DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

15 septembre 2016(*)

« Aides d’État – Taxe municipale sur les biens immobiliers – Exonération accordée aux entités non commerciales exerçant des activités spécifiques – Texte unique des impôts sur les revenus – Exonération de la taxe municipale unique – Décision pour partie constatant l’absence d’aide d’État et pour partie déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution – Affectation directe – Recevabilité –Impossibilité absolue de récupération – Article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑220/13,

Scuola Elementare Maria Montessori Srl, établie à Rome (Italie), représentée initialement par Mes A. Nucara et E. Gambaro, puis par Me Gambaro, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. V. Di Bucci, G. Conte et D. Grespan, puis par MM. Conte, Grespan et Mme F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri et M. G. De Bellis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision 2013/284/UE de la Commission, du 19 décembre 2012, concernant l’aide d’État S.A. 20829 [C 26/2010, ex NN 43/2010 (ex CP 71/2006)] Régime concernant l’exonération de la taxe municipale sur les biens immobiliers utilisés à des fins spécifiques accordée aux entités non commerciales mis à exécution par l’Italie (JO 2013, L 166, p. 24),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 décembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Scuola Elementare Maria Montessori Srl, est un établissement d’enseignement privé établi à Rome (Italie).

2        Elle est l’un des nombreux plaignants qui, au cours de l’année 2006, se sont adressés à la Commission des Communautés européennes en alléguant que l’amendement opéré par la République italienne en ce qui concerne, notamment, le champ d’application du régime national relatif à l’Imposta comunale sugli immobili (taxe municipale sur les biens immobiliers, ci-après l’« ICI ») constituait une aide d’État incompatible avec le marché commun au titre de l’article 87 CE.

3        En substance, ledit amendement visait à établir que l’exonération de l’ICI, dont bénéficiaient, depuis 1992, les entités non commerciales exerçant, dans leurs biens immeubles concernés, exclusivement des activités dans les domaines de l’assistance sociale, du bien-être, des soins de santé, de l’éducation, de l’hébergement, de la culture, des loisirs, des sports, de la religion et du culte, devait être entendue comme étant également applicable auxdites activités, « indépendamment de leur nature éventuellement commerciale ».

4        Le 5 mai 2006, la Commission a adressé une demande d’informations aux autorités italiennes au sujet de l’exonération de l’ICI. Celles-ci ont déféré à cette demande le 6 juin 2006, en expliquant que le champ d’application relatif au régime de l’ICI serait redéfini afin de limiter l’exonération de ladite taxe aux entités exerçant des activités spécifiques « qui ne sont pas de nature exclusivement commerciale ».

5        Le 8 août 2006, la Commission a indiqué aux plaignants que, à la lumière des informations reçues de la part des autorités italiennes, et à la suite des nouveaux amendements apportés à la réglementation italienne, il n’y avait pas lieu de poursuivre l’enquête.

6        Le 24 octobre 2006, les 8 et 16 janvier 2007 et le 12 septembre 2007, les plaignants se sont à nouveau adressés à la Commission en soutenant, en substance, que l’exonération de l’ICI pour les entités non commerciales n’était pas conforme à l’article 87 CE, même après les amendements opérés par les autorités italiennes. Par ailleurs, ils ont attiré l’attention de la Commission sur le Testo unico delle imposte sui redditi (texte unique des impôts sur les revenus, ci-après le « TUIR »), dont l’article 149, paragraphe 4, stipulait, en substance, que, à la différence de toutes les autres entités, les entités ecclésiastiques reconnues comme personnes morales de droit civil et les clubs de sport amateur n’étaient pas soumis aux critères qu’il prévoyait aux fins de déterminer la perte de la qualité d’entité non commerciale. Selon les plaignants, cette disposition avait pour conséquence d’avantager fiscalement ces deux types d’entités, car elle leur donnait la possibilité de maintenir leur statut d’entités non commerciales même si elles ne l’étaient plus conformément aux critères appliqués aux autres entités.

7        Le 5 novembre 2007, la Commission a invité les autorités italiennes et les plaignants à présenter des informations complémentaires sur toutes les dispositions prétendument avantageuses citées par les plaignants. Les autorités italiennes ont fourni les informations requises par lettres du 3 décembre 2007 et du 30 avril 2008.

8        Le 20 octobre 2008, les plaignants ont envoyé une lettre de mise en demeure à la Commission, au titre de l’article 232 CE, pour lui demander d’ouvrir la procédure formelle d’examen et d’adopter une décision au sujet de leurs plaintes.

9        Le 24 novembre 2008, la Commission a adressé une nouvelle demande d’informations aux autorités italiennes, qui y ont répondu par lettre du 8 décembre 2008.

10      Le 19 décembre 2008, la Commission a informé les plaignants qu’elle estimait, sur la base d’une analyse préliminaire, que les mesures contestées ne semblaient pas constituer des aides d’État et qu’il n’était dès lors pas nécessaire de poursuivre l’enquête.

11      Le 26 janvier 2009, les autorités italiennes ont adopté une circulaire dans le but de préciser le champ d’application de l’exonération de l’ICI pour les entités non commerciales. En particulier, cette circulaire définissait quelles entités pouvaient être considérées comme des entités non commerciales et précisait les caractéristiques que devaient présenter les activités exercées par ces entités pour pouvoir bénéficier de l’exonération en cause.

12      Le 2 mars 2009 et le 11 janvier 2010, les plaignants se sont adressés à la Commission pour exprimer leur insatisfaction au sujet de la réglementation italienne relative à l’ICI et pour critiquer la circulaire susmentionnée. La Commission leur a répondu, le 15 février 2010, en leur rappelant, en substance, les motifs qu’elle avait déjà exposés dans sa lettre du 19 décembre 2008.

13      Le 26 avril 2010, la requérante a introduit, devant le Tribunal, un recours en annulation de la décision de la Commission, telle qu’elle figurait dans sa lettre du 15 février 2010. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑193/10.

14      Le 12 octobre 2010, la Commission a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, concernant, d’une part, l’exonération de l’ICI pour les entités non commerciales à des fins spécifiques et, d’autre part, l’article 149, paragraphe 4, du TUIR. La décision d’ouvrir la procédure formelle, dans laquelle la Commission invitait les parties intéressées à présenter leurs observations, a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 21 décembre 2010.

15      Par ordonnance du 18 novembre 2010, le Tribunal a ordonné, à la demande de la requérante, que l’affaire T‑193/10 soit rayée du registre.

16      Entre le 21 janvier et le 4 avril 2011, la Commission a reçu les observations de 80 parties intéressées au sujet de la décision d’ouvrir la procédure.

17      Le 15 février 2012, les autorités italiennes ont indiqué à la Commission leur intention d’adopter une nouvelle réglementation en matière de taxe municipale sur les biens immobiliers et ont annoncé que l’exonération de l’ICI serait remplacée, à partir du 1er janvier 2012, par l’exonération prévue par le nouveau régime relatif à l’Imposta municipale unica (taxe municipale unique, ci-après l’« IMU »). En particulier, la nouvelle réglementation avait pour but, notamment, la limitation de l’exonération de l’IMU aux activités spécifiques exercées par des entités non commerciales « selon des modalités non commerciales ». Ladite réglementation prévoyait également des règles permettant un paiement proportionnel de l’IMU dans le cas où le même bien immobilier serait utilisé pour des activités à la fois commerciales et non commerciales. Enfin, il était prévu de définir, par un règlement d’application ultérieur, les cas dans lesquels il convenait de considérer que les activités spécifiques auxquelles s’appliquait l’exonération de l’IMU étaient exercées selon des modalités non commerciales. Ce règlement a été adopté le 19 novembre 2012.

18      Le 16 mai 2012, la Commission a envoyé aux autorités italiennes une demande d’informations à la suite de l’adoption des nouvelles dispositions relatives à l’exonération de l’IMU. Lesdites autorités ont déféré à cette demande le 6 juillet 2012. Le 27 juin et le 25 octobre 2012, la Commission a également reçu des informations additionnelles de la part des plaignants.

19      Le 19 décembre 2012, la Commission a adopté la décision 2013/284/UE concernant l’aide d’État S.A. 20829 [C 26/2010, ex NN 43/2010 (ex CP 71/2006)] Régime concernant l’exonération de la taxe municipale sur les biens immobiliers utilisés à des fins spécifiques accordée aux entités non commerciales mis à exécution par l’Italie (JO 2013, L 166, p. 24, ci-après la « décision attaquée »), dont le seul destinataire était la République italienne.

20      Dans la décision attaquée, tout d’abord, la Commission a établi que l’exonération accordée aux entités non commerciales exerçant, dans leurs biens immeubles concernés, des activités spécifiques dans le régime de l’ICI constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et illégalement mise à exécution par la République italienne, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Ensuite, la Commission a estimé que, au vu des particularités de la présente affaire, il serait absolument impossible pour la République italienne de récupérer les aides illégales, de sorte que la Commission n’a pas ordonné d’y procéder dans la décision attaquée. Enfin, la Commission a établi que ni l’article 149, paragraphe 4, du TUIR, ni l’exonération prévue par le nouveau régime de l’IMU ne constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2013, la requérante a introduit le présent recours.

22      Le même jour, M. Pietro Ferracci a également introduit un recours en annulation de la décision attaquée, enregistré sous la référence T‑219/13.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

24      Le 16 septembre 2013, la requérante a présenté ses observations sur l’exception soulevée par la Commission. Elle a notamment conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’irrecevabilité ou, à titre subsidiaire, de joindre ladite exception au fond.

25      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

26      Le 18 mars 2014, le Tribunal a invité les parties, au titre de l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, à répondre à la question de savoir si la décision attaquée constituait un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et affectant directement la requérante au sens du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

27      Par ordonnance du 29 octobre 2014, le Tribunal a décidé de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2015, la République italienne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 1er juin 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

29      Le 3 novembre 2015, le Tribunal a notamment invité la Commission, au titre de l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, à préciser quelques aspects relatifs au fond de l’affaire et à produire certaines dispositions de la législation italienne citées dans la décision attaquée. La Commission a déféré à l’invitation du Tribunal dans le délai imparti.

30      Le même jour, le Tribunal a interrogé les parties sur l’éventuelle jonction des affaires T‑219/13 et T‑220/13 aux fins de la phase orale de la procédure conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure. Le 13 novembre 2015, tant la requérante que la Commission ont déposé leurs observations, tout en indiquant ne pas avoir d’objections à cette jonction.

31      Le 16 novembre 2015, le président de la huitième chambre du Tribunal a décidé de joindre les affaires T‑219/13 et T‑220/13 aux fins de la phase orale de la procédure.

32      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 décembre 2015.

34      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      La Commission, soutenue par la République italienne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

36      Ainsi qu’il ressort de la lecture de la requête, le premier chef de conclusions de la requérante doit être entendu comme visant à l’annulation de la décision attaquée en tant que la Commission y a constaté, d’une part, qu’il était impossible pour les autorités italiennes de récupérer les aides considérées comme étant illégales et incompatibles avec le marché commun (premier volet de la décision attaquée) et, d’autre part, que ni l’article 149, paragraphe 4, du TUIR, ni l’exonération prévue par le nouveau régime de l’IMU ne constituaient des aides d’État (respectivement, deuxième et troisième volets de la décision attaquée).

 Sur la recevabilité

37      La Commission soutient que le présent recours est irrecevable au motif que, en premier lieu, la requérante n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée. En second lieu, la décision attaquée ne saurait être considérée comme constituant un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et concernant directement la requérante, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. À cet égard, premièrement, la Commission fait valoir qu’une décision adressée à un État membre et concernant un régime d’aides ne constitue pas un acte réglementaire. Deuxièmement, elle relève que la décision attaquée comporte des mesures d’exécution, notamment en ce qui concerne son volet relatif à l’article 149, paragraphe 4, du TUIR et son volet relatif à l’exonération prévue de l’IMU. Troisièmement, elle estime que la requérante n’est pas directement concernée par les mesures visées par la décision attaquée.

38      La requérante conteste les arguments de la Commission. D’une part, elle soutient qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée. D’autre part, elle fait valoir qu’elle ne serait, en l’espèce, pas tenue de démontrer qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée, dès lors que cette décision doit être qualifiée d’acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et l’affectant directement, au sens du dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

39      Aux fins de l’examen de la recevabilité du présent recours, le Tribunal estime opportun d’examiner, d’emblée, la question de savoir si le recours est recevable au titre de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. Aux termes de cette disposition, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution. Un particulier peut donc agir en annulation sans devoir apporter la preuve qu’il est affecté individuellement par l’acte en cause, mais à la condition que cet acte, tout d’abord, le concerne directement, ensuite, ait un caractère réglementaire et, enfin, ne comporte pas de mesures d’exécution.

 Sur la condition relative à l’affectation directe

40      S’agissant de la question de savoir si la requérante est concernée directement par la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’affectation directe d’un particulier exige, premièrement, que l’acte attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et, deuxièmement, qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte qui sont chargés de sa mise en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union européenne sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 43, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, EU:C:2009:529, point 45).

41      En ce qui concerne la question de savoir si les mesures visées par la décision attaquée sont susceptibles d’affecter la situation juridique de la requérante, il y a lieu de rappeler qu’un concurrent du bénéficiaire d’une aide est directement concerné par une décision de la Commission autorisant un État membre à verser celle-ci lorsque la volonté dudit État d’y procéder ne fait nul doute (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 30 ; du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, point 41, et du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 49).

42      En l’occurrence, il doit être relevé que les services d’enseignement offerts par certaines des entités qui font l’objet des mesures visées par la décision attaquée, et qui bénéficient, selon la requérante, des prétendues aides, pourraient entretenir un rapport de concurrence avec ceux des autres centres d’enseignement. En effet, ces entités, à savoir notamment les entités ecclésiastiques et religieuses, mettent à la disposition de leurs élèves les services quotidiens d’enseignement, tant primaire que d’école maternelle. Dans ce contexte, il y a lieu de constater que, en tant qu’établissement d’enseignement privé, la requérante pourrait entretenir avec lesdites entités un rapport de concurrence et, pour cette raison, être affectée par les mesures concernées par la décision attaquée.

43      En outre, pour autant que la Commission a fait valoir, lors de l’audience, que, conformément aux arrêts du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 37 et jurisprudence citée), et du 17 septembre 2015, Confederazione Cooperative Italiane e.a./Anicav e.a. (C‑455/13 P, C‑457/13 P et C‑460/13 P, non publié, EU:C:2015:616, points 47 à 50), la circonstance que certaines mesures d’aides affectent la position d’un concurrent sur le marché ne se rapporte pas à sa situation juridique, mais à sa situation de fait, il suffit de relever que, à la différence de la présente espèce, les requérantes dans ces deux affaires n’étaient pas présentes sur les marchés réglementés par les dispositions attaquées. Pour cette raison, la Cour a estimé que le fait que lesdites dispositions plaçaient les requérantes dans une situation concurrentielle désavantageuse ne permettait pas en soi de considérer qu’elles étaient affectées dans leur situation juridique et qu’elles étaient, partant, directement concernées par celles-ci.

44      Il s’ensuit que les mesures visées par la décision attaquée affectent la situation juridique de la requérante.

45      En ce qui concerne la seconde condition déterminant l’affectation directe, conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, il importe de constater que, étant donné la nature de la décision attaquée, qui permet à la République italienne, d’une part, de ne pas procéder à la récupération des aides considérées comme illégales et incompatibles avec le marché intérieur et, d’autre part, d’appliquer un régime d’exonérations fiscales ne comportant pas, selon la Commission, d’élément d’aide, cette décision déploie ses effets juridiques de manière purement automatique en vertu de la seule réglementation de l’Union et sans application d’autres règles intermédiaires, permettant ainsi à la République italienne de ne pas recouvrer lesdites aides illégales et d’appliquer son régime d’exonérations fiscales.

46      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la décision attaquée concerne directement la requérante.

 Sur la qualification d’acte réglementaire de la décision attaquée

47      S’agissant de la question de savoir si la décision attaquée doit être qualifiée d’acte réglementaire, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, les actes réglementaires, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, sont des actes de portée générale à l’exclusion des actes législatifs (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 60, et ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 56).

48      La distinction entre un acte législatif et un acte réglementaire repose, selon le traité FUE, sur le critère de la procédure, législative ou non, ayant mené à son adoption (ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 65). En l’espèce, la décision attaquée n’ayant pas été adoptée dans le cadre d’une procédure législative, elle ne constitue pas un acte législatif au sens de l’article 297 TFUE. Il convient, par conséquent, d’examiner si la décision attaquée revêt une portée générale.

49      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une décision de la Commission en matière d’aides d’État qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite revêt une portée générale (arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, point 15 ; du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:570, point 33 ; du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 31, et du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 53).

50      En particulier, la décision attaquée a pour objet d’examiner, au regard de l’article 107 TFUE, si une réglementation nationale appliquée à un nombre indéterminé de personnes envisagées de manière générale et abstraite comporte des éléments d’aide d’État et, le cas échéant, si l’aide en cause est compatible avec le marché intérieur et récupérable. Eu égard à la nature de la compétence dont est investie la Commission en vertu des dispositions du traité relatives aux aides d’État, une telle décision reflète, même si elle n’a qu’un seul destinataire, la portée des instruments nationaux faisant l’objet de l’examen effectué par cette institution, que ce soit pour accorder l’autorisation nécessaire afin qu’une mesure d’aide soit appliquée ou bien pour édicter les conséquences découlant de son éventuel caractère illégal ou incompatible avec le marché intérieur. Or, les instruments en question ont précisément une portée générale, dès lors que les opérateurs relevant de leur champ d’application sont définis de manière générale et abstraite.

51      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la décision attaquée revêt une portée générale en ce qui concerne ses trois volets, dont la légalité est contestée dans le cadre du présent recours, à savoir, d’une part, le fait que la Commission n’ait pas ordonné la récupération des aides d’État qu’elle a considérées comme illégales et incompatibles concernant l’exonération relative à l’ICI et, d’autre part, le fait qu’elle ait considéré que ni l’article 149, paragraphe 4, du TUIR, ni l’exonération prévue par l’IMU ne constituaient des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE (voir point 36 ci-dessus).

52      Par conséquent, l’acte attaqué, qui est un acte de portée générale sans être un acte législatif, constitue un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur l’existence de mesures d’exécution

53      S’agissant de l’existence de mesures d’exécution de la décision attaquée, il convient de relever que la Cour a eu l’occasion de préciser que la notion d’« actes réglementaires [...] qui ne comportent pas de mesures d’exécution », au sens de l’article 263 TFUE, doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition, qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risquerait d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne disposait pas d’une voie de recours directe devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son égard devant les juridictions nationales (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 27).

54      En revanche, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 28).

55      Par ailleurs, si la mise en œuvre d’un tel acte appartient aux États membres, ces personnes peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de base en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger la Cour, sur le fondement de l’article 267 TFUE, par la voie de questions préjudicielles (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 29).

56      Aux fins de déterminer si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 30).

57      Pour vérifier si l’acte attaqué comporte des mesures d’exécution, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours et, dans le cas où un requérant ne demande que l’annulation partielle d’un acte, ce sont seulement les mesures d’exécution que cette partie de l’acte comporte éventuellement qui doivent le cas échéant être prises en considération (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 31).

58      En l’espèce, d’abord, en ce qui concerne le premier volet contesté de la décision attaquée, il y a lieu de constater que, pour autant que la Commission a estimé que, au vu des particularités de la présente affaire, il serait absolument impossible de procéder au remboursement des aides illégales accordées dans le cadre du régime de l’ICI et a ainsi décidé de ne pas imposer à la République italienne l’obligation de récupérer, auprès de chaque bénéficiaire, les sommes allouées en vertu dudit régime, les autorités nationales ne devront adopter aucune mesure, particulièrement à l’égard de la requérante, afin de mettre en œuvre la décision attaquée.

59      Ensuite, en ce qui concerne le deuxième volet contesté, d’une part, il y a lieu de relever que, selon la conclusion à laquelle est arrivée la Commission dans la décision attaquée, l’exonération prévue par l’article 149, paragraphe 4, du TUIR ne constitue pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans ces circonstances, la décision attaquée, en vertu de laquelle aucune obligation n’est imposée à l’État membre, n’entraîne l’adoption d’aucune mesure d’exécution, les autorités nationales se limitant à cet égard à appliquer la législation nationale. D’autre part, et en tout état de cause, force est de constater que les dispositions établies par l’article 149, paragraphe 4, du TUIR ne concernent que la perte du statut des entités non commerciales. Dans ces circonstances, aucune mesure d’exécution ne saurait être adoptée par les autorités italiennes à l’égard de la requérante, en tant qu’entité commerciale.

60      Enfin, en ce qui concerne le troisième volet contesté, il y a lieu de relever que l’exonération qui est visée par le régime de l’IMU a, de même, été considérée par la Commission comme ne constituant pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par conséquent, la décision attaquée n’imposant à l’État membre aucune obligation, aucune mesure ne sera édictée à l’échelle nationale en exécution de ladite décision, en particulier à l’égard de la requérante.

61      Il résulte de ce qui précède qu’aucun des volets contestés de la décision attaquée ne comporte de mesures d’exécution à l’égard de la requérante, de sorte que la requérante n’aura pas la possibilité d’agir devant une juridiction nationale italienne, conformément à la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, en invoquant, dans le cadre de son recours, l’invalidité desdits volets de la décision attaquée.

62      À l’encontre de la constatation qui précède, la Commission soutient, en invoquant notamment les arrêts du 26 septembre 2014, Dansk Automat Brancheforening/Commission (T‑601/11, EU:T:2014:839) et Royal Scandinavian Casino Århus/Commission (T‑615/11, EU:T:2014:838), et la jurisprudence citée, que les conséquences spécifiques et concrètes de la décision attaquée seront, en réalité, matérialisées par les actes fixant le montant des impôts dus par les contribuables, qui constitueront en tant que tels des mesures d’exécution que la décision attaquée comporte. Elle ajoute, en outre, que la requérante pourra, devant la juridiction nationale, contester le caractère prétendument discriminatoire desdits actes d’imposition, en exigeant les mêmes avantages que leurs bénéficiaires ou, à défaut, en faisant valoir l’illégalité, au regard du droit de l’Union, des avantages dont ils bénéficient en tant que concurrents.

63      Cependant, un tel argument ne saurait être accueilli.

64      En effet, d’une part, les actes d’imposition susceptibles d’être pris par les autorités italiennes en vertu du régime de l’IMU ne seront pas la conséquence de la décision attaquée, mais découleront de la seule réglementation fiscale italienne, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du considérant 202 de la décision attaquée, celle-ci se borne à déclarer que l’exonération prévue par l’IMU ne relève pas même du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

65      D’autre part, s’agissant des actes d’imposition qui lui seront adressés en tant que personne ne bénéficiant pas des exonérations litigieuses, la requérante est dans l’impossibilité de demander que l’exonération dont elle conteste la légalité soit appliquée par extension à sa situation (voir arrêt du 20 septembre 2001, Banks, C‑390/98, EU:C:2001:456, points 80 et 92 à 94 et jurisprudence citée). Par identité de motifs doit également être rejeté l’argument de la Commission selon lequel la requérante est toujours en mesure de demander aux autorités fiscales italiennes à bénéficier des mêmes avantages fiscaux que ceux accordés aux entités concernées par les mesures litigieuses et, en cas de décision de refus, d’attaquer cette dernière. En outre, force est de constater que, dans le contexte envisagé par la Commission, la décision de refus de l’administration italienne ne saurait, à proprement parler, être qualifiée de mesure d’exécution découlant de la décision attaquée, mais résulterait d’une mesure interne prise de manière autonome par les autorités nationales compétentes à la suite de la demande individuelle introduite par la requérante.

66      Enfin, il y a lieu de relever que, à la différence de la présente espèce, dans les arrêts du 26 septembre 2014, Dansk Automat Brancheforening/Commission (T‑601/11, EU:T:2014:839) et Royal Scandinavian Casino Århus/Commission (T‑615/11, EU:T:2014:838), le dispositif de la décision attaquée prévoyait de manière expresse, à son article 1er, l’adoption des dispositions de mise en œuvre de la mesure notifiée, raison pour laquelle le Tribunal avait constaté qu’une telle décision comportait des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. En particulier, aux points 59 et 51 de ces deux arrêts respectifs, le Tribunal a établi qu’il existait une loi danoise et des actes en application de cette loi qui devaient intervenir après l’adoption de la décision attaquée afin que le régime d’aides en cause produise des effets à l’égard des requérantes, ce qui ne saurait être le cas dans la présente espèce. Il convient d’indiquer, à cet égard, que le seul acte d’application auquel se réfère la décision attaquée dans la présente espèce concerne l’exonération relative au nouveau régime de l’IMU et que, ainsi que cela a été indiqué au point 17 ci-dessus, l’adoption dudit acte a précédé celle de ladite décision elle-même.

67      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la décision attaquée ne comporte pas de mesures d’exécution à l’égard de la requérante et que, partant, le recours doit être déclaré recevable au titre de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

 Sur le fond

68      À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1). Les deuxième et troisième moyens sont tirés de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le quatrième est tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999

69      Par son premier moyen, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir ordonné à la République italienne, en violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, de récupérer les exonérations fiscales dont les entités non commerciales à des fins spécifiques ont bénéficié conformément à l’ICI et qu’elle a considérées comme illégales et incompatibles avec le marché commun.

70      Ce moyen se divise en deux branches, tirées, respectivement, de l’existence d’une erreur de droit et de celle d’une erreur d’appréciation.

–       Sur la première branche, tirée de l’existence d’une erreur de droit

71      La requérante soutient que la Commission a violé l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 en ce qu’elle n’a pas rempli les conditions qui lui auraient permis de conclure à l’impossibilité absolue de récupération de l’aide illégale dans un cas comme celui de l’espèce. En effet, elle estime que ce n’est qu’après une décision de la Commission ordonnant la récupération de l’aide illégale et la constatation effective par la République italienne de l’impossibilité de donner suite à cette demande qu’il aurait été possible d’écarter la récupération. De même, elle considère que, avant de constater l’impossibilité absolue de récupération, la Commission aurait dû démontrer que ladite récupération était impossible auprès de tous les bénéficiaires de l’aide illégale et qu’une récupération au moins partielle n’était pas non plus réalisable.

72      La Commission conteste ces arguments.

73      À titre liminaire, il convient de relever que le règlement n° 659/1999 prévoit, à son considérant 13, ce qui suit :

« [C]onsidérant que, en cas d’aide illégale incompatible avec le marché commun, une concurrence effective doit être rétablie ; que, à cette fin, il importe que l’aide, intérêts compris, soit récupérée sans délai ; qu’il convient que cette récupération se déroule conformément aux procédures du droit national ; que l’application de ces procédures ne doit pas faire obstacle au rétablissement d’une concurrence effective en empêchant l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission ; que, afin d’atteindre cet objectif, les États membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’effet utile de la décision de la Commission. »

74      L’article 14 dudit règlement, intitulé « Récupération de l’aide », énonce ce qui suit :

« 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire [...]. La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire. »

75      Selon une jurisprudence constante, la suppression d’une aide d’État par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité (voir arrêt du 9 juillet 2015, Commission/France, C‑63/14, EU:C:2015:458, point 44 et jurisprudence citée). En effet, la finalité des dispositions du traité en matière d’aides d’État est le rétablissement d’une concurrence effective, de telle sorte que, en principe, les décisions de la Commission imposent à l’État membre concerné l’obligation d’obtenir effectivement, et sans délai, la restitution des aides en cause (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2009, Commission/MTU Friedrichshafen, C‑520/07 P, EU:C:2009:557, point 57 et jurisprudence citée). Toutefois, une impossibilité absolue est susceptible de justifier la non-récupération des aides d’État illégales (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Commission/Grèce, C‑419/06, non publié, EU:C:2008:89, point 39 et jurisprudence citée).

76      Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué, aux considérants 191 à 198, que, au vu des particularités de la présente affaire, il serait absolument impossible pour la République italienne de procéder à la récupération des aides illégales éventuelles accordées dans le cadre des dispositions de l’ICI. En substance, elle a expliqué que ni les bases de données cadastrales ni les bases de données fiscales ne permettaient de recenser le type d’activité (économique ou non économique) exercée dans les immeubles appartenant aux entités non commerciales, ni de calculer objectivement le montant de l’impôt à récupérer.

77      D’une part, il convient de relever que la jurisprudence de la Cour concernant l’impossibilité absolue de récupérer des aides illégales se réfère, en général, à des cas dans lesquels l’État membre en question fait valoir une telle impossibilité après l’adoption d’une décision de récupération et dans le contexte de l’exécution de celle-ci (arrêts du 4 avril 1995, Commission/Italie, C‑348/93, EU:C:1995:95 ; du 22 mars 2001, Commission/France, C‑261/99, EU:C:2001:179 ; du 26 juin 2003, Commission/Espagne, C‑404/00, EU:C:2003:373 ; du 1er avril 2004, Commission/Italie, C‑99/02, EU:C:2004:207 ; du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C‑415/03, EU:C:2005:287 ; du 14 décembre 2006, Commission/Espagne, C‑485/03 à C‑490/03, EU:C:2006:777, et du 13 novembre 2008, Commission/France, C‑214/07, EU:C:2008:619).

78      D’autre part, conformément à une jurisprudence constante, un État membre qui, lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, l’État membre et la Commission doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions de l’Union des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 4, paragraphe 3, TUE, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et, notamment, de celles relatives aux aides (voir arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Italie, C‑304/09, EU:C:2010:812, point 37 et jurisprudence citée).

79      Se fondant, en substance, sur la jurisprudence qui précède, la requérante fait valoir que ce n’est qu’après une décision de la Commission ordonnant la récupération de l’aide illégale et la constatation effective par l’État membre concerné de l’impossibilité de donner suite à cette demande qu’il est possible d’écarter la récupération.

80      Toutefois, l’argument de la requérante ne saurait être accueilli.

81      En effet, ainsi que la Commission le relève, même si, jusqu’à présent, il est exact que la question de l’impossibilité absolue a été soulevée par les États membres notamment durant la phase d’exécution de la décision, principalement en tant que défense dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, ni la réglementation applicable en l’espèce ni la jurisprudence de la Cour n’ont établi qu’une impossibilité absolue ne pouvait pas être constatée au stade de la procédure administrative aboutissant à une décision de la Commission en matière d’aides d’État.

82      En outre, la seule obligation qui, conformément à la jurisprudence citée au point 78 ci-dessus, s’impose à l’État membre en question et à la Commission, dans l’hypothèse d’une éventuelle impossibilité absolue de récupération, est celle d’établir une coopération loyale en vertu de laquelle l’État membre doit soumettre à l’appréciation de la Commission les raisons motivant une telle impossibilité et la Commission doit effectuer un examen minutieux desdites raisons. Cela étant, et contrairement à ce que fait valoir la requérante, la coopération entre l’État membre et la Commission peut avoir lieu avant l’adoption de la décision finale de la Commission si l’impossibilité absolue peut déjà être constatée au stade de la procédure formelle d’examen. De surcroît, si, lors de cet examen, la Commission constate qu’il n’existe pas de méthodes alternatives pour la récupération de l’aide illégale ou qu’une récupération partielle n’est pas non plus réalisable, rien ne s’oppose à ce qu’une impossibilité absolue soit reconnue par la Commission avant même que celle-ci impose la récupération desdites aides.

83      En l’occurrence, à la lumière des observations qui précèdent, premièrement, force est de constater que la requérante ne conteste pas qu’une impossibilité absolue puisse être invoquée en tant que motif justifiant la non-récupération des aides illégales. En tout état de cause, conformément à la jurisprudence citée au point 75 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a exposé, dans la décision attaquée, qu’elle ne saurait imposer aux autorités italiennes la récupération de l’aide illégale en raison d’une impossibilité absolue. Il convient de rappeler, à cet égard, que la Commission ne saurait imposer, dans le domaine des aides d’État, des obligations dont l’exécution serait, dès leur naissance, de manière objective et absolue, impossible à réaliser (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, EU:C:1999:311, point 86).

84      Deuxièmement, ainsi qu’il ressort des considérants 192 à 197 de la décision attaquée, tant la République italienne que la Commission se sont acquittées de leur devoir de coopération loyale conformément à la jurisprudence citée au point 78 ci-dessus.

85      En effet, la République italienne s’est adressée à la Commission avant l’adoption de la décision attaquée en affirmant qu’une obligation de récupération lui était absolument impossible à exécuter. Elle a, de ce fait, soumis à l’appréciation de la Commission des problèmes liés à la récupération de l’aide litigieuse. En outre, puisque les autorités italiennes ont soulevé cette question au stade de l’examen formel, la Commission a pu estimer nécessaire d’aborder cette question avant l’adoption d’une décision finale. Par ailleurs, il convient de relever que la République italienne a expliqué que, en raison de la structure du cadastre et de l’absence d’informations fiscales pertinentes, il était impossible d’extrapoler, avec effet rétroactif, à partir des bases de données cadastrales et fiscales, le type de données nécessaires pour entreprendre une démarche de récupération de l’aide alléguée. À la lumière de ces explications, la Commission a estimé que, en effet, il était impossible d’identifier les bénéficiaires de l’aide en cause et que cette dernière ne pouvait objectivement pas être calculée faute de données disponibles, ce qu’elle a expliqué dans la décision attaquée.

86      Troisièmement, pour autant que la requérante fait valoir que la Commission aurait dû, en tout état de cause, constater qu’il n’existait pas d’autres moyens alternatifs pour la mise en œuvre de l’obligation de récupération en l’espèce, du moins à titre partiel, une telle analyse doit être effectuée dans le cadre de la seconde branche du présent moyen, tirée de l’existence d’une erreur d’appréciation.

87      Il ressort de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en constatant, dès le stade de la procédure formelle d’examen et avant l’adoption d’un ordre de récupération, l’impossibilité absolue pour la République italienne de récupérer les aides considérées comme illégales dans la décision attaquée.

88      La première branche doit donc être rejetée.

–       Sur la seconde branche, tirée de l’existence d’une erreur d’appréciation

89      La requérante allègue qu’aucune circonstance exceptionnelle ne permettait à la Commission de conclure à l’impossibilité absolue de récupérer l’aide illégale. Elle conteste notamment la considération selon laquelle il n’était pas possible d’identifier les bénéficiaires de ladite aide et selon laquelle celle-ci ne pouvait en aucun cas être calculée aux fins de sa récupération par les autorités italiennes. À cet égard, elle souligne que la Cour a rejeté des arguments fondés sur une prétendue impossibilité de récupération en raison du grand nombre d’entreprises bénéficiaires ou de l’indisponibilité des informations nécessaires à la quantification des sommes à récupérer. Par ailleurs, selon la requérante, il existait des méthodes alternatives adéquates par le biais desquelles les autorités italiennes auraient pu procéder à l’identification des bénéficiaires de l’aide illégale et à la récupération de celle-ci, au moins de manière partielle.

90      La Commission conteste ces arguments.

91      Selon une jurisprudence constante, la condition d’une impossibilité absolue d’exécution n’est pas remplie lorsque l’État membre défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présente la mise en œuvre de la décision (voir arrêt du 13 novembre 2008, Commission/France, C‑214/07, EU:C:2008:619, point 46 et jurisprudence citée).

92      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la Cour, dans des situations concernant la récupération de montants d’aides auprès d’un grand nombre d’entreprises en combinaison avec de nombreux facteurs individuels de calcul, a jugé que de telles difficultés de mise en œuvre des décisions concernées ne sont pas constitutives d’une impossibilité absolue (voir arrêt du 17 novembre 2011, Commission/Italie, C‑496/09, EU:C:2011:740, point 29 et jurisprudence citée).

93      Enfin, la condition relative à l’impossibilité absolue d’exécution n’est remplie que si les circonstances contribuent à créer une impossibilité absolue objective (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Commission/France, C‑214/07, EU:C:2008:343, point 46 et jurisprudence citée).

94      En l’espèce, il importe de relever, à titre liminaire, que, ainsi qu’il ressort des considérants 102 et 106 de la décision attaquée, la Commission n’a considéré comme incompatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107 TFUE, que l’exonération de l’ICI dont bénéficiaient les entités non commerciales à des fins spécifiques lorsque celles-ci exerçaient des activités de nature économique. En effet, elle a estimé, en substance, que, dans ces cas, lesdites entités devaient être qualifiées d’entreprises, de sorte qu’elles devaient être soumises à la disposition susmentionnée du traité. En revanche, lorsque lesdites entités n’exerçaient que des activités non commerciales, le régime d’aide d’État ne trouvait pas à s’appliquer et l’exonération de l’ICI n’était dès lors pas réputée illégale.

95      Par ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission a estimé, en substance, que la récupération des aides illégales par les autorités italiennes était impossible, en termes absolus et objectifs, au motif que la détermination de la nature économique ou non économique des activités exercées par les entités bénéficiaires dans les biens immobiliers soumis à la réglementation relative à l’ICI n’était pas identifiable. En effet, elle a fait siennes, aux considérants 194 à 198 de la décision attaquée, les explications de la République italienne selon lesquelles les bases de données cadastrales, d’une part, et fiscales, d’autre part, ne permettaient ni de recenser le type d’activité exercée dans les immeubles appartenant auxdites entités, ni de calculer objectivement le montant de l’impôt à récupérer.

96      En premier lieu, la requérante conteste l’appréciation de la Commission en faisant valoir qu’elle est entachée d’erreur, tant en ce qui concerne les bases de données cadastrales qu’en ce qui concerne les bases de données fiscales.

97      À cet égard, force est de constater, d’emblée, que, excepté la référence générale effectuée par la requérante dans ses écritures à la jurisprudence citée aux points 91 à 93 ci-dessus, elle n’avance aucun argument concret destiné à remettre en cause l’appréciation de la Commission.

98      En tout état de cause, s’agissant, d’une part, des bases de données cadastrales, il y a lieu de considérer que, comme l’a en substance expliqué la Commission au considérant 195 de la décision attaquée, les systèmes cadastraux recensent les biens immobiliers sur la base de leurs caractéristiques objectives, notamment de leurs éléments physiques et de leur structure. Dans ces circonstances, la Commission a pu considérer, à juste titre, qu’il n’était pas possible de retracer le type d’activités, économiques ou non, exercées par les entités non commerciales dans leurs immeubles, afin de pouvoir déterminer si lesdites entités avaient bénéficié illégalement de l’exonération de l’ICI et, dans l’affirmative, de quantifier le montant à rembourser aux autorités italiennes.

99      S’agissant, d’autre part, des bases de données fiscales, la Commission a affirmé, au considérant 196 de la décision attaquée, qu’elles ne donnaient pas non plus suffisamment d’informations aux fins de la récupération.

100    À cet égard, le Tribunal constate, à la lumière des dispositions de la législation italienne fournies par la Commission dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure adoptée au titre de l’article 89 du règlement de procédure, que les bases de données fiscales ne permettaient pas d’identifier la nature économique ou non économique des activités exercées par les entités non commerciales dans leurs immeubles.

101    En effet, premièrement, il y a lieu de relever que, conformément au « Modello “Unico – Enti non commerciali ed equiparati” » (Formulaire « Unique – Entités non commerciales et assimilées ») ainsi qu’aux instructions relatives à la déclaration sur le revenu des entités non commerciales, les immeubles qui généraient un revenu immobilier pour ces entités devaient être indiqués dans le cadre « RB » du formulaire. Ce cadre, composé de onze colonnes, exigeait d’indiquer, notamment, le montant de la taxe municipale sur les biens immobiliers due pour l’exercice en question et pour chaque unité immobilière. Toutefois, selon les instructions relatives à la déclaration, la colonne relative à la taxe municipale sur les biens immobiliers ne devait pas être remplie en cas d’exonération du paiement de ladite taxe. Dès lors, ainsi que le soutient, à bon droit, la Commission, les informations à reporter dans le cadre « RB » ne permettaient pas de savoir dans quel immeuble avait été exercée l’activité qui avait généré le revenu de l’activité commerciale éventuellement indiqué dans les autres cadres de la déclaration.

102    Deuxièmement, il y a lieu de constater que le formulaire unique comportait également le cadre « RS », relatif à la déductibilité des charges et des éléments négatifs mixtes. Conformément aux instructions relatives à la déclaration, ce tableau devait être rempli avec les données requises aux fins du calcul des montants déductibles de charges et d’autres éléments négatifs relatifs à des biens et services affectés à l’exercice mixte d’activités commerciales et d’autres activités. Or, comme il ressort du considérant 196 de la décision attaquée, le cadre « RS » comporte des données agrégées concernant des biens et services utilisés selon des modalités tant commerciales que non commerciales. Dans ces circonstances, ainsi que la Commission l’a indiqué, lorsque plusieurs bâtiments étaient déclarés dans le cadre « RB », il n’était pas possible d’identifier l’immeuble dans lequel l’activité qui avait généré le revenu déclaré avait été exercée. De même, lorsqu’un seul immeuble était indiqué dans le cadre « RB », il n’était pas possible, compte tenu des caractéristiques structurelles du système cadastral, de déterminer dans quelle partie de l’immeuble avaient été exercées les activités économiques qui avaient généré le revenu déclaré.

103    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause l’analyse de la Commission selon laquelle, d’une part, les bases de données cadastrales ne permettaient objectivement pas d’obtenir les informations nécessaires pour l’identification des bénéficiaires concernés ainsi que le calcul du montant éventuel des exonérations à récupérer et, d’autre part, les bases de données fiscales ne permettaient pas non plus de tracer de manière rétroactive le type d’activités exercées par les entités bénéficiaires de l’exonération de l’ICI dans leurs biens immobiliers, ni de calculer le montant des exonérations perçues de manière illégale.

104    En second lieu, la requérante allègue qu’il existerait, en tout état de cause, des méthodes alternatives permettant d’identifier la nature commerciale ou non des activités exercées par les entités bénéficiaires de l’ICI dans leurs biens immobiliers et propose à cet effet, notamment, quatre méthodes. En substance, elle estime que lesdites méthodes auraient pu démontrer qu’une récupération au moins partielle aurait été réalisable.

105    Premièrement, la requérante soutient que, étant donné, d’une part, que la nouvelle réglementation relative à l’IMU (voir point 17 ci-dessus) impose aux entités non commerciales de déclarer les biens immobiliers assujettis à cet impôt et ceux ayant été exemptés et, d’autre part, que la plupart des biens immobiliers en question conserveraient de manière stable leur destination, les autorités italiennes pourraient utiliser les déclarations présentées en vertu de la réglementation de l’IMU pour déterminer l’utilisation ou non des biens immobiliers à des fins commerciales dans le passé.

106    À cet égard, force est de constater, d’emblée, que, comme le relève la Commission, la requérante ne fournit aucun élément qui permettrait de présumer que les biens immobiliers des entités non commerciales conservent ordinairement et de manière stable leur destination. Dans ces circonstances, les déclarations effectuées sous le régime de l’IMU ne constitueraient pas une méthode valable pour retracer l’information recherchée. Par ailleurs, si cet argument de la requérante devait être interprété comme invitant la Commission à ordonner la récupération de l’aide à moins que l’entité bénéficiaire ne soit en mesure de démontrer qu’elle exerçait des activités non économiques dans le passé, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission ne saurait supposer qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en se fondant simplement sur une présomption négative, fondée sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire, en l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage (arrêt du 17 septembre 2009, Commission/MTU Friedrichshafen, C‑520/07 P, EU:C:2009:557, point 58).

107    Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’une obligation d’auto-certification constituerait une manière valable de révéler l’information recherchée. Cependant, force est de constater, à l’instar de la Commission, que cette méthode ne saurait être considérée comme étant efficace, en raison de l’inexistence d’informations sur la situation antérieure des biens immobiliers. Si de telles informations existaient, la véracité de l’auto-certification pourrait être vérifiée.

108    Troisièmement, selon la requérante, les autorités italiennes pourraient effectuer des contrôles sur place au moyen des organes d’inspection, à l’instar de ce qui a été déjà fait par certaines communes italiennes. Or, ici encore, il y a lieu de considérer qu’une telle méthode, bien qu’elle soit susceptible de fournir des informations sur les activités exercées actuellement par les entités bénéficiaires de l’IMU, n’est pas pour autant valable aux fins d’identifier la nature de l’utilisation de leurs biens immobiliers dans le passé.

109    Quatrièmement, alors que la requérante allègue que la Commission aurait pu se fonder sur les informations qu’elle lui aurait fournies lors de la procédure formelle d’examen, au moins aux fins d’une récupération partielle, force est de constater que de telles informations ne ressortent pas du dossier, de sorte qu’il n’est pas possible d’examiner leur caractère adéquat auxdites fins.

110    Il s’ensuit que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la nature des activités exercées par les entités bénéficiaires de l’ICI aurait pu être recherchée grâce à des méthodes alternatives. Par conséquent, elle ne saurait reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation en concluant que les autorités italiennes ne disposaient d’aucun moyen leur permettant de procéder à la récupération de l’aide considérée comme illégale, même à titre partiel.

111    Au regard de ce qui précède, la seconde branche doit être rejetée, ainsi que le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE concernant l’absence de qualification d’aide d’État de l’article 149, paragraphe 4, du TUIR

112    Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’elle a estimé que l’article 149, paragraphe 4, du TUIR ne constituait pas une aide d’État au sens du traité. En substance, elle soutient que cette disposition permet notamment aux entités ecclésiastiques de ne perdre en aucun cas leur qualité d’entité non commerciale, indépendamment de la nature commerciale ou non de leurs activités. Dans ce contexte, les entités ecclésiastiques bénéficieraient de manière permanente des exonérations prévues dans la législation fiscale, dont celles de l’ICI et de l’IMU.

113    La Commission conteste ces arguments.

114    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, d’abord, ainsi que la Commission l’a expliqué aux considérants 31 à 34 de la décision attaquée, l’article 149 du TUIR figure sous le chapitre III du titre II du TUIR. Le titre II contient des dispositions relatives à l’impôt sur le revenu des sociétés et le chapitre III prévoit les dispositions fiscales applicables aux entités non commerciales, telles que les règles relatives au calcul de la base imposable et au taux d’imposition.

115    Ensuite, l’article 149 du TUIR définit les conditions qui peuvent déclencher la perte du « statut d’entité non commerciale ». En particulier, il établit qu’une entité non commerciale perd ce statut si elle exerce, à titre principal, des activités commerciales pendant une période entière d’imposition. L’article 149, paragraphe 2, du TUIR définit le « statut commercial » d’une entité en fonction, par exemple, de la prédominance des revenus provenant d’activités commerciales sur les recettes institutionnelles ou de celle des immobilisations relatives à l’activité commerciale sur les autres activités. La forme juridique adoptée par les entités concernées n’influe en aucune manière sur la perte du « statut d’entité non commerciale ». Pour sa part, l’article 149, paragraphe 4, du TUIR énonce que les dispositions susmentionnées, à savoir l’article 149, paragraphes 1 et 2, ne s’appliquent pas aux entités ecclésiastiques reconnues comme personnes morales de droit civil et aux clubs de sport amateur.

116    Enfin, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du considérant 38 de la décision attaquée, la Commission a justifié l’ouverture de la procédure formelle d’examen en ce qui concerne l’article 149, paragraphe 4, du TUIR en soutenant que cette disposition pouvait être, à première vue, sélective. Elle a indiqué, à cet égard, que l’article 149, paragraphe 4, du TUIR semblait réserver notamment aux entités ecclésiastiques la possibilité de maintenir leur statut d’entités non commerciales, même si elles ne l’étaient plus conformément aux critères applicables aux autres entités.

117    La requérante soutient, en substance, que la Commission aurait dû approuver ses considérations initiales quant à l’article 149, paragraphe 4, du TUIR, après la procédure formelle d’examen, et non pas considérer, comme il ressort du considérant 159 de la décision attaquée, que cette mesure ne conférait aucun avantage sélectif aux entités ecclésiastiques.

118    Cependant, aucun des arguments de la requérante n’est susceptible de remettre en cause l’appréciation finale de la Commission.

119    En effet, premièrement, le fait que les critères prévus à l’article 149, paragraphe 4, du TUIR, applicables aux entités quant à la perte de la qualité d’« entité non commerciale », ne le soient pas aux entités ecclésiastiques ne signifie pas, comme la Commission l’explique, que celles-ci ne peuvent pas perdre ladite qualité conformément à d’autres critères prévus dans la législation italienne. En particulier, il y a lieu de relever que la circolare del 12 maggio 1998, n° 124/E (circulaire n° 124/E, du 12 mai 1998) précise que les entités ecclésiastiques ne peuvent bénéficier du traitement fiscal réservé aux entités non commerciales que si l’objet principal de leur activité n’est pas de nature commerciale.

120    Deuxièmement, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 154 de la décision attaquée, la legge del 20 maggio 1985, n. 222 (loi n° 222, du 20 mai 1985), qui met en œuvre les accords internationaux entre la République italienne et le Saint-Siège, prévoit que le ministère de l’Intérieur est compétent pour reconnaître la personnalité juridique de droit civil aux entités ecclésiastiques et pour la révoquer conformément à des critères précis établis dans ladite loi. Or, la perte de la personnalité juridique de l’entité entraîne, à son tour, la perte du statut d’entité non commerciale et, partant, du traitement fiscal avantageux.

121    La requérante conteste de telles considérations et allègue, en substance, que les dispositions prévues dans la loi n° 222, du 20 mai 1985, ne permettent pas au ministère de l’Intérieur italien de garantir un contrôle constant de la perte de la qualité d’entité non commerciale des entités ecclésiastiques.

122    À cet égard, il convient de relever que, d’abord, l’article 1er de la loi n° 222, du 20 mai 1985, établit que les entités ecclésiastiques siégeant en Italie et poursuivant un but religieux ou de culte peuvent être reconnues comme des personnes morales de droit civil. Ensuite, l’article 2, troisième alinéa, de ladite loi dispose que le but religieux ou de culte doit être constitutif et essentiel pour l’entité. Par ailleurs, l’article 16 de ladite loi indique que les activités commerciales ou à but lucratif ne peuvent en aucun cas être considérées comme des activités ayant un but religieux ou de culte. Enfin, l’article 19 de ladite loi, lu en combinaison avec l’article 13 du decreto del Presidente della Repubblica del 13 febbraio 1987, n. 33 (décret du président de la République n° 33/1987, du 13 février 1987), dispose que, en cas de modification de la destination des biens et des modalités d’existence d’une entité ecclésiastique civilement reconnue, modification entrainant la perte de l’une des conditions requises pour sa reconnaissance, cette dernière est révoquée sur proposition du ministre de l’Intérieur et par décret du président de la République, l’autorité ecclésiastique entendue et après avis du Consiglio di Stato (Conseil d’État italien). Il y a lieu d’ajouter que, après l’adoption de la legge del 12 gennaio 1991, n. 13 (loi n° 13, du 12 janvier 1991), le décret du président de la République prévu à l’article 19 de la loi n° 222, du 20 mai 1985, n’est plus nécessaire pour la révocation du statut civil des entités ecclésiastiques, laquelle relève désormais de la compétence du ministre de l’Intérieur.

123    Au regard de ce qui précède, et contrairement à ce que fait valoir la requérante, le ministère de l’Intérieur de la République italienne est effectivement compétent pour contrôler la perte de la personnalité juridique des entités ecclésiastiques et, par conséquent, de leur qualité d’entité non commerciale. En outre, pour autant que, conformément à l’article 16 de la loi n° 222, du 20 mai 1985, les entités ecclésiastiques ne peuvent maintenir leur personnalité juridique que si elles n’exercent pas d’activités commerciales ou à but lucratif, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la perte de la reconnaissance civile n’entraînerait aucune conséquence sur leur statut fiscal.

124    Troisièmement, il y a lieu de relever que, conformément au decreto del Presidente della Repubblica del 10 febbraio 2000, n. 361 (décret du président de la République n° 361, du 10 février 2000), le ministère de l’Intérieur vérifie que les entités ecclésiastiques remplissent les critères leur permettant de maintenir la personnalité juridique de droit civil, de sorte que, ainsi que la Commission l’a estimé au considérant 158 de la décision attaquée, les entités ecclésiastiques sont soumises à des dispositions et à des mesures de contrôle garantissant la perte du bénéfice du traitement fiscal réservé aux entités non commerciales en cas d’exercice d’activités commerciales ou à but lucratif.

125    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, aucun statut permanent d’entité non commerciale ne saurait être constaté pour les entités ecclésiastiques. Ainsi, la Commission a pu considérer à juste titre que la mesure prévue à l’article 149, paragraphe 4, du TUIR ne conférait aucun avantage sélectif aux entités ecclésiastiques et que, de ce fait, ladite disposition ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

126    S’agissant des arguments formulés par la requérante dans ses écritures et relatifs à l’application de l’article 351 TFUE dans la présente affaire, il suffit de relever que la Commission n’a pas fondé son appréciation sur l’existence d’un accord international relevant du champ d’application d’un tel article et que, dans ces circonstances, les arguments de la requérante ne sauraient avoir aucune incidence sur la légalité de l’appréciation de la Commission selon laquelle l’article 149, paragraphe 4, du TUIR ne constitue pas une aide d’État au sens du traité. Dès lors, il convient de les rejeter comme étant inopérants.

127    Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE concernant l’absence de qualification d’aide d’État de l’exonération de l’IMU

128    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’elle a considéré que l’exonération de l’IMU ne constituait pas une aide d’État au sens de ladite disposition.

129    Tout d’abord, elle fait valoir que, contrairement à ce que la Commission a établi dans la décision attaquée, le fait que la réglementation relative à l’IMU limite le bénéfice de l’exonération sur les biens immobiliers aux entités exerçant des activités économiques selon des « modalités non commerciales » ne signifie pas que lesdites entités ne peuvent être considérées comme des entreprises au sens du droit de la concurrence. Elle souligne que, conformément à une jurisprudence constante, la notion d’entreprise inclut toute entité qui exerce une activité économique, quels que soient le statut juridique de ladite entité et ses modalités de financement. Ensuite, la requérante soutient que les critères établis pour déterminer les activités susceptibles de bénéficier de l’exonération de l’IMU sont vagues et contraires aux normes en matière d’aides d’État. En particulier, elle critique la circonstance que les activités d’enseignement soient considérées comme étant exercées selon des modalités non commerciales si elles sont exercées à titre gratuit ou contre le versement d’une contrepartie symbolique. Par ailleurs, la requérante relève que ces reproches sont applicables aux critères qui s’appliquent pour les activités d’hébergement et de santé. Enfin, elle allègue que l’exonération de l’IMU remplit toutes les conditions permettant de conclure à l’existence d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et qu’elle ne satisfait pas aux exigences de compatibilité prévues aux paragraphes 2 et 3 du même article.

130    La Commission conteste ces arguments.

131    Selon une jurisprudence constante, la notion d’« entreprise » comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement (voir arrêt du 16 mars 2004, AOK Bundesverband e.a., C‑264/01, C‑306/01, C‑354/01 et C‑355/01, EU:C:2004:150, point 46 et jurisprudence citée).

132    Constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (voir arrêt du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., C‑180/98 à C‑184/98, EU:C:2000:428, point 75 et jurisprudence citée).

133    La circonstance que l’offre de biens et de services soit faite sans but lucratif ne fait pas obstacle à ce que l’entité qui effectue ces opérations sur le marché doive être considérée comme une entreprise, dès lors que cette offre se trouve en concurrence avec celle d’autres opérateurs qui poursuivent un but lucratif (arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 27).

134    En l’espèce, il y a lieu de constater, d’abord, que l’exonération de l’IMU adoptée en vertu du decreto-legge del 24 gennaio 2012, n. 1 (décret-loi n° 1, du 24 janvier 2012), telle que décrite aux considérants 82 à 86 de la décision attaquée, diffère du régime prévu par l’ICI, en particulier en ce qu’elle ne s’applique qu’aux activités exercées par des entités non commerciales, y compris les entités ecclésiastiques, « selon des modalités non commerciales ».

135    Ensuite, la réglementation relative à l’IMU a introduit des règles spécifiques permettant un paiement proportionnel de l’IMU dans les cas où le même bien immobilier serait utilisé pour des activités à la fois commerciales et non commerciales. En particulier, il est prévu que, si l’unité immobilière est à usage mixte, l’exonération s’applique uniquement à la partie de l’unité dans laquelle est exercée l’activité de nature non commerciale, à condition qu’il soit possible de déterminer quelle partie d’unité immobilière est exclusivement destinée à cette activité. Dans les cas où il ne serait pas possible de déterminer quelles parties d’unités immobilières sont indépendantes, l’exonération s’applique au prorata de l’utilisation non commerciale du bien immobilier, laquelle devra être indiquée dans une déclaration ad hoc.

136    Enfin, la réglementation relative à l’IMU renvoie pour la définition d’une série d’éléments à un règlement d’application, à savoir le decreto ministeriale del 19 novembre 2012, n. 200 (décret ministériel n° 200, du 19 novembre 2012), qui porte sur les termes et les conditions pour la présentation de la déclaration susmentionnée, les éléments pertinents pour déterminer l’utilisation proportionnelle du bien immobilier et les conditions générales et spécifiques qui doivent être remplies afin qu’une activité soit considérée comme étant exercée selon des modalités non commerciales. À ce dernier égard, et afin de pouvoir bénéficier de l’exonération de l’IMU, le règlement d’application prévoit ce qui suit :

–        premièrement, à titre général, les activités exercées par les entités concernées ne doivent pas poursuivre un but lucratif ; en outre, elles ne doivent pas, de par leur nature, être en concurrence avec celles d’autres opérateurs du marché qui poursuivent un but lucratif et elles doivent refléter les principes de solidarité et de subsidiarité ;

–        deuxièmement, en tant que conditions subjectives pour les entités non économiques, l’acte constitutif ou les statuts de l’entité en particulier doivent comporter une interdiction générale de distribution de quelques bénéfices, excédents d’exploitation, fonds et réserves que ce soient ; il convient en outre de réinvestir les éventuels bénéfices uniquement dans le développement d’activités qui contribuent à l’objectif institutionnel de solidarité sociale ; en cas de dissolution de l’entité non commerciale, celle-ci doit transmettre son patrimoine à une autre entité non commerciale exerçant une activité similaire ;

–        troisièmement, en tant que conditions objectives pour les entités exerçant des activités dans le secteur de l’enseignement, trois conditions doivent être réunies, à savoir que l’activité doit être de qualité comparable à celle de l’enseignement public et que l’école doit pratiquer une politique d’inscription non discriminatoire à l’égard des élèves ; que l’école doit en outre accueillir les élèves présentant un handicap, appliquer les conventions collectives, disposer de structures adaptées aux normes applicables et prévoir la publication de ses comptes, et que l’activité doit être fournie à titre gratuit ou contre paiement d’un montant symbolique couvrant uniquement une partie du coût réel du service, compte tenu également de l’absence de rapport avec le coût réel dudit service.

137    En premier lieu, il ressort des aspects généraux de la nouvelle réglementation relative à l’IMU et des critères concrets énumérés au point précédent que ladite réglementation ne s’applique qu’à des entités ne pouvant pas être considérées comme des « entreprises » aux fins de l’application du droit de l’Union. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante et comme l’a relevé la Commission au considérant 166 de la décision attaquée, le règlement d’application exclut, de manière expresse, du champ d’application de l’exonération de l’IMU les activités qui, de par leur nature, sont en concurrence avec celles d’autres opérateurs du marché qui poursuivent un but lucratif.

138    En deuxième lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante quant au caractère vague de la nouvelle réglementation, car, parmi d’autres aspects, la législation italienne précise que, en cas d’utilisation mixte d’un immeuble, il y a lieu de calculer la proportion dans laquelle l’immeuble est utilisé à des fins commerciales et d’appliquer l’IMU aux seules activités économiques. De surcroît, dans les cas où une entité exerce parallèlement des activités économiques et non économiques, l’exonération partielle dont elle bénéficie pour la partie de l’immeuble affectée à des activités non économiques ne lui confère aucun avantage quand elle exerce une activité économique en tant qu’entreprise.

139    En troisième lieu, la requérante critique le critère du caractère gratuit ou symbolique de la contrepartie, qui n’exclurait pas, selon elle, le caractère onéreux du service. Ce critère aurait pour effet pervers que l’aide serait accordée à des opérateurs qui, grâce à cette aide, pourraient pratiquer des prix inférieurs.

140    Or, à cet égard, force est de constater que, d’une part, ainsi qu’il ressort du considérant 172 de la décision attaquée, le règlement d’application de l’IMU dispose que, pour être symbolique, la contrepartie doit couvrir uniquement une partie du coût réel du service, compte tenu également de l’absence de rapport avec le coût réel dudit service.

141    D’autre part, ainsi que l’a rappelé la Commission au considérant 172 de la décision attaquée et en faisant référence à la jurisprudence mentionnée dans la note en bas de page n° 70 de la décision attaquée, la caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation en cause, contrepartie qui est normalement définie entre le prestataire et le destinataire du service. La Cour a estimé qu’une telle caractéristique faisait défaut dans le cas de cours dispensés dans le cadre du système d’éducation nationale. En effet, en établissant et en maintenant un tel système, l’État n’entend pas s’engager dans des activités rémunérées, mais accomplit sa mission dans les domaines social, culturel et éducatif envers sa population. En outre, lesdits systèmes sont, en règle générale, financés par le budget public et non par les élèves ou leurs parents. La Cour a ajouté que la nature de cette activité n’était pas affectée par le fait que les élèves ou leurs parents étaient parfois obligés de payer certaines redevances ou certains frais de scolarité en vue de contribuer dans une certaine mesure aux frais de fonctionnement du système (voir, en ce sens, arrêts du 7 décembre 1993, Wirth, C‑109/92, EU:C:1993:916, point 15 et jurisprudence citée, et du 11 septembre 2007, Schwarz et Gootjes-Schwarz, C‑76/05, EU:C:2007:492, points 38 et 39).

142    En l’espèce, la jurisprudence qui précède est applicable, comme la Commission l’a indiqué au point 172 de la décision attaquée, à l’égard des activités d’enseignement exercées par les entités non commerciales – dont les entités ecclésiastiques, pour autant que, comme l’exige la réglementation de l’IMU, la contrepartie soit destinée à payer certaines redevances ou certains frais de scolarité en vue de contribuer dans une certaine mesure aux frais desdites entités.

143    Par conséquent, la requérante ne saurait soutenir que la Commission a commis une erreur d’appréciation. En outre, il convient de relever que la requérante n’avance aucun argument aux fins de contester l’application de cette jurisprudence dans ses écritures.

144    Au vu de ce qui précède, la requérante ne parvient pas à démontrer que la réglementation relative à l’IMU permet l’application de l’exonération à des activités ayant un caractère économique et que la Commission a, de ce fait, violé l’article 107 TFUE, en considérant que ladite réglementation ne tombait pas dans le champ d’application de cette disposition du traité. Par ailleurs, pour autant que la requérante fait valoir que les conditions d’existence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, seraient remplies par la réglementation de l’IMU, il y a lieu de rejeter ces arguments comme étant inopérants.

145    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

146    La requérante considère que la lecture de la décision attaquée ne permet pas de comprendre les raisons qui ont motivé les trois volets dont se compose celle-ci.

147    La Commission conteste ces arguments.

148    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle. Il ne saurait toutefois être exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, point 56 ; du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T‑214/95, EU:T:1998:77, points 62 et 63, et du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 156).

149    En l’espèce, il suffit de constater que, ainsi que le relève à juste titre la Commission, au regard tant de son libellé que du contexte dans lequel elle a été adoptée, la décision attaquée contient, aux considérants 22 à 198, une motivation particulièrement détaillée, qui satisfait aux obligations énoncées à l’article 296 TFUE.

150    En effet, d’une part, la Commission a exposé, aux considérants 191 et 198 de la décision attaquée, les motifs pour lesquels il serait absolument impossible pour la République italienne de procéder à la récupération d’aides illégales éventuelles accordées dans le cadre des dispositions relatives à l’exonération de l’ICI. Ces motifs tiennent à la structure du cadastre ainsi qu’aux bases de données fiscales, qui ne permettent pas d’obtenir, avec effet rétroactif, les éléments nécessaires au calcul des montants à récupérer.

151    D’autre part, la Commission a exposé, aux considérants 151 à 159 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle a estimé que l’article 149, paragraphe 4, du TUIR ne conférait aucun avantage sélectif, que ce soit aux entités ecclésiastiques ou aux clubs de sport amateur. Il en est de même de l’exonération de l’IMU au regard de laquelle la Commission a exposé, aux considérants 160 à 177 de la décision attaquée, les motifs pour lesquels elle a estimé que, lorsqu’elles exercent les activités s’y rapportant en respectant intégralement les conditions prévues par la législation italienne, les entités non commerciales concernées n’agissent pas comme des entreprises au sens du droit de l’Union, de sorte que l’article 107 TFUE n’est pas applicable à leur égard.

152    Une telle motivation a permis, d’une part, à la requérante de comprendre et de contester le raisonnement suivi par la Commission pour adopter la décision attaquée, comme le démontre le contenu de son recours, et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité, comme il ressort de l’examen des moyens examinés ci-dessus.

153    Par conséquent, la Commission n’a pas violé l’article 296 TFUE.

154    Le quatrième moyen doit donc être rejeté, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

155    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

156    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission. Quant à la République italienne, elle supportera ses propres dépens afférents à son intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Scuola Elementare Maria Montessori Srl est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République italienne supportera ses propres dépens afférents à son intervention.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.