ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 septembre 2013 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation »

Dans les affaires jointes T‑4/11 et T‑5/11,

Export Development Bank of Iran, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me J.-M. Thouvenin, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. M. Konstantinidis et A. Bordes, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, premièrement, une demande de déclaration d’inapplicabilité à la requérante de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), deuxièmement, une demande d’annulation du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), et du règlement (UE) n° 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34), ainsi que de tous les règlements futurs qui compléteraient ou remplaceraient ces règlements, jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance, pour autant que ces actes concernent la requérante, troisièmement, une demande d’annulation de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81), de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11), et de la décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71), ainsi que de tous les actes futurs qui compléteraient ou remplaceraient ces actes, jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance, pour autant que ces actes concernent la requérante, et, quatrièmement, une demande d’annulation des décisions contenues dans les lettres du 28 octobre 2010 et du 5 décembre 2011,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mars 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, l’Export Development Bank of Iran, est une banque iranienne.

2        Les présentes affaires s’inscrivent dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur l’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

3        Le 26 juillet 2010, la requérante a été inscrite sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire qui figure dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39).

4        Par voie de conséquence, la requérante a été inscrite sur la liste de l’annexe V du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 (JO L 195, p. 25). Cette inscription a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante.

5        Dans la décision 2010/413, le Conseil de l’Union européenne a retenu les motifs suivants s’agissant de la requérante :

« [La requérante] a fourni des services financiers à des sociétés liées aux programmes iraniens de prolifération et a aidé des entités désignées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles faisaient l’objet. Elle fournit des services financiers à des entités placées sous le contrôle du Modafl [Ministry of defense and armed forces logistics] ainsi qu’aux sociétés écran de ces entités, qui soutiennent les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle a continué à effectuer des paiements pour la Bank Sepah, après sa désignation par les Nations unies, y compris des paiements liés aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. [La requérante] a effectué des transactions pour des entités iraniennes agissant dans le domaine de la défense et des missiles, un grand nombre de ces entités faisant l’objet de sanctions imposées par le [Conseil de sécurité des Nations unies]. [La requérante] a servi de principal intermédiaire dans le financement de la Bank Sepah (sanctionnée par le [Conseil de sécurité des Nations unies] depuis 2007), y compris pour les paiements liés aux AMD [Armes de destruction massive]. [La requérante] fournit des services financiers à diverses entités du Modafl et a facilité des activités d’achat en cours par des sociétés écran liées à des entités du Modafl. »

6        La motivation suivante a été retenue à l’égard de la requérante dans le règlement d’exécution n° 668/2010 :

« [La requérante] fournit des services financiers à des sociétés liées aux activités iraniennes présentant un risque de prolifération et aide des entités désignées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles font l’objet. Elle fournit des services financiers à des entités placées sous le contrôle du ministère de la Défense et du soutien logistique aux forces armées ainsi qu’aux sociétés écrans de ces entités, qui soutiennent les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle a continué à effectuer des paiements pour la banque Sepah, après la désignation de celle-ci par les Nations unies, y compris des paiements liés aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. [La requérante] a effectué des transactions pour des entités iraniennes agissant dans le domaine de la défense et des missiles, un grand nombre de ces entités faisant l’objet de sanctions imposées par le [Conseil de sécurité des Nations unies]. [La requérante] a été le principal intermédiaire dans les opérations financières de la banque Sepah (qui fait l’objet de sanctions du [Conseil de sécurité des Nations unies] depuis 2007), y compris pour des paiements liés aux AMD. [La requérante] fournit des services financiers à diverses entités du ministère de la Défense et du soutien logistique aux forces armées et a facilité des activités d’achat par des sociétés écrans liées à des entités du ministère de la Défense et du soutien logistique aux forces armées. »

7        Par lettre du 28 juillet 2010, le Conseil a informé la requérante de son inclusion dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement n° 423/2007.

8        Par lettre du 6 septembre 2010, la requérante a demandé au Conseil de revenir sur son inclusion dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement n° 423/2007. Elle a également fait observer qu’elle estimait qu’elle aurait dû être informée des documents et des preuves retenus à son égard et aurait dû avoir la possibilité d’exposer son point de vue avant l’adoption des mesures restrictives.

9        L’inscription de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 a été maintenue par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81).

10      Le règlement n° 423/2007 ayant été abrogé par le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1), la requérante a été incluse par le Conseil dans l’annexe VIII de ce dernier règlement. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement.

11      Les motifs retenus dans le règlement n° 961/2010 sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413.

12      Par lettre du 28 octobre 2010, le Conseil a répondu à la lettre de la requérante du 6 septembre 2010 en indiquant que, après réexamen, il rejetait la demande de la requérante tendant à ce que son nom soit supprimé de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de celle de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Il a précisé, à cet égard, que, dans la mesure où le dossier ne comportait pas d’éléments nouveaux justifiant un changement de sa position, la requérante devait continuer à être soumise aux mesures restrictives prévues par lesdits textes.

13      Par lettre du 27 décembre 2010, la requérante a invité le Conseil à lui communiquer les éléments sur lesquels il s’était fondé pour adopter les mesures restrictives à son égard.

14      Par lettre du 22 février 2011, en réponse à cette demande, le Conseil a communiqué à la requérante les copies de trois propositions d’adoption des mesures restrictives présentées par des États membres.

15      Le 29 juillet 2011, la requérante a envoyé au Conseil une nouvelle demande visant à ce que son nom soit supprimé de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Elle a invoqué, à cet égard, le fait que les éléments communiqués le 22 février 2011 étaient insuffisamment circonstanciés.

16      L’inscription de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 et dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), et du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11).

17      Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante du maintien de son nom dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Il a indiqué que, en l’absence d’éléments nouveaux, les motifs exposés dans lesdits textes demeuraient justifiés.

18      Par lettre du 13 janvier 2012, la requérante a présenté une nouvelle fois ses observations et a demandé la communication de l’ensemble des éléments sur lesquels le Conseil s’était fondé lors de l’adoption de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011.

19      Le Conseil a répondu à la demande de la requérante par lettre du 21 février 2012, à laquelle ont été joints trois documents.

20      Le règlement n° 961/2010 ayant été abrogé par le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 88, p. 1), la requérante a été incluse par le Conseil dans l’annexe IX de ce dernier règlement. Les motifs retenus sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante sont gelés en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement.

21      L’inscription de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 et dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur de la décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71), et du règlement (UE) n° 1263/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 365, p. 34).

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 7 janvier 2011, la requérante a introduit les présents recours.

23      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 20 avril 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir dans les présentes procédures au soutien du Conseil. Par ordonnances du 14 juin 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

24      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 16 février 2012, la requérante a adapté ses conclusions et complété son argumentation à la suite de l’adoption de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011.

25      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 31 mai 2012, la requérante a adapté ses conclusions et complété son argumentation à la suite de l’adoption du règlement n° 267/2012.

26      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions. Les parties ont déféré à ces demandes.

27      Par ordonnances du président de la quatrième chambre du Tribunal du 26 février 2013, les parties entendues, les présentes affaires et l’affaire T‑24/11, Bank Refah Kargaran/Conseil, ont été jointes aux fins de la procédure orale et les présentes affaires ont été jointes aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 mars 2013.

29      Lors de l’audience, la requérante a adapté ses conclusions et complété son argumentation à la suite de l’adoption de la décision 2012/829 et du règlement n° 1263/2012.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que la décision 2010/413 lui est inapplicable ;

–        annuler le règlement n° 961/2010, le règlement n° 267/2012, le règlement n° 1263/2012 ainsi que tous les règlements futurs qui compléteraient ou remplaceraient ces règlements, jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance, pour autant qu’ils la concernent ;

–        annuler l’article 16, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), et paragraphe 4, du règlement n° 267/2012, dans la mesure où ces dispositions la concernent ;

–        annuler la décision 2010/644, la décision 2011/783, le règlement d’exécution n° 1245/2011, l’annexe IX du règlement n° 267/2012 ainsi que la décision 2012/829 et tous les actes futurs qui compléteraient ou remplaceraient ces actes, dans la mesure où ils la concernent, jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance ;

–        annuler les décisions contenues dans les lettres du 28 octobre 2010 et du 5 décembre 2011 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

31      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité de la demande d’annulation des actes futurs

32      S’agissant de la demande de la requérante, formulée lors de l’audience, d’annulation de tout acte futur qui compléterait ou qui remplacerait les actes attaqués, il convient de rappeler que le Tribunal ne peut être valablement saisi que d’une demande tendant à l’annulation d’un acte existant et faisant grief. Si la requérante peut donc être autorisée, sous certaines conditions (voir point 50 ci-après), à reformuler ses conclusions de façon celles-ci visent l’annulation des actes qui ont, en cours de procédure, remplacé les actes initialement attaqués, cette solution ne saurait autoriser le contrôle spéculatif de la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés (ordonnance du Tribunal du 18 septembre 1996, Langdon/Commission, T‑22/96, Rec. p. II‑1009, point 16, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 32).

33      Par conséquent, il y a lieu de rejeter, comme étant irrecevables, les conclusions en annulation de tout acte futur qui compléterait ou qui remplacerait les actes attaqués dans le cadre du présent recours.

 Sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante

34      Par ses deuxième et troisième chefs de conclusions, la requérante demande au Tribunal, d’une part, d’annuler le règlement n° 961/2010, le règlement n° 267/2012 et le règlement n° 1263/2012 et, d’autre part, d’annuler l’article 16, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), et paragraphe 4, du règlement n° 267/2012, dans la mesure où ces actes et dispositions la concernent.

35      Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

36      Or, en premier lieu, concernantla demande d’annulation du règlement n° 961/2010 et du règlement n° 267/2012, dans la mesure où ils concernent la requérante, il ressort de la jurisprudence que ces règlements s’apparentent, à la fois, à des actes de portée générale dans la mesure où il interdisent à une catégorie de destinataires déterminés de manière générale et abstraite, notamment, de mettre des fonds et des ressources économiques à la disposition des personnes et entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans leurs annexes et à un faisceau de décisions individuelles à l’égard de ces personnes et entités (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 241 à 244). Il importe, en outre, de rappeler que, en ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, tels que le règlement n° 961/2010 et le règlement n° 267/2012, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union.

37      Il s’ensuit que la requérante, dont le nom figure à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, est recevable à demander l’annulation de ces deux règlements, dans la mesure où ils la concernent.

38      En deuxième lieu, s’agissant de la demande d’annulation de l’article 16, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), et paragraphe 4, du règlement n° 267/2012, dans la mesure où ces dispositions concernent la requérante, il convient de constater, tout d’abord, qu’elle ne saurait être interprétée comme une exception d’illégalité de ces dispositions, étant donné que la requérante ne se borne pas à faire valoir leur illégalité, mais demande expressément leur annulation.

39      Ensuite, s’agissant toujours de cette même demande, il convient de relever qu’aucune des trois hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE telles que reprises au point 35 ci-dessus, n’est réalisée en l’espèce.

40      Premièrement, la requérante n’est pas destinataire desdites dispositions.

41      Deuxièmement, la requérante est certes directement et individuellement concernée par les règlements en cause, en ce qu’elle est nommément désignée dans leurs annexes reprenant les noms des personnes et entités visées par les mesures restrictives. Toutefois, cette considération n’est pas valable pour les dispositions dont elle demande spécifiquement l’annulation, qui s’appliquent à une catégorie de sujets envisagée de manière générale et abstraite, à savoir soit les catégories de personnes et d’entités définies à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphes 2 et 4, du règlement n° 267/2012, soit la totalité des acteurs économiques susceptibles d’entretenir des relations commerciales avec lesdites entités ou avec l’Iran. Par conséquent, lesdites dispositions présentent à l’égard de la requérante un caractère général.

42      Troisièmement, sans qu’il y ait lieu de déterminer si lesdites dispositions constituent des actes réglementaires, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de constater qu’elles comportent des mesures d’exécution. En effet, pour que les mesures restrictives qui y sont prévues soient applicables à des particuliers déterminés, ces derniers doivent être inscrits ou maintenus dans les listes figurant en annexe auxdits règlements, ainsi qu’il découle de l’article 36, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010, s’agissant des restrictions prévues à l’article 16, paragraphe 2, du même règlement, et de l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, s’agissant des restrictions prévues à l’article 23, paragraphe 2, du même règlement. En l’espèce, de telles mesures d’exécution ont été adoptées, à l’égard de la requérante, sous la forme des différents actes par lesquels elle a été inscrite ou maintenue, après réexamen, respectivement sur les listes figurant dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

43      Par conséquent, la requérante n’est pas recevable à demander l’annulation de l’article 16, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphes 2 et 4, du règlement n° 267/2012.

44      Ces constatations ne sont pas remises en cause par le fait que la requérante a indiqué n’attaquer les dispositions en cause qu’en ce que ceux-ci la concernent. En effet, la circonstance qu’elles ont été appliquées à la requérante ne modifie pas leur nature juridique d’acte de portée générale.

45      En troisième lieu, s’agissant du règlement n° 1263/2012, il convient de relever qu’il introduit dans le règlement n° 267/2012 des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de l’Iran, sans toutefois modifier l’annexe IX de ce dernier et sans que le Conseil ait procédé à un réexamen de cette annexe. Si ces mesures supplémentaires sont susceptibles d’augmenter le degré d’affectation de la requérante du fait de son inscription sur les listes des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives, elles présentent néanmoins un caractère général, tout comme l’article 16, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, sous a) et b), et paragraphe 4, du règlement n° 267/2012. Dès lors, la requérante n’est pas non plus recevable à demander l’annulation du règlement n° 1263/2012.

46      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter comme irrecevable le troisième chef de conclusions présenté par la requérante, ainsi que le deuxième chef de conclusions, pour autant qu’il vise le règlement n° 1263/2012.

 Sur l’adaptation des conclusions de la requérante

47      Ainsi qu’il ressort des points 9, 10 et 20 ci-dessus, depuis l’introduction de la requête, la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 a été remplacée par une nouvelle liste, arrêtée dans la décision 2010/644, et le règlement n° 423/2007, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 668/2010, a été abrogé et remplacé par le règlement n° 961/2010, qui a lui-même été abrogé et remplacé par le règlement n° 267/2012. En outre, dans les considérants de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011, le Conseil a explicitement constaté qu’il avait procédé à un réexamen complet de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et qu’il était parvenu à la conclusion que les personnes, entités et organismes qui y sont énumérés, dont la requérante, devaient continuer à faire l’objet des mesures restrictives. La requérante a adapté ses conclusions initiales de façon que sa demande en annulation vise, outre la décision 2010/644, la décision 2011/783, le règlement d’exécution n° 1245/2011, l’annexe IX du règlement n° 267/2012 et la décision 2012/829. Le Conseil et la Commission n’ont soulevé d’objections que s’agissant de l’adaptation concernant le dernier de ces actes.

48      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui‑ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

49      La même conclusion s’applique aux actes, tels que la décision 2011/783 et le règlement d’exécution n° 1245/2011, qui constatent qu’une décision ou un règlement doivent continuer à viser directement et individuellement certains particuliers, à la suite d’une procédure de réexamen expressément imposée par cette même décision ou ce même règlement.

50      Il convient donc, en l’espèce, de considérer que la requérante est également recevable à demander l’annulation de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011, l’inscrivant et la maintenant sur les listes des personnes faisant l’objet des mesures de gel de fonds, telles qu’annexées au règlement n° 961/2010, ainsi que de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant que ces actes la concernent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, point 48 supra, point 47).

51      En revanche, la décision 2012/829 ne remplace pas un acte précédent concernant directement et individuellement la requérante et n’a pas non plus été adoptée à la suite d’un réexamen complet des listes des personnes faisant l’objet des mesures restrictives. En effet, cette décision ne contient que des dispositions concernant les institutions financières établies sur le territoire de l’Union, ainsi qu’un ajout à la liste des personnes faisant l’objet des mesures restrictives, figurant dans l’annexe II de la décision 2010/413. Par conséquent, elle ne concerne ni directement ni individuellement la requérante et cette dernière n’est pas recevable, ainsi que le Conseil l’a fait valoir lors de l’audience, à adapter ses conclusions pour demander son annulation.

 Sur le fond

52      Par son quatrième chef de conclusions, dans la mesure où il est recevable (voir point 33 ci-dessus), la requérante demande au Tribunal, en substance, d’annuler les actes portant son inscription et son maintien sur les listes des personnes faisant l’objet des mesures de gel de fonds. En outre, par son deuxième chef de conclusions, dans la mesure où il est recevable (voir points 33 et 46 ci-dessus), la requérante demande au Tribunal d’annuler le règlement n° 961/2010 et le règlement n° 267/2012, pour autant qu’ils la concernent. Or, il ressort des considérations exposées au point 36 ci-dessus que la requérante est concernée par ces actes précisément dans la mesure où elle est nommément désignée dans leurs annexes VIII et IX respectives. Dans ces circonstances, il convient de constater que le deuxième chef de conclusions se confond en réalité avec le quatrième.

53      Enfin, le cinquième chef de conclusions de la requérante vise à annuler les décisions prétendument contenues dans les lettres du 28 octobre 2010 et du 5 décembre 2011. Étant donné que c’est par ces deux lettres que la requérante a été informée de son maintien sur les listes des personnes faisant l’objet des mesures de gel de fonds, à la suite de l’adoption, respectivement, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010, ainsi que de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011 et que lesdites lettres n’ont donc pas de contenu décisionnel autonome, il convient de constater que le cinquième chef de conclusions se confond en réalité avec le quatrième.

54      À ce titre, la requérante invoque cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 215 TFUE, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le troisième, d’erreurs de droit et d’appréciation, le quatrième, de la violation du principe de proportionnalité et du droit au respect de la propriété et, le cinquième, de la violation du principe d’égalité de traitement.

55      Le Conseil et la Commission contestent le bien-fondé des moyens présentés par la requérante. Ils soutiennent, en outre, que, en tant qu’émanation de l’État iranien, la requérante ne peut pas invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux.

56      Le Tribunal considère qu’il convient d’abord d’examiner le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, ainsi que le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation. Toutefois, à titre liminaire, il y a lieu d’examiner si la requérante peut invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux.

 Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux

57      Le Conseil et la Commission font valoir que, au regard du droit de l’Union, des personnes morales qui constituent des émanations des États tiers ne peuvent pas invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Dans la mesure où la requérante est, selon eux, une émanation de l’État iranien, cette règle lui serait applicable.

58      À cet égard, il convient d’observer que ni la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389), ni les traités ne prévoient de dispositions excluant les personnes morales qui sont des émanations des États du bénéfice de la protection des droits fondamentaux. Au contraire, les dispositions de ladite charte qui sont pertinentes en ce qui concerne les moyens soulevés par la requérante, et notamment ses articles 17, 41 et 47, garantissent les droits de « [t]oute personne », formulation qui inclut des personnes morales telles que la requérante.

59      Le Conseil et la Commission invoquent néanmoins, dans ce contexte, l’article 34 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), qui n’admet pas la recevabilité des requêtes présentées devant la Cour européenne des droits de l’homme par des organisations gouvernementales.

60      Or, d’une part, l’article 34 de la CEDH est une disposition procédurale qui n’est pas applicable aux procédures devant le juge de l’Union. D’autre part, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le but de cette disposition est d’éviter qu’un État partie à la CEDH soit à la fois requérant et défendeur devant ladite Cour (voir, en ce sens, Cour. eur. D.H., arrêt Compagnie de navigation de la République islamique d’Iran c. Turquie du 13 décembre 2007, Recueil des arrêts et décisions, 2007-V, § 81). Cette considération n’est pas applicable au cas d’espèce.

61      Le Conseil et la Commission font également valoir que la règle qu’ils invoquent est justifiée par le fait qu’un État est garant du respect des droits fondamentaux sur son territoire, mais ne peut bénéficier de tels droits.

62      Toutefois, à supposer même que cette justification trouve à s’appliquer dans une situation interne, la circonstance selon laquelle un État est le garant du respect des droits fondamentaux sur son propre territoire est sans pertinence s’agissant de l’étendue des droits dont peuvent bénéficier des personnes morales qui sont des émanations de ce même État sur le territoire des États tiers.

63      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le droit de l’Union ne contient pas de règle empêchant des personnes morales qui sont des émanations des États tiers d’invoquer à leur profit les protections et garanties liées aux droits fondamentaux. Ces mêmes droits peuvent donc être invoqués par lesdites personnes devant le juge de l’Union pour autant qu’ils soient compatibles avec leur qualité de personne morale.

64      En tout état de cause, le Conseil et la Commission n’ont pas avancé d’éléments permettant d’établir que la requérante était effectivement une émanation de l’État iranien, à savoir une entité qui participait à l’exercice de la puissance publique ou qui gérait un service public sous le contrôle des autorités (voir, en ce sens, Cour. eur. D. H., arrêt Compagnie de navigation de la République islamique d’Iran c. Turquie, point 60 supra, § 79).

65      À cet égard, le Conseil soutient que la requérante est, de fait, détenue et contrôlée par l’État ou le gouvernement iranien, dans la mesure où son assemblée générale est composée de différents membres du gouvernement iranien. De plus, selon le Conseil, la requérante dirige un service public sous le contrôle des autorités iraniennes dans la mesure où elle a pour objectif la promotion du commerce extérieur iranien dans le cadre de la coopération avec les pays en voie de développement. En outre, la fourniture de services bancaires serait essentielle pour les activités économiques et la société en général.

66      Or, ni le fait que l’État iranien détienne une partie – non quantifiée – du capital de la requérante, ni le fait que les services bancaires fournis par celle-ci soient nécessaires au fonctionnement de l’économie d’un État ne confère à ces activités la qualité de service public ni n’implique que la requérante participerait à l’exercice de la puissance publique.

67      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante peut invoquer à son profit les protections et garanties liées aux droits fondamentaux.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

68      À cet égard, la requérante soutient, premièrement, qu’elle n’a pas été entendue préalablement à son inscription dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, deuxièmement, que la motivation fournie est insuffisante et, troisièmement, que, nonobstant ses demandes antérieures, elle n’a obtenu un accès au dossier du Conseil qu’après l’expiration du délai pour l’introduction du recours.

69      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Il soutient, en particulier, que la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense.

70      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, à l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007, à l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80, et la jurisprudence citée).

71      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 70 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

72      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 70 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

73      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 70 supra, point 91).

74      D’une part, le principe du respect des droits de la défense exige que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués. D’autre part, cette entité doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 32 supra, point 93).

75      Partant, s’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté. Sous les mêmes réserves, toute décision subséquente de gel des fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge et d’une nouvelle possibilité pour l’entité concernée de faire valoir son point de vue (voir, par analogie, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 32 supra, point 137).

76      Il y a lieu, en outre, de relever que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 70 supra, point 97, et la jurisprudence citée).

77      En troisième lieu, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH, ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que l’autorité de l’Union en cause est tenue de communiquer les motifs d’une mesure restrictive à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où ladite mesure est adoptée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à l’entité concernée l’exercice, dans les délais, de son droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte en cause qui lui incombe (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, point 36 supra, points 335 à 337, et la jurisprudence citée).

78      Au vu de cette jurisprudence, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner les arguments présentés par les parties sous le deuxième moyen, selon les quatre étapes décrites ci-après. Premièrement, il y a lieu d’examiner l’argument liminaire du Conseil et de la Commission selon lequel la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense. Deuxièmement, il convient d’examiner les arguments relatifs à l’obligation de motivation, troisièmement, ceux relatifs à la prétendue violation des droits de la défense de la requérante et, quatrièmement, ceux relatifs à la prétendue violation de son droit à une protection juridictionnelle effective.

–       Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

79      Le Conseil et la Commission contestent l’applicabilité du principe du respect des droits de la défense au cas d’espèce. En se référant à l’arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Tay Za/Conseil (T‑181/08, Rec. p. II‑1965, points 121 à 123), ils font valoir que la requérante n’a pas été visée par des mesures restrictives en raison de son activité propre, mais en raison de son appartenance à la catégorie générale des personnes et des entités ayant apporté un appui à la prolifération nucléaire et ayant aidé des entités visées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles faisaient l’objet. Par conséquent, la procédure d’adoption des mesures restrictives n’aurait pas été ouverte à l’encontre de la requérante au sens de la jurisprudence citée au point 73 ci‑dessus et elle ne pourrait, dès lors, pas se prévaloir des droits de la défense ou pourrait seulement s’en prévaloir dans une mesure restreinte.

80      Cette argumentation ne saurait être retenue.

81      En effet, d’une part, l’arrêt Tay Za/Conseil, point 79 supra, a été annulé sur pourvoi, dans son intégralité, par l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, non encore publié au Recueil). Par conséquent, les constats opérés dans ledit arrêt ne font plus partie de l’ordre juridique de l’Union et ne sauraient donc être valablement invoqués par le Conseil et par la Commission.

82      D’autre part, l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007, l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010 et l’article 46, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 267/2012 prévoient des dispositions garantissant les droits de la défense des entités visées par des mesures restrictives adoptées en vertu de ces textes. Le respect de ces droits fait l’objet du contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 70 supra, point 37).

83      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le principe du respect des droits de la défense, tel que rappelé aux points 73 à 76 ci‑dessus, peut être invoqué par la requérante en l’espèce.

–       Sur la violation de l’obligation de motivation

84      La requérante fait valoir, en substance, qu’elle n’est pas en mesure de comprendre sur quelle base elle a été inscrite sur les listes des personnes faisant l’objet de mesures de gel des fonds, que l’insuffisance de la motivation n’a pas été palliée par les documents communiqués ultérieurement et que la lettre du 5 décembre 2011 que le Conseil lui a adressée est stéréotypée.

85      Le Conseil, soutenu par la Commission, s’oppose à ces arguments.

86      Il convient de remarquer, d’emblée, que, pour apprécier le respect de l’obligation de motivation et de l’obligation de communiquer à l’entité intéressée les éléments retenus à sa charge, il y a lieu de prendre en considération, outre les motifs figurant dans les actes attaqués, les trois propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées par le Conseil à la requérante.

87      En effet, d’une part, il ressort desdites propositions, telles que communiquées à la requérante, qu’elles ont été soumises aux délégations des États membres dans le contexte de l’adoption des mesures restrictives la visant et qu’elles constituent, par conséquent, des éléments sur lesquels sont fondées ces mêmes mesures.

88      D’autre part, il est vrai que les trois propositions ont été communiquées à la requérante tant après l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010 qu’après l’introduction du recours. Dès lors, elles ne peuvent valablement compléter la motivation de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010. Elles peuvent, néanmoins, être prises en considération dans le cadre de l’appréciation de la légalité des actes ultérieurs, à savoir de la décision 2011/783, du règlement d’exécution n° 1245/2011 et du règlement n° 267/2012.

89      Les actes attaqués mentionnent les six motifs suivants qui concernent la requérante :

–        la requérante a fourni des services financiers à des sociétés liées aux programmes iraniens de prolifération nucléaire et a aidé des entités désignées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles faisaient l’objet (ci-après le « premier motif ») ;

–        la requérante fournit des services financiers à des entités placées sous le contrôle du « Ministry of defense and armed forces logistics » (ministère de la Défense et de la logistique des forces armées,ci-après le « Modafl ») ainsi qu’aux sociétés écran de ces entités, qui soutiennent les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran (ci-après le « deuxième motif ») ;

–        la requérante a continué à effectuer des paiements pour la Bank Sepah, après sa désignation par les Nations unies, y compris des paiements liés aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran (ci-après le « troisième motif ») ;

–        la requérante a effectué des transactions pour des entités iraniennes agissant dans le domaine de la défense et des missiles, un grand nombre de ces entités faisant l’objet de sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « quatrième motif ») ;

–        la requérante a servi de principal intermédiaire dans le financement de la Bank Sepah (sanctionnée par le Conseil de sécurité des Nations unies depuis 2007), y compris pour les paiements liés aux armes de destruction massive (AMD) (ci-après le « cinquième motif ») ;

–        la requérante fournit des services financiers à diverses entités du Modafl et a facilité des activités d’achat en cours par des sociétés écran liées à des entités du Modafl (ci-après le « sixième motif »).

90      Les première et deuxième propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées le 22 février 2011 recoupent la motivation des actes attaqués.

91      La troisième proposition d’adoption des mesures restrictives ajoute les motifs suivants :

–        plusieurs comptes ouverts au nom de la requérante servent à rétribuer les fournisseurs d’organismes impliqués dans les programmes iraniens de prolifération (ci-après le « septième motif ») ;

–        la requérante se substitue aux banques iraniennes (Sepah et Melli) dont les actifs sont gelés, altérant ainsi l’effet des sanctions (ci‑après le « huitième motif »).

92      Enfin, la lettre du 5 décembre 2011 adressée à la requérante indique que, à la suite d’un réexamen, le Conseil a décidé que la requérante devrait continuer à faire l’objet des mesures restrictives prévues dans le cadre de la décision 2010/413 et du règlement n° 961/2010, puisque le dossier ne contenait pas de nouveaux éléments qui justifieraient une modification de sa position, les motifs d’inscription dans les annexes de ces deux actes demeurant donc valables.

93      Dans ce contexte, il convient de rappeler que les conditions d’inscription du nom d’une personne physique ou morale, d’une entité ou d’un organisme sont définies, en des termes quasi identiques, à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012. Ces dispositions définissent des critères alternatifs de désignation. D’une part, la mise en œuvre des dispositions de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010, de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012 et des dispositions équivalentes de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 requiert que l’entité concernée participe, qu’elle soit directement associée ou qu’elle apporte un appui à la prolifération nucléaire (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 70 supra, point 57) (premier critère). D’autre part, la mise en œuvre des dispositions de l’article 16, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 961/2010, de l’article 23, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 267/2012 et des dispositions équivalentes de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 requiert que l’entité concernée ait aidé une personne, une entité ou un organisme désigné ou inscrit sur une liste à se soustraire aux mesures restrictives ou à éviter celles-ci (second critère). Outre l’indication de la base juridique de la mesure adoptée, l’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu porte précisément sur ces circonstances (voir, par analogie, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 70 supra, point 83).

94      À cet égard, s’agissant des troisième et cinquième motifs, ainsi que du huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la Bank Sepah, il convient de constater que, pris ensemble, ils sont suffisamment précis, contrairement à ce que fait valoir la requérante. En effet, ces motifs permettent à la requérante de comprendre que le Conseil lui reproche d’avoir altéré l’effet des sanctions imposées par les Nations unies contre la Bank Sepah, en ayant entretenu et poursuivi des relations commerciales avec cette dernière, même après l’adoption desdites sanctions. Notamment, la requérante aurait effectué des paiements pour son compte et aurait servi d’intermédiaire dans son financement. Ces indications permettaient donc à la requérante de comprendre que le comportement qui lui était reproché dans le cadre desdits motifs relevait du second critère mentionné au point 93 ci-dessus. S’il est vrai que les indications fournies par le Conseil ne précisent ni la nature, ni la date ou la destination des paiements, ni la nature de l’intermédiation financière en question, elles permettaient néanmoins à la requérante de vérifier si elle entretenait des relations avec la Bank Sepah, si elle avait effectué des paiements à son ordre ou pour son compte et si elle était intervenue dans son financement.

95      En revanche, il convient de constater que les premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs, ainsi que le huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la banque Melli, sont excessivement vagues, en ce qu’ils ne précisent pas le comportement reproché à la requérante ou n’identifient pas les autres entités concernées.

96      En effet, le premier motif n’identifie pas les sociétés, liées aux programmes iraniens de prolifération, auxquelles la requérante aurait fourni des services financiers et n’indique pas quelle serait la nature de ces services. En outre, il n’est pas indiqué quelles sont les entités, désignées par les Nations unies, qui auraient été aidées par la requérante à contourner et à violer les sanctions dont elles faisaient l’objet.

97      Le deuxième motif n’identifie pas les entités placées sous le contrôle du Modafl ni leurs sociétés écrans, soutenant les programmes nucléaires ou balistiques iraniens, auxquelles la requérante aurait fourni des services financiers, ni la nature des services fournis.

98      Le quatrième motif n’identifie ni les entités, agissant dans le domaine de la défense et des missiles, pour lesquelles la requérante aurait effectué des transactions, ni la nature des transactions en cause.

99      Le sixième motif n’identifie pas les diverses entités du Modafl auxquelles la requérante aurait fourni des services financiers, ni la nature des services fournis. De même, il n’est pas indiqué quelles auraient été les sociétés écran, liées à des entités du Modafl, dont la requérante aurait facilité les activités d’achat en cours, ni de quels achats il s’agissait.

100    Le huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la banque Melli, ne précise pas par quelles transactions et à l’égard de quelles activités la requérante se serait substituée à la banque Melli.

101    Enfin, la lettre du 5 décembre 2011, adressée à la requérante, ne contient aucun élément supplémentaire de nature à motiver les mesures imposées à celle-ci.

102    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le Conseil a violé l’obligation de motivation ainsi que l’obligation de communiquer à la requérante, en sa qualité d’entité intéressée, les éléments retenus à sa charge, en ce qui concerne les premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs, ainsi qu’en ce qui concerne le huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la banque Melli. En revanche, lesdites obligations ont été respectées en ce qui concerne les troisième et cinquième motifs, ainsi qu’en ce qui concerne le huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la Bank Sepah.

103    Le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation est, par conséquent, partiellement fondé. Néanmoins, cette circonstance ne justifie pas, à elle seule, l’annulation des actes attaqués en ce qu’ils concernent la requérante, compte tenu de ce que les troisième et cinquième motifs, ainsi que le huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la Bank Sepah, sont indépendants des autres motifs invoqués et, pris ensemble, présentent un caractère suffisamment précis. Dès lors, la violation constatée implique seulement que les premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs, ainsi que le huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la banque Melli, ne peuvent pas être pris en considération lors de l’examen du moyen concernant le bien-fondé des mesures restrictives visant la requérante.

–       Sur la violation du droit d’être entendu

104    La requérante fait valoir qu’elle n’a pas été entendue préalablement à son inscription sur les listes de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. En outre, elle estime que l’insuffisance de motivation des actes attaqués implique également une violation de son droit d’être entendue. Enfin, elle n’aurait pas été entendue par le haut représentant et par la Commission qui seraient, en vertu de l’article 215 TFUE, seuls compétents pour proposer l’adoption des mesures restrictives la visant.

105    Le Conseil, soutenu par la Commission, réfute ces arguments.

106    En premier lieu, s’agissant du dernier argument exposé au point 104 ci-dessus, il suffit de relever, à l’instar du Conseil, que ce dernier est le seul auteur des actes attaqués, de sorte qu’il n’y avait pas lieu pour la requérante d’être entendue par le haut représentant et par la Commission.

107    En second lieu, en ce qui concerne, tout d’abord, le droit de la requérante d’être entendue par le Conseil en tant qu’auteur des actes attaqués, il y a d’abord lieu de constater que, à la suite de l’adoption des premiers actes par lesquels ses fonds ont été gelés, le 26 juillet 2010, la requérante a adressé au Conseil, le 6 septembre 2010, une lettre dans laquelle elle a exposé son point de vue et demandé que les mesures restrictives adoptées à son égard soient supprimées. Le Conseil a répondu à cette lettre le 28 octobre 2010. Ensuite, avant l’adoption de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011, la requérante a présenté ses observations au Conseil par lettre du 29 juillet 2011, à laquelle le Conseil a répondu le 5 décembre 2011. Enfin, la requérante ne présente pas d’arguments suggérant qu’elle n’était pas en mesure de présenter de nouvelles observations au Conseil, de façon similaire, avant l’adoption du règlement n° 267/2012.

108    Partant, il y a lieu de considérer que la requérante a eu l’occasion de faire valoir utilement son point de vue, sauf s’agissant des premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs fournis par le Conseil, ainsi que s’agissant du huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la banque Melli, lesdits motifs ayant un caractère excessivement vague (voir point 102 ci‑dessus).

–       Sur la violation du droit à une protection juridictionnelle effective

109    La requérante fait valoir, en substance, que les défauts de motivation entachant les actes attaqués portent atteinte à son droit à une protection juridictionnelle effective.

110    Le Conseil, soutenu par la Commission, réfute ces arguments.

111    À l’instar de ce qui a été constaté au point 102 ci-dessus, il y a lieu de considérer que, pour autant que la requérante a obtenu la communication individuelle de motifs suffisamment précis, à savoir les troisième et cinquième motifs invoqués par le Conseil, ainsi que le huitième motif, dans la mesure où il concerne la substitution de la requérante à la Bank Sepah, son droit à une protection juridictionnelle effective a été respecté.

112    En revanche, le caractère vague des premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs fournis par le Conseil, ainsi que du huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la banque Melli, sont constitutifs d’une violation du droit de la requérante à une protection juridictionnelle effective, tel que défini au point 77 ci-dessus, de sorte qu’il convient d’accueillir le grief qu’elle formule à cet égard.

113    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, en ce qui concerne les premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs fournis par le Conseil, ainsi que le huitième motif, dans la mesure où il concerne la substitution de la requérante à la banque Melli, et de le rejeter pour le surplus. Toutefois, dans la mesure où l’inscription de la requérante et son maintien sur les listes annexées aux actes attaqués restent motivés, à suffisance de droit, par les troisième et cinquième motifs invoqués par le Conseil, ainsi que le huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la Bank Sepah, l’accueil partiel de ce moyen ne saurait entraîner, en soi, l’annulation desdits actes.

 Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation et de droit

114    Le Tribunal considère qu’il convient, s’agissant de ce moyen, d’examiner d’abord la branche tirée d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante.

115    La requérante fait valoir que le Conseil a erronément considéré qu’elle avait aidé des entités visées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles faisaient l’objet et devait, de ce fait, être visée par des mesures restrictives, alors qu’elle menait des opérations de nature commerciale. Elle conteste la réalité des comportements qui lui sont reprochés, qu’elle estime non établis par des éléments d’information ou de preuve.

116    En particulier, le motif visant ses prétendues relations avec la Bank Sepah serait entaché d’une erreur en ce que cette dernière ne pourrait pas être considérée comme ayant violé ou éludé les dispositions de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité des Nations unies, ces dernières dispositions n’ayant pas d’effet direct et s’adressant uniquement aux États membres. Par voie de conséquence, elle ne pourrait pas non plus être considérée comme ayant aidé la Bank Sepah à violer ou à éluder lesdites dispositions.

117    Le Conseil, soutenu par la Commission, s’oppose à ces arguments. Il fait valoir, en particulier, que la requérante est visée par des mesures restrictives précisément en raison de certaines de ses opérations commerciales. De plus, si certains des faits reprochés à la requérante se sont déroulés dans le passé, d’autres seraient actuellement en cours ; en tout état de cause, le fait d’avoir aidé, dans le passé, des entités visées par les Nations unies à contourner et à violer les sanctions dont elles faisaient l’objet serait suffisant pour justifier l’adoption de mesures restrictives. Par ailleurs, la requérante ne nierait pas ses liens avec la Bank Sepah et ne présenterait pas non plus de preuves contraires. Enfin, si les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies s’adressaient aux États, les mesures restrictives adoptées à l’égard de la Bank Sepah participeraient précisément de la mise en œuvre desdites résolutions.

118    Selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. En cas de contestation, il appartient au Conseil de présenter ces éléments en vue de leur vérification par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 70 supra, points 37 et 107).

119    Au vu de cette jurisprudence, et compte tenu du défaut de motivation des premier, deuxième, quatrième, sixième et septième motifs invoqués par le Conseil à l’égard de la requérante, ainsi que du huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la banque Melli (voir point 102 ci‑dessus), il convient de se limiter à la vérification du bien‑fondé des troisième et cinquième motifs, ainsi que du huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la Bank Sepah. Ces trois motifs ont tous pour objet de prétendues relations de la requérante avec la Bank Sepah, sanctionnée par le Conseil de sécurité des Nations unies.

120    En ce qui concerne le troisième motif, il convient de relever que la requérante conteste avoir effectué des paiements pour la Bank Sepah après sa désignation par les Nations unies en 2007, qui seraient d’une quelconque manière en violation des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies ou liés aux programmes nucléaires et balistiques de l’Iran. Lors de l’audience, elle a précisé, à cet égard, qu’il était possible qu’elle ait clôturé après 2007 des transactions déjà engagées avec la Bank Sepah, mais que de telles transactions n’avaient plus eu lieu depuis. Or, force est de constater que le Conseil n’a produit aucun élément de preuve ou d’information que des paiements constituant une violation ou un contournement des mesures restrictives à l’égard de Bank Sepah ont été effectués par la requérante, malgré une invitation du Tribunal en ce sens. Par conséquent, le troisième motif fourni par le Conseil ne justifie pas l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante.

121    Le même constat est applicable au cinquième motif. En effet, alors que la requérante souligne qu’elle ne participe pas à des financements ayant un lien avec les activités militaires, nucléaires, balistiques ou liés à des AMD, ni n’offre des services qui y seraient liés, et qu’elle conteste, en particulier, avoir servi de principal intermédiaire dans le financement de la Bank Sepah, y compris pour des paiements liés aux AMD, le Conseil n’a produit aucun élément de preuve ou d’information de nature à établir que de tels services auraient été fournis par elle, malgré une invitation du Tribunal en ce sens.

122    S’agissant, en dernier lieu, du huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la Bank Sepah, il convient de constater que, alors que la requérante conteste s’être substituée à la Bank Sepah ou avoir agi d’une quelconque manière en vue de contourner ou d’altérer les effets des sanctions adoptées à l’encontre de ladite banque, le Conseil n’a produit aucun élément de preuve ou d’information pour établir que la requérante aurait agi de telle manière, malgré une invitation du Tribunal en ce sens. Dès lors, il y a lieu de conclure que le huitième motif, pour autant qu’il concerne la substitution de la requérante à la Bank Sepah, ne justifie pas non plus l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante.

123    Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir la branche du troisième moyen tirée d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante, sans qu’il y ait lieu d’examiner l’autre branche de ce moyen, tirée d’une erreur de droit.

124    Au vu de tout ce qui précède, il convient d’annuler les actes portant inscription et maintien de la requérante sur les listes des personnes faisant l’objet de mesures de gel des fonds, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués au soutien des quatrième et cinquième chefs de conclusions présentés par la requérante.

125    Étant donné que l’inscription de la requérante sur les listes annexées aux actes attaqués est annulée, elle ne peut plus être affectée par la décision 2010/413. Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur le premier chef de conclusions de la requérante, repris au point 30 ci-dessus, ni d’examiner la fin de non-recevoir soulevée à son égard par le Conseil.

 Sur les effets dans le temps de l’annulation

126    En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation des actes portant inscription et maintien de la requérante sur les listes des personnes faisant l’objet de mesures de gel des fonds, il y a lieu de relever, d’abord, que l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, notamment dans sa version issue du règlement d’exécution n° 1245/2011, ne produit plus d’effets juridiques à la suite de l’abrogation de ce dernier règlement, opérée par le règlement n° 267/2012. Par conséquent, l’annulation de l’inscription de la requérante dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, notamment dans sa version issue du règlement d’exécution n° 1245/2011, pour autant qu’elle concerne la requérante, ne concerne que les effets de ladite inscription, produits à l’égard de la requérante, entre son entrée en vigueur et son abrogation.

127    Ensuite, quant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Le Conseil dispose donc d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier à la violation constatée en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard de la requérante.

128    En l’espèce, le risque d’une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose le règlement n° 267/2012 n’apparaît pas suffisamment élevé, compte tenu de l’importante incidence de ces mesures sur les droits et les libertés de la requérante, pour justifier le maintien des effets dudit règlement à l’égard de cette dernière pendant une période allant au-delà de celle prévue à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2011, Kadio Morokro/Conseil, T‑316/11, non publié au Recueil, point 38).

129    Enfin, en ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation de l’inscription de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413, telle qu’issue de la décision 2010/644 puis de la décision 2011/783, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

130    En l’espèce, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation de l’inscription de la requérante dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012 et l’annulation de son inscription dans l’annexe II de la décision 2010/413, telle qu’issue de la décision 2010/644 puis de la décision 2011/783, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, lesdits actes infligeant à la requérante des mesures restrictives identiques. Les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle qu’issue de la décision 2010/644 puis de la décision 2011/783, doivent donc être maintenus à l’égard de la requérante jusqu’à la prise d’effet de l’annulation de l’inscription de la requérante dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (voir, par analogie, arrêt Kadio Morokro/Conseil, point 128 supra, point 39).

 Sur les dépens

131    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. En l’espèce, le Conseil ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

132    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Sont annulés, pour autant qu’ils concernent l’Export Development Bank of Iran :

–        l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC, telle que modifiée par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, puis par la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011 ;

–        la décision 2010/644 ;

–        l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007, telle que modifiée par le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 ;

–        la décision 2011/783 ;

–        le règlement d’exécution n° 1245/2011 ;

–        l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010.

2)      Les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644 puis par la décision 2011/783, à l’égard de l’Export Development Bank of Iran sont maintenus jusqu’à la prise d’effet de l’annulation de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant que celle-ci concerne l’Export Development Bank of Iran.

3)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande visant à déclarer que la décision 2010/413 n’est pas applicable à l’Export Development Bank of Iran.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Export Development Bank of Iran.

6)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité de la demande d’annulation des actes futurs

Sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante

Sur l’adaptation des conclusions de la requérante

Sur le fond

Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer les protections et garanties liées aux droits fondamentaux

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

– Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

– Sur la violation de l’obligation de motivation

– Sur la violation du droit d’être entendu

– Sur la violation du droit à une protection juridictionnelle effective

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation et de droit

Sur les effets dans le temps de l’annulation

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.