ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

13 septembre 2012 (*)

«Pourvoi – Règlement (CE) n° 1/2003 – Concurrence – Entente – Violation des principes d’attribution des compétences et de proportionnalité – Interprétation manifestement erronée – Violation des droits de la défense, des principes d’équité et d’égalité des armes – Obligation de motivation»

Dans l’affaire C‑495/11 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 septembre 2011,

Total SA, établie à Courbevoie (France),

Elf Aquitaine SA, établie à Courbevoie,

représentées par Mes E. Morgan de Rivery et A. Noël-Baron, avocats,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. B. Gencarelli, P. Van Nuffel et V. Bottka, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J. Malenovský, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. A. Calot Escobar,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, Total SA (ci-après «Total») et Elf Aquitaine SA (ci-après «Elf Aquitaine») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission (T-190/06, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation, en tant qu’elle les concerne, de la décision C(2006) 1766 final de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, EKA Chemicals AB, Degussa AG, Edison SpA, FMC Corporation, FMC Foret SA, Kemira Oyj, L’Air Liquide SA, Chemoxal SA, Snia SpA, Caffaro Srl, Solvay SA/NV, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (Affaire COMP/F/C.38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate) (ci-après la «décision litigieuse»), dont une version résumée est publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 13 décembre 2006 (JO L 353, p. 54).

 Le cadre juridique

2        L’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), dispose:

«2.      La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 ou 82 du traité, ou

b)      elles contreviennent à une décision ordonnant des mesures provisoires prises au titre de l’article 8, ou

c)      elles ne respectent pas un engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l’article 9.

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

Lorsque l’infraction d’une association porte sur les activités de ses membres, l’amende ne peut dépasser 10 % de la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association.

3.      Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.»

3        Aux termes de l’article 31 dudit règlement, «[l]a Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée».

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

4        Par la décision litigieuse, la Commission a infligé à Arkema France SA, anciennement Atofina SA (ci-après «Arkema»), une amende de 78,663 millions d’euros, dont Total et Elf Aquitaine ont été tenues conjointement et solidairement responsables à hauteur, respectivement, de 42 millions d’euros et de 65,1 millions d’euros, pour avoir participé à une infraction aux articles 81 CE et 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»), concernant le peroxyde d’hydrogène (ci-après le «PH») et le perborate de sodium (ci-après le «PBS»).

5        Le contexte, les antécédents du litige et la décision litigieuse sont exposés de la manière suivante dans l’arrêt attaqué:

«1      Les requérantes […] sont des sociétés de droit français, sociétés faîtières du groupe auquel appartenait Arkema […], qui commercialisait, à l’époque des faits, notamment, du [PH] et du [PBS].

2      Entre la date de début de l’infraction et le mois d’avril 2000, Elf Aquitaine était le principal actionnaire, à 97,5 %, d’Arkema. À partir de cette date, Arkema a été détenue à 96,48 % par Elf Aquitaine, elle-même détenue à 99,43 % par Total.

3      En novembre 2002, Degussa AG a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente sur les marchés du PH et du PBS et a sollicité l’application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la ‘communication sur la coopération’).

4      Degussa a fourni des preuves matérielles à la Commission, qui l’ont mise en mesure d’effectuer, les 25 et 26 mars 2003, des vérifications dans les locaux de trois entreprises, dont ceux d’Arkema.

5      À la suite de ces vérifications, plusieurs entreprises, dont notamment EKA Chemicals AB, Arkema et Solvay SA, ont sollicité l’application de la communication sur la coopération et transmis à la Commission des éléments de preuve concernant l’entente en cause.

6      Le 26 janvier 2005, la Commission a envoyé une communication des griefs aux requérantes et aux autres entreprises concernées.

7      À la suite de l’audition des entreprises concernées, qui s’est déroulée les 28 et 29 juin 2005, la Commission a adopté la décision [litigieuse] […]. Elle a été notifiée aux requérantes par lettre du 8 mai 2006.

Décision attaquée

8      La Commission a indiqué, dans la décision [litigieuse], que les destinataires de celle-ci avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’[accord EEE], concernant le PH et le produit en aval, le PBS (considérant 2 de la décision [litigieuse]).

9      L’infraction constatée a consisté principalement en l’échange, entre concurrents, d’informations importantes sous l’angle commercial et d’informations confidentielles sur les marchés et les entreprises, en une limitation et en un contrôle de la production et des capacités potentielles et réelles de celle-ci, en une répartition des parts de marché et des clients ainsi qu’en la fixation et en la surveillance du respect d’objectifs de prix.

10      Les requérantes et Arkema ont été tenues ‘conjointement et solidairement’ responsables de l’infraction (considérant 441 de la décision [litigieuse]).

11      Aux fins du calcul des montants des amendes, la Commission a fait application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les ‘lignes directrices’).

12      La Commission a déterminé les montants de base des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction (considérant 452 de la décision [litigieuse]), celle-ci ayant été qualifiée de très grave (considérant 457 de la décision [litigieuse]).

13      En application d’un traitement différencié, les requérantes et Arkema ont été classées dans la troisième catégorie, correspondant à un montant de départ de 20 millions d’euros (considérants 460 à 462 de la décision [litigieuse]).

14      Afin de s’assurer d’un effet dissuasif suffisant, un coefficient multiplicateur de 3 a été appliqué à ce montant de départ, compte tenu du chiffre d’affaires important des requérantes (considérant 463 de la décision [litigieuse]).

15      Arkema et Elf Aquitaine ayant pris part à l’infraction, selon la Commission, du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000, à savoir pendant une période de cinq ans et sept mois, le montant de l’amende leur étant imputable a été majoré de 55 % au titre de la durée (considérant 467 de la décision [litigieuse]). Cette majoration n’a pas été opérée sur le montant de l’amende imputable à Total, dont la responsabilité de l’infraction en cause a été retenue pour la période du 30 avril au 31 décembre 2000 (considérant 468 de la décision [litigieuse]).

16      La Commission a retenu une circonstance aggravante à l’égard d’Arkema, compte tenu de la situation de récidive par rapport aux infractions constatées dans sa décision 85/74/CEE, du 23 novembre 1984, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (affaire IV/30.907 – Peroxygènes) (JO 1985, L  35, p. 1), et sa décision 94/599/CE, du 27 juillet 1994, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (affaire IV/31.865 – PVC) (JO L 239, p. 14). En conséquence, elle a appliqué, au montant de base de l’amende imputable à Arkema, une majoration égale à 50 % du montant de base qui lui aurait été appliqué si les requérantes, sociétés faîtières du groupe, n’avaient pas été destinataires de la décision attaquée (considérants 469 à 471 et note en bas de page n° 409 de la décision [litigieuse]).

17      La Commission a considéré qu’Arkema était la deuxième entreprise à avoir rempli la condition visée au point 21 de la communication sur la coopération et lui a accordé, à ce titre, une réduction du montant de l’amende de 30 %, cette réduction ayant été appliquée sur le montant total de l’amende infligée à Arkema et aux requérantes (considérants 509 à 514 et 529 de la décision [litigieuse]).

18      L’article 1er, sous o) à q), de la décision [litigieuse] dispose que les trois sociétés ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant à l’infraction concernée, Total, du 30 avril au 31 décembre 2000, Arkema et Elf Aquitaine, du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000.

19      L’article 2, sous i), de la décision [litigieuse] impose à Arkema une amende de 78,663 millions d’euros, dont Total et Elf Aquitaine sont tenues ‘conjointement et solidairement’ responsables, respectivement, à hauteur de 42 millions d’euros et de 65,1 millions d’euros.»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

6        Au soutien de leur recours devant le Tribunal, les requérantes ont invoqué dix moyens, tirés, ainsi qu’il est précisé au point 27 de l’arrêt attaqué, «le premier, d’une violation des droits de la défense, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une violation du caractère unitaire de la notion d’entreprise, le quatrième, d’une violation des règles de l’imputabilité aux sociétés mères des infractions commises par leurs filiales, le cinquième, d’erreurs d’appréciation concernant Total, le sixième, d’une violation de plusieurs principes essentiels reconnus par l’ensemble des États membres et faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, le septième, d’une violation du principe de bonne administration, le huitième, d’une violation du principe de sécurité juridique, le neuvième, d’une violation de certains principes fondamentaux gouvernant la fixation des amendes et, le dixième, d’un détournement de pouvoir».

7        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’ensemble des moyens invoqués au soutien du recours introduit devant lui par les requérantes et, partant, il a rejeté celui-ci dans son ensemble.

 Les conclusions des parties

8        Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour:

–        à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué, de faire droit aux conclusions présentées en première instance devant le Tribunal et, en conséquence, d’annuler les articles 1er, sous o) et p), 2, sous i), ainsi que 3 et 4 de la décision litigieuse;

–        à titre subsidiaire, d’annuler les amendes qui leur ont été infligées à titre conjoint et solidaire en vertu de l’article 2, sous i), de la décision litigieuse;

–        à titre plus subsidiaire, de réduire le montant desdites amendes, et

–        en tout état de cause, de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux qu’elles ont exposés devant le Tribunal.

9        La Commission demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

10      En vertu de l’article 119 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter, par voie d’ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale.

11      Dans leur pourvoi, les requérantes soulèvent, à titre principal, cinq moyens tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué. Par leur premier moyen, les requérantes invoquent la violation de l’article 5 TUE. Par leur deuxième moyen, elles soutiennent que le Tribunal a fait une interprétation manifestement erronée du droit national et de la notion d’entreprise. Le troisième moyen consiste à soutenir que le Tribunal a refusé de tirer les conséquences de la nature pénale des sanctions en droit de la concurrence et des obligations nouvelles et/ou renforcées découlant de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne afin de lui permettre de se libérer du fardeau de la preuve qui lui incombe. Par leur quatrième moyen, elles font valoir que le Tribunal a violé les droits de la défense en raison d’une interprétation erronée des principes d’équité et d’égalité des armes. Le cinquième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. À titre subsidiaire, les requérantes concluent respectivement à l’annulation des amendes qui leur ont été infligées ou à la réduction du montant de celles-ci.

12      La Commission considère que les moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi sont soit irrecevables, soit non fondés.

 Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5 TUE

13      Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes invoquent une violation du principe selon lequel les institutions disposent d’une compétence d’attribution et du principe de subsidiarité.

14      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément aux articles 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C‑202/07 P, Rec. p. I‑2369, point 55, et ordonnance du 7 février 2012, Total et Elf Aquitaine/Commission, C‑421/11 P, point 17).

15      Or, en l’espèce, et tout comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, les requérantes n’explicitent nullement les raisons pour lesquelles le Tribunal aurait violé lesdits principes. En effet, le principe de subsidiarité est mentionné uniquement dans l’intitulé du paragraphe du recours relatif à la première branche du premier moyen et, s’agissant du principe selon lequel les institutions disposent d’une compétence d’attribution, les requérantes se bornent à prétendre que le Tribunal, en interprétant la notion d’«entreprise» au sens de l’article 101 TFUE et en appliquant «une méthode d’imputation», a méconnu le «principe d’autonomie de la personne morale».

16      Ainsi, en l’absence de toute explicitation des raisons pour lesquelles l’arrêt attaqué violerait les principes de la compétence d’attribution et de subsidiarité, la première branche du premier moyen ne répond pas aux exigences rappelées au point 14 de la présente ordonnance, de sorte qu’elle est manifestement irrecevable.

17      Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé le principe de proportionnalité en tant que le raisonnement qu’il a suivi dans l’arrêt attaqué revient à conférer à la Commission «un pouvoir totalement discrétionnaire pour définir le périmètre de l’entreprise». Selon elles, ce raisonnement, au point 89 du même arrêt, implique, en effet, que la Commission peut, «sans donner de justification», décider de poursuivre soit la société mère, soit la filiale de cette dernière.

18      À cet égard, il convient de relever que l’argumentation des requérantes procède, tout comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué. En effet, aux points 85 à 89 de celui-ci, visés par les requérantes, le Tribunal s’est limité à réfuter l’argument tiré d’une prétendue incohérence de l’approche de la Commission qui n’aurait pas, dans une décision antérieure, imputé la responsabilité d’une infraction à la société mère. Dans ce cadre, le Tribunal a seulement constaté que la Commission dispose, à cet égard, de la faculté, mais non de l’obligation, de procéder à une telle imputation. En particulier, le Tribunal n’a nullement laissé entendre que la Commission a un «pouvoir totalement discrétionnaire pour définir le périmètre de l’entreprise» et qu’elle peut poursuivre soit la société mère, soit la filiale «sans donner de justification». Au contraire, à ces points, le Tribunal a écarté comme inopérante une argumentation des requérantes formulant un tel reproche à l’encontre de la décision litigieuse.

19      La seconde branche du premier moyen reposant ainsi sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué, elle doit être rejetée comme inopérante, de sorte qu’il convient d’écarter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une interprétation erronée du droit national et de la notion d’«entreprise»

20      Par la première branche de leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a, au point 96 de l’arrêt attaqué, tout en choisissant de se prononcer sur le droit national, contesté non seulement la pertinence du principe d’autonomie de la personne morale, mais également l’existence de celui-ci.

21      Cette première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme manifestement non fondée en raison du fait qu’elle procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, contrairement à ce que prétendent les requérantes, selon lesquelles le Tribunal a «choisi de se prononcer sur le droit national», celui-ci n’a nullement pris position sur le droit français des sociétés. Ainsi qu’il résulte du point 96 dudit arrêt, le Tribunal s’est limité à constater que des arguments tirés des règles du droit civil et commercial national ne constituent pas des éléments au regard desquels la légalité de la décision litigieuse doit être examinée.

22      Par la seconde branche de leur deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir méconnu la notion d’«entreprise», au sens de l’article 101 TFUE, en s’écartant de la définition de celle-ci retenue dans l’arrêt du 22 mars 1961, Snupat/Haute Autorité (42/59 et 49/59, Rec. p. 99, 101).

23      Cette branche du deuxième moyen n’est pas non plus susceptible de prospérer. En effet, il est manifeste que le Tribunal s’est limité à reproduire fidèlement, aux points 32 et 92 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence constante de la Cour relative à la notion d’«entreprise» figurant tant à l’article 101 TFUE (voir arrêt du 29 septembre 2011, Arkema/Commission, C‑520/09 P, non encore publié au Recueil, point 37) qu’à l’article 65 CA (voir arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, non encore publié au Recueil, point 95 et jurisprudence citée). Dans ces conditions, l’interprétation retenue par le Tribunal de la notion d’«entreprise», au sens de l’article 101 TFUE, ne saurait être remise en cause par le seul renvoi, effectué par les requérantes, à l’arrêt Snupat/Haute Autorité, précité, ce dernier arrêt ayant interprété, dans le domaine du traité CECA, la notion d’«entreprise» dans un contexte spécifique n’ayant aucun rapport avec l’interdiction des ententes.

24      Partant, le deuxième moyen invoqué au soutien du pourvoi doit être rejeté dans son ensemble comme manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance de la nature pénale des sanctions en droit de la concurrence

25      Par la première branche de leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal, en jugeant, au point 33 de l’arrêt attaqué, que «[l]orsqu’une […] entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction», a méconnu que, en application du principe de la responsabilité personnelle, seule une personne physique ou morale peut répondre d’une telle infraction.

26      Ladite branche ne saurait être accueillie. En effet, il est manifeste que le point 33 de l’arrêt attaqué est fondé sur la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, lorsqu’une entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt Arkema/Commission, précité, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, point 28).

27      Par la deuxième branche de leur troisième moyen, les requérantes font valoir que la «présomption de culpabilité» sur laquelle le Tribunal s’est fondé, d’une part, méconnaît le principe fondamental de la présomption d’innocence dont doit bénéficier «toute personne destinataire d’une mesure qui lui est défavorable» et, d’autre part, revient à dispenser la Commission du fardeau de la preuve consistant à établir le lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles et l’auteur présumé du comportement à l’origine de celles-ci.

28      À cet égard, il convient de relever que le Tribunal a fait une correcte application de la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, dans le cas particulier où une société mère détient la totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence prévues par le droit de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, point 30 et jurisprudence citée).

29      Dans ces conditions, force est de conclure que, par la deuxième branche de leur troisième moyen, les requérantes remettent en cause une jurisprudence constante de la Cour. Or, comme la Cour l’a déjà constaté, au point 31 de l’ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, il est manifeste que la seule affirmation des requérantes selon laquelle cette jurisprudence est inconciliable avec le principe de la présomption d’innocence ne répond pas aux exigences telles que rappelées au point 14 de la présente ordonnance et résultant des articles 58 du statut de la Cour et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

30      Par la troisième branche de leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant à la culpabilité des sociétés mères tout en reconnaissant que celles-ci «n’avaient pas connaissance des activités anticoncurrentielles de leur filiale ni ne pouvaient les prévoir», et que, partant, il a commis un détournement de pouvoir lui ayant permis d’avaliser, en matière répressive, une présomption d’influence déterminante.

31      En ce qui concerne cette branche du troisième moyen, il suffit de relever que l’argumentation des requérantes procède d’une conception erronée de la notion d’«entreprise» au sens de l’article 101 TFUE et des raisons permettant l’imputation du comportement d’une filiale à la société mère. En effet, aux points 50, 180, 217 et 218 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à constater, en pleine conformité avec la jurisprudence de la Cour, que la Commission n’est pas tenue d’établir que la société mère avait connaissance des activités anticoncurrentielles aux fins de l’imputation de celles-ci à la société mère, puisqu’un tel élément n’est pas susceptible d’établir l’autonomie d’Arkema. Ce faisant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit, dès lors que cette autonomie doit être démontrée eu égard, en particulier, aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la société mère et sa filiale (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, non encore publié au Recueil, point 58). En outre, ce n’est pas nécessairement une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et la filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction qui habilitent la Commission à adresser la décision infligeant des amendes à la société mère, mais c’est le fait que les sociétés concernées constituent une seule entreprise, au sens de l’article 101 TFUE (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 88).

32      Enfin, les requérantes font valoir, par la quatrième branche de leur troisième moyen, que le Tribunal aurait dû «soulever d’office l’illégalité du système actuel de procédure administrative devant la Commission», lequel est, selon elles, «clairement et indiscutablement incompatible avec les exigences [d’un] procès équitable et, en particulier, [avec] la protection juridictionnelle effective et le devoir d’impartialité, tous garantis par les exigences nouvelles de la charte [des droits fondamentaux de l’Union européenne]».

33      Cette quatrième branche n’est pas non plus fondée. À cet égard, il suffit de rappeler que la Cour a déjà jugé, au point 35 de l’ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, qu’un tel grief ne relève pas de la catégorie des moyens d’ordre public.

34      Aucune des quatre branches du troisième moyen n’étant susceptible d’être accueillie en raison du fait qu’elles sont soit manifestement irrecevables, soit non fondées, le troisième moyen invoqué au soutien du pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense résultant d’une interprétation erronée des principes d’équité et d’égalité des armes

35      Par la première branche de leur quatrième moyen, les requérantes font valoir que l’indépendance de la filiale doit être appréciée non pas de manière générale, par rapport à sa relation capitalistique avec sa société mère, mais uniquement par rapport à un comportement sur un marché donné, à savoir le marché pertinent. En raison de l’approche générale du Tribunal, les requérantes auraient été empêchées d’apporter des explications de nature à réfuter les faits tels que présentés par la Commission.

36      Cette première branche du quatrième moyen, qui revient à remettre en cause la présomption réfragable de l’exercice d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de sa filiale, ne saurait être accueillie. En effet, il est manifeste que le Tribunal, aux points 36 et 38 de l’arrêt attaqué, s’est fondé littéralement sur la présomption, telle que formulée par la jurisprudence rappelée au point 14 de la présente ordonnance, selon laquelle la détention par la société mère de la totalité du capital social de sa filiale entraîne une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de cette filiale. Or, il résulte précisément de cette présomption qu’il incombe à la société mère de la renverser en apportant des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 57 et jurisprudence citée).

37      Par la seconde branche du quatrième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir nié, aux points 116 à 118 de l’arrêt attaqué, l’existence du droit de la personne contre laquelle une enquête est diligentée par la Commission d’être informée.

38      À cet égard, il convient de relever que le Tribunal, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ne s’est pas prononcé, aux points susvisés de l’arrêt attaqué, de façon conclusive sur la question de savoir si la Commission aurait dû au préalable informer les requérantes de l’envoi de la communication des griefs, mais s’est fondé, pour le rejet du moyen tiré de la violation des droits de la défense, sur le motif que ces dernières n’ont invoqué «aucun élément concret établissant qu’elles aient été, de ce fait, privées de la faculté de fournir la preuve qu’elles n’exerçaient pas une influence déterminante sur Arkema».

39      Or, les requérantes se limitant à reprocher au Tribunal une position que celui-ci n’a pas retenue sans même viser, dans la seconde branche de leur quatrième moyen, le motif sur lequel le Tribunal s’est effectivement fondé pour rejeter ce moyen, à savoir l’absence d’éléments démontrant une atteinte effective aux droits de la défense, cette branche du quatrième moyen doit être considérée comme inopérante.

40      Partant, le quatrième moyen invoqué au soutien du pourvoi doit, dès lors, être rejeté comme manifestement non fondé dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

41      Par la première branche de leur cinquième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit quant à l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission. En effet, ce dernier aurait dû annuler la décision litigieuse pour défaut de motivation.

42      Dans la première partie de ladite branche, les requérantes soutiennent que le Tribunal, au lieu d’examiner si la société mère a effectivement exercé une influence déterminante sur sa filiale en appréciant la situation réelle sur le marché concerné par l’infraction, s’est limité à fonder la constatation d’une influence déterminante de la société mère sur une simple présomption et non sur une appréciation concrète. Or, cette seule présomption ne serait pas suffisante pour démontrer l’existence d’une influence déterminante. S’il est vrai qu’une telle approche trouve appui dans l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237), il conviendrait de reconnaître que cet arrêt est en contradiction avec la jurisprudence antérieure de la Cour à cet égard.

43      Cette première partie de la première branche du cinquième moyen, qui est identique à la première partie de la deuxième branche du cinquième moyen soulevé dans l’affaire ayant conduit à l’ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, ne saurait prospérer pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 46 à 50 de cette dernière ordonnance.

44      Par la deuxième partie de la première branche de leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a conclu, de manière erronée, aux points 148 à 155 de l’arrêt attaqué, que la motivation figurant dans la décision litigieuse était suffisante pour réfuter leur argumentation tendant à renverser la présomption d’une influence déterminante.

45      À cet égard, les requérantes soutiennent qu’elles ont invoqué, devant la Commission, un faisceau d’indices démontrant l’autonomie de leur filiale sur le marché et que, dès lors, la Commission était dans l’obligation de prendre position «spécifiquement [sur] chacun des éléments avancés». Or, selon les requérantes, la Commission s’est limitée, au considérant 437 de la décision litigieuse, à réfuter l’argumentation avancée devant elle par «une demi-ligne» ne leur permettant pas de connaître les raisons pour lesquelles «leur argumentation spécifique n’était pas acceptée et donc considérée comme n’étant pas de nature à renverser la présomption d’influence déterminante». En outre, au point 154 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, en méconnaissance des exigences liées à un procès équitable, soutenu la position «arbitraire et non vérifiée» selon laquelle le faisceau d’indices dont se prévalaient les requérantes devant la Commission «consistait, en substance, en de simples affirmations et n’était pas étay[é] par des éléments de preuve concrets relatifs aux liens entre les sociétés concernées au cours de la période infractionnelle».

46      À cet égard, il importe de rappeler que le Tribunal a jugé, aux points 153 à 154 de l’arrêt attaqué, que, eu égard à la nature des arguments invoqués par les requérantes devant la Commission, dont le Tribunal a considéré qu’ils consistaient, «en substance, en de simples affirmations», la Commission n’était pas tenue de prendre position sur chacun de ces arguments et que la motivation retenue dans la décision litigieuse était suffisante.

47      Les arguments invoqués par les requérantes dans le cadre de cette partie de la première branche de leur cinquième moyen ne sont manifestement pas de nature à remettre en cause cette conclusion du Tribunal qui est conforme à la jurisprudence de la Cour relative à l’obligation de motivation.

48      En effet, conformément à cette jurisprudence, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, point 147 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, point 56).

49      S’agissant plus particulièrement d’une décision de la Commission qui s’appuie de manière exclusive, à l’égard de certains destinataires, sur la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante, la Commission est en tout état de cause – sous peine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable – tenue d’exposer de manière adéquate à ces destinataires les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués n’ont pas suffi à renverser ladite présomption. Toutefois, la Commission n’est pas tenue, dans un tel contexte, de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, points 153 et 154 ainsi que jurisprudence citée).

50      Or, d’une part, force est de constater que les requérantes n’ont aucunement explicité dans quelle mesure la motivation prétendument défectueuse de la décision litigieuse aurait empêché ces dernières de défendre utilement leurs droits ou le Tribunal d’exercer son contrôle. Au contraire, l’examen détaillé effectué par le Tribunal, aux points 58 à 81 de l’arrêt attaqué, des arguments des requérantes visant à renverser la présomption d’influence déterminante démontre que celles-ci ont pu défendre utilement leurs droits et que le Tribunal a été en mesure d’exercer son contrôle.

51      D’autre part, s’il est vrai qu’une motivation particulière est requise dans le cas où la Commission s’appuie exclusivement sur la présomption d’une influence déterminante, il n’en demeure pas moins que cette obligation est modulée en fonction de la nature des arguments invoqués devant elle (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, points 150 et 153 à 155 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Total et Elf Aquitaine/Commission, précitée, point 59).

52      À cet égard, il importe de relever que, comme il résulte des points 153 et 154 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé, en pleine conformité avec cette jurisprudence de la Cour, sur le fait que les arguments présentés par les requérantes devant la Commission consistaient, «en substance, en de simples affirmations», ce qui constitue une appréciation des faits qui n’est pas, en principe, soumise au contrôle de la Cour (voir arrêt du 3 mai 2012, Legris Industries/Commission, C‑289/11 P, point 51).

53      Or, les requérantes, au lieu de présenter au stade du pourvoi une argumentation visant à remettre en cause la qualification par le Tribunal des arguments qu’elles avaient invoqués devant la Commission de «simples affirmations» et sans même faire valoir une dénaturation des éléments de preuve, se bornent, tout en omettant de produire devant la Cour leurs observations en réponse à la communication des griefs de la Commission, à reprocher au Tribunal une «position arbitraire et non vérifiée».

54      En outre, ce reproche procède d’une lecture manifestement erronée du raisonnement effectué par le Tribunal aux points 148 à 156 de l’arrêt attaqué. À cet égard, il suffit de rappeler qu’il résulte du point 155 de celui-ci que l’examen de la question de savoir si les requérantes ont pu renverser la présomption d’influence déterminante relève de la légalité au fond de la décision litigieuse. À cet égard, ce point 155 renvoie à l’examen du quatrième moyen, lequel est effectué aux points 58 à 81 dudit arrêt. Or, dans ces points, le Tribunal expose, de manière détaillée, les raisons qui l’ont conduit à la conclusion tirée au point 154 du même arrêt.

55      Partant, cette deuxième partie de la première branche du cinquième moyen doit également être écartée comme manifestement non fondée.

56      Dans la troisième partie de la première branche de leur cinquième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir méconnu les règles en matière de charge de la preuve. En effet, pour renverser la présomption d’une influence déterminante, il suffirait de donner «une alternative plausible des faits».

57      Cette troisième partie de ladite branche doit être rejetée comme manifestement non fondée. En effet, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il incombe à la société mère, afin de renverser la présomption d’influence déterminante, d’apporter des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt Elf Aquitaine/Commission, précité, points 57 et 88 ainsi que jurisprudence citée).

58      La troisième partie de la première branche du cinquième moyen étant également manifestement non fondée, il convient de rejeter cette première branche dans son ensemble.

59      Par la seconde branche de leur cinquième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir substitué sa propre motivation à celle de la Commission.

60      Cette seconde branche du cinquième moyen doit être écartée dès lors qu’elle procède d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué. En effet, en examinant, aux points 58 à 81 de celui-ci, les éléments relatifs à la prétendue autonomie d’Arkema invoqués par les requérantes devant le Tribunal, ce dernier a simplement exercé son contrôle de légalité de la décision litigieuse sans aucunement substituer sa propre motivation à celle retenue par la Commission dans cette décision.

61      Les deux branches du cinquième moyen invoqué au soutien du pourvoi étant manifestement non fondées, il convient de rejeter ce moyen dans son ensemble.

 Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à l’annulation des amendes infligées

62      À titre subsidiaire, les requérantes demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il porte sur les amendes qui leur ont été infligées. Au soutien de ces conclusions, elles invoquent une argumentation comportant trois branches.

63      Par la première branche de leur argumentation, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 178 de l’arrêt attaqué, en jugeant que la Commission pouvait valablement présumer qu’entre le 30 avril 2000 (prise de contrôle du groupe Elf par Total) et le 18 mai 2000 (date de la dernière réunion multilatérale), soit durant moins de trois semaines, Total avait exercé une influence déterminante sur Arkema. Pour ce seul motif, l’amende infligée à Total devrait être annulée.

64      Cette branche de l’argumentation des requérantes ne saurait prospérer.

65      En effet, elle part de la prémisse selon laquelle devrait être prise en compte, aux fins de l’imputation du comportement infractionnel d’Arkema à Total, uniquement la période entre le 30 avril et le 18 mai 2000.

66      Toutefois, il résulte des points 173 et 174 de l’arrêt attaqué que la thèse des requérantes, selon laquelle la période infractionnelle imputable à Total serait limitée à un seul mois, repose sur une prémisse contredite par ledit arrêt. En effet, selon celui-ci, l’entente en cause avait poursuivi ses effets jusqu’au 31 décembre 2000.

67      Or, les requérantes n’ont pas cherché à mettre en cause cette constatation au stade du pourvoi. Dès lors, cette branche, reposant sur une prémisse contredite par l’arrêt attaqué, doit être considérée comme inopérante.

68      Par la deuxième branche de leur argumentation, les requérantes invoquent une violation du principe de non-discrimination. À cet égard, elles soutiennent qu’elles se trouvent dans la même situation que celle de l’entreprise constituée par les sociétés Snia SpA (ci-après «Snia») et sa filiale Caffaro Srl (ci-après «Caffaro»).

69      Cette branche de l’argumentation des requérantes doit être écartée comme irrecevable.

70      En effet, il résulte des points 216 et 218 de l’arrêt attaqué que la Commission a accordé une réduction du montant de départ de l’amende infligée à ladite entreprise, dès lors qu’il n’était pas établi que cette dernière, ayant participé à un nombre limité des réunions de l’entente en cause portant uniquement sur l’un des produits concernés, avait ou devait nécessairement avoir eu connaissance du projet global d’arrangements anticoncurrentiels, tandis que les requérantes ne soutenaient pas qu’Arkema, ayant directement participé à l’infraction, n’a pas eu connaissance de ce projet global.

71      Pour ces motifs, le Tribunal a conclu, au point 219 de l’arrêt attaqué, que la situation des requérantes n’est pas comparable à celle de l’entreprise constituée par les sociétés Snia et Caffaro.

72      Un pourvoi devant indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée et les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, ainsi qu’il a été rappelé au point 14 de la présente ordonnance, il est manifeste que la seule affirmation, au point 51 du mémoire introductif du pourvoi, que les requérantes se trouveraient dans une situation comparable à celle de l’entreprise constituée par les sociétés Snia et Caffaro, sans même tenir compte du raisonnement effectué à cet égard par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, ne satisfait pas à ces exigences.

73      Enfin, par la troisième branche de leur argumentation, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir développé, au point 224 de l’arrêt attaqué, une «accusation gratuite […] sans aucune justification qui proviendrait des faits de l’espèce ou de la jurisprudence». Toutefois, cette branche doit être écartée comme inopérante.

74      En effet, comme il résulte du libellé même du point 224 de l’arrêt attaqué, celui-ci se limite à reproduire littéralement le considérant 465 de la décision litigieuse, en citant ce dernier entre guillemets, le raisonnement du Tribunal à cet égard ne commençant qu’à partir du point 226 dudit arrêt.

75      Aucune branche de l’argumentation invoquée par les requérantes au soutien de leur demande tendant à l’annulation des amendes qui leur ont été infligées n’étant susceptible de prospérer, cette demande doit être rejetée.

 Sur les conclusions, présentées à titre plus subsidiaire, tendant à la réduction du montant des amendes

76      À titre plus subsidiaire, les requérantes invitent la Cour à utiliser son pouvoir de réformation pour réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées et font valoir, à cet égard, une argumentation comportant trois branches.

77      Par la première branche, les requérantes invoquent une violation des principes de légalité, de prévisibilité et de proportionnalité des amendes infligées.

78      Les requérantes soutiennent, en premier lieu, que l’application du facteur multiplicateur de 3 est contraire aux lignes directrices. À cet égard, elles font valoir que le montant de base de l’amende relatif à la gravité de l’infraction devrait être déterminé uniquement en fonction de la nature et de l’étendue géographique de l’infraction ainsi que, dans la mesure où il est mesurable, de son impact concret sur le marché pertinent, sans prendre en compte l’effet dissuasif. Ainsi, pour la détermination du montant de base, ne saurait être pris en compte le chiffre d’affaires des requérantes. En revanche, l’effet dissuasif devrait être pris en considération, conformément aux points 2 et 3 des lignes directrices, dans le cadre seulement de l’examen des circonstances aggravantes ou atténuantes applicables à chacune des sociétés constituant le groupe Total/Elf Aquitaine. Partant, le Tribunal aurait attribué une importance disproportionnée au chiffre d’affaires de celles-ci par rapport aux autres éléments d’appréciation de la gravité de l’infraction devant être considérés comme prépondérants, à savoir la nature de l’infraction et l’étendue géographique du marché concerné.

79      À cet égard, il suffit, afin d’écarter l’argument tiré de la violation des lignes directrices, de rappeler les termes mêmes du point 1, A, de celles-ci, relatif à la gravité des infractions, qui prévoit, à son quatrième alinéa, qu’«[i]l sera en outre nécessaire […] de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif». De même, s’il ne saurait être «attribué une importance disproportionnée au chiffre d’affaires», il convient de relever que, en l’espèce, les requérantes n’étayent aucunement leur argumentation selon laquelle l’application du facteur multiplicateur de 3 implique, dans la présente affaire, qu’il est donné une telle «importance disproportionnée» au chiffre d’affaires.

80      Si les requérantes se réfèrent, à cet égard, à la circonstance qu’elles n’ont pas directement participé à l’infraction, seule Arkema ayant participé de façon directe à celle-ci, et font valoir que cette entreprise resterait la seule effectivement présente sur le marché en question, il convient de constater que cette circonstance ne suffit pas, en tant que telle, à démontrer que la Commission a donné une «importance disproportionnée» au chiffre d’affaires. En effet, Arkema faisant partie de «l’entreprise» qu’elle constitue avec les requérantes, la prise en considération de la taille et des ressources globales de cette entreprise se justifie par l’objectif d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende, résidant dans l’impact recherché sur ladite entreprise (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 104).

81      En outre, force est de constater que les requérantes n’étayent aucunement leur affirmation selon laquelle le montant de l’amende, s’il avait été déterminé sans tenir compte du coefficient multiplicateur afférent à l’effet dissuasif, aurait été suffisant pour assurer un tel effet à l’amende (arrêt Lafarge/Commission, précité, point 107).

82      En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que ni l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ni les lignes directrices ne permettent d’appliquer un coefficient multiplicateur, de sorte que l’application, en l’espèce, d’un tel coefficient viole le principe de légalité et de prévisibilité des peines, lequel est désormais encadré spécifiquement par l’article 290 TFUE.

83      À cet égard, il convient de rappeler d’emblée qu’il a été constaté, au point 65 de la présente ordonnance, que les lignes directrices permettent, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’application d’un coefficient multiplicateur au titre de l’effet dissuasif.

84      En outre, la seule affirmation selon laquelle l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, lu à la lumière de l’article 290 TFUE, ne permettrait pas de prendre en considération l’effet dissuasif ne satisfait manifestement pas aux exigences s’imposant dans le cadre de la procédure du pourvoi, telles que rappelées au point 14 de la présente ordonnance, selon lesquelles un pourvoi doit indiquer les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique les affirmations des requérantes relatives à l’existence de prétendues erreurs de droit commises par le Tribunal. En effet, ces dernières se limitent, à cet égard, à des affirmations dépourvues d’une argumentation juridique de nature à expliciter la raison pour laquelle l’article 290 TFUE, qui a pour objet d’encadrer la délégation par le législateur de l’Union à la Commission du pouvoir d’adopter des actes non législatifs de portée générale, devrait être considéré comme pertinent pour l’interprétation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, cette disposition n’habilitant pas la Commission à adopter des «actes non législatifs de portée générale» au sens de l’article 290 TFUE.

85      En troisième lieu, les requérantes soutiennent que «le Tribunal prétend, comme cela ressort des points 245 et 246 de l’arrêt attaqué, substituer, en violation du principe de légalité, l’utilisation de la notion de dissuasion en lieu et place du facteur de récidive, absent en l’espèce pour les requérantes […], afin de [les] punir plus sévèrement».

86      À ce titre, il suffit de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, lesdits points de l’arrêt attaqué ne révèlent nullement la volonté du Tribunal de conférer une telle portée à l’effet dissuasif des amendes.

87      Par la deuxième branche de leur argumentation invoquée au soutien de leur demande de réduction des amendes qui leur ont été infligées, les requérantes arguent de l’illégalité du plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

88      Cette deuxième branche doit être écartée comme inopérante. En effet, d’une part, les requérantes avaient invoqué le même argument devant le Tribunal, qui l’a écarté comme ayant été soulevé tardivement, ainsi qu’il ressort du point 233 de l’arrêt attaqué. Or, sans qu’il soit besoin d’examiner si un tel argument relève des moyens d’ordre public, il y a lieu de constater que, au point 235 dudit arrêt, le Tribunal a jugé, par ailleurs, qu’un tel argument était, en tout état de cause, inopérant en raison du fait que les requérantes n’indiquaient pas dans quelle mesure l’illégalité éventuelle de ladite disposition pouvait avoir une incidence quelconque sur la détermination des amendes en cause.

89      Or, au stade du pourvoi, les requérantes se bornent à réitérer leur argument tiré de l’illégalité prétendue de la règle énoncée à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, sans invoquer la moindre argumentation susceptible de démontrer que l’illégalité éventuelle de cette disposition aurait pu avoir une incidence sur la détermination du montant des amendes en cause.

90      Enfin, par la troisième branche de leur argumentation tendant à la réduction des amendes qui leur ont été infligées, les requérantes soutiennent que la violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement «dénoncée ci-avant» devrait justifier «au minimum, une réduction de 25 % des amendes infligées […]».

91      Cette troisième branche doit également être écartée. En effet, comme il résulte du raisonnement précédent relatif aux deux premières branches de l’argumentation tendant à obtenir la réduction des amendes infligées, l’examen de ces branches n’a pas révélé d’éléments permettant de conclure que les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement ont été violés au détriment des requérantes.

92      Partant, il convient de rejeter la demande présentée à titre subsidiaire par les requérantes et tendant à la réduction des amendes infligées à ces dernières.

93      Les moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi étant, en partie, manifestement irrecevables et, en partie, manifestement non fondés, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Total SA et Elf Aquitaine SA sont condamnées aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.