DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

14 octobre 2008 (*)

« Fonction publique – Concours général – Échec à l’épreuve orale – Non-inscription sur la liste de réserve – Obligation de motivation – Respect du secret des travaux du jury – Refus de l’institution de déférer à une mesure d’organisation de la procédure »

Dans l’affaire F‑74/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 236 CE et 152 EA,

Stefan Meierhofer, demeurant à Munich (Allemagne), représenté par Me H.-G. Schiessl, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes B. Eggers et K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras (rapporteur) et S. Gervasoni, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 avril 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 3 juillet 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 5 juillet suivant), M. Meierhofer demande en substance, d’une part, l’annulation de la décision du 10 mai 2007 du jury du concours EPSO/AD/26/05, organisé par l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO), l’informant de son échec à l’épreuve orale dudit concours, ainsi que de la décision du 19 juin 2007 ne faisant pas droit à sa demande de réexamen introduite contre la décision du 10 mai 2007, et d’autre part, une nouvelle évaluation de cette épreuve et son inscription sur la liste de réserve.

 Cadre juridique

 Droit communautaire général et cadre statutaire

2        L’article 253 CE dispose :

« Les règlements, les directives et les décisions adoptés conjointement par le Parlement européen et le Conseil [de l’Union européenne] ainsi que lesdits actes adoptés par le Conseil ou la Commission [des Communautés européennes] sont motivés et visent les propositions ou avis obligatoirement recueillis en exécution du présent traité. »

3        L’article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») est rédigé comme suit :

« Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

4        L’article 6 de l’annexe III du statut se lit comme suit :

« Les travaux du jury sont secrets. »

 Avis de concours

5        Le 20 juillet 2005, l’EPSO a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général « EPSO/AD/26/05 : droit » (JO C 178 A, p. 3).

6        D’une part, dans son titre « A. Nature des fonctions, conditions d’admission (profil requis) », cet avis de concours prévoit, au point « I. Nature des fonctions », l’« [a]ccomplissement de tâches d’analyse, de conception, d’étude et de contrôle concernant l’activité de l’Union européenne » ; quant à la section relative au droit, elle est rédigée comme suit :

« EPSO/AD/26/05 : droit

–        [c]onception, analyse et élaboration des projets d’actes juridiques de droit communautaire,

–        conseil juridique,

–        recherches en droit national, en droit communautaire et en droit international,

–        participation à des négociations relatives à des accords internationaux,

–        analyse et préparation de projets de décisions, par exemple dans le domaine du droit de la concurrence,

–        examen et suivi des droits nationaux afin d’en vérifier la conformité avec le droit communautaire,

–        instruction de dossiers précontentieux (infractions au droit communautaire, plaintes, etc.),

–        diverses fonctions dans le domaine du contentieux ; élaboration des prises de position des institutions dans le cadre d’affaires contentieuses, principalement devant la Cour de justice des Communautés européennes ou le Tribunal de première instance des Communautés européennes ; fonctions juridiques au sein des greffes de la Cour de justice et du Tribunal de première instance,

–        travaux de conception, de préparation et d’application dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. »

7        D’autre part, dans son titre « B. Déroulement du concours », cet avis de concours contient les règles suivantes concernant l’épreuve orale et l’inscription sur la liste de réserve :

« 3. Épreuve orale – Notation

e)      Entretien avec le jury, dans la langue principale du candidat, permettant d’apprécier son aptitude à exercer les fonctions mentionnées au titre A, point I. Cet entretien porte notamment sur les connaissances spécifiques liées au domaine et sur les connaissances de l’Union européenne, ses institutions et ses politiques. Les connaissances de la deuxième langue seront également examinées. Cet entretien vise aussi à évaluer la capacité d’adaptation des candidats au travail, au sein de la fonction publique européenne, dans un environnement multiculturel.

Épreuve notée de 0 à 50 points (minimum requis : 25 points).

[…]

5. Inscription sur les listes de réserve

Le jury établit les listes de réserve, par concours, par groupe de mérite (maximum quatre groupes) et par ordre alphabétique à l’intérieur des groupes de mérite, des candidats […] (titre A, nombre de lauréats) ayant obtenu les meilleures notes pour l’ensemble des épreuves écrite d) et orale e) ainsi que le minimum requis à chacune de ces épreuves.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

8        Le requérant, de nationalité allemande, a participé au concours EPSO/AD/26/05. Après avoir réussi les tests de présélection ainsi que les épreuves écrites, il a participé à l’épreuve orale, le 29 mars 2007.

9        Par lettre du 10 mai 2007, le président du jury du concours EPSO/AD/26/05 a informé le requérant qu’il avait obtenu 24,5 points à l’épreuve orale, n’atteignant pas ainsi le seuil minimum requis de 25/50, et qu’il ne pouvait figurer sur la liste de réserve.

10      Le requérant a, par lettre du 11 mai 2007, introduit une demande de réexamen de la décision du 10 mai 2007, susmentionnée, considérant, par référence au compte-rendu qu’il avait lui-même rédigé à la suite de l’épreuve orale, lequel compte-rendu est annexé à la requête, qu’il avait répondu correctement à au moins 80 % des questions au cours de cette épreuve. Le requérant a ainsi requis une vérification de la notation de son épreuve orale, ainsi que, à titre subsidiaire, une explication sur les notes qu’il avait obtenues à chacune des questions posées lors de cette épreuve.

11      Par courrier du 19 juin 2007, le président du jury du concours EPSO/AD/26/05 a informé le requérant que, après réexamen de sa candidature, le jury n’avait pas trouvé de raison de modifier ses résultats. Dans ce courrier, il a également été précisé au requérant, d’une part, que, s’agissant de ses connaissances spécifiques, le nombre de réponses insatisfaisantes avait excédé le nombre de réponses satisfaisantes, d’autre part, que l’épreuve orale s’était déroulée selon les critères spécifiés dans l’avis du concours et que, compte tenu du secret des travaux du jury imposé par l’article 6 de l’annexe III du statut, il n’était possible de fournir aux candidats ni la grille de notation (« marking grid ») ni la ventilation de leurs notes obtenues à l’épreuve orale (« breakdown of their marks for the oral test »).

 Conclusions des parties et procédure

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 10 mai 2007 du jury du concours EPSO/AD/26/05 ;

–        annuler la décision du 19 juin 2007 du jury du concours EPSO/AD/26/05 ne faisant pas droit à sa demande de réexamen introduite le 11 mai 2007 ;

–        enjoindre à la Commission de procéder à une nouvelle évaluation de l’épreuve orale passée le 29 mars 2007, en tenant compte des critères d’examen en vigueur ;

–        enjoindre à la Commission de prendre une nouvelle décision concernant l’inscription du requérant sur la liste de réserve de la procédure communautaire de sélection de personnel EPSO/AD/26/05, en tenant compte du nouveau résultat de l’épreuve ;

–        enjoindre à la Commission de motiver les décisions à prendre en vertu des troisième et quatrième tirets ci-dessus ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner chaque partie à ses propres dépens.

14      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, décidées en application de l’article 55 du règlement de procédure, le Tribunal a invité la Commission, dans le rapport préparatoire d’audience envoyé aux parties le 7 février 2008, à déposer, avant l’audience :

a)      la grille de notation et la ventilation des notes de l’épreuve orale (« the marking grid » et « the breakdown of [the] marks for the oral test ») du requérant, auxquelles fait référence la décision du 19 juin 2007 ne faisant pas droit à sa demande de réexamen,

b)      tout autre élément relatif à l’appréciation de la qualité de la prestation du requérant lors de l’épreuve orale,

c)      une liste de notation non nominative des autres candidats ayant reçu une note éliminatoire lors de l’épreuve orale,

d)      les calculs ayant conduit au résultat précis de 24,5/50 pour la notation du requérant lors de l’épreuve orale.

15      Dans ce même rapport préparatoire d’audience, et après invitation des parties à consacrer une partie substantielle de leurs plaidoiries au moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, il était indiqué, d’une part, que l’objectif des mesures demandées était « de donner un effet pleinement utile aux débats relatifs à ce moyen (ainsi qu’au moyen tiré de la violation manifeste des critères d’examen en vigueur, moyen lié en substance à celui de la motivation) », d’autre part, que la communication au requérant des éléments repris sous a) à d) dudit rapport préparatoire se ferait dans la mesure où une telle communication serait conciliable avec le principe du secret des travaux du jury et/ou après omission, le cas échéant, de certaines indications dont la divulgation heurterait ledit principe.

16      En réponse à ces mesures d’organisation de la procédure, par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 18 février 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 19 février suivant), la Commission a transmis au Tribunal, tel que requis dans le rapport préparatoire d’audience, sous c), un tableau non nominatif des notes éliminatoires des candidats n’ayant pas réussi l’épreuve orale. Cependant, la Commission a refusé de déférer aux mesures d’organisation indiquées dans ledit rapport, sous a), b) et d), en faisant valoir en substance que, en l’absence de preuve d’une violation des règles présidant aux travaux du jury, le seul moyen tiré de l’obligation de motivation ne justifiait pas, eu égard au secret des travaux du jury, la production des autres éléments et documents demandés par le Tribunal. La Commission a, par ailleurs, fait remarquer qu’elle n’était pas tenue de produire de tels éléments et documents, que le Tribunal procède par le biais de mesures d’organisation de la procédure, comme en l’espèce, ou même par le biais de mesures d’instruction.

17      Le requérant a déposé au greffe du Tribunal, en date du 20 mars 2008, des observations, datées du 17 mars 2008, sur les mesures d’organisation de la procédure adressées à la Commission, et notamment sur le refus de celle-ci de déférer à toutes les demandes du Tribunal.

18      En date du 19 mai 2008, la Commission a déposé au greffe du Tribunal des observations de réponse sur le mémoire précité du requérant.

 Sur l’objet du recours

19      Il y a lieu de constater que le requérant demande, notamment, l’annulation de la décision, du 10 mai 2007, l’informant de son échec à l’épreuve orale du concours, ainsi que l’annulation de la décision, du 19 juin 2007, ne faisant pas droit à sa demande de réexamen. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’un candidat à un concours sollicite le réexamen d’une décision prise par un jury, c’est la décision prise par ce dernier après réexamen de la situation du candidat qui constitue l’acte lui faisant grief (ordonnance du Tribunal de première instance du 3 avril 2001, Zaur-Gora et Dubigh/Commission, T‑95/00 et T‑96/00, RecFP p. I‑A‑79 et II‑379, points 24 à 27 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 janvier 2002, Gonçalves/Parlement, T‑386/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑55, point 39 ; du 31 mai 2005, Gibault/Commission, T‑294/03, RecFP p. I‑A‑141 et II‑635, point 22 ; du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, RecFP p. II‑A‑2‑1695, point 19, et du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, non encore publié au Recueil, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant la Cour, affaire C‑231/08 P, point 30). Dès lors, la décision du 19 juin 2007, adoptée à la suite de la demande de réexamen introduite par le requérant le 11 mai 2007, s’est substituée à la décision initiale du jury du 10 mai 2007 et constitue donc l’acte faisant grief.

20      Il y a lieu, en conséquence, de considérer que le recours est dirigé contre la seule décision du 19 juin 2007 du jury du concours EPSO/AD/26/05.

 En droit

 Arguments des parties

21      À l’appui de son recours, le requérant invoque trois moyens.

22      D’abord, la Commission aurait failli à son obligation de motiver la décision du 10 mai 2007 (voir point 9 du présent arrêt), telle que cette obligation est prévue à l’article 253 CE, le « devoir de réserve », visé à l’article 6 de l’annexe III du statut, ne valant qu’à l’égard des tiers, et non vis-à-vis du candidat lui-même. Selon la Commission, concernant l’accès d’un candidat aux travaux du jury, il est de jurisprudence constante que l’article 6 de l’annexe III du statut contient une disposition spéciale interdisant de divulguer les attitudes du jury et les éléments ayant trait à des appréciations personnelles ou comparatives concernant les candidats ; ainsi, en communiquant au requérant sa note obtenue à l’épreuve orale, la Commission aurait rempli son obligation de motivation.

23      Ensuite, le requérant fait état d’un vice de procédure relatif au fait que le président du jury, M. Singer, en n’ayant pas eu recours aux écouteurs permettant de suivre la traduction simultanée en français de l’épreuve orale, n’aurait pas compris les réponses données en allemand par le requérant. La Commission considère que ce moyen n’est pas fondé, en ce que, outre le fait que M. Singer maîtrise parfaitement l’allemand et que les membres du jury ne sont pas tenus de se servir de l’interprétation simultanée, il apparaît, d’abord, que le requérant n’a subi aucune inégalité de traitement, M. Singer n’ayant utilisé l’interprétation simultanée pour aucun des 94 autres candidats de l’épreuve orale ayant répondu en allemand, ensuite, que, en tout état de cause, cela ne peut être considéré comme une irrégularité de procédure.

24      Enfin, le requérant fait valoir que, au regard de la multitude des réponses complètes et indiscutablement exactes qu’il aurait données lors de l’épreuve orale, une notation des prestations inférieure à 50 % constitue une violation manifeste des règles déterminantes pour le travail du jury du concours et des critères d’examen en vigueur et ne peut résulter que d’une telle violation. La Commission relève qu’il n’existe pas d’erreur d’appréciation manifeste dans la mesure où un jury de concours dispose d’un large pouvoir d’appréciation, lequel se trouve encore élargi lors des épreuves orales d’un concours, le jury pouvant tenir compte des réponses des candidats, mais aussi de leur expérience et de leur personnalité.

25      En réponse aux mesures d’organisation de la procédure demandées par le Tribunal dans le rapport préparatoire d’audience, en date du 7 février 2008, la Commission, pour justifier son refus de communication de certains éléments demandés par le Tribunal (voir point 16 du présent arrêt), soutient, en particulier, que le requérant n’a pas démontré la violation des règles qui présidaient aux travaux du jury et que la décision de celui-ci est en conséquence, selon une jurisprudence constante, exclue du contrôle judiciaire. La Commission reconnaît que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal de première instance du 23 janvier 2003, Angioli/Commission (T‑53/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑73), elle a fourni à l’intéressée une « ventilation des notes qu’elle avait obtenues à l’épreuve orale », mais fait valoir qu’il s’agissait d’une « exception absolue » et que, conformément à la jurisprudence constante relative au secret des travaux des jurys, une prétendue violation de l’obligation de motivation ne justifie pas en l’espèce la production des « fiches d’évaluation » du requérant, fiches qui contiennent à la fois une grille de notation, les différents points attribués durant l’épreuve orale et l’appréciation des membres du jury. Elle conclut que, en l’absence de tout indice de nature à mettre en cause la validité de l’acte contesté, ce dernier bénéficie de la présomption de validité qui s’attache aux actes communautaires et qu’il n’appartient pas au Tribunal de solliciter les informations demandées.

26      Dans ses observations sur le refus de la Commission de communiquer certains éléments demandés dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le requérant a réaffirmé, en s’appuyant sur l’article 27 du statut, qu’il existait une violation manifeste des règles pertinentes pour le travail du jury du concours, dans la mesure, notamment, où le jury n’aurait pas apprécié objectivement ses prestations effectives lors de l’épreuve orale et n’aurait pas motivé sa décision ; cette violation manifeste desdites règles étant démontrée en l’espèce, le requérant devrait exceptionnellement bénéficier d’un allègement de la charge de la preuve, en raison de l’impossibilité involontaire, pour lui, de produire celle-ci. De plus, le requérant fait grief à la Commission, au regard de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Angioli/Commission, précité, de violer le principe d’égalité de traitement.

27      En réponse aux observations exposées au point précédent, la Commission fait valoir que, en vertu de la jurisprudence, le contrôle ultérieur d’une épreuve orale par le juge communautaire est, par nature, impossible et qu’il suffit, dès lors, pour satisfaire à l’obligation de motivation, de communiquer seulement une note globale. Elle insiste, ensuite, sur l’absence d’une violation manifeste des règles présidant aux travaux du jury, au regard, premièrement, de l’appréciation correcte par les membres du jury des prestations du requérant lors de son examen, deuxièmement, du respect de l’obligation de motivation, troisièmement, du respect du principe d’égalité de traitement ; elle ajoute, par ailleurs, que le requérant n’est pas parvenu à produire des preuves suffisantes d’une violation manifeste de telles règles.

 Appréciation du Tribunal

28      Il convient de rappeler à titre liminaire que, à l’appui de son recours, le requérant invoque trois moyens, tirés d’une violation de l’obligation de motivation, de l’existence d’un vice de procédure et de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. La Commission ayant, dans son mémoire en défense, développé certaines considérations relatives au principe d’égalité de traitement, le requérant a, dans son mémoire complémentaire du 17 mars 2008, avancé des arguments tenant à une prétendue violation dudit principe, arguments auxquels la Commission a répondu dans ses observations du 19 mai 2008. Dès lors que de tels griefs n’ont pas été soulevés par le requérant dans sa requête, le Tribunal ne peut que constater qu’ils sont irrecevables et qu’il n’y a pas lieu de les examiner.

29      Parmi les trois moyens soulevés par le requérant dans sa requête, il convient d’examiner, en premier lieu, celui tiré de la violation de l’obligation de motivation.

30      À cet égard, il convient de constater d’emblée qu’il résulte de l’article 253 CE et de l’article 25, deuxième alinéa, du statut que toute décision individuelle prise en application du statut et faisant grief doit être motivée. Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue tant un principe essentiel du droit communautaire qu’une formalité substantielle des actes des institutions et a pour objet, d’une part, de permettre au juge d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision et, d’autre part, de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et lui permettre d’apprécier l’opportunité de l’introduction d’un recours (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 mars 2002, Italie/Commission, C-310/99, Rec. p. I‑2289, point 48, et du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑113/00, Rec. p. I‑7601, point 47 ; arrêts du Tribunal de première instance du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 73 ; du 8 juin 1995, P/Commission, T‑583/93, RecFP p. I‑A‑137 et II‑433, point 24 , et du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T-280/94, RecFP p. I‑A‑77 et II‑239, point 148).

31      En ce qui concerne cependant les décisions prises par un jury de concours, la Cour a précisé que l’obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut, secret institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration communautaire elle-même, des candidats intéressés ou de tiers ; il a été en particulier jugé que le respect de ce secret s’oppose à la divulgation tant des attitudes prises par les membres individuels des jurys que de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats et que l’exigence de motivation des décisions d’un jury de concours doit tenir compte de la nature des travaux en cause, lesquels, au stade de l’examen des aptitudes des candidats, sont avant tout de nature comparative et, de ce fait, couverts par le secret inhérent à ces travaux (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423, points 24 à 28).

32      Sur la base de ces considérations, le juge communautaire conclut de façon constante que « la communication des notes obtenues aux différentes épreuves » constitue une motivation suffisante des décisions du jury (arrêt Parlement/Innamorati, précité, point 31 ; arrêts du Tribunal de première instance du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T‑153/95, RecFP p. I‑A‑233 et II‑663, point 81 ; du 2 mai 2001, Giulietti e.a./Commission, T‑167/99 et T‑174/99, RecFP p. I‑A‑93 et II‑441, point 81 ; Angioli/Commission, précité, point 69, et Gibault/Commission, précité, point 39).

33      Cette conclusion vaut tout particulièrement dans les cas où la notation de la phase écrite ou de la phase orale du concours consiste en plusieurs notes individuelles, correspondant aux différentes épreuves de la phase concernée ; il en va de même en cas de communication à l’intéressé des notes intermédiaires, correspondant aux différents critères d’évaluation de chacune des épreuves écrites ou orales. Dans de tels cas, en effet, la communication aux candidats éliminés des notes individuelles ou intermédiaires n’emporte pas seulement information de leur élimination pour l’étape suivante de la procédure de sélection, mais également information concernant les raisons de leur échec, en leur fournissant les indications sur les matières ou les critères pour lesquels le jury n’a pas jugé leur prestation satisfaisante.

34      La jurisprudence mentionnée aux points 31 et 32 du présent arrêt ne fait pas, au moins directement, de distinction entre la communication de plusieurs notes, individuelles ou intermédiaires, et la communication d’une seule note individuelle éliminatoire. Il ne peut en résulter pour autant que la communication au candidat d’une seule note individuelle éliminatoire constitue toujours une motivation suffisante, indépendamment des circonstances particulières de l’affaire concernée.

35      En effet, d’une part, rien dans la formulation ou dans le contexte de la jurisprudence exposée aux points 31 et 32 du présent arrêt ne permet d’interpréter la référence aux « notes obtenues aux différentes épreuves » comme visant uniquement les notes individuelles éliminatoires par opposition aux autres notes existantes, y compris les notes intermédiaires, notamment, en ce qui concerne ces dernières, dans les cas où la phase écrite ou – comme en l’espèce – la phase orale ne comporte qu’une seule épreuve et, partant, une seule note individuelle. Le Tribunal relève à cet égard les termes généraux utilisés par la jurisprudence en question, ainsi que la circonstance que, dans l’arrêt Parlement/Innamorati, précité, arrêt qui est à l’origine de la jurisprudence citée au point 32, le grief relatif à l’obligation de motivation n’avait pas trait au refus de l’institution défenderesse de fournir au requérant plusieurs notes, individuelles ou intermédiaires, mais au refus de faire connaître au requérant les critères du jury et les motifs de la décision alors contestée (voir arrêt Parlement/Innamorati, précité, point 22) ; il en est également ainsi des arrêts qui concernaient, comme dans le cas d’espèce, l’élimination des requérants lors de la phase orale, comme par exemple les arrêts Angioli/Commission (précité, points 56 à 65), et Gibault/Commission (précité, points 33 à 35).

36      En outre, dans une récente affaire concernant – comme en l’espèce – l’échec d’une candidate à la phase orale d’un concours, il a été jugé que l’obligation de motivation peut impliquer la communication, sur demande d’un candidat, des notes intermédiaires et de la méthode suivie par le jury pour déterminer la note individuelle à l’une des épreuves orales et que si cette motivation n’est pas fournie sur demande d’un candidat écarté, il appartient au juge communautaire de demander des précisions par le biais de mesures d’organisation de la procédure (arrêt du Tribunal de première instance du 28 avril 2004, Pascall/Conseil, T‑277/02, RecFP p. I‑A‑137 et II‑621) ; dans cette affaire, de telles mesures ont d’ailleurs été demandées par le Tribunal de première instance et la partie défenderesse y a déféré, à la suite de quoi le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation est devenu sans objet (voir arrêt Pascall/Conseil, précité, points 28 à 31).

37      Le Tribunal observe par ailleurs que la Commission elle-même a déjà accepté de communiquer à des candidats des notes intermédiaires, notamment dans deux affaires concernant l’échec de candidates à la phase orale, laquelle comportait une seule épreuve orale. Dans la première affaire, concernant un concours, la Commission a transmis à l’intéressée, sur sa demande, la ventilation des différentes notes intermédiaires de l’épreuve orale, critère par critère (voir arrêt Angioli/Commission, précité, point 79). Dans la seconde affaire, concernant une procédure de recrutement, la Commission a transmis, sur demande du Tribunal de première instance, les appréciations de l’épreuve orale de sélection, critère par critère, représentées par une échelle allant de « -- » à « ++ » (voir arrêt de la Cour du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, non encore publié au Recueil, point 56). Ainsi, contrairement à ce qu’a affirmé la Commission en se référant à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Angioli/Commission, précité, dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, la communication d’informations supplémentaires et, notamment, des notes obtenues pour chacun des critères d’évaluation n’a pas été une « exception absolue, dans un seul cas particulier », mais est intervenue à diverses reprises, en raison des circonstances de l’espèce.

38      D’autre part, s’agissant des demandes portant sur des éléments d’information autres que des notes en tant que telles, à savoir sur les critères ou les motifs d’une note éliminatoire ou sur d’autres renseignements relatifs à la notation du candidat concerné, force est de constater que, en dépit de l’affirmation suivant laquelle la communication des notes individuelles satisfait à l’obligation de motivation, il résulte du texte même des arrêts reprenant cette affirmation (voir point 32 du présent arrêt), y compris l’arrêt Parlement/Innamorati, précité, et notamment des arrêts portant sur la phase orale, comme par exemple les arrêts Angioli/Commission (précité, points 71 à 85), et Gibault/Commission (précité, point 42), que le juge communautaire ne se limite pas à une application automatique de la jurisprudence susmentionnée, mais examine chaque cas d’espèce en tenant compte du contexte particulier de l’affaire et des demandes des candidats concernés.

39      Les considérations exposées aux points 35 à 37 ainsi qu’au point précédent se trouvent renforcées par la jurisprudence existant en matière d’échec à la phase écrite d’un concours, en vertu de laquelle le candidat reçoit en pratique une explication assez complète de son échec, en obtenant non seulement les différentes notes individuelles, mais également la motivation de la note individuelle éliminatoire qui a entraîné son exclusion de la suite du concours, ainsi que d’autres éléments. En effet, le juge communautaire a décidé que « des candidats non retenus p[euv]ent, le cas échéant, obtenir de la part de l’institution organisatrice du concours en cause leurs copies corrigées et/ou les critères généraux de notation établis par le jury, et ce, comme en l’espèce, par le biais d’une communication délibérée de pièces au cours d’une procédure juridictionnelle opposant cette institution et lesdits candidats ou en vertu d’une pratique adoptée par cette institution ayant pour objet d’assurer une transparence des procédures de recrutement tout en respectant la règle du secret des travaux du jury de concours, inscrite à l’article 6 de l’annexe III du statut » (voir arrêts du Tribunal de première instance du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861, point 70, et du 17 septembre 2003, Alexandratos et Panagiotou/Conseil, T‑233/02, RecFP p. I‑A‑201 et II‑989, point 31). Il apparaît d’ailleurs que, à diverses reprises, les institutions ont communiqué soit directement à un requérant, soit à la juridiction communautaire sur sa demande, la copie écrite corrigée et/ou une fiche d’évaluation comportant une appréciation de la copie (voir arrêt du Tribunal de première instance du 14 juillet 2005, Le Voci/Conseil, T‑371/03, RecFP p. I‑A‑209 et II‑957, points 115 à 117 ; arrêts du Tribunal du 13 décembre 2007, Van Neyghem/Commission, F‑73/06, non encore publié au Recueil, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑105/08 P, points 72, 79 et 80, ainsi que du 4 septembre 2008, Dragoman/Commission, F‑147/06, non encore publié au Recueil, points 21, 82 et 83). Même s’il est vrai que les correcteurs des épreuves écrites peuvent ne pas être connus des intéressés (et sont, ainsi, à l’abri des ingérences et pressions auxquelles se réfère la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt), contrairement aux membres du jury siégeant lors de la phase orale, le Tribunal considère que cette circonstance ne justifie pas objectivement l’existence de différences importantes entre les exigences de motivation en cas d’échec lors de la phase écrite, telles que ces exigences ressortent de la jurisprudence exposée au présent point, et celles défendues par la Commission en cas d’échec à l’épreuve orale, qui, notamment en l’espèce, consisteraient à ne donner au requérant que sa note individuelle éliminatoire, ce malgré les circonstances décrites aux points 42 à 47 du présent arrêt.

40      En conséquence, il y a lieu d’admettre que, quand bien même l’issue de la conciliation entre l’obligation de motivation et le respect du principe du secret des travaux du jury, en particulier sur le point de savoir si la communication d’une seule note individuelle éliminatoire au candidat éliminé lors de la phase orale satisfait à ladite obligation, penche le plus souvent en faveur du principe du secret des travaux du jury, il peut en être autrement en présence de circonstances particulières. Une telle conclusion ne s’oppose nullement au principe du respect du secret des travaux du jury prévu à l’article 6 de l’annexe III du statut et s’insère d’ailleurs dans l’évolution récente de la jurisprudence communautaire en faveur de la transparence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, Rec. p. I‑11389, et du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C-39/05 P et C-52/05 P, non encore publié au Recueil ; arrêt du Tribunal de première instance du 8 novembre 2007, Bavarian Lager/Commission, T‑194/04, Rec. p. II-4523, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant la Cour, affaire C‑28/08 P).

41      En l’espèce, le Tribunal considère être devant des circonstances particulières au sens du point précédent.

42      Premièrement, à la lecture de la décision du 10 mai 2007 (voir point 9 du présent arrêt), il est constant que le requérant a échoué de peu à la phase orale. Dans ces conditions, il est raisonnable que l’intéressé demande un complément d’information, ne fût-ce que pour s’assurer que sa note ne résulte pas d’une erreur ou pour être informé d’un arrondissement éventuel apporté à celle-ci.

43      Deuxièmement, il est également constant que le requérant n’a reçu qu’une seule note individuelle pour la phase orale, ce qui, par opposition aux hypothèses visées au point 33 du présent arrêt, ne lui permet pas d’obtenir les indications, exposées audit point, dont il a besoin pour comprendre les raisons de son échec à cette phase du concours, d’autant que, comme il vient d’être rappelé, il a échoué de peu.

44      Troisièmement, il est tout aussi constant qu’il existait en l’espèce des notes intermédiaires ayant servi pour le calcul de la note individuelle éliminatoire du requérant. Ceci est clairement indiqué dans la réponse à sa demande de réexamen et a été confirmé par la représentante de la Commission lors de l’audience.

45      En quatrième lieu, si la représentante de la Commission a soutenu, lors de l’audience, que tous les critères d’évaluation prévus dans l’avis du concours EPSO/AD/26/05 avaient effectivement fait l’objet d’une notation et avaient été pris en compte pour calculer les notes individuelles des candidats, il convient de relever, d’une part, que, selon sa propre déclaration, elle n’avait pas vu elle-même les fiches d’évaluation (voir point 25 du présent arrêt) et ne faisait que transmettre au Tribunal l’information qu’elle détenait de l’EPSO, d’autre part et surtout, que, interrogée sur ce point par le Tribunal, elle a admis ne pas savoir si tous ces critères d’évaluation avaient la même pondération ni s’il n’avait pas été tenu compte d’autres éléments, non prévus par l’avis dudit concours. En particulier, interrogée à plusieurs reprises sur la question de savoir si la note de 24,5/50 était le résultat de la somme mathématique de chacune des notes intermédiaires correspondant aux critères d’évaluation fixés dans l’avis du concours, la représentante de la Commission, tout en répondant par l’affirmative à ladite question, a cependant nuancé sa position de manière à ne pas exclure que d’autres éléments ou considérations aient pu avoir été pris en compte dans l’attribution au requérant de cette note éliminatoire. Or, si les « critères de correction », mentionnés au point 29 de l’arrêt Parlement/Innamorati, précité, visent à offrir aux correcteurs des épreuves écrites – normalement plus nombreux que les membres du jury siégeant lors de la phase orale – des règles communes pour l’appréciation et la notation des épreuves écrites et sont couverts par le secret, il n’en va pas de même des critères d’évaluation visés en l’espèce, qui sont fixés au titre B, point 3, de l’avis du concours EPSO/AD/26/05, sont accessibles au public et sont contraignants pour les membres du jury. Il en résulte que, dans les circonstances de l’espèce, telles que décrites ci-dessus, la seule communication de la note individuelle éliminatoire ne permet ni au requérant ni au Tribunal de s’assurer que les décisions du 10 mai 2007 et du 19 juin 2007 ne sont pas entachées d’erreur, relative aux critères d’évaluation à prendre en considération pour le calcul de la note individuelle, lesquels portaient, dans la présente affaire, sur l’évaluation, d’une part, des connaissances spécifiques liées « au domaine » et des connaissances de l’Union européenne, de ses institutions et de ses politiques, d’autre part, des connaissances d’une deuxième langue, et enfin de la capacité d’adaptation des candidats au travail, au sein de la fonction publique européenne, dans un environnement multiculturel.

46      En cinquième lieu, il n’apparaît pas que la communication au requérant d’informations plus détaillées que sa note individuelle éliminatoire puisse, soit représenter une importante surcharge de travail pour la Commission au regard des moyens technologiques actuellement disponibles, soit s’avérer délicate. S’il est vrai que, lors de l’audience, la représentante de la Commission a soulevé ces deux questions, le Tribunal tient à faire remarquer qu’elle ne l’a fait que de manière générale, sans faire état de problèmes qui se poseraient en l’espèce, notamment, sans faire état d’autres candidats ayant revendiqué en grand nombre une motivation plus détaillée de leur note individuelle éliminatoire et sans indiquer en quoi la communication au requérant d’informations plus détaillées, mais ne laissant pas apparaître les appréciations individuelles des membres du jury ou les notes chiffrées attribuées par chacun d’entre eux, pourrait conduire à des situations sensibles. En effet, tout au plus, a-t-elle fait valoir, lors de l’audience et toujours dans des termes généraux, que le refus de communiquer de telles informations reposait notamment sur la difficulté de trouver des personnes volontaires pour être membres de jurys et sur le « flot de contestations » de candidats aux concours que la communication de telles informations serait susceptible d’amener.

47      En sixième lieu, dans sa décision du 19 juin 2007 ne faisant pas droit à la demande de réexamen, le jury, se référant aux « connaissances spécifiques » du requérant, a précisé que le nombre de ses réponses insatisfaisantes avait excédé le nombre des réponses satisfaisantes, tandis que, dans les réponses aux mesures d’organisation de la procédure, puis lors de l’audience, la partie défenderesse a indiqué que le principal défaut des réponses du requérant lors de l’épreuve orale était leur caractère globalement peu précis et clair. En outre, concernant cette dernière critique, la Commission n’a pas mentionné si celle-ci valait pour l’ensemble des critères d’évaluation fixés dans l’avis de concours ou pour le seul critère relatif aux connaissances spécifiques. Le Tribunal relève ainsi, dans les propos de la Commission, certaines lacunes et ambiguïtés, auxquelles la simple communication des fiches d’évaluation et/ou des notes intermédiaires du requérant aurait pu remédier.

48      À titre subsidiaire, le Tribunal fait observer que le requérant a annexé à sa requête un compte-rendu de trois pages de son épreuve orale du 29 mars 2007. S’il est constant qu’il n’appartient pas au Tribunal de remettre en cause les appréciations des membres du jury sur la base d’un tel document, lequel au surplus ne saurait avoir aucune valeur au fond, il n’en reste pas moins que le requérant ne fonde pas ses contestations, visant les résultats de l’épreuve orale, sur des éléments flous et vagues, invoqués de manière imprécise et désordonnée, mais sur un compte-rendu clair et explicite, reflétant les questions qui lui auraient été posées et reprenant les réponses qu’il aurait fournies.

49      Par voie de conséquence, il y a lieu d’admettre que, si la communication au requérant de la note individuelle éliminatoire qu’il a reçue à l’épreuve orale, à savoir la note de 24,5/50, constitue plus qu’un simple début de motivation, pour lequel, selon la jurisprudence (voir arrêt du Tribunal de première instance du 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/ Commission, T‑71/96, RecFP p. I‑A‑339 et II‑921, point 79), des précisions complémentaires pouvaient être apportées en cours d’instance, en revanche, cette seule note n’est pas suffisante, dans les circonstances de l’espèce, pour satisfaire pleinement à l’obligation de motivation ; il en résulte que le refus de la Commission d’apporter tout complément d’information emporte méconnaissance de cette obligation.

50      Il n’appartient pas au Tribunal de déterminer les éléments d’information que la Commission doit communiquer à l’intéressé afin de satisfaire à son obligation de motivation, notamment lorsque, comme en l’espèce, la Commission refuse de déférer aux mesures d’organisation décidées par le Tribunal et que, par conséquent, le Tribunal se trouve dans l’impossibilité de connaître le contenu des fiches d’évaluation du requérant ou d’autres éléments relatifs au déroulement de son épreuve orale et, notamment, de l’attribution de sa note.

51      Le Tribunal observe cependant que, en toute hypothèse, et en particulier dans le cas d’espèce, certaines indications supplémentaires auraient pu être communiquées au requérant, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Pascall/Conseil, précité, sans porter atteinte au secret qui entoure les travaux du jury, tel que délimité par la jurisprudence (voir point 31 du présent arrêt), notamment, ainsi qu’exigé par l’arrêt Parlement/Innamorati, précité, sans divulgation ni des attitudes prises par les membres individuels du jury ni d’éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (voir arrêt Pascall/Conseil, précité, point 28). Le Tribunal pense notamment aux notes intermédiaires pour chacun des critères d’évaluation fixés dans l’avis de concours ; il pouvait en être de même pour les fiches d’évaluation, qui auraient pu lui être transmises avec occultation des éléments couverts par le secret des travaux du jury. Le refus de la Commission de communiquer, même au seul Tribunal, ces éléments d’information, a eu comme conséquence de ne pas permettre à celui-ci d’exercer pleinement son contrôle. En effet, et en dépit du fait que la Commission a considéré, lors de l’audience, que la communication de la ventilation des notes par critère « n’apporterait pas grand-chose », puis, dans ses observations du 19 mai 2008 sur le mémoire complémentaire du requérant du 17 mars 2008, que les documents demandés par le Tribunal, à savoir les fiches d’évaluation, étaient « dépourvus de pertinence », une telle appréciation concernant le bien-fondé du moyen tenant à la violation de l’obligation de motivation est du ressort du Tribunal et non de celui de la Commission.

52      En toute hypothèse, suivre le raisonnement de la Commission reviendrait en outre à enlever au Tribunal toute possibilité de contrôle de la notation de la phase orale. Or, si le Tribunal ne peut effectivement pas substituer son appréciation à celle des membres du jury, il doit être en mesure de vérifier, au regard de l’obligation de motivation (dont la portée a été rappelée au point 30 du présent arrêt), que ceux-ci ont noté le requérant sur la base des critères d’évaluation indiqués dans l’avis de concours et qu’aucune erreur n’est intervenue dans le calcul de la note de l’intéressé ; de même, il doit être en mesure d’exercer un contrôle restreint sur la relation entre les appréciations des membres du jury et leurs notes chiffrées (voir arrêt de la Cour du 16 juin 1987, Kolivas/Commission, 40/86, Rec. p. 2643, point 11 ; arrêt Van Neyghem/Commission, précité, point 86, et arrêt du Tribunal du 11 septembre 2008, Coto Moreno/Commission, F‑127/07, non encore publié au Recueil, points 34 et 36). À cet effet, il doit procéder aux mesures d’organisation de la procédure qui lui semblent appropriées, au vu des particularités de l’affaire, en précisant le cas échéant à l’institution défenderesse, comme cela a été fait en l’espèce, que les réponses ne seraient transmises à l’intéressé que dans la mesure où cela serait compatible avec le principe du secret des travaux du jury.

53      En l’espèce, au vu des éléments du dossier (notamment des circonstances relatées aux points 42 à 47 du présent arrêt) et à défaut pour la Commission de fournir les éléments d’information demandés par le Tribunal dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure (voir point 16 du présent arrêt), le Tribunal considère que le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation est fondé et doit être accueilli.

54      Une telle conclusion ne peut être remise en cause par la position de la Commission, exprimée dans son mémoire du 18 février 2008, selon laquelle son refus de communication des fiches d’évaluation et des autres éléments demandés par le Tribunal était justifié, d’une part, par l’absence d’allégation et, encore moins de preuve, par le requérant, d’une violation manifeste des règles présidant aux travaux du jury et, d’autre part, par la circonstance que le Tribunal aurait erronément appréhendé l’obligation de motivation comme une règle présidant aux travaux du jury ou, tout au plus, comme une règle connexe. En effet, outre le fait qu’il résulte de la lecture même du rapport préparatoire d’audience que les mesures en question ont été demandées, à titre principal, aux fins d’apprécier le moyen tiré de l’obligation de motivation, la position de la Commission méconnaît, dans les circonstances de l’espèce, tant le caractère d’ordre public de l’obligation de motivation que la portée même de cette obligation, telle que rappelée au point 30 du présent arrêt.

55      De tout ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les deux autres moyens soulevés par le requérant, il résulte que les conclusions visant à l’annulation de la décision du 19 juin 2007 du jury du concours EPSO/AD/26/05 (voir point 19 du présent arrêt) doivent être accueillies, en ce qu’il existe une violation de l’obligation de motivation.

56      S’agissant, en revanche, des conclusions visant à ce que le Tribunal adresse des injonctions à la Commission, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, le juge communautaire est manifestement incompétent pour adresser des injonctions aux institutions communautaires. Cette jurisprudence est applicable au contentieux de la fonction publique (arrêt de la Cour du 21 novembre 1989, Becker et Starquit/Parlement, C‑41/88 et C‑178/88, Rec. p. 3807, publication sommaire, point 6 ; arrêt du Tribunal de première instance du 9 juin 1998, Chesi e.a./Conseil, T‑172/95, RecFP p. I‑A‑265 et II‑817, point 33). Ainsi, le Tribunal ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T‑300/97, RecFP p. I‑A‑259 et II‑1263, point 28, et la jurisprudence citée), adresser, en l’espèce, des injonctions à la Commission, même correspondant à l’obligation qui incomberait à l’institution, conformément à l’article 233 CE, après un arrêt d’annulation (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I‑A‑161 et II‑729, point 17, et du 5 octobre 2005, Rasmussen/Commission, T‑203/03, RecFP p. I‑A‑279 et II‑1287, point 32). Il appartient, en revanche, à celle-ci, de prendre les mesures que l’exécution de l’arrêt comporte.

 Sur les dépens

57      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

58      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le recours du requérant ayant été accueilli pour l’essentiel, il y a lieu de décider que la Commission supporte ses propres dépens ainsi que les dépens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 19 juin 2007 du jury du concours EPSO/AD/26/05 est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission des Communautés européennes supporte ses propres dépens ainsi que les dépens du requérant.

Kreppel

Tagaras

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 octobre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


** Langue de procédure : l’allemand.