DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

26 octobre 2017 (*)

« Concurrence – Concentrations – Marché néerlandais des services télévisuels et services de télécommunications – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Engagements – Obligation de motivation – Marché en cause – Effets verticaux – Contrôle juridictionnel »

Dans l’affaire T‑394/15,

KPN BV, établie à La Haye (Pays-Bas), représentée par Mes J. de Pree, C. van der Hoeven et G. Hakopian, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Malferrari, J. Szczodrowski, H. van Vliet et Mme F. van Schaik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2014) 7241 final de la Commission, du 10 octobre 2014, déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Liberty Global plc du contrôle exclusif de Ziggo NV (affaire COMP/M.7000 – Liberty Global/Ziggo) (JO 2015, C 145, p. 7),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. R. Barents, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Entités en cause

1        La requérante, KPN BV, est active dans le secteur des réseaux câblés pour des services de télévision, d’Internet haut débit, de téléphonie fixe et de télécommunications mobiles, notamment aux Pays-Bas.

2        Liberty Global plc est un câblo-opérateur international qui possède et gère des réseaux câblés pour des services de télévision, d’Internet haut débit, de téléphonie fixe et de télécommunications mobiles dans onze États membres de l’Union européenne et la Suisse. Cette entreprise est présente aux Pays-Bas, principalement par l’intermédiaire d’UPC Nederland BV (ci-après « UPC »), qui possède et exploite un réseau câblé dans ce pays, et elle y assure la diffusion des chaînes de télévision payantes Sport1 et Film1. Par ailleurs, Liberty Global développe son activité de télécommunications mobiles avec le lancement d’offres en tant qu’opérateur de réseau mobile virtuel dans toute l’Union, et notamment aux Pays-Bas.

3        M. John Malone, ressortissant américain, est le principal actionnaire minoritaire de Liberty Global. En outre, il détient des participations minoritaires significatives dans Liberty Interactive Corporation, Liberty Media Communications et Discovery Communications, Inc. (ci-après « Discovery »). Il occupe également le poste de président au sein des conseils d’administration respectifs de Liberty Global, Liberty Interactive Corporation et Liberty Media Communications ainsi que celui de directeur de Discovery. Liberty Interactive Corporation, Liberty Media Communications et Discovery ne font pas partie de Liberty Global. Par ailleurs, Discovery est présente sur le marché de la fourniture en gros de chaînes de télévision, y compris aux Pays-Bas, et a acquis Eurosport SAS en 2014.

4        Ziggo NV possède et exploite un réseau câblé haut débit qui couvre plus de la moitié du territoire des Pays-Bas. Cette entreprise fournit des services vidéo analogiques et numériques par câble ainsi que des services d’Internet haut débit, de télécommunications mobiles et de téléphonie numérique (protocole de téléphonie vocale sur Internet). Ziggo détient 50 % de HBO Nederland Coöperatief UA (ci-après « HBO Nederland »), une entreprise commune de plein exercice qu’elle contrôle conjointement avec une filiale de Home Box Office, Inc. (ci-après « HBO »). HBO est une filiale de Time Warner, Inc., une société de médias internationale dont les activités ont trait à la production de films et de programmes télévisés et à la publication de magazines. HBO Nederland gère trois chaînes de télévision payantes sous la marque HBO, ainsi que les services connexes de vidéo à la demande, proposant des films, des émissions de télévision exclusives et d’autres contenus de divertissement. Ces chaînes sont distribuées, sur une base en gros, aux fournisseurs de services de télévision payante au détail aux Pays-Bas.

 Procédure administrative

5        Le 14 mars 2014, Liberty Global a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), un projet de concentration consistant dans l’acquisition du contrôle exclusif de Ziggo, dont elle détenait déjà 28,5 % du capital, par le lancement d’une offre publique d’achat pour le reste des actions de cette société.

6        Le 8 mai 2014, considérant que l’opération envisagée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, la Commission a décidé d’engager la procédure d’examen approfondi, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 139/2004.

7        Le 10 juillet 2014, lors d’une réunion de bilan avec Liberty Global, la Commission a exposé ses préoccupations en matière de concurrence à la suite de son examen approfondi.

8        Le 14 juillet 2014, Liberty Global a proposé des engagements à la Commission, qui a consulté les opérateurs au sujet de ceux-ci. Eu égard aux résultats de cette consultation, le 22 août 2014, Liberty Global a présenté ses engagements définitifs afin de rendre l’opération envisagée compatible avec le marché intérieur.

 Décision attaquée

9        Le 10 octobre 2014, la Commission a adopté la décision C(2014) 7241 final déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Liberty Global du contrôle exclusif de Ziggo (affaire COMP/M.7000 – Liberty Global/Ziggo) (JO 2015, C 145, p. 7, ci-après la « décision attaquée »).

10      Il ressort de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’opération envisagée donnait lieu à certains chevauchements horizontaux et relations verticales entre les activités des parties sur un certain nombre de marchés en cause le long de la chaîne de distribution de contenu de télévision audiovisuel et la fourniture de services de télécommunication (téléphonie fixe et mobile et Internet haut débit) aux Pays-Bas.

11      Selon la décision attaquée, l’opération envisagée combinerait les activités et les actifs suivants des parties :

–        les activités de télévision par câble d’UPC et de Ziggo (respectivement basées sur leur propre réseau câblé) ;

–        les activités de téléphonie fixe et de haut débit fixe d’UPC et de Ziggo (respectivement basées sur leur propre réseau câblé) ;

–        les activités de télécommunications mobiles d’UPC et de Ziggo, principalement en tant qu’opérateur de réseau mobile virtuel (sur la base du réseau d’un autre opérateur).

12      Aux fins de la délimitation des marchés en cause, s’agissant des marchés liés aux services de télévision, la Commission a établi une distinction entre les marchés ci-après, tous considérés comme étant géographiquement de portée nationale :

–        le marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel ;

–        le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision ; et

–        le marché de la fourniture au détail de services de télévision.

13      En ce qui concerne le marché de la concession de licences et de l’acquisition de droits pour la télédiffusion de contenu télévisuel, la Commission a considéré qu’il était susceptible de segmentations additionnelles, à savoir droits de télévision en clair et droits de télévision payante ; droits de télédiffusion linéaire et non linéaire ; segmentation par fenêtre d’exploitation ; contenu premium et non premium, et contenu cinématographique et de séries télévisées en néerlandais. Cependant, elle a laissé en suspens la délimitation exacte du marché des produits en cause parce que l’opération envisagée ne soulevait pas de problème de concurrence, quelle que soit la segmentation du marché retenue.

14      De manière similaire, en ce qui concerne le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision, la Commission a considéré qu’il était susceptible de segmentations additionnelles, à savoir chaînes de télévision en clair et chaînes de télévision payantes, chaînes de télévision payantes de base et chaînes de télévision payantes premium, chaînes de cinéma premium payantes et chaînes de sport premium payantes, chaînes de télévision payantes généralistes et thématiques, et en fonction des infrastructures de distribution. Compte tenu des différences dans le contenu offert, le prix et la taille de l’audience, la Commission a conclu que les chaînes de télévision payantes de base et les chaînes de télévision payantes premium relevaient de marchés de produits distincts. Cependant, en ce qui concerne les autres segmentations possibles, et notamment celle des chaînes de cinéma premium payantes et des chaînes de sport premium payantes, la Commission a considéré que la question de savoir si le marché devait être segmenté davantage pouvait rester en suspens étant donné que l’appréciation de l’opération envisagée resterait la même. Enfin, en ce qui concerne une segmentation possible selon l’infrastructure de distribution, la Commission a conclu qu’au moins le câble, la télévision sur Internet via une ligne d’abonné numérique à très haut débit (ou « TVIP via DSL »), la fibre optique et, éventuellement, le satellite étaient interchangeables.

15      En ce qui concerne le marché de la fourniture au détail des services de télévision, la Commission a considéré que la question d’une segmentation additionnelle entre services de télévision en clair et services de télévision payante pouvait être laissée en suspens étant donné que l’appréciation de l’opération envisagée resterait la même. De même, elle a estimé que la question d’une segmentation additionnelle entre services de télévision payante linéaire et non linéaire pouvait être laissée en suspens étant donné que l’opération envisagée ne posait aucun problème de concurrence, quelle que soit la définition du marché retenue. Par ailleurs, elle a considéré qu’une segmentation selon les technologies de distribution était inappropriée en raison de la substituabilité du côté de la demande.

16      En outre, la Commission a formulé une série de considérations concernant les marchés de services de téléphonie fixe et d’accès à Internet, de services de téléphonie mobile et de services « multiple play », qui sont sans pertinence pour le présent litige.

17      En ce qui concerne l’analyse des effets de l’opération envisagée sur la concurrence, à la suite de son examen approfondi, la Commission est parvenue à la conclusion que, en l’absence d’engagements présentés par les parties à la concentration, cette opération entraverait de manière significative une concurrence effective en ce qui concerne, d’une part, l’éventuel marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes et le marché plus large de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision premium payantes et, d’autre part, le marché en aval de la fourniture au détail de services de télévision payante.

 Effets sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision premium payantes (du côté de l’offre)

18      S’agissant du marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision premium payantes, la Commission a observé qu’il existait aux Pays-Bas quatre chaînes de télévision premium payantes, à savoir Film1, HBO Nederland, Sport1 et Fox Sports. Comme il ressort des considérants 200, 201, 211 et 212 de la décision attaquée, indépendamment de la question de savoir si le marché en cause devait être défini comme un marché global incluant toutes les chaînes de télévision premium payantes ou comme un marché plus restreint incluant seulement les chaînes de cinéma premium payantes, l’opération notifiée serait susceptible de conduire à des problèmes horizontaux de concurrence puisque Liberty Global posséderait trois des quatre chaînes de télévision premium payantes (Film1, HBO Nederland et Sport1), parmi lesquelles figurent les deux seules chaînes de cinéma premium payantes (Film1 et HBO Nederland). Toutefois, la Commission a considéré que l’opération envisagée ne donnerait lieu à aucun chevauchement horizontal entre les deux chaînes de sport premium payantes, étant donné que Sport1 appartenait déjà à Liberty Global et que Fox Sports ne ferait pas partie de l’opération envisagée.

19      S’agissant des effets verticaux de l’opération, la Commission a examiné si, compte tenu de la position de l’entité issue de la concentration sur le marché de la fourniture en gros de chaînes de cinéma premium payantes, et même sur le marché plus large de la fourniture en gros de chaînes de télévision premium payantes, Liberty Global aurait la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage total ou partiel des intrants en ce qui concerne Film1 et/ou HBO Nederland, notamment en refusant de fournir l’accès à ces chaînes à ses concurrents sur le marché de détail, et si elle y serait incitée. À l’issue de son examen approfondi, la Commission a conclu que ce serait le cas, notamment, en ce qui concerne Film1. Elle a ajouté que cette stratégie aurait un effet préjudiciable significatif sur la concurrence effective en aval sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision payante, qui ferait partie également du marché éventuel de la fourniture au détail de services « multiple play ».

 Effets sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision de base et premium payantes (du côté de la demande)

20      S’agissant des effets de la concentration sur le marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de télévision de base et premium payantes, du côté de la demande, l’opération envisagée combinerait les activités et les actifs des deux plus grands câblo-opérateurs des Pays-Bas, qui représenteraient au moins 60 % des abonnés de télévision payante. Cela renforcerait le pouvoir de marché de Liberty Global en tant qu’acheteur de chaînes de télévision de base et premium incluses dans ces abonnements. À la suite de son analyse approfondie, la Commission a notamment conclu que l’opération envisagée serait susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché de l’acquisition en gros de chaînes de télévision payantes ainsi que sur le marché en aval de la fourniture au détail de services de télévision payante et sur l’éventuel marché en aval de la fourniture au détail de services « multiple play », notamment en ce que Liberty Global pourrait entraver, par des moyens contractuels résultant de sa puissance d’achat accrue et par des moyens techniques, l’offre de contenu proposée par les télédiffuseurs par des moyens innovants comme les services « over-the-top » (ci-après les « services OTT »). En effet, selon la décision attaquée, Liberty Global aurait la capacité de restreindre les possibilités qu’ont les télédiffuseurs d’offrir de manière non linéaire sur Internet avec des services OTT le contenu qu’ils lui fournissent et serait incitée à le faire.

21      Nonobstant ce qui précède, la Commission a conclu que les engagements définitifs présentés par les parties à la concentration permettaient de corriger les problèmes de concurrence constatés.

22      Ainsi, premièrement, Liberty Global s’est engagée à céder Film1 afin de supprimer le chevauchement horizontal entre les activités des parties en ce qui concerne les chaînes de cinéma premium payantes aux Pays-Bas. Par ailleurs, serait ainsi éliminée la préoccupation verticale quant au fait que Liberty Global pourrait empêcher ses concurrents sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision payante d’accéder à une chaîne de cinéma premium.

23      Deuxièmement, Liberty Global s’est engagée à résilier tout accord entre elle et les télédiffuseurs qui restreindrait directement ou indirectement leur capacité à offrir leurs chaînes et contenus au moyen de services OTT aux Pays-Bas ainsi qu’à ne pas conclure de tels accords à l’avenir. La Commission a estimé que cet engagement serait suffisant pour éliminer les problèmes de concurrence liés aux services OTT.

24      Au vu de ce qui précède, la Commission a décidé de déclarer l’opération envisagée compatible avec le marché intérieur et l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), sous réserve du respect des engagements proposés, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 139/2004.

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juillet 2015, la requérante a introduit le présent recours.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 mai 2017.

 En droit

30      Au soutien de son recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les éventuels effets verticaux de la concentration sur le marché des chaînes sportives premium payantes, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation concernant l’absence d’analyse des éventuels effets anticoncurrentiels verticaux sur le marché des chaînes sportives premium payantes et, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant l’exercice par M. Malone d’une influence déterminante sur Liberty Global et Discovery.

31      Il convient d’examiner tout d’abord le deuxième moyen, relatif à une prétendue violation de l’obligation de motivation.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation


 Arguments des parties

32      Par son deuxième moyen, la requérante invoque une violation de l’obligation de motivation en ce que la Commission n’a pas motivé l’absence d’analyse des éventuels effets anticoncurrentiels verticaux sur le marché des chaînes sportives premium payantes.

33      Selon la requérante, premièrement, la Commission a conclu à tort que la distinction entre les chaînes sportives premium payantes et les chaînes de cinéma premium payantes était dénuée de pertinence aux fins de l’appréciation de la concentration envisagée. Deuxièmement, elle aurait conclu à tort que le marché des chaînes sportives premium payantes n’était pas affecté par cette concentration. Troisièmement, elle aurait omis d’analyser les effets verticaux de la concentration sur ce marché. Cependant, la Commission n’aurait motivé aucune de ces conclusions, contrairement aux exigences de l’article 296 TFUE.

34      Plus précisément, la requérante avance que, aux considérants 101 et 211 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le segment de la fourniture de chaînes sportives premium payantes ne constituait pas un marché affecté parce que la concentration envisagée n’entraînait aucun chevauchement horizontal, en raison du fait que Ziggo n’était pas active sur ce marché, que Liberty Global détenait déjà Sport1 et que Fox Sports n’était pas incluse dans cette concentration. Selon la requérante, la Commission n’explique nullement pourquoi la simple absence de chevauchement horizontal impliquerait que la concentration n’entraîne pas d’effets verticaux. Par ailleurs, la requérante relève que la concentration a permis à Liberty Global de couvrir 90 % du territoire des Pays-Bas et que Sport1 est un intrant essentiel pour les concurrents en aval, ce qui serait susceptible de donner lieu à des effets verticaux.

35      Dans la réplique, la requérante conteste l’argumentation de la Commission selon laquelle il serait évident que la concentration ne conduirait pas à des problèmes verticaux de concurrence relatifs au marché des chaînes sportives premium payantes et que le raisonnement menant à cette conclusion serait implicite dans la décision attaquée. Cette affirmation serait simplement contredite par les explications détaillées avancées dans le mémoire en défense qui démontreraient qu’une telle conclusion ne serait pas évidente et aurait mérité une analyse et une motivation dans la décision attaquée.

36      Par ailleurs, selon la requérante, la position de la Commission sur le deuxième moyen est dans une certaine mesure contradictoire puisque, d’une part, elle soutient qu’elle a pris en compte Sport1 dans son analyse et, d’autre part, elle fait valoir qu’il était tellement évident qu’il n’y avait pas d’effets verticaux anticoncurrentiels qu’elle pouvait à juste titre ne pas indiquer explicitement les raisons pour lesquelles elle n’avait pas analysé le marché des chaînes sportives premium payantes.

37      La requérante fait remarquer que, dans le mémoire en défense, la Commission soutient que l’affirmation figurant dans la décision attaquée, selon laquelle le marché des chaînes sportives premium payantes n’était pas un marché affecté, s’appliquait uniquement à l’absence d’effets horizontaux. La Commission semblerait suggérer que la décision attaquée contient un raisonnement implicite concernant les raisons pour lesquelles la concentration envisagée n’entraînerait pas d’effets verticaux en rapport avec ce marché, indépendamment de l’absence de chevauchement horizontal sur le marché en amont. Cependant, la Commission indiquerait ensuite, dans son mémoire en défense, qu’elle pouvait à juste titre ne pas analyser les éventuels effets verticaux relatifs à ce marché parce que l’entité issue de la concentration n’aurait pas de pouvoir de marché sur le marché en amont des chaînes sportives premium payantes. Selon la requérante, il en découle que la Commission n’a pas analysé les éventuels effets verticaux sur le marché des chaînes sportives premium payantes en raison de l’absence de chevauchement horizontal sur le marché en amont.

38      Même si la Commission affirme qu’elle a explicitement tenu compte de Sport1 dans son analyse des effets verticaux, la requérante relève que le considérant 221 de la décision attaquée porte sur l’hypothèse d’une définition large du marché. L’analyse ultérieure figurant dans la décision attaquée concernant le verrouillage des intrants ne mentionnerait pas une seule fois Sport1 ou l’expression « chaînes sportives de télévision payantes ». Dès lors, selon la requérante, il est clair que l’analyse de la Commission concernait uniquement les chaînes de cinéma premium payantes.

39      De plus, dans le mémoire en défense, la Commission affirmerait que la décision attaquée mentionne tous les éléments factuels qui indiquent clairement qu’il ne pouvait pas y avoir de problème de verrouillage vertical concernant Sport1. Or, les éléments factuels invoqués et les arguments avancés par la Commission concerneraient tous Film1 et son analyse du marché des chaînes de cinéma premium payantes.

40      Selon la requérante, les chaînes de cinéma premium payantes et les chaînes sportives premium payantes sont des offres fondamentalement différentes, de sorte que les conclusions concernant les premières ne sont pas nécessairement transposables aux secondes. Il incomberait donc à la Commission, qui aurait reconnu que les chaînes sportives premium payantes et les chaînes de cinéma premium payantes étaient susceptibles de constituer des marchés de produits distincts, à tout le moins d’expliquer les raisons pour lesquelles la concentration ne pouvait pas entraîner de problèmes concurrentiels sur le marché des chaînes sportives premium payantes. Une telle motivation, qu’elle soit fondée ou non, ferait défaut dans la décision attaquée.

41      La Commission conteste les arguments avancés par la requérante. Elle soutient que, lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, elle n’est pas tenue d’inclure dans sa décision la motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière. Il s’ensuivrait que la Commission n’est pas obligée de répondre à tous les arguments mis en avant par les parties et les tiers lors de la procédure administrative, ni de fournir une motivation précise quant à son appréciation de ces arguments. Par ailleurs, sa motivation pourrait être implicite.

42      En l’espèce, l’affirmation figurant dans la décision attaquée selon laquelle le segment concernant la fourniture de chaînes sportives premium payantes ne constituait pas un marché affecté s’appliquerait uniquement aux effets horizontaux.

43      La décision attaquée contiendrait une motivation suffisante en ce qui concerne les effets verticaux probables de la concentration envisagée, y compris ceux relatifs aux éventuels marchés de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de cinéma premium payantes ainsi que de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes de sport premium payantes (et à l’éventuel marché plus large des chaînes de télévision premium payantes).

44      S’agissant des problèmes concurrentiels identifiés lors de l’analyse du marché des chaînes de cinéma premium payantes, à savoir ceux découlant du fait que la concentration envisagée réunira les deux seules chaînes concurrentes, la Commission rappelle que la conclusion concernant la capacité et l’incitation de Liberty Global à s’engager dans une stratégie de verrouillage était principalement fondée sur la constatation d’un pouvoir de marché sur le marché en amont. En revanche, elle soutient avoir explicitement signalé, notamment au considérant 211 de la décision attaquée, que cette situation se distinguait de celle des chaînes de sport premium payantes.

45      L’absence de pouvoir de marché et de changements structurels sur le marché éventuel des chaînes sportives premium payantes rendrait improbable que la concentration envisagée entraîne des effets verticaux anticoncurrentiels en ce qui concerne ces chaînes. En tout état de cause, la Commission aurait explicitement tenu compte de Sport1 dans son analyse des effets verticaux.

46      Par ailleurs, la décision attaquée mentionnerait tous les éléments factuels indiquant qu’il ne pourrait y avoir de problèmes de verrouillage vertical en ce qui concerne Sport1 et elle serait également claire en ce qui concerne l’appréciation par la Commission des arguments de la requérante. Une motivation détaillée à cet égard ne serait donc pas justifiée.

47      La Commission indique que, contrairement aux arguments présentés par la requérante lors de la procédure administrative, elle n’a pas considéré Sport1 comme un intrant incontournable pour les concurrents en aval de Liberty Global. Elle n’aurait pas manqué de reconnaître, dans la décision attaquée, que les chaînes de sport premium payantes exerçaient une pression concurrentielle significative l’une sur l’autre, de la même manière que les chaînes de cinéma premium payantes. En revanche, il ressortirait d’une lecture combinée des considérants 205, 211, 218, 231 et 559 de la décision attaquée que la détention de 50 % de HBO Nederland par Liberty Global est l’élément crucial qui permettrait à cette dernière de s’engager dans un verrouillage des intrants et l’inciterait à le faire. Dans ce contexte, il ressortirait clairement de la décision attaquée qu’il n’existait pas de problème de concurrence en ce qui concerne l’éventuel marché des chaînes de sport premium payantes en raison de l’existence de Fox Sports, qui resterait un concurrent solide, efficace et détenu par une entreprise tierce non intégrée verticalement.

48      Dans la duplique, la Commission ajoute que, étant donné la faible probabilité de l’existence d’effets anticoncurrentiels verticaux sur le marché potentiel des chaînes sportives premium payantes, ce point était manifestement d’une importance secondaire pour l’appréciation de la concentration. Dans ces circonstances, exiger une motivation détaillée pour ce marché serait contraire à l’impératif de célérité et aux brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration.

 Appréciation du Tribunal

49      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 166 et jurisprudence citée).

50      Toutefois, l’auteur d’un tel acte n’est pas tenu de prendre position sur des éléments clairement secondaires ou d’anticiper des objections potentielles. De plus, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir. Ainsi, la Commission ne viole pas son obligation de motivation si, lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, elle n’inclut pas dans sa décision de motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière. Une telle exigence serait en effet difficilement compatible avec l’impératif de célérité et les brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration et qui font partie des circonstances particulières d’une procédure de contrôle de ces opérations (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 167).

51      À cet égard, s’il est vrai que la Commission n’est pas obligée, dans la motivation des décisions adoptées en application de la réglementation relative au contrôle des opérations de concentration, de prendre position sur tous les éléments et arguments invoqués devant elle, y compris ceux clairement secondaires pour l’appréciation à livrer, il n’en demeure pas moins qu’elle doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En outre, la motivation doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169).

52      De plus, il ressort de la jurisprudence que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (voir arrêt du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, EU:T:2009:212, point 175 et jurisprudence citée).

53      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le deuxième moyen invoqué par la requérante.

54      Par ce moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas motivé l’absence d’analyse des éventuels effets anticoncurrentiels verticaux concernant le marché des chaînes sportives premium payantes. Plus précisément, elle considère que la Commission n’a pas motivé l’absence d’analyse du risque de verrouillage par Liberty Global, en tant que fournisseur en gros de chaînes sportives premium payantes, à savoir Sport1, de l’accès à cet intrant par des distributeurs concurrents en aval, comme elle-même.

55      À cet égard, il convient de relever que, comme la Commission l’a précisé dans son mémoire en défense, l’affirmation figurant au considérant 101 de la décision attaquée selon laquelle le segment concernant la fourniture de chaînes sportives premium payantes ne constituait pas un marché affecté s’appliquait uniquement aux effets horizontaux.

56      Par ailleurs, il y a lieu de constater que la décision attaquée contient, en effet, une motivation sur les effets verticaux concernant le marché de la fourniture en gros de chaînes de télévision premium payantes, y compris l’éventuel marché plus restreint des chaînes de cinéma premium payantes (considérants 213 à 247 de la décision attaquée), et sur les effets verticaux concernant le marché de l’acquisition en gros de chaînes de télévision payantes de base et premium (aux fins du présent recours, considérants 258 à 277 et 430 à 439, notamment, de la décision attaquée).

57      Or, force est de constater que la décision attaquée n’analyse pas les effets de l’opération concernant un éventuel marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes sportives premium payantes, dans lequel les deux seules chaînes présentes seraient Sport1, détenue par Liberty Global, et Fox Sports, détenue par un tiers. Certes, la décision attaquée mentionne à plusieurs reprises Sport1 et Fox Sports. Toutefois, elle ne contient aucune analyse sur les effets verticaux résultant de l’opération de concentration envisagée dans l’hypothèse où le marché du produit en cause serait défini comme étant celui de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes sportives premium payantes. Dès lors, toutes les références faites dans la décision attaquée à Sport1 et à Fox Sports le sont dans un autre cadre analytique.

58      À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort des considérants 84 à 86 de la décision attaquée et des réponses aux questions du Tribunal posées lors de l’audience, la Commission a reconnu que le marché pour la fourniture et l’acquisition en gros de chaînes de télévision payantes pouvait être segmenté davantage selon qu’il s’agissait de chaînes de cinéma ou de sport. La Commission ajoute, au considérant 86 de la décision attaquée, que cette question pouvait « rester en suspens, étant donné que l’appréciation de l’opération envisagée resterait la même ». Il en résulte que la Commission a laissé en suspens la définition précise du marché du produit en cause parce que, même dans l’hypothèse d’une segmentation additionnelle, la concentration pouvait être déclarée compatible avec le marché intérieur car il n’y avait pas de problème de concurrence.

59      Cette approche consistant à laisser en suspens la définition précise du marché en cause exigeait que la Commission explique, même de manière succincte, les raisons pour lesquelles l’opération envisagée ne soulevait pas de problème de concurrence, y compris les effets verticaux concernant un éventuel marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes sportives premium payantes de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de cette position et au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur l’appréciation de la Commission.

60      L’importance de la motivation sur ce point ne saurait être sous-estimée. Selon une jurisprudence constante, la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à toute appréciation portée sur l’impact concurrentiel d’une opération de concentration (arrêts du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 143, et du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 116). Or, le juge de l’Union a accepté que la Commission pouvait laisser ouverte la définition du marché du produit en cause dans la mesure où aucune des définitions du marché ne permettait de constater l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective à la suite de la concentration, ainsi qu’il résultait de manière claire et sans équivoque des motifs explicités par la Commission dans la décision en cause (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, EU:T:2003:188, points 107 et 110).

61      Il convient de souligner que, interrogée sur ce point par le Tribunal lors de l’audience, la Commission a admis que la décision attaquée ne contenait pas de raisonnement explicite sur cette question, même si elle a admis également qu’un marché de la fourniture et de l’acquisition en gros de chaînes sportives premium payantes était envisageable.

62      De plus, comme la Commission l’admet dans son mémoire en défense, et ainsi qu’il résulte des annexes de la requête, la requérante a invoqué à plusieurs reprises pendant la procédure administrative l’existence de problèmes verticaux concernant spécifiquement Sport1.

63      Il en résulte que, sur ce point, la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de motivation résultant de l’article 296 TFUE. Aucun des arguments avancés par la Commission ne saurait infirmer cette conclusion.

64      Premièrement, dans son mémoire en défense, la Commission fait valoir que la décision attaquée a explicitement indiqué dans son considérant 211 que Liberty Global n’avait pas la capacité de verrouiller le marché car elle n’avait pas de pouvoir de marché en amont, étant donné qu’elle ne possédait qu’une des deux chaînes sportives premium payantes. Hormis le fait que cette section de la décision attaquée porte sur l’analyse des effets horizontaux, comme il résulte par ailleurs du libellé dudit considérant, il y a lieu de relever que la seule circonstance que Sport1 ait un concurrent, à savoir Fox Sports, n’exclut pas en soi que Liberty Global puisse avoir un pouvoir de marché en amont sur le segment en cause, en l’absence de toute analyse de leur position respective sur le marché et de leurs rapports concurrentiels. À titre d’exemple, le fait qu’une entreprise ayant une part de marché de 70 % ait un concurrent n’exclut pas, sans une analyse additionnelle, qu’elle ait un pouvoir de marché.

65      Il y a lieu d’ajouter que, en réponse aux questions du Tribunal posées lors de l’audience, la Commission a admis que la décision attaquée ne contenait pas de raisonnement explicite sur les raisons pour lesquelles Sport1 n’aurait pas de pouvoir de marché en amont sur le segment en cause.

66      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument relatif à l’absence de changements structurels sur l’éventuel marché des chaînes sportives premium payantes qui rendrait secondaire la question des effets verticaux concernant ce marché, il convient de relever que l’opération envisagée impliquait des changements structurels en aval, notamment avec la jonction des plateformes de distribution respectives de Liberty Global et de Ziggo.

67      Troisièmement, la Commission fait valoir que le considérant 221 de la décision attaquée montre qu’elle a tenu compte de Sport1 dans son analyse des effets verticaux de la concentration. Cependant, il résulte de son libellé que ce considérant vise l’hypothèse dans laquelle le marché du produit en cause était défini comme englobant toutes les chaînes de télévision premium payantes. Dès lors, ce considérant ne portait pas sur une analyse des effets verticaux concernant l’éventuel marché de la fourniture de chaînes sportives premium payantes. De plus, dans ce considérant, la Commission se limite à indiquer que Liberty Global aurait un pouvoir de marché sur le marché en amont concernant la fourniture de chaînes de télévision premium payantes. Cette constatation ne permet de tirer aucune conclusion quant à la prétendue absence d’un pouvoir de marché de Liberty Global concernant la fourniture en gros de chaînes sportives premium payantes.

68      Quatrièmement, la Commission fait valoir qu’une motivation détaillée ne serait pas indispensable, étant donné que la décision attaquée mentionne tous les éléments factuels qui démontreraient qu’il ne pouvait pas y avoir de problème de verrouillage vertical en ce qui concerne Sport1. Selon la Commission, cela résulterait notamment de l’existence de Fox Sports, qui resterait un concurrent solide et détenu par un tiers.

69      À cet égard, il y a lieu de relever que, en ce qui concerne le marché de la fourniture en gros des chaînes sportives premium payantes, le seul constat qui résulte clairement de la décision attaquée est l’existence d’un concurrent indépendant, à savoir Fox Sports. En particulier, la décision attaquée reste silencieuse sur la position respective de Fox Sports et de Sport1 sur le marché, ainsi que sur leurs rapports concurrentiels, à l’exception d’une affirmation avancée par Liberty Global, et figurant au considérant 191 de la décision attaquée, selon laquelle Sport1 atteignait tout juste le seuil de rentabilité.

70      Or, ainsi que cela a été indiqué ci-dessus, l’existence d’un concurrent n’exclut pas qu’une société ait un pouvoir de marché, notamment lorsque le concurrent a une position faible sur le marché. Même si la Commission avance de nombreux arguments dans le cadre du premier moyen du présent recours afin de démontrer que Liberty Global n’avait pas la capacité de s’engager dans une stratégie de verrouillage en raison de l’existence de Fox Sports et ne serait pas incitée à le faire, force est de constater que ces arguments ne figurent pas dans la décision attaquée. De plus, l’argument relatif à la faible rentabilité de Sport1 figure dans la section de la décision attaquée relative aux arguments de la partie notifiante et non dans celle relative à l’appréciation de la Commission, ce qui ne permet pas de conclure que la décision attaquée l’ait considéré comme un élément factuel prouvé et qu’elle se soit fondée sur celui-ci.

71      Cinquièmement, en ce qui concerne l’argument relatif à l’impératif de célérité et aux brefs délais de procédure en matière de contrôle des concentrations (arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 100), à la lumière de la faible probabilité d’effets anticoncurrentiels verticaux sur l’éventuel marché des chaînes sportives premium payantes, il convient de souligner que l’élément décisif du cas d’espèce réside dans le fait que, dans un premier temps, la Commission a décidé de laisser en suspens la définition du marché du produit en cause parce que, selon elle, il n’y aurait pas de problème de concurrence en tout état de cause. Dès lors, dans un second temps, la Commission ne saurait échapper à son obligation d’expliciter, même de manière succincte, les raisons pour lesquelles il n’y aurait pas de problème vertical de concurrence concernant l’éventuel marché des chaînes sportives premium payantes.

72      Enfin, s’agissant de l’argument relatif à une prétendue motivation implicite, réitéré par la Commission lors de l’audience, l’arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6), indique, au point 372 cité par la Commission dans ses écritures, que la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. Il suffit de constater qu’en l’espèce ces conditions ne sont pas réunies car, à la lecture de la décision attaquée, il est impossible pour le juge de l’Union d’exercer son contrôle sur les raisons qui ont pu amener la Commission à considérer qu’il n’y avait pas de problème vertical de concurrence dans l’éventuel marché des chaînes sportives premium payantes, hormis la simple existence d’un concurrent indépendant.

73      Par ailleurs, la décision attaquée n’indique pas que la structure et le fonctionnement du marché des chaînes sportives premium payantes sont analogues à ceux du marché des chaînes de cinéma premium payantes, ce qui est de surcroît contesté par la requérante. Dès lors, il ne saurait être soutenu que la décision attaquée contient implicitement un raisonnement relatif aux effets verticaux sur l’éventuel marché des chaînes sportives premium payantes, à savoir le raisonnement relatif aux effets verticaux sur l’éventuel marché des chaînes de cinéma premium payantes qui serait applicable par analogie.

74      Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen du recours doit être accueilli.

75      La décision attaquée étant viciée par un défaut de motivation, il n’y a pas lieu d’examiner les premier et troisième moyens du recours, tirés tous les deux de prétendues erreurs manifestes d’appréciation, notamment en ce qui concerne les effets verticaux de la concentration envisagée sur le marché des chaînes sportives premium payantes.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2014) 7241 final de la Commission déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Liberty Global plc du contrôle exclusif de Ziggo NV (affaire COMP/M.7000 – Liberty Global/Ziggo) est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2017.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.