1. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits fondamentaux - Respect assuré par le juge de l'Union - Droit de toute personne à un procès équitable - Consécration par la convention européenne des droits de l'homme - Consécration par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne - Procédures administrative et juridictionnelle en matière de concurrence - Applicabilité - Portée
Le droit à un procès équitable, garanti à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH), constitue un principe général de droit de l’Union, désormais inscrit à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par ailleurs, en matière de droit de la concurrence de l'Union, la Commission n’est pas un "tribunal" au sens de l’article 6 de la CEDH ni au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux. En outre, l’article 23, paragraphe 5, du règlement nº 1/2003 dispose expressément que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n’ont pas un caractère pénal.
Cependant, eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le droit à un procès équitable s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de la concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes.
Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion de préciser que le respect de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH n’exclut pas qu’une "peine" puisse être imposée par une autorité administrative investie d’un pouvoir de sanction en matière de droit de la concurrence, pour autant que la décision adoptée par cette dernière soit susceptible de faire l’objet d’un contrôle ultérieur par un organe judiciaire de pleine juridiction. Parmi les caractéristiques d’un organe judiciaire de ce type figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise rendue par l’organe inférieur. Ainsi, le contrôle opéré par le juge, dans de tels cas, ne saurait se limiter à une vérification de la légalité externe de la décision soumise à son contrôle, le juge devant être en mesure d’apprécier la proportionnalité des choix de l’autorité de la concurrence et de vérifier ses évaluations d’ordre technique.
Le contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal à l’égard de décisions par lesquelles la Commission inflige des sanctions en cas d’infraction au droit de la concurrence de l’Union répond à ces exigences.
2. Droit de l'Union européenne - Principes - Droit à une protection juridictionnelle effective - Consécration par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne - Contrôle juridictionnel des décisions adoptées par la Commission en matière de concurrence - Contrôle de légalité et de pleine juridiction, tant de droit que de fait - Violation - Absence
Le contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal à l’égard de décisions par lesquelles la Commission inflige des sanctions en cas d’infraction au droit de la concurrence de l’Union répond à l'exigence d'un contrôle juridictionnel effectif au sens de l’article 6 de la convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Tout d'abord, le droit de l’Union confère à la Commission une mission de surveillance qui comprend la tâche de poursuivre les infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE et à l’article 82 CE, la Commission étant tenue, dans le cadre de cette procédure administrative, de respecter les garanties procédurales prévues par le droit de l’Union. Le règlement nº 1/2003 l’investit, en outre, du pouvoir d’infliger, par voie de décision, des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux associations d’entreprises qui ont commis, de façon délibérée ou par négligence, une infraction à ces dispositions.
Par ailleurs, l’exigence d’un contrôle juridictionnel effectif de toute décision de la Commission constatant et réprimant une infraction aux règles de la concurrence constitue un principe général de droit de l’Union qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres. Ce principe est désormais inscrit à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Or, le contrôle juridictionnel des décisions adoptées par la Commission en vue de sanctionner des infractions au droit de la concurrence, organisé par les traités et complété par le règlement nº 1/2003, est conforme à ce principe.
En premier lieu, le Tribunal est une juridiction indépendante et impartiale, qui a été institué notamment afin d’améliorer la protection juridictionnelle des justiciables dans les recours nécessitant un examen approfondi de faits complexes.
En deuxième lieu, le contrôle de la légalité, dans le cadre des recours fondés sur l’article 230 CE, d’une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de la concurrence et infligeant à ce titre une amende, doit être considéré comme un contrôle juridictionnel effectif de l’acte en cause. En effet, les moyens susceptibles d’être invoqués par la personne physique ou morale concernée au soutien de sa demande d’annulation sont de nature à permettre au Tribunal d’apprécier le bien-fondé en droit comme en fait de toute accusation portée par la Commission dans le domaine de la concurrence.
En troisième lieu, conformément à l’article 31 du règlement nº 1/2003, le contrôle de légalité prévu à l’article 230 CE est complété par un contrôle de pleine juridiction, lequel habilite le juge, au-delà du contrôle de la légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée.