ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

30 avril 2014 (*)

«Secteur des télécommunications – Réseaux et services de communications électroniques – Libre prestation de services – Article 56 TFUE – Directive 2002/21/CE – Fourniture transfrontalière d’un bouquet de programmes de radio et de télévision – Accès conditionnel – Compétence des autorités réglementaires nationales – Enregistrement – Obligation d’établissement»

Dans l’affaire C‑475/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fővárosi Törvényszék (Hongrie), par décision du 27 septembre 2012, parvenue à la Cour le 22 octobre 2012, dans la procédure

UPC DTH Sàrl

contre

Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Elnökhelyettese,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour UPC DTH Sàrl, par Mes G. Ormai, D. Petrányi, Z. Okányi, P. Szilas et E. Csapó, ügyvédek,

–        pour le Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Elnökhelyettese, par M. N. Beke, en qualité d’agent, assisté de M. G. Molnár-Bίró, ügyvéd,

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó ainsi que par MM. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par Mme M. Jacobs et M. T. Materne, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et T. Müller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas et Mme D. Stepanienė, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et C. Wissels, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement roumain, par M. R.‑H. Radu, ainsi que par Mmes R.‑I. Munteanu et I. Bara-Buşilă, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. G. Braun ainsi que par Mmes L. Nicolae et K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous c) et f), de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 37, ci-après la «directive-cadre»), ainsi que de l’article 56 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UPC DTH Sàrl (ci-après «UPC»), société de droit luxembourgeois, au Nemzeti Média- és Hírközlési Hatóság Elnökhelyettese (vice-président de l’autorité nationale des communications et des médias, ci-après la «NMHH»), au sujet d’une procédure de surveillance du marché des communications électroniques hongrois dirigée contre UPC.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er de la directive 98/84/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 1998, concernant la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel (JO L 320, p. 54), dispose:

«L’objectif de la présente directive est de rapprocher les dispositions des États membres concernant les mesures de lutte contre les dispositifs illicites qui permettent un accès non autorisé à un service protégé.»

 Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques

4        Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques (ci-après le «NCR») est composé de la directive-cadre et de quatre directives particulières qui l’accompagnent, dont les directives 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108 p. 21), telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci-après la «directive ‘autorisation’»), 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7), telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci-après la «directive ʻaccèsʼ»), et 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 11, ci-après la «directive ʻservice universelʼ»).

–       La directive-cadre

5        Le considérant 7 de la directive-cadre est ainsi libellé:

«Les dispositions de la présente directive, ainsi que des directives particulières, ne portent pas atteinte à la possibilité dont dispose chaque État membre d’adopter les mesures nécessaires pour garantir la protection de ses intérêts essentiels en matière de sécurité, assurer l’ordre public et la sécurité publique et permettre la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales, y compris la mise en place par les autorités réglementaires nationales d’obligations spécifiques et proportionnelles applicables aux prestataires de services de communications électroniques.»

6        L’article 1er, paragraphes 1 et 3, de cette directive dispose:

«1.      La présente directive crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques, des réseaux de communications électroniques et des ressources et services associés […] Elle fixe les tâches incombant aux autorités réglementaires nationales et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de la Communauté.

[...]

3.      La présente directive ainsi que les directives particulières ne portent pas atteinte aux mesures prises au niveau communautaire ou national, dans le respect du droit communautaire, pour poursuivre des objectifs d’intérêt général, notamment en ce qui concerne la réglementation en matière de contenus et la politique audiovisuelle.»

7        L’article 2 de la directive-cadre, intitulé «Définitions», prévoit:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

a)      ‘réseau de communications électroniques’: les systèmes de transmission […] qui permettent l’acheminement de signaux par câble […] ou par d’autres moyens électromagnétiques, comprenant les réseaux satellitaires, […]

[…]

c)      ‘service de communications électroniques’: le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus; il ne comprend pas les services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la directive 98/34/CE qui ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques;

[…]

bis)      ‘services associés’: les services associés à un réseau de communications électroniques et/ou à un service de communications électroniques, qui permettent et/ou soutiennent la fourniture de services via ce réseau et/ou ce service ou en ont le potentiel, et comprennent notamment […] les systèmes d’accès conditionnel […]

f)      ‘système d’accès conditionnel’: toute mesure et/ou disposition techniques subordonnant l’accès sous une forme intelligible à un service protégé de radio ou de télévision à un abonnement ou à une autre forme d’autorisation individuelle préalable;

[…]

k)       ‘abonné’: toute personne physique ou morale partie à un contrat avec un fournisseur de services de communications électroniques accessibles au public, pour la fourniture de tels services;

[…]»

8        Il résulte de l’article 8, paragraphe 1, de la directive-cadre que les États membres veillent à ce que les autorités réglementaires nationales prennent toutes les mesures raisonnables visant à promouvoir la concurrence dans la fourniture des services de communications électroniques, à développer le marché intérieur ainsi qu’à soutenir les intérêts des citoyens de l’Union européenne, et à ce que ces mesures soient proportionnées à ces objectifs.

–       La directive «autorisation»

9        Le considérant 15 de cette directive est libellé comme suit:

«Les conditions attachées à l’autorisation générale et aux droits d’utilisation spécifiques devraient se limiter au minimum nécessaire pour garantir le respect des exigences essentielles et des obligations visées par le droit communautaire et la législation nationale en conformité avec le droit communautaire.»

10      L’article 3 de la directive «autorisation», intitulé «Autorisation générale applicable aux réseaux et aux services de communications électroniques», prévoit, à ses paragraphes 2 et 3:

«2.      La fourniture de réseaux de communications électroniques ou la fourniture de services de communications électroniques ne peut faire l’objet, sans préjudice des obligations spécifiques visées à l’article 6, paragraphe 2, ou des droits d’utilisation visés à l’article 5, que d’une autorisation générale. L’entreprise concernée peut être invitée à soumettre une notification, mais ne peut être tenue d’obtenir une décision expresse ou tout autre acte administratif de l’autorité réglementaire nationale avant d’exercer les droits découlant de l’autorisation. Après notification, s’il y a lieu, une entreprise peut commencer son activité, sous réserve, le cas échéant, des dispositions applicables aux droits d’utilisation visées aux articles 5, 6 et 7.

Les entreprises fournissant des services de communications électroniques transfrontaliers à des entreprises installées dans plusieurs États membres ne sont tenues de soumettre qu’une seule notification par État membre concerné.

3.      La notification visée au paragraphe 2 se limite à une déclaration établie par une personne physique ou morale à l’attention de l’autorité réglementaire nationale, l’informant de son intention de commencer à fournir des réseaux ou des services de communications électroniques, ainsi qu’à la communication des informations minimales nécessaires pour permettre à l’autorité réglementaire nationale de tenir un registre ou une liste des fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques. Ces informations doivent se limiter au strict nécessaire pour identifier le fournisseur, comme le numéro d’enregistrement de la société et ses points de contact, son adresse, une brève description du réseau ou du service ainsi que la date prévue du lancement de l’activité.»

11      L’article 6 de la directive «autorisation», intitulé «Conditions dont peuvent être assorties l’autorisation générale et les droits d’utilisation des radiofréquences et des numéros, et obligations spécifiques», dispose, à ses paragraphes 1 et 3:

«1.      L’autorisation générale s’appliquant à la fourniture de réseaux ou de services de communications électroniques, les droits d’utilisation des radiofréquences et des numéros peuvent être soumis uniquement aux conditions énumérées à l’annexe. Ces conditions sont non discriminatoires, proportionnées et transparentes […].

[...]

3.      L’autorisation générale comprend uniquement les conditions spécifiques au secteur, qui sont mentionnées dans la partie A de l’annexe, et ne reprend pas les conditions applicables aux entreprises en vertu d’une autre législation nationale.»

12      L’article 11, paragraphe 1, de la directive «autorisation» est libellé comme suit:

«Sans préjudice de l’obligation d’informer et de présenter des rapports prescrite par des législations nationales autres que celle relative à l’autorisation générale, les autorités réglementaires nationales ne peuvent demander aux entreprises de fournir, au titre de l’autorisation générale […] que les informations qui sont raisonnablement nécessaires et objectivement justifiées […]»

13      Le point 8 de la partie A de l’annexe de la directive «autorisation» mentionne les règles et les conditions relatives à la protection du consommateur spécifiques au secteur des communications électroniques.

–       La directive «accès»

14      L’article 9, paragraphe 1, de la directive «accès» prévoit:

«Les autorités réglementaires nationales peuvent, conformément aux dispositions de l’article 8, imposer des obligations de transparence concernant l’interconnexion et/ou l’accès en vertu desquelles les opérateurs doivent rendre publiques des informations bien définies, telles que les informations comptables, les spécifications techniques, les caractéristiques du réseau, les modalités et conditions de fourniture et d’utilisation […]»

–       La directive 2009/140

15      Le considérant 5 de la directive 2009/140 est rédigé comme suit:

«L’objectif est de réduire progressivement la réglementation sectorielle ex ante au fur et à mesure que la concurrence s’intensifie sur les marchés jusqu’à ce que, à terme, les communications électroniques soient régies par le seul droit de la concurrence. Compte tenu du fait que les marchés des communications électroniques ont fait preuve d’une forte compétitivité ces dernières années, il est essentiel que les obligations réglementaires ex ante ne soient imposées qu’en l’absence de concurrence effective et durable.»

 Le droit hongrois

16      Le NCR a été transposé en droit hongrois, notamment par la loi no C de 2003, sur les communications électroniques [Az elektronikus hírközlésről szóló törvény, Magyar Közlöny 2003/136 (XI.27)].

17      L’article 1er de cette loi énonce:

«(1)      La présente loi s’applique

a)      à toute activité de communications électroniques exercée sur le territoire de la République de Hongrie ou à destination de ce territoire, ainsi qu’à toute activité au cours de laquelle un signal de radiofréquence est émis;

b)      à toute personne physique ou morale, ainsi qu’à tout autre organisme ne possédant pas la personnalité juridique et à ses dirigeants, fournissant le service ou exerçant l’activité visée au point a) ou une activité associée.

[…]»

18      Selon l’article 10, sous m), de ladite loi, l’autorité réglementaire nationale traite notamment des questions administratives liées à la notification des services de communications électroniques, à la gestion des identifiants, à la tenue des registres prescrits par la réglementation, à l’antibrouillage et à la surveillance du marché.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      UPC est une société commerciale enregistrée au Luxembourg qui fournit, depuis le territoire luxembourgeois, aux abonnés résidant dans d’autres États membres, et notamment en Hongrie, des bouquets de services de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle soumis à un accès conditionnel et captables par satellite.

20      N’étant pas propriétaire de l’infrastructure satellitaire, UPC utilise à cette fin les services de tiers. Elle n’exerce en outre aucune responsabilité éditoriale sur les programmes. Le prix facturé aux utilisateurs du service comprend tant les coûts de transmission que les redevances versées aux organismes de radiodiffusion et aux sociétés de gestion collective dans le cadre de la publication de leurs contenus.

21      En Hongrie, la NMHH est l’autorité nationale compétente dans le domaine des services de communications électroniques.

22      Dans le cadre de la restructuration de ses activités dans cet État membre, UPC a mené, dès le printemps 2010, des discussions avec le prédécesseur de la NMHH à propos, notamment, de l’obligation, pour un fournisseur de services de communications électroniques, d’être enregistré par l’autorité réglementaire nationale compétente sur le territoire sur lequel celui-ci a l’intention de fournir de tels services.

23      Le 8 octobre 2010, UPC a informé la NMHH qu’elle avait introduit une demande d’avis auprès des autorités compétentes en vertu de son siège, à savoir l’Institut luxembourgeois de régulation (ci-après l’«ILR»), afin de faire préciser sa situation juridique. L’ILR aurait rendu un avis indiquant que les autorités luxembourgeoises étaient territorialement compétentes en ce qui concerne les services fournis par UPC et que, à la lumière du droit luxembourgeois, le service fourni par cette société n’était pas un service de communications électroniques.

24      Par une décision du 21 octobre 2010, la NMHH, en tant qu’autorité de première instance, a initié une procédure de surveillance du marché à l’encontre d’UPC. Dans le cadre de cette procédure, la NMHH a enjoint à UPC de mettre à sa disposition la documentation relative à sa relation contractuelle avec l’un de ses abonnés.

25      S’appuyant notamment sur l’avis de l’ILR, UPC a refusé de communiquer les renseignements sollicités et a demandé à la NMHH de mettre fin à la procédure de surveillance du marché pour défaut de compétences internationale et matérielle. La NMHH a ensuite, par une décision du 10 décembre 2010, infligé à UPC une amende de 300 000 forints hongrois (HUF), au motif que cette dernière ne lui avait pas communiqué les informations demandées. UPC a interjeté appel de cette décision devant le vice-président de la NMHH qui, en tant qu’autorité de seconde instance, a rejeté ledit appel.

26      UPC a alors demandé à la juridiction de renvoi l’examen juridictionnel de cette décision, en invoquant une violation du droit national. La Fővárosi Törvényszék a annulé ladite décision pour des raisons procédurales et a enjoint au vice-président de la NMHH de réexaminer celle-ci.

27      Dans le cadre de ce réexamen, le vice-président de la NMHH s’est déclaré internationalement et matériellement compétent et a de nouveau rejeté l’appel interjeté par UPC contre la décision de première instance, tout en réduisant à 100 000 HUF l’amende infligée.

28      UPC a alors introduit devant la juridiction de renvoi un recours juridictionnel tendant à l’annulation tant de cette décision que de la décision rendue en première instance.

29      Selon la Fővárosi Törvényszék, la résolution du litige dont elle est saisie exige, au préalable, qu’une réponse soit apportée notamment aux questions relatives aux compétences matérielle et territoriale des autorités hongroises et luxembourgeoises et à la compatibilité du service fourni par UPC avec le droit de l’Union.

30      C’est dans ces conditions que la Fővárosi Törvényszék a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 2, sous c), de la [directive-cadre], peut-il être interprété en ce sens qu’un service dans le cadre duquel le prestataire fournit, à titre onéreux, un accès conditionnel à un bouquet transmis par satellite, comportant des services de radiodiffusion radiophonique et télévisuelle, peut être qualifié de service de communications électroniques?

2)      Le traité [FUE] peut-il être interprété en ce sens que le principe de libre prestation des services entre États membres s’étend au service mentionné à la première question dans la mesure où il s’agit d’un service fourni depuis le Luxembourg sur le territoire de la Hongrie?

3)      Le traité [FUE] peut-il être interprété en ce sens que, dans le cas d’un service visé à la première question, le pays de destination, auquel est destiné le service, est en droit de restreindre la fourniture de tels services par la prescription de l’enregistrement obligatoire du service dans l’État membre et de l’établissement d’une succursale ou d’une entité juridique distincte, en insistant pour qu’un tel service ne puisse être fourni que par une succursale ou une entité distincte?

4)      Le traité [FUE] peut-il être interprété en ce sens que les procédures en rapport avec les services visés à la première question relèvent de l’autorité de l’État membre territorialement compétent au regard du lieu où le service est fourni – indépendamment de l’État membre dans lequel opère ou est enregistrée l’entreprise qui fournit le service?

5)      L’article 2, sous c), de la [directive-cadre] peut-il être interprété en ce sens que le service visé à la première question est un service de communications électroniques ou que le service décrit à la première question est un service d’accès conditionnel fourni en recourant à un système d’accès conditionnel défini à l’article 2, sous f), de [cette] directive?

6)      À la lumière des considérations qui précèdent, les dispositions pertinentes peuvent-elles être interprétées en ce sens que le fournisseur du service visé à la première question est un fournisseur de service de communications électroniques au regard de la réglementation [de l’Union]?»

 Sur les questions préjudicielles

31      À titre liminaire, il convient de relever que les questions préjudicielles soumises à la Cour par la juridiction de renvoi sont susceptibles d’être regroupées en deux groupes distincts, en fonction des dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est demandée.

32      En effet, tandis que le premier groupe concerne l’interprétation de la directive-cadre, en vue de déterminer la nature et le contenu de l’activité exercée par UPC (première, cinquième et sixième questions), le second groupe a pour objet l’application du principe de la libre prestation de services, tel que consacré à l’article 56 TFUE, aux services en cause au principal (deuxième à quatrième questions).

 Sur l’interprétation de la directive-cadre

33      Par ses première, cinquième et sixième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un service consistant à fournir, à titre onéreux, un accès conditionnel à un bouquet transmis par satellite comportant des services de radiodiffusion radiophonique et télévisuelle relève de la notion de «service de communications électroniques», au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre ou s’il doit être qualifié de «système d’accès conditionnel», au sens de l’article 2, sous f), de cette directive. La juridiction de renvoi cherche également à savoir si le prestataire d’un tel service doit être considéré comme un fournisseur de services de communications électroniques au regard du NCR.

34      La Cour a apprécié, dans son arrêt UPC Nederland (C‑518/11, EU:C:2013:709), une question analogue à celle qui a été posée en premier lieu par la juridiction de renvoi.

35      Ladite affaire UPC Nederland concernait un service de fourniture d’un bouquet de programmes de radio et de télévision accessible par câble, proposé par cette société aux résidents d’une commune néerlandaise.

36      Dans ledit arrêt, la Cour a relevé que la directive-cadre établit une distinction claire entre la production des contenus, impliquant une responsabilité éditoriale, et l’acheminement des contenus, exclusif de toute responsabilité éditoriale. La Cour a précisé que les contenus et leur transmission relèvent de réglementations séparées qui poursuivent des objectifs qui leur sont propres (voir arrêt UPC Nederland, EU:C:2013:709, point 41).

37      La Cour a également souligné que, si les clients d’UPC Nederland BV souscrivent un abonnement aux fins d’accéder au bouquet de base accessible par câble que cette société propose, cela n’implique pas, pour autant, que l’activité de cette dernière, qui consiste à diffuser les programmes produits par les éditeurs de contenu, en l’occurrence les chaînes de radio et de télévision, en acheminant ces programmes jusqu’au point de connexion de son réseau câblé situé au domicile de ses abonnés, doit être exclue de la notion de «service de communications électroniques» au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre (voir arrêt UPC Nederland, EU:C:2013:709, point 43).

38      Sur la base de ces considérations, la Cour a conclu que la fourniture d’un bouquet de base accessible par câble relève de la notion de service de communications électroniques et donc du champ d’application matériel du NCR, pour autant que ce service comprend la transmission de signaux sur le réseau de télédistribution par câble (voir arrêt UPC Nederland, EU:C:2013:709, point 44).

39      La Cour a encore précisé que la circonstance que les frais de transmission facturés aux abonnés incorporent la rémunération due aux chaînes de radiotélévision et les droits versés aux organismes de gestion collective des droits d’auteur au titre de la diffusion du contenu des œuvres ne saurait faire obstacle à la qualification du service fourni par UPC Nederland BV comme «service de communications électroniques», au sens du NCR (voir arrêt UPC Nederland, EU:C:2013:709, point 46).

40      Or, à l’instar d’UPC Nederland BV et ainsi que cela ressort du dossier soumis à la Cour dans la présente affaire, UPC ne produit pas elle-même les programmes de radio et de télévision qu’elle diffuse et n’assume pas la responsabilité éditoriale du contenu de ceux-ci. En outre, l’abonnement au service fourni par UPC comprend non seulement les coûts de transmission, mais aussi les redevances versées aux organismes de radiodiffusion et aux sociétés de gestion collective dans le cadre de la publication des contenus des programmes diffusés.

41      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 2, sous a) et c), de la directive-cadre, la circonstance que l’acheminement de signaux sur des réseaux de communications électroniques soit effectué par câble ou par une infrastructure satellitaire n’est nullement déterminante aux fins de l’interprétation de la notion de «service de communications électroniques» au sens de cette disposition.

42      Toutefois, UPC fait valoir qu’elle ne fournit pas un service de communications électroniques au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre, puisqu’elle ne transmet aucun signal et ne possède pas de réseau de communications électroniques, à savoir d’infrastructure satellitaire. À cette fin, elle ferait appel aux services et aux dispositifs appartenant à des tiers.

43      À cet égard, il y a lieu de relever que la circonstance que la transmission du signal a lieu par le truchement d’une infrastructure qui n’appartient pas à UPC est sans pertinence pour la qualification de la nature du service. En effet, seul importe à cet égard le fait qu’UPC est responsable envers les utilisateurs finals de la transmission du signal qui garantit à ces derniers la fourniture du service auquel ils se sont abonnés.

44      Toute autre interprétation réduirait considérablement la portée du NCR, porterait atteinte à l’effet utile des dispositions qu’il contient et compromettrait, en conséquence, la réalisation des objectifs que ce cadre poursuit. En effet, la finalité même du NCR étant, ainsi qu’il ressort du considérant 5 de la directive 2009/140, d’établir un véritable marché intérieur des communications électroniques, dans le cadre duquel ces dernières doivent, à terme, être régies par le seul droit de la concurrence, l’exclusion des activités d’une entreprise telle UPC de son champ d’application, au prétexte qu’elle n’est pas titulaire de l’infrastructure satellitaire qui permet la transmission des signaux, priverait ce dernier d’une partie substantielle de sa portée (voir, en ce sens, arrêt UPC Nederland, EU:C:2013:709, point 45).

45      Si l’interprétation donnée par la Cour dans ledit arrêt UPC Nederland permet d’apporter une réponse à la question de la qualification, au titre du NCR, du service fourni par UPC, il importe toutefois de rappeler que ledit service est soumis à un accès conditionnel, les abonnés d’UPC ayant uniquement accès aux programmes transmis par satellite après décryptage.

46      Une telle circonstance a amené la juridiction de renvoi à s’interroger sur le point de savoir si le service fourni par UPC devait être considéré non pas comme un service de communications électroniques, au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre, mais comme un «système d’accès conditionnel», au sens de l’article 2, sous f), de la même directive.

47      Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 43 de ses conclusions, ce doute de la juridiction de renvoi semble être fondé sur la prémisse selon laquelle un service de communications électroniques et un système d’accès conditionnel s’excluraient réciproquement.

48      Une telle prémisse est erronée.

49      En effet, il convient de rappeler que l’article 2, sous f), de la directive-cadre définit le «système d’accès conditionnel», au sens de cette disposition, comme «toute mesure et/ou disposition techniques subordonnant l’accès sous une forme intelligible à un service protégé de radio ou de télévision à un abonnement ou à une autre forme d’autorisation individuelle préalable».

50      Il découle de cette disposition qu’un système d’accès conditionnel constitue une modalité d’accès à un service de radio ou de télévision et suppose la mise en place d’un dispositif technique dont la finalité est de limiter l’accès à un tel service aux seules personnes qui ont souscrit un abonnement auprès du fournisseur de celui-ci. Toutefois, le système d’accès conditionnel ne permet pas, à lui seul, d’accéder au service de radio ou de télévision. Un tel accès dépend toujours de la transmission des signaux par le réseau de communications électroniques.

51      La mise en œuvre d’un système d’accès conditionnel se trouve donc directement liée à la prestation du service protégé. En effet, dans toutes les situations où l’opérateur du système d’accès conditionnel est, en même temps, le prestataire du service de diffusion de programmes de radio ou de télévision, ce qui semble être le cas dans l’affaire au principal, il s’agit d’un service unifié dans le cadre duquel la fourniture du service de radio ou de télévision constitue l’élément central de l’activité exercée par ledit opérateur, le système d’accès conditionnel étant l’élément accessoire.

52      Compte tenu de son caractère accessoire, un système d’accès conditionnel peut être attaché à un service de communications électroniques ayant pour objet la diffusion de programmes de radio ou de télévision, sans que pour autant ce dernier perde la qualité de service de communications électroniques.

53      Cette conclusion est confortée par l’article 2, sous e bis), de la directive-cadre, selon lequel les systèmes d’accès conditionnel sont des services associés à un réseau de communications électroniques et/ou à un service de communications électroniques qui permettent la fourniture de services par ce réseau et/ou ce service.

54      De surcroît, s’il est vrai que la directive 98/84 établit des règles spécifiques pour les systèmes d’accès conditionnel, il n’en demeure pas moins que, selon son article 1er, le champ d’application de cette directive est limité au rapprochement des dispositions des États membres concernant les mesures de lutte contre les dispositifs illicites qui permettent un accès non autorisé à un service protégé. Dans ces conditions, ladite directive n’affecte pas la qualification d’un service de communications électroniques dont le contenu est soumis à un accès conditionnel.

55      S’agissant, en outre, de la question de savoir si le prestataire d’un service, tel que celui fourni par UPC, doit être considéré comme un fournisseur de services de communications électroniques au regard du NCR, il importe de relever que ni la directive-cadre, ni la directive «autorisation» ne contiennent de définition de la notion de fournisseur de services de communications électroniques.

56      Toutefois, l’article 2, sous k), de la directive-cadre définit la notion d’«abonné» comme toute personne physique ou morale partie à un contrat avec un «fournisseur de services de communications électroniques accessibles au public, pour la fourniture de tels services».

57      Il y a donc lieu de constater qu’un prestataire de services de communications électroniques, au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre, est un fournisseur de services de communications électroniques au sens de cette directive.

58      Dès lors, il convient de répondre aux première, cinquième et sixième questions que l’article 2, sous c), de la directive-cadre doit être interprété en ce sens qu’un service consistant à fournir, à titre onéreux, un accès conditionnel à un bouquet transmis par satellite comportant des services de radiodiffusion radiophonique et télévisuelle relève de la notion de «service de communications électroniques», au sens de ladite disposition. Le fait que ce service inclut un système d’accès conditionnel, au sens de l’article 2, sous e bis) et f), de la directive-cadre, est sans incidence à cet égard. L’opérateur qui fournit un service, tel que celui en cause au principal, doit être considéré comme un fournisseur de services de communications électroniques, au regard de la directive-cadre.

 Sur la libre prestation de services

 Sur la deuxième question

59      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, un service consistant à fournir, à titre onéreux, un accès conditionnel à un bouquet transmis par satellite comportant des services de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle constitue une prestation de services au sens de l’article 56 TFUE.

60      Il est constant qu’UPC est une société établie au Luxembourg qui fournit aux abonnés résidant dans d’autres États membres des bouquets de services de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle.

61      Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’émission de messages télévisés comme leur transmission relèvent des règles du traité relatives à la prestation des services (voir, en ce sens, arrêts De Coster, C‑17/00, EU:C:2001:651, point 28, ainsi que United Pan-Europe Communications Belgium e.a., C‑250/06, EU:C:2007:783, point 28).

62      Toutefois, la question de savoir si une réglementation nationale dans le secteur des services de communications électroniques, telle que la loi no C de 2003, doit être examinée à l’aune de l’article 56 TFUE dépend du degré de l’harmonisation opérée au sein de l’Union dans ce secteur.

63      En effet, toute mesure nationale dans un domaine qui a fait l’objet d’une harmonisation complète à l’échelle de l’Union doit être appréciée au regard non pas des dispositions du droit primaire, mais de celles de cette mesure d’harmonisation (voir, notamment, arrêts Deutscher Apothekerverband, C‑322/01, EU:C:2003:664, point 64, et Citroën Belux, C‑265/12, EU:C:2013:498, point 31).

64      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon le considérant 7 de la directive-cadre, «les dispositions de cette directive, ainsi que des directives particulières [qui composent le NCR], ne portent pas atteinte à la possibilité dont dispose chaque État membre d’adopter les mesures nécessaires pour garantir la protection de ses intérêts essentiels en matière de sécurité, y compris la mise en place par les autorités réglementaires nationales d’obligations spécifiques et proportionnelles applicables aux prestataires de services de communications électroniques».

65      Ainsi, l’article 1er, paragraphe 3, de la directive-cadre prévoit qu’il n’est pas porté atteinte aux mesures prises au niveau national, dans le respect du droit de l’Union, pour poursuivre des objectifs d’intérêt général.

66      Il ressort, en outre, de l’article 8, paragraphe 1, de la directive-cadre que les États membres veillent à ce que les autorités réglementaires nationales prennent toutes les mesures raisonnables visant à promouvoir la concurrence dans la fourniture des services de communications électroniques, à développer le marché intérieur ainsi qu’à soutenir les intérêts des citoyens de l’Union, et à ce que ces mesures soient proportionnées à ces objectifs.

67      Dans le même sens, le considérant 15 de la directive «autorisation» énonce que les conditions attachées à l’autorisation générale doivent se limiter au minimum nécessaire pour garantir le respect des obligations visées par le droit national en conformité avec le droit de l’Union.

68      Pour sa part, la directive «accès» dispose, à son article 9, paragraphe 1, que les autorités nationales peuvent imposer des obligations de transparence concernant l’interconnexion et/ou l’accès en vertu desquelles les opérateurs doivent rendre publiques des informations bien définies.

69      Enfin, dans l’arrêt Telekomunikacja Polska (C‑522/08, EU:C:2010:135, point 29), la Cour, après avoir constaté que l’article 20 de la directive «service universel» s’appliquait sans préjudice de la réglementation nationale relative à la protection des consommateurs conforme au droit de l’Union, a jugé que la directive-cadre et la directive «service universel» ne prévoient pas une harmonisation complète des aspects relatifs à la protection des consommateurs.

70      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le droit de l’Union n’a pas procédé à une harmonisation complète du secteur des services de communications électroniques et, par conséquent, la législation nationale en cause au principal doit être examinée au regard de l’article 56 TFUE en ce qui concerne les aspects non couverts par le NCR.

71       La NMHH et le gouvernement hongrois proposent, néanmoins, de répondre par la négative à la deuxième question, dans la mesure où UPC n’exerce aucune activité de fourniture de services de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle dans l’État membre de son siège social.

72      À cet égard, il suffit de rappeler que le droit, pour un opérateur économique établi dans un État membre de fournir des services dans un autre État membre, que consacre l’article 56 TFUE, n’est pas subordonné à la condition que ledit opérateur fournisse également de tels services dans l’État membre dans lequel il est établi. En effet, cet article exige seulement que le prestataire soit établi dans un État membre autre que celui du destinataire (voir arrêt Carmen Media Group, C‑46/08, EU:C:2010:505, point 43 et jurisprudence citée).

73      Les gouvernements tchèque, roumain et slovaque font en outre valoir que l’activité exercée par UPC sur le territoire hongrois ne relève pas du champ d’application de l’article 56 TFUE, dans la mesure où cette activité présente une nature non pas temporaire ou occasionnelle, mais permanente et systématique. Dans ces conditions, UPC invoquerait abusivement l’application des règles relatives à la libre prestation de services garanties par cet article.

74      Il convient d’observer également qu’aucune disposition du traité ne permet de déterminer, de manière abstraite, la durée ou la fréquence à partir de laquelle la fourniture d’un service ou d’un certain type de service dans un autre État membre ne peut plus être considérée comme une prestation de services, de sorte que la notion de «service» au sens du traité peut recouvrir des services de nature très différente, y compris des services dont la prestation s’étend sur une période prolongée, voire sur plusieurs années (voir arrêts Schnitzer, C‑215/01, EU:C:2003:662, points 30 et 31, ainsi que Duomo Gpa e.a., C‑357/10 à C‑359/10, EU:C:2012:283, point 32).

75      Par conséquent, le seul fait qu’un opérateur économique établi dans un État membre fournisse des services identiques ou similaires de manière plus ou moins fréquente ou régulière dans un autre État membre sans y disposer d’une infrastructure lui permettant d’y exercer de façon stable et continue une activité professionnelle et, à partir de ladite infrastructure, de s’adresser, entre autres, aux ressortissants de cet État membre, ne suffit pas à le considérer comme établi dans ledit État membre (arrêt Schnitzer, EU:C:2003:662, point 32).

76      Il importe de relever, par ailleurs, que la circonstance qu’une entreprise se soit établie dans un État membre dans le but d’échapper à la législation d’un autre État membre n’exclut pas que ses émissions puissent être considérées comme des services au sens du traité. En effet, cette question est distincte de celle de savoir quelles sont les mesures qu’un État membre est autorisé à prendre pour empêcher le prestataire de services établi dans un autre État membre de contourner sa législation interne (voir arrêt TV10, C‑23/93, EU:C:1994:362, point 15).

77      En outre, l’exercice d’une liberté fondamentale dans le but de bénéficier de la législation plus avantageuse d’un autre État membre n’est pas, à lui seul, suffisant pour conclure à l’existence d’un usage abusif de cette liberté (voir, en ce sens, arrêt Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C‑196/04, EU:C:2006:544, point 37).

78      Eu égard aux considérations qui précèdent, il a lieu de répondre à la deuxième question que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, un service consistant à fournir, à titre onéreux, un accès conditionnel à un bouquet transmis par satellite comportant des services de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle constitue une prestation de services au sens de l’article 56 TFUE.

 Sur la quatrième question

79      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les procédures de surveillance relatives aux services de communications électroniques, tel celui en cause au principal, relèvent des autorités de l’État membre dans lequel résident les destinataires desdits services ou de celles de l’État membre sur le territoire duquel est située l’entreprise fournissant ces mêmes services.

80      Cette question trouve son origine dans le débat mené dans le litige au principal quant aux compétences matérielles et territoriales respectives des autorités luxembourgeoises et hongroises pour ce qui est des procédures de surveillance applicables aux activités, menées à partir du territoire luxembourgeois, de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle destinées à des personnes résidant sur le territoire hongrois.

81      Il importe de rappeler que l’affaire au principal porte sur la légalité d’une amende infligée à UPC par la NMHH, en raison du refus de cette société de communiquer à la NMHH les informations relatives à la relation contractuelle entre UPC et l’un de ses abonnés. Cette demande d’information avait été formulée dans le cadre d’une procédure de surveillance du marché à l’encontre d’UPC engagée à la suite de plaintes d’abonnés de cette société.

82      Il ressort du point 58 du présent arrêt qu’UPC fournit, sur le territoire hongrois, des «services de communications électroniques», au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre.

83      Dans ce contexte, la diffusion par UPC, aux abonnés résidant en Hongrie, de bouquets de services de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle soumis à un accès conditionnel et captables par satellite relève du NCR, et notamment de la directive «autorisation».

84      À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la directive «autorisation», l’autorisation générale s’appliquant à la fourniture de réseaux ou de services de communications électroniques peut être soumise uniquement aux conditions énumérées dans la partie A de l’annexe de cette directive.

85      Il convient également d’observer que, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la directive «autorisation», lu en combinaison avec le point 8 de la partie A de l’annexe de celle-ci, les autorités nationales peuvent demander aux entreprises les informations qui sont raisonnablement nécessaires et objectivement justifiées pour leur permettre de vérifier le respect des conditions relatives à la protection des consommateurs, lorsqu’elles reçoivent une plainte ou qu’elles mènent une enquête de leur propre initiative.

86      Il résulte de ces éléments que, en l’état actuel du droit de l’Union, la directive «autorisation» ne prévoit aucune obligation pour les autorités nationales compétentes quant à la reconnaissance de décisions d’autorisation prises dans l’État à partir duquel des services concernés sont fournis.

87      Par conséquent, l’État membre sur le territoire duquel résident les destinataires des services de communications électroniques peut subordonner la prestation de ces services à certaines conditions, conformément aux dispositions de ladite directive.

88      Dans ces conditions, il convient de répondre à la quatrième question que les procédures de surveillance relatives aux services de communications électroniques, tel celui en cause au principal, relèvent des autorités de l’État membre dans lequel résident les destinataires desdits services.

 Sur la troisième question

89      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités d’un État membre imposent aux entreprises qui fournissent sur le territoire de cet État des services de communications électroniques, tel celui en cause au principal, l’obligation d’enregistrer ces services et de créer dans ledit État une succursale ou une entité juridique distincte de celle située dans l’État membre d’émission.

–       Sur la recevabilité

90      La NMHH et le gouvernement hongrois estiment que la troisième question est irrecevable.

91      Ils prétendent que le litige au principal n’a de lien ni avec la liberté d’établissement, ni avec les aspects du droit de l’Union liés aux services transfrontaliers qui sont soulevés dans cette question. Par ladite question, la juridiction de renvoi soulèverait des problèmes d’une nature différente de celle de la présente affaire. Il s’agirait d’une question sur laquelle la juridiction de renvoi n’a pas à statuer et qui serait, partant, sans pertinence en vue de la résolution du litige au principal.

92      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêt Fish Legal et Shirley, C‑279/12, EU:C:2013:853, point 29).

93      Les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Fish Legal et Shirley, EU:C:2013:853, point 30).

94      En l’occurrence, interrogée par la Cour dans le cadre d’une demande d’éclaircissements, au titre de l’article 101, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la juridiction de renvoi a indiqué les raisons pour lesquelles une réponse à cette question pourrait lui être utile, dans l’hypothèse où la Cour constaterait une violation de l’article 56 TFUE. Il n’apparaît donc pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

95      Dès lors, la troisième question préjudicielle doit être déclarée recevable.

–       Sur le fond

96      S’agissant de l’obligation d’enregistrement d’un service, tel que celui en cause au principal, dans l’État membre sur le territoire duquel il est fourni, il importe de relever qu’il résulte de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la directive «autorisation» que le prestataire de services de communications électroniques peut être tenu, avant de commencer son activité, de soumettre aux autorités réglementaires nationales une notification, laquelle doit contenir des informations minimales nécessaires pour permettre à ces autorités de tenir un registre.

97      Il ressort également de l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la directive «autorisation» que ces informations doivent se limiter au strict nécessaire pour identifier le fournisseur, comme le numéro d’enregistrement de la société et ses points de contact, son adresse, une brève description du réseau ou du service, ainsi que la date prévue du lancement de son activité. Cette disposition précise également que la fourniture du service de communications électroniques ne peut pas être subordonnée à l’obtention, par ladite entreprise, d’une décision expresse ou de tout autre acte administratif. De plus, après avoir procédé à la notification, une entreprise peut commencer son activité.

98      À cet égard, il importe de relever que, ainsi que la Cour l’a jugé au point 70 du présent arrêt, la circonstance que la directive-cadre et les directives particulières qui composent le NCR, dont la directive «autorisation», ne procèdent pas à une harmonisation complète des législations nationales dans le secteur des réseaux et des services de communications électroniques ne fait pas obstacle à ce que, en ce qui concerne certains aspects particuliers du NCR, le législateur de l’Union puisse encadrer la marge de manœuvre des États membres dans des limites strictes.

99      C’est précisément le cas de l’article 3 de la directive «autorisation», qui contient un cadre juridique relatif aux conditions que les autorités réglementaires d’un État membre peuvent imposer en vue de permettre aux entreprises établies dans d’autres États membres de fournir, sur le territoire de cet État, des services de communications électroniques.

100    Il convient donc de constater que l’obligation imposée aux entreprises qui fournissent des services de communications électroniques d’enregistrer ces services auprès des autorités réglementaires de l’État membre sur le territoire duquel lesdits services sont fournis est prévue expressément dans la directive «autorisation». Par conséquent, l’article 56 TFUE ne s’oppose pas à ce que les États membres imposent une telle obligation, pour autant qu’ils agissent dans le respect des exigences définies à l’article 3 de la directive «autorisation».

101    En ce qui concerne l’obligation selon laquelle une entreprise qui souhaite fournir des services de communications électroniques dans un État membre autre que celui dans lequel elle est établie est contrainte d’y créer une succursale ou une entité juridique distincte, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 56 TFUE exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services en raison de sa nationalité ou de la circonstance qu’il est établi dans un État membre autre que celui où la prestation doit être exécutée, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services similaires (arrêt Konstantinides, C‑475/11, EU:C:2013:542, point 44).

102    Force est de constater qu’une disposition de droit national selon laquelle une entreprise établie dans un autre État membre doit créer un établissement stable dans l’État membre où elle prétend fournir des services de communications électroniques méconnaît l’interdiction, prévue à l’article 56 TFUE, de toute restriction à la libre prestation de services.

103    Certes, des restrictions à cette liberté peuvent, en général, être admises au titre des mesures dérogatoires, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique, expressément prévues à l’article 52 TFUE, applicables en la matière en vertu de l’article 62 TFUE, ou justifiées, conformément à la jurisprudence de la Cour, par des raisons impérieuses d’intérêt général (arrêt Garkalns, C‑470/11, EU:C:2012:505, point 35).

104    Toutefois, une obligation d’établissement est la négation même de la libre prestation de services et a pour conséquence de priver de tout effet utile l’article 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêts Commission/Allemagne, 205/84, EU:C:1986:463, point 52, et Commission/Allemagne, C‑546/07, EU:C:2010:25, point 39).

105    En tout état de cause, et ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 89 et 91 de ses conclusions, les possibilités de contrôle plus étendues que permettrait l’établissement d’une succursale ou d’une entité juridique distincte ne sont pas justifiées dans l’affaire au principal.

106    Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il:

–        ne s’oppose pas à ce que les États membres imposent aux entreprises qui fournissent sur leur territoire des services de communications électroniques, tel celui en cause au principal, l’obligation d’enregistrer ces services, pour autant qu’ils agissent dans le respect des exigences définies à article 3 de la directive «autorisation», et

–        s’oppose, en revanche, à ce que les entreprises qui souhaitent fournir des services de communications électroniques, tel celui en cause au principal, dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel elles sont établies soient tenues d’y créer une succursale ou une entité juridique distincte de celle située dans l’État membre d’émission.

 Sur les dépens

107    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 2, sous c), de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, doit être interprété en ce sens qu’un service consistant à fournir, à titre onéreux, un accès conditionnel à un bouquet transmis par satellite comportant des services de radiodiffusion radiophonique et télévisuelle relève de la notion de «service de communications électroniques», au sens de ladite disposition.

Le fait que ce service inclut un système d’accès conditionnel, au sens de l’article 2, sous e bis) et f), de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140, est sans incidence à cet égard.

L’opérateur qui fournit un service, tel que celui en cause au principal, doit être considéré comme un fournisseur de services de communications électroniques, au regard de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140.

2)      Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, un service consistant à fournir, à titre onéreux, un accès conditionnel à un bouquet transmis par satellite comportant des services de radiodiffusion radiophonique et audiovisuelle constitue une prestation de services au sens de l’article 56 TFUE.

3)      Les procédures de surveillance relatives aux services de communications électroniques, tel celui en cause au principal, relèvent des autorités de l’État membre dans lequel résident les destinataires desdits services.

4)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il:

–        ne s’oppose pas à ce que les États membres imposent aux entreprises qui fournissent sur leur territoire des services de communications électroniques, tel celui en cause au principal, l’obligation d’enregistrer ces services, pour autant qu’ils agissent dans le respect des exigences définies à l’article 3 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation»), telle que modifiée par la directive 2009/140, et

–        s’oppose, en revanche, à ce que les entreprises qui souhaitent fournir des services de communications électroniques, tel celui en cause au principal, dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel elles sont établies soient tenues d’y créer une succursale ou une entité juridique distincte de celle située dans l’État membre d’émission.

Signatures


* Langue de procédure: le hongrois.