ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

8 mars 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Directive 2003/87/CE – Article 3, sous a) – Articles 11 et 12 – Cessation des activités d’une installation – Restitution des quotas non utilisés – Période 2008-2012 – Absence d’indemnité – Économie du système d’échange de quotas d’émission »

Dans l’affaire C‑321/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour constitutionnelle (Luxembourg), par décision du 19 juin 2015, parvenue à la Cour le 29 juin 2015, dans la procédure

ArcelorMittal Rodange et Schifflange SA

contre

État du Grand-Duché de Luxembourg,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), président de chambre, Mme M. Berger, MM. A. Borg Barthet, E. Levits et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour ArcelorMittal Rodange et Schifflange SA, par Me G. Loesch, avocat,

–        pour le gouvernement luxembourgeois, par Mme D. Holderer, en qualité d’agent, assistée de Me P. Kinsch, avocat,

–        pour la Commission européenne, par MM. E. White, A. Buchet et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par le règlement (CE) n° 219/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009 (JO 2009, L 87, p. 109) (ci-après la « directive 2003/87 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ArcelorMittal Rodange et Schifflange SA (ci-après « ArcelorMittal ») à l’État du Grand-Duché de Luxembourg au sujet de la légalité de la décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures imposant à cette société la restitution, sans indemnité, de 80 922 quotas d’émission de gaz à effet de serre non utilisés.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 1er de la directive 2003/87, celle-ci « établit un système communautaire d’échange de quotas de gaz à effet de serre dans la Communauté [...] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes ».

4        L’article 3, sous a), de cette directive définit le « quota » d’émission comme étant « le quota autorisant à émettre une tonne d’équivalent-dioxyde de carbone au cours d’une période spécifiée, valable uniquement pour respecter les exigences de la présente directive, et transférable conformément aux dispositions de la présente directive ».

5        L’article 7 de ladite directive prévoit :

« L’exploitant informe l’autorité compétente de tous changements prévus en ce qui concerne la nature, le fonctionnement ou une extension de l’installation, susceptibles de nécessiter une actualisation de l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre. Le cas échéant, l’autorité compétente actualise l’autorisation. En cas de changement de l’identité de l’exploitant de l’installation, l’autorité compétente met à jour l’autorisation pour y faire figurer le nom et l’adresse du nouvel exploitant. »

6        L’article 9 de la directive 2003/87 prévoit l’élaboration, par chaque État membre, d’un plan national d’allocation de quotas (ci-après le « PNA »). En particulier, ses paragraphes 1 et 3 disposent :

« 1.      Pour chaque période visée à l’article 11, paragraphes 1 et 2, chaque État membre élabore un plan national précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. Ce plan est fondé sur des critères objectifs et transparents, incluant les critères énumérés à l’annexe III, en tenant dûment compte des observations formulées par le public. Sans préjudice des dispositions du traité [CE], la Commission élabore des orientations pour la mise en œuvre des critères qui figurent à l’annexe III pour le 31 décembre 2003 au plus tard.

[...]

3.      Dans les trois mois qui suivent la notification d’un [PNA] par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce plan ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée. »

7        L’article 11, paragraphes 2 et 4, de la directive 2003/87 prévoit :

« 2.       Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008, et pour chaque période de cinq ans suivante, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base de son [PNA] élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public.

[...]

4.      L’autorité compétente délivre une partie de la quantité totale de quotas chaque année de la période visée au paragraphe 1 ou 2, au plus tard le 28 février de l’année en question. »

8        L’article 12, paragraphes 1 et 3, de cette directive dispose :

« 1.      Les États membres s’assurent que les quotas puissent être transférés entre :

a)      personnes dans la Communauté ;

[...]

3.      Les États membres s’assurent que, le 30 avril de chaque année au plus tard, tout exploitant d’une installation restitue un nombre de quotas [...] correspondant aux émissions totales de cette installation au cours de l’année civile écoulée, telles qu’elles ont été vérifiées conformément à l’article 15, et pour que ces quotas soient ensuite annulés. »

9        L’article 13, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Les quotas sont valables pour les émissions produites au cours de la période visée à l’article 11, paragraphes 1 ou 2, pour laquelle ils sont délivrés. »

10      L’article 19, paragraphe 1, de la directive 2003/87 énonce :

« Les États membres prévoient l’établissement et le maintien d’un registre afin de tenir une comptabilité précise des quotas délivrés, détenus, transférés et annulés. Les États membres peuvent gérer leurs registres dans un système consolidé avec un ou plusieurs autres États membres. »

 Le droit luxembourgeois

11      L’article 16 de la Constitution dispose :

« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de la manière établis par la loi. »

12      La directive 2003/87 a été transposée dans le droit luxembourgeois par la loi du 23 décembre 2004, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (Mémorial A 2004, p. 3792, ci-après la « loi de 2004 »). L’article 12, paragraphes 2 et 4, de cette loi prévoit :

« 2.      Pour la période de cinq ans qui débute le 1er janvier 2008, et pour chaque période de cinq ans suivante, le ministre détermine la quantité totale de quotas à allouer pour cette période et lance le processus d’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Le ministre prend cette initiative au moins douze mois avant le début de la période concernée, sur la base du plan national d’allocation de quotas élaboré en application de l’article 10.

[...]

4.      Le ministre délivre une partie de la quantité totale de quotas chaque année de la période visée aux paragraphes 1 ou 2, au plus tard le 28 février de l’année en question. »

13      L’article 13, paragraphe 6, de cette loi dispose :

« Toute cessation totale ou partielle de l’exploitation d’une installation doit immédiatement être notifiée au ministre. Le ministre statue sur la restitution totale ou partielle des quotas non utilisés. »

14      S’agissant de la période 2008-2012, le Grand-Duché de Luxembourg a, en application de l’article 9 de la directive 2003/87, élaboré son PNA. Ce PNA a été approuvé par la Commission par décisions des 29 novembre 2006 et 13 juillet 2007. À la page 7 dudit PNA, il est prévu, en substance, que, en cas de démantèlement ou de fermeture d’une installation, les quotas ne seront pas délivrés pour l’année suivante.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

15      Ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, le ministre de l’Environnement a alloué à ArcelorMittal, pour la période 2008-2012, une quantité totale de 405 365 quotas d’émission. En ce qui concerne l’année 2012, ce ministre a, le 22 février de ladite année, délivré à ArcelorMittal, pour inscription au registre national, 81 073 quotas au titre de l’installation de Schifflange (Luxembourg) de cette société.

16      Par une lettre du 23 avril 2012, ArcelorMittal a demandé audit ministre une interruption des contrôles environnementaux, au motif que les activités de cette installation de Schifflange étaient suspendues depuis la fin de l’année 2011, pour une durée indéterminée.

17      Par un arrêté du 6 juin 2013, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, d’une part, a réduit le total des quotas d’émission alloués à cette société pour la période 2008-2012 et, d’autre part, a sollicité la restitution, sans indemnité, de 80 922 quotas d’émission (ci-après les « quotas litigieux »). Cette mesure, adoptée notamment sur le fondement de l’article 13, paragraphe 6, de la loi de 2004, était justifiée par la déclaration d’ArcelorMittal relative à la suspension, à partir de la fin de l’année 2011, des activités de son installation de Schifflange.

18      Le 8 juillet 2013, ArcelorMittal a introduit un recours gracieux contre l’arrêté ministériel du 6 juin 2013, lequel recours a été rejeté par une décision du 24 septembre 2013. Saisi d’un recours de cette société visant ladite décision, le tribunal administratif (Luxembourg) a décidé, par un jugement du 17 décembre 2014, de saisir la Cour constitutionnelle (Luxembourg) d’une demande de décision préjudicielle portant sur la conformité de l’article 13, paragraphe 6, de la loi de 2004 à l’article 16 de la Constitution. En effet, selon le tribunal administratif, une restitution, sans indemnité, des quotas litigieux correspondrait, par ses effets, à une expropriation illégale, étant donné que les quotas litigieux ont été délivrés et inscrits au registre national et que, par conséquent, ils étaient entrés dans le patrimoine d’ArcelorMittal. La Cour constitutionnelle, pour sa part, s’interroge sur la compatibilité de l’article 13, paragraphe 6, de la loi de 2004 avec la directive 2003/87, dans la mesure où cette disposition serait susceptible d’être contraire à l’économie du système établi par cette directive.

19      Dans ces conditions, la Cour constitutionnelle a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« [L]’article 13, paragraphe 6, de la [loi de 2004], dans la mesure où il permet au ministre compétent d’exiger la restitution sans indemnité totale ou partielle des quotas délivrés conformément à l’article 12, paragraphes 2 et 4, de la même loi, mais non utilisés, est-il conforme à la directive [2003/87], ce plus particulièrement à l’économie du système d’échange des quotas y prévu, cette question s’étendant à celle de l’existence effective, voire, dans l’affirmative, de la qualification de la restitution des quotas délivrés mais non utilisés, de même qu’à celle de la qualification éventuelle de biens de pareils quotas ? »

 Sur la question préjudicielle

20      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2003/87 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une disposition nationale qui permet aux autorités compétentes d’exiger la restitution, sans indemnité, des quotas d’émission délivrés, mais non utilisés par un exploitant.

21      Cette juridiction demande, en outre, si les quotas litigieux peuvent être qualifiés de quotas d’émission, au sens de la directive 2003/87, et, en cas de réponse affirmative, quelle est la nature juridique desdits quotas.

22      En ce qui concerne la première partie de la question posée, il convient de rappeler, tout d’abord, que le système d’échange de quotas établi par la directive 2003/87 repose sur une logique économique, laquelle incite tout participant à ce système à émettre une quantité de gaz à effet de serre inférieure aux quotas qui lui ont été initialement octroyés, afin d’en céder le surplus à un autre participant ayant produit une quantité d’émissions supérieure aux quotas alloués (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 32).

23      Il y a lieu de constater, ensuite, que l’article 19, paragraphe 1, de la directive 2003/87 impose la création d’un système de registres nationaux, afin de tenir une « comptabilité précise » des opérations effectuées avec les quotas d’émission.

24      À cet égard, la Cour a jugé que l’économie générale de la directive 2003/87 repose sur une stricte comptabilité des quotas délivrés, détenus, transférés et annulés, dont le cadre est fixé à l’article 19 de celle-ci. Cette comptabilité précise est inhérente à l’objet même de ladite directive, à savoir l’établissement d’un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, lequel tend à la réduction des émissions de ces gaz dans l’atmosphère à un niveau empêchant toute perturbation anthropique dangereuse du climat, et dont l’objectif final est la protection de l’environnement (arrêt du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka, C‑203/12, EU:C:2013:664, point 27).

25      En outre, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 65 de ses conclusions, l’exigence d’exactitude des chiffres et des circonstances entourant les quotas répond à la volonté du législateur de l’Union européenne d’améliorer le fonctionnement du marché établi par la directive 2003/87, en évitant les distorsions qui résulteraient de tout doute en ce qui concerne la validité des quotas. En outre, au-delà de l’intérêt purement économique du maintien de la fiabilité dudit marché, cette exigence d’exactitude permet d’atteindre l’objectif poursuivi par celui-ci, à savoir la lutte contre la pollution. Garantir la concordance entre les émissions réelles et les émissions autorisées grâce aux quotas constitue, pour cette raison, une priorité du système dans son ensemble.

26      À cet effet, l’article 7 de la directive 2003/87 impose aux exploitants d’une installation de communiquer aux autorités compétentes tout changement dans l’utilisation de celle-ci susceptible de nécessiter une actualisation de l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre.

27      Enfin, il importe de souligner que, dans la définition de leurs PNA, les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Commission/Estonie, C‑505/09 P, EU:C:2012:179, points 51 à 53). Au terme de la procédure prévue à l’article 9 de la directive 2003/87, un PNA jouit d’une présomption de légalité, dans la mesure où, à l’expiration du délai de trois mois prévu au paragraphe 3 de cet article, il est considéré comme définitif, en l’absence d’observations de la Commission, de telle sorte que l’État membre concerné peut l’adopter (arrêt du 3 octobre 2013, Commission/Lettonie, C‑267/11 P, EU:C:2013:624, point 46).

28      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures a ordonné, par son arrêté du 6 juin 2013, la restitution sans indemnité des quotas litigieux.

29      Selon le gouvernement luxembourgeois et la Commission, cette restitution était destinée à remédier à une situation irrégulière. En effet, les quotas litigieux auraient été délivrés à ArcelorMittal uniquement en raison du fait que cette société avait omis d’informer les autorités compétentes, avant la date prévue pour leur délivrance, de la suspension, pour une période indéterminée, des activités de son installation de Schifflange. Dans ces circonstances, d’une part, ArcelorMittal aurait violé l’obligation de notification prévue à l’article 13, paragraphe 6, de la loi de 2004. D’autre part, l’exigence prévue par le PNA luxembourgeois, selon laquelle, en cas de démantèlement ou de fermeture d’une installation, les quotas d’émission ne pouvaient être délivrés pour l’année suivante, n’aurait pas été respectée.

30      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 69 de ses conclusions, l’obligation prévue à l’article 13, paragraphe 6, de la loi de 2004 constitue une transposition de celle figurant à l’article 7 de la directive 2003/87. En outre, l’exigence prévue par le PNA luxembourgeois, selon lequel les quotas d’émission ne sont pas délivrés en cas de fermeture d’une installation, répond aux mêmes critères de comptabilité stricte des émissions et d’exactitude des chiffres et des circonstances entourant les quotas, rappelés aux points 24 et 25 du présent arrêt.

31      Il appartient à la juridiction nationale compétente de vérifier si, en l’occurrence, ArcelorMittal a effectivement suspendu les activités de son installation de Schifflange à partir du mois de novembre 2011 et si cette suspension pouvait être qualifiée de « cessation des activités », au sens de l’article 13, paragraphe 6, de la loi de 2004.

32      Si tel est le cas, la directive 2003/87 ne s’oppose pas à ce que l’autorité compétente adopte, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, une décision ordonnant la restitution, sans indemnité, de quotas d’émission. En effet, si une installation a cessé ses activités à une date antérieure à celle de l’allocation de quotas d’émission, ces derniers ne pourront pas, de toute évidence, être utilisés en vue de comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre qui ne sont plus susceptibles d’être produites par celle-ci.

33      Dans ces conditions, le défaut de restitution des quotas litigieux porterait atteinte aux exigences de comptabilité stricte, d’exactitude et de concordance entre les émissions réelles et les émissions autorisées, rappelées aux points 23 à 25 du présent arrêt. Ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 78 de ses conclusions, la restitution de quotas attribués irrégulièrement constitue un cas de figure relatif à l’application des règles de fonctionnement du système prévu par la directive 2003/87, en vue d’éviter une distorsion sur le marché des quotas et d’atteindre, indirectement, l’objectif de protection de l’environnement que poursuit ce marché.

34      Cette constatation ne saurait être remise en cause par l’argument invoqué par ArcelorMittal, selon lequel la seule hypothèse dans laquelle la directive 2003/87 préconise la restitution de quotas est celle prévue à l’article 12, paragraphe 3, de celle-ci.

35      À cet égard, il convient de relever que l’article 12, paragraphe 3, de la directive 2003/87 est relatif à la restitution des quotas « correspondant aux émissions totales [d’une installation] au cours de l’année civile écoulée ». Il ressort ainsi du libellé même de cette disposition qu’elle vise les quotas nécessaires pour comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre produites par une installation durant l’année précédente. Or, dans le cas où il serait établi que l’installation de Schifflange avait cessé ses activités à une date antérieure à celle de la délivrance des quotas litigieux, cette utilisation n’aurait pu avoir lieu en ce qui concerne ces quotas.

36      Dans ces conditions, la directive 2003/87 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale qui permet à l’autorité compétente d’exiger la restitution sans indemnité, totale ou partielle, de quotas non utilisés qui ont été indûment délivrés à un exploitant, en conséquence de la violation par ce dernier de l’obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation d’une installation.

37      Cette constatation n’est pas remise en cause par l’argumentation d’ArcelorMittal visant à démontrer qu’une telle législation nationale ne serait pas conforme à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En effet, il importe de relever que, dans l’hypothèse où les quotas litigieux auraient été indûment attribués à ArcelorMittal, eu égard aux exigences de comptabilité précise sur lesquels est fondé le système instauré par la directive 2003/87, il ne saurait être admis que ces quotas aient été valablement constitués en tant que quotas d’émission, au sens de la directive 2003/87.

38      Ainsi, la restitution de ces quotas impliquerait non pas l’expropriation d’un bien qui ferait déjà partie intégrante du patrimoine de l’exploitant, mais simplement le retrait de l’acte allouant des quotas, en raison du non-respect des conditions fixées par la directive 2003/87.

39      Dans ces circonstances, il convient de répondre à la seconde partie de la question préjudicielle que les quotas délivrés après qu’un exploitant a cessé les activités exercées dans l’installation concernée par ces quotas, sans en avoir informé au préalable l’autorité compétente, ne peuvent être qualifiés de « quotas » d’émission, au sens de l’article 3, sous a), de la directive 2003/87.

40      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée de la manière suivante :

–        la directive 2003/87 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale qui permet à l’autorité compétente d’exiger la restitution sans indemnité, totale ou partielle, de quotas non utilisés qui ont été indûment délivrés à un exploitant, en conséquence de la violation par ce dernier de l’obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation d’une installation,

–        les quotas délivrés après qu’un exploitant a cessé les activités exercées dans l’installation concernée par ces quotas, sans en avoir informé au préalable l’autorité compétente, ne peuvent être qualifiés de « quotas » d’émission, au sens de l’article 3, sous a), de la directive 2003/87.

 Sur les dépens

41      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

La directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 219/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une législation nationale qui permet à l’autorité compétente d’exiger la restitution sans indemnité, totale ou partielle, de quotas non utilisés qui ont été indûment délivrés à l’exploitant, en conséquence de la violation par ce dernier de l’obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation d’une installation.

Les quotas délivrés après qu’un exploitant a cessé les activités exercées dans l’installation concernée par ces quotas, sans en avoir informé au préalable l’autorité compétente, ne peuvent être qualifiés de « quotas » d’émission, au sens de l’article 3, sous a), de la directive 2003/87, telle que modifiée par le règlement n° 219/2009.


Da Cruz Vilaça

Berger

Borg Barthet

Levits

 

      Biltgen



Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mars 2017.

Le greffier

 

      Le président de la Vème chambre

A. Calot Escobar

 

      J. L. da Cruz Vilaça


* Langue de procédure : le français.