes sur le fait que le traitement d’une candidature introduite par une personne dont une précédente candidature a été retirée en raison de l’absence de réservation de date pour le passage des tests d’accès occasionnerait des difficultés particulières de gestion.

31      En défense, la Commission ne conteste pas, dans son mémoire, la recevabilité du recours. Toutefois, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, elle fait valoir que, dans le cas où le courrier électronique du 12 avril 2010 devrait être regardé comme l’acte attaqué par la requérante, le recours serait irrecevable, car il aurait été introduit sans avoir été précédé par l’introduction d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.

32      Sur le fond, la Commission conclut au rejet des deux moyens.

33      En ce qui concerne le premier moyen, la Commission rappelle qu’il serait expressément indiqué, dans la clause insérée au point 2.1.3.1 du guide, que, une fois validée, l’inscription à un concours «[ne serait] plus modifiable». Or, selon la Commission, autoriser un candidat ayant retiré une première candidature à en présenter une autre au prétexte que le délai d’inscription n’est pas encore venu à échéance, comme la requérante a cru pouvoir le faire, équivaudrait à permettre à des candidats de modifier leur inscription après sa validation, ce qui priverait de sens la clause prévue au point 2.1.3.1 du guide.

34      Quant au second moyen, la Commission fait observer que la règle contestée poursuivrait un objectif légitime, à savoir accélérer le processus de recrutement des fonctionnaires.

35      En réplique, la requérante rappelle qu’elle aurait satisfait aux exigences de la procédure précontentieuse, en ayant introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.

36      La requérante souligne par ailleurs que ni l’interprétation littérale de la clause insérée au point 2.1.3.1 du guide ni l’interprétation téléologique de celle-ci ne permettrait raisonnablement de déduire l’existence de la règle contestée. En particulier, de l’avis de l’intéressée, il serait difficile de comprendre en quoi le fait de permettre à un candidat n’ayant pas réservé en temps utile une date de passage pour les tests d’accès d’introduire une nouvelle candidature risquerait de conduire à un éventuel contournement des règles régissant le concours.

 Appréciation du Tribunal

37      Ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer (C‑23/00 P, points 51 et 52), le juge de l’Union peut apprécier si, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, un recours doit, en tout état de cause, être rejeté au fond, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité. En l’espèce, il y a lieu d’examiner directement le bien-fondé du recours en répondant aux deux moyens soulevés par la requérante, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir opposée par la Commission.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’avis de concours et du guide

38      Il appartient au Tribunal de vérifier si, comme le prétend la requérante, l’EPSO aurait dépassé les limites du cadre légal que constituait l’avis de concours, en ayant fait application à son cas de la règle contestée.

39      En l’espèce, il est vrai que la règle contestée n’était énoncée explicitement ni par l’avis de concours ni par le guide. Toutefois, il convient de rappeler que le point 2.1.3.1 du guide, intitulé «Procédure d’inscription», énonçait que cette procédure «[pouvait] prendre un certain temps en raison du nombre de données à compléter», les informations demandées portant notamment sur les diplômes et la formation des candidats, leur expérience professionnelle, leurs connaissances linguistiques et leur motivation. Par ailleurs, à ce même point l’attention des candidat était attirée sur le fait qu’«il [était] important de remplir ces informations avec minutie et de [s’]assurer de leur exactitude, celles-ci étant vérifiées ultérieurement sur la base des pièces justificatives». Enfin, le point 2.1.3.1 avertissait les candidats qu’«[u]ne fois l’inscription validée […], elle ne sera[it] plus modifiable, les données y relatives étant immédiatement traitées par [l’]EPSO».

40      Or, comme le prétend la Commission, l’avertissement selon lequel «[u]ne fois l’inscription validée […], elle ne sera[it] plus modifiable» ne doit pas seulement être interprété comme informant tout candidat inscrit à un concours général que les informations fournies à l’occasion de son inscription, portant par exemple sur ses diplômes ou son expérience professionnelle, ne pourront plus être modifiées. Cet avertissement doit également être lu comme faisant obstacle à ce qu’un candidat n’ayant pas réservé en temps utile une date pour le passage des tests d’accès puisse introduire une nouvelle inscription. En effet, si seule la première interprétation devait être admise, il suffirait qu’un candidat souhaitant modifier les informations communiquées à l’occasion de son inscription laisse expirer le délai de réservation d’une date pour le passage des tests d’accès et, sa candidature initiale étant alors considérée comme retirée, procède à une nouvelle inscription. Il en serait résulté, de toute évidence, un détournement de l’avertissement figurant au point 2.1.3.1 du guide.

41      Par ailleurs, il importe de relever que le point 2.1.3.1 du guide invitait également les candidats au concours à «suivre les instructions relatives aux différentes étapes sur le site internet d[e l]’EPSO». Or, à la page «Postulez dès aujourd’hui» du site de l’EPSO, page que toute personne désireuse de s’inscrire au concours EPSO/AD/177/10 devait nécessairement ouvrir pour prendre connaissance de la procédure d’inscription à suivre visée dans l’avis de concours, il était indiqué qu’un candidat ne pourrait «introduire qu’une seule et unique candidature pour seulement l’un des domaines du concours». Il était également précisé que tout candidat, en validant sa candidature, reconnaissait «avoir lu le texte ci-dessus et en avoir accepté les termes».

42      Ainsi, tant le guide que les textes publiés sur le site internet de l’EPSO informaient sans équivoque les candidats au concours de l’obligation pour ceux-ci de se conformer à l’invitation de réserver une date de passage pour les tests d’accès, sous peine de se voir écarté de toute participation audit concours.

43      Il y a lieu d’ajouter qu’à plusieurs reprises la requérante a reçu une information en ce sens. Ainsi, le 31 mars 2010, elle a reçu, dans son compte EPSO, une communication de l’EPSO l’avertissant que, dans le cas où elle omettrait de réserver, dans le délai fixé, une date de passage pour les tests d’accès du concours EPSO/AD/177/10, «[sa] participation à ce concours prendr[ait] fin».

44      Pour finir, l’argument selon lequel les seuls cas d’exclusion du concours seraient ceux limitativement exposés par le point 2.1.4 du guide, à savoir le fait d’avoir créé plus d’un compte EPSO, de s’être inscrit à des concours/domaines/filières/options incompatibles ou d’avoir produit de fausses déclarations, ne saurait prospérer. En effet, un candidat ayant omis, dans les délais impartis, de réserver une date de passage des tests d’accès doit être regardé comme ayant retiré sa candidature et renoncé à se présenter au concours. En revanche, il ne saurait être considéré comme exclu au sens du point 2.1.4 du guide.

45      Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré du «défaut de motivation du refus»

46      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, point 30, et la jurisprudence citée). En outre, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même valeur juridique que les traités, affirme, à son article 41, paragraphe 2, sous c), que le droit fondamental à une bonne administration comporte notamment «l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions».

47      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le message électronique qui a été automatiquement délivré lorsque la requérante a tenté, le 11 avril 2010, de s’inscrire une nouvelle fois au concours EPSO/AD/117/10, domaine «Droit», et qui contenait le refus litigieux, était justifié par le fait que celle-ci avait déjà été inscrite à ce concours, également dans le même domaine. Par ailleurs, dans le courrier électronique du 12 avril 2010, l’agent de l’EPSO chargé des relations avec les candidats a indiqué à l’intéressée que, dès lors qu’elle avait laissé expirer le délai pour réserver une date en vue de passer les tests d’accès, elle ne pouvait plus être admise à valider une nouvelle inscription au concours EPSO/AD/117/10, quel que soit le domaine, et à participer auxdits tests. Dans ce même courriel, l’agent de l’EPSO a rappelé à la requérante que la règle contestée avait aussi été énoncée sur le site internet de l’EPSO.

48      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à l’EPSO de ne pas avoir énoncé les éléments de fait et de droit au soutien du refus litigieux.

49      Dans l’hypothèse où, par le second moyen, la requérante entendrait également reprocher à l’EPSO de n’avoir ni justifié ni même motivé la règle contestée, un tel grief, à le supposer recevable, ne pourrait, en tout état de cause, être accueilli.

50      En effet, il a été jugé que, lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination organise un concours, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer, dans l’avis concerné, les mesures qui répondent aux exigences d’une organisation rationnelle du concours, conformément au principe d’une bonne administration (voir arrêt du Tribunal de première instance du 26 octobre 2004, Falcone/Commission, T‑207/02, point 39). Par ailleurs, en vertu du principe de proportionnalité, la légalité d’une réglementation de l’Union est subordonnée à la condition que les moyens qu’elle met en œuvre soient aptes à atteindre l’objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (voir, par exemple, ordonnance de la Cour du 14 décembre 2006, Meister/OHMI, C‑12/05 P, point 68).

51      En l’espèce, il y a lieu de relever que l’avis de concours a été publié à la suite de la mise en place par l’EPSO, en 2010, d’une nouvelle procédure de sélection, qui a pour objet d’accélérer le processus de sélection et de recrutement des futurs fonctionnaires en permettant aux candidats ayant validé leur inscription de pouvoir, avant même l’expiration de la phase d’inscription, réserver une date pour le passage des tests d’accès et passer lesdits tests.

52      Or, la règle contestée n’est pas manifestement inappropriée par rapport à l’objectif légitimement poursuivi par la nouvelle procédure de sélection. Au contraire, cette règle vise à éviter que l’EPSO ne soit exposé au risque de devoir traiter plusieurs candidatures émanant d’une même personne, ce qui, compte tenu du nombre très important de candidats aux concours généraux, serait susceptible de générer un surcroît substantiel de la charge de travail et un ralentissement de la gestion administrative des concours.

53      Ainsi, la requérante, qui avait pu s’inscrire initialement au concours EPSO/AD/177/10, n’est pas fondée à prétendre que la règle contestée violerait de manière manifestement disproportionnée son droit d’accès aux concours.

54      De même, l’EPSO ayant exposé, dans les documents publiés sur son site internet et auxquels la requérante a nécessairement eu accès en validant son inscription, l’essentiel des objectifs poursuivis par la réforme de la procédure de sélection, c’est à tort que la requérante prétend que l’EPSO aurait dû motiver de manière spécifique l’adoption de la règle contestée.

55      Le second moyen ne saurait, dès lors, être accueilli.

56      Les deux moyens de la requête ayant été écartés, le recours doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa recevabilité.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

58      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Rapone supporte ses propres dépens et ceux de la Commission européenne.

Van Raepenbusch

Kreppel

Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mars 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure: l’italien.