ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

29 avril 2015  (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Exception d’illégalité – Erreur de droit – Proportionnalité – Droit de propriété – Compétence du Conseil – Obligation de motivation – Droits de la défense – Réexamen des mesures restrictives adoptées – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑9/13,

The National Iranian Gas Company, établie à Téhéran (Iran), représentée par Mes E. Glaser et S. Perrotet, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation partielle de l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 58), et, d’autre part, une demande d’annulation de la décision 2012/635, du règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 du Conseil, du 15 octobre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 16), et de la décision communiquée par la lettre du Conseil du 14 mars 2014, pour autant que l’inscription du nom de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), et dans l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), est concernée,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, The National Iranian Gas Company, est une entreprise publique iranienne, filiale de la National Iranian Oil Company (ci-après la « NIOC ») et ayant pour vocation d’assurer les activités de production, de transport, de distribution et de revente de gaz naturel.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

3        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’annexe II de cette décision énumère les personnes et les entités ­– autres que celles désignées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, mentionnées à l’annexe I – dont les fonds sont gelés.

4        Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22). L’article 1er, point 7, de cette décision a introduit la nouvelle disposition de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, prévoyant le gel des fonds des « autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ».

5        Le 23 mars 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1). En vue de mettre en œuvre l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, l’article 23, paragraphe 2, sous d), de ce règlement prévoit le gel des fonds des personnes, des entités et des organismes énumérés à son annexe IX, qui ont été reconnus « comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés ».

6        Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC, modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58).

7        L’article 1er, point 8, de la décision 2012/635 a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, qui vise désormais « d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ».

8        L’article 2 de la décision 2012/635 a inscrit le nom de la requérante sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/413.

9        En conséquence, le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 16). L’article 1er du règlement d’exécution n° 945/2012 a inscrit le nom de la requérante dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

10      Dans la décision 2012/635 et dans le règlement d’exécution n° 945/2012, la motivation suivante a été retenue à l’encontre de la requérante :

« Entité détenue et gérée par l’État qui fournit des ressources financières au gouvernement iranien. Le ministre du pétrole est président du conseil d’administration de la [requérante] et le ministre adjoint du pétrole est le directeur général et le vice-président de la [requérante] ».

11      La décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012 ont été communiqués à la requérante par lettre du 16 octobre 2012, dans laquelle le Conseil a attiré son attention sur la possibilité de présenter des observations et de demander un réexamen.

12      Par lettre du 4 janvier 2013, la requérante a contesté son inscription sur les listes des entités visées par les mesures restrictives et a demandé au Conseil de la réexaminer. Elle a également demandé la communication de l’ensemble du dossier sur la base duquel la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012 avaient été adoptés, y compris les preuves sur lesquelles il s’était fondé, ainsi que l’identité du ou des États membres qui avaient proposé son inscription.

13      Le Conseil a répondu par lettre du 12 mars 2013, à laquelle étaient annexés plusieurs documents. Le Conseil a indiqué qu’il ne détenait pas d’autres documents ou informations concernant la requérante. Il a ajouté que l’identité des États membres ayant proposé d’inscrire la requérante sur les listes était confidentielle et ne pouvait dès lors pas être divulguée, mais que la décision de l’inscrire avait été prise à l’unanimité des membres du Conseil.

14      Par lettre du 14 mars 2014, le Conseil a informé la requérante qu’il a décidé, après réexamen, de maintenir son nom sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et sur celle de l’annexe IX du règlement n° 267/2012. Il a indiqué, à cet égard, que la requérante était gérée et détenue par l’État iranien et qu’elle versait l’intégralité de ses bénéfices au gouvernement iranien.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2013, la requérante a introduit le présent recours.

16      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17      Par lettre du 16 avril 2014, la requérante a adapté ses conclusions à la suite de la lettre du Conseil du 14 mars 2014.

18      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, les parties ont été invitées, par lettre du 10 juillet 2014, à répondre par écrit à certaines questions. Le Conseil et la requérante ont présenté leurs réponses, respectivement, le 31 juillet et le 15 août 2014.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal à l’audience du 12 septembre 2014.

20      Compte tenu des explications fournies dans ses réponses du 15 août 2014, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635, pour autant que cette disposition a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 ;

–        annuler la décision 2012/635, le règlement d’exécution n° 945/2012 et la décision communiquée par la lettre du 14 mars 2014 dans la mesure où ces actes concernent son inscription dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe IX du règlement n° 267/212 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

21      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22      Au soutien de son recours, la requérante invoque six moyens. Le premier moyen est tiré de l’illégalité de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012. Le deuxième moyen est tiré de l’incompétence du Conseil pour adopter la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012 et du défaut de base légale de ce dernier. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense de la requérante, de l’obligation du Conseil de réexaminer les mesures restrictives adoptées et du droit de la requérante à une protection juridictionnelle effective. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une violation du principe de proportionnalité s’agissant de la notion d’appui au gouvernement iranien. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation des faits. Le sixième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité.

23      Le Conseil conteste le bien-fondé des moyens de la requérante. Il soutient, en outre, que le recours est irrecevable.

24      Avant d’aborder la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil et les moyens invoqués par la requérante, il convient d’examiner la compétence du Tribunal pour statuer sur le premier chef de conclusions de la requérante.

 Sur la compétence du Tribunal

25      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635, pour autant que cette disposition a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413.

26      Pour autant qu’il est visé par le premier chef de conclusions de la requérante, l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635 dispose ce qui suit :

« L’article 20 [de la décision 2010/413] est modifié comme suit :

a) le paragraphe 1, [sous] b) et c) sont remplacés par le texte suivant :

[…]

c) d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II.

[…] »

27      À cet égard, il y a lieu de rappeler que tant l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, que l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635 sont des dispositions adoptées sur la base de l’article 29 TUE, qui est une disposition relative à la politique étrangère et de sécurité commune (ci-après la « PESC ») au sens de l’article 275 TFUE. Or, aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal a seulement compétence pour se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, concernant le contrôle de la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, du traité UE. Comme la Cour l’a relevé, en ce qui concerne les actes adoptés sur la base des dispositions relatives à la PESC, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2014, Sina Bank/Conseil, T‑67/12, EU:T:2014:348, point 38 et jurisprudence citée).

28      Les mesures restrictives prévues à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635, sont des mesures de portée générale, puisqu’elles s’appliquent à des situations déterminées objectivement comme se rapportant à un appui au gouvernement iranien et à une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite comme étant « les personnes et entités […] telles qu’énumérées à l’annexe II [de la décision 2010/413] ». Par conséquent, cette disposition ne peut être qualifiée de « décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales », au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE (voir, par analogie, arrêt Sina Bank/Conseil, point 27 supra, EU:T:2014:348, point 39).

29      Cette solution n’est pas modifiée par le fait que le nom de la requérante est repris dans l’annexe II de la décision 2010/413. En effet, la circonstance que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635, a été appliqué à la requérante ne modifie pas sa nature juridique d’acte de portée générale (voir, par analogie, arrêt Sina Bank/Conseil, point 27 supra, EU:T:2014:348, point 39).

30      Les conclusions visant à l’annulation de l’article 1er, point 8, de la décision 2012/635, pour autant qu’il a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, ne répondent donc pas aux règles qui régissent la compétence du Tribunal prévues à l’article 275, second alinéa, TFUE. Partant, il y a lieu de les rejeter comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître (voir, par analogie, arrêt Sina Bank/Conseil, point 27 supra, EU:T:2014:348, point 40).

 Sur la recevabilité

31      Le Conseil conteste la recevabilité du recours en faisant valoir que, en tant qu’entité publique iranienne, la requérante n’a pas qualité pour invoquer une violation de ses droits fondamentaux.

32      Or, il convient de relever que, pour autant que le Tribunal est compétent pour statuer sur le présent recours, ce dernier s’inscrit dans le cadre de l’article 275, second alinéa, TFUE et que la requérante a qualité pour contester, devant le juge de l’Union, son inscription sur la liste figurant dans les actes litigieux, cette inscription la concernant directement et individuellement au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, Rec, EU:C:2013:776, point 50).

33      Dès lors, l’argumentation relative à la possibilité, pour la requérante, d’invoquer les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux ne concerne pas la recevabilité du recours ni même d’un moyen, mais a trait au fond du litige (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, point 32 supra, EU:C:2013:776, point 51).

34      Partant, la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil doit être rejetée comme étant non-fondée. Ce rejet est sans préjudice, au vu du moyen de défense avancé par le Conseil, de la vérification de l’aptitude de la requérante à se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux, effectuée aux points 37 à 42 ci-après.

 Sur le fond

35      À titre liminaire, il convient de vérifier l’aptitude de la requérante à se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux, contestée par le Conseil.

36      Par la suite, au vu de l’articulation de l’argumentation de la requérante, il y a lieu d’examiner ensemble les premier et quatrième moyens, concernant, d’une part, la légalité et, d’autre part, l’interprétation des dispositions prévoyant le critère ayant été mis en œuvre à l’égard de la requérante, étant donné que les deux questions sont étroitement liées. Les autres moyens seront examinés dans l’ordre dans lequel ils ont été présentés au point 22 ci‑dessus.

 Sur l’aptitude de la requérante à se prévaloir des protections et des garanties liées aux droits fondamentaux

37      Selon la jurisprudence, ni la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ni le droit primaire de l’Union ne prévoient de dispositions excluant les personnes morales qui sont des émanations des États du bénéfice de la protection des droits fondamentaux. Au contraire, les dispositions de ladite charte qui sont pertinentes par rapport aux moyens soulevés par la requérante, et notamment ses articles 17, 41 et 47, garantissent les droits de « [t]oute personne », formulation qui inclut des personnes morales telles que la requérante (arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, Rec, EU:T:2013:397, point 65).

38      Le Conseil invoque néanmoins, dans ce contexte, l’article 34 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), qui n’admet pas la recevabilité des requêtes présentées devant la Cour européenne des droits de l’homme par des organisations gouvernementales.

39      Or, d’une part, l’article 34 de la CEDH est une disposition procédurale qui n’est pas applicable aux procédures devant le juge de l’Union. D’autre part, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le but de cette disposition est d’éviter qu’un État partie à la CEDH soit à la fois requérant et défendeur devant ladite Cour (voir, en ce sens, Cour EDH, Compagnie de navigation de la République islamique d’Iran c. Turquie, 13 décembre 2007, Recueil des arrêts et décisions, 2007-V, § 81). Ce raisonnement n’est pas applicable au cas d’espèce (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 37 supra, EU:T:2013:397, point 67).

40      Le Conseil fait également valoir que la règle qu’il invoque est justifiée par le fait qu’un État est garant du respect des droits fondamentaux sur son territoire, mais ne peut pas bénéficier de tels droits.

41      Toutefois, à supposer même que cette justification trouve à s’appliquer en ce qui concerne une situation interne, la circonstance selon laquelle un État est le garant du respect des droits fondamentaux sur son propre territoire est sans pertinence s’agissant de l’étendue des droits dont peuvent bénéficier des personnes morales qui sont des émanations de ce même État sur le territoire des États tiers (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 37 supra, EU:T:2013:397, point 69).

42      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le droit de l’Union ne comporte pas de règle empêchant des personnes morales qui sont des émanations des États tiers d’invoquer à leur profit les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux. Par conséquent, même à supposer que la requérante, en tant qu’entité publique chargée de l’accomplissement de missions d’intérêt général, soit une émanation de l’État iranien, elle peut invoquer ces mêmes droits devant le juge de l’Union, pour autant qu’ils soient compatibles avec sa qualité de personne morale (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 37 supra, EU:T:2013:397, point 70).

 Sur les premier et quatrième moyens, tirés de l’illégalité de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, ainsi que d’une erreur de droit et d’une violation du principe de proportionnalité s’agissant de la notion d’appui au gouvernement iranien

43      La requérante soutient, dans le cadre du premier moyen, que les dispositions sur lesquelles sont fondées les mesures restrictives la visant, à savoir, d’une part, l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par la décision 2012/35 et par la décision 2012/635, et, d’autre part, l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, violent les principes de proportionnalité et de sécurité juridique et le droit de propriété, en ce qu’elles emploient des critères indéterminés, vagues et inintelligibles pour définir les personnes et entités qui peuvent être visées par des mesures restrictives.

44      En effet, premièrement, le critère d’« appui au gouvernement iranien » prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié par la décision 2012/35 et par la décision 2012/635, et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 (ci-après, le « critère litigieux »), serait excessivement vague.

45      Deuxièmement, le même constat s’appliquerait à la notion d’« association » employée aux mêmes dispositions.

46      Troisièmement, la disposition de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 serait inintelligible en ce qui concerne la notion d’appui apporté aux entités autres que le gouvernement iranien.

47      Partant, selon la requérante, l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, sont excessivement vagues, ce qui implique qu’ils sont illégaux et qu’ils doivent donc lui être déclarés inapplicables, en vertu de l’article 277 TFUE.

48      Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante expose que le critère litigieux, à le supposer légal, vise seulement l’hypothèse où un concours spécifique, lié aux activités de prolifération nucléaire, est apporté par la personne ou l’entité en question. Ainsi, ladite notion devrait seulement viser soit un appui direct aux activités de prolifération nucléaire soit un appui au gouvernement dans la mise en œuvre du programme nucléaire iranien.

49      La requérante se réfère, à cet égard, aux objectifs sous-tendant les mesures restrictives en question, qui consistent, selon elle, uniquement à empêcher la prolifération nucléaire, et non pas à affecter des domaines étrangers à ladite prolifération.

50      La requérante en déduit que le Conseil a commis une erreur de droit et violé le principe de proportionnalité en ayant retenu l’interprétation contraire du critère litigieux. Elle précise que cette interprétation confèrerait au Conseil un pouvoir exorbitant et arbitraire qui lui permettrait, notamment, de geler les fonds de toute entité détenue par le gouvernement iranien ou entretenant des liens avec ce dernier.

51      Le Conseil conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

52      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, tel que modifié, en dernier lieu, par la décision 2012/635, prévoit que sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à « d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ». L’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, quant à lui, se réfère aux « autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés ».

53      Quant à la requérante, elle a été identifiée par le Conseil dans la motivation des actes attaqués comme une « [e]ntité détenue et gérée par l’État qui fournit des ressources financières au gouvernement iranien », le Conseil ayant précisé que le ministre du pétrole était président du conseil d’administration de la requérante et que le ministre adjoint du pétrole était son directeur général et vice-président.

54      Cette motivation implique qu’il y a lieu de rejeter d’emblée comme inopérants les arguments de la requérante tirés du caractère prétendument vague de la notion d’« association » et de la prétendue inintelligibilité de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 en ce qui concerne la notion d’appui apporté aux entités autres que le gouvernement iranien (voir points 45 et 46 ci‑dessus). En effet, il ressort clairement de la motivation rappelée au point précédent que, selon le Conseil, la requérante apporte un soutien ou un appui directement au gouvernement iranien, plutôt que d’être « associée » ou d’apporter un appui aux entités autres que ce dernier. Dans ces circonstances, même à supposer que les arguments de la requérante visant la notion d’« association » et l’hypothèse d’un appui apporté aux entités autres que le gouvernement iranien soient fondés, ils ne justifieraient pas l’annulation des actes attaqués pour autant que l’inscription de la requérante est concernée.

55      Par conséquent, il y a uniquement lieu d’examiner les arguments concernant le caractère prétendument vague du critère litigieux et l’interprétation de ce critère qu’il convient de retenir.

56      À cet égard, il y a lieu de relever que les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, Rec, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, point 32 supra, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

57      Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives. Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012 prévoyant le critère litigieux et visées par les premier et quatrième moyens, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles les mesures restrictives sont fondées (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, Rec, EU:T:2009:266, points 44 et 45, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec, EU:T:2009:401, points 35 et 36).

58      Il y a lieu d’admettre que, par sa formulation très large, le critère litigieux confère un pouvoir d’appréciation au Conseil. Toutefois, contrairement aux allégations de la requérante, ce pouvoir est compatible avec les principes de proportionnalité et de sécurité juridique, ainsi qu’avec son droit de propriété, et ne confère pas au Conseil un pouvoir exorbitant ou arbitraire.

59      En effet, premièrement, le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union et qui exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (arrêt du 18 novembre 2008, Förster, C‑158/07, Rec, EU:C:2008:630, point 67), est, certes, applicable en ce qui concerne les mesures restrictives telles que celles en cause en l’espèce qui affectent lourdement les droits et libertés des personnes et entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, National Iranian Oil Company/Conseil, T‑578/12, sous pourvoi, EU:T:2014:678, points 112, 113, 116 et 117).

60      Deuxièmement, le critère litigieux s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives à l’encontre de l’Iran. À cet égard, le considérant 13 de la décision 2012/35, laquelle a inséré ce critère à l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, précise expressément que le gel des fonds doit être appliqué à l’égard des personnes et des entités « qui fournissent un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, en particulier les personnes apportant un soutien financier, logistique ou matériel au gouvernement iranien ». L’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 énonce également que cet appui peut être « matériel, logistique ou financier » (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 118).

61      Le critère litigieux ne vise donc pas toute forme d’appui au gouvernement iranien, mais les formes d’appui qui, par leur importance quantitative ou qualitative, contribuent à la poursuite des activités nucléaires iraniennes. Interprété, sous le contrôle du juge de l’Union, en relation avec l’objectif consistant à faire pression sur le gouvernement iranien afin de le contraindre à mettre fin à ses activités présentant un risque de prolifération nucléaire, le critère litigieux définit ainsi de manière objective une catégorie circonscrite de personnes et d’entités susceptibles de faire l’objet de mesures de gel des fonds (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 119).

62      En effet, à la lumière de la finalité des mesures de gel des fonds, mentionnée au point 61 ci-dessus, il ressort sans ambiguïté du critère litigieux que celui-ci vise de manière ciblée et sélective des activités propres à la personne ou à l’entité concernée et qui, même si elles n’ont en tant que telles aucun lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire, sont cependant susceptibles de la favoriser, en fournissant au gouvernement iranien des ressources ou des facilités d’ordre matériel, financier ou logistique lui permettant de poursuivre les activités de prolifération (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 120).

63      Ce constat implique, par ailleurs, qu’il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante présentée dans le cadre du quatrième moyen, selon laquelle le critère litigieux pourrait seulement viser soit un appui direct aux activités de prolifération nucléaire soit un appui au gouvernement dans la mise en œuvre du programme nucléaire iranien.

64      À cet égard, la requérante effectue une confusion entre le critère litigieux, seul pertinent en l’espèce, et le critère relatif à la fourniture d’« un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires », énoncé à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012, et impliquant un certain degré de rattachement aux activités nucléaires de l’Iran (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 139).

65      En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 60 ci‑dessus, en ce qui concerne le critère litigieux, il ressort expressément du considérant 13 de la décision 2012/35 que les mesures de gel des fonds devraient être appliquées aux personnes et aux entités fournissant un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités de prolifération nucléaire. L’existence d’un lien entre la fourniture d’un appui au gouvernement iranien et la poursuite des activités de prolifération nucléaire est ainsi expressément établie par la réglementation applicable, le critère litigieux visant à priver le gouvernement iranien de ses sources de revenus, en vue de le contraindre à cesser le développement de son programme de prolifération nucléaire, faute de ressources financières suffisantes (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 140).

66      En outre, au considérant 16 de la décision 2012/635, le Conseil a précisé qu’il entendait élargir les catégories de personnes et d’entités susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives, en visant également les entités détenues par l’État iranien opérant dans le secteur du pétrole et du gaz, étant donné qu’elles fournissent une source de revenus substantielle au gouvernement iranien. Il ressort ainsi explicitement de la réglementation applicable que le critère litigieux vise en particulier les entreprises publiques iraniennes du secteur de l’énergie et du gaz, en raison des revenus substantiels qu’elles fournissent au gouvernement iranien, sans exiger pour autant que ces entreprises soient impliquées de manière directe ou indirecte dans le programme nucléaire de l’Iran (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 141).

67      Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le critère litigieux est susceptible de s’appliquer à toute entité apportant un appui, notamment sous forme d’un soutien financier, au gouvernement iranien, et en particulier à de telles entités actives dans le secteur de l’énergie et du gaz. En revanche, il ne vise pas l’ensemble des entités détenues par le gouvernement iranien ou entretenant des liens avec ce dernier, voire l’ensemble des contribuables iraniens.

68      Troisièmement, il convient de rappeler que le pouvoir d’appréciation conféré au Conseil par le critère litigieux est contrebalancé par une obligation de motivation et des droits procéduraux renforcés, garantis par la jurisprudence (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 122 ; voir également, par analogie, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, EU:C:2013:518, point 114).

69      En l’espèce, la requérante conteste, dans le cadre du troisième moyen, que le Conseil ait sauvegardé ces garanties, et le bien‑fondé de son argumentation sur ce point sera examiné par le Tribunal aux points 104 à 147 ci-après.

70      Au vu de ce qui a été exposé aux points 56 à 68 ci‑dessus, il y a lieu de constater que le critère litigieux limite le pouvoir d’appréciation du Conseil, en instaurant des critères objectifs, et garantit le degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 123 ; voir également, par analogie, arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, EU:C:2008:295, point 58).

71      Par conséquent, ledit critère est compatible avec le principe de sécurité juridique et ne saurait être considéré comme arbitraire.

72      Par ailleurs, dans la mesure où l’adoption de mesures de gel des fonds sur la base du critère litigieux est prévue par les dispositions pertinentes de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012, l’atteinte au droit de propriété résultant de l’application de ce critère est conforme à la disposition de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, énonçant que toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par ladite charte doit être prévue par la loi (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 124).

73      En outre, selon la jurisprudence, en vertu du principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, la légalité de l’interdiction d’une activité économique est subordonnée à la condition que les mesures d’interdiction soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 37 supra, EU:T:2013:397, point 179 et jurisprudence citée).

74      En l’espèce, eu égard à l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationale, le Conseil a pu estimer, sans dépasser les limites de son pouvoir d’appréciation, que les atteintes au droit de propriété qui résulteraient de l’application du critère litigieux étaient appropriées et nécessaires, aux fins d’exercer une pression sur le gouvernement iranien afin de le contraindre à cesser ses activités de prolifération nucléaire (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, Rec, EU:C:2012:137, point 61).

75      Par conséquent, le critère litigieux, tel qu’interprété aux points 58 à 67 ci‑dessus, est compatible avec le principe de proportionnalité et ne confère pas au Conseil un pouvoir exorbitant.

76      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant en partie inopérant et en partie non fondé et de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’incompétence du Conseil pour adopter la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012 et du défaut de base légale de ce dernier

77      La requérante soutient que le Conseil était incompétent pour adopter la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012. Elle rappelle, à cet égard, que, en vertu de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, des mesures restrictives peuvent être adoptées par le Conseil sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission.

78      Or, en l’espèce, en premier lieu, la décision 2012/635 aurait été adoptée par le Conseil agissant seul, de sorte que l’exigence posée par l’article 215, paragraphe 2, TFUE n’aurait pas été respectée. Dans ce contexte, l’article 215 TFUE ne prévoirait aucune distinction entre les mesures adoptées dans le cadre de la PESC et d’autres mesures, et serait donc applicable aux décisions adoptées en vertu de l’article 29 TUE, telles que la décision 2012/635.

79      En deuxième lieu, dans la mesure où le règlement d’exécution n° 945/2012 met en œuvre la décision 2012/635, il serait privé de base légale et entaché d’incompétence.

80      En troisième lieu, l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 serait contraire à l’article 215, paragraphe 2, TFUE, en ce qu’il confère au Conseil, agissant seul, la compétence pour modifier l’annexe IX qui contient la liste des personnes, des entités et des organismes devant faire l’objet de mesures restrictives. Par conséquent, l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 devrait être déclaré inapplicable à la requérante, conformément à l’article 277 TFUE, ce qui implique, selon elle, que le règlement d’exécution n° 945/2012, adopté sur son fondement, est privé de base légale et entaché d’incompétence également pour cette raison.

81      Le Conseil conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

–       Sur les modalités d’adoption de la décision 2012/635

82      Quant à la décision 2012/635, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, qu’elle n’est pas fondée sur l’article 215 TFUE, mais uniquement sur l’article 29 TUE, qui figure dans le chapitre 2 du titre V du traité UE consacré à la PESC et qui autorise le Conseil à agir seul pour adopter les décisions qui y sont visées.

83      À cet égard, selon l’article 215, paragraphe 2, TFUE, « [l]orsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne, le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la procédure visée au paragraphe 1, des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques ».

84      Ainsi, l’adoption préalable d’une décision conformément au chapitre 2 du titre V du traité UE – telle que, en l’espèce, la décision 2012/635, adoptée en vertu de l’article 29 TUE – constitue une condition nécessaire pour que le Conseil puisse adopter des mesures restrictives en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 215, paragraphe 2, TFUE. Toutefois, ce constat n’implique pas que l’adoption d’une décision telle que la décision 2012/635 serait soumise aux exigences procédurales posées par l’article 215, paragraphe 2, TFUE, plutôt qu’aux exigences posées par l’article 29 TUE lui-même.

85      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier argument de la requérante, le Conseil étant compétent, en vertu de l’article 29 TUE, pour adopter seul la décision 2012/635.

86      Par voie de conséquence, il y a également lieu de rejeter le deuxième argument de la requérante, qui est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle le Conseil n’était pas compétent pour adopter la décision 2012/635.

–       Sur la compatibilité de l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 avec l’article 215 TFUE

87      Le Conseil soutient que l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, qui l’autorise à modifier l’annexe IX du même règlement contenant la liste des personnes, des entités et des organismes devant faire l’objet de mesures restrictives, a été adopté en vertu de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, selon lequel « [l]orsque des conditions uniformes d’exécution des actes juridiquement contraignants de l’Union sont nécessaires, ces actes confèrent des compétences d’exécution à la Commission ou, dans des cas spécifiques dûment justifiés et dans les cas prévus aux articles 24 [TUE] et 26 [TUE], au Conseil ».

88      À cet égard, il y a lieu d’observer, à titre liminaire, que ni l’article 215 TFUE ni aucune autre disposition du droit primaire ne s’opposent à ce qu’un règlement adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE confère des compétences d’exécution à la Commission ou au Conseil dans les conditions définies à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, lorsque des conditions uniformes d’exécution de certaines mesures restrictives prévues par ce règlement sont nécessaires. En particulier, il ne ressort pas de l’article 215 TFUE que les mesures restrictives individuelles doivent être adoptées selon la procédure prévue à l’article 215, paragraphe 1, TFUE. Partant, en l’absence de toute indication limitant la possibilité de conférer des compétences d’exécution, l’application des dispositions de l’article 291, paragraphe 2, TFUE ne saurait être écartée en matière de mesures restrictives fondées sur l’article 215 TFUE (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 54).

89      En outre, la procédure prévue par l’article 215, paragraphe 1, TFUE, dans laquelle le Conseil statue sur proposition conjointe du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de la Commission, peut s’avérer inadaptée aux fins de l’adoption de simples mesures d’exécution. En revanche, l’article 291, paragraphe 2, TFUE permet de prévoir une procédure d’exécution plus efficace, adaptée au type de mesure à exécuter et à la capacité d’action de chaque institution. Ainsi les considérations ayant conduit les auteurs du traité FUE à autoriser, à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, l’attribution de compétences d’exécution valent tant en ce qui concerne la mise en œuvre des actes fondés sur l’article 215 TFUE qu’en ce qui concerne la mise en œuvre d’autres actes juridiquement contraignants (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 55).

90      Par conséquent, il y a lieu de considérer que le Conseil était en droit de prévoir des compétences d’exécution, conformément aux dispositions de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, pour l’adoption des mesures individuelles de gel des fonds mettant en œuvre l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 56).

91      Cela étant, il convient encore de vérifier si le Conseil a respecté les conditions posées à l’article 291, paragraphe 2, TFUE lorsqu’il s’est réservé, plutôt qu’à la Commission, les compétences d’exécution en question.

92      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les règlements, tels que le règlement n° 267/2012, prévoyant des mesures restrictives sur la base de l’article 215 TFUE, visent à mettre en œuvre dans le champ d’application du traité FUE des décisions adoptées au titre de l’article 29 TUE, dans le cadre de la PESC. Par conséquent, le règlement n° 267/2012 s’inscrit dans la poursuite des objectifs et la mise en œuvre des actions de l’Union dans le domaine de la PESC (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 60).

93      En particulier, en raison de leur finalité, de leur nature et de leur objet, des mesures restrictives adoptées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, qui ont pour objectif d’exercer une pression sur la République islamique d’Iran afin de faire cesser la prolifération nucléaire, se rattachent plus étroitement à la mise en œuvre de la PESC qu’à l’exercice des compétences conférées à l’Union par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, points 66 et 67).

94      Or, dans le cadre du traité UE, il ressort de la combinaison de l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de l’article 29 TUE et de l’article 31, paragraphe 1, TUE que le Conseil a, en règle générale, vocation à exercer le pouvoir décisionnel dans le domaine de la PESC, en statuant à l’unanimité (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Parlement/Conseil, C‑130/10, Rec, EU:C:2012:472, point 47).

95      En particulier, c’est le Conseil, agissant seul, qui décide de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité dans l’annexe II de la décision 2010/413. Or, c’est justement cette inscription qui est mise en œuvre, dans le champ d’application du traité FUE, par l’adoption d’une mesure de gel des fonds au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012.

96      Dans ces circonstances, compte tenu de la particularité des mesures adoptées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, de la nécessité d’assurer la cohérence entre la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et celle figurant à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, ainsi que du fait que la Commission n’a pas accès aux données des services de renseignement des États membres qui peuvent s’avérer nécessaires pour la mise en œuvre desdites mesures, le Conseil a pu estimer à bon droit que l’exécution de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, relatif au gel des fonds, constituait un cas spécifique au sens de l’article 291, paragraphe 2, TFUE, et qu’il était, partant, en droit de se réserver la compétence de l’exécuter, à l’article 46, paragraphe 2, dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, points 68 à 73).

97      S’agissant de la question de savoir si l’existence d’un cas spécifique a été dûment justifiée, il convient d’observer que le Conseil n’a pas expressément déclaré, dans le règlement n° 267/2012, qu’il se réservait la compétence d’exécution pour les raisons résumées au point 96 ci‑dessus. Toutefois, il n’en demeure pas moins que la justification de la réserve d’exécution effectuée en faveur du Conseil, à l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, ressort d’une lecture combinée des considérants et des dispositions dudit règlement, dans le contexte de l’articulation des dispositions pertinentes du traité UE et du traité FUE en matière de gel des fonds (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 77).

98      En effet, premièrement, le Conseil s’est explicitement référé, au considérant 28 du règlement n° 267/2012, à l’exercice de sa compétence en matière de « désignation des personnes soumises aux mesures de gel [des fonds] » ainsi qu’à sa propre intervention dans le cadre de la procédure de révision des décisions d’inscription en fonction des observations ou des nouveaux éléments de preuve reçus de la part des personnes concernées (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 78).

99      Deuxièmement, les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, lues conjointement avec le considérant 14 du même règlement, permettent de comprendre que la mise en œuvre des mesures de gel des fonds à l’égard de personnes ou d’entités relève davantage du domaine d’action du Conseil dans le cadre de la PESC, plutôt que des mesures de nature économique adoptées normalement dans le domaine du traité FUE (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, points 79 et 80).

100    Troisièmement, le parallélisme entre les mesures restrictives adoptées en vertu de la décision 2010/413 et celles adoptées en vertu du règlement n° 267/2012 est explicité par les considérants 11 et suivants de ce dernier, dont il ressort que ledit règlement met en œuvre les modifications de la décision 2010/413 introduites par la décision 2012/35. De même, la nécessité d’assurer la cohérence entre la liste contenue à l’annexe II de la décision 2010/413 et celle contenue à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 ressort de la lecture des considérants des règlements d’exécution modifiant ladite annexe IX, et notamment du considérant 2 du règlement d’exécution n° 945/2012, qui se réfère explicitement à la décision 2012/635 (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 81).

101    Dans ces conditions, les raisons spécifiques ayant motivé l’attribution de compétences d’exécution au Conseil à l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 ressortaient de manière suffisamment compréhensible des dispositions pertinentes et du contexte de ce règlement (arrêt National Iranian Oil Company/Conseil, point 59 supra, sous pourvoi, EU:T:2014:678, point 82).

102    Partant, il y a lieu de conclure que les exigences posées à l’article 291, paragraphe 2, TFUE, pour que des compétences d’exécution puissent être accordées au Conseil, ont été remplies en ce qui concerne l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, ce qui implique qu’aucune violation de l’article 215 TFUE ne saurait être reprochée au Conseil.

103    Au vu de ce constat, il convient de rejeter le troisième argument de la requérante et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense de la requérante, y compris son droit d’accès au dossier, de l’obligation du Conseil de réexaminer les mesures restrictives adoptées et du droit de la requérante à une protection juridictionnelle effective

104    La requérante soutient que, en adoptant les actes attaqués, le Conseil a violé l’obligation de motivation, ses droits de la défense, y compris son droit d’accès au dossier, l’obligation de réexaminer les mesures restrictives adoptées et son droit à une protection juridictionnelle effective.

–       Sur l’obligation de motivation

105    Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, Rec, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

106    La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Conseil/Bamba, point 105 supra, EU:C:2012:718, point 50 et jurisprudence citée).

107    Dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (voir arrêt Conseil/Bamba, point 105 supra, EU:C:2012:718, point 51 et jurisprudence citée).

108    Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel des fonds doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt Conseil/Bamba, point 105 supra, EU:C:2012:718, point 52 et jurisprudence citée).

109    Cependant, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Conseil/Bamba, point 105 supra, EU:C:2012:718, point 53 et jurisprudence citée).

110    En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Conseil/Bamba, point 105 supra, EU:C:2012:718, point 54 et jurisprudence citée).

111    En l’espèce, la requérante fait valoir que la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012 ne sont pas motivés à suffisance de droit pour autant que son inscription est concernée.

112    En effet, selon la requérante, le Conseil n’a pas précisé les modalités, la nature ou l’étendue du soutien financier qu’elle a prétendument apporté au gouvernement iranien. En particulier, il n’aurait pas identifié les opérations financières spécifiques qui pourraient justifier les mesures prises à son encontre. Il n’aurait pas non plus spécifié en quoi le fait que le ministre du pétrole est président de son conseil d’administration et le ministre adjoint du pétrole, son directeur général et vice-président, constitue un motif pertinent pour adopter des mesures restrictives. Cette insuffisance de motivation ne saurait être palliée par l’affirmation a posteriori du Conseil, présentée dans le mémoire en défense, selon laquelle l’adoption des mesures de gel des fonds à son encontre est justifiée par sa qualité d’entreprise publique.

113    Le Conseil conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

114    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la requérante a été identifiée comme une « [e]ntité détenue et gérée par l’État qui fournit des ressources financières au gouvernement iranien », le Conseil ayant précisé que le ministre du pétrole était président de son conseil d’administration et que le ministre adjoint du pétrole était son directeur général et vice-président.

115    Premièrement, il est, certes, vrai que la motivation la concernant ne contient pas de précisions sur les modalités et l’étendue du soutien prétendument apporté au gouvernement iranien, la seule précision indiquée par le Conseil étant que ce soutien prend la forme de la fourniture de ressources financières.

116    Cela étant, malgré la brièveté de la motivation fournie, la requérante a été en mesure de comprendre l’essentiel des faits retenus à son égard par le Conseil et de se défendre de façon adéquate.

117    En effet, dans le cadre du quatrième moyen présenté dans la requête, la requérante s’est référée explicitement à l’hypothèse d’une « personne physique ou morale autre qu’un État » qui finance, « par ses impôts ou éventuellement s’agissant d’entreprises publiques, les dividendes servis à l’actionnaire, un budget dans lequel les sommes versées se confondent dans la masse des recettes et ne sont, par définition, pas affectées à la couverture d’une charge particulière, en particulier l’activité étatique réputée illicite », pour soutenir que, dans une telle hypothèse, la notion d’appui au gouvernement iranien n’était pas applicable.

118    Ainsi, la requérante a été en mesure d’identifier, dans les motifs de son inscription, que le Conseil s’est fondé sur le fait que, en tant qu’entité détenue et gérée par le gouvernement iranien, elle apportait un soutien financier à ce dernier par le transfert de ses ressources financières. Elle a également été en mesure de contester la pertinence et la réalité de cet élément ainsi que la circonstance selon laquelle elle était détenue et gérée par l’État.

119    De même, la motivation retenue par le Conseil permet au Tribunal d’exercer le contrôle de légalité des actes attaqués.

120    Dans ces circonstances, la motivation fournie dans la décision 2012/635 et dans le règlement d’exécution n° 945/2012, quoique particulièrement brève, est suffisante.

121    Deuxièmement, ce constat implique que les précisions fournies par le Conseil dans son mémoire en défense ni ne constituent une motivation a posteriori qui ne pourrait être prise en considération par le Tribunal ni ne démontrent l’insuffisance de la motivation fournie. En effet, ces précisions se bornent à expliciter et à préciser l’élément essentiel retenu par le Conseil et identifié par la requérante dans la motivation de la décision 2012/635 et du règlement d’exécution n° 945/2012.

122    Troisièmement, les précisions quant à la composition du conseil d’administration de la requérante tendent à illustrer le fait qu’elle est détenue et gérée par l’État iranien, et se rattachent, partant, à la considération centrale selon laquelle elle apporte, en sa qualité d’entreprise publique, un soutien financier au gouvernement iranien. Dans ces circonstances, c’est à tort que la requérante prétend que le Conseil n’a pas exposé la pertinence de ce motif dans le contexte de l’adoption des mesures restrictives la visant.

123    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

–       Sur l’accès au dossier

124    La requérante soutient qu’elle n’a obtenu l’accès au dossier qu’après l’expiration du délai qui lui a été imparti pour demander le réexamen des mesures la visant. Une telle communication tardive ne serait pas compatible avec le principe du respect des droits de la défense.

125    Le Conseil conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

126    Selon la jurisprudence, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 37 supra, EU:T:2013:397, point 84 et jurisprudence citée).

127    En l’espèce, la requérante a demandé l’accès au dossier le 4 janvier 2013, c’est-à-dire quatre jours avant l’introduction de son recours, intervenue le 8 janvier 2013. Le Conseil a répondu à la demande le 12 mars 2013.

128    Dans ces circonstances, d’abord, il ne saurait être reproché au Conseil de ne pas avoir répondu à la demande d’accès au dossier avant le dépôt du recours, l’intervalle de quatre jours (dont samedi et dimanche) séparant la demande et le dépôt du recours étant trop court.

129    Ensuite, ni la lettre du 16 octobre 2012 par laquelle le Conseil a communiqué à la requérante la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012, ni ces actes eux-mêmes, ni, contrairement à ce qu’a allégué la requérante lors de l’audience, l’avis à l’attention de la personne à laquelle s’appliquent les mesures restrictives prévues dans la décision 2010/413, mise en œuvre par la décision 2012/635, et dans le règlement n° 267/2012, mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 945/2012 (JO C 312, p. 21) ne prévoient de délai pour la présentation des observations des entités visées par les mesures restrictives. Dans ces circonstances, l’argument selon lequel la requérante n’a obtenu l’accès au dossier qu’après l’expiration d’un tel délai manque manifestement en fait.

130    Enfin, en l’absence d’arguments concrets de la requérante, le délai de réponse du Conseil, qui est d’un peu plus de deux mois, ne saurait être considéré en soi comme déraisonnable.

131    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une violation du droit d’accès au dossier.

–       Sur l’obligation de réexamen annuel des mesures restrictives adoptées

132    Dans son adaptation des conclusions du 16 avril 2014, la requérante fait valoir que le Conseil a manqué à son obligation de réexamen annuel des mesures restrictives adoptées, dès lors qu’il lui a communiqué le maintien desdites mesures seulement le 14 mars 2014.

133    En vertu de l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413, « [l]es mesures visées à l’article 19, paragraphe 1, [sous] b) et c), et à l’article 20, paragraphe 1, [sous] b) et c), sont réexaminées à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois ».

134    De même, selon l’article 46, paragraphe 6, du règlement n° 267/2012, « [l]a liste figurant à l’annexe IX est examinée à intervalles réguliers, et au moins tous les douze mois ».

135    Ainsi, le Conseil était effectivement tenu de revoir les mesures restrictives visant la requérante dans un délai de douze mois à partir de l’adoption de la décision 2012/635 et du règlement d’exécution n° 945/2012.

136    À cet égard, le Conseil prétend, cependant, que, au vu de l’évolution des négociations avec l’Iran concernant la prolifération nucléaire, il n’était pas opportun de prendre des décisions individuelles relatives au maintien des mesures restrictives visant des entités telles que la requérante. En effet, selon lui, il convenait d’attendre la fin de ces négociations pour savoir dans quelle mesure l’Union allait réagir à la nouvelle situation internationale.

137    Cet argument ne saurait être retenu. En effet, l’obligation de réexamen annuel, telle qu’elle ressort des dispositions rappelées aux points 133 et 134 ci‑dessus, ne dépend aucunement de l’évolution des relations avec l’Iran ou des négociations concernant la prolifération nucléaire.

138    Dans ces circonstances, il convient de conclure que le Conseil n’a pas procédé au réexamen des mesures restrictives visant la requérante dans le délai fixé par la décision 2010/413 et par le règlement n° 267/2012.

139    Cela étant, il y a lieu d’examiner si cette violation de l’obligation de réexaminer les mesures restrictives adoptées justifie l’annulation des actes attaqués.

140    À cet égard, il convient de relever que l’objectif de l’obligation en question est d’assurer une vérification régulière que les mesures restrictives adoptées demeurent justifiées.

141    Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que, au moment où le présent grief a été soulevé par la requérante, dans son adaptation des conclusions du 16 avril 2014, le Conseil avait d’ores et déjà procédé à la vérification en question, et avait communiqué son résultat à la requérante par lettre du 14 mars 2014.

142    Dans ces circonstances, l’objectif des dispositions prévoyant le réexamen périodique des mesures restrictives a été respecté, quoique de manière tardive, et la violation du délai de réexamen par le Conseil ne produit donc plus d’effets néfastes sur la situation de la requérante.

143    Partant, sans préjudice du droit de la requérante de demander l’indemnisation du préjudice qu’elle aurait, le cas échéant, subi du fait du non‑respect du délai de réexamen, en vertu de l’article 340 TFUE, elle ne saurait se prévaloir du retard en question pour obtenir l’annulation des mesures restrictives la visant, adoptées ou maintenues par les actes attaqués.

144    Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur les autres violations alléguées

145    La requérante fait valoir que le défaut de motivation de la décision 2012/635 et du règlement d’exécution n° 945/2012 implique une violation de ses droits de la défense, en ce compris le droit d’obtenir le réexamen des mesures restrictives adoptées, et de son droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, compte tenu du caractère vague de la motivation fournie, il serait exigé de sa part, pour assurer sa défense, non pas de réfuter des éléments de droit et de fait circonstanciés invoqués par le Conseil, mais d’apporter la preuve négative de ce qu’elle n’a pas apporté un appui au gouvernement iranien ou au programme nucléaire iranien.

146    Or, ainsi qu’il ressort des points 105 à 123 ci‑dessus, la décision 2012/635 et le règlement d’exécution n° 945/2012 sont motivés à suffisance de droit, ce qui implique que le présent grief repose sur une prémisse erronée.

147    Partant, il y a lieu de le rejeter, ainsi que le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation des faits

148    Ainsi qu’il a été rappelé au point 56 ci‑dessus, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 56 supra, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, point 56 supra, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

149    Au rang de ces droits fondamentaux figure, notamment, le droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 56 supra, EU:C:2013:775, point 59 et jurisprudence citée).

150    L’effectivité du contrôle juridictionnel, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 56 supra, EU:C:2013:775, point 64 et jurisprudence citée).

151    Dans ce contexte, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir arrêt Conseil/Fulmen et Mahmoudian, point 56 supra, EU:C:2013:775, point 66 et jurisprudence citée).

152    En l’espèce, il convient donc de vérifier si c’est à bon droit que le Conseil a considéré, lors de l’adoption des actes attaqués, que la requérante pouvait être visée par des mesures restrictives en tant qu’entité apportant un appui d’ordre financier au gouvernement iranien.

153    En premier lieu, la requérante réitère que le critère d’appui au gouvernement iranien vise seulement l’hypothèse où un concours spécifique, lié aux activités de prolifération nucléaire, est fourni par l’entité concernée. Or, elle n’apporterait pas un tel concours, étant donné que ses activités consistent à assurer la production, le transport, la distribution et la revente de gaz, et ne sont en rien liées au programme nucléaire.

154    À cet égard, il suffit de renvoyer aux points 56 à 76 ci‑dessus, dont il ressort que le critère d’appui au gouvernement iranien est susceptible de s’appliquer également aux entités qui ne sont pas impliquées elles-mêmes dans la prolifération nucléaire.

155    En second lieu, la requérante prétend que, contrairement à ce qu’indique la motivation des actes attaqués, elle ne transfère pas de ressources financières au gouvernement iranien.

156    Elle précise, d’abord, qu’en tant que filiale de la NIOC, elle n’est pas détenue et gérée directement par l’État iranien et ne reverse pas à ce dernier l’intégralité de ses bénéfices. Elle ajoute, dans ce contexte, que le ministre du pétrole n’est pas membre de son conseil d’administration.

157    Ensuite, son objectif ne serait pas de générer des bénéfices, mais d’assurer un service public en fournissant du gaz naturel sur le territoire de l’Iran. Par conséquent, son activité consisterait uniquement en l’achat de gaz naturel à la NIOC, propriétaire des champs gaziers iraniens, et sa revente. Or, 85% du gaz concerné seraient vendus en Iran à des taux réglementés et moins de 15% seraient exportés, ce qui aurait pour conséquence qu’elle ne serait pas une société rentable pour l’État.

158    Enfin, la requérante expose, extraits de sa comptabilité à l’appui, qu’elle a dégagé des pertes pendant les exercices comptables se terminant en mars 2012 et en mars 2013 (années 1390 et 1391 du calendrier iranien, respectivement) et que les profits des exercices se terminant en mars 2010 et en mars 2011 (années 1388 et 1389 du calendrier iranien, respectivement) n’ont pas donné lieu à une distribution de dividendes.

159    À titre liminaire, il y a lieu d’observer que les circonstances relatives à la détention et à la gestion de la requérante, à la composition de son conseil d’administration et à ses objectifs, exposées aux points 156 et 157 ci‑dessus, n’impliquent pas, en elles-mêmes, que la requérante ne transfère pas de ressources financières au gouvernement iranien.

160    S’agissant de l’existence de tels transferts, il ressort des extraits de comptabilité fournis par la requérante que, effectivement, elle a généré des pertes pendant les exercices se terminant en mars 2012 et en mars 2013 et qu’elle n’a pas distribué de dividendes pour les exercices se terminant en mars 2010 et en mars 2011.

161    Cela étant, le compte de pertes et profits de la requérante pour les exercices se terminant en mars 2010 et en mars 2011 inclut, dans la partie concernant la répartition des profits, le poste « Paragraphe 17 de la loi sur le budget pour l’année [iranienne] 1389 », qui indique que les montants de 290 604 millions de rials et 35 905 millions de rials ont été distribués respectivement à ce titre.

162    Interrogée sur ce point lors de l’audience, la requérante a expliqué que le paragraphe 17 de la loi sur le budget pour l’année iranienne 1389 prévoit l’obligation pour toutes les sociétés publiques iraniennes de verser au moins 40 % de leurs profits annuels sur un compte de la trésorerie nationale iranienne, en sus de l’impôt sur le revenu.

163    Ainsi, il ressort des extraits de la comptabilité de la requérante et des renseignements qu’elle a fournis lors de l’audience qu’elle a effectivement versé à la trésorerie nationale iranienne, qui est subordonnée au ministère des finances iranien, une partie de ses bénéfices pour les exercices se terminant en mars 2010 et en mars 2011, en dehors du paiement de l’impôt sur le revenu ou d’un autre impôt applicable à l’ensemble des contribuables iraniens.

164    Or, de tels versements, d’un montant considérable, constituent un soutien financier au gouvernement iranien. Par conséquent, le Conseil était en droit de viser la requérante par des mesures restrictives en tant qu’entité ayant apporté un appui audit gouvernement.

165    La requérante soutient encore, à cet égard, que, contrairement à ce qui est exigé par la jurisprudence citée au point 151 ci‑dessus, le Conseil n’a pas apporté de preuves étayant ses allégations.

166    Or, il ressort de l’examen mené aux points 153 à 164 ci‑dessus que la requérante ne conteste pas effectivement la réalité de la circonstance factuelle essentielle justifiant les mesures restrictives la visant, à savoir le fait qu’elle a versé à la trésorerie nationale iranienne une partie de ses bénéfices pour les exercices se terminant en mars 2010 et en mars 2011. Or, en l’absence d’une telle contestation, le Conseil n’était pas tenu d’apporter des éléments de preuve pour étayer le bien‑fondé de cette circonstance, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 151 ci‑dessus.

167    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

168    La requérante fait valoir que l’adoption des mesures restrictives la visant constitue une atteinte injustifiée à son droit de propriété et à sa liberté d’exercer une activité économique et, partant, une violation du principe de proportionnalité.

169    Ainsi, d’abord, selon la jurisprudence, la violation de ses droits procéduraux dénoncée dans le cadre du troisième moyen impliquerait une violation de son droit de propriété et du principe de proportionnalité.

170    Ensuite, dans la mesure où elle ne serait pas impliquée dans la prolifération nucléaire, les mesures restrictives la visant ne correspondraient pas à l’objectif général visé par les actes attaqués, à savoir la lutte contre ladite prolifération.

171    Enfin, les mesures en question causeraient un préjudice particulièrement grave à elle-même et à ses salariés, en disproportion avec le but poursuivi par le Conseil. La requérante ajoute, dans ce contexte, que, contrairement à ce que prétend le Conseil, les mesures restrictives en question affectent, au-delà des fonds détenus au sein de l’Union, également les fonds détenus en Iran, en ce qu’elles l’empêchent de procéder à tout transfert de fonds de l’Iran vers l’Union et ont un effet dissuasif à l’égard des opérateurs iraniens susceptibles de contracter avec elle.

172    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort des points 104 à 147 ci‑dessus, les actes attaqués ne sont pas entachés de violation des droits procéduraux de la requérante justifiant leur annulation. Partant, la thèse défendue par la requérante, selon laquelle la violation de ses droits procéduraux entraînerait une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité, ne saurait prospérer.

173    S’agissant des autres griefs, il a déjà été rappelé au point 73 ci‑dessus qu’en vertu du principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, la légalité de l’interdiction d’une activité économique est subordonnée à la condition que les mesures d’interdiction soient appropriées et nécessaires à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 37 supra, EU:T:2013:397, point 179 et jurisprudence citée).

174    Or, d’une part, ainsi qu’il ressort des points 43 à 76 ci-dessus, l’adoption des mesures restrictives à l’encontre des entités apportant un soutien financier au gouvernement iranien vise à priver ce dernier de ses sources de revenus, en vue de le contraindre à cesser la prolifération nucléaire, faute de ressources financières suffisantes. Ainsi, les mesures restrictives visant la requérante correspondent à l’objectif poursuivi par le Conseil, nonobstant le fait que la requérante n’est pas elle-même impliquée dans la prolifération nucléaire.

175    D’autre part, en ce qui concerne le préjudice causé à la requérante, il est, certes vrai, que son droit de propriété et sa liberté d’exercer une activité économique sont restreints dans une mesure considérable par les mesures restrictives en question, dès lors qu’elle ne peut pas, notamment, disposer de ses fonds situés sur le territoire de l’Union ou détenus par ses ressortissants ni transférer ses fonds vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières. De même, les mesures restrictives visant la requérante peuvent susciter une certaine méfiance à son encontre auprès de ses partenaires commerciaux.

176    Toutefois, il ressort de la jurisprudence que les droits fondamentaux invoqués par la requérante, à savoir le droit de propriété et le droit d’exercer une activité économique, ne sont pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles, causant ainsi des préjudices à des parties dont la responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des mesures en cause n’a pas été établie. L’importance des objectifs poursuivis par la réglementation litigieuse est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, arrêt Melli Bank/Conseil, point 57 supra, EU:T:2009:266, point 111 et jurisprudence citée).

177    En l’espèce, étant donné l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationale, les inconvénients causés à la requérante ne sont pas démesurés par rapport aux buts visés. Tel est d’autant plus le cas que, d’abord, le gel des fonds ne concerne qu’une partie des actifs de la requérante. Ensuite, la décision 2010/413 et le règlement n° 267/2012 prévoient certaines exceptions permettant notamment aux entités visées par des mesures de gel des fonds de faire face aux dépenses essentielles. Enfin, il convient de remarquer que le Conseil n’allègue pas que la requérante est impliquée elle-même dans la prolifération nucléaire. Elle n’est donc pas associée personnellement à des comportements présentant un risque pour la paix et pour la sécurité internationale, le degré de méfiance suscité à son égard étant, de ce fait, moindre.

178    Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le sixième moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

179    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      The National Iranian Gas Company est condamnée aux dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2015.

Signatures


* Langue de procédure : le français