ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

9 novembre 2017 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Service public de radiodiffusion – Mesures prises par les autorités danoises à l’égard du radiodiffuseur danois TV2/Danmark – Notion d’“aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État” – Arrêt Altmark »

Dans l’affaire C‑649/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 décembre 2015,

TV2/Danmark A/S, établie à Odense (Danemark), représentée par Me O. Koktvedgaard, advokat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. T. Maxian Rusche et B. Stromsky ainsi que par Mme L. Grønfeldt, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Royaume de Danemark, représenté par M. C. Thorning, en qualité d’agent, assisté de Me R. Holdgaard, advokat,

Viasat Broadcasting UK Ltd, établie à West Drayton (Royaume-Uni), représentée par Mes S. Kalsmose-Hjelmborg et M. Honoré, advokater,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Arabadjiev, S. Rodin et E. Regan, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, TV2/Danmark A/S demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2015, TV2/Danmark/Commission (T‑674/11, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:684), par lequel celui-ci a, d’une part, annulé la décision 2011/839/UE de la Commission, du 20 avril 2011, concernant les mesures prises par le Danemark (C 2/03) à l’égard de TV2/Danmark (JO 2011, L 340, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »), en ce que la Commission avait considéré que les recettes publicitaires des années 1995 et 1996 versées à TV2/Danmark par l’intermédiaire du Fonds TV2 constituaient des aides d’État, et, d’autre part, rejeté, pour le surplus, son recours.

 Les faits à l’origine du litige

2        TV2/Danmark est une société de radiodiffusion danoise qui a été créée en 1986. Établie d’abord sous la forme juridique d’une entreprise étatique autonome, elle a été transformée, avec effets comptable et fiscal au 1er janvier 2003, en société anonyme. TV2/Danmark est la deuxième station de télévision publique au Danemark, la première étant Danmarks Radio.

3        La mission de TV2/Danmark consiste à produire et à diffuser des programmes de télévision nationaux et régionaux. Cette diffusion peut se faire notamment par des installations radio, par satellite ou par câble. Les obligations de service public qui incombent à TV2/Danmark sont fixées par le ministre de la Culture.

4        Outre les radiodiffuseurs publics, des radiodiffuseurs commerciaux sont présents sur l’ensemble du marché danois de la télévision. Il s’agit, notamment, d’une part, de Viasat Broadcasting UK Ltd (ci-après « Viasat ») et, d’autre part, de l’ensemble formé par SBS TV A/S et SBS Danish Television Ltd (ci-après « SBS »).

5        TV2/Danmark a été à l’origine constituée à l’aide d’un prêt étatique à intérêt et son activité devait, à l’instar de celle de Danmarks Radio, être financée à l’aide du produit de la redevance payée par tous les téléspectateurs danois. Le législateur a, toutefois, décidé que, contrairement à Danmarks Radio, TV2/Danmark aurait également la possibilité de bénéficier, notamment, du produit de l’activité publicitaire.

6        À la suite d’une plainte déposée, le 5 avril 2000, par SBS Broadcasting SA/Tv Danmark, le système de financement de TV2/Danmark a fait l’objet d’un examen par la Commission dans sa décision 2006/217/CE, du 19 mai 2004, concernant les mesures prises par le Danemark en faveur de TV2/Danmark (JO 2006, L 85, p. 1, et rectificatif JO 2006, L 368, p. 112, ci-après la « décision TV2 I »). Cette décision couvrait la période allant de l’année 1995 à l’année 2002 et portait sur les mesures suivantes : les ressources tirées de la redevance, les transferts des fonds chargés du financement de TV2/Danmark (Fonds TV2 et Radiofonden), des sommes accordées ad hoc, l’exonération de l’impôt sur les sociétés, l’exemption du paiement des intérêts et du remboursement du capital des prêts accordés à TV2/Danmark lors de sa constitution, la garantie de l’État pour les prêts de fonctionnement ainsi que les conditions favorables de paiement de la redevance due par TV2/Danmark pour l’utilisation de la fréquence de transmission nationale (ci-après, prises ensemble, les « mesures concernées »). Enfin, l’enquête de la Commission a porté également sur l’autorisation accordée à TV2/Danmark d’émettre sur des fréquences locales en réseau et sur l’obligation de tous les propriétaires d’antennes communales de diffuser les programmes de service public de TV2 sur leurs installations.

7        Au terme de l’examen des mesures concernées, la Commission a estimé qu’elles constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au motif que le régime de financement de TV2/Danmark, qui visait à compenser le coût des prestations de service public de cette entreprise, ne remplissait pas la deuxième et la quatrième des quatre conditions établies par la Cour dans son arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, ci-après, s’agissant de ces conditions, les « conditions Altmark »).

8        La Commission a en outre décidé que lesdites aides, accordées entre l’année 1995 et l’année 2002 par le Royaume de Danemark à TV2/Danmark, étaient compatibles avec le marché intérieur conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, à l’exception d’un montant de 628,2 millions de couronnes danoises (DKK) (environ 85 millions d’euros) qu’elle a qualifié de « surcompensation ». Elle a ainsi ordonné au Royaume de Danemark la récupération de ce montant avec intérêts auprès de TV2/Danmark.

9        La décision TV2 I a fait l’objet de quatre recours en annulation introduits, d’une part, par TV2/Danmark (affaire T‑309/04) et par le Royaume de Danemark (affaire T‑317/04) et, d’autre part, par les concurrents de TV2/Danmark, Viasat (affaire T‑329/04) et SBS (affaire T‑336/04).

10      Par un arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission (T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457), le Tribunal a annulé ladite décision. Dans son arrêt, le Tribunal a considéré que c’était à bon droit que la Commission avait estimé que la mission de service public confiée à TV2/Danmark correspondait à la définition des services d’intérêt économique général de la radiodiffusion. Toutefois, il a également constaté l’existence de plusieurs illégalités entachant la décision TV2 I.

11      Ainsi, premièrement, en examinant la question de savoir si les mesures visées par la décision TV2 I engageaient des ressources étatiques, le Tribunal a constaté que la Commission, aux fins de la qualification ou non en tant que ressources d’État, n’avait pas motivé son appréciation quant à la prise en considération, de facto, des recettes publicitaires des années 1995 et 1996. Deuxièmement, le Tribunal a constaté que l’examen, par la Commission, de la question de savoir si les deuxième et quatrième conditions Altmark étaient remplies ne s’appuyait pas sur une analyse sérieuse des conditions juridiques et économiques concrètes au regard desquelles le montant de la redevance revenant à TV2/Danmark avait été déterminé. Par conséquent, la décision TV2 I était entachée d’un défaut de motivation sur ce point. Troisièmement, le Tribunal a constaté que les appréciations de la Commission relatives à la compatibilité de l’aide au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, en particulier à l’existence d’une surcompensation, étaient, elles aussi, entachées d’un défaut de motivation. Selon le Tribunal, ce défaut de motivation résultait de l’absence d’examen sérieux des conditions concrètes, juridiques et économiques ayant présidé à la détermination du montant de la redevance revenant à TV2/Danmark durant la période d’enquête.

12      À la suite de l’annulation de la décision TV2 I, la Commission a réexaminé les mesures concernées. À cette occasion, elle a consulté le Royaume de Danemark et TV2/Danmark et a, par ailleurs, reçu des observations des parties tierces.

13      Au terme de cet examen, la Commission a adopté la décision litigieuse.

14      Cette décision porte sur les mesures prises à l’égard de TV2/Danmark entre l’année 1995 et l’année 2002. Cependant, lors de son examen, la Commission a également tenu compte des mesures de recapitalisation prises au cours de l’année 2004 à la suite de la décision TV2 I.

15      Dans la décision litigieuse, la Commission a maintenu sa position quant à la qualification d’« aides d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures concernées. Dans un premier temps, elle a considéré que les recettes publicitaires pour les années 1995 et 1996 constituaient des ressources d’État et, dans un second temps, en vérifiant l’existence d’un avantage sélectif, elle a estimé que les mesures concernées ne remplissaient pas les deuxième et quatrième conditions Altmark. En revanche, alors que, dans la décision TV2 I, la Commission avait considéré que la somme de 628,2 millions de DKK (environ 85 millions d’euros) constituait une surcompensation incompatible avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE, elle a, dans la décision litigieuse, estimé que cette somme était une réserve de fonds propres appropriée pour TV2/Danmark. Dans le dispositif de cette décision, elle a déclaré ce qui suit :

« Article premier

Les mesures prises par le Danemark entre 1995 et 2002 en faveur de TV2/Danmark, sous la forme des ressources tirées de la redevance et des autres mesures faisant l’objet de la présente décision, sont compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 106, paragraphe 2, [TFUE] ».

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

16      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 30 décembre 2011, TV2/Danmark a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse.

17      À titre principal, TV2/Danmark a demandé au Tribunal d’annuler la décision litigieuse, en tant que la Commission avait considéré que les mesures concernées constituaient des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

18      À titre subsidiaire, TV2/Danmark a demandé au Tribunal d’annuler la décision litigieuse, dans la mesure où la Commission avait estimé que :

–        les mesures concernées constituaient toutes des aides nouvelles ;

–        les ressources tirées de la redevance qui ont été, de l’année 1997 à l’année 2002, transférées à TV2/Danmark, puis reversées aux stations régionales de TV2/Danmark, constituaient des aides d’État octroyées à TV2/Danmark ;

–        les recettes publicitaires qui, en 1995 et en 1996, ainsi que lors de la liquidation du Fonds TV2 en 1997, ont été transférées de ce dernier vers TV2/Danmark constituaient des aides d’État octroyées à TV2/Danmark.

19      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse, en ce que la Commission avait considéré que les recettes publicitaires des années 1995 et 1996 versées à TV2/Danmark par l’intermédiaire du Fonds TV2 constituaient des aides d’État, et a rejeté le recours pour le surplus.

 Les conclusions des parties

20      Par son pourvoi, TV2/Danmark demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il rejette le chef de conclusions principal de son recours devant le Tribunal, de statuer sur ce dernier et d’annuler la décision litigieuse en ce qu’elle conclut que les mesures examinées constituaient des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ou, subsidiairement, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

–        d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il rejette la deuxième partie du chef de conclusions subsidiaire de son recours devant le Tribunal, de statuer sur ce dernier et d’annuler la décision litigieuse en ce qu’elle conclut que les ressources tirées de la redevance qui ont été, de l’année 1997 à l’année 2002, transférées à TV2/Danmark, puis reversées aux stations régionales, constituaient des aides d’État octroyées à TV2/Danmark, ou, subsidiairement, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il la condamne à supporter ses propres dépens, ainsi que trois quarts des dépens de la Commission, et de condamner cette dernière aux dépens exposés par TV2/Danmark, tant devant le Tribunal que devant la Cour, ou, si l’affaire est renvoyée devant le Tribunal, de saisir également celui-ci afin qu’il statue sur les dépens.

21      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner TV2/Danmark aux dépens.

22      Le Royaume de Danemark demande à la Cour d’accueillir le pourvoi en tous ses éléments.

23      Viasat demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi en tous ses moyens ;

–        à titre subsidiaire, si la Cour devait annuler l’arrêt attaqué en tout ou en partie, de statuer au fond et de confirmer la décision litigieuse sur les points contestés par TV2/Danmark, et

–        de condamner TV2/Danmark aux dépens supportés par Viasat, tant devant le Tribunal que devant la Cour.

 Sur le pourvoi

24      À l’appui de son pourvoi, TV2/Danmark soulève deux moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

25      Par son premier moyen, TV2/Danmark soutient que, en rejetant le chef de conclusions principal de son recours, sur le fondement d’une interprétation et d’une application erronées de la quatrième condition Altmark, le Tribunal a commis une erreur de droit.

26      TV2/Danmark considère notamment que, eu égard à la nature particulière de la mission de service public qu’elle doit remplir et à l’application rétroactive des conditions Altmark, le Tribunal aurait dû non pas procéder à une interprétation et à une application strictement littérales de la quatrième condition Altmark, mais se limiter à vérifier si, en l’espèce, l’objectif de cette dernière était atteint.

27      En effet, selon TV2/Danmark, une telle application est impossible dès lors que le secteur d’activité dans lequel elle opère est dépourvu de dimension concurrentielle et marchande et qu’il n’existe, de ce fait, pas d’« entreprise de référence » avec laquelle la comparaison requise par ladite condition pourrait être effectuée.

28      Dès lors, TV2/Danmark estime que le Tribunal aurait dû appliquer la quatrième condition Altmark eu égard à l’objectif de celle-ci, et constater que, compte tenu du contrôle des comptes de TV2/Danmark effectué par la Rigsrevisionen (Cour des comptes, Danemark), cet objectif avait été atteint. Par conséquent, il aurait dû considérer que cette condition était remplie.

29      TV2/Danmark ajoute que cette appréciation est confortée par la circonstance que, en l’espèce, les conditions Altmark ont été appliquées de manière rétroactive ainsi que par l’atteinte à la sécurité juridique en résultant.

30      Le Royaume de Danemark partage l’argumentation de TV2/Danmark.

31      La Commission et Viasat contestent la recevabilité du premier moyen de TV2/Danmark et soutiennent que, en tout état de cause, celui-ci n’est pas fondé.

32      Dans son mémoire en réplique, TV2/Danmark conteste l’argumentation de la Commission et de Viasat mettant en cause la recevabilité de son pourvoi, en faisant valoir, en substance, que les moyens et les arguments contenus dans son pourvoi soulèvent des questions de droit.

33      Dans son mémoire en duplique, le Royaume de Danemark soutient que le pourvoi de TV2/Danmark est recevable. En particulier, selon celui-ci, la question relative à l’interprétation et à l’application de la quatrième condition Altmark est une question de droit et les appréciations du Tribunal concernant cette question constituent des appréciations juridiques susceptibles de faire l’objet d’un contrôle par la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

 Appréciation de la Cour

34      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, notamment, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

35      Ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont seraient entachés l’arrêt ou l’ordonnance attaqués, se limite à répéter ou à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

36      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler également qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 15 juin 2017, Espagne/Commission, C‑279/16 P, non publié, EU:C:2017:461, point 36).

37      Or, par son premier moyen, TV2/Danmark se borne, essentiellement, à répéter ou à reproduire des arguments qu’elle a déjà présentés devant le Tribunal, afin d’obtenir un réexamen, par la Cour, de son recours en annulation.

38      Par ailleurs, ce moyen ne formule pas de façon précise des arguments juridiques visant spécifiquement à identifier une erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué à cet égard, mais repose sur une contestation d’appréciations de faits effectuées par le Tribunal, concernant notamment la dimension concurrentielle et marchande du secteur de la radiodiffusion, l’existence d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée à laquelle les coûts de TV2/Danmark pourraient être comparés ainsi que la nature du contrôle des comptes de TV2/Danmark effectué par la Cour des comptes. Or, à cet égard, TV2/Danmark n’invoque aucune dénaturation manifeste des faits ou des éléments de preuve.

39      En outre, TV2/Danmark ne démontre pas qu’une appréciation différente des faits ou qu’une interprétation téléologique de la quatrième condition Altmark auraient conduit à une appréciation autre que celle à laquelle est parvenue le Tribunal.

40      Au demeurant, dans la mesure où le Tribunal a également jugé, aux points 132 à 148 de l’arrêt attaqué, que, en tout état de cause, même si, en l’espèce, la quatrième condition Altmark devait être appliquée en sa substance ou de façon moins rigoureuse, les arguments présentés par TV2/Danmark demeuraient insuffisants pour démontrer que la Commission avait commis une erreur de droit lors de l’application de cette quatrième condition, le premier moyen présente un caractère inopérant.

41      Il en va de même s’agissant de l’argumentation tirée d’une application rétroactive des conditions Altmark, dès lors que ces conditions permettent d’exclure du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE des mesures qui, en l’absence de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), relèveraient d’emblée de la notion d’« aide » visée à cette disposition. Partant, la non application desdites conditions ne saurait favoriser les prétentions de TV2/Danmark.

42      Par conséquent, ce moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le second moyen

 Argumentation des parties

43      Par son second moyen, TV2/Danmark soutient que, en examinant au fond et en rejetant le deuxième chef de conclusions subsidiaire, alors que TV2/Danmark et la Commission n’étaient pas en désaccord concernant la qualification des ressources tirées de la redevance reversées par TV2/Danmark à ses stations régionales, le Tribunal a statué ultra petita, a excédé les limites de son contrôle de légalité et a méconnu le principe du contradictoire.

44      Par ailleurs, TV2/Danmark fait valoir que l’appréciation au fond du Tribunal est fondée sur une interprétation manifestement incorrecte du droit danois.

45      En particulier, TV2/Danmark soutient que la réglementation nationale ne lui impose pas de verser une rémunération à ses stations régionales pour la fourniture des programmes régionaux qu’elle diffuse. Il ne ressortirait pas davantage de cette réglementation que le reversement à ces stations des ressources tirées de la redevance constituait une obligation de rémunération que TV2/Danmark assumait elle-même à l’égard desdites stations en contrepartie de la fourniture de ces programmes.

46      Le Royaume de Danemark partage l’argumentation de TV2/Danmark.

47      La Commission et Viasat contestent la recevabilité du second moyen et soutiennent que, en tout état de cause, celui-ci n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

48      Le second moyen consistant, en substance, à contester l’interprétation du droit danois par le Tribunal, il convient de relever d’emblée qu’il s’agit là d’une question de fait échappant, en principe, au contrôle de la Cour.

49      Ainsi, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (voir arrêts du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 79, et du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, C‑449/14 P, EU:C:2016:848, point 44).

50      À cet égard, il convient de rappeler qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêts du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 80, et du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, C‑449/14 P, EU:C:2016:848, point 45).

51      Or, en l’espèce, une telle dénaturation n’est pas avérée, dès lors que TV2/Danmark n’indique pas de manière précise quels faits ou quelles preuves auraient éventuellement été dénaturés par le Tribunal ni ne démontre l’existence d’erreurs de la part de celui-ci, qui auraient pu le conduire à dénaturer des faits ou des preuves.

52      En particulier, TV2/Danmark n’a pas démontré que le Tribunal s’est livré à des appréciations allant de façon manifeste à l’encontre du contenu des dispositions de cette législation ou qu’il a attribué à ces dernières une portée ne leur revenant manifestement pas.

53      Il convient de constater que, sous le prétexte de reprocher au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’exercice de son contrôle juridictionnel de la décision litigieuse et d’avoir dénaturé ces dispositions, TV2/Danmark se borne, en réalité, à critiquer l’appréciation par le Tribunal des éléments de preuve que constituent lesdites dispositions, qui ont déjà été analysés de manière précise aux points 169 à 173 de l’arrêt attaqué, et cela afin de procéder à un nouvel examen plus détaillé du droit danois ainsi que d’obtenir une nouvelle appréciation des faits et des preuves au stade du pourvoi.

54      La circonstance que, devant le Tribunal, TV2/Danmark et la Commission n’étaient pas en désaccord sur l’interprétation de la décision litigieuse en ce qui concerne la qualification des ressources tirées de la redevance reversées par TV2/Danmark à ses stations régionales est sans incidence sur la régularité de l’exercice, par le Tribunal, dudit contrôle.

55      En effet, il résulte de la jurisprudence qu’il incombe aux juridictions de l’Union d’interpréter les décisions de la Commission au regard de la motivation figurant dans celles-ci et ce, le cas échéant, indépendamment de l’argumentation développée par cette institution en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C-628/10 P et C-14/11 P, EU:C:2012:479, points 72 à 79 ; du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C-399/10 P et C-401/10 P, EU:C:2013:175, points 126 à 129, ainsi que du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C-486/15 P, EU:C:2016:912, points 130 à 132).

56      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des points 154, 157 et 173 de l’arrêt attaqué, TV2/Danmark a été entendue en ses observations à cet égard et a renoncé à se désister de son recours sur ce point.

57      Par conséquent, le second moyen doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

58      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur la demande de substitution de motifs de la Commission

59      Par sa demande, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la deuxième condition Altmark était remplie en l’espèce et invite la Cour à procéder à une substitution de motifs à cet égard. Cette demande présenterait un intérêt dans l’hypothèse où il serait fait droit au premier moyen de TV2/Danmark, relatif à l’application de la quatrième condition Altmark.

60      TV2/Danmark conteste la recevabilité de cette demande.

61      Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour qu’une demande de substitution de motifs soit recevable, elle suppose l’existence d’un intérêt à agir, en ce sens qu’elle doit être susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a présentée. Tel peut être le cas lorsque la demande de substitution de motifs constitue une défense contre un moyen formé par la partie requérante (voir arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 42, et du 22 juin 2016, DK Recycling und Roheisen/Commission, C‑540/14 P, EU:C:2016:469, point 42).

62      Or, dès lors que les conditions Altmark sont cumulatives et que le premier moyen de TV2/Danmark a été rejeté, la Commission ne dispose pas de l’intérêt requis pour présenter sa demande.

63      Par ailleurs, cette demande, qui a été formulée par la Commission dans son mémoire en réponse au présent pourvoi, et qui ne tend ni à l’accueil ni au rejet, total ou partiel, de ce dernier, ne saurait étendre l’objet de celui-ci (voir, par analogie, arrêt du 10 novembre 2016, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, C-449/14 P, EU:C:2016:848, points 100 et 101).

64      Il en résulte que la demande de la Commission n’est pas recevable.

 Sur les dépens

65      Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

66      Selon l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      La Commission et Viasat ayant conclu à la condamnation de TV2/Danmark aux dépens et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, la totalité de ceux exposés par la Commission et par Viasat tant en première instance que dans le cadre du présent pourvoi.

68      L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

69      Le Royaume de Danemark, qui avait la qualité de partie intervenante en première instance, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      TV2/Danmark A/S supporte, outre ses propres dépens, la totalité de ceux exposés par la Commission et par Viasat Broadcasting UK Ltd tant en première instance que dans le cadre du présent pourvoi.

3)      Le Royaume de Danemark supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le danois.