CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 31 mai 2016 (1)

Affaire C‑169/15

Montis Design BV

contre

Goossens Meubelen BV

[demande de décision préjudicielle
formée par le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux)]

« Droit d’auteur et droits voisins – Durée de protection – Extinction et rétablissement du droit d’auteur »





1.        Dans le litige opposant les sociétés Montis Design BV (ci-après « Montis ») et Goossens Meubelen BV (ci-après « Goosens »), le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a posé (2) au Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux) une question d’interprétation relative à l’application de l’article U, paragraphe 2, du Protocole houdende wijziging van de Eenvormige Beneluxwet inzake tekeningen of modellen (protocole de modification de la Loi uniforme Benelux en matière de dessins et modèles, ci‑après la « LBDM ») (3), en vertu duquel l’article 21 de la LBDM a été abrogé.

2.        Le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux), avant de se prononcer sur la demande présentée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a renvoyé à la Cour de justice trois questions préjudicielles car elle estime que la solution du litige dépend de l’interprétation de la directive 93/98/CEE (4).

3.        Le litige a pour origine l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM, en vertu duquel les titulaires de droits d’auteur sur des modèles et dessins liés à la protection de ces derniers perdaient leurs droits d’auteur s’ils ne procédaient pas à une déclaration de maintien. La conséquence immédiate du manquement à cette formalité était que ces droits tombaient dans le domaine public.

4.        Les critiques visant la loi et son incompatibilité sur ce point avec la convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne (Suisse), le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci-après « la convention de Berne ») (5), ont conduit le législateur du Benelux à abroger en 2002 l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM. Le protocole d’abrogation n’a néanmoins pas fixé de régime transitoire ni précisé le sort des droits d’auteur éteints du fait de l’application de la LBDM.

5.        Dans l’intervalle, la directive 93/98 avait harmonisé la durée des droits d’auteur dans tous les États membres, en étendant la durée de protection à 70 ans après la mort de l’auteur, sans qu’il soit nécessaire que leurs titulaires soient tenus de présenter des « déclarations de maintien » ou des formules similaires. La directive 93/98 a en outre prévu le rétablissement, dans certaines circonstances, des droits d’auteur passés dans le domaine public.

6.        La juridiction de renvoi interroge en synthèse la Cour sur l’incidence de la directive 93/98 dans le litige. En particulier, elle cherche à savoir si, conformément à cette directive, les droits d’auteur éteints (à cause du non-respect de la condition formelle exigée par la LBDM) doivent être rétablis et, dans cette hypothèse, à partir de quelle date.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

7.        Le rapprochement des législations des États membres en matière de propriété intellectuelle s’est produit principalement au moyen de la directive 93/98, modifiée par la suite (6) et abrogée par la directive 2006/116/CE (7), qui codifie les versions précédentes.

8.        Comme les faits du présent litige remontent à l’époque à laquelle la directive 93/98 était encore en vigueur et compte tenu, de surcroît, de ce que la directive actuellement en vigueur a laissé subsister le contenu des articles pertinents pour la présente affaire, nous reproduisons ci-après les règles pertinentes de cette directive.

9.        Le considérant 11 était rédigé comme suit :

« considérant que, pour instaurer un niveau de protection élevé, répondant à la fois aux exigences du marché intérieur et au besoin de créer un environnement juridique propice au développement harmonieux de la créativité littéraire et artistique dans la Communauté, il convient d’harmoniser la durée de protection du droit d’auteur sur une période de soixante-dix ans après la mort de l’auteur ou de soixante-dix ans après que l’œuvre a été licitement rendue accessible au public […] ».

10.      Le considérant 27, quant à lui, était libellé de la manière suivante :

« considérant que le respect des droits acquis et de la confiance légitime des tiers est garanti par l’ordre juridique communautaire ; que les États membres doivent pouvoir prévoir notamment que, dans certaines circonstances, les droits d’auteur et les droits voisins qui renaîtront en application de la présente directive ne pourront pas donner lieu à des paiements de la part de personnes qui avaient entrepris de bonne foi l’exploitation des œuvres au moment où celles‑ci faisaient partie du domaine public ».

11.      Aux termes de l’article 1, paragraphe 1 :

« 1.      Les droits de l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique au sens de l’article 2 de la Convention de Berne durent toute la vie de l’auteur et pendant soixante-dix ans après sa mort, quelle que soit la date à laquelle l’œuvre a été licitement rendue accessible au public. »

12.      L’article 10, intitulé « Applicabilité dans le temps », énonce en ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      Les durées de protection prévues à la présente directive s’appliquent à toutes les œuvres et à tous les objets qui, à la date visée à l’article 13 paragraphe 1, sont protégés dans au moins un État membre dans le cadre de l’application des dispositions nationales relatives au droit d’auteur ou aux droits voisins ou qui répondent aux critères de protection énoncés dans la directive 92/100/CEE [(8)].

3.      La présente directive s’entend sans préjudice des actes d’exploitation accomplis avant la date visée à l’article 13, paragraphe 1. Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour protéger notamment les droits acquis des tiers. »

13.      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa :

« 1.      Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles 1er à 11 de la présente directive avant le 1er juillet 1995. »

14.      L’harmonisation des dessins et des modèles a été réalisée au moyen de la directive 98/71/CE (9), dont l’article 17 réglemente la relation de ces droits de propriété industrielle avec les droits d’auteur (principe du cumul) (10) dans les termes suivants :

« Un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre, conformément aux dispositions de la présente directive, bénéficie également de la protection accordée par la législation sur le droit d’auteur de cet État à partir de la date à laquelle le dessin ou modèle a été créé ou fixé sous une forme quelconque. La portée et les conditions d’obtention de cette protection, y compris le degré d’originalité requis, sont déterminées par chaque État membre. »

B –    La convention de Berne

15.      Bien que l’Union européenne ne soit pas partie à la convention de Berne, elle est liée à celle-ci indirectement par l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’« accord ADPIC »), qui figure à l’annexe 1C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), signé à Marrakech (Maroc) le 15 avril 1994 (11).

16.      Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de l’accord ADPIC :

« Les Membres se conformeront aux articles premier à 21 de la Convention de Berne (1971) et à l’Annexe de ladite Convention. Toutefois, les Membres n’auront pas de droits ni d’obligations au titre du présent accord en ce qui concerne les droits conférés par l’article 6bis de ladite Convention ou les droits qui en sont dérivés. »

17.      L’article 5, paragraphe 2, de la convention de Berne prévoit ce qui suit :

« (2)      La jouissance et l’exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité ; cette jouissance et cet exercice sont indépendants de l’existence de la protection dans le pays d’origine de l’œuvre. Par suite, en dehors des stipulations de la présente Convention, l’étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l’auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d’après la législation du pays où la protection est réclamée. »

C –    Droit du Benelux

18.      En vertu de l’article 12 de la LBDM (12), l’enregistrement d’un dessin ou d’un modèle a une validité de cinq ans, à compter de la date de la demande.

19.      L’article 21, paragraphe 1, de la LBDM (avant d’être abrogé) disposait qu’un dessin ou un modèle ayant un caractère artistique peut être protégé à la fois par cette loi et par les lois relatives aux droits d’auteur, si les conditions d’application de celles‑ci et de la LBDM sont remplies.

20.      Conformément à l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation), l’annulation de l’enregistrement d’un dessin ou d’un modèle ayant un caractère artistique marqué ou l’extinction du droit exclusif résultant de cet enregistrement emporte l’extinction simultanée des droits d’auteur sur ce dessin ou ce modèle, à condition que les deux droits appartiennent au même titulaire ; néanmoins il n’y aurait pas d’extinction si le titulaire du dessin ou du modèle présente, conformément à l’article 24 (13), une déclaration spéciale pour maintenir ses droits d’auteur (14).

21.      Après que le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a jugé que cet article était contraire à l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Berne, l’article U du protocole a abrogé les articles 21 et 24 de la LBDM (15).

22.      Le protocole est entré en vigueur le 1er décembre 2003 et ne contenait pas de règle de droit transitoire ni aucune indication sur l’éventuel effet rétroactif de l’abrogation qu’il introduisait.

II – Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

23.      Le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux) a repris dans sa décision l’exposé des faits du litige fourni par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays‑Bas), que je suivrai ci‑après.

24.      La société Montis fabrique des meubles depuis l’année 1974 aux Pays‑Bas. Depuis l’année 1983, elle commercialise le fauteuil Charly, dessiné par M. Gerard van der Berg. En 1987, en s’inspirant de ce fauteuil, elle a également dessiné la chaise de salle à manger Chaplin, également proposée à la vente.

25.      Le 19 avril 1988, M. van den Berg a demandé l’enregistrement international d’un modèle (no DM/010786), notamment pour le fauteuil Charly et la chaise Chaplin, précisant que Montis était le titulaire du modèle et lui‑même son designer.

26.      En 1990, M. van den Berg a cédé à Montis ses droits d’auteur sur les deux objets.

27.      À la fin de la période des cinq ans de l’enregistrement des modèles (à savoir en 1993), Montis n’avait pas soumis la déclaration de maintien prévue à l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation). En application de cet article, le 18 avril 1993, les droits d’auteur et ceux du modèle qui appartenaient à Montis se sont éteints.

28.      En 2008, Montis a engagé une action en justice contre Goossens, estimant que la chaise Beat, que cette société proposait à la vente dans ses magasins de meubles, violait ses droits d’auteur sur les chaises Charly et Chaplin. Goossens a objecté que le défaut de déclaration de maintien, au sens de l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation) avait entraîné l’extinction des droits litigieux.

29.      Montis a répondu que ses droits d’auteur avaient été rétablis en raison de l’abrogation, le 1er décembre 2003, de l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM. Selon elle, l’abrogation avait des effets rétroactifs. Elle a en outre soutenu à titre subsidiaire que les droits avaient été restaurés avec effet rétroactif au 1er juillet 1995, soit la date fixée à l’article 10, paragraphe 2, combiné à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 93/98.

30.      Après avoir succombé partiellement en première instance et en appel, Montis a formé un recours en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), qui a suspendu la procédure jusqu’à ce que le Benelux-Gerechtshof (Cour du Benelux) se prononce sur les deux questions préjudicielles d’interprétation de l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation) qui lui étaient posées.

31.      Étant donné que le Benelux-Gerechtshof (Cour du Benelux) a considéré que la réponse à donner dépendait de l’interprétation du droit de l’Union (notamment de l’article 10, combiné à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 93/98), cette juridiction a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La durée de protection mentionnée à l’article 10, combiné à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 93/98/CEE, est-elle applicable à des droits d’auteur qui étaient initialement protégés par la législation nationale sur le droit d’auteur, mais qui se sont éteints avant le 1er juillet 1995 faute d’avoir satisfait ou d’avoir satisfait à temps à une exigence formelle, plus particulièrement à l’absence de dépôt ou de dépôt à temps d’une déclaration de maintien telle que visée à l’article 21, [troisième alinéa], de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles [avant son abrogation] ?

2)      Si la réponse à la première question est affirmative :

La directive 93/98/CEE doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui implique que le droit d’auteur sur une œuvre des arts appliqués qui s’est éteint avant le 1er juillet 1995 pour n’avoir pas satisfait à une exigence formelle est à considérer comme définitivement éteint ?

3)      Si la réponse à la deuxième question est affirmative :

Si le droit d’auteur en question doit être réputé être ou avoir été restauré à un moment quelconque selon la législation nationale, à partir de quelle date cette restauration est-elle intervenue ? »

III – Procédure devant la Cour et arguments des parties

A –    Procédure

32.      La décision de renvoi a été enregistrée au greffe de la Cour le 13 avril 2015.

33.      Les parties à la procédure principale, le gouvernement portugais et la Commission européenne ont présenté des observations écrites dans le délai indiqué à l’article 23, paragraphe 2, du statut de la Cour de justice.

34.      Lors de l’audience du 10 mars 2016, les représentants de Montis, de Goossens et de la Commission ont comparu.

B –    Synthèse des observations présentées

35.      Selon Montis, les questions posées par le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux) doivent être étendues à l’article 17 de la directive 98/71 et recevoir une réponse en ce sens que cet article s’oppose à l’article 21, troisième alinéa, de la LDBM (avant son abrogation), de sorte que les droits d’auteur ont été rétablis le 17 novembre 1998 (à savoir à la date de l’entrée en vigueur de la directive 98/71).

36.      À titre subsidiaire, Montis soutient que l’article litigieux de la LBDM est dépourvu d’effets car il est contraire à l’article 7, paragraphe 4, combiné à l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Berne, partant, ses droits d’auteur n’auraient pas expiré le 19 avril 1993. À titre encore plus subsidiaire, Montis affirme que les obligations de la convention de Berne relèvent des « dispositions nationales » de l’article 10, paragraphe 2, visées par la directive 93/98. De cette prémisse, Montis déduit que les droits d’auteur auraient été rétablis le 1er juillet 1995, date limite pour la transposition de cette directive dans les ordres juridiques internes.

37.      Goossens estime, en résumé, qu’il n’existait pas, au 1er juillet 1995, de droits d’auteur protégés dans l’Union sur les sièges Charly et Chaplin, de sorte qu’ils ne pouvaient pas renaître par effet de la directive 93/98. Cette partie soutient en outre que la jurisprudence de la Cour (notamment les arrêts rendus dans les affaires Sony Music Entertainment (16) et Butterfly Music (17)) n’est pas pertinente pour juger cette affaire, car elle porte sur des hypothèses dans lesquelles les droits litigieux étaient protégés dans un autre État membre de l’Union, et leur extinction était due à la fin du délai de protection, et non, comme en l’espèce, au non-respect d’une formalité.

38.      Par ailleurs, Goossens estime, concernant l’arrêt Flos (18), que l’harmonisation du délai de protection ne couvre pas les modalités de son exercice, partant la directive 93/98 n’est pas contraire à l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation).

39.      Au mieux, selon Goossens, la restauration des droits d’auteur sur les sièges Charly et Chaplin aurait eu lieu le 1er décembre 2003, c’est-à-dire le jour où l’article 21 de la LBDM a été abrogé. L’obligation de sécurité juridique s’oppose à prendre le 1er juillet 1995 comme date de la restauration des droits. Elle propose donc à la Cour de répondre négativement à la première question préjudicielle, ce qui rendrait inutile de se prononcer sur les deux suivantes.

40.      Le gouvernement portugais affirme que le principe du rétablissement des droits d’auteur est contraire aux objectifs de la directive 93/98, mais, dans l’hypothèse où la Cour n’accepterait pas cette position, il estime que le rétablissement des droits d’auteur éteints a lieu, en vertu de cette directive, quel que soit le motif de leur extinction, d’autant plus si ce motif était contraire à la convention de Berne. C’est pourquoi il suggère de répondre à la troisième question en ce sens que la date de rétablissement des droits d’auteur de Montis est le 1er juillet 1995.

41.      La Commission ne partage pas l’avis de la juridiction de renvoi, qui réduit le rétablissement des droits d’auteur à des hypothèses dans lesquelles la période de protection prévue par le droit national préalable à la directive est épuisée (à condition que celle-ci soit inférieure à celle prévue par la directive, à savoir 70 ans). Pour la Commission, la jurisprudence nie toute pertinence à la cause d’expiration des droits d’auteur, partant la directive 93/98 s’applique également lorsque ceux-ci ont été éteints pour cause de non-respect d’une formalité.

42.      La Commission affirme que le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux) a tort lorsqu’elle détermine l’existence des droits d’auteur en se fondant exclusivement sur le droit national, du fait que celui-ci réglemente leur durée avant l’entrée en vigueur de la directive. Selon elle, l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 permet deux options pour le rétablissement des droits d’auteur sur les sièges Charly et Chaplin : soit Montis établit que ceux-ci étaient en vigueur dans un État membre au 1er juillet 1995, soit elle peut invoquer la protection conférée par la directive 92/100.

43.      En tout état de cause, la Commission souligne le caractère contraire à la convention de Berne de l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation) et déclare que maintenir l’effet extinctif (pour les droits d’auteur) du défaut de déclaration exigée à cet article de la LBDM est incompatible non seulement avec les objectifs de la directive 93/98, mais également avec le droit fondamental à la propriété, protégé par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui couvre la propriété intellectuelle. En somme, la Commission propose de répondre à la juridiction de renvoi que la directive 93/98 s’applique, à compter du 1er juillet 1995, aux droits d’auteur comme ceux du présent cas d’espèce, qui ont été éteints parce que leur titulaire n’a pas respecté une obligation formelle.

IV – Analyse des questions préjudicielles

A –    Précisions liminaires

44.      Tout d’abord, je renverrai à la demande de Montis (19) d’élargir l’examen des questions préjudicielles à l’analyse de l’article 17 de la directive 98/71, que, selon moi, la Cour ne devrait pas accueillir.

45.      Bien qu’il s’agisse de notions très connues, je rappellerai que la procédure instaurée par l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (20). La Cour a déclaré que son dialogue avec les juridictions nationales est engagé par l’intermédiaire d’une procédure non contentieuse, étrangère à toute initiative des parties et au cours de laquelle celles-ci sont seulement invitées à se faire entendre. La faculté de déterminer les questions à soumettre à cette dernière étant dévolue au seul juge national, les parties ne sauraient en changer la teneur (21).

46.      Le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux) n’a pas été saisie d’une question du Hoge Raad der Nederlander (Cour suprême des Pays-Bas) concernant l’article 17 de la directive 98/71 (22), et elle ne fait pas de renvoi à cette directive dans ses questions préjudicielles, pas plus que ne le font les autres parties à la procédure. Même lorsque, en hypothèse, la Cour pourrait reformuler les questions qui lui sont adressées, afin de fournir à la juridiction de renvoi d’autres éléments de jugement, je ne pense pas que la demande de Montis puisse être acceptée, car en l’espèce il n’y a pas suffisamment d’éléments pour apporter une réponse à cette question concernant l’article 17 de la directive 98/71. Je propose en conséquence de ne pas élargir l’objet du débat au-delà du libellé des questions préjudicielles.

47.      La deuxième précision porte sur les droits d’auteur de Montis sur les sièges, dont l’existence, en ce qui concerne ces droits, n’est pas discutée dans la procédure principale. Bien que leur restauration soit contestée sur le fondement de la directive 93/98, aucune des parties – ni la juridiction a quo – n’a mis en doute le fait que le siège Charly et la chaise Chaplin réunissaient les caractéristiques pour être protégés par les règles sur les dessins et les modèles, ainsi que par les règles en matière de protection de droits d’auteur, conformément au principe de cumul prévu dans la législation du Benelux et à l’article 17 de la directive 98/71.

48.      Cette deuxième observation revêt une importance certaine car, sur un plan plus général, il n’est pas aisé de discerner lorsqu’un objet (en l’espèce, une chaise ou un fauteuil) peut être qualifié d’« œuvre artistique » susceptible, par ses caractéristiques particulières, de bénéficier de la protection inhérente aux droits d’auteur. La Cour n’aura pas à affronter cette problématique (très dépendante, en outre, des estimations de fait sur l’originalité et le niveau de créativité de chaque élément, par rapport aux caractéristiques fonctionnelles de l’objet) car, je le répète, dans le litige a quo, il n’est pas contesté que le fauteuil Charly et la chaise Chaplin relèvent de la protection des droits d’auteur. Il y a lieu de signaler que l’article 17 de la directive 98/71 accorde aux États membres la capacité de déterminer « la portée et les conditions d’obtention de cette protection, y compris le degré d’originalité requis », si leur législation confère aux dessins ou aux modèles la protection propre aux droits d’auteur.

49.      La troisième précision touche à la manière dont la juridiction de renvoi a formulé ses questions. Pour les raisons que j’exposerai ci‑après, je ne pense pas que la réponse à la deuxième question dépende nécessairement d’une réponse affirmative donnée à la première question.

50.      Sans reconnaître cette prétendue interdépendance dans les termes utilisés par la juridiction de renvoi, je commencerai par analyser l’applicabilité de la directive 93/98 au présent cas d’espèce. À cette fin, il convient d’interpréter son article 10, paragraphe 2. Cet examen servira de base pour étudier, par la suite, la compatibilité de la condition formelle litigieuse (la déclaration de maintien de l’article 21 de la LBDM avant son abrogation) avec la directive 93/98. Enfin, il faudra préciser, le cas échéant, la date à laquelle les droits d’auteur, objet du litige principal, sont restaurés.

B –    Sur l’interprétation de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 et son application au litige

1.      Réflexions générales

51.      Il résulte du considérant 11 de la directive 93/98 (23) que le législateur de l’Union a harmonisé la durée des droits d’auteur, et de quelques droits voisins, pour instaurer un niveau de protection élevé, répondant à la fois aux exigences du marché intérieur et au besoin de créer un environnement juridique propice au développement harmonieux de la créativité littéraire et artistique dans l’Union.

52.      Ainsi, le législateur a fixé comme délais valides, pour toute l’Union, celui de la vie de l’auteur et 70 ans post mortem auctoris tant pour les œuvres littéraires et artistiques que pour les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles (24), ainsi que 50 ans à compter de la date de représentation ou d’exécution pour les artistes interprètes ou exécutants, ou à partir de l’enregistrement, pour les producteurs de phonogrammes (25).

53.      En ce qui concerne le calcul de ces délais, l’article 8 de la directive 93/98 disposait qu’il commençait à compter du 1er janvier de l’année suivant le fait générateur du droit d’auteur ou du droit voisin.

54.      Dans ce contexte, et avec le même objectif d’harmoniser les délais de protection, l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 a introduit une règle qui restaurait les droits d’auteur dans des États membres où ils étaient tombés dans le domaine public, dans deux situations alternatives : a) lorsque, au 1er juillet 1995 (26), ils étaient encore protégés dans au moins un État membre, ou b) lorsque l’objet remplissait les conditions pour se prévaloir de la protection conformément à la directive 92/100.

55.      L’idée sous-jacente était, en synthèse, que la renaissance (27) du droit d’auteur dans les États membres dans lesquels il n’était plus protégé unifierait la période de protection pour la période obligatoire jusqu’à atteindre la limite maximale fixée par la directive 93/98. On éviterait ainsi les distorsions que la disparité des délais provoquait dans la libre circulation des marchandises, la libre prestation de services et la concurrence (28).

56.      Si la première condition (à savoir la continuité de la protection dans au moins un État membre avant le 1er juillet 1995) a été examinée par la Cour, ainsi que je l’exposerai ci-après, il n’en va pas de même pour la seconde. En outre il n’est certes pas facile d’interpréter à quel moment une œuvre remplit « les critères pour se prévaloir de la protection conformément à la directive 92/100 ».

2.      Sur la première condition

57.      Dans l’arrêt Butterfly Music (29), la Cour a interprété pour la première fois l’article 10 de la directive 93/98, et notamment son paragraphe 2 (30). La Cour a souligné que, conformément à ce paragraphe, l’application des délais de protection prévus pouvait avoir pour conséquence, dans les États membres dont la législation prévoyait un délai de protection moins long, que des œuvres ou des thèmes passés dans le domaine public soient à nouveau protégés.

58.      La Cour reconnaissait en même temps que cette conséquence résultait de la volonté expresse du législateur communautaire (31), en confirmant qu’il s’agissait d’atteindre le plus rapidement possible l’objectif d’harmonisation des législations nationales régissant les durées de protection du droit d’auteur et des droits voisins (32), et d’éviter que certains droits soient éteints dans certains États membres alors qu’ils sont protégés dans d’autres (33).

59.      Cette exégèse a été précisée dans l’arrêt Sony Music Entertainment, lorsque la Cour a jugé que la première condition de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 impliquait l’existence préalable d’une protection de l’objet dans au moins un État membre, bien que celui-ci ne soit pas nécessairement celui dans lequel le droit est revendiqué (34). La Cour a ajouté que le délai harmonisé s’applique également lorsque l’objet du droit d’auteur n’a jamais été protégé dans l’État membre où cette protection est réclamée (35).

60.      Enfin, dans l’arrêt Flos (36), la Cour a reconnu tout d’abord le principe du cumul de la protection des droits d’auteur et des dessins et modèles (37) avant de refuser aux États membres la faculté de réglementer la durée de la protection des droits d’auteur, au motif que la directive 93/98 l’avait déjà déterminée (38). La Cour a conclu qu’« en vertu de l’article 17 de la directive 98/71, les dessins ou modèles qui ont fait l’objet d’un enregistrement dans ou pour un État membre et qui remplissaient les conditions d’obtention de la protection par le droit d’auteur prévues par les États membres, notamment celle relative au degré d’originalité, et pour lesquels la durée fixée à l’article 1er de la directive 93/98, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 2, de celle-ci, n’avait pas encore pris fin, devaient bénéficier de la protection par le droit d’auteur de cet État membre » (39).

61.      En transposant cette jurisprudence au cas des sièges Charly et Chaplin et en admettant l’aptitude de ces deux objets à bénéficier de la protection des droits d’auteur (ce que, je le répète, personne n’a mis en cause), l’effet « restaurateur » de la directive 93/98 devrait s’appliquer aux droits d’auteur de Montis s’il était établi qu’au 1er juillet 1995 ses droits étaient encore protégés dans un État membre, que ce soit aux Pays‑Bas ou dans un autre État.

62.      Néanmoins, pour répondre à une question formulée lors de l’audience, et portant sur le fait de savoir si les sièges étaient protégés par des droits d’auteur dans un État membre (car il semblait que la validité de ces droits était discutée en Allemagne d’après les documents présentés), Montis tout comme Goossens ont répondu par un « non » catégorique.

63.      Il convient donc de partir du fait établi qu’au 1er juillet 1995, les sièges Charly et Chaplin n’étaient protégés par les droits d’auteur dans aucun pays de l’Union. Partant, Montis ne saurait invoquer l’effet rétroactif de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 en se fondant sur la première condition qui le déclenche (40).

3.      À propos de la seconde condition

64.      Les problèmes d’interprétation sont plus importants en ce qui concerne la seconde condition pour la mise en œuvre des délais de protection prévus dans la directive 93/98, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, dont l’incise finale renvoie à la directive 92/100. J’ai déjà indiqué qu’il n’existait pas de jurisprudence à ce sujet.

65.      Le libellé de cette incise et la lecture postérieure de la directive 92/100 créent une certaine confusion, car il n’est pas facile d’identifier les « critères de protection » qui sont prétendument indiqués dans cette incise (41). En réalité, la directive 92/100 énonçait à son article 2 uniquement les titulaires et l’objet des droits de location et de prêt et autres droits voisins aux droits d’auteur, sur les œuvres protégées par ces derniers (42).

66.      Bien que dans certaines hypothèses la directive 92/100 mentionne certains critères qui doivent être respectés, comme dans l’hypothèse du producteur cinématographique (article 2, paragraphe 1, quatrième tiret) (43), dans d’autres elle ne les précise pas, comme pour le cas du producteur de phonogrammes (article 2, paragraphe 1, troisième tiret). Cependant, dans toutes les hypothèses, les conditions générales de protection inscrites dans la directive doivent être réunies (44), notamment celle de la durée de protection de l’article 12 (45).

67.      En ce qui concerne la présente affaire, il convient de souligner que l’article 13, paragraphe 1, de la directive 92/100 limitait également la renaissance des droits qu’elles reconnaissaient aux droits « dont la protection par la législation des États membres sur le droit d’auteur ou les droits voisins n’a pas encore pris fin le 1er juillet 1994, ou qui répondent à cette date aux critères de protection prévus par les dispositions de la présente directive » (46).

68.      Une perspective historique permet peut-être une meilleure compréhension : la directive 92/100 a obligé pour la première fois les États membres à protéger certains droits qui soit n’étaient pas protégés dans tous les États, soit n’étaient protégés dans aucun d’entre eux (47). Le plus manifeste est celui du droit de l’artiste exécutant par rapport aux fixations de ses exécutions (48), qui a été introduit par la directive 92/100.

69.      Au regard de ces indices, et revenant à la directive 93/98, il semble que le renvoi effectué par l’article 10, paragraphe 2, in fine, à la directive 92/100 doit être compris en ce qu’il corrobore – et, le cas échéant, amplifie – la protection conférée aux droits d’auteur et aux droits voisins sur les œuvres ou les objets qui en bénéficiaient déjà au 1er juillet 1994, ou qui auraient dû bénéficier de cette protection si les États membres respectifs avaient transposé la directive 92/100 dans leur ordre juridique national (49).

70.      La directive 93/98 ne cherchait pas le rétablissement rétroactif des droits d’auteur et d’objets qui seraient venus accroître le domaine public des États membres, car cette mesure n’était pas obligatoire pour le bon fonctionnement du marché intérieur (50). Son seul objectif était que sa protection atteigne les droits et les objets qui, alternativement, continuaient à survivre dans un État membre quelconque au 1er juillet 1995 ou auraient dû pouvoir bénéficier de cette protection conformément à la directive 92/100. Son dessein était donc, ainsi que je l’ai rappelé, d’unifier le délai de protection dans toute l’Union et d’éviter ainsi les distorsions générées par la disparité des délais de protection nationaux (51).

71.      En tout état de cause, Montis réclame la restauration de ses droits d’auteur et la protection qu’ils confèrent à ses sièges, mais aucun droit de location ou de prêt ni aucun autre droit d’auteur (ou droit voisin) parmi ceux qui sont spécifiquement prévus par la directive 92/100. Partant, elle n’a pas non plus qualité pour invoquer le renvoi de l’article 10, paragraphe 2, in fine, de la directive 93/98.

4.      Sur l’éventuel renvoi à la directive 98/71

72.      Lors de l’audience, il a été établi que les parties partageaient une certaine interprétation souple et dynamique du renvoi effectué par l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 à la directive 92/100, en ce sens que cet article était étendu à toutes les normes d’harmonisation des droits de propriété intellectuelle, y compris aux dessins et aux modèles, dont la protection juridique à l’échelle de l’Union est réglementée par la directive 98/71. Ainsi, la protection des droits d’auteur parallèles au droit sur le modèle des sièges visés par le litige principal serait établie.

73.      Néanmoins, je ne suis pas convaincu par cette extension du champ d’application du renvoi discuté en l’espèce.

74.      Tout d’abord, d’un point de vue purement formel, l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/116 reprend l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 dans un libellé identique, et laisse persister le renvoi à la directive 92/100. Cet élément suffirait à démontrer que le législateur n’a pas souhaité étendre le renvoi à d’autres types de droits de propriété intellectuelle. En effet, en adoptant en 2006 la directive de codification précitée, il aurait pu avoir élargi sans difficulté ce renvoi à la directive 98/71 sur la protection des modèles déjà en vigueur à l’époque, ce qu’il n’a pas fait.

75.      Néanmoins de surcroît, d’un point de vue matériel, il était logique que la directive 2006/116 comprenne exactement le même renvoi à la directive 92/100 car la durée des droits protégés par celle-ci, initialement fondée sur des périodes minimales, avait été substituée par la durée prévue aux articles 2 et 3 de la directive 93/98 (52). En d’autres termes, la réglementation du délai de validité des droits de la directive 92/100 se trouvait en réalité dans la directive 93/98. En conséquence, le report de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 92/100 dans la directive 2006/116 était indispensable pour garantir la durée de protection des droits réglementés par la directive 92/100, notamment dans les hypothèses où ces droits n’étaient pas reconnus dans tous les États membres.

76.      Or, en ce qui concerne la directive 98/71, d’une part, la durée de protection des droits sur les modèles est réglementée par l’article 10 et elle est conçue par période de cinq ans, autrement dit, elle est très différente de la durée de protection des droits d’auteur et des droits voisins ; d’autre part, le lien entre les droits sur les modèles et les droits d’auteur se faisait par l’intermédiaire de l’article 17, qui renvoie en substance au droit national. Dans ces circonstances, il n’y avait pas besoin non plus d’un renvoi appuyé à une interprétation très souple du renvoi à la directive 92/100, et l’on ne perçoit pas à quelle fin législative ce nouveau renvoi aurait obéi.

5.      Corollaire

77.      En résumé : a) Montis ne peut pas bénéficier de l’incise initiale de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 après avoir reconnu que ses droits d’auteur sur les sièges Charly et Chaplin n’étaient valides dans aucun pays de l’Union à la date demandée ; et b) elle ne peut pas non plus invoquer la protection de la directive 92/100 étant donné que le renvoi à celle-ci fait que l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98 est applicable non pas à cette modalité des droits d’auteur, mais seulement à ceux qui sont cités dans la directive 92/100. En outre, ainsi que nous l’avons indiqué, il n’y a pas lieu d’étendre le renvoi à la protection de la directive 98/71 sur les dessins et les modèles.

78.      Néanmoins, la directive 93/98 pourrait s’appliquer au cas des droits d’auteur de Montis dans l’hypothèse où l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation), en empêchant la renaissance des droits d’auteur, serait incompatible avec la directive 93/98 car contraire à l’objectif poursuivi par son article 10, paragraphe 2. Tel est précisément le sens de la deuxième question posée par le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux).

C –    Sur la compatibilité de l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation) avec la directive 93/98

79.      Le protocole (53) a abrogé, avec prise d’effets à compter du 1er décembre 2003, l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM et son corollaire, l’article 24 de la même loi. Les raisons de cette abrogation étaient, ainsi que je l’ai précédemment indiqué, que le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) les avait qualifiés de contraires à l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Berne (54) et que l’article 9 de l’accord ADPIC imposait aux États signataires le respect de cette convention.

80.      Cette décision semblait logique car la LBDM exigeait des personnes qui détenaient des droits d’auteur sur des modèles ou des dessins, dans l’hypothèse où elles souhaitaient les maintenir, qu’elles procèdent à une déclaration de conservation qu’il fallait présenter durant l’année précédant l’extinction de chaque période quinquennale de protection. La déclaration constituait en réalité l’une des formalités proscrites à l’article 5, paragraphe 2, de la convention de Berne et, partant, elle a été éliminée de la LBDM.

81.      En raison du lien entre la convention de Berne et le droit de l’Union au moyen de l’article 9, paragraphe 1, de l’accord ADPIC, il faut comprendre que l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation) était également, à compter de l’entrée en vigueur de l’accord ADPIC, incompatible avec le droit de l’Union.

82.      L’incompatibilité de l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation) avec le droit international et, par la suite, avec le droit de l’Union par l’intermédiaire du binôme accord ADPIC-convention de Berne ne tranche pas cependant la controverse relative à sa relation avec la directive 93/98.

83.      Goossens affirme que la directive 93/98 n’harmonisait pas les modalités d’exercice des droits d’auteur. Cette affirmation n’est pas tout à fait exacte, car l’article 8 de la directive 93/98 réglemente le calcul des délais, facteur qui affecte l’exercice de ces droits. Cependant, même si cette affirmation était correcte, elle ne permettrait pas de maintenir l’efficacité de l’article 21 de la LBDM (avant son abrogation) après l’entrée en vigueur de la directive 93/98.

84.      Même si l’harmonisation entreprise par la directive 93/98 ne recouvrait pas les aspects procéduraux de l’exercice des droits d’auteur sur les dessins et les modèles, il serait illogique – et absolument formaliste – d’accepter la persistance de l’article 21 de la LBDM (avant son abrogation) dans le contexte d’une protection élargie dans le temps (70 ans) pour les droits d’auteur, à l’instar de celle qui est instaurée par cette directive, laquelle oblige même au rétablissement des droits d’auteur déjà déchus.

85.      Si la directive 93/98 s’inspire des principes de base de la convention de Berne (à laquelle elle renvoie itérativement) (55), l’interdiction de subordonner les droits d’auteur à certaines formalités administratives constituant l’un d’entre eux, il serait difficilement acceptable que, après l’entrée en vigueur de la directive 93/98, l’obligation imposée à l’article 21 de la LBDM (avant son abrogation) perdure dans une réglementation nationale (en l’espèce, du Benelux) comme condition à l’existence de ces mêmes droits. Si cette formalité n’avait pas été exigée, ou si elle avait été éliminée à temps, le titulaire des droits d’auteur garantis par la directive 93/98 pourrait opter pour les bénéfices que celle-ci accorde, afin d’étendre sa durée de protection. La persistance de la condition de l’article 21 de la LBDM (avant son abrogation) éradiquait à la racine cette possibilité et ôtait donc tout effet utile à la directive 93/98.

86.      En outre, en limitant les droits d’auteur de cette manière, l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation) neutralisait l’efficacité de la directive 93/98, dans la mesure où il empêchait la réalisation des objectifs de son considérant 11 (56), à savoir atteindre un niveau de protection élevé et créer un environnement juridique favorable au développement harmonieux de la créativité littéraire et artistique.

87.      Je pense donc que l’effet utile de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98, après l’expiration de son délai de transposition, s’opposait à l’applicabilité d’une règle nationale comme l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation), en vertu duquel les droits d’auteur sur une œuvre, qui ont expiré avant le 1er juillet 1995 pour cause de non-respect d’une formalité, restaient considérés comme éteints.

88.      Cependant, il convient d’apporter deux nuances à cette interprétation. La première est que l’incompatibilité de l’article 21 de la LBDM avec la directive 93/98 se produit, comme précédemment indiqué, à compter de l’entrée en vigueur de celle-ci. On ne saurait soutenir en se fondant sur la directive 93/98 que l’article 21 de la LBDM (avant son abrogation) était incompatible avec celle-ci avant qu’elle n’ait d’existence juridique, alors même qu’il serait contraire à la convention de Berne, laquelle à l’époque était étrangère au droit de l’Union.

89.      La seconde nuance est que le litige entre Montis et Goossens étant un conflit entre personnes privées. Il y a lieu de rappeler au juge qui doit se prononcer en l’espèce l’absence d’effet direct horizontal des directives, y compris en ce qui concerne les règles claires, précises et inconditionnelles qui attribuent des droits ou imposent des obligations à des particuliers (57). La jurisprudence de la Cour oblige le juge national, dans ce contexte, à interpréter le droit national dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause, en tenant compte de l’intégralité du droit interne et en utilisant les méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci pour garantir la pleine efficacité de la directive et parvenir à une solution conforme à l’objectif poursuivi (58).

90.      L’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, et notamment dans ceux de sécurité juridique et de non-rétroactivité, en outre elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (59).

91.      Bien qu’il appartienne à la juridiction de renvoi de vérifier si elle peut interpréter le droit national, dans la période préalablement définie , conformément à la directive 93/98, si, comme je le suspecte, cela n’était pas réalisable, la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l’Union peut invoquer la jurisprudence relative à la réparation des dommages subis par cette circonstance, à condition que les conditions exigées par cette jurisprudence soient réunies (60).

92.      Enfin, en ce qui concerne l’éventuelle application directe de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, qui protège le droit de propriété intellectuelle, article auquel la Commission a renvoyé (61), il suffit de dire que les faits du litige remontent à une époque où la Charte n’avait pas d’effet juridique contraignant. J’estime en conséquence que la polémique sur la question de savoir si cet article de la Charte pourrait emporter pour les particuliers un droit subjectif au sens de la jurisprudence Kücükdeveci qui accepterait son application dans un litige entre personnes privées régi par la directive 93/98 est superflue (62).

93.      La législation nationale litigieuse, lorsqu’elle était en vigueur, ne pouvait donc pas enfreindre l’article 17, paragraphe 2, de la Charte, alors dépourvu d’effets juridiques. En tout état de cause, l’éventuelle violation du droit de propriété résultant des effets extinctifs de la condition formelle de l’article 21, troisième alinéa, de la LBDM (avant son abrogation) ne serait pas non plus imputable à la contrepartie dans le litige principal.

D –    Sur la date de rétablissement des droits d’auteur

94.      Les doutes relatifs au moment où les droits d’auteur sur le siège Charly et la chaise Chaplin ont été rétablis sont compréhensibles. Montis défend qu’il y a lieu de les faire rétroagir à la date à laquelle ils ont expiré, à savoir le 18 avril 1993. Toutefois, je ne pense pas qu’elle se soit fondée sur la directive 93/98 pour parvenir à cette conclusion, qui pourrait cependant être étayée par d’autres arguments.

95.      En effet, la juridiction nationale pourrait éventuellement estimer que l’abrogation de l’article 21 de la LBDM en vertu du protocole a eu des effets rétroactifs, de sorte que l’extinction des droits d’auteur résultant de cet article serait invalide ex tunc (sans préjudice des droits des tiers). Les juridictions des pays du Benelux pourraient également juger que, si leur droit le permet, l’incompatibilité de l’article 21 de la LBDM (avant son abrogation) avec la convention de Berne rendait non viable, encore une fois ex tunc, l’extinction des droits d’auteur pour le manquement aux formalités administratives. Dans les deux cas, plus que la renaissance des droits d’auteur perdus, il serait juridiquement constaté qu’ils ne se sont jamais éteints. Cependant, pour parvenir à une solution ou l’autre, ces juridictions ne pourraient selon moi pas compter sur l’aide de la Cour, qui est incompétente tant pour l’interprétation du droit national (dans cette affaire, la LBDM et le protocole qui l’abroge en partie) que pour la comparaison de celui-ci aux règles de droit international (la convention de Berne) lorsqu’elles ne faisaient pas partie du droit de l’Union.

96.      Selon moi, le rétablissement des droits d’auteur résultant de la directive 93/98 a eu lieu, du point de vue du droit de l’Union, le 1er juillet 1995, à savoir le jour prévu à l’article 10, paragraphe 2, combiné à l’article 13, paragraphe 1. Le législateur communautaire a précisé (article 13, paragraphe 1) que les États membres devaient adopter, avant ce jour, les mesures nécessaires pour s’adapter au nouveau régime unifié des droits d’auteur, y compris à l’éventuelle renaissance de ceux-ci (résultant de l’article 10, paragraphe 2). Il était en outre conscient des éventuels « actes d’exploitation effectués » par des tiers avant cette date, et il étendait la durée de la protection jusqu’à 70 ans, sans préjudice des droits des tiers et des droits acquis.

97.      Néanmoins, il me semble opportun de dissocier cette date de deux autres, la première étant celle du moment (le 19 avril 1993) où, sans solution de continuité, les droits d’auteur tombés dans le domaine public renaîtraient sans cause légalement admissible. Ce moment serait celui de la restauration si les juridictions néerlandaises déterminaient l’illégalité de la déclaration de maintien et jugeaient que, en la considérant comme non écrite, cette condition n’aurait pas existé. Dans cette hypothèse, la durée de 70 ans post mortem auctoris de protection des droits d’auteur serait applicable en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98, car les droits de Montis auraient été, en dépit de tout, en vigueur dans un État membre au 1er juillet 1995.

98.      La seconde date (63) est celle de l’entrée en vigueur du protocole qui a abrogé l’article 21 de la LBDM, le 1er décembre 2003. Comme il s’agit du droit du Benelux, qui est considéré de la même manière pour ce type de procédure que le droit national, il n’appartient pas à la Cour de l’interpréter. Si, ainsi que je le propose, la date de renaissance des droits d’auteur de Montis ne peut être, du point de vue du droit de l’Union, que le 1er juillet 1995, il incombe aux juridictions nationales de déterminer la valeur de l’entrée en vigueur du protocole et ses éventuels effets rétroactifs. Bien que l’exégèse de cette règle interne ne m’échoit pas, on pourrait peut-être en déduire que les droits restaurés de Montis seraient inopposables à des tiers jusqu’au 1er décembre 2003, ce qui m’amène à une dernière réflexion sur la protection des droits des tiers de bonne foi.

99.      Logiquement, en application de l’obligation claire posée à l’article 10, paragraphe 3, première phrase, de la directive 93/98, on ne saurait réclamer aucune compensation financière à ces tiers au motif de l’usage indu de ces droits avant leur date de rétablissement, le 1er juillet 1995. Néanmoins ce même article 10, paragraphe 3, deuxième phrase, enjoint aux États membres d’adopter des mesures de protection des droits acquis par des tiers, en leur concédant une marge d’appréciation très large pour légiférer.

100. Dans ces circonstances, sous réserve des points évoqués aux paragraphes qui précèdent, la réglementation des effets de l’abrogation de l’article 21 de la LBDM à compter du 1er décembre 2003 en vertu du protocole relève du droit national, tout comme la question de savoir si cette abrogation peut être qualifiée de mesure législative de cette nature, proportionnelle à la finalité recherchée par la directive. Étant donné que le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux) n’a pas expressément interrogé la Cour sur l’interprétation de l’article 10, paragraphe 3, de la directive 93/98, il n’y a pas lieu d’approfondir cet aspect du litige.

V –    Conclusion

101. Eu égard aux arguments précédemment exposés, je propose à la Cour de répondre aux questions posées par le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux) de la manière suivante :

1)      L’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins s’oppose à une règle nationale en vertu de laquelle les droits d’auteur sur une œuvre artistique qui, en raison du simple manquement à une formalité administrative, ont expiré avant le 1er juillet 1995 restent considérés comme éteints. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, dans les circonstances du litige entre particuliers dont elle est saisie, elle peut interpréter son droit conformément à la directive 93/98 et, le cas échéant, ne pas appliquer la règle nationale.

2)      L’article 10, paragraphe 2, combiné à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 93/98, doit être interprété en ce sens que les droits d’auteur qu’il vise sont rétablis au 1er juillet 1995.


1  – Langue originale : l’espagnol.


2 – La décision de procéder à un renvoi préjudiciel, du 13 décembre 2013, a été adoptée conformément à l’article 6 du traité, du 31 mars 1965, relatif à l’établissement et au statut d’une Cour de justice du Benelux).


3 – Signé à Bruxelles le 20 juin 2002.


4 – Directive du Conseil du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (JO 1993, L 290, p. 9).


5 – La version en français de ce texte peut être consultée sur le site http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/treaties/es/berne/trt_berne_001fr.pdf.


6 – Notamment par la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10).


7 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins (JO 2006, L 372, p. 12)


8 –      Directive du Conseil du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 1992, L 346, p. 61), telle que modifiée par la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006 (JO 2006, L 376, p. 28).


9 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO 1998, L 289, p. 28).


10 – Voir considérant 8 de la directive 98/71.


11 – Approuvé par la décision 94/800/CEE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986‑1994) (JO 1994, L 336, p. 1).


12 – Tractatenblad, no 1966, p. 13.


13 – En vertu de l’article 24, la déclaration prévue à l’article 21 devait être accompagnée du règlement de la taxe correspondante, dans le courant de l’année précédant l’extinction du droit exclusif sur le dessin ou le modèle.


14 – Aux termes du commentaire commun des gouvernements des pays du Benelux sur l’exigence de déclaration de maintien [cité par l’avocat général Timmerman au point 3.6 des conclusions qu’il a présentées devant le Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux)], « […] il est apparu indispensable de sanctionner avec suffisamment de sévérité l’absence de cette déclaration ; le droit d’auteur non déclaré prend fin en même temps que le droit sur le modèle, auquel il est joint ».


15 – Voir note 3 des présentes conclusions.


16 – Arrêt du 20 janvier 2009, Sony Music Entertainment (C‑240/07, EU:C:2009:19).


17 – Arrêt du 29 juin 1999, Butterfly Music (C‑60/98, EU:C:1999:333).


18 – Arrêt du 27 janvier 2011, Flos (C‑168/09, EU:C:2011:29).


19 – Voir point 35 supra.


20 – Voir arrêt du 15 septembre 2011, Unió de Pagesos de Catalunya (C‑197/10, EU:C:2011:590, point 16 et jurisprudence citée).


21 – Voir arrêt du 6 juillet 2000, ATB e.a. (C‑402/98, EU:C:2000:366, point 29 et jurisprudence citée).


22 – Néanmoins, Montis affirme dans ses observations (page 2, point 5) que dans le mémoire du 21 février 2014 remis au Benelux-Gerechtshof (Cour de justice du Benelux), elle a invoqué le rétablissement de ses droits d’auteur, en se fondant sur l’article 17 de la directive 98/71.


23 – Voir point 9 des présentes conclusions.


24 – Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la directive 93/98.


25 – Article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/98.


26 – Cette date résulte de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 93/98.


27 – On utilise indistinctement, pour exprimer le même phénomène juridique, les termes « rétablissement », « restauration » ou « renaissance du droit ».


28 – Voir considérant 3 de la directive 2006/116, citée à la note 7 des présentes conclusions. Les distorsions n’étaient pas purement hypothétiques, ainsi que cela a été démontré dans l’arrêt du 24 janvier 1989, EMI Electrola/Patricia Im- und Export e.a. (341/87, EU:C:1989:30).


29 – Arrêt du 29 juin 1999, Butterfly Music (C‑60/98, EU:C:1999:333).


30 – La question de la juridiction de renvoi concernait la protection des droits acquis par des tiers, et portait donc sur l’article 10, paragraphe 3.


31 – Elle a déduit cette volonté de la comparaison de la proposition initiale de la Commission (aux termes de laquelle ces dispositions s’appliqueraient « aux droits qui n’auraient pas expiré au 31 décembre 1994 ») avec les modifications introduites par le Parlement européen dans la nouvelle rédaction qui, aux points essentiels, ont été reprises dans la version finale de la directive 93/98. Voir arrêt du 29 juin 1999, Butterfly Music (C‑60/98, EU:C:1999:333, points 18 et 19).


32 – Objectif énoncé au considérant 2 de la directive 93/98.


33 – Arrêt du 29 juin 1999, Butterfly Music (C‑60/98, EU:C:1999:333, point 20).


34 – Arrêt du 20 janvier 2009, Sony Music Entertainment (C‑240/07, EU:C:2009:19, point 22).


35 – Arrêt du 20 janvier 2009, Sony Music Entertainment (C‑240/07, EU:C:2009:19, point 25).


36 – Arrêt du 27 janvier 2011, Flos (C‑168/09, EU:C:2011:29).


37 – Arrêt du 27 janvier 2011, Flos (C‑168/09, EU:C:2011:29, points 37 et 38).


38 – Arrêt du 27 janvier 2011, Flos (C‑168/09, EU:C:2011:29, point 39).


39 – Arrêt du 27 janvier 2011, Flos (C‑168/09, EU:C:2011:29, point 41).


40 – Cette situation reste inchangée par le fait que, selon Montis, la preuve de cette validité en Allemagne ait pu être apportée dans le cadre d’un autre litige avec un tiers, car cette question préjudicielle est un incident procédural dans le litige qui est présenté devant le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), dans le cadre duquel il n’est plus possible de discuter des faits ni d’apporter de nouvelles preuves.


41 – La Commission a admis, lors de l’audience, que la directive 92/100 ne contenait pas les « critères de protection » auxquels renvoie l’incise finale de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 93/98.


42 – Il renvoie concrètement aux droits exclusifs d’autorisation ou d’interdiction de la location ou du prêt, qui peuvent revenir : à l’auteur (pour l’original et les copies de ses œuvres) ; à l’artiste interprète ou exécutant (pour les fixations de ses prestations), au producteur de phonogrammes (pour ses phonogrammes) et au producteur de la première fixation d’un film (pour l’original et les copies de ses films).


43 – Il doit s’agir de la première fixation d’un film, qui est également définie à cet article, et les droits s’étendent uniquement à l’original et aux copies.


44 – Pour les producteurs de phonogrammes le minimum serait de 20 ans, aux termes du renvoi à l’article 14 de la convention de Rome sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion, du 26 octobre 1961 (version en français sur le site http://www.wipo.int/treaties/fr/text.jspfile_id=289758).


45 – Reinbothe, J., von Lewinski, S., The EC Directive on Rental and Lending Rights and on Piracy, Londres, 1993, p. 120.


46 – Mise en italique par nos soins.


47 – Voir Livre vert de la Commission des Communautés européennes « Green paper on Copyright and the Challenge of Technology – Copyright Issues Requiring Immediate Action » [COM(88) 172 final, p. 159].


48 – Article 2, paragraphe 1, deuxième tiret, de la directive 92/100.


49 – Walter, M. M, « Term Directive – Article 10 Application in Time », dans Walter, M. M, von Lewinski, S., European Copyright Law – A Commentary, Oxford, 2010, p. 622.


50 – Jorna, K., Martin-Prat, M., « New Rules for the game in the European copyright field and their impact on existing situations », European intellectual Property Review (EIPR), 1994, p. 148.


51 – Voir, en ce qui concerne la libre circulation des marchandises, arrêt du 17 mai 1988, Warner Brothers e.a./Christiansen (158/86, EU:C:1988:242, points 10 à 16).


52 – Aux termes de son article 11, qui abroge expressément les articles 11 et 12 de la directive 92/100, dans lesquels était établie cette durée « minimale » dans l’attente d’une « harmonisation ultérieure » qui a été introduite par la directive 93/98 (voir considérant 16).


53 – Voir à nouveau note 3 des présentes conclusions.


54 – Reproduit au point 17 des présentes conclusions. En vertu de cet article, la jouissance et l’exercice des droits d’auteur ne sont subordonnés à aucune formalité.


55 – Voir considérants 1, 5, 12, 14, 17 et 22, ainsi qu’articles 1 et 7.


56 – Retranscrit au point 9 des présentes conclusions.


57 – Voir arrêt du 7 juin 2007, Carp (C‑80/06, EU:C:2007:327, point 20 et jurisprudence citée).


58 – Arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 113 et jurisprudence citée), ainsi que du 15 septembre 2011, Franz Mücksch (C‑53/10, EU:C:2011:585, point 29 et jurisprudence citée).


59 – Arrêt du 23 avril 2009, Angelidaki e.a. (C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 199 et jurisprudence citée).


60 – Les conditions cumulatives pour la naissance de la responsabilité sont, en synthèse, que a) la directive doit avoir pour objet d’attribuer des droits aux particuliers ; b) le contenu de ces droits doit pouvoir être déterminé en se fondant sur les dispositions de la directive, et c) il doit y avoir un lieu de causalité entre le manquement à l’obligation qui incombe à l’État membre et le dommage subi. Voir arrêts du 24 janvier 2012, Domínguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 43), ainsi que du 23 avril 2009, Angelidaki e.a. (C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, point 202 et jurisprudence citée).


61 – La Commission soutient, au point 45 de ses observations, que la limitation du droit de propriété intellectuelle devrait respecter en tout état de cause son contenu essentiel, en renvoyant aux arrêts du 24 novembre 2011, Scarlet Extended (C‑70/10, EU:C:2011:771, point 43), et du 16 juillet 2015, Coty Germany (C‑580/13, EU:C:2015:485, point 35). Cependant, il ne semble pas qu’une règle qui introduit à titre exceptionnel une renaissance rétroactive des droits d’auteur, après qu’ils sont tombés dans le domaine public, fasse partie du cœur du droit de la propriété.


62 – Arrêt du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C‑555/07, EU:C:2010:21, point 56).


63 – Montis a suggéré une troisième date, le 17 novembre 1998, soit celle de l’entrée en vigueur de la directive 98/71. Pour les raisons exposées aux points 44 et suiv., le débat n’étant pas étendu à l’éventuelle incidence de ladite directive, j’estime qu’il n’y a pas lieu de s’y intéresser.