DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 mai 2016 (*)

« Aides d’État – Installations sportives fournies par des organisations sans but lucratif – Subventions d’exploitation ou d’investissement visant à permettre de construire, d’exploiter, d’entretenir, de reconstruire ou de développer des installations sportives dépourvues de finalité lucrative – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Recours en annulation – Affectation individuelle – Notion de partie intéressée – Recevabilité – Absence d’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun – Absence de doutes justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen »

Dans l’affaire T‑693/14,

Hamr - Sport a.s., établie à Prague (République tchèque), représentée par Me T. Capoušek, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Maxian Rusche et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil et T. Müller, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C (2014) 3602 final de la Commission, du 11 juin 2014, relative à l’aide d’État SA.33575 (2013/NN) – République tchèque en faveur d’installations sportives sans but lucratif accordée par des institutions publiques centrales,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Hamr - Sport a.s., est une société de droit tchèque qui exerce son activité dans le domaine du sport. Elle propose un certain nombre de services sportifs à Prague (République tchèque).

2        Le 23 août 2011, la requérante a déposé une plainte (ci-après la « plainte ») auprès de la Commission européenne, visant à faire constater que les subventions accordées par la République tchèque en faveur d’organisations sans but lucratif, pour permettre la construction, l’exploitation, l’entretien, la reconstruction ou le développement d’installations sportives (ci-après les « subventions » ou la « mesure en cause »), constituaient une aide d’État illégale.

3        Les subventions, accordées annuellement par le ministère tchèque compétent, sont subordonnées à l’existence d’une demande présentée en ce sens par une organisation sans but lucratif, qui s’engage à mettre au service de ses membres, et au-delà en fonction de son objet, les installations sportives en question pour une durée minimale de dix ans.

4        Le 23 septembre 2011, la Commission a adressé à la requérante une lettre contenant l’évaluation préliminaire de la plainte. Dans cette lettre, tout en rappelant qu’il ne s’agissait, à ce stade, que de l’avis préliminaire du service de sa direction générale (DG) de la concurrence et non de sa position définitive, la Commission a estimé que la mesure en cause « ne constitu[ait] pas, a priori, une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] et [que], à supposer même que ce soit le cas, il s’agirait, a priori, d’une aide compatible avec le marché intérieur ».

5        Le 30 août 2012, la Commission a fait parvenir aux autorités tchèques une demande d’informations. La République tchèque a répondu à ladite demande le 29 octobre 2012.

6        Par lettre du 7 janvier 2013, au vu des informations complémentaires fournies tant par la requérante que par la République tchèque, la Commission a fait part à la première citée de sa seconde évaluation préliminaire de la plainte. Tout en réitérant les réserves quant au caractère provisoire de l’analyse que contenait cette lettre, elle y indiquait que les subventions « p[ouvai]ent donc, dès lors qu’elles constitu[ai]ent une aide d’État, être considérées comme compatibles avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, [sous] c), […] TFUE ».

7        Le 4 février 2013, la requérante a transmis à la Commission ses observations concernant la réponse des autorités tchèques du 29 octobre 2012.

8        La Commission a ensuite présenté plusieurs demandes d’informations complémentaires, auxquelles la République tchèque a donné suite.

9        Le 11 juin 2014, la Commission a adopté la décision C (2014) 3602 final relative à l’aide d’État SA.33575 (2013/NN) – République tchèque en faveur d’installations sportives sans but lucratif accordée par des institutions publiques centrales (ci-après la « décision attaquée »).

10      La Commission, dans la décision attaquée, après examen, premièrement, des griefs avancés par la requérante dans la plainte, deuxièmement, de l’analyse effectuée par la République tchèque quant à la plainte et, troisièmement, des observations de la requérante sur la réponse des autorités tchèques, a considéré, en premier lieu, qu’il ne pouvait être exclu que les subventions dussent être qualifiées d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, en second lieu, que, dans la mesure où ces subventions constituaient une aide, celle-ci était compatible avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, relatif aux aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques et n’altérant pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

11      La Commission a informé la requérante de l’adoption de la décision attaquée, en lui en faisant parvenir copie, le 24 juillet 2014.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2014, la requérante a introduit le présent recours.

13      La Commission a déposé le mémoire en défense le 23 février 2015.

14      Le 26 février 2015, la République tchèque a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

15      Le 24 mars 2015, la Commission a fait parvenir au greffe du Tribunal ses observations sur la demande d’intervention.

16      Le 20 avril 2015, la requérante a déposé au greffe du Tribunal la réplique.

17      Par ordonnance du même jour, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis la République tchèque à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

18      Le 8 juin 2015, la République tchèque a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en intervention, sur lequel la Commission a fait part de ses observations le 10 juillet 2015.

19      Le 7 septembre 2015, la Commission a déposé au greffe du Tribunal la duplique.

20      Le 9 septembre 2015, le greffe du Tribunal a signifié aux parties la clôture de la phase écrite de la procédure. La Commission a indiqué, le 1er octobre 2015, qu’elle ne demandait pas la tenue d’une audience. La requérante et la République tchèque n’ont pas pris position à la suite de ladite clôture.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        saisir à nouveau la Commission pour qu’elle effectue une enquête plus approfondie et adopte les mesures correctrices appropriées.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      La République tchèque conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de statuer conformément aux conclusions déposées par la Commission.

 En droit

24      Aux termes de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, en l’absence de demande d’audience de plaidoiries présentée par une partie principale dans le délai de trois semaines à compter de la signification aux parties de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal peut, s’il s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, décider de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure.

25      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité

26      Sans formellement soulever d’exception d’irrecevabilité au sens de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission conteste la recevabilité du recours, faisant valoir que la requérante n’a pas qualité pour agir en raison de l’absence d’affectation individuelle par la décision attaquée.

27      La République tchèque déclare faire totalement siennes les observations de la Commission concernant cette fin de non-recevoir et soulève une seconde fin de non-recevoir, tirée de l’absence d’indication, par la requérante, de moyens clairs et précis au soutien de ses conclusions.

28      Dans la réplique, la requérante fait observer que son recours est recevable, puisque sa position concurrentielle sur le marché pertinent des services sportifs est substantiellement affectée par la décision attaquée. Elle revendique la qualité de partie intéressée et soutient que la Commission a adopté ladite décision sans lancer une procédure d’enquête formelle, ce en quoi elle a violé ses droits procéduraux.

 Sur l’affectation directe et individuelle

29      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

30      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a pour unique destinataire la République tchèque. Il en est ainsi, car la procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide (arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 50 ; ordonnance du 19 février 2013, Provincie Groningen e.a./Commission, T‑15/12 et T‑16/12, non publiée, EU:T:2013:74, point 41, et arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest‑C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, non publié, EU:T:2015:840, point 28).

31      Dans ces conditions, le présent recours en annulation n’est recevable, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée ou si la requérante est directement concernée par la décision attaquée et si cette dernière constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution (voir arrêt du 26 septembre 2014, Royal Scandinavian Casino Århus/Commission, T‑615/11, non publié, EU:T:2014:838, point 25 et jurisprudence citée).

32      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêt du 17 juillet 2014, Westfälisch-Lippischer Sparkassen- und Giroverband/Commission, T‑457/09, EU:T:2014:683, point 80 ; voir également, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 197, 223, et du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 30).

33      Il convient d’emblée de souligner que le fait pour la requérante d’avoir déposé une plainte contre la mesure en cause ne saurait être suffisant pour en déduire qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnances du 27 août 2008, Adomex/Commission, T‑315/05, non publiée, EU:T:2008:300, point 30 ; du 21 janvier 2011, Vtesse Networks/Commission, T‑54/07, non publiée, EU:T:2011:15, point 93, et arrêt du 26 septembre 2014, Royal Scandinavian Casino Århus/Commission, T‑615/11, non publié, EU:T:2014:838, point 29).

34      En l’espèce, par la décision attaquée, la mesure en cause a été qualifiée d’aide d’État et déclarée compatible avec le marché intérieur. La Commission a donc pris la décision de ne pas soulever d’objections, au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1). Il ressort de la jurisprudence que, dans cette hypothèse, la Commission est réputée avoir adopté la décision implicite de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 26 et jurisprudence citée).

35      Or, puisque l’existence de doutes quant à la compatibilité d’une mesure donnée avec le marché intérieur doit donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 47 et jurisprudence citée, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, points 43 et 44).

36      Partant, la qualité particulière de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, liée à l’objet spécifique du recours, suffit pour individualiser, selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le requérant qui conteste une décision implicite de ne pas soulever d’objections, lorsque ledit recours tend à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 48, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 44).

37      S’il est vrai, comme le souligne la Commission, que la requérante n’invoque pas expressément, dans la requête, la sauvegarde de ses droits procéduraux, il y a lieu de relever, premièrement, que plusieurs passages de ladite requête y tendent en substance, comme ceux par lesquels elle déclare regretter qu’il n’ait pas été tenu « compte d’une série de faits importants mentionnés dans sa plainte, qui n’ont pas du tout été examinés » par la Commission ou que cette dernière n’ait « pas suffisamment examiné la question de savoir si les éléments constitutifs d’une aide d’État illégale étaient ou non réunis » et, deuxièmement, que son second chef de conclusions, tendant à ce que la Commission « effectue une enquête plus approfondie et adopte les mesures correctrices appropriées », lu à la lumière de la réplique, dans laquelle elle fait valoir qu’il « existait des doutes quant à la compatibilité avec le marché intérieur des mesures attaquées qui auraient dû pousser la Commission à ouvrir une procédure formelle d’examen, [lui] garantissant […] la protection juridictionnelle de ses droits, mais que tel n’a pas été le cas en particulier », peut être interprété comme visant, en réalité, à l’ouverture d’une telle procédure et, partant, à la sauvegarde desdits droits. Il convient en effet de rappeler que, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant par là même ses droits procéduraux (arrêt du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, point 60).

38      Il importe donc de vérifier si la requérante a établi être une « partie intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, étant rappelé que cette dernière disposition définit la « partie intéressée » comme « tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».

39      Il ressort de la jurisprudence que sont des parties intéressées, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, qui peuvent ainsi, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, introduire des recours en annulation, les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire, en particulier, les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 41 ; du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 36, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132).

40      Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires, ce qui n’exclut pas qu’un concurrent indirect du bénéficiaire de l’aide puisse être qualifié de partie intéressée, pour autant qu’il fait valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide et qu’il démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 à 65 et jurisprudence citée, et ordonnance du 16 mai 2013, BytyOKD/Commission, T‑559/11, non publiée, EU:T:2013:255, point 25).

41      Selon la jurisprudence, lorsque la requérante est une entreprise concurrente de la société bénéficiaire des mesures dénoncées, elle figure incontestablement parmi les parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 41, et du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Sarc/Commission, T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, point 41), au regard de la définition de cette notion contenue à l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999 (arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 59).

42      La requérante doit donc, pour pouvoir être qualifiée de partie intéressée, d’une part, établir qu’elle se trouve dans un rapport de concurrence avec les bénéficiaires de l’aide et, d’autre part, prouver que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation, faussant le rapport de concurrence en question.

43      En l’espèce, la requérante revendique sa position de concurrente des organisations bénéficiaires des subventions, faisant valoir que la présence dans le secteur de la prestation de services sur le marché de l’activité sportive, qu’elle dénomme aussi « marché des services sportifs » ou encore « marché des activités sportives de loisir », d’un concurrent qui a accès aux ressources publiques a pour effet de créer des distorsions de concurrence dans la fixation des prix, ces derniers ne répercutant pas les coûts réels de l’activité ni un profit raisonnable, ce qui engendrerait une attractivité supérieure des équipements sportifs gérés par ces organisations. La libre fixation des prix en serait donc affectée. Elle estime que la prestation de services sur ledit marché ne saurait être considérée comme un secteur dans lequel l’octroi d’une aide publique serait justifié et conteste qu’il s’agisse d’un service d’intérêt économique général. Selon elle, ces organisations sont ses concurrents, opérant sur le même marché et visant « le même groupe cible ». Elle évalue, dans la réplique, le secteur non subventionné à 13,92 % du marché, les 86,08 % restants étant composés d’organisations sans but lucratif, bénéficiaires des subventions, mais aussi de l’État et des entités territoriales. Elle déplore, en particulier, que des personnes non membres desdites organisations et des sportifs professionnels puissent utiliser des infrastructures subventionnées.

44      Plus particulièrement, il ressort de la décision attaquée que la requérante, qui gère trois complexes sportifs à Prague, où sont mis à la disposition du grand public des terrains de sport à des fins de loisir, et qui propose également des services tels que la vente d’équipements de sport, des cours dispensés par des entraîneurs professionnels et une activité de restauration, a produit à l’appui de sa plainte la liste des prix de six organisations sans but lucratif sises dans la capitale tchèque, bénéficiaires de subventions (paragraphe 16 de la décision attaquée). Ces prix étant d’un niveau moindre que celui de ses propres tarifs, elle doit être regardée comme ayant établi à suffisance de droit que, à tout le moins concernant certains aspects des activités des bénéficiaires desdites subventions situés dans la capitale tchèque ou sa région, la mesure en cause avait ou risquait d’avoir une incidence concrète sur sa situation, faussant le rapport de concurrence sur le marché mentionné au point 43 ci-dessus.

45      Il résulte de ce qui précède que la requérante peut être qualifiée de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999 et, au regard de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 35 et 36 ci-dessus, est donc directement et individuellement concernée par la décision attaquée.

46      La première fin de non-recevoir n’ayant pas été accueillie, il y a lieu d’examiner la seconde fin de non-recevoir, soulevée par la République tchèque.

 Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’indication, par la requérante, de moyens clairs et précis au soutien de ses conclusions

47      Il convient d’emblée de relever que la République tchèque n’a pas, en tant qu’intervenante au présent litige, qualité pour soulever une fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du recours si celle-ci n’a pas été invoquée par la partie au soutien des conclusions de laquelle elle intervient et que le Tribunal n’est donc pas tenu d’examiner les moyens qu’elle invoque (ordonnance du 4 juillet 2014, Uspaskich/Parlement, T‑84/12, non publiée, EU:T:2014:642, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, points 20 à 22, et du 13 avril 2011, Allemagne/Commission, T‑576/08, EU:T:2011:166, points 38 et 39). Il y a lieu, dès lors, d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la République tchèque.

48      Toutefois, l’invocation, par la République tchèque, de l’absence de moyens clairs et précis dans la requête revenant à alléguer une violation des conditions de recevabilité énoncées à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, il importe de rappeler que ces dernières sont d’ordre public (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juillet 2014, Melkveebedrijf Overenk e.a./Commission, C‑643/13 P, non publiée, EU:C:2014:2118, point 38, et arrêts du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, EU:T:2002:84, point 154, et du 23 octobre 2015, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑552/13, EU:T:2015:805, point 91). Il appartient, par suite, au Tribunal de procéder d’office à l’examen desdites conditions de recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 23 et jurisprudence citée, et du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 38).

49      L’examen de la requête permet de conclure qu’elle exprime avec une clarté suffisante ce que la requérante reproche à la Commission, à savoir, d’avoir qualifié la mesure en cause d’aide compatible avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE sans avoir dûment motivé cette assertion ni tenu compte de ce que, s’agissant d’une exception au principe d’illégalité de ladite aide, ces dispositions étaient d’interprétation stricte et supposaient une réponse convaincante, qui n’aurait pas été apportée en l’espèce. La requérante en déduit, en substance, que la Commission aurait dû ouvrir une procédure formelle d’examen et que, ne l’ayant pas fait, elle a méconnu ses droits procéduraux. Il y a donc lieu de juger que la requérante invoque trois moyens, tirés, respectivement, d’une violation des formes substantielles, à savoir, en l’espèce, l’obligation de motivation, d’une erreur dans la qualification juridique des faits et d’une erreur de droit.

50      Par suite, il convient de juger le recours conforme aux exigences posées à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du 2 mai 1991 et, partant, au vu de tout ce qui précède, d’admettre comme recevable la demande d’annulation de la décision attaquée.

 Sur le fond

51      En premier lieu, il importe d’écarter comme inopérants l’ensemble des griefs par lesquels la requérante conteste l’application de certains des critères relatifs à l’existence d’une aide d’État, notamment la sélectivité de l’aide, dès lors que, comme la requérante l’admet elle-même, la Commission a estimé ne pouvoir exclure que les subventions fussent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. C’est donc uniquement en raison de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur que la Commission a exclu tout doute sérieux de nature à justifier l’ouverture d’une procédure formelle d’examen et, partant, c’est uniquement à ce titre que la Commission est susceptible d’avoir violé les droits procéduraux de la requérante.

52      En second lieu, il échet également d’écarter comme inopérant le grief tiré de la contradiction entre les conclusions de la décision attaquée et celles figurant dans la lettre du 7 janvier 2013, dès lors que celle-ci, constituant une simple étape dans la réflexion de l’institution avant que cette dernière n’arrête sa position définitive, revêt le caractère d’une mesure préparatoire, insusceptible de faire grief et, par suite, d’entacher d’illégalité la décision attaquée.

53      Il convient, à présent, d’examiner les moyens du recours en commençant par le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée concernant la compatibilité des subventions avec le marché intérieur.

 Sur la motivation de la compatibilité des subventions avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE

54      Il ressort de la jurisprudence que la décision de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et que même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 253 TFUE si elle fait néanmoins apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence (arrêts du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, points 65, 70 et 71, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 111).

55      En l’espèce, il y a lieu de relever que, après avoir indiqué ne pouvoir exclure que les subventions constituent une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (paragraphe 65 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, la Commission, contrairement à ce qui est allégué dans la requête, a consacré de longs développements à la question de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur. Ainsi, le point 3.2 de la décision attaquée, intitulé « Compatibilité de l’aide », contient-il lui-même 27 paragraphes traitant de cette question.

56      Dans un premier temps, la Commission a vérifié la présence d’un objectif d’intérêt commun (paragraphes 70 à 73 de la décision attaquée), concluant par l’affirmative, la mesure en cause visant clairement à promouvoir le sport amateur auprès du grand public et à lui en faciliter l’accès. Elle a relevé, en particulier, que des buts tels que la représentation sportive de la République tchèque, l’attention portée à de jeunes sportifs talentueux, l’organisation d’activités de loisir pour les enfants, les jeunes et les adultes, la prévention de maladies liées au mode de vie, l’intégration sociale, la promotion du volontariat, la lutte contre la toxicomanie et la facilitation de l’activité sportive des personnes handicapées répondaient à ce critère d’intérêt commun. En résumé, la Commission a estimé que les subventions visaient à promouvoir non seulement le sport, objectif de l’Union en vertu de l’article 165 TFUE, mais, plus largement, à travers sa pratique, la bonne santé physique et mentale des citoyens de la République tchèque.

57      Dans un deuxième temps, la Commission a examiné l’adéquation de la mesure en cause avec l’objectif d’intérêt commun (paragraphes 74 à 83 de la décision attaquée). À cette fin, elle s’est penchée, en premier lieu, sur la question de savoir si ladite mesure constituait un instrument nécessaire et approprié ou bien s’il existait d’autres outils plus adaptés, en deuxième lieu, sur l’éventuel effet incitatif des subventions sur le comportement des entreprises et, en troisième lieu, sur le caractère proportionné de la mesure en cause.

58      Concernant le premier point, la Commission a mis en avant (paragraphes 75 à 77 de la décision attaquée) la circonstance que, en dépit de l’implication tant financière que personnelle de leurs membres, les organisations sans but lucratif n’étaient pas en mesure d’assumer elles-mêmes les coûts liés à l’activité sportive. Selon elle, le cofinancement public de la construction et de l’utilisation des équipements desdites organisations comble une faille du marché pertinent, en ce sens que les projets afférents à ces équipements ne pourraient voir le jour sans les subventions. À cela s’ajoute, a fait observer la Commission, la longue tradition des autorités tchèques en ce qui concerne la participation publique au financement des infrastructures sportives. La Commission a donc considéré que la mesure en cause était nécessaire et appropriée.

59      Concernant le deuxième point, la Commission a considéré (paragraphes 78 à 80 de la décision attaquée) que l’effet incitatif des subventions était avéré, en particulier s’agissant de l’éveil des enfants et des jeunes aux activités sportives. Elle a indiqué, à cet égard, que, sans les subventions, leurs bénéficiaires n’eussent pas entrepris la construction et la mise à disposition d’équipements sportifs, ou l’eussent fait dans une proportion moindre ou au détriment de la qualité, ce qui aurait compromis l’accomplissement des objectifs en matière de sport et de santé.

60      Concernant le troisième point, l’exigence de proportionnalité de la mesure en cause a été regardée comme remplie par la Commission (paragraphes 81 à 83 de la décision attaquée), après une analyse très détaillée fondée sur treize motifs [paragraphe 82, sous a) à m), de la décision attaquée], dont le Tribunal n’entend pas procéder à la réitération exhaustive, renvoyant sur ce point à la décision attaquée, mais à la synthèse. En substance, la Commission a fait valoir, tout d’abord, qu’un amoindrissement de la mesure en cause risquerait de mettre en péril l’existence d’activités sportives offertes au grand public, ensuite, que ladite mesure était incompatible, au vu des principes régissant son allocation, avec la pratique d’activités commerciales et ne portait donc pas atteinte à ces dernières et, enfin, que les subventions ne finançaient pas d’équipements sportifs dédiés aux clubs sportifs professionnels, les utilisateurs autres que les membres des organisations sans but lucratif ne représentant pas plus de 20 % de la disponibilité horaire des infrastructures sportives.

61      Dans un troisième temps, ont été pris en compte les effets sur les conditions du commerce entre États membres et sur la concurrence, afin de faire un bilan global des avantages de la mesure en cause au regard de ses inconvénients (paragraphes 84 à 93 de la décision attaquée).

62      Quant aux effets sur les conditions du commerce entre États membres, la Commission a relevé d’emblée que, d’ordinaire, il était très improbable que le financement des infrastructures dévolues au sport amateur et exploitées par des associations se consacrant à l’intérêt général pût affecter les conditions de marché à un point qui se révélerait contraire à l’intérêt commun, puisqu’il portait sur un marché local. Selon la Commission, la plupart des sports ne donne pas lieu à une offre sur le marché de la part de concurrents privés. Illustrant cette remarque générale, la Commission a ainsi noté que, en l’espèce, la vaste majorité des organisations sans but lucratif était active au niveau municipal, régional ou local, sans autre précision, l’utilisation des infrastructures financées par les subventions lors d’événements internationaux n’étant que ponctuelle et aucune de ces infrastructures n’étant située hors du territoire de la République tchèque.

63      Il ressort également de la décision attaquée que chacune des organisations sans but lucratif concernées a pour but de se développer uniquement à l’échelle locale ou régionale, y compris dans son action publicitaire, et que les opérateurs commerciaux sont, en général, de petite taille et agissent eux-mêmes sur un marché local, en recourant à des sites Internet dont le contenu est principalement en langue tchèque.

64      En conclusion, la Commission a estimé que les équipements sportifs faisant l’objet des subventions n’étaient pas en concurrence avec les équipements sportifs sis dans d’autres États membres et que, même dans les régions frontalières, le total des visiteurs d’autres États que la République tchèque fréquentant les infrastructures financées par les subventions apparaissait limité. Elle a donc considéré que les effets sur le commerce entre États membres étaient limités et ne se révélaient pas contraires à l’intérêt commun.

65      Quant à l’impact sur la concurrence, celui-ci a été également regardé comme limité par la Commission, dans la mesure où les organisations sans but lucratif tiennent avant tout compte de leurs propres membres. Cet impact est, selon la Commission, d’autant plus réduit qu’il faut prendre en considération les zones géographiques concernées, à savoir les communes ou les régions de la République tchèque. Toujours selon la Commission, minore encore ledit impact le fait qu’il s’agisse, à propos de l’activité des organisations sans but lucratif, non de sport professionnel ou commercial, mais de sport amateur, donc sans recherche de profit, ouvert au grand public, aux écoles et aux personnes handicapées.

66      Par conséquent, tout en reconnaissant que l’exploitation d’installations sportives par une organisation sans but lucratif est susceptible de conduire à une perte de revenu pour un opérateur privé comme la requérante, la Commission a fait observer qu’un tel opérateur n’était pas en mesure de satisfaire l’intérêt commun de la même façon que le faisaient les bénéficiaires des subventions, qui exploitent des installations sportives à des prix qui sont abordables pour le plus grand nombre.

67      Il ressort donc de l’ensemble des motifs exposés aux points 55 à 66 ci-dessus que, alors même, comme cela a été rappelé au point 54 ci-dessus, que l’exigence de motivation est moindre pour les décisions de ne pas ouvrir une procédure formelle d’examen que pour d’autres types de décisions, la Commission a indiqué de façon claire, cohérente et exhaustive les raisons de l’adoption de la décision attaquée.

68      Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée concernant la compatibilité des subventions avec le marché intérieur manque ainsi en fait et ne peut qu’être rejeté.

69      Il convient, à présent, d’examiner ensemble les moyens tirés de ce que la Commission aurait commis une erreur d’appréciation en qualifiant la mesure en cause d’aide compatible avec le marché intérieur et aurait méconnu l’exigence d’interprétation stricte de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

 Sur le bien-fondé de la compatibilité des subventions avec le marché intérieur au regard, d’une part, des faits de l’espèce et, d’autre part, de l’exigence d’interprétation stricte de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE

70      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure en question, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. L’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59 ; du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 50, et du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, point 60).

71      Selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission, saisie d’une plainte, ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire d’examen pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché intérieur. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223, point 61, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 70).

72      Ensuite, il ressort de la jurisprudence que, la notion de difficultés sérieuses revêtant un caractère objectif, l’existence de telles difficultés doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué, mais également dans les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission (arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223, point 63, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 71).

73      Il s’ensuit que la légalité de la décision attaquée dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de l’examen de la plainte aurait dû objectivement susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur.

74      Enfin, les moyens de la requérante portant sur l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, il importe de souligner que cet article confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social (arrêts du 20 septembre 2007, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie/Commission, T‑375/03, non publié, EU:T:2007:293, point 138, et du 27 septembre 2012, Italie/Commission, T‑257/10, non publié, EU:T:2012:504, point 133). Dès lors, le contrôle exercé par le juge de l’Union sur de telles appréciations se limite à la vérification du respect des règles de procédure, du caractère suffisant de la motivation, de l’exactitude matérielle des faits et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 13 septembre 1995, TWD/Commission, T‑244/93 et T‑486/93, EU:T:1995:160, point 82).

75      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les présents moyens.

76      Il résulte de l’analyse de la décision attaquée que la Commission a porté une attention soutenue aux faits de l’espèce, reprenant des éléments fournis non seulement dans la plainte, mais également dans les nombreux courriers qu’elle a échangés tant avec les autorités tchèques qu’avec la requérante, afin de parfaire son analyse de la mesure en cause. La requérante estime cependant que de nombreux faits évoqués dans la plainte n’ont pas été pris en compte et que ladite analyse est insuffisante et ne reflète pas la portée intégrale de la plainte.

77      Il convient, à cet égard, de relever que c’est à bon droit que la Commission a cherché à vérifier la présence d’un objectif d’intérêt commun avant d’examiner l’adéquation de la mesure en cause avec cet objectif et d’effectuer un bilan des avantages de ladite mesure au regard de ses inconvénients.

78      La présence de l’objectif d’intérêt commun ne soulève pas de doute en l’espèce, ainsi qu’il résulte de la lecture combinée des paragraphes 9 à 15 de la décision attaquée, figurant sous l’intitulé « Description de la mesure » (voir points 2 et 3 ci-dessus), et des paragraphes 70 à 73 de ladite décision, résumés au point 56 ci-dessus. Il convient d’observer, au demeurant, que la requérante ne conteste pas l’existence d’un tel objectif, mais déclare que, exerçant « une activité strictement identique à celle des organisations sans but lucratif », elle « réalise donc l’objectif de l’intérêt général déclaré ». Cette assertion ne saurait prospérer et ne pouvait créer un doute sérieux dans l’esprit de la Commission. En effet, s’il est vrai que la requérante promeut elle aussi l’activité sportive, c’est, d’une part, en vue d’en retirer un profit et, d’autre part, en offrant des conditions, notamment tarifaires, qui ne peuvent permettre, en tout cas avec la même ampleur et à des prix abordables, l’accès du plus grand nombre ainsi que de publics spécifiques aux activités sportives de loisir.

79      La question de l’adéquation des subventions avec l’objectif d’intérêt commun, qui impliquait que la Commission procédât au contrôle de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure en cause, donne également lieu à contestation de la part de la requérante.

80      Cette dernière estime que les subventions bénéficient à un trop grand nombre d’organisations sans but lucratif et de façon trop importante, alors qu’aucune étude sérieuse des besoins n’a été menée par les autorités tchèques et que les sociétés ne peuvent prétendre auxdites subventions du fait de leur statut. Elle conteste également à ce titre l’accès de sportifs professionnels aux infrastructures en question et le fait que ces organisations pratiquent des tarifs sans avoir à tenir compte des coûts des prestations.

81      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, outre les motifs rappelés aux points 58 à 60 ci-dessus, dont il importe de souligner le bien-fondé, c’est à juste titre que la Commission a mis en avant le fait que la mesure en cause impliquait la prise d’engagements à long terme (dix ans) [paragraphe 10 et paragraphe 82, sous k), de la décision attaquée] par des organisations sans but lucratif dont les profits éventuels étaient réinvestis dans les activités sportives [paragraphe 82, sous f), de la décision attaquée]. Elle a également relevé que la mesure en cause ne portait que sur 20 % des demandes de subvention [paragraphe 82, sous b), de la décision attaquée] et que ses effets étaient répartis sur l’ensemble du territoire, celui-ci comprenant quelque 17 300 installations sportives gérées par des associations sans but lucratif.

82      Dans la mesure où il appartient à la partie requérante d’identifier les indices relatifs au contenu de la décision attaquée afin de démontrer l’existence de doutes (voir, en ce sens, arrêts du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, EU:T:2001:94, point 49, et du 5 novembre 2014, Vtesse Networks/Commission, T‑362/10, EU:T:2014:928, point 62), force est de constater que les écritures de la requérante ne permettent pas, en l’espèce, d’établir que la Commission aurait dû avoir des doutes sérieux concernant l’adéquation de la mesure en cause avec l’objectif poursuivi.

83      Il convient d’examiner séparément l’importance de l’affectation du commerce entre États membres et celle des effets de la mesure en cause sur la concurrence.

84      Il apparaît, s’agissant de l’importance de l’affectation du commerce entre États membres par les subventions, que la démonstration figurant aux paragraphes 85 à 88 de la décision attaquée (voir points 62 à 64 ci-dessus) est pleinement fondée. Dès l’appréciation de l’existence d’une aide, la Commission indiquait à bon droit, à cet égard, que, étant donné l’organisation traditionnelle des bénéficiaires des subventions sous la forme typique de clubs sportifs, « il n’[était] pas plausible que le soutien financier apporté par la République tchèque soit utilisé par les bénéficiaires pour étendre leurs activités hors du marché de la commune ou de la région concernée » (paragraphe 59 de la décision attaquée). Au stade de l’appréciation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, la Commission a ajouté qu’aucune des infrastructures sportives des bénéficiaires des subventions ne se trouvait hors du territoire tchèque et que l’utilisation des équipements subventionnés de la part de personnes se trouvant dans les États frontaliers était très limitée, notamment en raison du fait que la quasi-totalité des organisations sans but lucratif avaient un site Internet en langue tchèque. La requérante n’a apporté aucun élément de nature à faire naître des doutes quant au bien-fondé de cette appréciation.

85      S’agissant des effets de la mesure en cause sur la concurrence, la requérante indique qu’il « est plus qu’évident que la concurrence a été faussée (article 107 TFUE) dans la présente espèce » et que les observations de la Commission ne permettent pas de conclure, comme elle le fait, que « la distorsion de concurrence est limitée ».

86      Le Tribunal relève, d’emblée, que la Commission a admis que la concurrence était susceptible d’être faussée par les subventions, et c’est là l’une des raisons pour lesquelles elle est parvenue à la conclusion qu’il ne pouvait être exclu que les subventions fussent une aide d’État. Au stade de l’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, elle a réitéré cette analyse, indiquant qu’elle était susceptible de conduire à une perte de revenu pour un opérateur privé comme la requérante. Toutefois, contrairement à ce que soutient cette dernière, la Commission a pertinemment fondé sa conclusion tenant au caractère limité de l’atteinte à la concurrence, en faisant observer (voir point 65 ci-dessus) que les organisations sans but lucratif privilégiaient avant tout leurs propres membres. Il convient, en effet, de souligner que ces derniers constituent, en quelque sorte, un public captif et, en tout cas, peu enclin à se tourner vers d’autres prestataires de services, qu’il s’agisse d’autres organisations sans but lucratif ou de sociétés commerciales comme la requérante, ce qui limite l’atteinte à la concurrence. La Commission a ajouté que cette atteinte était d’autant plus réduite qu’il fallait prendre en considération les zones géographiques concernées, à savoir les communes ou les régions de la République tchèque. En effet, comme le démontre la plainte elle-même, les concurrents de la requérante ne se trouvent pas sur l’entier territoire de la République tchèque, mais seulement dans la capitale ou sa région, ainsi que le corrobore la liste de sept concurrents figurant dans le rapport d’expert qu’elle a fourni à l’appui de la plainte (paragraphe 57 de la décision attaquée). Il s’agit donc, en réalité, à chaque fois de marchés locaux juxtaposés, ce qui limite ici encore l’impact des subventions sur la concurrence.

87      Il résulte de ce qui précède que la Commission a estimé à bon droit que la plainte ne soulevait pas de doutes sérieux quant à la compatibilité des subventions avec le marché intérieur et c’est, par suite, sans commettre d’erreur dans l’appréciation des faits qui lui étaient soumis et sans méconnaître le caractère dérogatoire et, donc, d’interprétation stricte de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que la Commission a estimé que la mesure en cause entrait dans le champ de cette disposition. La circonstance que la Commission n’aurait pas repris l’ensemble des faits mentionnés dans la plainte n’est pas de nature à invalider cette analyse, dès lors qu’aucune institution n’est tenue de prendre position sur des éléments de fait ou de droit qu’elle ne juge pas pertinents pour l’adoption de la décision attendue d’elle et que la requérante n’a apporté aucune précision permettant d’établir en quoi les faits en question auraient conduit la Commission à modifier son analyse.

88      Les moyens tirés de ce que la Commission a commis une erreur d’appréciation en qualifiant la mesure en cause d’aide compatible avec le marché intérieur et a méconnu l’exigence d’interprétation stricte de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE doivent donc être rejetés.

89      Il en découle que c’est sans violer les droits procéduraux de la requérante que la Commission a décidé de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

90      Par suite, la demande d’annulation de la décision attaquée doit être rejetée dans son ensemble.

91      Le second chef de conclusions présenté par la requérante ayant été interprété, au point 37 ci-dessus, comme visant à sauvegarder ses droits procéduraux, il convient de juger qu’il est devenu sans objet. S’il fallait toutefois l’interpréter comme tendant à ce que le Tribunal enjoigne à la Commission de réexaminer la plainte de façon plus approfondie et de prendre des mesures à l’encontre de la République tchèque, force serait de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce (voir arrêt du 30 mai 2013, Omnis Group/Commission, T‑74/11, non publié, EU:T:2013:283, point 26 et jurisprudence citée).

92      Il découle de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme dépourvu de fondement.

 Sur les dépens

93      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

94      En l’espèce, la requérante a succombé dans ses conclusions. Il convient de la condamner aux dépens de l’instance, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission, à l’exception des dépens exposés par la République tchèque, qui resteront à la charge de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Hamr - Sport a.s. est condamnée aux dépens, à l’exception de ceux exposés par la République tchèque.

3)      La République tchèque supportera ses propres dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 2016.

Signatures


* Langue de procédure : le tchèque