DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

19 septembre 2012 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative représentant un motif à carreaux noir, gris foncé, gris clair et rouge foncé – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), article 75 et article 76, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑327/10,

V. Fraas GmbH, établie à Helmbrechts‑Wüstenselbitz (Allemagne), représentée par Mes R. Kunze et G. Würtenberger, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par Mme B. Schmidt, puis par Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 7 juin 2010 (affaire R 189/2010-4), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif représentant un motif à carreaux noir, gris foncé, gris clair et rouge foncé comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 août 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2010,

vu l’ordonnance du 23 mars 2012 portant jonction des affaires T‑326/10 à T‑329/10, T‑26/11, T‑31/11, T‑50/11 et T‑231/11 aux fins de la procédure orale,

à la suite de l’audience du 17 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 juillet 2009, la requérante, V. Fraas GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières (si compris dans la classe 18) ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        Par décision du 2 décembre 2009, considérant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour les produits susmentionnés, à l’exception des produits « cuir et imitations de cuir » et « cannes », relevant de la classe 18.

5        Le 27 janvier 2010, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur du 2 décembre 2009 auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 7 juin 2010 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 10 juin 2010, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours, ayant considéré, tout comme l’examinateur, que la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

 Sur l’objet du litige

10      Il y a lieu de relever que la décision attaquée mentionne au point 2 que l’examinateur a rejeté l’enregistrement pour tous les produits couverts par la demande de marque, à l’unique exception des « cannes », relevant de la classe 18.

11      Or, il ressort de la décision de l’examinateur que celui-ci a effectué une distinction entre, d’une part, les produits « cuir et imitations du cuir » et, d’autre part, les « produits en cuir et [en] imitation du cuir », relevant de la classe 18. Il a fait droit à la demande de la requérante pour le « cuir et [les] imitations [de] cuir », ainsi que pour les « cannes », mais a rejeté l’enregistrement pour les « produits en cuir et [en] imitation [de] cuir », relevant de la classe 18, ainsi que pour les « malles et valises », les « parapluies » et les « parasols » et pour tous les produits relevant des classes 24 et 25 mentionnés au point 3. En effet, selon lui, pour ces derniers produits, la marque en cause était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

12      La requérante a formé un recours contre cette décision uniquement en ce que celle-ci a rejeté la demande d’enregistrement. En effet, elle n’aurait pas, en tout état de cause, été recevable à contester la décision en question, dans la mesure où elle a fait droit à la demande d’enregistrement [ordonnance du Tribunal du 11 mai 2006, TeleTech Holdings/OHMI – Teletech International (TELETECH INTERNATIONAL), T‑194/05, Rec. p. II‑1367, point 22 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, non encore publié au Recueil, point 55].

13      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours de la requérante. Par conséquent, dès lors que la décision attaquée n’a pas modifié la décision de l’examinateur, il y a lieu de conclure que le présent litige concerne le refus d’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés par elle, à l’exception des produits « cuir et imitations du cuir » et « cannes », relevant de la classe 18. Cette conclusion, présentée aux parties lors de l’audience, n’a pas été expressément contestée par ces dernières.

 Sur la motivation de la décision attaquée, eu égard aux dispositions de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

14      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas examiné son argumentation détaillée, en particulier en ce qui concerne la perception et l’utilisation de marques figuratives en tant qu’indication d’origine. La chambre de recours aurait été tenue de procéder à un tel examen, dès lors que la requérante aurait invoqué, notamment, des enregistrements antérieurs de signes similaires, des jugements de différentes juridictions nationales (autrichienne, néerlandaise et danoise) relatives à la protection d’une marque similaire ainsi qu’une argumentation spécifique selon laquelle les clans écossais se distingueraient par leurs motifs à carreaux individualisés (tartans). L’omission de la chambre de recours de procéder à un tel examen constituerait un défaut de motivation et, par conséquent, une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

15      La requérante ajoute que le caractère insuffisant de la motivation de la décision attaquée devient évident à la lecture de son point 29, dans la mesure où la chambre de recours se contente d’y affirmer que les directives d’examen ne contiennent aucun paragraphe sur les motifs de tissu et qu’il convient, par conséquent, de prendre en compte les critères prévus par ces directives au sujet des marques tridimensionnelles. Cela démontrerait que, contrairement à ce que prétend la chambre de recours, un examen individuel de la marque demandée, tenant compte des faits et des dispositions du règlement n° 207/2009, n’a pas eu lieu.

16      Au regard de cette argumentation, il convient de rappeler que la chambre de recours a relevé dans la décision attaquée (point 8) que la marque demandée consiste en la représentation d’un motif de tissu qui représente l’aspect extérieur du produit lui‑même. La représentation graphique de la marque demandée ne laisserait reconnaître aucun élément qui diverge de la norme ou des habitudes du secteur valables pour les produits visés par la demande de marque (point 15). Au contraire, dans le domaine des tissus et des vêtements, les motifs à carreaux de ce type ou similaires seraient très courants (point 17). Tous les produits en question seraient en tissu ou pourraient contenir des éléments en tissu que le consommateur percevrait comme un simple motif à la mode, et non comme une indication de l’origine (points 8 et 19). Le public pertinent, les consommateurs moyens dans toutes les parties de l’Union européenne, ne verrait pas d’indication d’une entreprise déterminée dans la représentation demandée, mais une apparence habituelle et évidente du produit lui‑même (point 31).

17      La chambre de recours a, en outre, ajouté, aux points 27, 29 et 30 de sa décision, qu’aucun principe général selon lequel les motifs de tissu seraient enregistrables ne peut être déduit des décisions de l’OHMI, des jugements des juridictions nationales invoqués par la requérante et de l’argumentation de celle-ci relative aux clans écossais.

18      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 75 du règlement nº 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 296 TFUE et l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010 C 83, p. 389). À cet égard, l’obligation de motiver les décisions individuelles a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, Rec. p. II‑1149, points 72 et 73, et la jurisprudence citée].

19      Lorsque l’OHMI refuse l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée. Une telle motivation est, en principe, suffisante pour satisfaire aux exigences évoquées au point 18 ci-dessus [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 46].

20      Le contexte entourant la prise d’une décision, qui est, notamment, caractérisé par l’échange entre l’auteur de celle‑ci et la partie concernée, peut, dans certaines circonstances, alourdir les exigences de motivation. Il ne saurait, dès lors, être exclu que, dans certains cas, les arguments avancés par une des parties à la procédure devant l’OHMI, y compris ceux tirés de l’existence d’une décision, nationale ou de l’OHMI, dans une affaire similaire, exigeront une réponse spécifique, allant au delà des exigences évoquées au point 19 ci‑dessus (arrêt Mozart, point 19 supra, point 54).

21      Toutefois, il ne saurait non plus être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. Il s’ensuit que l’OHMI n’est pas, en règle générale, tenu de fournir, dans sa décision, une réponse spécifique à chaque argument tiré de l’existence, dans d’autres affaires similaires, des décisions de ses propres instances ou des juridictions nationales allant dans un sens déterminé, si la motivation de la décision adoptée par l’OHMI dans une affaire concrète et pendante devant ses instances fait apparaître, à tout le moins implicitement, mais de manière claire et non équivoque, les raisons pour lesquelles ces autres décisions ne sont pas pertinentes ou ne sont pas prises en considération pour son appréciation (voir arrêt Mozart, point 19 supra, points 55 et 56, et la jurisprudence citée).

22      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante relative au caractère prétendument insuffisant de la motivation de la décision attaquée.

23      À cet égard, il y a lieu de relever que, par ses considérations résumées au point 16 ci‑dessus, la chambre de recours a exposé les motifs l’ayant amenée à la conclusion que la marque en cause ne devait pas être enregistrée pour les produits visés par celle‑ci.

24      Il y a lieu de considérer que cette motivation est suffisante pour atteindre le double objectif de l’obligation de motivation rappelé aux points 18 et 19 ci‑dessus.

25      Par ailleurs, il convient de rappeler que, au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a répondu concrètement aux allégations de la requérante concernant les enregistrements antérieurs des signes similaires en relevant qu’il n’existait aucune décision du Tribunal ou des chambres de recours qui avait accepté un motif de tissu. Au contraire, deux décisions des chambres de recours auraient refusé des demandes d’enregistrement pour des motifs de tissu. Il existerait également trois décisions d’examinateurs ayant refusé un tel enregistrement, bien qu’il ait existé également certains enregistrements de tels motifs en faveur de deux sociétés.

26      S’agissant des jugements des juridictions nationales, la chambre de recours a relevé, au même point de sa décision, qu’ils concernaient également des marques d’une des sociétés ayant enregistré un motif de tissu comme marque communautaire. Il résulterait de ces jugements, pour autant qu’ils soient intéressants en l’espèce, que cette société utilisait des motifs à carreaux sur ses produits. Toutefois, selon la chambre de recours, la requérante ne saurait invoquer à son profit cette pratique de sa concurrente, afin d’obtenir l’enregistrement, en tant que marque communautaire, d’un signe identique ou similaire.

27      S’agissant, enfin, de l’argumentation de la requérante selon laquelle les clans écossais se distinguent, en particulier, par leurs motifs à carreaux individualisés, il convient de constater que la chambre de recours l’a examinée au point 27 de la décision attaquée. Elle y a relevé que, premièrement, les affirmations de la requérante ne seraient pas étayées par des preuves, deuxièmement, elles concerneraient l’appartenance à une famille et non l’origine commerciale d’un produit et, troisièmement, elles ne seraient pas pertinentes pour l’ensemble de l’Union, mais uniquement pour l’Écosse.

28      Il s’ensuit que la décision attaquée a exposé les motifs pour lesquels elle a rejeté l’argumentation de la requérante mentionnée ci‑dessus, si bien qu’aucun défaut ni aucune insuffisance de motivation ne saurait lui être reproché à cet égard. Le bien‑fondé des considérations exposées par la chambre de recours, également contesté par la requérante, sera examiné ci‑après.

29      En outre, l’argumentation de la requérante, selon laquelle la prise en compte par la chambre de recours des critères prévus par les directives d’examen au sujet des marques tridimensionnelles démontre qu’un examen individuel de la marque demandée n’a pas eu lieu (voir point 15 ci‑dessus), ne saurait prospérer. Certes, la chambre de recours a relevé au point 29 de la décision attaquée que les directives d’examen ne contiennent pas d’alinéa séparé concernant les motifs de tissu et qu’elles soulignent cependant que les marques figuratives qui consistent en une représentation fidèle de l’apparence externe du produit doivent être traitées selon les mêmes critères que ceux des marques tridimensionnelles correspondantes (directives d’examen, point B 7.5.2). Toutefois, force est de constater que la chambre de recours a utilisé cet argument pour démontrer qu’il n’en résultait aucunement une pratique officielle d’autorisation de telles marques. Contrairement à ce que la requérante a relevé, la décision attaquée mentionne au point 22 que chacune des marques demandées doit être appréciée séparément. Par conséquent, il n’en résulte aucunement qu’un examen individuel de la marque demandée n’a pas eu lieu.

30      La requérante fait, également, grief à l’OHMI de ne pas s’être suffisamment conformé à l’obligation qui lui incombe, conformément à l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, de procéder à l’examen d’office des faits. Elle fait valoir qu’elle a exposé et prouvé que, dans le commerce, les marques figuratives sont utilisées pour distinguer des produits, à titre d’indication d’origine des produits visés, et sont perçues comme telles. Selon elle, la chambre de recours aurait rejeté sa demande d’enregistrement en ignorant les preuves documentaires qu’elle avait produites et en se fondant sur de simples suppositions non étayées par un quelconque élément de preuve. Elle considère que, en procédant ainsi, l’OHMI a renversé à son détriment la charge de la preuve.

31      À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 207/2009, au cours de la procédure, l’OHMI procède à l’examen d’office des faits pour les motifs absolus de refus.

32      Toutefois, lorsque la chambre de recours conclut à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, elle peut fonder son analyse sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits. Dans un tel cas, la chambre de recours n’est pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique [voir arrêt du Tribunal du 3 février 2011, Gühring/OHMI (Combinaison de jaune genêt et de gris argent), T‑299/09 et T‑300/09, non publié au Recueil, point 36, et la jurisprudence citée].

33      En l’espèce, les produits visés par la demande d’enregistrement sont des produits de large consommation, en ce sens qu’ils sont achetés régulièrement et sont susceptibles d’être achetés par tout le monde. Cette conclusion n’est pas contredite par l’affirmation de la requérante selon laquelle il s’agit de produits plutôt « haut de gamme », au prix élevé. Indépendamment du bien‑fondé de cette affirmation, qui sera examinée ci‑après, il convient de relever que même les produits d’un prix plus élevé, dont les achats n’interviennent pas à intervalles réguliers et fréquents, mais constituent des occasions plutôt rares et spéciales, peuvent être considérés comme des produits de large consommation, au sens de la jurisprudence citée au point 32 ci‑dessus.

34      Compte tenu de ces considérations, il convient de conclure que la chambre de recours s’est appuyée sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en cause pour constater, au point 31 de la décision attaquée, que les consommateurs moyens dans toutes les parties de l’Union percevraient la marque demandée comme la forme d’apparence habituelle et évidente du produit lui‑même. Par conséquent, aucune violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 ne saurait lui être reprochée à cet égard.

35      En outre, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, dans la mesure où la demanderesse de la marque se prévaut du caractère distinctif du signe dont elle demande l’enregistrement, en dépit de l’analyse de l’OHMI fondée sur l’expérience susvisée, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que le signe en cause est doté soit d’un caractère distinctif intrinsèque, soit d’un caractère distinctif acquis par l’usage, étant donné qu’elle est davantage à même de le faire, au vu de sa connaissance approfondie du marché [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Hartmann/OHMI (E), T‑302/06, non publié au Recueil, point 46, et la jurisprudence citée]. C’est, donc, à tort que la requérante reproche à la chambre de recours un renversement de la charge de la preuve à son détriment.

36      L’argumentation relative aux prétendues suppositions de la chambre de recours ne saurait non plus prospérer. Il est, certes, vrai que la chambre de recours est tenue de procéder à un examen a priori du caractère distinctif d’un signe. Toutefois, cette exigence ne s’oppose pas à ce que cet examen soit effectué in concreto. L’objectif même du contrôle a priori serait donc contrecarré si, en dépit de l’exigence de se livrer à un examen concret du caractère distinctif de la marque dont l’enregistrement est demandé, il était loisible à l’OHMI de se prévaloir, sans justification pertinente, de suppositions ou de simples doutes (arrêt de la Cour du 9 septembre 2010, OHMI/Borco‑Marken‑Import Matthiesen, C‑265/09 P, Rec. p. I‑8265, points 44 et 46).

37      Toutefois, force est de constater que la chambre de recours ne s’est pas fondée sur des motifs dubitatifs. En effet, aux points 27 et 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a répondu concrètement aux allégations de la requérante concernant la pratique décisionnelle de l’OHMI, les jugements des juridictions nationales et les clans écossais, ainsi que cela a déjà été relevé aux points 25 à 27 ci‑dessus. Il s’ensuit que la chambre de recours a présenté des preuves étayant sa prétendue expérience pratique.

38      Par conséquent, les arguments tirés de la violation du principe d’examen d’office des faits ne sauraient prospérer.

39      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, les griefs tirés de la violation de l’article 75 et de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 doivent donc être rejetés.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

40      La requérante fait valoir que, contrairement à ce qu’a affirmé la chambre de recours de l’OHMI, la marque demandée n’était pas dépourvue de caractère distinctif.

 Généralités

41      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

42      Selon la jurisprudence, il y a lieu d’interpréter un motif absolu de refus à la lumière de l’intérêt général qui le sous‑tend. S’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la notion d’intérêt général se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, points 55 et 56, et la jurisprudence citée).

43      Il s’ensuit que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34, et la jurisprudence citée).

44      Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25). Le niveau d’attention du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut‑parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 32].

45      Selon une jurisprudence également constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui‑même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui‑même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (arrêts de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 30, Storck/OHMI, point 44 supra, points 26 et 27, et du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 80). L’arrêt de la Cour du 21 janvier 2010, Audi/OHMI (C‑398/08 P, Rec. p. I‑535, point 38), invoqué par la requérante, ne remet pas en question ces considérations, dans la mesure où elle confirme que les critères d’appréciation du caractère distinctif d’un signe consistant en un slogan publicitaire ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques.

46      Il ressort de ces considérations que seule une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui‑même, laquelle, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur concerné et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 (arrêts de la Cour du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi‑Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 31, et Storck/OHMI, point 44 supra, point 28).

47      La jurisprudence citée aux points 45 et 46 ci-dessus, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit désigné, vaut également lorsque la marque en question est une marque figurative constituée par la forme dudit produit. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (arrêts Storck/OHMI, point 44 supra, point 29, et Henkel/OHMI, point 43 supra, point 38).

48      Tel est également le cas d’une marque figurative constituée par une partie de la forme du produit qu’elle désigne, dans la mesure où le public pertinent la percevra, immédiatement et sans réflexion particulière, comme une représentation d’un détail particulièrement intéressant ou attrayant du produit en question, plutôt que comme une indication de son origine commerciale.

49      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si le signe figuratif représentant un motif à carreaux noir, gris foncé, gris clair et rouge foncé est dépourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur le public pertinent

50      En ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours a indiqué que les produits concernés intéressent le grand public. Certains produits relevant de la classe 24 peuvent également s’adresser à un public spécialisé, tel que les tailleurs ou les fabricants de vêtements, de linge de table et de lit. En outre, le signe étant purement figuratif, le territoire concerné est celui de l’Union. Il convient donc d’apprécier le caractère distinctif de la marque concernée en tenant compte du consommateur moyen de l’Union. Toutes ces considérations, qui ne sont contestées par aucune des parties, doivent être approuvées.

 Sur la perception de la marque demandée par la chambre de recours

51      La requérante conteste l’application de la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles dans le cas d’espèce. Elle fait valoir que la demande d’enregistrement en cause concerne une marque figurative. L’appréciation de la chambre de recours et de l’examinateur, selon laquelle la marque demandée consisterait en un motif de tissu et, donc, en l’aspect extérieur du produit visé par la demande d’enregistrement lui‑même, serait erronée. La requérante fait remarquer que le signe demandé est une image qui n’est pas une représentation du produit lui‑même ou de son emballage. Il s’ensuit, selon elle, que la chambre de recours a dénaturé l’objet de la demande d’enregistrement.

52      Cette argumentation ne saurait être retenue. À cet égard, il convient de relever, à l’instar du point 8 de la décision attaquée, que les produits concernés sont des tissus ou des produits composés de tissus ou qui peuvent avoir des surfaces en tissu.

53      Premièrement, les « vêtements » relevant de la classe 25 et les « tissus et produits textiles » ainsi que les « couvertures de lit et de table » relevant de la classe 24 sont composés de tissus qui peuvent présenter le motif qui constitue la marque demandée (voir point 23 de la décision attaquée).

54      Deuxièmement, les « chaussures et chapellerie » relevant de la classe 25 ainsi que les « parapluies et parasols » relevant de la classe 18 peuvent également être fabriqués avec un tissu qui pourrait présenter le motif demandé (voir points 24 et 25 de la décision attaquée).

55      Troisièmement, les « produits en cuir et imitations du cuir (si compris dans la classe 18), les malles et les valises » relevant de la classe 18 peuvent également contenir des éléments de tissu. Le motif en cause peut recouvrir les surfaces de ces produits, correspondant, par conséquent, à l’aspect extérieur de ces produits (voir point 26 de la décision attaquée).

56      La chambre de recours n’a pas ignoré que la marque demandée est une marque figurative, c’est‑à‑dire qu’elle consiste en une image. En effet, le point 1 de la décision attaquée fait référence au fait que la demande d’enregistrement concerne une marque figurative. Néanmoins, au point 8 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé qu’elle voyait, dans la marque demandée, la représentation d’un motif de tissu. Cette constatation est, à l’évidence, fondée sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits visés par la demande d’enregistrement, dont la chambre de recours était en droit de tenir compte, ainsi qu’il a été relevé aux points 32 à 34 ci‑dessus, et elle doit être approuvée. En effet, il ne fait pas de doute que le motif abstrait présenté dans l’image qui constitue la marque demandée peut constituer le motif d’un tissu.

57      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque demandée consiste en la représentation d’un motif de tissu, en d’autres termes, en la représentation de l’aspect extérieur éventuel des produits visés par la demande d’enregistrement, lesquels sont des tissus ou sont composés de tissus ou ont des surfaces en tissu.

58      En conséquence, c’est à bon droit que la chambre de recours s’est fondée, pour évaluer le caractère distinctif de la marque demandée, sur les principes applicables aux marques tridimensionnelles. En effet, les considérations exposées aux points 47 et 48 ci‑dessus justifient l’application de la jurisprudence développée au sujet des marques tridimensionnelles, citée aux points 45 et 46 ci‑dessus, également aux marques figuratives constituées par la forme du produit concerné ou la forme d’une partie du produit concerné, dès lors qu’une telle marque n’est pas non plus indépendante de l’aspect du produit qu’elle désigne.

59      La requérante soutient également que la chambre de recours se contredit, lorsque, d’une part (point 11 de la décision attaquée), elle relève que la marque demandée représente l’« apparence du produit lui‑même » et, d’autre part (point 12), elle indique que la « représentation dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la représentation la plus probable que prendra le produit en cause ».

60      Or, il convient de relever que, des points 11 et 12 de la décision attaquée, ne résulte aucune contradiction. Dans ces points, la chambre de recours a présenté les principes jurisprudentiels concernant les marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui‑même et n’a pas procédé aux appréciations in concreto concernant la marque demandée. Par conséquent, les griefs susmentionnés de la requérante doivent être rejetés.

 Sur l’argumentation de la requérante relative à l’existence d’une pratique commerciale en ce qui concerne l’utilisation des marques analogues dans le secteur concerné

61      Au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, dans le domaine de l’habillement et des tissus, les couleurs et le dessin ne sont rien d’autre qu’un souhait des clients. Le consommateur choisirait la couleur et le dessin des vêtements et des tissus dont ceux‑ci sont fabriqués en considérant l’aspect extérieur plaisant que le vêtement doit transmettre. Elle a ajouté que le consommateur ne pourra pas présumer qu’une couleur déterminée ou un motif déterminé sert d’indication d’origine du produit.

62      La requérante conteste ces considérations, en faisant valoir qu’il existe une pratique en vertu de laquelle de telles marques figuratives sont utilisées dans le commerce des produits visés par la demande d’enregistrement en vue de l’identification de leur origine commerciale. Pour prouver l’existence de cette pratique alléguée, la requérante invoque d’autres marques communautaires analogues enregistrées par une autre société ainsi que de nombreux enregistrements nationaux de marques analogues et de jugements les concernant. Selon elle, ces éléments de fait démontrent que, en particulier en ce qui concerne les produits relevant des classes 18, 24 et 25, les motifs tels que celui représenté par la marque demandée pourraient réellement être considérés et utilisés comme indication d’origine dans le commerce. La requérante invoque, en outre, le fait que les clans écossais se distinguent par leurs motifs à carreaux individualisés (tartans).

63      Il y a lieu de relever que, dans son ordonnance du 13 septembre 2011, Wilfer/OHMI (C‑546/10 P, non publiée au Recueil, point 55), la Cour a rejeté la thèse selon laquelle les produits, pour lesquels le consommateur serait habitué à ce que des formes de certains éléments de l’ensemble du produit servent à indiquer l’origine de celui-ci, sont exclus de l’application de la jurisprudence mentionnée au point 46 ci‑dessus. La Cour a relevé que, au contraire, il découle de cette jurisprudence que, si l’apparence des produits dans un secteur donné, ou celle d’un élément de ces produits, sert à en indiquer le fabricant, c’est seulement parce que l’apparence d’un nombre suffisant de ces produits ou d’éléments de ces produits diverge de manière significative de la norme ou des habitudes dudit secteur (ordonnance Wilfer/OHMI, précitée, point 56).

64      Il s’ensuit que la pratique commerciale invoquée par la requérante, à la supposer existante, ne suffit pas pour justifier l’enregistrement de la marque demandée, tant qu’il n’est pas démontré que celle-ci diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur concerné.

65      En tout état de cause, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée (voir point 25 ci‑dessus), les éléments invoqués par la requérante ne suffisent pas pour démontrer une quelconque pratique selon laquelle les marques consistant en des motifs à carreaux posséderaient un caractère distinctif, s’agissant des produits visés par la demande de marque en cause.

66      En effet, si la chambre de recours a admis l’existence de certaines marques communautaires, enregistrées pour des produits analogues à ceux visés par la marque demandée, consistant en des motifs de tissu à carreaux et à rayures, elle a également invoqué des décisions refusant l’enregistrement d’autres marques analogues comme dépourvues de caractère distinctif. Il ne saurait, dans ces conditions, être question d’une quelconque pratique constante. En outre, les éléments invoqués par la requérante, s’ils prouvent l’enregistrement de certaines marques de ce type, n’indiquent pas les motifs ayant justifiés l’enregistrement. Il ne saurait, par conséquent, être exclu qu’il s’agit d’enregistrements ayant été effectués, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, sur la base d’une acquisition de caractère distinctif, par les signes concernés, à la suite de l’usage qui en avait été fait. Or, la requérante n’a pas invoqué un tel usage de son propre signe et, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, elle ne saurait invoquer l’usage d’un autre signe par une autre société.

67      Les jugements de juridictions nationales, invoqués par la requérante, ne conduisent pas non plus à une conclusion différente, dans la mesure où ils concernent des actions en contrefaçon de marques déjà enregistrées, analogues à la marque demandée. Ces jugements ne contiennent ni les motifs ayant justifié l’enregistrement des marques qu’ils visent, ni, de manière plus générale, des considérations relatives au caractère distinctif intrinsèque de ces marques.

68      En dernier lieu, s’agissant de l’argumentation de la requérante relative aux clans écossais, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si la requérante a prouvé son affirmation selon laquelle chaque clan se distingue par l’utilisation de son propre tartan (carreau individualisé), il y a lieu de relever, comme l’a fait, en substance, la chambre de recours au point 27 de la décision attaquée, que ce fait est dépourvu de pertinence s’agissant du caractère distinctif de la marque demandée. En effet, les clans ne sont pas des entreprises. Le fait qu’un motif à carreaux déterminé est attribuable à un seul clan ne signifie pas qu’il sera perçu par les consommateurs concernés comme une indication d’origine commerciale, c’est‑à‑dire comme indication du fait que le produit concerné provient d’une seule entreprise déterminée. Cela est d’autant plus le cas que rien n’empêche plusieurs entreprises de fabriquer et de commercialiser des produits portant le motif à carreaux d’un seul et même clan.

69      Doit également être approuvée la considération de la chambre de recours selon laquelle l’argument de la requérante ne concerne que l’Écosse ou, tout au plus, le Royaume‑Uni, alors que, aux termes de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, le motif absolu de refus visé au paragraphe 1, sous b), du même article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union. Par conséquent, à supposer même que l’argumentation de la requérante relative aux clans écossais puisse démontrer l’existence d’un caractère distinctif de la marque demandée au Royaume‑Uni, un tel caractère ne saurait être présumé, sur la même base, pour le reste de l’Union, où les consommateurs ne doivent pas être considérés comme ayant une connaissance répandue des habitudes et pratiques des clans écossais.

70      Par conséquent, les griefs susmentionnés de la requérante concernant l’existence d’une pratique commerciale en vertu de laquelle de telles marques figuratives sont utilisées dans le commerce en vue de l’identification d’un fabricant pour les produits visés doivent être rejetés.

 Sur la divergence significative entre la marque demandée et la norme ou les habitudes du secteur concerné

71      Concernant la question de savoir si la représentation graphique de la marque demandée diverge, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur concerné, il y a lieu de relever, à l’instar du point 16 de la décision attaquée, que la représentation graphique demandée, présentée en couleur, montre un motif dont la couleur de base est un gris très discret. Ce motif montre plusieurs rayures gris clair et gris foncé formant des carreaux. Une fine bande rouge y est intégrée de manière très discrète. Dans l’ensemble, la représentation qui fait l’objet de la demande apparaît comme un motif à carreaux globalement gris.

72      D’une part, s’agissant de la couleur de base, aux points 17 et 18 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le gris est la couleur la plus discrète que l’on puisse imaginer dans le domaine de l’habillement et de la mode. Dans ce domaine, le gris serait très apprécié et fréquemment utilisé en tant que couleur discrète.

73      À cet égard, il y a lieu de considérer que la couleur grise sera perçue par le public pertinent comme étant utilisée à des fins esthétiques ou de présentation des produits concernés et ne sera pas suffisante, par elle‑même, pour distinguer les produits de la requérante de ceux d’autres entreprises.

74      D’autre part, s’agissant des rayures formant des carreaux, la chambre de recours a considéré, au point 17 de la décision attaquée, que, dans le domaine des tissus et des vêtements, les motifs à carreaux de ce type sont très courants. Le motif demandé serait si simple et discret que, du point de vue du consommateur, il ne constitue rien d’autre qu’un motif de tissu quelconque. La chambre de recours a ajouté qu’il est difficile de se rappeler le nombre exact des différentes rayures qui forment les carreaux sans procéder à une analyse.

75      À cet égard, il convient de relever que, d’un point de vue graphique, la représentation des carreaux en cause ne comporte aucune variation notable par rapport à la représentation conventionnelle de tels motifs et que, dès lors, le public pertinent ne percevra en réalité qu’un motif banal et courant.

76      En conséquence, en l’absence d’éléments aptes à l’individualiser de telle sorte qu’elle n’apparaisse pas comme un motif ordinaire, la représentation en cause ne saurait remplir une fonction d’identification s’agissant des produits concernés. Elle est donc, en elle-même, dépourvue de caractère distinctif.

77      Il y a lieu également de considérer que la combinaison de deux éléments non distinctifs, en eux‑mêmes, ne changera pas la perception du public pertinent. En effet, comme l’a correctement estimé la chambre de recours, la représentation, n’ayant que l’effet d’une juxtaposition de rayures pour former un motif à carreaux, ne laisse apparaître aucun élément qui diverge de la norme ou des habitudes du secteur de la mode, de l’habillement et des tissus courantes pour les produits visés. En effet, les consommateurs n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits concernés en se basant sur un motif à carreaux ordinaire.

78      Ainsi, compte tenu des produits concernés ainsi que de la perception qu’en a le public pertinent, le signe en cause ne sera pas appréhendé et mémorisé comme un indicateur de l’origine commerciale desdits produits.

79      La requérante n’a invoqué dans sa requête aucun argument pour remettre en cause ces considérations, qui concernent les caractéristiques de la marque demandée ainsi que sa perception par le public pertinent. Outre son argumentation déjà analysée et rejetée, elle a uniquement fait valoir que les produits relevant des classes 18 et 24 se vendent à des prix haut de gamme, ce qui justifie une attention élevée de la part des consommateurs.

80      À cet égard, la chambre de recours a, à juste titre, relevé, aux points 14 et 28 de la décision attaquée, que tous les produits visés par la marque demandée sont utilisés dans la vie quotidienne et ont un prix plutôt bas, de sorte qu’il ne doit pas être présumé que le consommateur leur accorde une attention plus élevée. Il en ressort que, selon la chambre de recours, les produits visés par la marque litigieuse sont des produits de large consommation. En effet, en ce qui concerne le secteur des produits relevant des classes 18 et 24, mentionnées spécifiquement par la requérante dans sa requête, il convient de constater que celui-ci comprend des produits de qualité et de prix très différents. S’il est possible que le consommateur soit plus attentif lorsqu’il achète un des produits en cause particulièrement coûteux, une telle attitude du consommateur ne saurait être présupposée, sans aucune preuve, à l’égard de l’ensemble des produits du secteur en cause, qui comprend également des produits dont le prix est bas. Il convient de constater, à cet égard, que les produits visés par la demande d’enregistrement sont décrits en des termes très généraux et que, par conséquent, rien n’exclut que, dans l’hypothèse où la marque demandée serait enregistrée, la requérante l’utilisera également pour la commercialisation de produits à prix peu élevés.

81      Il s’ensuit que cet argument doit être rejeté.

82      Dans la mesure où la marque demandée présente ces mêmes caractéristiques avec les autres motifs à carreaux et que d’autres caractéristiques, susceptibles de témoigner d’une divergence significative par rapport aux normes ou aux habitudes du secteur concerné, n’ont ni été invoquées par la requérante, ni pu être repérées par le Tribunal dans l’analyse de ladite marque, il convient de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que la marque demandée représentant un motif à carreaux noir, gris foncé, gris clair et rouge foncé était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

83      Il s’ensuit que le moyen unique doit être rejeté, ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      V. Fraas GmbH est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.