ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 décembre 2008 (*)

«Environnement – Prévention et réduction intégrées de la pollution – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Directive 2003/87/CE – Champ d’application – Inclusion des installations du secteur sidérurgique – Exclusion des installations des secteurs de la chimie et des métaux non ferreux – Principe d’égalité de traitement»

Dans l’affaire C‑127/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 8 février 2007, parvenue à la Cour le 5 mars 2007, dans la procédure

Société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a.

contre

Premier ministre,

Ministre de l’Écologie et du Développement durable,

Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts, M. Ilešič, A. Ó Caoimh et T. von Danwitz (rapporteur), présidents de chambre, MM. G. Arestis, A. Borg Barthet, J. Malenovský, U. Lõhmus et E. Levits, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mars 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour la Société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., par Me W. Deselaers, Rechtsanwalt, et Me P. Lignières, avocat,

–        pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, L. Butel et Mme S. Gasri, en qualité d’agents,

–        pour le Parlement européen, par M. L. Visaggio et Mme I. Anagnostopoulou, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par Mmes P. Plaza García, K. Michoel et E. Karlsson, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. J.-B. Laignelot et U. Wölker, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 mai 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004 (JO L 338, p. 18, ci-après la «directive 2003/87»).

2        Cette demande a été présentée par le Conseil d’État dans le cadre d’un litige opposant la société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. au Premier ministre, au ministre de l’Écologie et du Développement durable ainsi qu’au ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie au sujet de la mise en œuvre de la directive 2003/87 dans l’ordre juridique français.

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        Le 9 mai 1992 a été adoptée à New York la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ci-après la «convention-cadre»), dont l’objectif final est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Le 11 décembre 1997, les parties à la convention-cadre ont, au titre de cette dernière, adopté le protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ci-après le «protocole de Kyoto»), qui est entré en vigueur le 16 février 2005.

4        L’objectif de ce protocole est de réduire le total des émissions de six gaz à effet de serre, dont le dioxyde de carbone (ci-après le «CO2»), d’au moins 5 % par rapport au niveau de ces émissions pour l’année 1990 au cours de la période allant de 2008 à 2012. Les parties visées à l’annexe I de la convention-cadre s’engagent à ce que leurs émissions de gaz à effet de serre ne dépassent pas un pourcentage que leur attribue le protocole de Kyoto, ces parties pouvant remplir conjointement leurs obligations. L’engagement global pris par la Communauté européenne et ses États membres au titre du protocole de Kyoto porte sur une réduction totale des émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport au niveau de ces émissions pour l’année 1990 durant la période d’engagement susmentionnée.

 Le droit communautaire

5        Le Conseil de l’Union européenne a approuvé au nom de la Communauté, d’une part, la convention-cadre par la décision 94/69/CE, du 15 décembre 1993, concernant la conclusion de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (JO 1994, L 33, p. 11), et, d’autre part, le protocole de Kyoto par la décision 2002/358/CE, du 25 avril 2002, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’exécution conjointe des engagements qui en découlent (JO L 130, p. 1). En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cette dernière décision, la Communauté et ses États membres remplissent conjointement l’engagement global qu’ils ont pris au titre du protocole de Kyoto.

6        Estimant que les échanges de droits d’émission de gaz à effet de serre constitueront une partie intégrante majeure, ensemble avec d’autres mesures, de la stratégie communautaire dans la lutte contre le changement climatique, la Commission des Communautés européennes a présenté, le 8 mars 2000, le livre vert sur l’établissement dans l’Union européenne d’un système d’échange de droits d’émission des gaz à effet de serre [COM(2000) 87 final] (ci-après le «livre vert»).

7        Sur le fondement de l’article 175, paragraphe 1, CE, la Commission a présenté, le 23 octobre 2001, une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil [COM(2001) 581 final], ci-après la «proposition de directive»), qui a abouti à l’adoption de la directive 2003/87.

8        Selon son cinquième considérant, cette directive a pour objectif de contribuer à la réalisation des engagements de réduire les émissions anthropiques de gaz à effet de serre assumés par la Communauté et ses États membres dans le cadre du protocole de Kyoto, conformément à la décision 2002/358, dans des conditions efficaces, au moyen d’un marché européen performant de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ci-après les «quotas») et en nuisant le moins possible au développement économique et à l’emploi.

9        Aux termes du vingt-troisième considérant de ladite directive, l’échange des quotas devrait «s’intégrer dans un ensemble global et cohérent de politiques et de mesures mises en œuvre à l’échelon des États membres et de la Communauté». Ainsi que son vingt-cinquième considérant le précise, «[l]es politiques et mesures devraient être mises en œuvre au niveau des États membres et de la Communauté dans tous les secteurs de l’économie de l’Union européenne, et pas uniquement dans les secteurs de l’industrie et de l’énergie, afin de générer des réductions substantielles des émissions».

10      L’article 1er de la directive 2003/87 définit son objet comme suit:

«La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas [...] dans la Communauté […] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.»

11      La directive 2003/87 s’applique, en vertu de son article 2, paragraphe 1, aux émissions résultant des activités indiquées à son annexe I et aux six gaz à effet de serre énumérés à son annexe II, dont le CO2. Ladite annexe I vise certaines activités menées dans les secteurs de l’énergie, de la production et de la transformation de métaux ferreux ainsi que de l’industrie minérale, de même que celles menées dans les installations industrielles destinées à la fabrication de pâte à papier et dans des installations industrielles destinées à la fabrication de papier et de carton, pour autant que celles-ci émettent du CO2.

12      L’article 4 de la directive 2003/87 énonce:

«Les États membres veillent à ce que, à partir du 1er janvier 2005, aucune installation ne se livre à une activité visée à l’annexe I entraînant des émissions spécifiées en relation avec cette activité, à moins que son exploitant ne détienne une autorisation délivrée par une autorité compétente conformément aux articles 5 et 6, […]»

13      En vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2003/87, l’autorité compétente délivre une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre en provenance de tout ou partie d’une installation si elle considère que l’exploitant est en mesure de surveiller et de déclarer les émissions de ces gaz. Aux termes du paragraphe 2 du même article, cette autorisation contient, entre autres, «l’obligation de restituer, dans les quatre mois qui suivent la fin de chaque année civile, des quotas correspondant aux émissions totales de l’installation au cours de l’année civile écoulée, telles qu’elles ont été vérifiées conformément à l’article 15».

14      L’attribution de la quantité totale de quotas aux exploitants des installations visées par la directive 2003/87 se fait, en vertu de l’article 9 de celle-ci, sur la base d’un plan national d’allocation de quotas élaboré par les États membres en fonction des critères énoncés à l’annexe III de cette directive.

15      En vertu de l’article 10 de ladite directive, les États membres sont obligés d’allouer à titre gratuit à tout le moins 95 % des quotas pour une période de trois ans courant à partir du 1er janvier 2005 et à tout le moins 90 % de ceux-ci pour les cinq années suivantes. Conformément à l’article 12, paragraphe 1, de la même directive, les quotas alloués sont transférables et peuvent être échangés entre personnes dans la Communauté ainsi que, sous certaines conditions, entre personnes dans la Communauté et personnes dans des pays tiers.

16      Aux termes de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 2003/87:

«Les États membres s’assurent que tout exploitant qui, au plus tard le 30 avril de chaque année, ne restitue pas un nombre de quotas suffisant pour couvrir ses émissions de l’année précédente soit tenu de payer une amende sur les émissions excédentaires. Pour chaque tonne d’équivalent-[CO2] émise par une installation pour laquelle l’exploitant n’a pas restitué de quotas, l’amende sur les émissions excédentaires est de 100 euros. Le paiement de l’amende sur les émissions excédentaires ne libère pas l’exploitant de l’obligation de restituer un nombre de quotas égal à ces émissions excédentaires lors de la restitution des quotas correspondant à l’année civile suivante.»

17      La directive 2003/87 prévoit, en outre, à son article 30, paragraphe 2, que la Commission établit, pour le 30 juin 2006, un rapport, le cas échéant accompagné de propositions, sur le fonctionnement de cette même directive, dans lequel elle examine, entre autres, «s’il convient de modifier l’annexe I, et de quelle manière le faire, afin d’y inclure d’autres secteurs pertinents, comme l’industrie chimique, la métallurgie de l’aluminium et les transports, d’autres activités et les émissions d’autres gaz à effet de serre figurant à l’annexe II, afin d’améliorer [...] l’efficacité économique du système».

18      À cet effet, la Commission a présenté, le 13 novembre 2006, la communication au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions concernant la création d’un marché mondial du carbone [COM(2006) 676 final]. Le 20 décembre 2006, la Commission a émis une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87 afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre [COM(2006) 818 final]. De plus, par une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87 afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre [COM(2008) 16 final], du 23 janvier 2008, cette institution vise, entre autres, à élargir le champ d’application de la directive 2003/87 en y incluant de nouveaux gaz ainsi que de nouvelles catégories d’activités telles que la production et la transformation de métaux non ferreux et la production d’aluminium ainsi que l’industrie chimique.

 Le droit national

19      La transposition en droit français de la directive 2003/87 a été effectuée par l’ordonnance n° 2004-330, du 15 avril 2004, portant création d’un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (JORF du 17 avril 2004, p. 7089), laquelle a notamment introduit les articles L.229-5 à L.229-19 du code de l’environnement. Les modalités d’application de ces articles ont été arrêtées par le décret n° 2004-832, du 19 août 2004 (JORF du 21 août 2004, p. 14979), lequel a été modifié par le décret n° 2005‑189, du 25 février 2005 (JORF du 26 février 2005, p. 3498, ci-après le «décret n° 2004‑832»). L’annexe du décret n° 2004‑832 se borne à reprendre l’annexe I de la directive 2003/87.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

20      Les requérantes au principal sont des entreprises du secteur sidérurgique. Elles ont demandé aux autorités françaises compétentes l’abrogation de l’article 1er du décret n° 2004‑832 en tant qu’il rend ce décret applicable aux installations du secteur sidérurgique. Leurs demandes ayant été laissées sans suite, elles ont formé devant le Conseil d’État un recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions implicites de rejet de ces demandes et sollicité qu’il soit enjoint auxdites autorités de procéder à l’abrogation visée. À l’appui de leur recours, elles ont invoqué la violation de plusieurs principes de valeur constitutionnelle, tels le droit de propriété, la liberté d’entreprendre et le principe d’égalité.

21      Le Conseil d’État a écarté les moyens soulevés par les requérantes au principal à l’exception de celui tiré d’une violation du principe constitutionnel d’égalité occasionnée par un traitement différent de situations comparables. À ce dernier égard, il relève, dans sa décision de renvoi, que les industries du plastique et de l’aluminium émettent des gaz à effet de serre identiques à ceux dont la directive 2003/87 a entendu limiter les émissions et que ces industries produisent des matériaux qui sont partiellement substituables à ceux produits par l’industrie sidérurgique, avec laquelle elles se trouvent donc en situation de concurrence. Le Conseil d’État estime que, même si la décision de ne pas inclure immédiatement les industries du plastique et de l’aluminium dans le système d’échange de quotas a été prise en considération de leur part relative dans les émissions totales de gaz à effet de serre et de la nécessité d’assurer la mise en place progressive d’un dispositif d’ensemble, la question de savoir si la différence de traitement entre les industries concernées est objectivement justifiée soulève une difficulté sérieuse.

22      Au vu de ces considérations, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La directive [2003/87] [est-elle valide] au regard du principe d’égalité en tant qu’elle rend applicable le système d’échange de quotas [...] aux installations du secteur sidérurgique sans y inclure les industries de l’aluminium et du plastique[?]»

 Sur la question préjudicielle

23      Le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit communautaire, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêts du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28; du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C‑133/93, C‑300/93 et C‑362/93, Rec. p. I‑4863, points 50 et 51, ainsi que du 11 juillet 2006, Franz Egenberger, C‑313/04, Rec. p. I‑6331, point 33).

24      Estimant que les secteurs de la sidérurgie, du plastique et de l’aluminium se trouvent dans une situation comparable, la juridiction de renvoi vise à savoir si le législateur communautaire a, par l’exclusion des secteurs du plastique et de l’aluminium du champ d’application de la directive 2003/87, violé ce principe à l’égard du secteur de la sidérurgie. Le renvoi préjudiciel ne porte donc que sur la question de savoir si le législateur communautaire a violé ledit principe par un traitement différencié et non justifiable de situations comparables.

 Sur le traitement différencié de situations comparables

25      La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent.

26      Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte communautaire qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 1971, Rheinmühlen Düsseldorf, 6/71, Rec. p. 823, point 14; du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 8; du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C‑280/93, Rec. p. I‑4973, point 74, ainsi que du 10 mars 1998, T. Port, C‑364/95 et C‑365/95, Rec. p. I‑1023, point 83).

27      En l’espèce, la validité de la directive 2003/87 doit s’apprécier quant à l’inclusion du secteur sidérurgique dans son champ d’application et à l’exclusion de celui-ci des secteurs de la chimie et des métaux non ferreux auxquels appartiennent, selon les observations écrites soumises à la Cour, respectivement les secteurs du plastique et de l’aluminium.

28      En vertu de son article 1er, la directive 2003/87 a pour objet d’instituer un système communautaire d’échange de quotas. Comme il ressort des points 4.2 et 4.3 du livre vert, la Communauté a entendu introduire, par cette directive, un tel système au niveau des entreprises et visant donc les activités économiques.

29      Selon son cinquième considérant, la directive 2003/87 a pour objectif d’instituer ce système afin de contribuer à la réalisation des engagements de la Communauté et de ses États membres au titre du protocole de Kyoto, qui tend à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau empêchant toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique et dont l’objectif final est la protection de l’environnement.

30      La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, dont relève l’acte législatif en cause au principal et dont un des objectifs principaux est la protection de l’environnement, vise, selon l’article 174, paragraphe 2, CE, à un niveau de protection élevé et se fonde notamment sur les principes de précaution, d’action préventive et du pollueur payeur (voir arrêts du 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, Rec. p. I‑2211, point 64, ainsi que du 1er avril 2008, Parlement/Commission, C‑14/06 et C‑295/06, non encore publié au Recueil, point 75 et jurisprudence citée).

31      Si l’objectif final du système d’échange de quotas est la protection de l’environnement par une réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce système ne réduit pas de lui-même ces émissions, mais encourage et favorise la recherche des coûts les plus bas pour atteindre une réduction desdites émissions à un niveau précis, comme il ressort notamment du point 3 du livre vert et du point 2 de l’exposé des motifs de la proposition de directive. L’avantage pour l’environnement dépend de la rigueur avec laquelle est établie la quantité totale de quotas octroyés, qui constitue la limite globale des émissions autorisées par ledit système.

32      Il en ressort également que la logique économique du système d’échange de quotas consiste à faire en sorte que les réductions d’émissions de gaz à effet de serre nécessaires à l’obtention d’un résultat environnemental prédéterminé aient lieu au coût le plus faible. Notamment en permettant la vente des quotas alloués, ce système vise à inciter tout participant audit système à émettre une quantité de gaz à effet de serre inférieure aux quotas qui lui ont été initialement octroyés afin d’en céder le surplus à un autre participant ayant produit une quantité d’émissions supérieure aux quotas alloués.

33      Ainsi, le bon fonctionnement du système d’échange de quotas implique qu’il y ait une demande et une offre de quotas de la part des participants à ce système, ce qui implique également que le potentiel de réduction des émissions imputables aux activités couvertes par ce système peut varier, et même de manière considérable. En outre, comme il découle du livre vert, plus la portée du système sera large, plus la variation des coûts de mise en conformité encourus par les entreprises individuelles sera importante, et plus le potentiel de réduction globale des coûts sera grand.

34      Il en résulte que, par rapport à l’objet de la directive 2003/87, aux objectifs de celle-ci visés au point 29 du présent arrêt ainsi qu’aux principes sur lesquels se fonde la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, les différentes sources d’émission de gaz à effet de serre relevant d’une activité économique se trouvent, en principe, dans une situation comparable, étant donné que toute émission de gaz à effet de serre est susceptible de contribuer à une perturbation dangereuse du système climatique et que tout secteur de l’économie émetteur de tels gaz peut contribuer au fonctionnement du système d’échange de quotas.

35      De plus, il convient de souligner, d’une part, que le vingt-cinquième considérant de la directive 2003/87 énonce que les politiques et mesures devraient être mises en œuvre dans tous les secteurs de l’économie de l’Union, afin de générer des réductions substantielles des émissions, et, d’autre part, que l’article 30 de la directive 2003/87 prévoit qu’un réexamen doit être effectué en vue d’inclure d’autres secteurs dans le champ d’application de celle-ci.

36      Il s’ensuit que, s’agissant de la comparabilité des secteurs en question au regard de la directive 2003/87, l’éventuelle existence d’une relation de concurrence entre ces secteurs ne saurait constituer un critère décisif, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 43 de ses conclusions.

37      N’est pas non plus essentiel pour apprécier la comparabilité de ces secteurs, contrairement à ce que font valoir les institutions ayant soumis des observations à la Cour, la quantité de CO2 émise par chacun de ceux-ci, compte tenu notamment des objectifs de la directive 2003/87 et du fonctionnement du système d’échange de quotas tels que décrits aux points 31 à 33 du présent arrêt.

38      Les secteurs de la sidérurgie, de la chimie et des métaux non ferreux se trouvent dès lors, aux fins d’un examen de la validité de la directive 2003/87 au regard du principe d’égalité de traitement, dans une situation comparable tout en étant traités de manière différente.

 Sur un désavantage résultant d’un traitement différencié de situations comparables

39      Selon la jurisprudence, pour qu’on puisse reprocher au législateur communautaire d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut qu’il ait traité d’une façon différente des situations comparables entraînant un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres (voir arrêts du 13 juillet 1962, Klöckner-Werke et Hoesch/Haute Autorité, 17/61 et 20/61, Rec. p. 615, 652; du 15 janvier 1985, Finsider/Commission, 250/83, Rec. p. 131, point 8, ainsi que du 22 mai 2003, Connect Austria, C‑462/99, Rec. p. I-5197, point 115).

40      À cet égard, le Parlement, le Conseil et la Commission soutiennent que l’inclusion du secteur sidérurgique dans le champ d’application de la directive 2003/87 ne met pas ce secteur dans une situation défavorable par rapport aux secteurs de la chimie et des métaux non ferreux, ces derniers devant théoriquement se mettre en conformité avec les objectifs fixés par les accords internationaux concernés par des moyens économiquement moins avantageux. Selon lesdites institutions, l’exécution des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne saurait se limiter à l’application du système d’échange de quotas. En effet, ce système compléterait des mesures prises par les États membres en ce qui concerne les activités et secteurs temporairement exclus du champ d’application de la directive 2003/87.

41      Cet argument ne saurait prospérer.

42      La soumission de certains secteurs, et ainsi des requérantes au principal, au système communautaire d’échange de quotas implique, pour les exploitants concernés, d’une part, l’obligation de détenir une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre et, d’autre part, l’obligation de restituer une quantité de quotas correspondant aux émissions totales de leurs installations au cours d’une période déterminée sous peine de sanctions pécuniaires. Si les émissions d’une installation dépassent les quantités attribuées dans le cadre d’un plan national d’allocation de quotas à l’exploitant concerné, celui-ci est tenu de se procurer des quotas supplémentaires en recourant au système d’échange de quotas.

43      En revanche, de pareilles obligations juridiques, visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, n’existent pas au niveau communautaire pour les exploitants d’installations non couvertes par l’annexe I de la directive 2003/87. Par conséquent, l’inclusion d’une activité économique dans le champ d’application de la directive 2003/87 crée, pour les exploitants concernés, un désavantage par rapport à ceux exerçant des activités qui n’y sont pas incluses.

44      À supposer même que, comme le soutient la Commission, la soumission à un tel système n’entraîne pas nécessairement et systématiquement des conséquences économiques défavorables, l’existence d’un désavantage ne saurait, pour ce seul motif, être niée, étant donné que le désavantage à prendre en considération au regard du principe d’égalité de traitement peut également être de nature à influer sur la situation juridique de la personne concernée par une différence de traitement.

45      Par ailleurs, comme l’a fait remarquer M. l’avocat général au point 41 de ses conclusions, et contrairement à ce que font valoir les institutions ayant présenté des observations à la Cour, le désavantage subi par les exploitants d’installations relevant des secteurs soumis à la directive 2003/87 ne saurait être compensé par des mesures nationales non déterminées par le droit communautaire.

 Sur la justification de différence de traitement

46      Le principe d’égalité de traitement ne s’avère, toutefois, pas être violé pour autant que la différence de traitement entre le secteur de la sidérurgie, d’une part, et les secteurs de la chimie et des métaux non ferreux, d’autre part, soit justifiée.

47      Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 1977, Bela-Mühle Bergmann, 114/76, Rec. p. 1211, point 7; du 15 juillet 1982, Edeka Zentrale, 245/81, Rec. p. 2745, points 11 et 13; du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C-122/95, Rec. p. I-973, points 68 et 71, ainsi que du 23 mars 2006, Unitymark et North Sea Fishermen’s Organisation, C‑535/03, Rec. p. I-2689, points 53, 63, 68 et 71).

48      Étant donné qu’il s’agit d’un acte législatif communautaire, il appartient au législateur communautaire d’établir l’existence de critères objectifs avancés au titre d’une justification et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle‑ci de l’existence desdits critères (voir, en ce sens, arrêts du 19 octobre 1977, Moulins et Huileries de Pont-à-Mousson et Providence agricole de la Champagne, 124/76 et 20/77, Rec. p. 1795, point 22, ainsi que du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, précité, point 71).

 Observations soumises à la Cour

49      À cet égard, le Parlement, le Conseil et la Commission rappellent la nouveauté du système d’échange de quotas mis en place par la directive 2003/87 ainsi que sa complexité tant sur le plan politique et économique que sur celui de la réglementation nécessaire. Ce système serait dans une phase de lancement. Sa révision prévue à l’article 30 de ladite directive, actuellement en cours de discussion, serait fondée non seulement sur les progrès réalisés dans la surveillance des émissions de gaz à effet de serre, mais également sur l’expérience acquise dans cette première phase de mise en œuvre.

50      Ainsi, le législateur communautaire aurait estimé opportun de n’inclure dans le champ d’application initial de la directive 2003/87 que le CO2, qui représentait plus de 80 % des émissions de gaz à effet de serre dans la Communauté, et un nombre relativement limité de secteurs économiques contribuant de façon considérable aux émissions globales de ce gaz à effet de serre. Le champ d’application de la directive 2003/87 ainsi déterminé couvrirait actuellement environ 10 000 installations, lesquelles représenteraient près de la moitié des émissions de CO2 au niveau communautaire et, par conséquent, d’importantes sources ponctuelles d’émissions de ce gaz.

51      Les critères de choix conduisant à inclure ou non certains secteurs dans le champ d’application de la directive 2003/87 devraient donc être appréciés à la lumière de ces considérations.

52      Un des critères objectifs déterminants pour arrêter le champ d’application de la directive 2003/87 aurait été le niveau des émissions directes de CO2 d’un secteur. Se référant à un rapport intitulé «Economic Evaluation of Sectoral Emission Reduction Objectives for Climate Change. Top-Down Analysis of Greenhouse Gas Emission Reduction Possibilities in the EU, Final Report, march 2001», établi par P. Capros, N. Kouvaritakis et L. Mantzos, le Parlement, le Conseil et la Commission relèvent que, en 1990, les émissions de CO2 étaient, respectivement, de 174,8 millions de tonnes pour le secteur de la sidérurgie, de 26,2 millions de tonnes pour le secteur de la chimie et de 16,2 millions de tonnes pour le secteur des métaux non ferreux.

53      Quant au secteur de la chimie, ces institutions font en outre valoir que le grand nombre d’installations que comporte ce secteur, à savoir de l’ordre de 34 000, aurait considérablement alourdi la complexité administrative du système d’échange de quotas dans sa phase initiale. Or, la faisabilité administrative serait également un critère légitime pour apprécier l’opportunité d’une action législative.

54      De plus, à tout le moins dans un premier temps, toute différence de traitement serait proportionnée et le législateur communautaire n’aurait pas dépassé les limites de la large marge d’appréciation dont il disposait quant à la détermination du champ d’application du système d’échange de quotas mis en place. Dès son instauration, ce système aurait inclus les plus grands émetteurs de CO2, qui, avec un nombre relativement limité d’installations fixes, auraient été les mieux adaptés pour lancer ledit système.

55      Les requérantes au principal avancent, en se référant à une statistique du registre européen des émissions de polluants pour l’année 2001, que le secteur de la chimie émet une quantité de CO2 substantiellement plus élevée que celle mentionnée par le Parlement, le Conseil et la Commission. De plus, l’inclusion dans le champ d’application de la directive 2003/87 des entreprises chimiques émettant une quantité de CO2 supérieure à un certain seuil n’aurait pas posé de problèmes sur le plan administratif, étant donné que près de 59 % des émissions globales de CO2 du secteur de la chimie proviendraient de seulement 96 installations.

56      Quant au secteur de l’aluminium, l’exclusion de celui-ci du champ d’application de la directive 2003/87 n’aurait nullement été objectivement justifiée par le législateur communautaire. La quantité d’émissions directes ne pourrait pas justifier l’exclusion de ce secteur. Il ressortirait de l’étude même à laquelle se sont référées les institutions ayant soumis des observations à la Cour que celui-ci émet 16,2 millions de tonnes de CO2, tandis que le secteur de la pâte et du papier, qui est inclus dans le champ d’application de la directive 2003/87, émet seulement 10,6 millions de tonnes de ce gaz à effet de serre.

 Appréciation de la Cour

57      La Cour a reconnu au législateur communautaire, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation lorsque son action implique des choix de nature politique, économique et sociale et lorsqu’il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 80). En outre, lorsqu’il est appelé à restructurer ou à créer un système complexe, il lui est loisible de recourir à une approche par étapes (voir, en ce sens, arrêts du 29 février 1984, Rewe-Zentrale, 37/83, Rec. p. 1229, point 20; du 18 avril 1991, Assurances du crédit/Conseil et Commission, C‑63/89, Rec. p. I‑1799, point 11, ainsi que du 13 mai 1997, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑233/94, Rec. p. I‑2405, point 43) et de procéder notamment en fonction de l’expérience acquise.

58      Toutefois, même en présence d’un tel pouvoir, le législateur communautaire est tenu de baser son choix sur des critères objectifs et appropriés par rapport au but poursuivi par la législation en cause (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1982, Kind/CEE, 106/81, Rec. p. 2885, points 22 et 23, ainsi que Sermide, précité, point 28), en tenant compte de tous les éléments factuels ainsi que des données techniques et scientifiques disponibles au moment de l’adoption de l’acte en question (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech, C‑284/95, Rec. p. I‑4301, point 51).

59      En exerçant son pouvoir d’appréciation, le législateur communautaire doit, en plus de l’objectif principal de protection de l’environnement, tenir pleinement compte des intérêts en présence (voir, concernant des mesures en matière d’agriculture, arrêts du 10 mars 2005, Tempelman et van Schaijk, C-96/03 et C‑97/03, Rec. p. I‑1895, point 48, ainsi que du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, Rec. p. I‑679, point 37). Dans le cadre de l’examen de contraintes liées à différentes mesures possibles, il y a lieu de considérer que, si l’importance des objectifs poursuivis est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, mêmes considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, points 15 à 17, ainsi que du 15 décembre 2005, Grèce/Commission, C‑86/03, Rec. p. I‑10979, point point 96), l’exercice du pouvoir d’appréciation du législateur communautaire ne saurait produire des résultats manifestement moins adéquats que ceux résultant d’autres mesures également appropriées à ces objectifs.

60      En l’espèce, il est constant, d’une part, que le système d’échange de quotas introduit par la directive 2003/87 est un système nouveau et complexe dont la mise en place et le fonctionnement auraient pu être perturbés du fait de l’implication d’un trop grand nombre de participants et, d’autre part, que la délimitation initiale du champ d’application de la directive 2003/87 a été dictée par l’objectif consistant à atteindre une masse critique de participants nécessaire pour l’instauration de ce système.

61      Eu égard à la nouveauté et à la complexité dudit système, la délimitation initiale du champ d’application de la directive 2003/87 et l’approche progressive adoptée, qui se fonde notamment sur l’expérience acquise lors de la première phase de sa mise en œuvre, afin de ne pas perturber la mise en place de ce système s’inscrivaient dans la marge d’appréciation dont disposait le législateur communautaire.

62      À cet égard, il y a lieu de relever que, si celui-ci pouvait légitimement se baser sur une telle approche progressive pour l’introduction du système d’échange de quotas, il est tenu, notamment au regard des objectifs de la directive 2003/87 et de la politique communautaire dans le domaine de l’environnement, de procéder au réexamen des mesures instaurées, notamment en ce qui concerne les secteurs couverts par la directive 2003/87, à intervalles raisonnables, comme cela est d’ailleurs prévu à l’article 30 de cette directive.

63      Toutefois, comme M. l’avocat général l’a relevé notamment au point 48 de ses conclusions, la marge d’appréciation dont disposait le législateur communautaire en vue d’une approche progressive ne saurait, au regard du principe d’égalité de traitement, l’avoir dispensé de recourir, pour la détermination des secteurs qu’il estimait aptes à être inclus dès le début dans le champ d’application de la directive 2003/87, à des critères objectifs fondés sur les données techniques et scientifiques disponibles au moment de l’adoption de celle-ci.

64      S’agissant, en premier lieu, du secteur de la chimie, il ressort de la genèse de la directive 2003/87, que celui-ci comporte un nombre particulièrement élevé d’installations, à savoir de l’ordre de 34 000, non seulement par rapport aux émissions qu’elles provoquent, mais également par rapport au nombre d’installations actuellement incluses dans le champ d’application de la directive 2003/87, qui est de l’ordre de 10 000.

65      L’inclusion de ce secteur dans le champ d’application de la directive 2003/87 aurait dès lors alourdi la gestion et la charge administrative du système d’échange de quotas, de sorte que l’éventualité d’une perturbation du fonctionnement de ce système lors de sa mise en œuvre du fait de ladite inclusion ne peut être exclue. De plus, le législateur communautaire a pu considérer que les avantages de l’exclusion du secteur entier au début de la mise en œuvre du système d’échange de quotas l’emportaient sur les avantages de son inclusion pour réaliser le but de la directive 2003/87. Il en résulte que le législateur communautaire a démontré à suffisance de droit qu’il s’est fondé sur des critères objectifs pour exclure du champ d’application de la directive 2003/87, dans la première phase de mise en œuvre du système d’échange de quotas, le secteur entier de la chimie.

66      L’argument des requérantes au principal selon lequel l’inclusion dans le champ d’application de la directive 2003/87 des entreprises dudit secteur émettant une quantité de CO2 supérieure à un certain seuil n’aurait pas posé de problèmes sur un plan administratif ne saurait remettre en cause l’appréciation qui précède.

67      En effet, la statistique à laquelle elles se réfèrent porte sur des données relatives à des «établissements», comme il résulte de l’article 1er de la décision 2000/479/CE de la Commission, du 17 juillet 2000, concernant la création d’un registre européen des émissions de polluants (EPER) conformément aux dispositions de l’article 15 de la directive 96/61/CE du Conseil relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (IPPC) (JO L 192, p. 36). Or, un établissement au sens de cette décision ne constitue pas une installation au sens de la directive 2003/87, puisqu’il ressort des définitions contenues à l’annexe A 4 de ladite décision qu’un tel établissement est un «[c]omplexe industriel comptant une ou plusieurs installations sur le même site où un exploitant effectue une ou plusieurs activités de l’annexe I». Ainsi, les données invoquées par les requérantes au principal ne se réfèrent qu’à des établissements, sans que le nombre d’installations concernées soit précisé.

68      Partant, les données fournies par les requérantes au principal à l’appui de leur argument susmentionné ne permettent pas à la Cour de vérifier l’allégation selon laquelle un petit nombre d’installations du secteur de la chimie était responsable d’une partie considérable des émissions globales de CO2 de ce secteur, de sorte que le législateur communautaire aurait dû l’inclure partiellement dans le champ d’application de la directive 2003/87.

69      Au regard de ce qui précède et vu l’approche progressive sur laquelle la directive 2003/87 est fondée, lors de la première phase de mise en œuvre du système d’échange de quotas, le traitement différencié du secteur de la chimie par rapport à celui de la sidérurgie peut être considéré comme justifié.

70      S’agissant, en second lieu, du secteur des métaux non ferreux, il ressort du rapport scientifique mentionné au point 52 du présent arrêt, sur lequel, selon les observations du Parlement, du Conseil et de la Commission, le législateur communautaire s’est fondé lors de l’élaboration et de l’adoption de la directive 2003/87, que les émissions directes de ce secteur s’élevaient en 1990 à 16,2 millions de tonnes de CO2, tandis que le secteur de la sidérurgie en émettait 174,8 millions de tonnes.

71      Eu égard à son intention de délimiter le champ d’application de la directive 2003/87 de manière à ne pas perturber la faisabilité administrative du système d’échange de quotas dans sa phase initiale par l’implication d’un trop grand nombre de participants, le législateur communautaire n’était pas tenu de recourir au seul moyen consistant à introduire, pour chaque secteur de l’économie émetteur de CO2, un seuil d’émission afin de réaliser l’objectif poursuivi. Ainsi, dans des circonstances telles que celles ayant présidé à l’adoption de la directive 2003/87, il pouvait, lors de l’introduction de ce système, valablement délimiter le champ d’application de celle-ci par une approche sectorielle sans excéder les limites du pouvoir d’appréciation dont il disposait.

72      La différence du niveau d’émissions directes entre les deux secteurs concernés est à ce point substantielle que le traitement différencié de ces secteurs peut être, lors de la première phase de mise en œuvre du système d’échange de quotas et vu l’approche progressive sur laquelle la directive 2003/87 est fondée, considéré comme justifié sans que se soit imposée la nécessité pour le législateur communautaire de prendre en considération les émissions indirectes attribuables aux différents secteurs.

73      Il convient dès lors de constater que le législateur communautaire n’a pas violé le principe d’égalité de traitement du fait du traitement différencié de situations comparables en excluant du champ d’application de la directive 2003/87 les secteurs de la chimie et des métaux non ferreux.

74      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’examen de la directive 2003/87 au regard du principe d’égalité de traitement n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter sa validité en tant qu’elle rend applicable le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre au secteur de la sidérurgie sans inclure dans son champ d’application les secteurs de la chimie et des métaux non ferreux.

 Sur les dépens

75      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

L’examen de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2004/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004, au regard du principe d’égalité de traitement n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter sa validité en tant qu’elle rend applicable le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre au secteur de la sidérurgie sans inclure dans son champ d’application les secteurs de la chimie et des métaux non ferreux.

Signatures


* Langue de procédure: le français.