DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

25 janvier 2012(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale VIAGUARA – Marque communautaire verbale antérieure VIAGRA – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑332/10,

Viaguara S.A., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Mes R. Skubisz, M. Mazurek et J. Dudzik, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme K. Zajfert, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Pfizer Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée initialement par M. M. Hawkins, solicitor, Mes V. von Bomhard et A. Renck, avocats, puis par Mes von Bomhard, Renck et Mme M. Fowler, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 20 mai 2010 (affaire R 946/2009-1), relative à une procédure d’opposition entre Pfizer Inc. et Viaguara S.A.,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président (rapporteur), V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 16 décembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2010,

à la suite de l’audience du 10 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 octobre 2005, la requérante, Viaguara S.A., anciennement Viaguara sp. z o.o., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal VIAGUARA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcoolisées ; liqueurs ; eaux de vie ; vins ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 47/2006, du 20 novembre 2006.

5        Le 7 février 2007, l’intervenante, Pfizer Inc., a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure VIAGRA désignant les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits et substances pharmaceutiques et vétérinaires ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

8        Le 30 juin 2009, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

9        Le 13 août 2009, l’intervenante a introduit un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 20 mai 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition.

11      En substance, si, s’agissant du motif tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a confirmé l’interprétation de la division d’opposition selon laquelle, en dépit de la forte similitude des signes en conflit, il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit, les produits désignés par ces dernières étant différents, elle a, en revanche, accueilli l’opposition en ce qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. À cet égard, elle a constaté que, premièrement, les signes en conflit étaient fortement similaires et que, par conséquent, un lien serait établi entre eux ; deuxièmement, la marque antérieure jouissait d’une renommée incontestable dans l’ensemble de l’Union européenne pour un médicament destiné au traitement des dysfonctions érectiles et, troisièmement, il y avait un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

13      L’OHMI, soutenu par l’intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de certaines annexes à la requête

14      L’intervenante a contesté, dans le cadre de son mémoire en réponse, la recevabilité des annexes A 6 à A 8 à la requête, au motif qu’elles auraient été présentées pour la première fois devant le Tribunal. Lors de l’audience, elle a toutefois déclaré ne pas maintenir son objection quant à la recevabilité de l’annexe A 7, qui contient des photos du conditionnement et des emballages de certains des produits de la marque demandée, à savoir les boissons alcoolisées, tels que commercialisés par la requérante. En effet, force est de constater que ces photos figurent dans le dossier de la procédure devant la chambre de recours transmis au Tribunal au titre de l’article 133, paragraphe 3, de son règlement de procédure et qu’elles ont été, au demeurant, produites par l’intervenante elle-même devant la division d’opposition, dans le cadre des preuves à l’appui de son opposition à l’enregistrement de la marque demandée. Le fait que la dimension des photos produites par la requérante soit plus réduite que celle des photos produites par l’intervenante et qu’elles ont été produites pour illustrer des arguments différents est sans pertinence.

15      En revanche, les annexes A 6 et A 8 constituent des pièces non produites auparavant devant les instances de l’OHMI. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le recours en annulation porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas, dans ce cadre, de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Des éléments de fait qui sont invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’OHMI ne sauraient affecter la légalité d’une telle décision que si l’OHMI avait dû les prendre en considération d’office [arrêts du Tribunal du 13 juillet 2004, Samar/OHMI – Grotto (GAS STATION), T‑115/03, Rec. p. II‑2939, point 13, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19].

16      Partant, il convient de conclure que les annexes A 6 et A 8 doivent être déclarées irrecevables.

 Sur le fond

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

18      La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée est contraire à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, dans la mesure où le lien entre les marques en conflit requis pour l’application de cette disposition n’a pas été apprécié de manière globale, mais a été déduit exclusivement de la conclusion relative à la similitude des signes. Or, selon la requérante, ce lien ferait défaut, les produits désignés par les marques en conflit étant complètement différents et les signes n’étant pas fortement similaires. Par conséquent, elle soutient que, en dépit de la renommée très importante de la marque antérieure, aucune association ne pourrait être établie dans l’esprit du public pertinent avec la marque demandée. Ainsi, elle considère que la condition relative au risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure n’aurait pas dû être examinée par la chambre de recours. À titre subsidiaire, elle fait valoir que l’appréciation de la chambre relative audit risque est erronée, tant en ce qui concerne l’image associée à la marque antérieure qu’en ce qui concerne le degré de proximité des produits visés par les marques en conflit.

19      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, « [s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice ».

21      Il ressort du libellé de cette disposition que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ; deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OMHI – Spa Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, Rec. p. II‑1825, point 30 ; du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, point 34, et du 12 novembre 2009, Spa Monopole/OHMI – De Francesco Import (SpagO), T‑438/07, Rec. p. II‑4115, point 14].

22      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (voir ordonnance de la Cour du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée).

23      L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public [voir, par analogie, à propos de l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), disposition qui est en substance identique à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, arrêts de la Cour du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec. p. I‑8823, point 42, et du 12 mars 2009, Antartica/OHMI, C‑320/07 P, non publié au Recueil, point 45, et ordonnance Japan Tobacco/OHMI, précitée, point 26).

24      Si, à défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice (arrêt Antartica/OHMI, précité, point 44 ; voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, précité, point 31), l’existence de ce lien ne saurait toutefois suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lesquelles constituent la condition spécifique de la protection des marques renommées prévue à cette disposition (ordonnance Japan Tobacco/OHMI, précitée, point 27).

25      Afin de bénéficier de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, le titulaire de la marque antérieure doit rapporter la preuve que l’usage de la marque postérieure tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice. À cette fin, ledit titulaire n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte telle que visée par cette disposition qui soit effective et actuelle à sa marque. En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir ordonnance Japan Tobacco/OHMI, précitée, point 42, et la jurisprudence citée).

26      S’agissant, enfin, du public pertinent à prendre en considération, il convient de souligner que ledit public varie en fonction du type d’atteinte allégué par le titulaire de la marque antérieure (arrêt Antartica/OHMI, précité, point 46). En effet, l’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du Tribunal du 7 décembre 2010, Nute Partecipazioni et La Perla/OHMI–Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑59/08, non encore publié au Recueil, point 35].

27      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la légalité de la décision attaquée.

 Sur la renommée de la marque antérieure

28      Pour satisfaire à la condition relative à la renommée (voir point 21 ci-dessus), une marque antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle (arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, Rec. p. I‑5421, point 31, et arrêt SPA-FINDERS, précité, point 34).

29      Il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il est constant entre les parties que la marque antérieure jouit d’une renommée importante en tant que médicament destiné au traitement de la dysfonction érectile dans une partie significative du territoire de l’Union. Par ailleurs, force est de constater que la chambre de recours a conclu, sans être contredite par la requérante, que la renommée de la marque antérieure s’étend non seulement aux consommateurs de médicaments en cause, mais également à l’ensemble de la population.

30      Il y a lieu de considérer, au vu de ce qui précède, que c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que la marque antérieure possédait une renommée incontestable dans l’ensemble de l’Union. Partant, la deuxième condition requise par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 est remplie.

31      Il convient donc de vérifier, ensuite, si les autres conditions requises pour l’application de la disposition susvisée sont satisfaites, à savoir si le degré de similitude entre les marques en conflit serait tel qu’un lien puisse être établi par le consommateur moyen entre lesdites marques et, le cas échéant, s’il y a un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porte préjudice.

 Sur la similitude des signes

32      Il y a lieu de rappeler que la comparaison des signes doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 avril 2008, Citigroup et Citibank/OHMI–Citi (CITI), T‑181/05, Rec. p. II‑669, point 65].

33      Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt du Tribunal du 7 mai 2009, Klein Trademark Trust/OHMI–Zafra Marroquineros (CK CREACIONES KENNYA), T‑185/07, Rec. p. II‑1323, point 34, et la jurisprudence citée].

34      Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance selon laquelle le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire [voir arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI - González Cabello et Iberia Lìneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 68, et la jurisprudence citée].

35      Sur le plan visuel, il y a lieu de relever, tout d’abord, ainsi qu’il a été constaté par la chambre de recours, que l’ensemble des lettres qui composent la marque antérieure sont contenues dans la marque demandée. Les quatre premières lettres de la marque antérieure, à savoir les lettres « v », « i », « a » et « g », sont reproduites au début de la marque demandée et dans le même ordre. Il y a lieu de relever, ensuite, que la partie finale de la marque demandée, constituée par les lettres « r » et « a », est identique à celle de la marque antérieure. Enfin, la seule différence entre les marques en conflit réside dans le fait que la marque demandée contient deux lettres supplémentaires, « u » et « a », placées au milieu de celle-ci.

36      Or, il y a lieu de rappeler que, s’agissant des marques verbales, le consommateur prête généralement plus d’attention à la partie initiale du mot (voir, en ce sens, arrêt MUNDICOR, précité, points 81 et 83). Ainsi, la présence de la même racine « viag » dans les signes en conflit crée une forte similitude visuelle qui est, de plus, renforcée par la partie finale « ra » commune aux deux signes. Partant, l’argument de la requérante fondé sur la différence fondamentale des signes issue de la présence de deux lettres supplémentaires « u » et « a » au milieu de la marque demandée ne saurait prospérer et n’est, en tout état de cause, pas suffisant pour remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit présentent une similitude visuelle.

37      L’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait accordé trop d’importance à la présence de l’élément « via » situé au début des deux marques, alors qu’il y aurait de nombreuses marques communautaires enregistrées pour des produits relevant des classes 5, 32 ou 33 commençant par ledit préfixe, ne saurait prospérer, eu égard à la jurisprudence citée au point précédent. Au demeurant, il convient de relever que l’annexe A 6 qui illustrerait cet argument a été déclarée irrecevable, ainsi qu’il ressort du point 16 ci-dessus.

38      Sur le plan phonétique, il y a lieu de constater que, selon la prononciation et l’accent dans la plupart des langues employées au sein de l’Union, la marque antérieure sera prononcée « via-gra » ou « vi-a-gra », et la marque demandée « via-gua-ra », « vi-a-gua-ra », ou encore « vi-a-gu-a-ra ». En toute hypothèse, le son obtenu par la première syllabe « via » ou les deux premières syllabes « vi » et « a » sera identique et sera suivi par le son produit par la lettre « g ». De même, les deux dernières lettres des marques en conflit seront prononcées de manière identique, à savoir « ra ». Quant à l’élément « ua » qui n’est présent que dans la marque demandée, il sera prononcé, soit « oua », soit « a ». En tout état de cause, que le suffixe « guara », situé à la fin de la marque demandée, soit prononcé « gouara » ou « gara », avec un son dur, cet élément demeure hautement semblable au son produit par la partie finale de la marque antérieure, à savoir « gra ». Compte tenu du fait que le début des marques, auquel le consommateur a tendance à prêter plus d’attention, sera prononcé à l’identique, ce qui vaut également pour la partie finale des deux marques « ra », la différence introduite par les lettres « ua » au milieu de la marque n’est pas de nature à écarter la forte similitude phonétique des marques en conflit.

39      Par conséquent, il y a lieu de conclure, à l’instar de la chambre de recours, que les marques en conflit présentent une forte similitude phonétique.

40      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a relevé que, bien que le préfixe « via » commun aux deux signes signifie « route » en espagnol et constitue une préposition signifiant « par » ou « à travers » dans plusieurs langues de l’Union, aucun des deux signes n’a de signification dans son ensemble dans aucune langue de l’Union. Par conséquent, il convient de conclure qu’aucun élément ne permet de distinguer les signes conceptuellement.

41      L’argument de la requérante selon lequel l’élément revêtant une importance cruciale dans le cadre de la comparaison conceptuelle des signes serait plutôt l’utilisation du terme « guara » et non le préfixe « via », utilisé par plusieurs autres marques enregistrées, ne saurait infirmer cette conclusion. En effet, il n’est pas certain que le consommateur moyen de l’Union l’associerait au « guarana », une plante sud-américaine qui est un ingrédient des boissons alcoolisées de la requérante et, ainsi, la force évocatrice de l’élément « guara » sera faible pour le public pertinent. Partant, cet élément ne permet pas non plus de différencier conceptuellement la marque demandée par rapport à la marque antérieure, d’autant plus qu’il ne reproduit que partiellement le nom de la plante susvisée.

42      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer qu’il existe, de manière globale, une forte similitude entre les marques en conflit.

 Sur le lien entre les marques en conflit

43      S’agissant de l’appréciation relative à l’existence d’un lien entre les marques en conflit, remise en cause par la requérante, il convient de relever que la notion de lien est étroitement liée à la condition relative à la similitude des signes, eu égard au fait que, ainsi qu’il a été rappelé au point 22 ci-dessus, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les signes en conflit.

44      Force est toutefois de rappeler, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence et que le soutient la requérante, que, s’il est vrai que plus les marques en conflit sont similaires, plus il est vraisemblable que la marque postérieure évoquera dans l’esprit du public pertinent la marque antérieure renommée, la simple similitude entre les marques en conflit ne suffit pas à conclure à l’existence d’un lien entre ces marques [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2010, Farmeco/OHMI–Allergan (BOTUMAX), T‑131/09, non publié au Recueil, point 77].

45      Par ailleurs, il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, eu égard à son libellé (voir point 20 ci-dessus), ne requiert pas que les produits visés par les marques en conflit soient identiques ou similaires. Il ressort toutefois de la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus que la nature des produits concernés et le degré de proximité entre ceux-ci constituent des facteurs pouvant être pris en compte dans le cadre de l’appréciation globale relative à l’existence d’un lien entre celles-ci.

46      Il y a lieu d’examiner, ainsi, si la chambre de recours a tenu compte, dans son appréciation relative au lien susceptible d’être établi entre les marques, d’autres facteurs que la similitude des signes, tels que ceux mentionnés par la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus.

47      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, à titre liminaire, qu’il y avait un lien entre les signes en conflit, eu égard à la forte similitude des signes, telle que constatée dans le cadre de son appréciation relative à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

48      La chambre de recours a constaté, ensuite, que la renommée de la marque antérieure était importante et qu’elle s’étendait à l’ensemble de la population de l’Union, et non seulement aux consommateurs moyens des produits de la marque antérieure. La chambre de recours s’est référée à cet égard à un extrait de l’arrêt de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancellerie, Royaume-Uni], produit par l’intervenante lors de la procédure administrative, selon lequel la marque VIAGRA « possède un caractère distinctif [intrinsèque], en ce sens qu’il ne s’agit pas d’un mot anglais courant et qu’elle ne fait pas directement référence au caractère ou à la qualité des produits [qu’elle désigne] [ ; s]ur la base des éléments de preuve [fournis], [la marque VIAGRA] est devenue, dans un délai très court, une marque extrêmement connue [ ; i]l doit être rare que la dénomination commerciale d’un produit pharmaceutique entre dans le vocabulaire du public en un laps de temps aussi court, […] connu de tous [comme] désignant un produit pour le traitement de la dysfonction érectile […] ».

49      De plus, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a défini le public pertinent par rapport au risque qu’un profit indu soit tiré par la marque demandée du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. À cet égard, elle a considéré que ledit risque devant être apprécié au regard du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est demandée, il convenait de prendre en compte, aux fins de cette appréciation, le consommateur moyen de l’Union de boissons alcoolisées et non alcooliques, qui sont des produits destinés au grand public, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé.

50      Par ailleurs, la chambre de recours a examiné la nature des produits désignés par les marques en conflit et le degré de proximité entre ceux-ci en tenant compte des propriétés des produits visés par la marque demandée et de l’image véhiculée par la marque antérieure renommée.

51      Ainsi, contrairement au grief de la requérante selon lequel la conclusion relative à l’existence du lien ne découle pas d’une appréciation globale des facteurs pertinents du cas d’espèce, il ressort de l’ensemble de la décision attaquée que la chambre de recours a effectué une appréciation correcte de l’existence du lien entre les marques. En effet, la chambre de recours ne s’est pas contentée de conclure à l’existence du lien sur la base du seul degré de similitude élevé entre les signes en conflit, mais a apprécié l’existence dudit lien sur le fondement d’une appréciation globale, dans le cadre de l’examen de la troisième condition requise par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 relative au risque qu’un profit soit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

52      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, même s’il n’y a pas de lien direct qui puisse être établi entre les produits couverts par les marques en conflit, lesquels sont dissemblables, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, l’association avec la marque antérieure demeure néanmoins possible, eu égard à la similitude élevée des signes et à l’immense renommée acquise par la marque antérieure qui s’étend au-delà du public concerné par les produits pour lesquels elle a été enregistrée. Ainsi, même à supposer que les publics visés par les marques en conflit ne se chevauchent pas complètement, les produits concernés étant différents, un rapprochement entre les marques est susceptible d’être établi (voir, en ce sens, arrêt Intel Corporation, précité, points 51 à 53).

53      Il s’ensuit que la première condition exigée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 est remplie, la chambre de recours ayant conclu, à bon droit, que le degré de similitude entre les signes était tel qu’un lien est susceptible d’être établi entre les marques en conflit.

54      Les deux premières conditions énumérées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 étant ainsi satisfaites, il convient d’examiner si la chambre de recours a conclu, à bon droit, que le risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, avait été démontré par le titulaire de la marque antérieure.

 Sur l’appréciation du risque de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure

55      La requérante considère, en l’espèce, que l’appréciation relative à l’existence du risque par la chambre de recours est erronée en ce que l’image de plaisir, de vitalité, de puissance et de jeunesse que véhiculerait la marque antérieure ne serait pas compatible avec le type de produits couverts par celle-ci, à savoir un médicament sérieux, délivré sur prescription et utilisé sous contrôle médical afin de soigner une pathologie grave. Par ailleurs, la requérante conteste les constatations de la chambre de recours concernant le degré de proximité entre les produits des deux marques. À cet égard, elle fait valoir que la chambre de recours a déduit de l’effet stimulant ou aphrodisiaque qui est généralement revendiqué par les boissons sans alcool à des fins promotionnelles ou de commercialisation que ces boissons auraient des propriétés qui coïncident avec les indications thérapeutiques ou, à tout le moins, avec l’image de la marque antérieure et les produits visés par celle-ci. Or, la requérante estime que la chambre de recours aurait dû prendre en compte les propriétés et la nature réelle desdits produits et non celles relevant des pratiques de mise sur le marché.

56      Le Tribunal relève, à titre liminaire, que le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou présentant une similitude avec celle-ci. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque nationale antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif. À cet égard, il convient de préciser que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice (arrêt VIPS, précité, point 46). Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toutes autres circonstances de l’espèce [arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPALINE), T-21/07, non publié au Recueil, point 38].

57      Afin de mieux cerner le risque visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, il convient de relever que la fonction première d’une marque consiste incontestablement en une « fonction d’origine » (considérant 8 du règlement n° 207/2009). Il n’en reste pas moins qu’une marque agit également comme moyen de transmission d’autres messages concernant, notamment, les qualités ou les caractéristiques particulières des produits ou des services qu’elle désigne, ou les images et les sensations qu’elle projette, tels que le luxe, le style de vie, l’exclusivité, l’aventure, la jeunesse. En ce sens, la marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée. Les messages en question que véhicule notamment une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce d’autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée d’une marque est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire. C’est ainsi que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 assure la protection d’une marque renommée, à l’égard de toute demande de marque identique ou similaire qui pourrait porter atteinte à son image, même si les produits ou services visés par la marque demandée ne sont pas analogues à ceux pour lesquels la marque antérieure renommée a été enregistrée (arrêt VIPS, précité, point 35).

58      En l’espèce, la chambre de recours a conclu qu’il y avait un risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

59      Ce risque englobe notamment les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes d’une marque célèbre ou une tentative de tirer profit de sa réputation. En d’autres termes, il s’agit du risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée (voir arrêt SPALINE, précité, point 19, et la jurisprudence citée).

60      Il s’ensuit que, à la différence du risque de confusion visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le risque de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ne pourrait donc se produire que si le public pertinent, sans confondre l’origine des produits ou des services visés par les marques en conflit, éprouvait une attraction particulière pour les produits ou les services du demandeur, du seul fait qu’ils sont désignés par une marque identique ou semblable à la marque antérieure renommée. Cela nécessiterait la preuve d’une association de la marque demandée avec des qualités positives de la marque antérieure identique ou similaire, lesquelles pourraient donner lieu à une exploitation ou à un parasitisme manifestes par la marque demandée [voir arrêt du Tribunal du 30 janvier 2008, Japan Tobacco/OHMI – Torrefacção Camelo (CAMELO), T‑128/06, non publié au Recueil, point 65, et la jurisprudence citée].

61      Afin de déterminer si l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés. S’agissant de l’intensité de la renommée et du degré de caractère distinctif de la marque, la Cour a déjà jugé que plus le caractère distinctif et la renommée de cette marque seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise. Il résulte également de la jurisprudence que plus l’évocation de la marque par le signe est immédiate et forte, plus est important le risque que l’utilisation actuelle ou future du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice (arrêt de la Cour du 18 juin 2009, L’Oréal e.a., C-487/07, Rec. p. I-5185, point 44).

62      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner si l’appréciation de la chambre de recours à l’égard de l’existence de ce risque est correcte en l’espèce.

63      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la chambre de recours a, tout d’abord, considéré, en se fondant sur l’arrêt rendu par la High Court of Justice, cité au point 48 ci-dessus, relatif à une action en contrefaçon au Royaume-Uni opposant l’intervenante et le titulaire de la marque VIAGRENE enregistrée pour des boissons contenant des extraits de plantes, que la marque antérieure véhicule, à la lumière de sa renommée et du type de préparation pour lequel elle est utilisée, des messages de plaisir, de vitalité, de puissance et de jeunesse.

64      À cet égard, force est de constater que les arguments de la requérante selon lesquels la chambre de recours aurait à tort tenu compte des décisions rendues par des juridictions et des offices de marques nationaux, dont fait partie la décision susvisée, ne sauraient prospérer. En effet, il est, en principe, loisible à l’OHMI et à ses chambres de recours de se fonder sur une décision nationale, en tant qu’élément de preuve, si elle est de nature à démontrer les faits invoqués en l’espèce [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juillet 2011, Zino Davidoff/OHMI – Kleinakis kai SIA (GOOD LIFE), T‑108/08, non encore publié au Recueil, point 23].

65      La chambre de recours a, ensuite, rappelé que, bien que le choix du suffixe « guara » par la requérante en l’espèce puisse être considéré légitime, en relation avec la plante guarana qui est un ingrédient de ses boissons, l’association de cet élément avec le préfixe « via » ne serait pas une coïncidence. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette appréciation ne saurait être interprétée dans le sens que la chambre de recours aurait admis que la marque demandée renvoie à la plante « guarana ». Il s’agit, au contraire, d’une indication que l’association du suffixe « guara » au préfixe « via » a pour effet de renvoyer à la marque antérieure.

66      S’agissant, en outre, de la nature des produits concernés, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que les propriétés stimulantes et aphrodisiaques revendiquées à des fins commerciales par les boissons non alcooliques relevant de la classe 32 coïncidaient avec les indications thérapeutiques du produit de la marque antérieure ou, à tout le moins, avec l’image projetée par celle-ci.

67      Partant, même si ces produits ne sauraient procurer réellement le même bénéfice que le médicament pour le traitement de la dysfonction érectile couvert par la marque antérieure, ce qui importe est que le consommateur sera enclin à les acheter en pensant retrouver des qualités semblables, telles que l’augmentation de la libido, du fait du transfert des associations positives projetées par l’image de la marque antérieure.

68      Quant aux produits « boissons alcoolisées, liqueurs, eaux de vie, vins » relevant de la classe 33, force est de constater, en l’espèce, que la requérante elle-même a prétendu, devant la division d’opposition, que les boissons contenant du guarana avaient d’autres effets fortifiants et stimulants sur l’esprit et sur le corps ainsi que des propriétés bénéfiques pour la santé qui sont semblables à celles d’un médicament.

69      Aussi, bien que le produit visé en l’espèce par la marque antérieure soit un médicament utilisé pour le traitement de la dysfonction érectile et délivré uniquement sur prescription, il n’en demeure pas moins qu’il ne renvoie pas nécessairement au traitement d’une pathologie grave, mais à une image de vitalité et de puissance, dans la mesure où il permet aux personnes atteintes de dysfonction érectile d’améliorer leur vie sexuelle et leur qualité de vie. L’association avec une telle image n’est pas incompatible avec le « sérieux » intrinsèque du médicament.

70      Au demeurant, la chambre de recours a relevé que ledit médicament faisait également l’objet d’un usage « récréatif » au sein des plus jeunes tranches d’âge de la population.

71      Partant, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, cette image pourrait être transférée à des produits non médicaux et, notamment, aux boissons alcoolisées de la marque demandée, de nature différente, mais qui sont consommées lors de sorties ou de fêtes. Ces boissons pourraient ainsi être perçues par le public pertinent comme ayant des qualités aphrodisiaques et stimulantes pour le corps, sans pour autant que leur origine commerciale soit attribuée à la marque antérieure ou à une entreprise liée économiquement à celle-ci.

72      En dernier lieu, s’agissant des preuves produites par l’intervenante devant la chambre de recours relatives à l’utilisation effective de la marque demandée, il convient de relever que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à juste titre, l’usage effectif de la marque postérieure peut être pris en compte comme une indication, une illustration de la haute probabilité d’un risque de profit indu. Ainsi, bien que, conformément à la jurisprudence citée aux points 25 et 56 ci-dessus, le titulaire de la marque antérieure ne soit pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle, il n’en demeure pas moins que, lorsque la marque ou le signe postérieur sont déjà exploités, et à chaque fois que des éléments concrets prouvant l’existence d’un lien dans l’esprit du public pourront être apportés, ils auront manifestement un poids considérable dans l’appréciation du risque de profit indu (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mme Sharpston, présentées sous l’arrêt Intel Corporation, précité, point 84).

73      Il s’ensuit que les éléments produits par l’intervenante dans le cadre de la procédure administrative relatifs à l’usage effectif de la marque VIAGUARA sont pertinents pour apprécier la condition relative au risque.

74      Il convient de relever à cet égard que, d’une part, l’intervenante a produit un extrait du site Internet de la requérante sur lequel sont décrits les propriétés et effets de la substance guarana contenue dans les boissons alcoolisées qu’elle exploite. Cet extrait végétal aurait prétendument des propriétés bénéfiques pour la santé, mais aussi aphrodisiaques. Ainsi, lesdites boissons sont commercialisées en étant présentées comme favorisant la performance sexuelle, ce qui renvoie incontestablement aux propriétés pour lesquelles est réputé le produit de la marque antérieure.

75      D’autre part, l’intervenante a produit des photos du conditionnement et des emballages des produits de la marque demandée comportant une représentation de silhouettes masculines ithyphalliques. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’image de ces silhouettes et le détail de leur anatomie est perceptible indépendamment de la dimension des emballages et renvoie directement aux propriétés de la marque antérieure renommée. Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante selon lesquels l’art primitif comporte souvent des figures nues.

76      Partant, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, il a été démontré par l’intervenante que la requérante, par l’usage d’une marque semblable à la marque antérieure renommée, tente de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige, ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque antérieure pour créer et entretenir l’image de celle-ci, de sorte à promouvoir ses propres produits. Le profit résultant dudit usage doit être considéré comme indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure (voir, en ce sens, arrêt NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC, précité, point 44, et la jurisprudence citée).

77      Ainsi, en raison de l’immense succès de la marque antérieure et de l’intensité de la renommée de celle-ci, le consommateur sera incité à acheter les produits de la marque demandée en pensant qu’ils auront une efficacité semblable aux produits de la marque antérieure.

78      En outre, doit être rejeté le grief par lequel la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la jurisprudence du Tribunal dans le cadre de l’appréciation quant au risque qu’un profit indu soit tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. En effet, les décisions citées sont dénuées de pertinence pour le présent litige, dès lors que, contrairement aux circonstances de l’espèce, la similitude entre les marques ou le caractère distinctif de la marque antérieure n’ont pas suffi à démontrer le risque allégué par l’opposante.

79      Dans ces circonstances, la chambre de recours a correctement conclu à l’existence d’un risque qu’un profit indu soit tiré sans juste motif du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Enfin, force est de constater, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 50 de la décision attaquée, que la requérante n’a invoqué aucun juste motif pour l’utilisation de la marque demandée, ce qu’elle a, au demeurant, admis lors de l’audience. Cette conclusion ne saurait être infirmée par les affirmations de la requérante, lors de l’audience, selon lesquelles les arguments qu’elle aurait invoqués concernant l’emploi du suffixe « guara » aux fins de désigner la plante « guarana » qui est un composant de ses boissons (voir points 44 et 65 ci-dessus) pourraient être interprétés comme constituant un juste motif au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, d’autant plus que cette justification n’a pas été invoquée expressément, dans le cadre de la procédure d’opposition, comme constituant un juste motif pour l’usage de la marque demandée et que, en tout état de cause, elle ne couvre pas l’utilisation du préfixe « via ».

80      Enfin, en ce qui concerne la pratique antérieure de l’OHMI invoquée itérativement par la requérante, il ressort de la jurisprudence que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, non encore publié au Recueil, points 73 à 77, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI–Société de développement et de recherche industrielle (ERGO), T‑220/09, non publié au Recueil, point 45].

81      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 28 à 81 ci-dessus, la chambre de recours a considéré, à bon droit, que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’OHMI.

82      Il ressort de tout ce qui précède que le moyen unique avancé par la requérante n’est pas fondé et que, partant, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Viaguara S.A. est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 janvier 2012.

Signatures


** Langue de procédure : le polonais.