ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

2 juin 2016 (*)

« Manquement d’État – Articles 18, 20 et 21 TFUE ‐ Citoyenneté de l’Union ‐ Droit de circulation et de séjour – Discrimination en raison de la nationalité ‐ Prestation pour frais de transport octroyée aux étudiants nationaux – Directive 2004/38/CE – Article 24, paragraphe 2 ‐ Dérogation au principe de l’égalité de traitement – Aides d’entretien aux études sous la forme de bourses d’études ou de prêts – Portée – Exigences de forme de la requête introductive d’instance – Exposé cohérent des griefs »

Dans l’affaire C‑233/14,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 12 mai 2014,

Commission européenne, représentée par Mme C. Gheorghiu et M. M. van Beek, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. Bulterman et C. Schillemans, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, J.-C. Bonichot, C. G. Fernlund et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 novembre 2015,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 janvier 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

–        de constater que, en limitant le bénéfice des tarifs préférentiels de transports publics prévus pour les étudiants qui font leurs études aux Pays-Bas aux étudiants néerlandais inscrits dans un établissement d’enseignement public ou privé aux Pays-Bas et aux étudiants originaires d’autres États membres qui font partie, aux Pays-Bas, des personnes économiquement actives ou qui ont obtenu un droit de séjour permanent, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 18 TFUE, combiné aux articles 20 et 21 TFUE, et en vertu de l’article 24 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, ainsi que rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), et

–        de condamner le Royaume des Pays-Bas aux dépens.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        Les considérants 20 et 21 de la directive 2004/38 énoncent :

« (20) En vertu de l’interdiction des discriminations fondées sur la nationalité, chaque citoyen de l’Union et les membres de sa famille séjournant dans un État membre sur la base de la présente directive devraient bénéficier, dans cet État membre, de l’égalité de traitement avec ses ressortissants dans les domaines d’application du traité, sous réserve des dispositions spécifiques figurant expressément dans le traité et le droit dérivé.

(21)      Toutefois, l’État membre d’accueil devrait être libre de déterminer s’il entend accorder aux personnes autres que celles qui exercent une activité salariée ou non salariée, celles qui conservent ce statut et les membres de leur famille des prestations d’assistance sociale au cours des trois premiers mois de séjour, ou de périodes plus longues en faveur des demandeurs d’emploi, ou des bourses d’entretien pour les études, y compris la formation professionnelle, avant l’acquisition du droit de séjour permanent. »

3        L’article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoit que celle-ci s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité.

4        L’article 7 de ladite directive, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », dispose, à son paragraphe 1 :

« Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

[...]

c)      –      s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

–        s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour ; [...] »

5        L’article 24 de la directive 2004/38, intitulé « Égalité de traitement », est libellé comme suit :

« 1.      Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.

2.      Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant, pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, et les membres de leur famille. »

 Le droit néerlandais

 La Wet studiefinanciering 2000

6        L’article 2.1 de la Wet studiefinanciering 2000 (loi de 2000 sur le financement des études, ci-après la « WSF 2000 »), qui établit les conditions d’octroi du financement des études, y compris de la bourse de base et d’une prestation pour frais de transport (ci-après la « prestation pour frais de transport »), est libellé comme suit :

« La présente loi réglemente le financement des études et est applicable aux étudiants qui remplissent les conditions relatives à :

a.      la nationalité, telles que visées à l’article 2.2,

b.      l’âge, telles que visées à l’article 2.3 et

c.      la catégorie d’enseignement, telles que visées aux paragraphes 2.2 à 2.4. »

7        L’article 2.2 de la WSF 2000 prévoit :

« 1.      Peut prétendre à un financement des études l’étudiant qui :

a)      possède la nationalité néerlandaise ;

b)      ne possède pas la nationalité néerlandaise, mais est assimilé à un ressortissant néerlandais en matière de financement des études en vertu d’un traité ou d’une décision d’une organisation internationale, ou

c)      ne possède pas la nationalité néerlandaise, mais réside aux Pays‑Bas et appartient à un groupe de personnes assimilé en matière de financement aux ressortissants néerlandais, lequel doit être déterminé par un règlement.

2.      Sans préjudice du paragraphe 1, sous b), un règlement peut désigner des groupes de personnes pour lesquelles l’assimilation visée au paragraphe 1, sous b), porte uniquement sur une prise en charge des frais d’accès à l’enseignement. Le règlement peut établir des règles relatives au montant et à la forme de cette prise en charge. »

8        L’article 3.1 de la WSF 2000 dispose :

« 1.      Le financement des études se compose d’une bourse de base, d’un prêt de base et d’une bourse complémentaire ou d’un prêt complémentaire ainsi que d’un crédit pour droits d’inscription des étudiants.

2.      Le financement des études peut être octroyé en tout ou en partie sous la forme de :

a.      don,

b.      bourse, ou

c.      de prêt. »

9        L’article 3.2, paragraphe 1, de la WSF 2000 prévoit que la bourse comprend mensuellement un montant forfaitaire couvrant les frais d’entretien, une intervention dans les frais de scolarité et la prestation pour frais de transport.

10      L’article 3.29 de la WSF 2000 précise les conditions auxquelles une indemnité peut être obtenue lorsque le bénéficiaire n’a pas utilisé entièrement la prestation pour frais de transport.

11      L’article 3.6, paragraphe 2, de la WSF 2000 prévoit :

« La bourse de base comprend une prestation pour frais de transport, sauf disposition contraire. »

12      L’article 3.7 de la WSF 2000, qui prévoit la forme sous laquelle la prestation pour frais de transport est octroyée, est libellé comme suit :

« 1.      Pour les étudiants suivant une formation aux Pays-Bas, la prestation pour frais de transport consiste en un titre de transport valable une durée déterminée de la semaine, titre que les sociétés de transport délivrent à l’étudiant gratuitement ou à un tarif réduit.

2.      Pour les étudiants qui ont droit au financement des études en vue de poursuivre un enseignement en dehors des Pays-Bas, la prestation pour frais de transport consiste dans le montant visé respectivement à l’article 4.8, paragraphe 2, et à l’article 5.3, paragraphe 2. Par dérogation à la première phrase, l’étudiant visé à la première phrase peut obtenir, sur demande, à titre de prestation pour frais de transport, un titre de transport. »

 Le Besluit studiefinanciering 2000

13      Le Besluit studiefinanciering 2000 (arrêté de 2000 sur le financement des études) prévoit, à son article 3 a, paragraphes 1 et 2, ce qui suit :

« 1.      Pour les personnes ayant soit la nationalité d’un État qui est partie à l’accord sur l’Espace économique européen [du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3)], soit la nationalité suisse, ainsi que pour les membres de leur familles, autres que

a.      les travailleurs salariés,

b.      les travailleurs indépendants, ou

c.      les personnes qui ont conservé le statut de travailleur salarié, et

d.      les membres de la famille des personnes visées aux points a à c,

qui n’ont pas acquis le droit de séjour permanent visé à l’article 16 de la [directive 2004/38], l’assimilation sur la base de l’article 2.2, paragraphe 2, de la [WSF 2000] porte sur la prise en charge des frais d’accès à l’enseignement.

2.      La prise en charge sur la base du paragraphe 1 est octroyée sous la forme d’un don et consiste dans le montant de la bourse de base visée à l’article 3.6, paragraphe 1, de la [WSF 2000], pour un participant habitant au domicile familial. La prestation pour frais de transport et le complément visé à l’article 3.6, paragraphes 2 et 3, de la [WSF 2000] n’en font pas partie. »

 La Wet op het hoger onderwijs en wetenschappelijk onderzoek

14      L’article 7.37 de la Wet op het hoger onderwijs en wetenschappelijk onderzoek (loi sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique) met en œuvre l’article 2.1, sous c), de la WSF 2000, qui stipule que l’étudiant doit être inscrit dans une institution d’enseignement agréée. Aux termes de l’article 7.37, paragraphe 2, de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique :

« Il n’est procédé à l’inscription que lorsque la preuve a été apportée du paiement des frais d’inscription et des frais d’examen ou, en cas d’inscription à l’université du soir, des frais d’inscription à cette université. »

 La procédure précontentieuse

15      Au mois de novembre 2008, la Commission a été saisie d’une plainte ayant pour objet l’inégalité de traitement entre les étudiants néerlandais et les étudiants d’autres États membres de l’Union européenne en ce qui concerne l’accès aux transports publics subventionnés aux Pays-Bas. Selon cette plainte, les étudiants néerlandais peuvent prétendre au bénéfice de la prestation pour frais de transport, leur permettant d’emprunter les transports publics gratuitement ou à un tarif réduit, tandis que les étudiants poursuivant des études dans le cadre du programme Erasmus doivent payer le plein tarif, ce qui constituerait une violation de l’article 12 CE.

16      Ce point de vue étant partagé par la Commission, celle-ci a envoyé, le 23 mars 2009, une lettre de mise en demeure au Royaume des Pays-Bas, en l’invitant à lui faire parvenir ses observations dans un délai de deux mois. Dans cette lettre, la Commission a fait valoir que la prestation pour frais de transport doit être qualifiée non pas de bourse d’études ou de prêt, mais d’aide d’entretien, de sorte que cette prestation ne relève pas de la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38. Par ailleurs, la Commission ne s’est pas limitée à reprocher au Royaume des Pays-Bas une inégalité de traitement envers les étudiants poursuivant des études dans le cadre du programme Erasmus, mais a visé l’ensemble des étudiants d’autres États membres qui relèvent du champ d’application de la directive 2004/38 et qui accomplissent une partie ou l’intégralité de leurs études aux Pays‑Bas.

17      Dans une lettre du 15 mai 2009, le Royaume des Pays-Bas a répondu à ces griefs en ce sens qu’il ne saurait être question d’une discrimination, dès lors que la prestation pour frais de transport est octroyée sous la forme d’un prêt conditionnel et relève, dès lors, de la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38.

18      Le 29 janvier 2010, la Commission a envoyé un avis motivé au Royaume des Pays‑Bas, auquel cet État membre a répondu le 28 mai suivant en développant les arguments invoqués dans sa réponse à la lettre de mise en demeure.

19      Le 27 janvier 2012, la Commission a adressé un avis motivé complémentaire au Royaume des Pays-Bas. Le 27 mars 2012, la Commission a reçu la réponse de cet État membre, par laquelle celui‑ci a maintenu sa position selon laquelle la prestation pour frais de transport ne crée pas de discrimination.

20      Demeurant insatisfaite de la réponse fournie par cet État membre, le 12 mai 2014, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Sur la portée du recours

21      À titre liminaire, il convient de préciser la portée du présent recours.

22      À cet égard, il importe de rappeler qu’un recours au titre de l’article 258 TFUE doit être examiné uniquement au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance (arrêt du 22 octobre 2014, Commission/Pays‑Bas, C‑252/13, EU:C:2014:2312, point 28 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, il y a lieu de prendre acte du désistement partiel du présent recours par la Commission. Dans son mémoire en réplique, la Commission déclare renoncer à considérer que les étudiants néerlandais résidant à l’étranger qui s’inscrivent pour un cycle d’études à temps plein auprès d’un établissement d’enseignement agréé aux Pays‑Bas font l’objet d’une discrimination. Lors de l’audience devant la Cour, en réponse à une question posée par celle-ci, la Commission a précisé qu’elle entendait renoncer à son recours également en tant qu’il vise les étudiants néerlandais qui habitent à l’étranger et qui poursuivent des études aux Pays‑Bas dans le cadre du programme Erasmus.

24      Dès lors, le présent recours doit être regardé comme ayant pour objet une prétendue discrimination, pratiquée par le Royaume des Pays-Bas, à l’encontre d’étudiants non néerlandais qui poursuivent des études aux Pays‑Bas, y compris des étudiants qui participent au programme Erasmus et ceux qui poursuivent des études en dehors de ce programme.

 Sur la recevabilité

 Argumentation des parties

25      Le Royaume des Pays‑Bas soutient que le grief avancé par la Commission relatif à une discrimination indirecte ne remplit pas les exigences découlant de la jurisprudence de la Cour selon laquelle, d’une part, la Commission doit présenter les griefs dans la phase précontentieuse ainsi que dans la requête de façon cohérente et précise et, d’autre part, les griefs exposés dans la requête ne peuvent s’écarter de ceux soulevés dans le cadre de la phase précontentieuse.

26      En particulier, le Royaume des Pays‑Bas observe que, au point 44 de sa requête, la Commission affirme qu’il existe une discrimination indirecte à l’égard des étudiants d’origine néerlandaise qui se sont inscrits pour un cycle d’études complet à l’étranger et qui choisissent de poursuivre des études dans le cadre du programme Erasmus au sein d’un établissement d’enseignement agréé aux Pays-Bas. Toutefois, aux points 75, 81 et 82 de la requête, la Commission évoquerait une discrimination indirecte envers les étudiants non néerlandais qui participent à ce programme.

27      Le Royaume des Pays‑Bas explique qu’il ne comprend pas quel groupe d’étudiants serait indirectement discriminé, par rapport à qui, et en quoi consisterait cette discrimination indirecte.

28      Les documents échangés dans le cadre de la phase précontentieuse ne fourniraient pas non plus d’indications à cet égard.

29      En particulier, aux points 31 et 32 de l’avis motivé du 28 janvier 2010, la Commission, sans aborder l’applicabilité de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, reprocherait au Royaume des Pays‑Bas d’exiger que les étudiants provenant d’autres États membres fassent partie des personnes économiquement actives ou soient titulaires, aux Pays-Bas, d’un titre de séjour permanent et, ce faisant, semblerait formuler une nouvelle plainte tirée d’une discrimination indirecte.

30      Par ailleurs, le lien entre, d’une part, la position de la Commission exposée aux points 31 et 32 de l’avis motivé ainsi que, d’autre part, sa position telle que décrite aux points 44 et 75 à 83 de sa requête introductive d’instance ne serait pas clair. Les considérations figurant dans cette requête concerneraient, en particulier, les étudiants poursuivant des études dans le cadre du programme Erasmus, tandis que la position adoptée par la Commission lors de la phase précontentieuse concernant la prétendue discrimination indirecte semblerait plus générale.

31      La Commission fait valoir que le grief relatif à une discrimination indirecte est recevable. Il ressortirait, sans ambiguïté, des points 32 et 33 de l’avis motivé ainsi que des points 52, 54 et 56 de l’avis motivé complémentaire que, au cours de la phase précontentieuse, cette institution n’excluait pas que la réglementation néerlandaise induise non seulement une discrimination directe, mais aussi éventuellement une discrimination indirecte. Les éléments exposés dans la requête à l’égard d’une discrimination indirecte ne seraient donc qu’une précision des éléments que la Commission avait déjà avancés au cours de la phase précontentieuse.

 Appréciation de la Cour

–       Sur le grief tiré d’une discrimination indirecte

32      Il résulte de l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour et de la jurisprudence de celle‑ci relative à cette disposition que toute requête introductive d’instance en matière de recours directs doit indiquer l’objet du litige et contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués au soutien du recours, cette indication devant être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un tel recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2014, Commission/Pays‑Bas, C‑252/13, EU:C:2014:2312, point 33 et jurisprudence citée).

33      La Cour a également jugé que, dans le cadre d’un recours formé en application de l’article 258 TFUE, celui-ci doit présenter les griefs de façon cohérente et précise, afin de permettre à l’État membre et à la Cour d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, condition nécessaire pour que ledit État puisse faire valoir utilement ses moyens de défense et pour que la Cour puisse vérifier l’existence du manquement allégué (arrêt du 22 octobre 2014, Commission/Pays‑Bas, C‑252/13, EU:C:2014:2312, point 34 et jurisprudence citée).

34      Ces griefs doivent être formulés de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur l’un de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2010, Commission/Belgique, C‑132/09, EU:C:2010:562, point 37 et jurisprudence citée).

35      En particulier, le recours de la Commission doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons l’ayant amenée à la conviction que l’État membre intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu des traités (arrêt du 6 septembre 2012, Commission/Belgique, C‑150/11, EU:C:2012:539, point 27 et jurisprudence citée). Partant, une contradiction dans l’exposé du moyen soulevé par la Commission à l’appui de son recours en manquement ne satisfait pas aux exigences posées (voir, en ce sens, arrêts du 1er février 2007, Commission/Royaume-Uni, C‑199/04, EU:C:2007:72, point 25, et du 28 juin 2007, Commission/Espagne, C‑235/04, EU:C:2007:386, point 47).

36      En l’espèce, le Royaume des Pays‑Bas soutient que la requête ne satisfait pas à ces conditions dans la mesure où la Commission y fait référence de manière confuse à l’existence d’une éventuelle discrimination indirecte.

37      Il convient de constater que la présentation du grief relatif à une discrimination indirecte ne répond manifestement pas aux exigences de la jurisprudence rappelée aux points 32 à 35 du présent arrêt.

38      En particulier, il ne ressort pas de manière claire de la requête quelle catégorie d’étudiants serait désavantagée et par rapport à quelle autre catégorie. En effet, dans une partie de sa requête, la Commission soutient qu’une discrimination indirecte résulte de la réglementation nationale en cause concernant les seuls étudiants de nationalité néerlandaise qui poursuivent des études dans le cadre du programme Erasmus aux Pays‑Bas. Toutefois, dans une autre partie de la requête, la Commission semble considérer, au terme d’une formulation quelque peu ambiguë, que les étudiants d’autres États membres qui participent à ce programme aux Pays‑Bas font l’objet d’une discrimination indirecte, dès lors qu’ils sont désavantagés par rapport aux étudiants de nationalité néerlandaise qui poursuivent des études dans un autre État membre et participent audit programme aux Pays‑Bas.

39      Par ailleurs, ainsi que l’a observé Mme l’avocat général au point 70 de ses conclusions, la Commission n’identifie aucunement le critère, autre que celui de la nationalité, qui conduirait à la discrimination indirecte alléguée. Cette institution fait, certes, une référence à la condition selon laquelle, pour pouvoir prétendre au financement néerlandais des études, y compris la prestation pour frais de transport, l’étudiant doit être inscrit dans un établissement d’enseignement agréé et avoir payé les frais d’inscription. Toutefois, dans sa requête, la Commission s’appuie sur ladite condition d’inscription afin de démontrer, d’une part, que les étudiants originaires d’autres États membres qui participent au programme Erasmus aux Pays‑Bas sont dans une situation objectivement comparable à celle des étudiants néerlandais qui font des études dans cet État membre et, d’autre part, que la discrimination alléguée ne relève pas de la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38. En revanche, cette institution ne fait aucune mention de ladite condition d’inscription dans la première partie de sa requête, visant à établir une différence de traitement constitutive d’une discrimination au titre de l’article 18 TFUE, lu en combinaison avec les articles 20 et 21 TFUE.

40      Enfin, comme le soutient à bon droit le Royaume des Pays‑Bas, il convient d’observer que le fondement même du grief soulevé par la Commission tiré d’une discrimination indirecte est déficient dès l’origine. En effet, cette institution fonde son recours sur une violation des articles 18, 20 et 21 TFUE en raison d’une discrimination directe, « dès lors que les citoyens de [l’Union] qui ne possèdent pas la nationalité néerlandaise sont traités de manière moins favorable que les citoyens néerlandais ». Or, ce n’est que dans le cadre de son appréciation de la question de savoir si la prestation pour frais de transport relève de la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 que la Commission développe une argumentation relative à une éventuelle discrimination indirecte, confondant ainsi l’existence d’une éventuelle justification avec le développement d’un grief entièrement distinct.

41      Il convient d’ajouter que, dans son mémoire en réplique, la Commission se borne à constater que, au cours de la phase précontentieuse, elle « n’excluait pas » que la réglementation néerlandaise induise une discrimination indirecte sans, pour autant, préciser en quoi consiste cette discrimination.

42      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le grief relatif à une discrimination indirecte comme étant irrecevable.

–       Sur le grief tiré d’une discrimination directe

43      À titre liminaire, il convient de relever que, bien que le Royaume des Pays‑Bas n’ait pas soulevé de fin de non-recevoir contre le présent grief, la Cour peut examiner d’office si les conditions prévues à l’article 258 TFUE pour l’introduction d’un recours en manquement sont remplies à son égard (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2012, Commission/Italie, C‑68/11, EU:C:2012:815, point 49 et jurisprudence citée).

44      En l’espèce, en réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, la Commission a indiqué que, par son recours, elle entendait viser non seulement les étudiants de la formation professionnelle, mais également ceux, dénommés par elle, comme étant des étudiants de l’enseignement supérieur et de l’enseignement scientifique. Toutefois, cette institution n’a pas été en mesure d’identifier de disposition spécifique du droit national dont découlerait la discrimination alléguée à l’égard des étudiants autres que ceux qui sont considérés, par ce droit, comme relevant de l’enseignement professionnel.

45      De surcroît, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 79 de ses conclusions, si la réglementation nationale en cause dans la présente affaire ne se borne pas à faire référence aux citoyens de l’Union, mais vise également les personnes ayant soit la nationalité d’un État qui est partie à l’Espace économique européen (EEE), soit la nationalité suisse, il ne ressort pas clairement de la requête introductive d’instance que, par son grief tiré d’une discrimination directe, la Commission entendait viser l’ensemble de ces personnes. De surcroît, il ressort de certains points spécifiques de cette requête que la Commission se borne à reprocher au Royaume des Pays‑Bas de pratiquer une discrimination en raison de la nationalité à l’encontre des seuls étudiants citoyens de l’Union.

46      Dans ces conditions, il convient de considérer que le présent recours n’est recevable que dans la mesure où il vise à démontrer que la réglementation néerlandaise en cause dans la présente affaire instaure une discrimination directe à l’encontre des citoyens de l’Union, autres que ceux possédant la nationalité néerlandaise, qui poursuivent des études dans le cadre de l’enseignement professionnel dispensé dans cet État membre, dès lors que cette réglementation traite lesdits citoyens de manière moins favorable que des citoyens néerlandais qui poursuivent de telles études.

 Sur le fond

 Argumentation des parties

47      Dans sa requête, la Commission soutient que la réglementation néerlandaise comporte une discrimination directe en raison de la nationalité.

48      Tout d’abord, la Commission relève qu’il existe une discrimination directe au titre de l’article 18 TFUE, lu en combinaison avec les articles 20 et 21 TFUE, dès lors que les dispositions nationales en cause excluent les étudiants non néerlandais, sur la base du seul et unique critère de leur nationalité, du bénéfice de la prestation pour frais de transport, traitant ainsi de manière moins favorable les citoyens de l’Union qui ne possèdent pas la nationalité néerlandaise. Cette conclusion ne serait aucunement remise en cause par la nécessité de remplir deux autres conditions objectives, à savoir, en premier lieu, l’exigence d’avoir moins de 30 ans et, en second lieu, celle d’être inscrit à plein temps pour une formation agréée.

49      Ensuite, la Commission fait valoir que la discrimination directe reprochée ne relève pas de la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38. À cet égard, l’arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605), et, en particulier, les points 43, 49 à 56, 59 à 62 ainsi que 64 et 65 de celui‑ci, s’appliquerait mutatis mutandis à la présente affaire.

50      De l’avis de la Commission, le fait que, selon la législation néerlandaise, les étudiants participant au programme Erasmus ne soient pas réputés inscrits officiellement dans l’établissement d’enseignement néerlandais d’accueil est sans pertinence. Dans le cadre de ce programme, chaque étudiant serait fondé à attendre de l’université d’accueil qu’elle le traite de la même manière que ses propres étudiants et c’est, d’ailleurs, ce qui se passerait en pratique. Un tel étudiant serait donc inscrit de facto au sein de l’établissement d’accueil aux Pays-Bas et remplirait, ainsi, la troisième condition dont la législation néerlandaise assortit l’octroi de la prestation pour frais de transport.

51      Il serait plus que probable qu’un ressortissant néerlandais, étudiant en dehors des Pays‑Bas et désireux de participer au programme Erasmus, choisira un État membre autre que le Royaume des Pays‑Bas pour accomplir des études dans le cadre de ce programme. Dans les rares cas où un tel étudiant choisirait d’effectuer des études dans le cadre dudit programme aux Pays-Bas, il serait normal que cet État membre ne lui accorde pas la prestation pour frais de transport, étant donné qu’il bénéficie déjà d’une indemnité financière correspondante.

52      Enfin, au titre d’un grief intitulé « Étudiants autres que les étudiants étrangers Erasmus – étudiants étrangers réguliers, y compris les étudiants néerlandais habitant à l’étranger », la Commission soutient que la prestation pour frais de transport est une aide d’entretien, au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, sous une forme autre que celle d’une bourse d’études ou d’un prêt.

53      Le fait que, contrairement à la situation ayant donné lieu à l’arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605), l’étudiant soit tenu de rembourser l’avantage économique découlant de la prestation pour frais de transport s’il n’obtient pas son diplôme dans les dix ans ne signifierait pas que cet avantage relève de la notion de « bourses d’études ou de prêts », prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38. Étant liée à la condition d’obtenir le diplôme dans les dix ans, cette prestation constituerait un don conditionnel, plutôt qu’un prêt.

54      Dans son mémoire en défense, le Royaume des Pays‑Bas conteste le manquement reproché.

55      S’agissant, tout d’abord, de la réglementation néerlandaise relative à la prestation pour frais de transport, le Royaume des Pays‑Bas souligne le fait que cette prestation fait partie du financement néerlandais des études, ainsi que cela ressort de la WSF 2000 et de l’origine de cette prestation.

56      En particulier, l’article 3.6, paragraphe 2, de la WSF 2000 prévoirait que la prestation pour frais de transport fait partie de la bourse de base, laquelle serait un élément du financement des études sur le fondement de l’article 3.1, paragraphe 1, de cette loi. Précédemment, la bourse de base aurait été intégralement composée d’une somme d’argent destinée à couvrir le coût de la vie. Une partie du montant de ladite bourse aurait été convertie en prestation pour frais de transport à partir du 1er janvier 1991. Le Royaume des Pays‑Bas acquerrait les titres de transport faisant l’objet de cette prestation auprès des entreprises de transport, sur la base d’un contrat, ce qui permettrait de les acheter à bas prix et de donner accès à un transport économiquement abordable à tous les étudiants ayant droit au financement des études.

57      Le Royaume des Pays‑Bas relève que la bourse de base et la prestation pour frais de transport sont octroyées sous la forme d’un prêt conditionnel. Lorsque l’étudiant réussit ses études dans un délai de dix ans, le prêt deviendrait un don. Si l’étudiant ne réussit pas ses études dans ce délai, le prêt devrait être remboursé avec des intérêts.

58      Dès lors que la prestation pour frais de transport constituerait un élément de la bourse de base et, de ce fait, du financement des études, les conditions d’obtention de cette prestation seraient les mêmes que celles applicables à l’octroi du financement des études. En particulier, pour pouvoir prétendre au financement néerlandais des études, il faudrait, en vertu de l’article 2.1 de la WSF 2000, remplir les conditions de nationalité, d’âge et de catégorie d’enseignement.

59      Ensuite, en ce qui concerne l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, le Royaume des Pays‑Bas entend se prévaloir de la dérogation prévue à cette disposition à l’égard de tous les étudiants non néerlandais ayant la nationalité d’un État membre de l’Union, de l’EEE ou suisse. S’agissant des étudiants non néerlandais poursuivant des études dans le cadre du programme Erasmus, il s’agirait toutefois d’un moyen de défense présenté à titre subsidiaire. À titre principal, cet État membre soutient que ces derniers étudiants ne sont pas dans une situation objectivement comparable à celle des étudiants néerlandais.

60      Le Royaume des Pays‑Bas observe que la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 répond à l’intérêt légitime de l’État membre concerné de limiter les avantages sociaux payés au moyen des finances publiques à ceux qui peuvent démontrer un lien minimal avec cet État. La différence de traitement instaurée par la réglementation néerlandaise, en ce qu’elle exige des étudiants de l’Union, de l’EEE ou de Suisse, avant de pouvoir bénéficier du financement des études, en ce compris la prestation pour frais de transport, qu’ils aient un droit de séjour durable ou qu’ils soient actifs sur le plan économique, serait entièrement conforme à cette dérogation.

61      Le Royaume des Pays‑Bas considère qu’il n’est pas pertinent de savoir si la prestation pour frais de transport doit être qualifiée de don conditionnel plutôt que de prêt conditionnel, étant donné que cette prestation est, à tout moment, soit un prêt, soit une bourse, et relève, à ce titre, de la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38.

62      Le système néerlandais serait, par nature, différent de la situation qui prévalait dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605). En particulier, dans ladite affaire, la réduction sur les tarifs de transport était octroyée aux étudiants dont les parents percevaient des allocations familiales de l’État autrichien. N’étant pas liée au financement des études, cette réduction ne pouvait pas être qualifiée de bourse d’études ou de prêt d’études.

63      Selon le Royaume des Pays‑Bas, pour être susceptible de relever de la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, une prestation ne doit pas nécessairement être constitutive d’une somme d’argent dont il est possible de disposer tout à fait librement.

64      Enfin, s’agissant des étudiants participant au programme Erasmus, le Royaume des Pays‑Bas rappelle, en s’appuyant sur les points 41 et 42 de l’arrêt du 14 juin 2012, Commission/Pays‑Bas (C‑542/09, EU:C:2012:346), que le caractère comparable des situations doit être fondé sur des éléments objectifs et facilement identifiables. La différence objective entre les étudiants non néerlandais participant au programme Erasmus et les étudiants néerlandais poursuivant des études en dehors de ce programme qui bénéficient de la prestation pour frais de transport consisterait en ce que les premiers ne jouissent pas d’un financement de leurs études par le Royaume des Pays‑Bas en vertu des conventions prévues par ledit programme.

65      Selon le Royaume des Pays‑Bas, le point de vue de la Commission, selon lequel les étudiants poursuivant des études dans le cadre du programme Erasmus sont inscrits de facto aux Pays-Bas et doivent, dès lors, être réputés remplir la troisième condition dont la législation néerlandaise assortit l’octroi de la prestation pour frais de transport, manque de pertinence.

66      Dans son mémoire en réplique, la Commission soutient qu’il découle de l’économie de l’article 3.2, paragraphe 1, de la WSF 2000 que les frais d’entretien et la prestation pour frais de transport constituent des éléments séparés et distincts de la bourse. Les propriétés intrinsèques de ces deux éléments différeraient également, l’une étant un montant que l’étudiant peut utiliser à sa guise et l’autre étant une carte donnant droit à une réduction sur les tarifs de transports publics.

67      La Commission souligne que la notion de « bourses d’études ou de prêts », prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux, mais doit revêtir une portée autonome, propre au droit de l’Union.

68      Il découlerait des points 61 à 64 de l’arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605), que c’est à tort que le Royaume des Pays‑Bas s’appuie sur l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 pour justifier le fait qu’il exige des étudiants ressortissants de l’Union, de l’EEE et suisses qu’ils aient un droit de séjour permanent ou qu’ils soient économiquement actifs. Dans cet arrêt, la Cour aurait jugé que l’existence d’un lien réel entre l’étudiant et l’État membre d’accueil pourrait être vérifié, s’agissant du droit de cet étudiant à pouvoir prétendre à une prestation constituée d’une réduction sur les tarifs de transport, lorsqu’il est établi que ledit étudiant est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle.

69      La Commission fait valoir qu’il découle du point 61 de l’arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605), qu’il existe des circonstances dans lesquelles les étudiants participant au programme Erasmus peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation objectivement comparable à celle des étudiants néerlandais qui reçoivent la prestation pour frais de transport, à savoir lorsqu’il existe un lien réel entre l’étudiant participant à ce programme et l’État membre d’accueil. Un tel lien existerait en l’espèce à l’égard de cette prestation, dès lors que les étudiants non néerlandais qui participent audit programme devraient être considérés comme inscrits de facto aux Pays‑Bas pour l’octroi de cette prestation.

70      Dans son mémoire en duplique, le Royaume des Pays-Bas soutient que la Commission méconnaît le libellé et le sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38. L’existence d’un lien réel entre la personne concernée et l’État membre d’accueil, matérialisé par l’inscription de cette personne dans un établissement d’enseignement, ne constituerait pas une exigence complémentaire ou alternative dans ce cadre. Étant donné que la Cour aurait jugé que l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 n’était pas applicable dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605), les points 61 à 64 dudit arrêt n’indiqueraient rien quant à la portée de cette disposition.

71      Le Royaume des Pays‑Bas fait valoir que la conclusion de la Commission selon laquelle, en raison de leur inscription de fait au sein de l’université d’accueil, les étudiants poursuivant des études dans le cadre du programme Erasmus forment, malgré tout, une catégorie objectivement comparable à celle des étudiants néerlandais qui perçoivent la prestation pour frais de transport repose sur une prémisse erronée. Ce qui importerait serait de savoir si ces catégories se trouvent dans une situation objectivement comparable au regard de la réglementation nationale en cause.

72      Le Royaume des Pays‑Bas souligne que les points 61, 62 et 64 de l’arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605), concernent la justification de la discrimination indirecte constatée dans cet arrêt, alors que la question de savoir si les étudiants poursuivant des études dans le cadre du programme Erasmus se trouvent dans une situation objectivement comparable à celle des étudiants néerlandais qui perçoivent la prestation pour frais de transport concerne l’existence même d’une discrimination. La Commission sortirait ainsi l’exigence d’un lien réel de son contexte.

 Appréciation de la Cour

73      Il convient de relever, à titre liminaire, que l’article 20, paragraphe 1, TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union.

74      Les étudiants provenant des États membres autres que le Royaume des Pays‑Bas et poursuivant leurs études dans ce dernier, en tant qu’ils possèdent la nationalité d’un État membre, bénéficient de ce statut.

75      Ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises, le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, dans le domaine d’application ratione materiae du traité FUE, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C‑184/99, EU:C:2001:458, point 31, et du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, EU:C:2012:605, point 38).

76      L’interdiction de discrimination en raison de la nationalité figurant à l’article 18 TFUE s’applique dans toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du droit de l’Union, ces situations comprenant l’exercice de la liberté fondamentale de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres conférée par l’article 21 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, EU:C:2012:605, point 39 et jurisprudence citée).

77      Il ressort de cette même jurisprudence que cette interdiction couvre également les situations concernant les conditions d’accès à la formation professionnelle, étant entendu que tant l’enseignement supérieur que l’enseignement universitaire constituent une formation professionnelle (arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, EU:C:2012:605, point 40 et jurisprudence citée).

78      Un ressortissant d’un État membre de l’Union qui poursuit ses études dans un autre État membre a, en vertu des articles 18 et 21 TFUE, le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’État membre d’accueil sans subir de discriminations directes ou indirectes en raison de sa nationalité (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, EU:C:2012:605, point 41 et jurisprudence citée).

79      Quant à la question de savoir si la prestation pour frais de transport entre dans le champ d’application des traités, au sens de l’article 18, paragraphe 1, TFUE, il convient d’observer que la Cour a déjà précisé qu’un régime prévoyant des réductions sur les tarifs de transport accordées aux étudiants, en tant qu’il leur permet, directement ou indirectement, de couvrir leurs frais d’entretien, entre dans le champ d’application du traité FUE (arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, EU:C:2012:605, point 43).

80      Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité, consacré de manière générale à l’article 18 TFUE et précisé à l’égard des citoyens de l’Union relevant du champ d’application de la directive 2004/38 à l’article 24 de celle-ci, prohibe, notamment, les discriminations directes, fondées sur la nationalité (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, EU:C:2012:605, point 49 et jurisprudence citée).

81      S’agissant de la directive 2004/38, s’il est vrai que celle-ci a pour but de faciliter et de renforcer l’exercice du droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres conféré directement à chaque citoyen de l’Union, il n’en demeure pas moins que son objet concerne, ainsi qu’il ressort de son article 1er, sous a), les conditions de l’exercice de ce droit (arrêt du 5 mai 2011, McCarthy, C‑434/09, EU:C:2011:277, point 33).

82      En particulier, il convient de rappeler que, pour ce qui concerne l’accès à des prestations, telle que la prestation pour frais de transport, un citoyen de l’Union ne peut réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil en vertu de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38 que si son séjour sur le territoire de cet État respecte les conditions de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2015, Alimanovic, C‑67/14, EU:C:2015:597, point 49 et jurisprudence citée).

83      En l’espèce, la Commission a confirmé, en réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, que son recours visait une discrimination à l’encontre des étudiants qui bénéficient d’un droit de séjour au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de la directive 2004/38. Le Royaume des Pays‑Bas a également soutenu que les étudiants non néerlandais visés par le présent recours bénéficient d’un droit de séjour aux Pays‑Bas au titre de cette disposition.

84      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38 s’applique, en principe, aux étudiants non néerlandais visés par la Commission dans sa requête.

85      Or, avant même de déterminer s’il existe une discrimination directe, au sens de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38, il convient, en l’espèce, d’examiner, au préalable, l’argument du Royaume des Pays‑Bas selon lequel la prestation pour frais de transport relève du champ d’application de la dérogation au principe d’égalité de traitement prévue à l’article 24, paragraphe 2, de cette directive.

86      En tant que dérogation au principe d’égalité de traitement prévu à l’article 18 TFUE et dont l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38 ne constitue qu’une expression spécifique, le paragraphe 2 de cet article 24 doit être interprété de manière stricte (arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, EU:C:2012:605, point 54).

87      Si, ainsi qu’il ressort du point 79 du présent arrêt, la prestation pour frais de transport constitue une aide d’entretien pour les étudiants concernés, seules toutefois les aides d’entretien aux études « sous la forme de bourses d’études ou de prêts » relèvent de la dérogation au principe d’égalité de traitement prévue à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, EU:C:2012:605, point 55).

88      À cet égard, il convient d’observer que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 octobre 2012, Commission/Autriche (C‑75/11, EU:C:2012:605), dans laquelle l’État membre concerné réservait en principe le bénéfice des tarifs de transport réduits aux seuls étudiants dont les parents perçoivent des allocations familiales de cet État, dans la présente affaire, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, l’octroi de la prestation pour frais de transport aux étudiants néerlandais que la Commission estime favorisés par la réglementation nationale en cause, dépend précisément du fait que ces étudiants suivent une formation aux Pays‑Bas et qu’ils ont droit au financement de leurs études conformément à la réglementation néerlandaise.

89      Selon cette réglementation, l’étudiant se voit accorder un titre de transport qui lui permet d’accéder au transport public gratuitement ou à un tarif réduit. Si l’étudiant réussit ses études dans un délai de dix ans, il n’est pas tenu de rembourser une telle prestation. Si l’étudiant ne réussit pas ses études dans ce délai, ladite prestation doit être remboursée. Ainsi, la prestation pour frais de transport, telle qu’elle est prévue par la réglementation néerlandaise, présente les caractéristiques et s’apparente soit à une bourse d’études, soit à un prêt, selon que l’étudiant réussit ou non ses études dans un délai de dix ans.

90      Il s’ensuit qu’une prestation pour frais de transport, telle que celle en cause dans la présente affaire, doit être considérée comme étant octroyée « sous la forme de bourses d’études ou de prêts », au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38.

91      À cet égard, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 97 de ses conclusions, la question de savoir si ladite prestation est une bourse conditionnelle ou un prêt conditionnel est dénuée de toute pertinence, dès lors que l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 s’applique tant aux « bourses d’études » qu’aux « prêts » et que la prestation pour frais de transport relève, dans tous les cas, de l’une ou l’autre de ces notions.

92      De même, est également sans pertinence le fait que, en principe, la prestation pour frais de transport est octroyée sous la forme d’un titre de transport, soit non pas en espèces, mais en nature. En effet, il ne ressort ni du libellé de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 ni du cadre juridique dans lequel cette disposition s’inscrit que les États membres devraient être contraints d’octroyer des aides d’entretien aux études sous la seule forme d’espèces. Au contraire, ainsi que l’a observé Mme l’avocat général au point 93 de ses conclusions, le fait d’octroyer une telle prestation en nature permet à l’État membre concerné, le cas échéant, d’une part, de réduire les frais liés à l’octroi de ladite prestation en négociant les tarifs avec le fournisseur du service et, d’autre part, de s’assurer que l’avantage économique découlant de cette même prestation a été utilisé dans le but qui lui avait été assigné.

93      Enfin, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que suggère la Commission, le Royaume des Pays‑Bas n’est nullement obligé, dans ce contexte, d’octroyer la prestation pour frais de transport du seul fait de l’inscription de l’étudiant dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par cet État membre sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études. Une telle interprétation non seulement méconnaîtrait le libellé même de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, mais viderait également de sa substance la dérogation relative aux aides d’entretien aux études prévue par cette disposition, dès lors qu’elle reviendrait, en réalité, à obliger les États membres à respecter le principe d’égalité de traitement, lors de l’octroi de ces aides, à l’égard de tous les étudiants qui relèvent de l’article 7, paragraphe 1, sous c), de la directive 2004/38.

94      Par conséquent, il convient de constater que la prestation pour frais de transport relève de la notion d’« aides d’entretien aux études [...] sous la forme de bourses d’études ou de prêts », visée à l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 et que le Royaume des Pays‑Bas peut se prévaloir de la dérogation prévue à cet égard pour refuser d’octroyer cette prestation, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, ou les membres de leur famille.

95      Le grief tiré d’une discrimination directe doit donc être écarté comme étant non fondé.

96      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

97      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume des Pays-Bas ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : le néerlandais.