ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

21 décembre 2011 (*)

«Libre circulation des personnes – Directive 2004/38/CE – Droit de séjour permanent – Article 16 – Séjour légal – Séjour fondé sur le droit national – Séjour accompli avant l’adhésion à l’Union de l’État d’origine du citoyen concerné»

Dans les affaires jointes C‑424/10 et C‑425/10,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne), par décisions du 13 juillet 2010, parvenues à la Cour le 31 août 2010, dans les procédures

Tomasz Ziolkowski (C‑424/10),

Barbara Szeja,

Maria-Magdalena Szeja,

Marlon Szeja (C‑425/10)

contre

Land Berlin,

en présence de:

Vertreter des Bundesinteresses beim Bundesverwaltungsgericht,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, J. Malenovský et U. Lõhmus, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. M. Ilešič, E. Levits, T. von Danwitz et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juillet 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Ziolkowski ainsi que pour Mme Szeja et ses enfants, par Me L. Weber, Rechtsanwalt, 

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. B. Doherty, barrister,

–        pour le gouvernement grec, par Mmes M. Michelogiannaki et T. Papadopoulou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de M. T. Ward, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. W. Bogensberger et M. Wilderspin ainsi que par Mme D. Maidani, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation du droit de séjour permanent prévu à l’article 16 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, M. Ziolkowski ainsi que, d’autre part, Mme Szeja et ses deux enfants mineurs au Land Berlin au sujet du refus de ce dernier de leur délivrer un document attestant de leur droit de séjour permanent au titre de l’article 16 de la directive 2004/38. 

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes des troisième, quatrième, dixième, dix-septième, dix-huitième et vingt-neuvième considérants de la directive 2004/38:

«(3)      La citoyenneté de l’Union devrait constituer le statut de base des ressortissants des États membres lorsqu’ils exercent leur droit de circuler et de séjourner librement. Il est par conséquent nécessaire de codifier et de revoir les instruments communautaires existants qui visent séparément les travailleurs salariés, les non salariés, les étudiants et autres personnes sans emploi en vue de simplifier et de renforcer le droit à la liberté de circulation et de séjour de tous les citoyens de l’Union.

(4)      En vue de dépasser cette approche sectorielle et fragmentaire du droit de circuler et de séjourner librement et dans le but de faciliter l’exercice de ce droit, il convient d’élaborer un acte législatif unique visant à modifier le règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté [(JO L 257, p. 2), tel que modifié par le règlement (CEE) nº 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992 (JO L 245, p. 1),] et à abroger les actes suivants: la directive 68/360/CEE du Conseil du 15 octobre 1968 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté [(JO L 257, p. 13)], la directive 73/148/CEE du Conseil du 21 mai 1973 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services [(JO L 172, p. 14)], la directive 90/364/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour [(JO L 180, p. 26)], la directive 90/365/CEE du Conseil du 28 juin 1990 relative au droit de séjour des travailleurs salariés et non salariés ayant cessé leur activité professionnelle [(JO L 180, p. 28)] et la directive 93/96/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 relative au droit de séjour des étudiants [(JO L 317, p. 59)].

[...]

(10)      Il convient cependant d’éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant une première période de séjour. L’exercice du droit de séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille, pour des périodes supérieures à trois mois, devrait, dès lors, rester soumis à certaines conditions.

[…]

(17)      La jouissance d’un séjour permanent pour les citoyens de l’Union qui ont choisi de s’installer durablement dans l’État membre d’accueil renforcerait le sentiment de citoyenneté de l’Union et est un élément clef pour promouvoir la cohésion sociale, qui est l’un des objectifs fondamentaux de l’Union. Il convient dès lors de prévoir un droit de séjour permanent pour tous les citoyens de l’Union et les membres de leur famille qui ont séjourné dans l’État membre d’accueil, conformément aux conditions fixées par la présente directive, au cours d’une période continue de cinq ans, pour autant qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une mesure d’éloignement.

(18)      En vue de constituer un véritable moyen d’intégration dans la société de l’État membre d’accueil dans lequel le citoyen de l’Union réside, le droit de séjour permanent ne devrait être soumis à aucune autre condition une fois qu’il a été obtenu.

[…]

(29)      La présente directive ne devrait pas affecter les dispositions nationales plus favorables.» 

4        Sous le chapitre I de la directive 2004/38, intitulé «Dispositions générales», l’article 1er de celle-ci, lui-même intitulé «Objet», énonce:

«La présente directive concerne:

a)      les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres;

b)      le droit de séjour permanent, dans les États membres, des citoyens de l’Union et des membres de leur famille;

[…]»

5        Le chapitre III de ladite directive, intitulé «Droit de séjour», comprend les articles 6 à 15 de celle-ci.

6        Sous l’intitulé «Droit de séjour jusqu’à trois mois», ledit article 6 prévoit:

«1.      Les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.

2.      Les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également aux membres de la famille munis d’un passeport en cours de validité qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union.»

7        L’article 7 de la directive 2004/38, intitulé «Droit de séjour de plus de trois mois», est libellé comme suit:

«1.      Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:

a)      s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil; ou

b)      s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil; ou,

c)      –       s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

–        s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour; ou

d)      si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2.      Le droit de séjour prévu au paragraphe [1] s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c).

3.      Aux fins du paragraphe 1, point a), le citoyen de l’Union qui n’exerce plus d’activité salariée ou non salariée conserve la qualité de travailleur salarié ou de non salarié dans les cas suivants:

a)      s’il a été frappé par une incapacité de travail temporaire résultant d’une maladie ou d’un accident;

b)      s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté après avoir été employé pendant plus d’un an et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent;

c)      s’il se trouve en chômage involontaire dûment constaté à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois et s’est fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent; dans ce cas, il conserve le statut de travailleur pendant au moins six mois;

d)      s’il entreprend une formation professionnelle. À moins que l’intéressé ne se trouve en situation de chômage involontaire, le maintien de la qualité de travailleur suppose qu’il existe une relation entre la formation et l’activité professionnelle antérieure.

4.      Par dérogation au paragraphe 1, point d), et au paragraphe 2 ci-dessus, seul le conjoint, le partenaire enregistré au sens de l’article 2, paragraphe 2, point b), et les enfants à charge bénéficient du droit de séjour en tant que membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui remplit les conditions énoncées au paragraphe 1, point c). L’article 3, paragraphe 1, s’applique à ses ascendants directs à charge et à ceux de son conjoint ou partenaire enregistré.»

8        L’article 12 de la directive 2004/38, intitulé «Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de décès ou départ du citoyen de l’Union», dispose à ses paragraphes 1 et 2:

«1.      Sans préjudice du deuxième alinéa, le décès du citoyen de l’Union ou son départ du territoire de l’État membre d’accueil n’affecte pas le droit de séjour des membres de sa famille qui ont la nationalité d’un État membre.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, les intéressés doivent remplir eux-mêmes les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, points a), b), c) ou d).

2.      Sans préjudice du deuxième alinéa, le décès du citoyen de l’Union n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui résidaient dans l’État membre d’accueil en tant que membre de sa famille depuis au moins un an avant le décès du citoyen de l’Union.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles définies à l’article 8, paragraphe 4.

Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel.»

9        Sous le titre «Maintien du droit de séjour des membres de la famille en cas de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré», l’article 13 de la directive 2004/38 énonce:

«1.      Sans préjudice du deuxième alinéa, le divorce, l’annulation du mariage d’un citoyen de l’Union ou la rupture d’un partenariat enregistré tel que visé à l’article 2, point 2) b), n’affecte pas le droit de séjour des membres de sa famille qui ont la nationalité d’un État membre.

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, les intéressés doivent remplir les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, points a), b), c) ou d).

2.      Sans préjudice du deuxième alinéa, le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré tel que visé à l’article 2, point 2 b), n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre:

[…]

Avant l’acquisition du droit de séjour permanent, le droit de séjour des intéressés reste soumis à l’obligation de pouvoir démontrer qu’ils sont travailleurs salariés ou non ou qu’ils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant la durée de leur séjour, et qu’ils sont entièrement couverts par une assurance maladie dans l’État membre d’accueil, ou qu’ils sont membres de la famille, déjà constituée dans l’État membre d’accueil, d’une personne répondant à ces exigences. Les ressources suffisantes sont celles prévues à l’article 8, paragraphe 4.

Les membres de la famille susvisés conservent leur droit de séjour exclusivement à titre personnel.»

10      Sous l’intitulé «Maintien du droit de séjour», l’article 14 de la directive 2004/38 dispose:

«1.      Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

2.      Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 7, 12 et 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans ces articles.

Dans certains cas spécifiques lorsqu’il est permis de douter qu’un citoyen de l’Union ou les membres de sa famille remplissent les conditions énoncées aux articles 7, 12 et 13, les États membres peuvent vérifier si c’est effectivement le cas. Cette vérification n’est pas systématique.

3.      Le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement.

4.      À titre de dérogation aux dispositions des paragraphes 1 et 2 et sans préjudice des dispositions du chapitre VI, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une mesure d’éloignement lorsque:

a)      les citoyens de l’Union concernés sont des salariés ou des non salariés; ou

b)      les citoyens de l’Union concernés sont entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi. Dans ce cas, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent être éloignés tant que les citoyens de l’Union sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à chercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés.»

11      Sous le chapitre IV de la directive 2004/38, intitulé «Droit de séjour permanent», l’article 16 de celle-ci, lui-même intitulé «Règle générale pour les citoyens de l’Union et les membres de leur famille», est libellé comme suit:

«1.      Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III.

2.      Le paragraphe 1 s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.

3.      La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations militaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers.

4.      Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil.»

12      Sous le même chapitre IV, l’article 18 de la directive 2004/38, intitulé «Acquisition du droit de séjour permanent des membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre», prévoit:

«Sans préjudice des dispositions de l’article 17, les membres de la famille d’un citoyen de l’Union visés à l’article 12, paragraphe 2, et à l’article 13, paragraphe 2, qui remplissent les conditions énoncées dans ces dispositions, acquièrent un droit de séjour permanent après avoir séjourné légalement, de façon continue, pendant cinq ans dans l’État membre d’accueil.»

13      Aux termes de l’article 37 de la directive 2004/38:

«Les dispositions de la présente directive ne portent pas atteinte aux dispositions législatives, réglementaires et administratives d’un État membre qui seraient plus favorables aux personnes visées par la présente directive.»

 Le droit national

14      Sous l’intitulé «Droit d’entrée et de séjour», l’article 2, paragraphes 1 et 2, de la loi sur la libre circulation des citoyens de l’Union (Gesetz über die allgemeine Freizügigkeit von Unionsbürgern), du 30 juillet 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1950), telle que modifiée par la loi de transposition des directives de l’Union européenne en matière de droit de séjour et d’asile (Gesetz zur Umsetzung aufenthalts- und asylrechtlicher Richtlinien der Europäischen Union), du 19 août 2007 (BGBl. 2007 I, p. 1970, ci-après la «FreizügG/EU»), dispose:

«(1)      Les citoyens de l’Union bénéficiant de la libre circulation et les membres de leur famille ont le droit d’entrer et de séjourner sur le territoire fédéral conformément aux dispositions de la présente loi.

(2)      Bénéficient de la libre circulation en vertu du droit communautaire:

[…]

5.      les citoyens de l’Union n’ayant pas d’activité professionnelle, conformément aux conditions de l’article 4,

[…]»

15      L’article 4 de la FreizügG/EU, intitulé «Personnes bénéficiant de la liberté de circulation n’ayant pas d’activité professionnelle», énonce:

«Les citoyens de l’Union sans activité professionnelle, les membres de leur famille et leurs partenaires, qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union, bénéficient du droit prévu à l’article 2, paragraphe 1, s’ils disposent d’une assurance maladie suffisante et de ressources suffisantes. […]»

16      L’article 4 bis de la FreizügG/EU, intitulé «Droit de séjour permanent», dispose à son paragraphe 1:

«Les citoyens de l’Union, les membres de leur famille et leurs partenaires ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire fédéral bénéficient du droit d’entrée et de séjour indépendamment du point de savoir s’ils satisfont toujours aux conditions de l’article 2, paragraphe 2 (droit de séjour permanent).»

17      Aux termes de l’article 5, paragraphe 6, de la FreizügG/EU:

«Il est délivré immédiatement aux citoyens de l’Union qui en font la demande un document attestant de leur droit de séjour permanent.»

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

18      M. Ziolkowski est un ressortissant polonais qui est arrivé en Allemagne au cours du mois de septembre 1989. Il a obtenu un permis de séjour pour raisons humanitaires pour la période allant du mois de juillet 1991 à celui d’avril 2006.

19      Mme Szeja est une ressortissante polonaise qui est arrivée en 1988 en Allemagne. Elle a obtenu un permis de séjour pour raisons humanitaires au titre de la période allant du mois de mai 1990 au mois d’octobre 2005. Ses enfants sont nés en Allemagne en 1994 et en 1996. Ils ont obtenu un permis de séjour correspondant à celui de leur mère. Le père des enfants est un ressortissant turc qui vit séparément, mais il exerce conjointement avec Mme Szeja le droit de garde sur ces derniers.

20      En 2005, M. Ziolkowski ainsi que Mme Szeja et ses enfants ont demandé au Land Berlin la prolongation de leurs permis de séjour ou, le cas échéant, la délivrance d’une attestation de leur droit de séjour permanent au titre du droit de l’Union. La demande présentée par Mme Szeja et ses enfants a été rejetée. M. Ziolkowski a obtenu la prolongation de son permis de séjour jusqu’au mois d’avril 2006, mais, par la suite, sa nouvelle demande de prorogation a été également rejetée. Les intéressés ont tous été informés que d’éventuelles mesures d’éloignement vers leur État membre d’origine seraient prises à leur encontre, faute pour eux de quitter le territoire allemand dans un certain délai après la date à laquelle lesdites décisions de rejet du Land Berlin deviendraient définitives.

21      Selon le Land Berlin, la prolongation des permis de séjour des requérants au principal n’était pas possible parce qu’ils n’étaient pas en mesure de subvenir à leurs besoins. La reconnaissance d’un droit de séjour permanent au titre du droit de l’Union n’aurait pas non plus été possible, étant donné que ces derniers n’exerçaient pas d’activité professionnelle et n’étaient pas non plus en mesure de prouver qu’ils pouvaient subvenir à leurs besoins.

22      Le Verwaltungsgericht (tribunal administratif) a accueilli les recours introduits devant lui par les requérants au principal en jugeant que le droit de séjour permanent au titre du droit de l’Union doit être reconnu en faveur de tout citoyen de l’Union ayant séjourné légalement pendant cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, sans qu’il y ait lieu de vérifier le caractère suffisant de ses ressources. Le Land Berlin ayant interjeté appel des jugements du Verwaltungsgericht, l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg (tribunal administratif supérieur des Länder de Berlin et de Brandebourg) a réformé ceux-ci par arrêts du 28 avril 2009.

23      Selon lesdits arrêts, pourraient seules être prises en compte, aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre du droit de l’Union, les périodes accomplies par le citoyen concerné à partir de la date à laquelle l’État d’origine de ce dernier est devenu membre de l’Union européenne. En outre, aux fins d’une telle acquisition, pourrait seulement être considéré comme légal un séjour effectué sur le fondement de l’article 2, paragraphe 2, de la FreizügG/EU, disposition correspondant à l’article 7 de la directive 2004/38. Dans la mesure où, à la date de l’adhésion de leur État d’origine à l’Union, à savoir le 1er mai 2004, les requérants au principal n’étaient pas des travailleurs et ne disposaient pas non plus de ressources suffisantes pour leur permettre de subvenir à leurs besoins et de ne pas être une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil, ils ne remplissaient pas, selon ladite juridiction, les conditions énoncées audit article 2, paragraphe 2, de la FreizügG/EU et n’avaient donc pas acquis un droit de séjour permanent au sens de l’article 4 bis de cette loi.

24      Les requérants au principal ont formé un recours en «Revision» devant la juridiction de renvoi à l’encontre desdits arrêts de l’Oberverwaltungsgericht Berlin-Brandenburg.

25      La juridiction de renvoi fait siennes les constatations de la juridiction d’appel selon lesquelles les requérants au principal ont séjourné en Allemagne non pas conformément aux conditions prévues par le droit de l’Union, mais sur le seul fondement du droit national. Elle considère toutefois que, si un tel séjour ne saurait permettre l’acquisition du droit de séjour permanent prévu à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, il lui incombe, néanmoins, de saisir la Cour avant de statuer.

26      C’est dans ce contexte que le Bundesverwaltungsgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, lesquelles sont formulées en des termes identiques dans les deux affaires C‑424/10 et C‑425/10:

«1)      L’article 16, paragraphe 1, première phrase, de la directive [2004/38] doit-il être interprété en ce sens qu’il confère à un citoyen de l’Union européenne qui séjourne légalement, et ce uniquement sur le fondement du droit national, depuis plus de cinq ans sur le territoire d’un État membre, sans toutefois avoir rempli pendant cette période les conditions de l’article 7, paragraphe 1, de la directive [2004/38], un droit de séjour permanent dans cet État membre?

2)      Les périodes de séjour du citoyen de l’Union sur le territoire de l’État membre d’accueil qui sont antérieures à l’adhésion de son État d’origine à l’Union européenne doivent-elles être également prises en compte dans le calcul de la durée du séjour légal au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive [2004/38]?»

27      Par ordonnance du président de la Cour du 6 octobre 2010, les affaires C‑424/10 et C‑425/10 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

28      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’un citoyen de l’Union ayant accompli un séjour de plus de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil sur le seul fondement du droit national de celui-ci doit être considéré comme ayant acquis le droit au séjour permanent conformément à cette disposition, alors que, durant ce séjour, il ne satisfaisait pas aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la même directive. 

 Observations soumises à la Cour

29      Selon les requérants au principal, l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 n’exige pas que le citoyen de l’Union remplisse les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive. Pour pouvoir prétendre à l’acquisition du droit de séjour permanent prévu à cet article 16, paragraphe 1, il suffirait de justifier d’un séjour légal, même conformément au droit de l’État membre d’accueil, et la circonstance que le demandeur a eu recours à l’assistance sociale ou le fait que, pendant ce séjour, le service des étrangers aurait pu légitimement constater la perte du droit à la libre circulation seraient dépourvus de pertinence à cet égard.

30      L’ensemble des États membres ayant déposé des observations ainsi que la Commission européenne considèrent, à l’instar de la juridiction de renvoi, que l’acquisition du droit de séjour permanent au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 exige que le citoyen de l’Union concerné ait séjourné pendant une période ininterrompue de cinq ans conformément aux conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive et que, par conséquent, un séjour qui ne remplit pas ces conditions ne saurait être qualifié de «séjour légal», au sens dudit article 16, paragraphe 1.

 Réponse de la Cour

31      Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2004/38, les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire.

32      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (arrêts du 19 septembre 2000, Linster, C‑287/98, Rec. p. I‑6917, point 43, et du 18 octobre 2011, Brüstle, C‑34/10, non encore publié au Recueil, point 25).

33      Or, si le libellé de ladite disposition de la directive 2004/38 ne donne aucune précision quant à la manière dont il convient de comprendre les termes «ayant séjourné légalement» sur le territoire de l’État membre d’accueil, cette directive n’opère pas non plus de renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la signification à retenir de ces termes. Il en résulte que ceux-ci doivent être considérés, aux fins de l’application de ladite directive, comme désignant une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de l’ensemble des États membres. 

34      À cet égard, il convient de rappeler que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie, notamment, en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir, notamment, arrêts du 10 mars 2005, easyCar, C‑336/03, Rec. p. I‑1947, point 21; du 22 décembre 2008, Wallentin-Hermann, C‑549/07, Rec. p. I‑11061, point 17; du 29 juillet 2010, UGT-FSP, C‑151/09, non encore publié au Recueil, point 39, et Brüstle, précité, point 31).

35      Ainsi, tout d’abord, en ce qui concerne les objectifs de la directive 2004/38, le premier considérant de celle-ci rappelle que la citoyenneté de l’Union confère à chaque citoyen de l’Union un droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des restrictions fixées par les traités et des mesures adoptées en vue de leur application (voir arrêts du 7 octobre 2010, Lassal, C‑162/09, non encore publié au Recueil, point 29, et du 5 mai 2011, McCarthy, C‑434/09, non encore publié au Recueil, point 27).

36      S’il est vrai que la directive 2004/38 a pour but de faciliter et de renforcer l’exercice du droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres conféré directement à chaque citoyen de l’Union, il n’en demeure pas moins que son objet concerne, ainsi qu’il ressort de son article 1er, sous a) et b), les conditions d’exercice de ce droit et le droit de séjour permanent, ce dernier ayant été introduit pour la première fois dans l’ordre juridique de l’Union par cette directive, sauf en ce qui concerne les travailleurs ayant cessé leur activité dans l’État membre d’accueil et les membres de leur famille.

37      Il ressort des troisième et quatrième considérants de la directive 2004/38 que celle-ci a pour but de dépasser une approche sectorielle et fragmentaire du droit de circuler et de séjourner librement aux fins de faciliter l’exercice de ce droit en élaborant un acte législatif unique qui codifie et révise les instruments du droit de l’Union antérieurs à cette directive.

38      Ensuite, s’agissant du contexte global de la directive 2004/38, il convient de relever que celle-ci a prévu un système graduel en ce qui concerne le droit de séjour dans l’État membre d’accueil, qui, reprenant en substance les étapes et conditions prévues dans les différents instruments du droit de l’Union et la jurisprudence antérieurs à cette directive, aboutit au droit de séjour permanent.

39      En effet, en premier lieu, pour les séjours allant jusqu’à trois mois, l’article 6 de la directive 2004/38 limite les conditions ou formalités du droit de séjour à l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité et l’article 14, paragraphe 1, de cette directive maintient ce droit tant que le citoyen de l’Union et les membres de sa famille ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

40      En deuxième lieu, pour une durée de séjour de plus de trois mois, le bénéfice du droit de séjour est subordonné aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38 et, aux termes de l’article 14, paragraphe 2, de celle-ci, ce droit n’est maintenu que pour autant que le citoyen de l’Union et les membres de sa famille satisfont à ces conditions. Il ressort, en particulier, du dixième considérant de cette directive que ces conditions visent, notamment, à éviter que ces personnes ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

41      En troisième lieu, il résulte de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 que les citoyens de l’Union acquièrent le droit de séjour permanent après avoir séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil et que ce droit n’est pas soumis aux conditions mentionnées au point précédent. Tel que le dix-huitième considérant de cette directive le relève, le droit de séjour permanent, une fois qu’il a été obtenu, ne doit être soumis à aucune autre condition, et ce dans le but de constituer un véritable moyen d’intégration dans la société de cet État.

42      Enfin, s’agissant du contexte particulier de la directive 2004/38 au regard du droit de séjour permanent, il y a lieu de relever que le dix-septième considérant de celle-ci précise qu’il convient de prévoir un tel droit pour tous les citoyens de l’Union et les membres de leur famille qui ont séjourné dans l’État membre d’accueil, «conformément aux conditions fixées par la présente directive», au cours d’une période continue de cinq ans, pour autant qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une mesure d’éloignement.

43      Une telle précision a été introduite dans ledit considérant, au cours du processus législatif ayant conduit à l’adoption de la directive 2004/38, par la position commune (CE) n° 6/2004, arrêtée par le Conseil de l’Union européenne le 5 décembre 2003 (JO 2004, C 54 E, p. 12). Selon la communication au Parlement européen du 30 décembre 2003 (SEC/2003/1293 final), ladite précision a été introduite «afin de clarifier le contenu du terme séjour légal», au sens de l’article 16, paragraphe 1, de ladite directive.

44      En outre, l’article 18 de la directive 2004/38, qui figure dans le même chapitre que l’article 16 de celle-ci et concerne l’acquisition du droit de séjour permanent des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre, prévoit que, en cas de décès ou de départ de ce citoyen, de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré, lesdits membres doivent, à l’instar de ce qui est prévu au paragraphe 1 dudit article 16, avoir «séjourné légalement», de façon continue, pendant cinq ans dans l’État membre d’accueil pour acquérir le droit de séjour permanent, en renvoyant à cet égard aux articles 12, paragraphe 2, et 13, paragraphe 2, de la même directive, dispositions dont le deuxième alinéa exige des intéressés, parmi d’autres conditions, de pouvoir démontrer eux-mêmes, avant une telle acquisition, qu’ils remplissent les mêmes conditions que celles visées à l’article 7, paragraphe 1, sous a), b) ou d), de cette directive.

45      De même, conformément aux articles 12, paragraphe 1, et 13, paragraphe 1, de la directive 2004/38, si le décès ou le départ du citoyen de l’Union ou encore le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture d’un partenariat enregistré n’affectent pas le droit de séjour des membres de sa famille qui ont la nationalité d’un État membre, ces derniers doivent également démontrer eux-mêmes qu’ils remplissent les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive avant l’acquisition du droit de séjour permanent.

46      Il s’ensuit que la notion de séjour légal qu’impliquent les termes «ayant séjourné légalement», figurant à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, doit s’entendre d’un séjour conforme aux conditions prévues par cette directive, notamment celles énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci.

47      Par conséquent, un séjour conforme au droit d’un État membre, mais ne remplissant pas les conditions visées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, ne saurait être considéré comme un séjour «légal», au sens de l’article 16, paragraphe 1, de celle-ci.

48      À cet égard, une interprétation contraire ne saurait être valablement soutenue sur le fondement de l’article 37 de la directive 2004/38, selon lequel les dispositions de celle-ci ne portent pas atteinte aux dispositions législatives, réglementaires et administratives d’un État membre qui seraient plus favorables aux personnes visées par cette même directive.

49      En effet, il importe de relever que le fait de ne pas porter atteinte aux dispositions nationales plus favorables que celles de la directive 2004/38 en ce qui concerne le droit de séjour des citoyens de l’Union n’implique nullement que ces dispositions doivent être intégrées dans le système mis en œuvre par cette directive.

50      L’article 37 de la directive 2004/38 se borne à prévoir que cette dernière ne s’oppose pas à ce que le droit des États membres institue un régime plus favorable que celui établi par les dispositions de cette directive. Cependant, il appartient à chaque État membre de décider non seulement s’il instaure un tel régime, mais également quels sont les conditions et les effets de ce dernier, notamment en ce qui concerne les conséquences juridiques d’un droit de séjour accordé sur le seul fondement du droit national.

51      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens qu’un citoyen de l’Union ayant accompli un séjour de plus de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil sur le seul fondement du droit national de celui-ci ne saurait être considéré comme ayant acquis le droit au séjour permanent conformément à cette disposition, alors que, durant ce séjour, il ne satisfaisait pas aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la même directive. 

 Sur la seconde question

52      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si les périodes de séjour d’un ressortissant d’un État tiers sur le territoire d’un État membre, accomplies antérieurement à l’adhésion de cet État tiers à l’Union, doivent, à défaut de dispositions spécifiques dans l’acte d’adhésion, être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38.

 Observations soumises à la Cour

53      L’Irlande et la Commission considèrent qu’il n’est pas nécessaire de répondre à la seconde question de la juridiction de renvoi, dans la mesure où il est constant que les requérants au principal n’ont jamais rempli les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, y compris durant les périodes de séjour antérieures à l’adhésion de leur État d’origine à l’Union.

54      Les gouvernements allemand et du Royaume-Uni estiment que les périodes de séjour antérieures à l’adhésion de l’État d’origine du citoyen concerné à l’Union ne peuvent pas être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, étant donné que ce droit de séjour exige que la personne demandant le bénéfice de celui-ci ait séjourné en la qualité de citoyen de l’Union, alors que, avant l’adhésion de la République de Pologne à l’Union, les requérants au principal n’étaient pas des citoyens de cette dernière et, partant, ils ne bénéficiaient pas non plus des droits conférés par les instruments juridiques de l’Union.

55      Le gouvernement grec considère, en revanche, qu’il ressortirait des termes, de la finalité et de l’économie de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 que cette disposition doit être appliquée indépendamment de la date d’adhésion de l’État d’origine du citoyen concerné à l’Union. Par conséquent, les périodes de séjour accomplies antérieurement à l’adhésion devraient être prises en considération, pour autant qu’elles remplissent les conditions prévues par cette directive.

 Réponse de la Cour

56      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’acte d’adhésion d’un nouvel État membre est fondé essentiellement sur le principe général de l’application immédiate et intégrale des dispositions du droit de l’Union audit État, des dérogations n’étant admises que dans la mesure où elles sont prévues expressément par des dispositions transitoires (voir, arrêt du 28 avril 2009, Apostolides, C‑420/07, Rec. p. I‑3571, point 33 et jurisprudence citée).

57      Ainsi, en ce qui concerne l’article 6 du traité CEE (devenu article 6 du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 12 CE) ainsi que les articles 48 et 51 du traité CE (devenus, respectivement, après modification, articles 39 CE et 42 CE), la Cour a eu l’occasion de juger que, l’acte relatif aux conditions d’adhésion d’un État membre ne contenant aucune disposition transitoire en rapport avec l’application de ces articles, ceux-ci doivent être considérés comme étant immédiatement applicables et contraignants à l’égard de cet État membre à compter de la date de son adhésion à l’Union, de sorte que, depuis cette date, ils sont susceptibles d’être invoqués par les ressortissants en provenance de tout État membre et de s’appliquer aux effets actuels et futurs de situations survenues avant l’adhésion dudit État à l’Union (arrêts du 2 octobre 1997, Saldanha et MTS, C‑122/96, Rec. p. I‑5325, point 14; du 30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund, C‑195/98, Rec. p. I‑10497, point 55, ainsi que du 18 avril 2002, Duchon, C‑290/00, Rec. p. I‑3567, point 44).

58      Par ailleurs, la Cour a également jugé que les dispositions relatives à la citoyenneté de l’Union sont applicables dès leur entrée en vigueur et qu’il y a lieu, dès lors, de considérer qu’elles doivent être appliquées aux effets actuels de situations nées antérieurement (voir arrêts du 11 juillet 2002, D’Hoop, C‑224/98, Rec. p. I‑6191, point 25, et Lassal, précité, point, 39).

59      En l’espèce, il n’existe aucune disposition transitoire concernant l’application à la République de Pologne des dispositions du droit de l’Union concernant la libre circulation des personnes dans l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33), hormis certaines dispositions transitoires concernant la libre circulation des travailleurs et la libre prestation des services, contenues dans les annexes de cet acte.

60      Par conséquent, les dispositions de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 sont susceptibles d’être invoquées par des citoyens de l’Union et de s’appliquer aux effets actuels et futurs de situations survenues avant l’adhésion de la République de Pologne à l’Union.

61      À cet égard, il est certes vrai que les périodes de séjour accomplies sur le territoire de l’État membre d’accueil par un ressortissant d’un autre État avant l’adhésion de celui-ci à l’Union relevaient non pas du droit de cette dernière, mais du seul droit de cet État membre d’accueil.

62      Toutefois, pour autant que l’intéressé est en mesure de démontrer que de telles périodes ont été effectuées conformément aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, la prise en considération desdites périodes, à partir de la date de l’adhésion de l’État membre concerné à l’Union, a pour conséquence non pas de donner un effet rétroactif à l’article 16 de cette directive, mais simplement d’octroyer un effet actuel à des situations nées antérieurement à la date de transposition de cette directive (voir arrêt Lassal, précité, point 38).

63      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que les périodes de séjour d’un ressortissant d’un État tiers sur le territoire d’un État membre, accomplies antérieurement à l’adhésion de cet État tiers à l’Union, doivent, à défaut de dispositions spécifiques dans l’acte d’adhésion, être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, pour autant qu’elles ont été effectuées conformément aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci.

 Sur les dépens

64      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      L’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprété en ce sens qu’un citoyen de l’Union ayant accompli un séjour de plus de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil sur le seul fondement du droit national de celui-ci ne saurait être considéré comme ayant acquis le droit au séjour permanent conformément à cette disposition, alors que, durant ce séjour, il ne satisfaisait pas aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la même directive.

2)      Les périodes de séjour d’un ressortissant d’un État tiers sur le territoire d’un État membre, accomplies antérieurement à l’adhésion de cet État tiers à l’Union européenne, doivent, à défaut de dispositions spécifiques dans l’acte d’adhésion, être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, pour autant qu’elles ont été effectuées conformément aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.