DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

29 janvier 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale YATEKOMO – Marque nationale figurative yatecomeré – Recevabilité de nouveaux éléments visant à étayer l’exactitude d’un fait notoire – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑336/17,

The GB Foods, SA, établie à L’Hospitalet de Llobregat (Espagne), représentée par Mes M. C. Buganza González et E. Torner Lasalle, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Yatecomeré, SL, établie à Ribadumia (Espagne), représentée par Mes J. C. Erdozain López, V. Arnaiz Medina et L. Montoya Terán, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 13 mars 2017 (affaire R 1506/2016‑5), relative à une procédure de nullité entre Yatecomeré et The GB Foods,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : Mme I. Pelikánová,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2017,

Vu la lettre déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 24 janvier 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 24 janvier 2018,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 6 septembre 2018 et la réponse de la requérante déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2018,

vu la décision du Tribunal (première chambre) du 8 octobre 2018, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 29 du règlement de procédure du Tribunal, d’attribuer l’affaire à Mme I. Pelikánová, siégeant en qualité de juge

unique,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 avril 2013, la requérante, The GB Foods, SA (qui était alors dénommée Peparados Alimenticios, SA), a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal YATEKOMO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque litigieuse a été demandé relevaient des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao et succédanés du café ; riz ; tapioca et sagou ; farines et préparations faites de céréales ; pain, pâtisserie et confiserie ; glaces comestibles ; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2013/084, du 6 mai 2013 et la marque de l’Union européenne litigieuse a été enregistrée le 13 août 2013.

5        Le 18 mai 2015, l’intervenante, Yatecomeré, SL, a présenté une demande en nullité de la marque de l’Union européenne litigieuse pour l’ensemble des produits pour lesquels celle-ci avait été enregistrée.

6        Le demande en nullité était fondée sur la marque espagnole figurative reproduite ci-après enregistrée le 7 juin 2010, sous le numéro 2912583, pour les produits « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles », relevant de la classe 29 :

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7        Les motifs invoqués par l’intervenante étaient ceux visés à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Le 15 juin 2016, la division d’annulation a partiellement fait droit à la demande d’annulation, au motif qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et a annulé la marque litigieuse pour les produits suivants (ci-après dénommés ensemble les « produits litigieux ») :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao et succédanés du café ; confiserie ; glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ».

9        La marque litigieuse ne restait donc enregistrée que pour les produits « riz ; tapioca et sagou ; farines et préparations faites de céréales ; pain, pâtisserie ; sucre ; levure, poudre pour faire lever ; glace à rafraîchir », relevant de la classe 30.

10      Le 16 août 2016, la requérante a formé un recours, auprès de l’EUIPO, contre la décision de la division d’annulation, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 [devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001].

11      Par décision du 13 mars 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

12      Dans le cadre de l’examen du risque de confusion, premièrement, la chambre de recours a confirmé les appréciations de la division d’annulation selon lesquelles le territoire pertinent était l’Espagne, le public pertinent était le grand public et le niveau d’attention de ce public pour les produits litigieux était moyen.

13      Deuxièmement, s’agissant de la comparaison des produits en cause, la chambre de recours a confirmé les appréciations de la division d’annulation, selon lesquelles ces produits étaient en partie identiques et en partie similaires à des degrés divers, après avoir constaté que la requérante n’avait avancé aucune argumentation détaillée à l’égard desdites appréciations, ses arguments portant davantage sur la comparaison d’éléments ou de stratégie de marketing que sur celle desdits produits.

14      Troisièmement, concernant la comparaison des marques en conflit, la chambre de recours a tout d’abord confirmé, s’agissant des éléments distinctifs et dominants des signes, l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle, dans la marque antérieure, l’élément « yatecomeré » était dominant, alors que l’élément « el vacio que te llena » était secondaire, en ce qu’il serait perçu comme un message promotionnel ou laudatif en ce qui concerne les produits en cause et possédant, comme tel, un faible caractère distinctif. En revanche, elle a infirmé l’analyse de la division d’annulation selon laquelle le dessin stylisé d’une bouche ouverte serait également un élément dominant dans la marque antérieure, au motif que ce dessin n’était pas facilement reconnaissable et que, à supposer qu’il soit reconnu par le consommateur, ce dernier ne lui attribuerait pas une valeur très importante. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que la marque litigieuse ne comportait aucun élément dominant.

15      En outre, s’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle celui-ci était fondé sur les caractéristiques intrinsèques de cette marque, faute pour la requérante d’avoir expressément affirmé que ladite marque possédait un caractère distinctif particulier en raison d’un usage largement répandu ou de sa renommée, et qu’il devait être considéré, en l’espèce, comme étant de degré normal.

16      Par ailleurs, la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle les marques en conflit étaient similaires sur le plan visuel à un degré moyen, en raison du fait que la structure de la partie verbale la plus dominante sur le plan visuel de la marque antérieure, à savoir « yatecomeré », était presque identique à la marque litigieuse, YATEKOMO. Selon la chambre de recours, les différences visuelles existant entre les marques en conflit, en particulier la différence, après la partie initiale « yate », entre le « c » et le « k », dans la partie finale, entre « eré » et « o », ainsi que les différences résultant des couleurs, du dessin stylisé d’une bouche ouverte et de l’accent graphique sur la dernière lettre « e » figurant dans la marque antérieure, n’étaient pas suffisantes pour contrebalancer leurs similitudes.

17      La chambre de recours a également confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle les marques en conflit présentaient un degré de similitude élevé sur le plan phonétique, dans la mesure où seule leur partie finale « eré » et « o » se prononceraient différemment en espagnol et où la phrase « el vacio que te llena » de la marque antérieure ne serait probablement pas prononcée par les consommateurs en raison de son caractère secondaire dans le signe.

18      Enfin, la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle les marques en conflit présentaient une similitude de degré élevé sur le plan conceptuel, en raison de leur structure identique, à savoir, dans les deux cas, l’association des mots « ya » et « te » à une forme conjuguée du verbe espagnol Comer, même si celle-ci n’était pas bien orthographiée dans la marque litigieuse, et de ce que les marques en conflit seraient toutes deux comprises par le public pertinent comme un message portant sur l’acte de manger ou d’ingérer des aliments, bien qu’à des temps ou à des moments différents, ce message étant encore renforcé, dans la marque antérieure, par la phrase « el vacio que te llena » et par le dessin stylisé d’une bouche ouverte.

19      Quatrièmement, au stade de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a estimé que, eu égard à l’identité ou à la similitude des produits en cause et à la similitude des marques en conflit, de degré moyen sur le plan visuel et de degré élevé sur les plans phonétique et conceptuel et au fait que le consommateur moyen au sein du grand public n’avait que rarement la possibilité de procéder à une comparaison des différentes marques, mais devait se fier à l’image imparfaite qu’il en gardait en mémoire, ledit consommateur pourrait arriver à la conclusion que les produits visés par les marques en conflit ont une même origine commerciale ou même que la marque litigieuse est un signe dérivé de la marque antérieure utilisé pour désigner une nouvelle ligne de produits. Elle a ainsi confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle il existait, en l’espèce, un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, justifiant d’annuler l’enregistrement de la marque litigieuse pour tous les produits litigieux.

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer que la marque litigieuse est notoire ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

21      L’EUIPO conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

22      L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        déclarer recevables tous les éléments de preuve annexés à son mémoire en réponse ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur le deuxième chef de conclusions, tendant à ce que le Tribunal déclare que la marque litigieuse est notoire

23      L’EUIPO conclut à l’irrecevabilité du deuxième chef de conclusions, visant à ce que le Tribunal déclare que la marque litigieuse est notoire, en renvoyant aux mêmes motifs que ceux pour lesquels il conclut à l’irrecevabilité du premier chef de conclusions, en ce qu’il vise à ce que le Tribunal constate la validité de la marque litigieuse.

24      L’intervenante conclut, en substance, à l’irrecevabilité du deuxième chef de conclusions, visant à ce que le Tribunal déclare que la marque litigieuse est notoire, au motif que celui-ci modifie l’objet du litige devant la chambre de recours, contrairement à ce que prévoit l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal. En effet, la requérante présenterait, pour la première fois devant le Tribunal, des arguments tirés de ce que la marque litigieuse serait notoire. À titre subsidiaire, l’intervenante conclut au rejet du deuxième chef de conclusions comme étant non fondé, pour absence de preuve de la prétendue notoriété de la marque litigieuse.

25      La requérante, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal le 6 septembre 2018, insiste pour que le Tribunal constate la notoriété de la marque litigieuse en Espagne, qui n’a pas été prise en compte par l’EUIPO.

26      À cet égard, il convient de constater que, par son deuxième chef de conclusions, la requérante vise à obtenir du Tribunal un jugement déclaratoire. Or, il résulte de l’article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001) que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci [voir arrêt du 15 juin 2010, Actega Terra/OHMI (TERRAEFFEKT matt & gloss), T‑118/08, non publié, EU:T:2010:234, point 10 et jurisprudence citée], de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des jugements confirmatifs ou déclaratoires.

27      Par conséquent, le deuxième chef de conclusions doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur les éléments produits pour la première fois devant le Tribunal

28      L’EUIPO et l’intervenante concluent à l’irrecevabilité des éléments figurant aux annexes A.5 à A.17 de la requête et à l’annexe A.18 de la lettre du 24 novembre 2017, au motif qu’ils ont été produits pour la première fois devant le Tribunal.

29      La requérante objecte que, bien que les éléments produits aux annexes A.5 à A.17 de la requête et à l’annexe A.18 de la lettre du 24 novembre 2017 aient été produits pour la première fois devant le Tribunal, ils doivent être déclarés recevables, conformément à la jurisprudence et au droit de l’Union, puisqu’ils ont pour finalité d’étayer l’exactitude d’un fait notoire, à savoir la notoriété de la marque litigieuse, qui n’a pas été pris en compte par l’EUIPO.

30      À cet égard, il convient de rappeler qu’une partie requérante est en droit de présenter devant le Tribunal des documents afin d’étayer l’exactitude d’un fait notoire qui n’a pas été établie dans la décision de l’organe de l’EUIPO attaquée devant le Tribunal [voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2012, Kraft Foods Schweiz/OHMI – Compañía Nacional de Chocolates (CORONA), T‑357/10, non publié, EU:T:2012:312, point 16 et jurisprudence citée].

31      Les éléments produits aux annexes A.5 à A.17 de la requête et à l’annexe A.18 de la lettre du 24 novembre 2017, qui visent, selon la requérante, à étayer l’exactitude d’un tel fait notoire, doivent donc être déclarés recevables.

 Sur le fond

32      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. En substance, elle fait grief à la chambre de recours d’avoir, dans la décision attaquée, confirmé l’annulation de la marque litigieuse pour les produits litigieux, au motif qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

33      À cet égard, il y a lieu de souligner que, aux termes d’une lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne enregistrée est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

34      La cause de nullité relative résultant de l’article 53, paragraphe 1, sous a), lu avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 correspond au motif relatif de refus d’enregistrement consacré à cette dernière disposition. Partant, la jurisprudence relative au risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement est également pertinente dans le présent contexte [voir arrêt du 25 mai 2005, TeleTech Holdings/OHMI – Teletech International (TELETECH GLOBAL VENTURES), T‑288/03, EU:T:2005:177, point 75 et jurisprudence citée].

35      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

36      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [arrêts du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO, C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 47, et du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42].

37      Le risque de confusion est d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24).

38      En l’espèce, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir, dans la décision attaquée, commis plusieurs erreurs d’appréciation qui l’ont conduite à conclure, à tort, à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et a annulé la marque litigieuse pour les produits litigieux. Ces prétendues erreurs d’appréciation porteraient, plus spécifiquement, sur l’absence de prise en considération de la notoriété de la marque litigieuse en Espagne, sur la définition du public pertinent, sur la comparaison des marques en conflit et sur celle des produits en cause.

 Sur le territoire pertinent

39      Selon l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, l’existence d’un risque de confusion résultant de la similitude, d’une part, entre la marque dont l’enregistrement est demandé et une marque antérieure et, d’autre part, entre les produits ou les services que ces marques désignent doit être appréciée dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée (arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 51, et du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, EU:C:2007:514, point 59).

40      Aux points 21 et 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que, dans la mesure où la marque antérieure était une marque espagnole, le territoire pertinent aux fins de l’appréciation du risque de confusion était celui de l’Espagne.

41      Une telle constatation est conforme à la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus.

42      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le territoire pertinent était celui de l’Espagne, appréciation qui n’est, au demeurant, pas contestée par les parties.

 Sur le public pertinent

43      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a défini de manière erronée, aux points 21 et 65 de la décision attaquée, le public pertinent pour l’ensemble des produits litigieux comme étant le grand public, dont le niveau d’attention est moyen. Le public pertinent pour les produits désignés par la marque antérieure serait composé de professionnels du secteur gastronomique et/ou de consommateurs spécialisés cherchant des produits alimentaires haut de gamme, dont le niveau d’attention serait supérieur à celui du grand public. Cela serait démontré par la nature des produits en cause, par leur prix élevé, par leurs canaux spécifiques de distribution (petits magasins gourmets) et par la stratégie adoptée pour leur commercialisation, notamment sur le site Internet de l’intervenante, où il est indiqué que celle-ci est « une entreprise de chefs pour les chefs ! ». En revanche, le public pertinent pour les produits litigieux serait le grand public et, en particulier, les adolescents et les jeunes gens qui ont entre 18 et 35 ans cherchant des produits de restauration rapide, modernes et amusants, très influencés par l’image publicitaire des produits. Le public pertinent pour les produits désignés par la marque antérieure étant radicalement différent de celui pour les produits litigieux, tout risque de confusion serait exclu.

44      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

45      À cet égard, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où, comme l’a relevé à bon droit la chambre de recours aux points 20 et 21 de la décision attaquée, les deux marques en conflit ont été enregistrées pour des produits alimentaires, relevant de la classe 29 ou de la classe 30, sans restriction aucune, c’est également à bon droit que celle-ci a estimé, en se référant à la jurisprudence [voir, en ce sens, arrêts du 15 avril 2010, Cabel Hall Citrus/OHMI – Casur (EGLÉFRUIT), T‑488/07, non publié, EU:T:2010:145, points 3, 6, 7 et 49, et du 17 décembre 2010, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI (Forme d'un lapin en chocolat avec ruban rouge), T‑336/08, non publié, EU:T:2010:546, points 3 et 19], que l’ensemble des produits en cause étaient des produits de consommation courante qui s’adressaient au grand public et que le consommateur moyen au sein de ce dernier, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, achetait normalement de tels produits rapidement et sans y prêter grande attention, de sorte que le niveau d’attention du public pertinent devait être considéré comme étant moyen.

46      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le grief tiré d’une définition erronée du public pertinent.

 Sur l’absence de prise en considération de la notoriété de la marque litigieuse en Espagne

47      La requérante estime que, dans le cadre de l’analyse de l’existence d’un risque de confusion dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est erronément abstenue de prendre en considération la notoriété de la marque litigieuse en Espagne. Au sixième tiret du point 8 de la section intitulée « Appréciation globale » de la décision attaquée, la chambre de recours aurait estimé que les éléments produits devant elle étaient insuffisants pour établir une telle notoriété. Or, la notoriété de la marque litigieuse en Espagne aurait été un fait notoire, à savoir un fait susceptible d’être connu par toute personne ou qui pouvait être connu par des sources généralement accessibles, au sens de la jurisprudence et de la pratique de l’EUIPO. La requérante invite le Tribunal à constater lui-même que la notoriété de la marque litigieuse en Espagne était un fait notoire, qui aurait dû être pris en compte par la chambre de recours.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      À cet égard, il suffit de relever que, d’après une jurisprudence constante, seule la renommée de la marque antérieure, et non celle de la marque postérieure, doit être prise en compte pour apprécier si la similitude entre les produits désignés par deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion. Cette jurisprudence est conforme à l’objectif de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui est de fournir une protection adéquate aux titulaires de droits antérieurs contre des demandes postérieures de marques de l’Union européenne identiques ou similaires [voir arrêt du 8 mars 2013, Mayer Naman/OHMI – Daniel e Mayer (David Mayer), T‑498/10, non publié, EU:T:2013:117, point 105 et jurisprudence citée].

50      Par conséquent, il y a lieu d’écarter, comme étant non fondé, le grief de la requérante tiré d’une absence de prise en considération par la chambre de recours, dans la décision attaquée, de la notoriété de la marque litigieuse en Espagne.

 Sur la comparaison des marques en conflit

51      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs d’appréciation, dans le cadre de la comparaison des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, aux points 31 à 44 de la décision attaquée, et en concluant, aux points 66 à 72 de cette même décision, que ces marques étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel et similaires à un degré élevé sur les plans phonétique et conceptuel, dès lors que les éléments verbaux « yatecomeré » et « yatekomo » avaient en commun un grand nombre de lettres et que les différences existant entre les marques en conflit n’étaient pas suffisantes pour neutraliser les similitudes entre elles.

52      Sur le plan visuel, les marques en conflit, telles qu’elles sont enregistrées, créeraient une impression clairement différente. Dans la marque antérieure, différentes couleurs seraient utilisées pour distinguer chacun des mots ou des expressions verbales qui la composent, à savoir « ya », « te », « comeré » et « el vacio que te llena », ce qui ne serait pas le cas dans la marque litigieuse. En outre, la marque antérieure se distinguerait de la marque litigieuse par la représentation graphique de grande taille d’un visage ayant la bouche ouverte, donnant l’impression de manger l’élément verbal de cette marque. De plus, la marque litigieuse se composerait visuellement d’un seul mot, un mot fantaisiste, n’existant pas comme tel et ainsi orthographié en espagnol, mais évoquant plutôt la culture asiatique, alors que la marque antérieure se composerait visuellement de huit mots existant en espagnol. Enfin, la requérante renvoie, photographies à l’appui, à la disposition différente des marques en conflit, telles qu’elles sont effectivement utilisées sur le marché, et, s’agissant de la marque litigieuse, telle qu’elle est notoirement connue en Espagne.

53      Sur le plan phonétique, les marques en conflit seraient également distinctes. La prononciation de la marque antérieure, qui se compose de huit mots formant deux phrases, serait plus longue que celle de la marque litigieuse, qui n’est composée que d’un seul mot, et différerait en partie de celle de cette dernière. L’analyse de la chambre de recours à cet égard aurait été faussée par l’omission de cette dernière de prendre en compte la seconde phrase composant la marque antérieure. En tout état de cause, lors de l’achat, le public pertinent percevrait visuellement les marques en conflit qui désignent les produits, de sorte que, conformément à la jurisprudence, l’aspect visuel revêtirait plus d’importance que l’aspect phonétique dans l’appréciation globale du risque de confusion.

54      Sur le plan conceptuel, les marques en conflit évoqueraient au consommateur raisonnablement attentif et avisé, au sein du public pertinent, des notions culinaires distinctes. Du fait de la présence de la lettre « k » dans le mot qui compose la marque litigieuse et qui n’existe pas, en tant que tel, en espagnol, cette marque évoquerait au public pertinent la culture asiatique et, en particulier, un type de repas exotique. La marque antérieure ferait allusion à l’acte de manger, en espagnol, et au sentiment de satiété qui s’ensuit. En tout état de cause, conformément à la jurisprudence (arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 25), lorsque, comme en l’espèce, la marque antérieure ne jouit pas d’une notoriété particulière et consiste en une image présentant peu d’éléments imaginaires, la simple similitude conceptuelle entre les marques ne suffit pas pour créer un risque de confusion.

55      En définitive, la requérante estime qu’il n’existe pas de similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle entre les marques en conflit, compte tenu de l’impression d’ensemble produite par celles-ci et, en particulier, de leurs éléments distinctifs et dominants.

56      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

57      À titre liminaire, il convient de rappeler que, comme le font observer à bon droit l’EUIPO et l’intervenante, la comparaison doit s’effectuer entre les signes tels qu’ils ont été enregistrés ou tels qu’ils figurent dans la demande d’enregistrement [arrêts du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 57, et du 9 avril 2014, Pico Food/OHMI – Sobieraj (MILANÓWEK CREAM FUDGE), T‑623/11, EU:T:2014:199, point 38].

58      Il s’ensuit que les arguments de la requérante fondés sur la forme sous laquelle les marques en conflit seraient utilisées sur le marché ou connues du public pertinent sont dépourvus de pertinence et devraient, comme tels, être écartés.

59      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

60      En ce qui concerne, tout d’abord, la comparaison des marques en conflit sur le plan visuel, il convient de rappeler, à titre liminaire, que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [arrêts du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, EU:T:2002:318, point 51, et du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43].

61      Selon la jurisprudence, une marque complexe, constituée tant d’éléments verbaux que d’éléments figuratifs, peut être considérée comme étant comparable à une autre marque, identique ou comparable à l’un des composants de la marque complexe, lorsque ce composant constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe (arrêt du 4 mai 2005, STAR TV, T‑359/02, EU:T:2005:156, point 44).

62      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, aux points 57 à 59 de la décision attaquée, que l’élément verbal « yatecomeré » était l’élément dominant de la marque antérieure, sans toutefois rendre les autres composants de cette marque négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. Elle s’est notamment fondée, à cet égard, sur la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’une marque était composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers devraient, en principe, être considérés comme plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen ferait plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [arrêt du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM-ACE), T‑312/03, EU:T:2005:289, point 37]. En outre, la chambre de recours a estimé que l’élément verbal « el vacio que te llena » était une formule promotionnelle ou laudative faisant référence aux aliments qui rassasient et qui, en tant que telle, possédait un caractère distinctif moindre que l’autre élément verbal de la marque antérieure. Enfin, elle a considéré que l’élément figuratif représentant un visage ayant la bouche ouverte ne devait pas être considéré comme un élément dominant de cette même marque, dès lors que ladite représentation n’était pas facilement reconnaissable et que, en tout état de cause, elle faisait clairement référence à l’acte de manger et donc aux produits désignés par la marque antérieure.

63      À cet égard, il y a lieu de considérer que le consommateur moyen, au sein du grand public espagnol, percevra l’élément verbal « yatecomeré » comme une indication de l’origine commerciale des produits désignés par la marque antérieure, tandis que l’autre élément verbal et l’élément figuratif de cette même marque seront perçus comme une formule promotionnelle ou laudative ou une référence à la nature alimentaire desdits produits, ce qui n’est, au demeurant, pas contesté par la requérante.

64      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « yatecomeré » était l’élément dominant de la marque antérieure.

65      Sur le plan visuel, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un degré moyen de similitude entre les marques en conflit, en considérant que le seul élément composant la marque litigieuse, « yatekomo », et l’élément verbal « yatecomeré », dominant dans la marque antérieure, étaient presque identiques et que la similitude visuelle en résultant n’était pas compensée par les différences visuelles correspondant aux lettres « c » ou « k » dans cette partie initiale, aux terminaisons « o » ou « eré » dans l’élément verbal comparable des marques en conflit et à la présence d’éléments verbaux et figuratifs supplémentaires, d’importance secondaire, dans la marque antérieure.

66      À cet égard, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, en substance, que les parties initiales des marques en conflit, « yatekom » et « yatecom », étaient quasiment identiques sur le plan visuel. Or, selon la jurisprudence, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [voir arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 51 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que la similitude résultant de la quasi-identité visuelle des parties initiales des marques en conflit doit jouer un rôle important dans la comparaison visuelle de celles-ci. Dans ce contexte, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a relevé que les différences visuelles existant entre les marques en conflit, portant sur des éléments d’importance secondaire, n’étaient pas suffisantes pour compenser cette similitude. Par conséquent, c’est à bon droit qu’elle a conclu, dans la décision attaquée, à l’existence d’un degré moyen de similitude entre les marques en conflit sur le plan visuel.

67      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un degré élevé de similitude entre les marques en conflit, en considérant que la prononciation du seul élément composant la marque litigieuse, « yatekomo », concordait exactement avec celle de l’élément verbal « yatecomeré », dominant dans la marque antérieure, sauf en ce qui concerne leurs terminaisons « o » et « eré », et que la similitude phonétique en résultant était faiblement compensée par les différences phonétiques correspondant à la prononciation différente des terminaisons « o » et « eré » dans l’élément verbal comparable des marques en conflit. Concernant les autres éléments verbaux, d’importance secondaire, présents dans la marque antérieure, la chambre de recours a estimé qu’ils ne seraient pas prononcés par le public pertinent qui les percevrait comme une formule promotionnelle ou laudative d’importance secondaire.

68      À cet égard, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, en substance, que les parties initiales des marques en conflit, « yatekom » et « yatecom », se prononçaient exactement de la même manière. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 66 ci-dessus, la similitude résultant de la prononciation identique des parties initiales des marques en conflit doit jouer un rôle important dans la comparaison phonétique de celles-ci. Dans ce contexte, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a relevé que les différences phonétiques entre les marques en conflit, portant sur des éléments d’importance secondaire et qui, pour cette raison, pourraient même ne pas être prononcés par le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2013, GRE/OHMI – Villiger Söhne (LIBERTE american blend sur fond bleu), T‑205/12, non publié, EU:T:2013:341, point 44 et jurisprudence citée], n’étaient pas suffisantes pour compenser cette similitude. Par conséquent, c’est à bon droit qu’elle a conclu, dans la décision attaquée, à l’existence d’un degré élevé de similitude entre les marques en conflit sur le plan phonétique.

69      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un degré élevé de similitude entre les marques en conflit, en considérant que ces marques renvoyaient toutes deux à l’acte de manger. Selon elle, le seul élément composant la marque litigieuse, « yatekomo », bien qu’incorrectement orthographié, sera compris par le public pertinent espagnol comme signifiant « je te mange maintenant, à l’instant présent », tandis que l’élément verbal « yatecomeré », dominant dans la marque antérieure, sera compris comme signifiant « je te mangerai », signification qui serait corroborée par les éléments verbaux et figuratifs, d’importance secondaire, de la marque antérieure, représentant un visage ayant la bouche ouverte et l’acte de manger ou faisant référence à des aliments qui rassasient.

70      À cet égard, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que, en dépit de l’orthographe fantaisiste ou des regroupements de mots utilisés dans les marques en conflit, le public pertinent espagnol serait capable de comprendre le seul élément composant la marque litigieuse, « yatekomo », comme renvoyant à l’expression « ya te como » signifiant, en espagnol, « je te mange » et l’élément verbal « yatecomeré », dominant dans la marque antérieure, comme renvoyant à l’expression « ya te comeré » signifiant, en espagnol, « je te mangerai », de sorte que les marques en conflit évoquaient toutes deux l’acte de manger, bien qu’à des temps ou des moments différents. En outre, c’est à bon droit que la chambre de recours a estimé que les autres éléments verbaux, d’importance secondaire, présents dans la marque antérieure ne pouvaient, pour autant qu’ils seraient perçus par le public pertinent, que venir renforcer cette référence à l’acte de manger ou de se rassasier. Enfin, il n’y avait pas lieu pour la chambre de recours d’appliquer, dans la décision attaquée, la règle énoncée au point 25 de l’arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528), dès lors que la situation de l’espèce était différente de celle visée par cette règle, la marque antérieure ne consistant pas en une simple image et les marques en conflit n’étant pas uniquement similaires sur le plan conceptuel. Dans ce contexte, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, dans la décision attaquée, à l’existence d’un degré élevé de similitude entre les marques en conflit sur le plan conceptuel.

71      Pour autant que les arguments de la requérante devraient également être compris comme reprochant à la chambre de recours, dans le cadre de l’appréciation globale de la similitude entre les marques en conflit, de ne pas avoir accordé davantage d’importance à la similitude visuelle par rapport à la similitude phonétique (voir point 53 ci-dessus), il y a lieu de relever qu’une telle circonstance ne pouvait, en tout état de cause, aboutir à remettre en cause l’appréciation globale de la chambre de recours, au point 72 de la décision attaquée, selon laquelle les différences existant entre les marques en conflit n’étaient pas suffisantes pour neutraliser les similitudes entre celles-ci.

72      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le grief tiré d’une comparaison erronée des marques en conflit.

 Sur la comparaison des produits en cause

73      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs d’appréciation, dans le cadre de la comparaison des produits en cause, à savoir, d’une part, les produits litigieux et, d’autre part, les produits, relevant de la classe 29, désignés par la marque antérieure, aux points 45 à 56 de la décision attaquée, et en concluant, au point 65 de cette même décision, que les produits en cause étaient, en partie, identiques et, en partie, similaires, à des degrés divers. Elle n’aurait pas pris en compte de manière adéquate les facteurs pertinents à cet égard, conformément à la jurisprudence. Ainsi qu’il serait attesté par les preuves d’usage de la marque litigieuse produites devant l’EUIPO, les produits en cause seraient de nature différente et commercialisés par des canaux de distribution et dans des points de vente également différents. D’une part, ainsi qu’il ressortirait de pages de son site Internet et de celui de l’intervenante, la marque litigieuse serait utilisée pour commercialiser des vermicelles orientaux de différents parfums (viande, poisson, légumes, fruits, céréales, œuf, etc.), à savoir des produits alimentaires de restauration rapide, commodes et peu coûteux, tandis que la marque antérieure le serait pour commercialiser des produits alimentaires gourmets de Galice (Espagne) de diverse nature (croquettes, gâteaux, pâtés, macédoines, pommes de terre frites pour confectionner des omelettes espagnoles, viandes cuites à basse température, ragoûts, viandes déshydratées, desserts maison et sauces), préparés selon des méthodes de cuisine traditionnelle ou « fait maison » et plus coûteux. D’autre part, les produits désignés par la marque litigieuse seraient vendus en supermarchés ou en hypermarchés, sur tout le territoire espagnol, tandis que ceux désignés par la marque antérieure seraient exclusivement commercialisés sur Internet ou dans des magasins gourmets spécifiques à La Corogne (Espagne), à Albacete (Espagne), dans la principauté des Asturies (Espagne), à Madrid (Espagne) et à Pontevedra (Espagne). Ainsi, les produits en cause ne devraient jamais se trouver sur les mêmes rayonnages.

74      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

75      Comme le relèvent à bon droit l’EUIPO et l’intervenante, afin d’apprécier la similitude des produits en cause, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il y a lieu de prendre en compte le groupe de produits protégé par les marques en conflit et non les produits effectivement commercialisés sous ces marques [arrêt du 16 juin 2010, Kureha/OHMI – Sanofi-Aventis (KREMEZIN), T‑487/08, non publié, EU:T:2010:237, point 71].

76      Il s’ensuit que la requérante ne saurait faire grief à la chambre de recours d’avoir, pour la comparaison des produits en cause, pris en compte, aux points 46 à 52 de la décision attaquée, la liste des produits pour lesquels les marques en conflit avaient été enregistrées et, au point 55 de la décision attaquée, écarté les arguments de la requérante essentiellement fondés sur une comparaison des stratégies de marketing adoptées par celle-ci et par l’intervenante pour la commercialisation de ces produits.

77      Pour le reste, la requérante n’avance aucune argumentation précise et circonstanciée pour critiquer les appréciations de la chambre de recours, développées aux points 46 à 52 de la décision attaquée, qui l’ont conduite à conclure, au point 65 de cette même décision, que les produits pour lesquels les marques en conflit avaient été enregistrées étaient, en partie, identiques et, en partie, similaires, à des degrés divers.

78      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le grief tiré d’une comparaison erronée des produits en cause.

79      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le moyen unique, tiré d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      Dans la mesure où la requérante a succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      The GB Foods, SA, est condamnée aux dépens.

 

      Pelikánová      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.