ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 juillet 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Directive 2004/48/CE – Respect des droits de propriété intellectuelle – Notion d’“intermédiaire dont les services sont utilisés pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle” – Locataire de halles de marché sous‑louant les points de vente – Possibilité d’imposer une injonction à ce locataire – Article 11 »

Dans l’affaire C‑494/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nejvyšší soud (Cour suprême, République tchèque), par décision du 25 août 2015, parvenue à la Cour le 21 septembre 2015, dans la procédure

Tommy Hilfiger Licensing LLC,

Urban Trends Trading BV,

Rado Uhren AG,

Facton Kft.,

Lacoste SA,

Burberry Ltd

contre

Delta Center a.s.,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader, M. A. Rosas, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Tommy Hilfiger Licensing LLC, Urban Trends Trading BV, Rado Uhren AG, Facton Kft., Lacoste SA et Burberry Ltd, par Me L. Neustupná, advokátka,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et D. Segoin, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. F. Wilman et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45, et rectificatif JO 2004, L 195, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Tommy Hilfiger Licensing LLC, Urban Trends Trading BV, Rado Uhren AG, Facton Kft., Lacoste SA et Burberry Ltd à Delta Center a.s., au sujet d’injonctions que les requérantes au principal souhaitent voir imposer à Delta Center aux fins du respect de leurs droits de propriété intellectuelle.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 10 et 23 de la directive 2004/48 énoncent :

« (10) L’objectif de la présente directive est de rapprocher [l]es législations [des États membres] afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.

[…]

(23)      […] les titulaires des droits devraient avoir la possibilité de demander une injonction à l’encontre d’un intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte au droit de propriété industrielle du titulaire. Les conditions et procédures relatives à une telle injonction devraient relever du droit national des États membres. En ce qui concerne les atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins, un niveau élevé d’harmonisation est déjà prévu par la directive 2001/29/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10)]. Il convient, par conséquent, que la présente directive n’affecte pas l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE. »

4        L’article 2 de la directive 2004/48, lequel définit le champ d’application de celle-ci, dispose, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation [de l’Union] ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive s’appliquent […] à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation [de l’Union] et/ou la législation nationale de l’État membre concerné. »

5        Le chapitre II de la directive 2004/48, intitulé « Mesures, procédures et réparations », contient six sections, dont la première, intitulée « Dispositions générales », comporte notamment l’article 3, qui dispose :

« 1.      Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.

2.      Les mesures, procédures et réparations doivent […] être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime […] »

6        La section 5 du chapitre II de la directive 2004/48 est intitulée « Mesures résultant d’un jugement quant au fond ». Elle est constituée des articles 10 à 12 intitulés, respectivement, « Mesures correctives », « Injonctions » et « Mesures alternatives ».

7        Aux termes de l’article 11 de la directive 2004/48 :

« Les États membres veillent à ce que, lorsqu’une décision judiciaire a été prise constatant une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, les autorités judiciaires compétentes puissent rendre à l’encontre du contrevenant une injonction visant à interdire la poursuite de cette atteinte. Lorsque la législation nationale le prévoit, le non-respect d’une injonction est, le cas échéant, passible d’une astreinte, destinée à en assurer l’exécution. Les États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, sans préjudice de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE. »

8        Ledit article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29 dispose :

« Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin. »

 Le droit tchèque

9        Il ressort du dossier soumis à la Cour que l’article 11 de la directive 2004/48 a été transposé en droit tchèque par l’article 4 de la zákon č. 221/2006 Sb., o vymáhání práv z průmyslového vlastnictví (loi no 221/2006 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, ci-après la « loi no 221/2006 »).

10      L’article 4, paragraphe 1, de la loi no 221/2006 prévoit :

« En cas d’atteinte injustifiée aux droits [de propriété industrielle], la personne lésée peut demander au juge d’ordonner au contrevenant de cesser le comportement portant atteinte ou susceptible de porter atteinte à ses droits et d’effacer les conséquences qui en découlent […] »

11      Aux termes du paragraphe 3 du même article, les personnes lésées peuvent également demander au juge d’imposer des mesures « à toute personne dont les moyens ou les services sont utilisés par des tiers pour porter atteinte à leurs droits ».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Delta Center est locataire de la place de marché dénommée « Pražská tržnice » (halles de marché de Prague, République tchèque). Elle sous-loue à des marchands les différents points de vente situés sur cette place. Les contrats de location conclus avec ces marchands mettent à la charge de ces derniers l’obligation de respecter les réglementations auxquelles sont soumises leurs activités. Par ailleurs, une brochure rédigée en langues tchèque et vietnamienne, portant la mention « Avertissement aux vendeurs », leur est distribuée. Cette brochure souligne que la vente de contrefaçons est interdite et peut conduire à la résiliation du contrat de location du point de vente.

13      Les requérantes au principal fabriquent et distribuent des produits de marque. Ayant constaté que des contrefaçons de leurs produits étaient vendues dans ces halles de marché de Prague, elles ont saisi le Městský soud v Praze (cour municipale de Prague), en lui demandant notamment d’enjoindre à Delta Center :

–        de s’abstenir de toute conclusion ou prolongation de contrats de location de points de vente dans lesdites halles avec les personnes dont le comportement a été définitivement jugé par les autorités judiciaires ou administratives comme constituant une atteinte ou un risque d’atteinte aux droits conférés par les marques mentionnées dans la demande ;

–        de s’abstenir de toute conclusion ou prolongation de tels contrats lorsque les termes de ceux-ci ne comportent ni l’obligation pour le marchand de s’abstenir de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle des requérantes ni la clause selon laquelle Delta Center peut résilier le contrat en cas d’atteinte ou de risque d’atteinte à ces droits, et

–        de présenter, dans certaines hypothèses décrites par les requérantes, ses excuses par écrit et de faire publier, à ses frais, dans le journal Hospodářské noviny un communiqué.

14      Par jugement du 28 février 2012, le Městský soud v Praze (cour municipale de Prague) a rejeté cette demande d’injonctions. Tout en estimant que Delta Center est une « personne dont les moyens ou les services sont utilisés par des tiers » au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la loi no 221/2006, il a considéré qu’il n’y avait pas d’atteinte ou de risque d’atteinte aux droits des requérantes, étant donné qu’il était évident pour les acheteurs que les marchandises en cause sont des contrefaçons et ne sont donc ni produites ni distribuées par les requérantes.

15      Les requérantes ont interjeté appel de ce jugement devant le Vrchní soud v Praze (Cour supérieure de Prague).

16      Par arrêt du 5 décembre 2012, cette juridiction a, pour des motifs différents de ceux retenus par le premier juge, confirmé le rejet de la demande d’injonctions. Selon elle, une interprétation large des termes « les moyens ou les services […] utilisés par des tiers pour porter atteinte », figurant à l’article 4, paragraphe 3, de la loi no 221/2006, ainsi que des termes « les services […] utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », figurant à l’article 11 de la directive 2004/48, aboutirait à des situations absurdes consistant, notamment, à considérer que l’alimentation en électricité ou l’octroi d’une licence commerciale à un marchand constitue un moyen susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle.

17      Les requérantes ont formé un pourvoi en cassation devant le Nejvyšší soud (Cour suprême).

18      Cette dernière juridiction relève que le libellé de l’article 4, paragraphe 3, de la loi no 221/2006 correspond à celui de l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 et rappelle que la réglementation nationale, qui transpose une directive, doit, dans toute la mesure du possible, être interprétée à la lumière du texte et de la finalité de celle-ci.

19      Estimant dès lors que le litige pendant devant lui devra être résolu en tenant compte de l’interprétation de l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 fournie par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474), le Nejvyšší soud (Cour suprême) constate néanmoins que le litige ayant conduit à cette interprétation concernait des atteintes à des droits de propriété intellectuelle sur une place de marché en ligne. La question se poserait de savoir si ladite interprétation doit également être suivie lorsque les atteintes à des droits de propriété intellectuelle ont eu lieu sur une place de marché physique.

20      Dans ces conditions, le Nejvyšší soud (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le locataire d’une place de marché qui met à la disposition des différents marchands des stands et des emplacements sur lesquels les stands peuvent être implantés est-il un intermédiaire dont les services sont utilisés par des tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle au sens de l’article 11 de la directive 2004/48 ?

2)      Le locataire d’une place de marché qui met à la disposition des différents marchands des stands et des emplacements sur lesquels les stands peuvent être implantés peut-il se voir imposer les mesures visées à l’article 11 de la directive 2004/48, dans les mêmes conditions que celles formulées par la Cour [dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09, EU:C:2011:474] en vue d’imposer lesdites mesures aux exploitants d’une place de marché en ligne ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

21      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« intermédiair[e] dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de cette disposition, le locataire de halles de marché qui sous-loue les différents points de vente situés dans ces halles à des marchands, dont certains utilisent leur emplacement pour vendre des marchandises contrefaisantes de produits de marque.

22      Il est de jurisprudence constante que l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48, de même que l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29 auquel il se réfère, obligent les États membres à garantir que l’intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle puisse, indépendamment de sa propre responsabilité éventuelle dans les faits litigieux, être contraint de prendre des mesures visant à faire cesser ces atteintes ainsi que des mesures visant à prévenir de nouvelles atteintes (voir en ce sens, notamment, arrêts du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09, EU:C:2011:474, points 127 à 134, ainsi que du 24 novembre 2011, Scarlet Extended, C‑70/10, EU:C:2011:771, points 30 et 31).

23      Afin qu’un opérateur économique relève de la qualification d’« intermédiaire », au sens de ces dispositions, il doit être établi qu’il fournit un service susceptible d’être employé par une ou plusieurs autres personnes pour porter atteinte à un ou à plusieurs droits de propriété intellectuelle, sans qu’il soit nécessaire qu’il entretienne une relation particulière avec cette ou ces personnes (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien, C‑314/12, EU:C:2014:192, points 32 et 35).

24      Une telle qualification n’est pas non plus subordonnée à la condition que ledit opérateur économique fournisse un service autre que celui qui est utilisé par le tiers pour porter atteinte au droit de propriété intellectuelle.

25      Ainsi, en matière de commerce électronique, la Cour a jugé qu’un fournisseur d’accès, qui se borne à permettre l’accès à Internet sans proposer d’autres services ni exercer un contrôle, fournit un service susceptible d’être employé par un tiers pour porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle et doit être qualifié d’« intermédiaire » (voir, en ce sens, ordonnance du 19 février 2009, LSG‑Gesellschaft zur Wahrnehmung von Leistungsschutzrechten, C‑557/07, EU:C:2009:107, point 43, et arrêt du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien, C‑314/12, EU:C:2014:192, point 32).

26      En l’occurrence, il n’est pas contesté que Delta Center est locataire des halles de marché « Pražská tržnice » et exerce une activité économique qui consiste à sous-louer les points de vente situés dans ces halles de marché. Une telle activité rémunérée constitue une prestation de services.

27      Il n’est pas non plus contesté que certains, parmi les marchands à qui Delta Center sous-loue ces points de vente, utilisent ces derniers pour proposer aux visiteurs desdites halles de marché des marchandises contrefaisantes de produits de marque.

28      Sans qu’il soit besoin de déterminer si d’autres prestataires de services, tels que ceux, mentionnés à titre d’hypothèse dans la décision de renvoi, fournissant de l’électricité aux contrevenants, entrent dans le champ d’application de l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, un opérateur qui fournit à des tiers un service de location ou de sous-location d’emplacements sur une place de marché, grâce auquel ceux-ci ont un accès à cette place et y proposent à la vente des marchandises contrefaisantes de produits de marque, doit être qualifié d’« intermédiair[e] dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de ladite disposition.

29      La circonstance que la mise à la disposition de points de vente concerne une place de marché en ligne ou une place de marché physique, telle que des halles de marché, est sans incidence à cet égard. En effet, il ne ressort pas de la directive 2004/48 que le champ d’application de celle-ci soit limité au commerce électronique. Par ailleurs, l’objectif, énoncé au considérant 10 de cette directive, d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur, serait substantiellement affaibli si l’opérateur qui fournit à des tiers un accès à une place de marché physique, telle que celle en cause au principal, sur laquelle ces tiers proposent à la vente des marchandises contrefaisantes de produits de marque, ne pouvait se voir adresser les injonctions visées à l’article 11, troisième phrase, de ladite directive.

30      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« intermédiair[e] dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de cette disposition, le locataire de halles de marché qui sous-loue les différents points de vente situés dans ces halles à des marchands, dont certains utilisent leur emplacement pour vendre des marchandises contrefaisantes de produits de marque.

 Sur la seconde question

31      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que les conditions auxquelles est subordonnée l’injonction, au sens de cette disposition, adressée à un intermédiaire qui fournit un service de location de points de vente dans des halles de marché, sont identiques à celles, relatives aux injonctions pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474).

32      Au point 135 de cet arrêt, la Cour a tout d’abord constaté, en se référant au considérant 23 de la directive 2004/48, que les modalités des injonctions que les États membres doivent prévoir en vertu de l’article 11, troisième phrase, de cette directive, telles que celles relatives aux conditions à remplir et à la procédure à suivre, relèvent du droit national.

33      Elle a, ensuite, précisé que ces règles de droit national doivent être aménagées de manière à permettre la réalisation des objectifs de la directive 2004/48. À cette fin, et conformément à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive, les injonctions doivent être effectives et dissuasives (arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09, EU:C:2011:474, point 136).

34      Enfin, la Cour a dit pour droit que les injonctions doivent être équitables et proportionnées. Elles ne doivent, par conséquent, pas être excessivement coûteuses et ne doivent pas non plus créer d’obstacles au commerce légitime. Il ne saurait non plus être exigé de l’intermédiaire qu’il exerce une surveillance générale et permanente de ses clients. En revanche, l’intermédiaire peut être contraint de prendre des mesures qui contribuent à éviter que de nouvelles atteintes de même nature par le même marchand aient lieu (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09, EU:C:2011:474, points 138 à 141).

35      La Cour a ainsi estimé que toute injonction, au sens de l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48, ne peut être prononcée que si elle assure un juste équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et l’absence d’obstacles au commerce légitime (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09, EU:C:2011:474, point 143).

36      Si, certes, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474), la Cour a été amenée à interpréter l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 dans le cadre d’injonctions pouvant être adressées à un intermédiaire sur une place de marché en ligne, elle a interprété cet article au regard des dispositions générales énoncées à l’article 3 de cette directive, sans considérations particulières relatives à la nature de la place de marché en cause. Il ne ressort d’ailleurs pas de cet article 3 que son champ d’application soit limité aux situations qui se présentent sur des places de marché en ligne. Il résulte, au demeurant, du libellé même dudit article 3 qu’il s’applique à toute mesure visée par ladite directive, y incluses celles prévues à l’article 11, troisième phrase, de celle-ci.

37      Dès lors, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que les conditions auxquelles est subordonnée l’injonction, au sens de cette disposition, adressée à un intermédiaire qui fournit un service de location de points de vente dans des halles de marché, sont identiques à celles, relatives aux injonctions pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474).

 Sur les dépens

38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« intermédiair[e] dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de cette disposition, le locataire de halles de marché qui sous-loue les différents points de vente situés dans ces halles à des marchands, dont certains utilisent leur emplacement pour vendre des marchandises contrefaisantes de produits de marque.

2)      L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que les conditions auxquelles est subordonnée l’injonction, au sens de cette disposition, adressée à un intermédiaire qui fournit un service de location de points de vente dans des halles de marché, sont identiques à celles, relatives aux injonctions pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474).

Signatures


* Langue de procédure : le tchèque.