DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

27 février 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative VOGUE – Marque communautaire verbale antérieure VOGUE – Risque de confusion – Identité ou similitude des produits – Identité ou similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Imprécision de la demande de marque – Article 26, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 – Règle 2, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2868/95 – Refus partiel d’enregistrement »

Dans l’affaire T‑229/12,

Advance Magazine Publishers, Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par M. C. Aikens, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI

ayant été

Eduardo López Cabré, demeurant à Barcelone (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 26 mars 2012 (affaire R 1170/2011‑4), relative à une procédure d’opposition entre M. Eduardo López Cabré et Advance Magazine Publishers, Inc.,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 3 septembre 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 12 décembre 2012,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 septembre 2004, la requérante, Advance Magazine Publishers, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 18 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour cette classe, à la description suivante : « Articles en cuir et/ou en imitation du cuir ; vêtements, ceintures, colliers et laisses pour animaux ; fouets ; sellerie ; accessoires ; parapluies ; parasols ; cannes ; peaux d’animaux ; bagages ; sacs ; sacs à provisions ; malles ; sacs de voyage ; sacs à main, sacs en bandoulière et sacs à dos ; sacoches de bicyclette ; porte-monnaie ; portefeuilles ; porte-clés ; pièces et parties constitutives pour tous les produits précités ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 7/2007, du 19 février 2007.

5        Le 14 mai 2007, M. Eduardo López Cabré a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque communautaire verbale VOGUE, enregistrée le 6 mars 2002 sous le numéro 2082287, désignant les produits de la classe 18 et correspondant à la description suivante : « Parapluies » ;

–        la marque espagnole verbale VOGUE, enregistrée le 21 novembre 1966 sous le numéro 496371, désignant les produits de la classe 18 et correspondant à la description suivante : « Tous les types de parapluies, pare-soleil, poignées, baleines et cannes pour ces derniers » ;

–        la marque espagnole figurative enregistrée le 20 mai 1999 sous le numéro 2153619, pour « [t]ous les types de parapluies, pare-soleil, poignées, baleines et cannes pour ces derniers » relevant de la classe 18, reproduite ci-après :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 2 décembre 2009, la division d’opposition a invité M. López Cabré, à la suite d’une demande de la requérante en ce sens, à produire la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition.

9        Le 22 janvier 2010, M. López Cabré a fourni divers documents, afin de démontrer que les marques antérieures avaient fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009.

10      Le 18 mars 2011, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition en refusant l’enregistrement de la marque demandée pour les produits « parapluies, parasols, accessoires », relevant de la classe 18, au motif qu’il existait, concernant lesdits produits, un risque de confusion avec la marque communautaire verbale antérieure VOGUE. Elle a rejeté l’opposition pour le surplus et condamné chaque partie à supporter ses propres frais.

11      Le 16 mai 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 26 mars 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours et condamné la requérante à payer à M. López Cabré la somme de 550 euros au titre des frais exposés dans le cadre des procédures d’opposition et de recours. En particulier, elle a considéré que c’était à bon droit que la division d’opposition avait accueilli l’opposition s’agissant des parapluies, parasols et accessoires, un risque de confusion ne pouvant être exclu du fait de l’identité ou de la similitude de ces produits et de ceux protégés par la marque communautaire verbale antérieure VOGUE, marque dont elle a estimé, par ailleurs, que, ayant été enregistrée depuis moins de cinq ans à la date de publication de la marque demandée, elle n’était pas assujettie à la preuve d’un usage sérieux, ainsi que de la similitude des signes en conflit.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        à titre subsidiaire, accueillir l’opposition uniquement en ce qu’elle concerne les parapluies, parasols et accessoires pour parapluies et parasols ;

–        condamner M. López Cabré aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Considérations liminaires

15      Il importe de relever que, ainsi que cela résulte de la décision attaquée, la chambre de recours, à l’instar de la division d’opposition, a fondé le rejet de la demande d’enregistrement de la marque demandée pour les parapluies, parasols et accessoires, relevant de la classe 18, sur l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque communautaire verbale antérieure VOGUE, les autres marques antérieures n’ayant pas été retenues à l’appui dudit rejet.

16      Il s’ensuit que c’est au vu de la seule marque communautaire verbale antérieure VOGUE qu’il y a lieu d’apprécier le présent recours.

 Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

17      Par son moyen unique, la requérante allègue que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 a été méconnu. Ce moyen comporte deux branches. La première porte sur l’absence de risque de confusion entre la marque demandée et la marque communautaire verbale antérieure VOGUE, la seconde sur l’absence, en tout état de cause, d’un tel risque pour les accessoires autres que ceux se rapportant aux parapluies et aux parasols.

18      Dans le cadre de la première branche de son moyen unique, la requérante considère que la chambre de recours a commis une erreur en ne tenant pas compte du moyen développé devant elle, selon lequel la division d’opposition n’avait pas pris en considération le fait que la marque demandée présentait un caractère distinctif, y compris pour les produits en cause, en raison de l’utilisation, depuis 1917, du mot « vogue » dans sa forme stylisée, telle que figurant dans la marque demandée, en lien avec des magazines de mode. La requérante déclare avoir ainsi soutenu que la marque demandée indiquait de façon adéquate que lesdits produits provenaient d’elle, ce que la chambre de recours aurait ignoré, procédant « à une comparaison mécanique des marques, en vase clos », et négligeant ainsi la réalité du marché. Elle se prévaut, à cet égard, de la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 11 mai 2004 (affaire R 77/2003‑2), relative à une procédure d’opposition entre Porsche AG et Intertex Hobby, SA.

19      Dans le cadre de la seconde branche dudit moyen, elle souligne que la division d’opposition avait admis, dans son raisonnement, la similitude des accessoires et des parapluies, dans la mesure où les premiers cités étaient des « accessoires pour parapluies », puisque ces deux types de produits émanaient des mêmes fabricants, suivaient les mêmes canaux de distribution et étaient complémentaires. Elle soutient, en conséquence, qu’elle aurait dû en tirer toutes les conséquences en n’admettant l’opposition que pour les « accessoires pour parapluies » et non pour les accessoires dans leur ensemble, ce que, au demeurant, aurait semblé admettre M. López Cabré devant la chambre de recours. Elle fait donc grief à cette dernière de ne pas avoir admis une telle demande de limitation de l’opposition et d’avoir entièrement validé la décision de la division d’opposition. Dans le mémoire en réplique, elle estime que c’est à tort que l’OHMI soutient que cette catégorie des accessoires est uniforme et qu’il ne peut, par conséquent, être procédé à l’individualisation de certains d’entre eux.

20      L’OHMI conteste les arguments de la requérante, en indiquant, quant à la comparaison des produits, que la requérante ne conteste pas le fait que les parapluies et les parasols sont similaires. Il rappelle, à ce titre, que les uns et les autres visent à protéger les êtres humains des conditions météorologiques et que, bien qu’ils ne soient pas toujours vendus dans les mêmes magasins, ils partagent la même nature et la même destination. Il ajoute, s’agissant des accessoires, que ceux-ci constituent une catégorie uniforme qui, logiquement, inclut des accessoires relatifs aux parapluies et aux parasols.

21      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 65, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, le Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celles-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 4 octobre 2007, Naipes Heraclio Fournier/OHMI, C‑311/05 P, non publié au Recueil, point 38, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 38).

22      Ainsi, dans les limites de l’article 65 du règlement n° 207/2009, le Tribunal peut se livrer à un entier contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI, au besoin en recherchant si ces chambres ont donné une qualification juridique exacte aux faits du litige (voir, en ce sens, arrêt Naipes Heraclio Fournier/OHMI, précité, point 39) ou si l’appréciation des éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres n’est pas entachée d’erreurs (arrêt Les Éditions Albert René/OHMI, précité, point 39).

23      C’est au regard de ces principes qu’il importe d’examiner le moyen unique de la requérante.

24      Il convient de rappeler, à cet égard, que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

25      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

26      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

27      En l’espèce, il y a lieu, au préalable, d’approuver l’appréciation de la chambre de recours, au demeurant non contestée par la requérante, selon laquelle le public pertinent par rapport auquel le risque de confusion doit être analysé est le consommateur moyen des produits en cause sur le territoire de l’Union européenne. Ledit consommateur moyen doit être considéré comme normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

 Sur la comparaison des produits

28      Au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les parapluies, compris dans la classe 18, protégés par la marque communautaire verbale antérieure VOGUE, et les parapluies, parasols et accessoires visés par la marque demandée étaient « identiques ou similaires ». Il n’est pas contestable qu’il y a, en effet, identité entre les produits en cause s’agissant des parapluies. Il importe, en revanche, de déterminer si les parapluies faisant l’objet de la marque communautaire verbale antérieure VOGUE et les parasols et accessoires visés par la marque demandée sont similaires.

29      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

30      Pour fonder sa conclusion quant à la similitude entre les parapluies, d’une part, et les parasols et accessoires, d’autre part, la chambre de recours a relevé « leur nature commune, leur fonction commune, leur complémentarité, leurs utilisateurs finaux et canaux de distribution communs » (point 23 de la décision attaquée).

31      Il convient d’examiner successivement la comparaison des parasols et des parapluies, d’une part, et celle des accessoires et des parapluies, d’autre part.

32      Concernant la comparaison des parasols et des parapluies, force est de juger que l’analyse de la chambre de recours n’est que partiellement exacte. En effet, si les parapluies et les parasols fonctionnent selon un même type de mécanisme, à savoir un mât soutenant un morceau de toile circulaire tendue au moyen de baleines et d’un dispositif coulissant, s’ils visent tous deux à protéger les êtres humains de certains désagréments causés par les conditions météorologiques et s’ils sont complémentaires, il convient de souligner que leurs utilisateurs finaux ne sont pas les mêmes et que les canaux de distribution de ces produits diffèrent fréquemment. Ainsi, alors que le parasol répond surtout à une finalité de loisir, qui s’exprime le plus souvent durant la période printanière ou estivale, en particulier sur les lieux de vacances, le parapluie correspond à une nécessité plus quotidienne, qui est majoritairement le fait d’un public citadin. Certes, ces produits s’adressant au consommateur moyen de l’Union, les spécificités climatiques de l’un ou l’autre État membre pourront parfois conduire à nuancer cette distinction, sans toutefois la remettre en cause. La chambre de recours pouvait donc, à bon droit, conclure à la similitude des parapluies et des parasols, mais se devait, en revanche, d’insister sur le faible degré de cette similitude, ce qu’elle n’a pas fait.

33      Concernant la comparaison des accessoires et des parapluies, il importe de relever, tout d’abord, que la requérante n’a pas précisé ce qu’il convenait, en l’espèce, d’entendre par le mot « accessoires », par exemple en indiquant à quels produits ces accessoires se rapportaient. Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, il s’agit là d’une catégorie aux contours vagues [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, El Corte Inglés/OHMI – Emilio Pucci International (PUCCI), T‑39/10, non publié au Recueil, point 30], quand bien même il y a lieu de la circonscrire à la classe à laquelle lesdits accessoires appartiennent, en l’occurrence la classe 18.

34      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 26, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 dispose que la demande de marque communautaire doit contenir la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé et que, aux termes de la règle 2, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), la liste des produits et des services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature.

35      Il ressort donc des dispositions susmentionnées qu’il incombe à celui qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire d’indiquer, dans sa demande, la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé et de fournir, pour chacun desdits produits ou services, une description faisant apparaître clairement sa nature [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 23].

36      Si ces dernières exigent que les produits ou les services pour lesquels la protection par la marque communautaire est demandée soient identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision, c’est afin de permettre à l’OHMI et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l’étendue de la protection demandée (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, C‑307/10, non encore publié au Recueil, point 49).

37      Plus précisément, le respect d’une telle exigence permet que, en cas d’opposition, la division d’opposition puis, le cas échéant, la chambre de recours soient à même d’apprécier le degré de similitude des produits en cause, en particulier lorsqu’il s’agit de notions dont le contenu est largement tributaire du contexte et des caractéristiques de la marque demandée comme de la marque antérieure. À titre d’exemple, certains produits de la classe 18, comme les articles en cuir ou imitation du cuir, peuvent, selon les cas, être considérés comme des accessoires vestimentaires [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 10 septembre 2008, Tsakiris‑Mallas/OHMI – Late Editions (exē), T‑96/06, non publié au Recueil, point 32 ; du 8 mars 2013, Mayer Naman/OHMI – Daniel e Mayer (David Mayer), T‑498/10, non publié au Recueil, point 70, et du 16 septembre 2013, Gitana/OHMI – Teddy (GITANA), T‑569/11, non publié au Recueil, point 45], des accessoires de voyage [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 novembre 2011, Hrbek/OHMI – Outdoor Group (ALPINE PRO SPORTSWEAR & EQUIPMENT), T‑434/10, non publié au Recueil, points 34 à 36] ou des accessoires destinés aux animaux [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2010, Trautwein/OHMI (Représentation d’un chien), T‑385/08, non publié au Recueil, points 25 et 26].

38      Ainsi, faute de disposer des précisions requises par les dispositions susmentionnées quant à l’un des produits en cause (les accessoires), la chambre de recours ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit et raisonner de façon abstraite [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 octobre 2003, Nordmilch/OHMI (OLDENBURGER), T‑295/01, Rec. p. II‑4365, point 46], considérer que les accessoires et les parapluies étaient similaires, « étant donné leur nature commune, leur fonction commune, leur complémentarité, leurs utilisateurs finaux et canaux de distribution communs » (point 23 de la décision attaquée).

39      Ensuite, il convient, à toutes fins utiles, de rappeler qu’il n’était pas loisible à la chambre de recours, contrairement à ce que soutient la requérante et ce à quoi avait semblé souscrire M. López Cabré, de n’admettre l’opposition, s’agissant des accessoires, que pour les « accessoires pour parapluies ». En effet, si l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 prévoit que le demandeur peut, à tout moment, retirer sa demande de marque communautaire ou limiter la liste des produits ou des services qu’elle contient et si l’OHMI, pour sa part, doit examiner la demande par rapport à tous les produits ou services figurant sur la liste concernée, en tenant compte, le cas échéant, des limitations, au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt Mozart, précité, points 22 et 23), aucune limitation de la demande de marque ne ressort, en l’espèce, du dossier administratif (voir point 14 de la décision attaquée).

40      Or, le contrôle exercé par le Tribunal ne pouvant aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêts du Tribunal du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, Rec. p. II‑1765, point 45, et du 29 janvier 2013, Müller/OHMI – Loncar (Sunless), T‑662/11, non publié au Recueil, point 16], la requérante ne peut utilement se prévaloir du refus de la chambre de recours d’admettre une telle limitation.

41      Enfin, il y a lieu de juger que c’est également à tort que, au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours, bien qu’ayant fondé son analyse sur la seule marque communautaire verbale antérieure VOGUE, a fait observer que les produits énumérés dans la spécification des deux marques espagnoles de M. López Cabré ne couvraient pas une palette plus large et ne modifiaient donc pas le champ de son appréciation. Cette affirmation manque en fait : il résulte en effet du point 6 ci-dessus que lesdites marques ont été déposées pour « [t]ous les types de parapluies, pare-soleil, poignées, baleines et cannes pour ces derniers », au contraire de la marque communautaire verbale antérieure VOGUE, qui n’a été enregistrée que pour les « parapluies ».

42      Il résulte de l’examen de la comparaison des produits en cause que ceux-ci, soit sont identiques (les parapluies), soit présentent un faible degré de similitude (les parasols et les parapluies), soit n’étaient pas suffisamment identifiables (les accessoires) pour que la chambre de recours pût concrètement procéder à l’appréciation de leur degré de similitude avec les produits protégés par la marque communautaire verbale antérieure VOGUE, à savoir les parapluies.

 Sur la comparaison des signes

43      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

44      En l’espèce, la chambre de recours a conclu à une haute similitude visuelle des signes en conflit, à une identité phonétique de ces derniers et, d’un point de vue conceptuel, soit à une identité conceptuelle pour le public francophone ou anglophone, soit à une comparaison conceptuelle neutre pour le consommateur moyen de l’Union ne comprenant ni le français ni l’anglais.

–       Sur la comparaison visuelle

45      Les signes en conflit sont, d’une part, une marque verbale composée du mot « vogue » et, d’autre part, une marque figurative composée exclusivement du mot « vogue », ce mot étant stylisé de façon à reproduire le graphisme du titre des magazines de mode appartenant à la requérante. Cette identité des cinq lettres composant le mot « vogue » conduit à juger, à l’instar de ce qu’a estimé la chambre de recours, que, nonobstant la présentation particulière de ce mot dans la marque demandée, les signes en conflit sont hautement similaires sur le plan visuel.

–       Sur la comparaison phonétique

46      Les signes en conflit comprenant un seul et même mot, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à leur identité phonétique, le mot « vogue » se prononçant de la même façon dans les deux cas.

–       Sur la comparaison conceptuelle

47      La chambre de recours a rappelé, au point 21 de la décision attaquée, que, pour le consommateur moyen francophone ou anglophone, le mot « vogue » revêtait la même signification quel que soit le signe en conflit. L’OHMI indique, dans le mémoire en réponse, ce que sont ces significations, à savoir, pour la langue française, la « faveur », la « popularité en général, déterminée par la mode » et, pour la langue anglaise, « la mode ou le style qui prévaut à un moment donné ». Cette analyse n’est pas contestée par la requérante, pas plus que celle consistant à regarder comme neutres d’un point de vue conceptuel les signes en conflit dès lors qu’ils sont appréhendés par le consommateur moyen de l’Union ne comprenant ni le français ni l’anglais. En effet, en pareil cas, il n’est pas possible de procéder à une comparaison des signes sur le plan conceptuel (voir, en ce sens, arrêt GITANA, précité, point 67, et la jurisprudence citée).

 Sur le risque de confusion

48      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours au motif que celle-ci n’a pas pris en considération le caractère distinctif de sa marque, lequel exclurait tout risque de confusion.

49      L’OHMI s’oppose aux arguments de la requérante.

50      Il convient, tout d’abord, d’indiquer que l’invocation, par la requérante, du caractère distinctif de la marque demandée résultant du lien qui serait immédiatement fait avec les magazines lui appartenant ne peut prospérer. Comme le rappelle à bon droit l’OHMI, la renommée d’un signe ne peut être prise en considération que si celle-ci est alléguée au soutien du champ de protection de la marque antérieure (arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 19, et du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe, C‑498/07 P, Rec. p. I‑7371, point 84 ; arrêt GITANA, précité, point 72).

51      Ensuite, quant à l’invocation de la pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI, il est de jurisprudence constante qu’elle ne peut que demeurer sans incidence sur la légalité de la décision attaquée [arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 65 ; arrêts du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, et GITANA, précité, point 48].

52      Enfin, il importe de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt Canon, précité, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

53      En l’espèce, il y a lieu de juger que l’appréciation globale du risque de confusion par la chambre de recours ne méconnaît pas l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne, premièrement, les parapluies et, deuxièmement, les parasols. En effet, dans le premier cas, les produits en cause sont identiques et les signes en conflit sont, d’un point de vue visuel, hautement similaires, d’un point de vue phonétique, identiques et, d’un point de vue conceptuel, identiques ou neutres, selon les cas. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a conclu, concernant ce type de produits, à un risque de confusion entre la marque communautaire verbale antérieure VOGUE et la marque demandée. Dans le second cas, le faible degré de similitude des parasols et des parapluies est, en l’espèce, compensé par la forte similitude visuelle et l’identité phonétique, ainsi que conceptuelle dans le cas de consommateurs francophones ou anglophones, des signes en conflit. Partant, il y a lieu de juger que l’imprécision commise par la chambre de recours en comparant les parasols et les parapluies n’affecte pas sa conclusion quant au risque de confusion, à cet égard, entre la marque communautaire verbale antérieure VOGUE et la marque demandée.

54      En revanche, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque demandée présentait, s’agissant des accessoires, un risque de confusion avec la marque communautaire verbale antérieure VOGUE. Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent, ces conditions étant cumulatives (voir arrêt easyHotel, précité, point 42, et la jurisprudence citée). Par conséquent, la similitude ou l’identité des signes en conflit ne peuvent compenser l’absence d’évaluation possible de la similitude des produits en cause, à savoir les accessoires et les parapluies, la requérante n’ayant pas suffisamment défini, par exemple en procédant à la limitation de sa demande de marque communautaire, ce qu’elle entendait par « accessoires ».

55      Il échet de rappeler que le Tribunal effectue un contrôle de légalité des décisions des instances de l’OHMI. S’il conclut qu’une telle décision, mise en cause dans un recours formé devant lui, est entachée d’une illégalité, il doit l’annuler. Il ne peut pas rejeter le recours en substituant sa propre motivation à celle de l’instance compétente de l’OHMI, qui est l’auteur de l’acte attaqué [arrêts du Tribunal du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, Rec. p. II‑737, point 49, et du 9 septembre 2010, Axis/OHMI – Etra Investigación y Desarrollo (ETRAX), T‑70/08, Rec. p. II‑4645, point 29]. Il incombera donc à l’OHMI de tirer toutes les conséquences du présent jugement à la lumière de l’ensemble des considérations de droit et de fait qui seront en sa possession, en particulier le constat figurant aux points 34, 35, 38 et 40 du présent arrêt et la teneur de l’arrêt rendu ce même jour dans l’affaire T‑37/12, opposant également la requérante à l’OHMI.

56      Il convient donc d’accueillir partiellement le moyen unique de la requérante en sa première branche et d’annuler la décision attaquée en tant que la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition accueillant l’opposition pour les « accessoires ». Cet accueil partiel de la première branche rend sans objet, d’une part, la seconde branche dudit moyen et, d’autre part, le deuxième chef de conclusions de la requérante, auquel cette seconde branche se rattachait exclusivement, tendant à ce que l’opposition soit accueillie seulement en ce qu’elle concerne les parapluies, parasols et accessoires pour parapluies et parasols.

 Sur les dépens

57      M. López Cabré n’ayant pas la qualité de partie au présent litige, les conclusions de la requérante tendant à ce qu’il soit condamné aux dépens sont irrecevables.

58      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

59      Dans les circonstances de l’espèce, il convient de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 26 mars 2012 (affaire R 1170/2011‑4), relative à une procédure d’opposition entre M. Eduardo López Cabré et Advance Magazine Publishers, Inc., est annulée en tant qu’elle a confirmé la décision de la division d’opposition du 18 mars 2011 accueillant l’opposition pour les accessoires relevant de la classe 18 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

2)      Le surplus des conclusions tendant à l’annulation de la décision mentionnée au point 1 du présent dispositif est rejeté.

3)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que l’opposition soit accueillie uniquement en ce qu’elle concerne les parapluies, parasols et accessoires pour parapluies et parasols.

4)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 février 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.