DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

17 mai 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative représentant deux faucilles entrelacées –Marques nationale et internationales figuratives antérieures représentant deux rubans entrelacés – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑502/11,

Sanofi Pasteur MSD SNC, établie à Lyon (France), représentée par Mes T. de Haan, P. Péters et V. Wellens, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Mundipharma AG, établie à Bâle (Suisse), représentée par Me F. Nielsen, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 22 juillet 2011 (affaire R 1904/2010-4), relative à une procédure d’opposition entre Sanofi Pasteur MSD SNC et Mundipharma AG,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 7 février 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 26 janvier 2012,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 9 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 juin 2006, l’intervenante, Mundipharma AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits pharmaceutiques pour la médecine humaine, à savoir analgésiques ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 05/2007, du 5 février 2007.

5        Le 3 mai 2007, la requérante, Sanofi Pasteur MSD SNC, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques nationale et internationales figuratives antérieures suivantes, désignant les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description « Produits pharmaceutiques » :

–        la marque française n° 94500843 et la marque internationale n° 620636 :

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–        et la marque internationale n° 627401 :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 30 juillet 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

9        Le 29 septembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 22 juillet 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Tout d’abord, elle a considéré que l’impression visuelle créée par les signes était assez différente. En effet, elle a indiqué que, d’une part, la marque faisant l’objet de la demande d’enregistrement représentait des faucilles en forme de crochets épais et solides qui se croisaient et qui se terminaient par des bords pointus et que, d’autre part, les marques antérieures se composaient de deux rubans minces, légèrement flottants, coupés de façon à s’intégrer dans un cadre rectangulaire. Ensuite, elle a estimé que les marques antérieures ne jouissaient que d’une protection limitée étant donné que, d’une part, elles ne présentaient qu’un faible caractère distinctif en raison de la simplicité des formes géométriques utilisées qui se croisent et, d’autre part, la requérante n’avait pas démontré que le caractère distinctif faible des marques antérieures aurait été accru par l’usage ou la renommée de celles-ci. Enfin, elle a conclu que, bien que les produits en cause étaient identiques, il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

  En droit

13      La requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 76 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009

14      La requérante fait valoir qu’est erronée et contraire au droit la considération faite au point 25 de la décision attaquée, selon laquelle l’assertion tirée du caractère distinctif élevé des marques antérieures en raison de leur usage intensif n’a pas été prouvée devant la division d’opposition et n’a plus été soulevée dans la procédure devant la chambre de recours. La requérante soutient en effet s’être prévalue du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures dans le mémoire du 29 novembre 2010 exposant les motifs du recours devant la chambre de recours et que, en raison du principe de continuité fonctionnelle entre la division d’opposition et la chambre de recours, cette dernière aurait dû prendre en compte les éléments de preuve présentés à cet égard et aurait dû motiver sa décision sur ce point.

15      L’OHMI et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

16      Au préalable, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 76 du règlement n° 207/2009 :

« 1. Au cours de la procédure, l’O[HMI] procède à l’examen d’office des faits ; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

2. L’O[HMI] peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. »

17      Aux fins de l’analyse du moyen tiré de la violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009, il importe de rappeler les arguments relatifs au caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures, tels qu’ils ont été présentés aux différents stades de la procédure, ainsi que les éléments de preuve visant à les étayer.

18      Ainsi qu’il a été rappelé au point 5 ci-dessus, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée le 3 mai 2007. Par courrier du 6 août 2007, l’OHMI a invité la requérante à présenter des faits, des arguments et des éléments de preuve à l’appui de son opposition. Par courrier du 18 décembre 2007, la requérante a exposé ses arguments à l’appui de son opposition et a présenté des éléments de preuve en vue de démontrer que les marques antérieures présentaient un caractère distinctif accru par l’usage.

19      Par courrier du 14 janvier 2008, l’OHMI a adressé à l’intervenante les observations et les éléments de preuve présentés par la requérante et l’a invitée à lui soumettre ses observations. Par courrier du 26 février 2008, l’intervenante a demandé, en application de l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009) que la requérante apporte la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures. Le 16 mai 2008, la requérante a présenté plusieurs documents en vue de démontrer l’usage sérieux des marques antérieures. Après une suspension de la procédure devant l’OHMI en raison de négociations entre les parties en vue de trouver un accord amiable, l’intervenante a déposé des observations le 14 décembre 2009 dans lesquelles elle a notamment soutenu que les éléments de preuve présentés par la requérante le 16 mai 2008 ne permettaient pas de démontrer l’usage sérieux des marques antérieures. Le 18 décembre 2009, l’OHMI a invité la requérante à présenter ses observations uniquement sur l’argumentation de l’intervenante. Le 23 février 2010, la requérante a présenté plusieurs documents visant à démontrer l’usage sérieux des marques antérieures dans différents pays de l’Union européenne.

20      Dans sa décision du 30 juillet 2010, la division d’opposition a considéré, d’une part, que les éléments fournis par la requérante le 18 décembre 2007 ne démontraient pas que les marques antérieures présentaient un caractère distinctif accru par l’usage et, d’autre part, qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte les éléments de preuve présentés le 16 mai 2008 et le 23 février 2010 au motif que ceux-ci avaient été transmis tardivement.

21      Dans le mémoire du 29 novembre 2010 exposant les motifs du recours, la requérante s’est limitée à mentionner ce qui suit :

« En ce qui concerne le caractère distinctif élevé, il faut rappeler qu’il s’agit d’un élément parmi d’autres. Ainsi, même si l’Office n’admet pas cet argument, il reste tout de même le fait qu’il existe un risque de confusion entre les marques en raison de l’identité des produits et de la similitude des signes figuratifs.

Par conséquent, et même si l’on suppose que la marque antérieure ne jouit pas d’un haut degré de distinctivité, l’identité des produits en cause et la similitude entre les signes sont de nature à invalider la décision de la division d’opposition. »

22      Aux points 25 et 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré ce qui suit :

« 25. Bien que, durant la procédure d’opposition, [la requérante] ait avancé que ses marques présentaient un caractère distinctif élevé en raison de leur usage intensif, cette assertion n’a pas été prouvée devant la division d’opposition et n’a plus été soulevée dans la procédure de recours.

26. En ce qui concerne le caractère distinctif des marques antérieures, la chambre considère qu’en règle générale, un simple signe graphique abstrait, qui n’est composé que d’une ou deux formes géométriques basiques, constitue un élément distinctif intrinsèquement faible d’un signe, étant donné qu’il n’attirera pas l’attention des consommateurs ni ne pourra être monopolisé par une seule demanderesse. Un tel degré minimum de caractère distinctif permet l’enregistrement du signe mais ne peut lui accorder qu’un faible degré de protection correspondant. La chambre conclut dès lors que les signes antérieurs sont dotés d’un caractère distinctif faible dont il n’a pas été démontré qu’il a été accru d’une quelconque façon par l’usage ou la renommée, ainsi que l’a conclu la division d’opposition à juste titre [...] »

23      Compte tenu des phrases lapidaires rappelées au point 21 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la requérante ne s’est pas explicitement prévalue de l’argument selon lequel les marques antérieures présentaient un caractère distinctif « accru par l’usage » et qu’elle n’a pas explicitement demandé à la chambre de recours d’en tenir compte.

24      En effet, la requérante a seulement affirmé de manière abstraite qu’un « caractère distinctif élevé » devait être pris en compte. Elle n’a indiqué nulle part si ledit « caractère distinctif élevé » visé dans le mémoire du 29 novembre 2010 exposant les motifs du recours était celui « accru par l’usage », celui « accru par la renommée », ou le caractère distinctif intrinsèque élevé par rapport aux produits concernés.

25      En l’absence d’argumentation même succincte sur la question, la chambre de recours n’était pas en mesure de comprendre que la requérante souhaitait remettre en cause l’appréciation de la division d’opposition sur le caractère distinctif « accru par l’usage » des marques antérieures. Dans le même sens, il ne revenait pas à la chambre de recours de supposer que le « caractère distinctif élevé » visé par la requérante dans le mémoire du 29 novembre 2010 exposant les motifs du recours était celui accru par l’usage.

26      En effet, les considérations lapidaires sur le « caractère distinctif élevé » n’indiquaient en rien si et en quoi la division d’opposition aurait erronément apprécié le caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures. La requérante ne s’est à aucun moment référée aux éléments de preuve qu’elle avait transmis et, a fortiori, n’a pas mentionné en quoi ceux-ci auraient permis de conclure à l’existence d’un caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures. Elle n’a pas non plus indiqué si les éléments de preuve présentés le 16 mai 2008 et le 23 février 2010 dans un autre contexte, à savoir celui de la démonstration de l’usage sérieux des marques antérieures, auraient également dû être pris en compte en tant qu’éléments de preuve visant à démontrer le caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures. Dans le même sens, elle n’a pas mentionné si elle contestait la conclusion de la division d’opposition selon laquelle des éléments de preuve avaient été transmis tardivement, ni n’a soutenu que, à supposer que ces derniers aient été transmis tardivement, la division d’opposition aurait dû les prendre en compte. Elle n’a pas non plus présenté d’argument visant à soutenir que la division d’opposition n’aurait pas fait usage de son pouvoir d’appréciation pour refuser de prendre en compte les éléments de preuve transmis tardivement ou du moins qu’elle n’aurait pas motivé ce refus.

27      Dans la mesure où la requérante n’a pas avancé d’arguments relatifs au caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures, dans le cadre de son recours contre la décision de la division d’opposition, elle ne saurait à bon droit critiquer le fait que la chambre de recours n’a pas répondu explicitement dans la décision attaquée auxdits arguments.

28      En effet, si la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du bien-fondé de l’opposition, il découle, en revanche, de l’article 76 du règlement n° 207/2009 dont la teneur est rappelée au point 16 ci-dessus, qu’elle n’est tenue d’examiner que les moyens et les arguments soulevés devant elle. S’il en allait autrement, cela pourrait conduire la chambre de recours à se prononcer sur des moyens et des arguments dont la requérante n’a pas souhaité se prévaloir à ce stade de la procédure. De même, cela reviendrait à priver d’effet l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

29      Il importe à cet égard de souligner que la question du caractère distinctif accru par l’usage ne constitue pas une question de droit devant nécessairement être examinée par la chambre de recours afin de trancher le litige porté devant elle. La partie qui invoque ledit caractère distinctif accru par l’usage est la seule à avoir la maîtrise des éléments de preuve et des arguments qu’elle invoque à cet égard.

30      Partant, eu égard au caractère pour le moins lapidaire des phrases mentionnées dans le mémoire du 29 novembre 2010 exposant les motifs du recours , c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu, aux points 25 et 26 de la décision attaquée, que l’assertion tirée du caractère distinctif élevé des marques antérieures en raison de leur usage intensif n’avait pas été prouvée devant la division d’opposition et que cette question n’avait plus été soulevée dans la procédure devant elle.

31      Ainsi, au vu des circonstances de l’espèce, la thèse défendue par la requérante, selon laquelle l’argument tiré du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures a été soulevé dans le mémoire du 29 novembre 2010 exposant les motifs du recours, ne saurait être retenue.

32      Au surplus, il importe de relever que le point 26 de la décision attaquée indique que « [l]a chambre conclut dès lors que les signes antérieurs sont dotés d’un caractère distinctif faible dont il n’a pas été démontré qu’il a été accru d’une quelconque façon par l’usage ou la renommée, ainsi que l’a conclu la division d’opposition à juste titre ». Force est de constater que, même si, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours, l’assertion tirée du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures invoquée devant la division d’opposition n’a plus été soulevée dans la procédure devant la chambre de recours, il n’en reste pas moins que celle-ci a tout de même procédé concrètement à un examen de cette question et a fait siennes les conclusions de la division d’opposition selon lesquelles les éléments de preuve présentés le 18 décembre 2007 consistaient en des échantillons d’emballages et de dépliants et ne suffisaient pas à démontrer que les marques antérieures auraient acquis un caractère distinctif accru par l’usage, de tels documents ne servant qu’à démontrer l’usage des marques antérieures, mais n’étant pas aptes à prouver le caractère hautement distinctif de celles-ci.

33      Il s’ensuit que le premier moyen, tiré de la violation de l’article 76 du règlement n° 207/2009, doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

34      La requérante invoque un second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Tout d’abord, elle fait valoir que les marques antérieures présentent un caractère distinctif intrinsèque élevé ainsi qu’un caractère distinctif accru par l’usage. Ensuite, elle souligne que le public pertinent fait preuve d’un faible niveau d’attention à l’égard des marques figuratives. Par ailleurs, elle souligne qu’il n’a pas suffisamment été tenu compte du fait que les produits visés par les marques en conflit sont identiques. En outre, il existe, selon elle, au minimum une similitude moyenne ou élevée sur le plan visuel et il n’existe aucune différence entre celles-ci sur le plan phonétique et conceptuel. Enfin, elle fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans son appréciation du risque de confusion, car elle n’a pas apprécié correctement la similitude des marques, n’a pas tenu compte du caractère distinctif intrinsèquement élevé des marques antérieures ni du niveau d’attention (relativement) faible du public, et n’a pas pris suffisamment en considération le fait que les produits et le public ciblé sont identiques.

35      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

36      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

37      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

38      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

39      C’est à la lumière des considérations précitées qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il n’existait pas de risque de confusion.

 Sur le public pertinent

40      La requérante affirme à tort que le public pertinent fait preuve d’un faible niveau d’attention à l’égard des marques figuratives.

41      En effet, il est constant entre les parties que le public pertinent se compose à la fois de professionnels spécialisés dans le domaine de la santé et de consommateurs moyens, à savoir les patients.

42      Or, il est de jurisprudence constante que les professionnels de la santé sont réputés faire preuve d’un degré élevé d’attention lors de la prescription de produits pharmaceutiques. De même, s’agissant des consommateurs finaux, dans les cas où des produits pharmaceutiques sont vendus sans ordonnance, il y a lieu de supposer que ces produits intéressent les consommateurs qui sont censés être raisonnablement bien informés, attentifs et avisés, dès lors que ces produits affectent leur état de santé, et que ces consommateurs sont moins susceptibles de confondre les diverses versions desdits produits. En outre, même dans l’hypothèse où une ordonnance médicale serait obligatoire, les consommateurs sont susceptibles de faire preuve d’un degré d’attention élevé lors de la prescription des produits en cause, eu égard au fait que ce sont des produits pharmaceutiques. Ainsi, les produits pharmaceutiques, délivrés sous ordonnance médicale ou non, peuvent être regardés comme bénéficiant d’un degré d’attention accru de la part des consommateurs normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 décembre 2010, Novartis/OHMI – Sanochemia Pharmazeutika (TOLPOSAN), T‑331/09, Rec. p. II‑5967, point 26 ; du 14 juillet 2011, ratiopharm/OHMI – Nycomed (ZUFAL), T‑222/10, non publié au Recueil, point 20, et du 14 juillet 2011, Winzer Pharma/OHMI – Alcon (OFTAL CUSI), T‑160/09, non publié au Recueil, point 72].

43      Partant, il y a lieu de considérer que le public pertinent à l’égard duquel le risque de confusion doit être apprécié est composé respectivement de professionnels de la santé et des patients, lesquels présentent un degré d’attention élevé, contrairement à ce que soutient la requérante.

 Sur la comparaison des produits

44      Ainsi que l’admettent les parties, les marques en cause concernent des produits identiques relevant de la classe 5, à savoir les « produits pharmaceutiques ». En effet, les « analgésiques » visés par la marque demandée sont inclus dans les « produits pharmaceutiques » compris dans la classe 5.

 Sur la comparaison des signes

45      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation de la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation de cette similitude. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Enercon/OHMI – BP (ENERCON), T‑400/08, non publié au Recueil, point 24].

46      En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que les marques antérieures se composent d’un élément figuratif unique, à savoir deux rubans entrelacés, respectivement de couleur bleue et verte s’agissant de la marque française n° 94500843 et de la marque internationale n° 620636, et de couleur noire s’agissant de la marque internationale n° 627401. La largeur des rubans varie d’une extrémité à l’autre. Quant à la marque demandée, elle consiste également en un élément figuratif unique représenté en noir et blanc. Ce dernier est composé de deux faucilles qui s’entrecroisent en forme de crochets épais se terminant par des bords pointus.

47      En ce qui concerne l’analyse de la similitude visuelle, la chambre de recours a considéré, aux points 18 à 20 de la décision attaquée, que, même si les signes en conflit contiennent des éléments qui s’entrecroisent, l’impression visuelle créée par l’un et l’autre était assez différente.

48      Il y a lieu d’approuver cette analyse. En effet, tout d’abord, il convient de relever que, à la différence des faucilles épaisses qui se terminent par des bords pointus, les rubans des marques antérieures sont coupés de façon à s’intégrer dans un cadre rectangulaire. Ensuite, l’espace entre les rubans est plus large que celui entre les faucilles. En outre, les deux éléments des marques antérieures suscitent l’impression d’une forme harmonieuse et fluide tandis que ceux de la marque demandée donnent une impression de formes plus trapues et plus lourdes. Enfin, les rubans des marques antérieures se déploient en longueur tandis que la forme de la marque demandée est de longueur et de hauteur presque égale.

49      En ce qui concerne la comparaison des marques en conflit sur le plan phonétique, la chambre de recours souligne à juste titre qu’elle ne peut être réalisée, les signes étant purement figuratifs et abstraits.

50      Sur le plan conceptuel, force est de constater qu’aucune des formes graphiques ne présente un contenu conceptuel. Dès lors, il est souligné à juste titre au point 22 de la décision attaquée que les signes ne sont pas comparables sur le plan conceptuel. À supposer, comme l’observe la chambre de recours audit point 22, que les professionnels dans le domaine médical associent les marques antérieures à la représentation de l’ADN, une telle association ne saurait être faite avec la marque demandée.

51      Partant, il convient d’approuver la conclusion faite au point 23 de la décision attaquée selon laquelle les signes ne sont similaires sur le plan visuel qu’à un degré marginal.

52      Les arrêts auxquels se réfèrent la requérante pour appuyer son argumentation ne sont pas de nature à remettre en cause les considérations de la chambre de recours, puisqu’ils concernent des situations différentes. En effet, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du Tribunal du 13 septembre 2011, Ruiz de la Prada de Sentmenat/OHMI – Quant (AGATHA RUIZ DE LA PRADA) (T‑522/08, non publié au Recueil), du 10 mai 2011, Emram/OHMI – Guccio Gucci (G) (T‑187/10, non publié au Recueil), du 5 novembre 2008, Calzaturificio Frau/OHMI – Camper (Représentation d’un arc stylisé avec surface pleine) (T‑304/07, non publié au Recueil), du 12 septembre 2007, Koipe/OHMI – Aceites del Sur (La Española) (T‑363/04, Rec. 2007 p. II‑3355), et du 7 septembre 2006, L & D/OHMI – Sämann (Aire Limpio) (T‑168/04, Rec. p. II‑2699), il a été considéré que, à côté de la similitude visuelle des marques en conflit, il existait une similitude ou une identité conceptuelle de celles-ci. Il convient également d’ajouter que, dans les affaires précitées, le caractère distinctif intrinsèque faible des signes concernés par celles-ci n’existait pas ou n’avait pas été démontré.

 Sur le caractère distinctif des marques antérieures

53      Il convient, tout d’abord, de relever que la jurisprudence admet qu’une marque possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24 ; arrêt Aire Limpio, point 52 supra, point 72).

54      En l’espèce, d’une part, la requérante soutient que les marques antérieures sont dotées d’un caractère distinctif intrinsèque élevé. D’autre part, elle se prévaut du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures.

55      Premièrement, il convient d’examiner si, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a valablement considéré que les marques antérieures étaient dotées d’un caractère distinctif intrinsèque faible.

56      Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, en règle générale, un simple signe graphique abstrait qui n’est composé que d’une ou de deux formes géométriques basiques constituait un signe intrinsèquement faible étant donné qu’il n’attirera pas l’attention du consommateur. Elle ajoute que, en raison de son caractère distinctif faible, un tel signe ne peut être monopolisé par un seul titulaire de marque et ne peut se voir accorder qu’une protection limitée.

57      Il convient d’admettre que les marques antérieures présentent un caractère distinctif faible. Elles sont en effet composées de deux formes géométriques simples et n’attirent pas l’attention du consommateur.

58      À cet égard, est dénué de fondement l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dénaturé les faits en qualifiant les éléments figuratifs de figures géométriques élémentaires. En effet, les figures géométriques élémentaires comprennent, outre des formes de base comme des triangles ou des cercles, des structures comme les ellipses ou les faucilles. Ainsi, la chambre de recours n’a pas dénaturé les faits en considérant que les marques antérieures représentaient un simple signe graphique abstrait composé de formes géométriques élémentaires.

59      Deuxièmement, l’argument tiré du caractère distinctif accru par l’usage des marques antérieures doit être rejeté.

60      En effet, il ressort de l’examen du premier moyen que la chambre de recours a considéré à bon droit que l’assertion tirée du caractère distinctif élevé des marques antérieures en raison de leur usage intensif n’avait pas été prouvée devant la division d’opposition et n’avait plus été soulevée dans la procédure devant la chambre de recours.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

61      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

62      En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, les produits couverts par les marques en conflit sont identiques. Les signes, quant à eux, présentent un faible degré de similitude sur le plan visuel, ne peuvent pas être comparés sur le plan phonétique et ne sont pas comparables ou, à tout le moins, ne sont pas similaires sur le plan conceptuel (voir points 45 à 51 ci-dessus). Compte tenu des conclusions sur la similitude des produits et des signes, du caractère distinctif faible des marques antérieures et du degré d’attention élevé du public pertinent, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, aux points 27 à 29 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de risque de confusion.

63      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sanofi Pasteur MSD SNC est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mai 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.