ARRET DE LA COUR (quatrième chambre)

27 septembre 2012 (*)

«Demandes d’asile — Directive 2003/9/CE — Normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres — Règlement (CE) no 343/2003 — Obligation de garantir aux demandeurs d’asile le bénéfice des conditions minimales d’accueil pendant la durée de la procédure de prise en charge ou de reprise en charge par l’État membre responsable — Détermination de l’État membre ayant l’obligation d’assumer la charge financière du bénéfice des conditions minimales»

Dans l’affaire C‑179/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 7 avril 2011, parvenue à la Cour le 18 avril 2011, dans la procédure

Cimade,

Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI)

contre

Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, Mme A. Prechal, MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen (rapporteur) et E. Jarašiūnas,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mars 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour la Cimade, par M. P. Peugeot, président de celle-ci, et Me P. Spinosi, avocat,

–        pour le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), par M. P. Peugeot et Me C. Pouly, avocat,

–        pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.‑S. Pilczer ainsi que par Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes M. Michelogiannaki et L. Kotroni, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Gerardis, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement suisse, par M. J. de Watteville, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (JO L 31, p. 18), et, notamment, sur le champ d’application de celle-ci.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Cimade et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration au sujet de la légalité d’une circulaire interministérielle du 3 novembre 2009 relative à l’allocation temporaire d’attente (ci-après la «circulaire du 3 novembre 2009»).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2003/9

3        Les considérants 5, 7 et 8 de la directive 2003/9 sont libellés comme suit:

«(5)      La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la ‘Charte’]. En particulier, la présente directive vise à garantir le plein respect de la dignité humaine et à favoriser l’application des articles 1er et 18 de ladite [Charte].

[…]

(7)      Il convient d’adopter des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile qui devraient, en principe, suffire à leur garantir un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans tous les États membres.

(8)      L’harmonisation des conditions d’accueil des demandeurs d’asile devrait contribuer à limiter les mouvements secondaires de demandeurs d’asile motivés par la diversité des conditions d’accueil.»

4        L’article 1er de ladite directive dispose que celle-ci «a pour objectif d’établir des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres».

5        L’article 2 de la même directive, intitulé «Définitions», énonce:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

b)      ‘demande d’asile’: une demande présentée par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride qui peut être comprise comme une demande de protection internationale par un État membre en vertu de la convention de Genève [du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés (ci-après la ‘convention de Genève’)]. Toute demande de protection internationale est présumée être une demande d’asile, à moins que le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride ne sollicite explicitement une autre forme de protection pouvant faire l’objet d’une demande séparée;

c)      ‘demandeur’ ou ‘demandeur d’asile’: un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride ayant présenté une demande d’asile sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement;

[…]

i)      ‘conditions d’accueil’: l’ensemble des mesures prises par les États membres en faveur des demandeurs d’asile conformément à la présente directive;

j)      ‘conditions matérielles d’accueil’: les conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ainsi qu’une allocation journalière;

[…]»

6        Sous le titre «Champ d’application», l’article 3 de la directive 2003/9 prévoit à son paragraphe 1:

«La présente directive s’applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d’asile à la frontière ou sur le territoire d’un État membre tant qu’ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d’asile, ainsi qu’aux membres de leur famille, s’ils sont couverts par cette demande d’asile conformément au droit national.»

7        Sous le titre «Règles générales relatives aux conditions matérielles d’accueil et aux soins de santé», l’article 13 de la directive 2003/9 prévoit à son paragraphe 1:

«Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils introduisent leur demande d’asile.»

8        L’article 16 de la même directive, intitulé «Limitation ou retrait du bénéfice des conditions d’accueil», est libellé comme suit:

«1.      Les États membres peuvent limiter ou retirer le bénéfice des conditions d’accueil dans les cas suivants:

a)      lorsqu’un demandeur d’asile:

–        abandonne le lieu de résidence fixé par l’autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l’avoir obtenue, ou

–        ne respecte pas l’obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d’information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure de demande d’asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national, ou

–        a déjà introduit une demande dans le même État membre.

Lorsque le demandeur est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes, une décision dûment motivée, fondée sur les raisons de sa disparition, est prise quant au rétablissement du bénéfice de certaines ou de l’ensemble des conditions d’accueil;

b)      lorsqu’un demandeur d’asile a dissimulé ses ressources financières et a donc indûment bénéficié de conditions matérielles d’accueil.

[…]

2.      Les États membres peuvent refuser les conditions d’accueil dans les cas où un demandeur d’asile n’a pas été en mesure de prouver que la demande d’asile a été introduite dans les meilleurs délais raisonnables après son arrivée dans ledit État membre.

[…]

5.      Les États membres veillent à ce que les conditions matérielles d’accueil ne soient pas retirées ou réduites avant qu’une décision négative soit prise.»

 Le règlement (CE) no 343/2003

9        L’article 1er du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO L 50, p. 1), énonce:

«Le présent règlement établit les critères et les mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.»

10      L’article 2 du même règlement donne des définitions des notions de «demande d’asile» et de «demandeur» ou «demandeur d’asile» dont le contenu est, en substance, identique à celui des mêmes notions figurant dans la directive 2003/9. L’article 2 définit en outre les termes suivants:

«e)      ‘examen d’une demande d’asile’, l’ensemble des mesures d’examen, des décisions ou des jugements rendus par les autorités compétentes sur une demande d’asile conformément au droit national, à l’exception des procédures de détermination de l’État responsable en vertu du présent règlement;

[…]

j)      ‘titre de séjour’, toute autorisation délivrée par les autorités d’un État membre autorisant le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers sur son territoire, y compris les documents matérialisant l’autorisation de se maintenir sur le territoire dans le cadre d’un régime de protection temporaire ou en attendant que prennent fin les circonstances qui font obstacle à l’exécution d’une mesure d’éloignement, à l’exception des visas et des autorisations de séjour délivrés pendant la période nécessaire pour déterminer l’État membre responsable en vertu du présent règlement ou pendant l’examen d’une demande d’asile ou d’une demande d’autorisation de séjour;

[…]»

11      L’article 3 du règlement no 343/2003, qui figure dans le chapitre II de celui-ci, intitulé «Principes généraux», prévoit à son paragraphe 1:

«Les États membres examinent toute demande d’asile présentée par un ressortissant d’un pays tiers à l’un quelconque d’entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l’État membre concerné. La demande d’asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.»

12      Aux termes de l’article 4 dudit règlement, qui fait également partie du chapitre II de celui-ci:

«1.      Le processus de détermination de l’État membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu’une demande d’asile est introduite pour la première fois auprès d’un État membre.

2.      Une demande d’asile est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur d’asile ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné. Dans le cas d’une demande non écrite, le délai entre la déclaration d’intention et l’établissement d’un procès-verbal doit être aussi court que possible.

[…]

4.      Lorsqu’une demande d’asile est introduite auprès des autorités compétentes d’un État membre par un demandeur qui se trouve sur le territoire d’un autre État membre, la détermination de l’État membre responsable incombe à l’État membre sur le territoire duquel se trouve le demandeur d’asile. Cet État membre est informé sans délai par l’État membre saisi de la demande d’asile et est alors, aux fins du présent règlement, considéré comme l’État membre auprès duquel la demande a été introduite.

Le demandeur est informé par écrit de cette transmission et de la date à laquelle elle a eu lieu.

5.      L’État membre auprès duquel la demande d’asile a été introduite est tenu, dans les conditions prévues à l’article 20, et en vue d’achever le processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande, de reprendre en charge le demandeur d’asile qui se trouve dans un autre État membre et y a formulé à nouveau une demande d’asile après avoir retiré sa demande pendant le processus de détermination de l’État responsable.

Cette obligation cesse si le demandeur d’asile a quitté entre-temps le territoire des États membres pendant une période d’au moins trois mois ou a été mis en possession d’un titre de séjour par un État membre.»

13      Le chapitre V du règlement no 343/2003 prévoit des règles détaillées relatives à la prise en charge et à la reprise en charge du demandeur d’asile. L’article 16 de ce règlement dispose:

«1.      L’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile en vertu de présent règlement est tenu de:

a)      prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 17 à 19, le demandeur d’asile qui a introduit une demande dans un autre État membre;

b)      mener à terme l’examen de la demande d’asile;

c)      reprendre en charge, dans les conditions prévues à l’article 20, le demandeur d’asile dont la demande est en cours d’examen et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre État membre;

d)      reprendre en charge, dans les conditions prévues à l’article 20, le demandeur d’asile qui a retiré sa demande en cours d’examen et qui a formulé une demande d’asile dans un autre État membre;

e)      reprendre en charge, dans les conditions prévues à l’article 20, le ressortissant d’un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d’un autre État membre.

2.      Si un État membre délivre au demandeur d’asile un titre de séjour, les obligations prévues au paragraphe 1 lui sont transférées.

3.      Les obligations prévues au paragraphe 1 cessent si le ressortissant d’un pays tiers a quitté le territoire des États membres pendant une durée d’au moins trois mois, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’État membre responsable.

4.      Les obligations prévues au paragraphe 1, points d) et e), cessent également dès que l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile a pris et effectivement mis en œuvre, à la suite du retrait ou du rejet de la demande d’asile, les dispositions nécessaires pour que le ressortissant d’un pays tiers se rende dans son pays d’origine ou dans un autre pays où il peut légalement se rendre.»

14      L’article 17 dudit règlement édicte les procédures à appliquer pour requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge le demandeur d’asile. Les paragraphes 1 et 2 de cet article sont libellés comme suit:

«1.      L’État membre auprès duquel une demande d’asile a été introduite et qui estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l’introduction de la demande d’asile au sens de l’article 4, paragraphe 2.

Si la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur n’est pas formulée dans le délai de trois mois, la responsabilité de l’examen de la demande d’asile incombe à l’État membre auprès duquel la demande a été introduite.

2.      L’État membre requérant peut solliciter une réponse en urgence dans les cas où la demande d’asile a été introduite à la suite d’un refus d’entrée ou de séjour, d’une arrestation pour séjour irrégulier ou de la signification ou de l’exécution d’une mesure d’éloignement et/ou dans le cas où le demandeur d’asile est maintenu en détention.

La requête indique les raisons qui justifient une réponse urgente et le délai dans lequel une réponse est attendue. Ce délai est d’au moins une semaine.»

15      Aux termes de l’article 18 du même règlement:

«1.      L’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et doit statuer sur la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.

[…]

6.      Si l’État membre requérant a invoqué l’urgence, conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 2, l’État membre requis met tout en œuvre pour respecter le délai demandé.

Exceptionnellement, lorsqu’il peut être démontré que l’examen d’une requête aux fins de prise en charge d’un demandeur est particulièrement complexe, l’État membre requis peut donner sa réponse après le délai demandé, mais en tout état de cause dans un délai d’un mois. Dans ce cas, l’État membre requis doit informer l’État membre requérant dans le délai initialement demandé qu’il a décidé de répondre ultérieurement.

7.      L’absence de réponse à l’expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d’un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne l’obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris une bonne organisation de son arrivée.»

16      L’article 19 du règlement no 343/2003, qui prévoit des délais pour la mise en œuvre du transfert du demandeur d’asile, est libellé comme suit:

«1.      Lorsque l’État membre requis accepte la prise en charge d’un demandeur, l’État membre dans lequel la demande d’asile a été introduite notifie au demandeur la décision de ne pas examiner la demande, ainsi que l’obligation de le transférer vers l’État membre responsable.

2.      La décision visée au paragraphe 1 est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s’il se rend par ses propres moyens dans l’État membre responsable. Cette décision est susceptible d’un recours ou d’une révision. Ce recours ou cette révision n’a pas d’effet suspensif sur l’exécution du transfert, sauf lorsque les tribunaux ou les instances compétentes le décident, au cas par cas, si la législation nationale le permet.

3.      Le transfert du demandeur de l’État membre auprès duquel la demande d’asile a été introduite vers l’État membre responsable s’effectue conformément au droit national du premier État membre, après concertation entre les États membres concernés, dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation de la demande de prise en charge ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d’effet suspensif.

[…]

4.      Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l’État membre auprès duquel la demande d’asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement du demandeur d’asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d’asile prend la fuite.

[…]»

17      Les modalités pour la reprise en charge du demandeur d’asile sont établies à l’article 20 dudit règlement, qui fixe les indications que doit comporter la requête aux fins de reprise en charge du demandeur d’asile, les conditions selon lesquelles doit intervenir la réponse à celle-ci, le délai de réponse et les modalités selon lesquelles le transfert du demandeur d’asile doit avoir lieu.

 La directive 2005/85/CE

18      Le considérant 29 de la directive 2005/85CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO L 326, p. 13), est libellé comme suit:

«La présente directive ne s’applique pas aux procédures régies par le règlement [...] no 343/2003 [...].»

19      L’article 2 de ladite directive définit les notions de «demande d’asile» et de «demandeur» ou «demandeur d’asile» dont le contenu correspond, en substance, à celui des mêmes notions figurant dans la directive 2003/9 et dans le règlement no 343/2003. Cet article 2, sous k), définit en outre les termes suivants:

«‘rester dans l’État membre’, le fait de rester sur le territoire, y compris à la frontière, ou dans une zone de transit de l’État membre dans lequel la demande d’asile a été déposée ou est examinée.»

20      Sous le chapitre II de la directive 2005/85, intitulé «Principes de base et garanties fondamentales», l’article 7 de celle-ci, intitulé «Droit de rester dans l’État membre en attendant l’examen de la demande», énonce à son paragraphe 1:

«Les demandeurs sont autorisés à rester dans l’État membre, aux seules fins de la procédure, jusqu’à ce que l’autorité responsable de la détermination se soit prononcée conformément aux procédures en premier ressort prévues au chapitre III. Ce droit de rester dans l’État membre ne constitue pas un droit à un titre de séjour.»

21      L’article 35 de la même directive prévoit:

«1.      Les États membres peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur une demande d’asile déposée en un tel lieu.

2.      Toutefois, lorsque les procédures prévues au paragraphe 1 n’existent pas, les États membres peuvent, sous réserve des dispositions du présent article et conformément aux lois et règlements en vigueur au 1er décembre 2005, maintenir des procédures dérogeant aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à la frontière ou dans les zones de transit, sur l’octroi d’une autorisation d’entrée sur le territoire aux demandeurs d’asile qui sont arrivés et ont introduit une demande d’asile en un tel lieu.

3.      Les procédures visées au paragraphe 2 prévoient notamment que les personnes concernées:

a)      sont autorisées à rester à la frontière ou dans les zones de transit de l’État membre, sans préjudice de l’article 7;

[…]»

 Le règlement (CE) no 1560/2003

22      Le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission, du 2 septembre 2003, portant modalités d’application du règlement no 343/2003 (JO L 222, p. 3), dispose à son article 8, intitulé «Coopération en vue du transfert»:

«1.      L’État membre responsable est tenu de permettre le transfert du demandeur dans les meilleurs délais et de veiller à ce qu’il ne soit pas mis d’obstacle à son entrée. Il lui incombe de déterminer, le cas échéant, le lieu de son territoire où le demandeur sera transféré ou remis aux autorités compétentes en tenant compte, d’une part, des contraintes géographiques et des modes de transport disponibles pour l’État membre qui procède au transfert. En aucun cas il ne peut être exigé que l’escorte accompagne le demandeur au-delà du point d’arrivée du moyen de transport international emprunté ou que l’État membre qui procède au transfert supporte des frais de transport au-delà de ce point.

2.      Il incombe à l’État membre qui procède au transfert d’organiser le transport du demandeur et de son escorte et de fixer, en concertation avec l’État membre responsable, l’heure d’arrivée et, le cas échéant, les modalités de la remise du demandeur aux autorités compétentes. L’État membre responsable peut exiger un préavis de trois jours ouvrés.»

 La décision no 573/2007/CE

23      Le considérant 13 de la décision no 573/2007/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 mai 2007, portant création du Fonds européen pour les réfugiés pour la période 2008-2013 dans le cadre du programme général «Solidarité et gestion des flux migratoires» et abrogeant la décision 2004/904/CE du Conseil (JO L 144, p. 1), est libellé comme suit:

«La présente décision est conçue pour s’inscrire dans un cadre cohérent qui inclut également la décision no 574/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 portant création du Fonds pour les frontières extérieures pour la période 2007-2013 dans le cadre du programme général ‘Solidarité et gestion des flux migratoires’, la décision no 575/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 portant création du Fonds européen pour le retour pour la période 2008-2013 dans le cadre du programme général ‘Solidarité et gestion des flux migratoires’ et la décision no 2007/.../CE du Conseil du … portant création du Fonds européen pour l’intégration des ressortissants de pays tiers pour la période 2007-2013 dans le cadre du programme général ‘Solidarité et gestion des flux migratoires’, et qui a pour objectif de traiter la question du partage équitable des responsabilités entre États membres au regard de la charge financière découlant de l’introduction d’une gestion intégrée des frontières extérieures de l’Union européenne et de la mise en œuvre des politiques communes d’asile et d’immigration, élaborées conformément à la troisième partie, titre IV, du traité [CE].»

24      L’article 2 de la décision no 573/2007, intitulé «Objectif général du Fonds», prévoit:

«1.      Le Fonds a pour objectif général de soutenir et d’encourager les efforts faits par les États membres pour accueillir des réfugiés et des personnes déplacées et supporter les conséquences de cet accueil, par le cofinancement des actions prévues dans la présente décision, en tenant compte de la législation communautaire dans ces domaines.

2.      Le Fonds contribue au financement de l’assistance technique à l’initiative des États membres ou de la Commission.»

25      L’article 3 de ladite décision, intitulé «Actions éligibles dans les États membres», énonce à son paragraphe 1:

«Le Fonds soutient des actions dans les États membres portant sur un ou plusieurs des domaines suivants:

a)      les conditions d’accueil et les procédures d’asile;

[…]»

 Le droit français

 Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

26      Aux termes de l’article L.723‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ci-après le «Ceseda»):

«L’office [français de protection des réfugiés et apatrides, ci-après l’‘OFPRA’] statue sur les demandes d’asile dont il est saisi. Il n’est toutefois pas compétent pour connaître d’une demande présentée par une personne à laquelle l’admission au séjour a été refusée pour le motif prévu au 1o de l’article L.741‑4.

[…]»

27      L’article L.741‑4 dudit code dispose:

«Sous réserve du respect des stipulations de l’article 33 de la [convention de Genève], l’admission en France d’un étranger qui demande à bénéficier de l’asile ne peut être refusée que si:

1°      L’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État en application des dispositions du [règlement no 343/2003] ou d’engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d’autres États;

[…]»

28      L’article L.742‑1 du Ceseda énonce:

«Lorsqu’il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre 1er du présent titre, l’étranger qui demande à bénéficier de l’asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d’asile auprès de l’[OFPRA]. L’[OFPRA] ne peut être saisi qu’après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d’asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu’à ce que l’office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d’asile, jusqu’à ce que la cour statue.»

 Le code de l’action sociale et des familles

29      L’article L.348‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que «[b]énéficient, sur leur demande, de l’aide sociale pour être accueillis dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile les étrangers en possession d’un des documents de séjour mentionnés à l’article L.742‑1 du [Ceseda]».

 Le code du travail

30      L’article L.5423‑8 du code du travail dispose:

«Sous réserve des dispositions de l’article L.5423‑9, peuvent bénéficier d’une allocation temporaire d’attente [ci-après l’‘ATA’]:

1°      Les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu’ils ont sollicité l’asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, s’ils satisfont à des conditions d’âge et de ressources;

[…]»

31      Aux termes de l’article L.5423‑9 dudit code:

«Ne peuvent bénéficier de l’[ATA]:

1°      Les demandeurs d’asile qui, à la suite d’une décision de rejet devenue définitive, présentent une demande de réexamen à l’[OFPRA], à l’exception des cas humanitaires signalés par l’[OFPRA] dans les conditions prévues par voie réglementaire;

[…]»

32      L’article L.5423‑11 du même code est libellé comme suit:

«L’[ATA] est versée mensuellement, à terme échu, aux personnes dont la demande d’asile n’a pas fait l’objet d’une décision définitive.

Le versement de l’allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande.»

 La circulaire du 3 novembre 2009

33      La circulaire du 3 novembre 2009, qui concerne les bénéficiaires de l’ATA, énonce notamment dans sa première partie:

«I.      Les demandeurs d’asile

Conformément à la [directive 2003/9], l’ATA est un revenu de subsistance versé aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande, lorsqu’ils remplissent les conditions ci-après.

I.1.      Les conditions d’attribution de l’ATA

Sous réserve des exclusions mentionnées au point I.2 et de satisfaire à une condition de ressources, peut bénéficier de l’ATA le ressortissant étranger:

–        ayant atteint l’âge de dix-huit ans révolus;

–        qui a déposé une demande d’asile auprès de l’OFPRA et dispose d’une lettre de l’Office l’informant de l’enregistrement de sa demande;

–        dont la demande d’asile n’a pas encore fait l’objet d’une décision définitive de l’OFPRA ou de la CNDA [Cour nationale du droit d’asile];

–        détenant un titre de séjour ou un récépissé de demande de titre de séjour mentionnant qu’il a sollicité l’asile en France; cette condition n’est pas applicable aux ressortissants de pays considérés comme des pays d’origine sûrs [...] et des pays pour lesquels l’article 1 C 5 de la convention de Genève a été mis en œuvre, pour lesquels la lettre d’enregistrement de l’OFPRA suffit.

[…]

I.2.  Les causes d’exclusion du bénéfice de l’ATA

[…]

I.2.2.  Autres causes d’exclusion [...]

[…]

Les demandeurs d’asile ne peuvent être admis au bénéfice de l’ATA lorsque l’admission au séjour leur a été refusée conformément aux dispositions prévues aux 1°, 3° et 4° de l’article L.741‑4 du Ceseda. Il s’agit:

1)      des personnes dont la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État européen en application des dispositions du [règlement no 343/2003] dit ‘Dublin II’;

[…]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

34      Le 26 janvier 2010, la CIMADE et le GISTI ont saisi le Conseil d’État d’une requête tendant à l’annulation de la circulaire du 3 novembre 2009. Ils soutiennent que cette circulaire est contraire aux objectifs de la directive 2003/9 en ce qu’elle exclut du bénéfice de l’ATA les demandeurs d’asile lorsque, en application du règlement no 343/2003, la République française requiert un autre État membre, qu’elle estime responsable de la demande des intéressés, de les prendre ou de les reprendre en charge.

35      Estimant que la réponse à ce moyen nécessite une interprétation des dispositions pertinentes du droit de l’Union, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La directive 2003/9 […] garantit-elle le bénéfice des conditions minimales d’accueil qu’elle prévoit aux demandeurs pour lesquels un État membre saisi d’une demande d’asile décide, en application du [règlement no 343/2003], de requérir un autre État membre qu’il estime responsable de l’examen de cette demande, pendant la durée de la procédure de prise en charge ou de reprise en charge par cet autre État membre?

2)      En cas de réponse affirmative à cette question:

a)      L’obligation, incombant au premier État membre, de garantir le bénéfice des conditions minimales d’accueil prend-elle fin au moment de la décision d’acceptation par l’État requis, lors de la prise en charge ou reprise en charge effective du demandeur d’asile, ou à [...] toute autre date?

b)      À quel État membre incombe alors la charge financière de la délivrance des conditions minimales d’accueil pendant cette période?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

36      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un État membre, saisi d’une demande d’asile à sa frontière ou sur son territoire, est tenu d’octroyer les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile établies par la directive 2003/09 même au demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge l’intéressé en tant qu’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile.

37      À cet égard, il convient de relever d’emblée que le champ d’application de la directive 2003/9 est défini à son article 3, selon lequel celle-ci s’applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d’asile à la frontière ou sur le territoire d’un État membre tant qu’ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d’asile.

38      Dès lors, la première condition qui doit être satisfaite pour l’application de la directive 2003/9 est celle selon laquelle une demande d’asile doit avoir été déposée à la frontière ou sur le territoire d’un État membre. À cet égard, l’article 2, sous b), de cette directive dispose qu’il y a lieu d’entendre par «demande d’asile» «une demande présentée par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride qui peut être comprise comme une demande de protection internationale par un État membre en vertu de la convention de Genève» et que «[t]oute demande de protection internationale est présumée être une demande d’asile, à moins que le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride ne sollicite explicitement une autre forme de protection pouvant faire l’objet d’une demande séparée». La définition de la notion de demande d’asile énoncée à l’article 2, sous c), du règlement no 343/2003 est, en substance, identique à celle susmentionnée.

39      En ce qui concerne la période pendant laquelle les conditions matérielles d’accueil, comprenant le logement, la nourriture et l’habillement ainsi qu’une allocation journalière, doivent être accordées aux demandeurs, l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2003/9 prévoit que cette période débute lorsque les demandeurs d’asile introduisent leur demande d’asile.

40      Par ailleurs, il découle des articles 2 et 3 de la directive 2003/9 que celle-ci ne prévoit qu’une catégorie de demandeurs d’asile comprenant tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d’asile. Cette directive ne comporte aucune disposition de nature à laisser entendre qu’une demande d’asile ne saurait être regardée comme déposée que si elle est présentée aux autorités de l’État membre responsable de l’examen de cette demande.

41      Une telle interprétation est également corroborée par l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 343/2003, selon lequel le processus de détermination de l’État membre responsable en vertu du même règlement est engagé dès qu’une demande d’asile est introduite pour la première fois auprès d’un État membre. Cette disposition implique nécessairement qu’une demande d’asile est introduite avant que le processus de détermination de l’État membre responsable ne soit engagé.

42      L’interprétation des dispositions de la directive 2003/9 doit également être effectuée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de celle-ci, ainsi que, conformément au considérant 5 de cette directive, dans le respect des droits fondamentaux et des principes reconnus notamment par la Charte. Selon ce considérant, la directive vise en particulier à garantir le plein respect de la dignité humaine et à favoriser l’application des articles 1er et 18 de la Charte.

43      Dès lors, ces exigences s’imposent non seulement à l’égard des demandeurs d’asile se trouvant sur le territoire de l’État membre responsable dans l’attente de la décision de ce dernier sur leur demande d’asile, mais également à l’égard des demandeurs d’asile dans l’attente de la détermination de l’État membre responsable de cette demande.

44      À cet égard, il ne saurait être valablement soutenu que les normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile ne s’appliqueraient pas à ceux d’entre eux qui seraient concernés par la procédure de détermination de l’État responsable au motif que cette procédure serait rapide. En effet, il ressort des articles 17 et 18 du règlement no 343/2003 que, dans le cas d’une procédure normale, il peut s’écouler une période de cinq mois entre la date du dépôt de la demande d’asile et celle à laquelle l’État membre requis statue sur la requête de prise en charge du demandeur d’asile. À cette durée s’ajoute le temps nécessaire à la mise en œuvre du transfert dont le délai, selon l’article 19 dudit règlement, est normalement de six mois à compter de l’acceptation de la demande de prise en charge.

45      En outre, la procédure établie par le règlement no 343/2003 peut, dans certains cas, aboutir à ce que le demandeur d’asile ne soit jamais transféré dans l’État membre requis, mais demeure dans l’État membre où il a déposé sa demande d’asile. Les délais établis aux articles 17 à 20 de ce règlement ne concernent que la situation dans laquelle l’État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge ou ne répond pas à la demande de l’État membre requérant. En cas de réponse négative de l’État membre requis, la réglementation en cause ne prévoit qu’une procédure de conciliation sur une base volontaire. Dans de telles situations, le séjour temporaire du demandeur d’asile sur le territoire de l’État membre requérant peut s’étendre sur une très longue période. L’exclusion du bénéfice des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile de ceux d’entre eux qui seraient concernés par la procédure de détermination de l’État responsable ne trouve, dès lors, aucune justification dans la durée de cette procédure.

46      La seconde condition pour l’application de la directive 2003/9 est celle selon laquelle les demandeurs d’asile doivent être autorisés à demeurer sur le territoire de l’État membre concerné en qualité de demandeurs d’asile. À cet égard, le gouvernement français ne saurait utilement soutenir que, dès lors que le considérant 29 de la directive 2005/85 établit clairement que les demandes qui relèvent du règlement no 343/2003 sont exclues du champ d’application de cette dernière directive, le droit conféré à un demandeur d’asile par l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci de rester dans l’État membre aux fins de la procédure d’examen ne peut s’appliquer à un tel demandeur lorsqu’il est concerné par la procédure de détermination de l’État responsable prévue par ce règlement.

47      En effet, selon l’article 2, sous k), de la directive 2005/85, les termes «rester dans l’État membre» doivent être compris comme le fait de rester sur le territoire, y compris à la frontière ou dans une zone de transit, non seulement de l’État membre dans lequel la demande d’asile est examinée, mais aussi dans celui où elle a été déposée.

48      Il y a dès lors lieu de conclure que les demandeurs d’asile sont autorisés à demeurer non seulement sur le territoire de l’État membre dans lequel la demande d’asile est examinée, mais aussi sur celui de l’État membre dans lequel cette demande a été déposée, comme l’exige l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/9.

49      Une telle interprétation ne saurait être infirmée par le considérant 29 de la directive 2005/85, lequel se réfère seulement au fait que les procédures établies par celle-ci pour l’octroi et le retrait du statut de réfugié dans les États membres se distinguent des procédures instaurées par le règlement no 343/2003 pour la détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.

50      Par conséquent, il convient de répondre à la première question que la directive 2003/09 doit être interprétée en ce sens qu’un État membre saisi d’une demande d’asile est tenu d’octroyer les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile établies par la directive 2003/09 même à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile.

 Sur la seconde question

51      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, d’une part, à quel moment cesse l’obligation pour l’État membre saisi d’une demande d’asile d’octroyer les conditions minimales d’accueil établies par la directive 2003/09 à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile et, d’autre part, à quel État membre incombe la charge financière de la délivrance de ces conditions minimales.

52      S’agissant de la durée de l’obligation d’octroyer les conditions minimales d’accueil, il convient de rappeler en premier lieu que, comme il a été dit aux points 37 et 38 du présent arrêt, le champ d’application personnel de la directive 2003/9 couvre tout demandeur d’asile dès lors qu’il a introduit une demande d’asile pour la première fois auprès d’un État membre.

53      Il convient de relever en deuxième lieu que, conformément aux articles 2, sous c), de la directive 2003/9 et 2, sous d), du règlement no 343/2003, un demandeur ou demandeur d’asile est un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride ayant présenté une demande d’asile sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement. Le demandeur conserve ainsi son statut de demandeur d’asile au sens de cette directive tant qu’une décision définitive n’a pas été adoptée.

54      En troisième lieu, il résulte des articles 17 à 19 du règlement no 343/2003 que la simple requête d’un État membre auprès duquel une demande d’asile a été introduite, aux fins d’obtenir la prise en charge de ce demandeur par un autre État membre, ne met pas fin à l’examen de la demande d’asile par l’État requérant. En effet, même dans les cas où l’État membre requis accepte cette prise en charge, il n’en demeure pas moins que, conformément à cet article 19, paragraphe 4, la responsabilité pour l’examen de la demande d’asile incombe à l’État membre auprès duquel celle-ci a été introduite si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois. En outre, comme il est dit au point 45 du présent arrêt, en cas de réponse négative de l’État membre requis, la réglementation en cause prévoit uniquement une procédure de conciliation sur une base volontaire et, dans un tel cas, il n’est pas exclu que le demandeur d’asile reste sur le territoire de l’État membre requérant.

55      De ce qui précède, il convient de conclure que ni la décision de l’État membre de requérir un autre État membre qu’il estime responsable de l’examen de la demande d’asile aux fins de prendre en charge le demandeur d’asile ni l’acceptation de cette requête par l’État membre requis ne constituent une décision définitive au sens de la directive 2003/9. Il s’ensuit que seul le transfert effectif du demandeur d’asile par l’État membre requérant met fin à l’examen de la demande d’asile par ce dernier ainsi qu’à sa responsabilité afférente à l’octroi des conditions minimales d’accueil.

56      D’ailleurs, l’économie générale et la finalité de la directive 2003/9 ainsi que le respect des droits fondamentaux, notamment les exigences de l’article 1er de la Charte selon lequel la dignité humaine doit être respectée et protégée, s’opposent, ainsi qu’il a été dit aux points 42 à 45 du présent arrêt, à ce qu’un demandeur d’asile soit privé, fût-ce pendant une période temporaire après l’introduction d’une demande d’asile et avant qu’il ne soit effectivement transféré dans l’État membre responsable, de la protection des normes minimales établies par cette directive.

57      Ce n’est que dans les cas énumérés à l’article 16 de la directive 2003/9 que les conditions d’accueil établies par celle-ci peuvent être limitées ou retirées dans des situations où le demandeur d’asile ne respecte pas le régime d’accueil établi par l’État membre concerné.

58      Il résulte de ce qui précède que l’obligation pour l’État membre, saisi d’une demande d’asile à sa frontière ou sur son territoire, d’octroyer les conditions minimales établies par la directive 2003/09 à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant que l’État membre responsable de l’examen de cette demande d’asile cesse seulement lors du transfert effectif dudit demandeur par l’État membre requérant.

59      Concernant la question de savoir à quel État membre incombe la charge financière de la délivrance de ces conditions minimales, il convient de relever que la charge financière liée aux exigences découlant de la nécessité pour un État membre de se conformer au droit de l’Union incombe normalement à l’État membre sur lequel pèse l’obligation de répondre à ces exigences, à savoir, dans une affaire telle que celle au principal, l’État membre qui est tenu d’assurer les conditions minimales d’accueil établies par la directive 2003/9, conformément à ce qui a été dit au point précédent, à moins que la réglementation de l’Union n’en dispose autrement. En l’absence de dispositions contraires à cet égard tant dans la directive 2003/9 que dans le règlement no 343/2003, il y a lieu de constater que la charge financière de la délivrance de ces conditions minimales incombe à l’État membre sur lequel pèse ladite obligation.

60      Il convient en outre de relever que, dans le souci de répondre à la nécessité d’un partage équitable des responsabilités entre les États membres au regard de la charge financière découlant de la mise en œuvre des politiques communes d’asile et d’immigration, nécessité qui pourrait se présenter notamment lors de flux migratoires importants, le Fonds européen pour les réfugiés, établi par la décision no 573/2007 dans le cadre du programme général «Solidarité et gestion des flux migratoires», prévoit qu’une assistance financière peut être proposée aux États membres en ce qui concerne, notamment, les conditions d’accueil et les procédures d’asile.

61      Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question que l’obligation pour l’État membre saisi d’une demande d’asile d’octroyer les conditions minimales établies par la directive 2003/09 à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile cesse lors du transfert effectif du même demandeur par l’État membre requérant et la charge financière de l’octroi de ces conditions minimales incombe à ce dernier État membre, sur lequel pèse ladite obligation.

 Sur les dépens

62      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      La directive 2003/09/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, doit être interprétée en ce sens qu’un État membre saisi d’une demande d’asile est tenu d’octroyer les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile établies par la directive 2003/09 même à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile.

2)      L’obligation pour l’État membre saisi d’une demande d’asile d’octroyer les conditions minimales établies par la directive 2003/09 à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur en tant qu’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile cesse lors du transfert effectif du même demandeur par l’État membre requérant et la charge financière de l’octroi de ces conditions minimales incombe à ce dernier État membre, sur lequel pèse ladite obligation.

Signatures


* Langue de procédure: le français.