1. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Principe d'égalité de traitement - Champ d'application personnel - Étudiants citoyens de l'Union, non considérés comme résidents par l'État membre d'accueil en matière d'inscription aux formations de l'enseignement supérieur - Inclusion
La situation d'étudiants citoyens de l'Union, non considérés comme résidents par la réglementation de l'État membre d'accueil et ne pouvant, pour cette raison, s'inscrire à une formation de l'enseignement supérieur de cet État, peut être régie par l'article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, qui vise tout citoyen de l'Union qui séjourne sur le territoire de l'État membre d'accueil en vertu de cette directive.
Le fait que ces étudiants n'exercent, le cas échéant, aucune activité économique dans l'État membre d'accueil est sans pertinence, car la directive 2004/38 s'applique à tous les citoyens de l'Union indépendamment de la question de savoir si ces citoyens exercent, sur le territoire d'un autre État membre, une activité économique salariée ou une activité économique non salariée ou s'ils n'y exercent aucune activité économique.
Arrêt du 13 avril 2010, Bressol e.a. (C-73/08, Rec._p._I-2735) (cf. points 34-36)
2. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Champ d'application personnel - Mineur ressortissant d'un État membre n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Inclusion - Effets - Droit de séjour et de travail du parent ressortissant d'un pays tiers ayant à sa charge le mineur dans l'État membre de nationalité et de résidence du mineur
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre, d’une part, refuse à un ressortissant d’un État tiers, qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité et, d’autre part, refuse audit ressortissant d’un État tiers un permis de travail dans la mesure où de telles décisions priveraient lesdits enfants de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l’Union.
En effet, le statut de citoyen de l'Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres. Or, un tel refus de séjour aurait pour conséquence que lesdits enfants, citoyens de l’Union, se verraient obligés de quitter le territoire de l’Union pour accompagner leurs parents. De la même manière, si un permis de travail n’était pas octroyé à une telle personne, celle-ci risquerait de ne pas disposer de ressources nécessaires pour subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille, ce qui aurait également pour conséquence que ses enfants, citoyens de l’Union, se verraient obligés de quitter le territoire de celle-ci. Dans de telles conditions, lesdits citoyens de l’Union seraient, de fait, dans l’impossibilité d’exercer l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union.
Arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C-34/09, Rec._p._I-1177) (cf. points 41, 44-45 et disp.)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C-133/15) (cf. points 61-63)
3. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaire - Notion - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation, ayant toujours séjourné dans l'État membre de sa nationalité et jouissant de la nationalité d'un autre État membre - Exclusion
L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que cette directive n’est pas applicable à un citoyen de l’Union qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation, qui a toujours séjourné dans un État membre dont il possède la nationalité et qui jouit, par ailleurs, de la nationalité d’un autre État membre.
En effet, en premier lieu, selon ladite disposition de la directive 2004/38, est bénéficiaire de celle-ci tout citoyen de l’Union qui se "rend" ou séjourne dans un État membre "autre" que celui dont il a la nationalité. En deuxième lieu, étant donné que le séjour d’une personne résidant dans l’État membre de sa nationalité ne peut pas être soumis à conditions, la directive 2004/38, concernant les conditions d’exercice du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ne saurait avoir vocation à s’appliquer à un citoyen de l’Union qui jouit d’un droit de séjour inconditionnel en raison du fait qu’il séjourne dans l’État membre de sa nationalité. En troisième lieu, il ressort de l’ensemble de ladite directive que le séjour qu’elle vise est lié à l’exercice de la liberté de circulation des personnes.
Ainsi, un citoyen dans la situation décrite ci-dessus ne relève pas de la notion de "bénéficiaire" au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, de sorte que cette dernière ne lui est pas applicable. Cette constatation ne saurait être influencée par le fait que ledit citoyen a également la nationalité d’un État membre autre que celui où il séjourne. En effet, la jouissance, par un citoyen de l’Union, de la nationalité de plus d’un État membre ne signifie pas pour autant qu’il ait fait usage de son droit de libre circulation.
Arrêt du 5 mai 2011, McCarthy (C-434/09, Rec._p._I-3375) (cf. points 32, 34-35, 39-41, 57, disp. 1)
4. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants d'États tiers - Condition - Citoyen de l'Union ayant exercé son droit de libre circulation - Application de la directive 2003/86 aux membres de la famille du citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Exclusion
Les directives 2003/86, relative au droit au regroupement familial, et 2004/38, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ne sont pas applicables à des ressortissants d’États tiers qui demandent un droit de séjour pour rejoindre des citoyens de l’Union membres de leur famille n’ayant jamais fait usage de leur droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l’État membre dont ils possèdent la nationalité.
En effet, d’une part, selon l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/86, celle-ci ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union. D’autre part, tirent de la directive 2004/38 des droits d’entrée et de séjour dans un État membre non pas tous les ressortissants d’États tiers, mais uniquement ceux qui sont membres de la famille, au sens de l’article 2, point 2, de cette directive, d’un citoyen de l’Union ayant exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que l’État membre dont il a la nationalité.
Arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C-256/11, Rec._p._I-11315) (cf. points 47, 56, 58)
5. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Champ d'application - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Condition d'inclusion - Application de mesures ayant pour effet de le priver de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l'Union - Critère d'appréciation - Mesures ayant pour effet d'obliger ledit citoyen à quitter le territoire de l'Union - Refus de droit de séjour des membres de sa famille ressortissants d'États tiers - Circonstance insuffisante pour établir ladite privation
La situation d’un citoyen de l’Union qui n’a pas fait usage du droit de libre circulation ne saurait, de ce seul fait, être assimilée à une situation purement interne. En effet, le statut de citoyen de l’Union ayant vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres, l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales qui ont pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par ce statut.
Ce critère, relatif à la privation de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union, se réfère à des situations caractérisées par la circonstance que le citoyen de l’Union se voit obligé, en fait, de quitter le territoire non seulement de l’État membre dont il est ressortissant, mais également de l’Union pris dans son ensemble.
Concernant le droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union ressortissants d’États tiers, ledit critère revêt donc un caractère très particulier en ce qu’il vise des situations dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants d’États tiers n’est pas applicable, un droit de séjour ne saurait, exceptionnellement, être refusé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont jouit ce dernier ressortissant. Le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable à un ressortissant d’un État membre, pour des raisons d’ordre économique ou afin de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union, que des membres de sa famille, qui ne disposent pas de la nationalité d’un État membre, puissent séjourner avec lui sur le territoire de l’Union, ne suffit pas en soi pour considérer que le citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un tel droit n’est pas accordé.
Arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C-256/11, Rec._p._I-11315) (cf. points 61-62, 64, 66-68)
6. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Refus d'un État membre de reconnaître un droit de séjour aux membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants d'un État tiers - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Admissibilité - Condition - Refus n'entraînant pas, pour ledit citoyen, la privation de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l'Union
Le droit de l’Union, et notamment ses dispositions concernant la citoyenneté de l’Union, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers le séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant vise à résider avec un membre de sa famille qui est citoyen de l’Union demeurant dans cet État membre dont il possède la nationalité et qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation, pour autant qu’un tel refus ne comporte pas, pour le citoyen de l’Union concerné, la privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
Arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C-256/11, Rec._p._I-11315) (cf. point 74, disp. 1)
7. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissants de pays tiers, non couverts par la définition de l'article 2, point 2 de la directive - Obligation des États membres de favoriser l'entrée et le séjour de ces ressortissants - Droit des bénéficiaires d'invoquer directement cette disposition devant le juge national - Limites
Même si les termes employés à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ne sont pas suffisamment précis pour permettre à un demandeur d’entrée ou de séjour de se prévaloir directement de cette disposition pour invoquer des critères d’appréciation qui devraient selon lui être appliqués à sa demande, il n’en demeure pas moins qu’un tel demandeur a le droit de faire vérifier par une juridiction si la législation nationale et l’application de celle-ci sont restées dans les limites de la marge d’appréciation tracée par ladite directive.
Arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a. (C-83/11) (cf. points 25-26, disp. 1)
8. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissants de pays tiers, non couverts par la définition de l'article 2, point 2 de la directive - Obligation des États membres de favoriser l'entrée et le séjour de ces ressortissants - Portée - Marge d'appréciation des États membres - Limites
L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que les États membres ne sont pas tenus d’accueillir toute demande d’entrée ou de séjour introduite par des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui ne sont pas couverts par la définition figurant à l’article 2, point 2, de ladite directive, même s’ils démontrent, conformément à l’article 10, paragraphe 2, de celle-ci, qu’ils sont à la charge dudit citoyen.
Il incombe toutefois aux États membres de veiller à ce que leur législation comporte des critères qui permettent auxdites personnes d’obtenir une décision sur leur demande d’entrée et de séjour qui soit fondée sur un examen approfondi de leur situation personnelle et qui, en cas de refus, soit motivée. Les États membres ont une large marge d’appréciation dans le choix desdits critères, ces derniers devant cependant être conformes au sens habituel du terme "favorise" ainsi que des termes relatifs à la dépendance employés audit article 3, paragraphe 2, et ne pas priver cette disposition de son effet utile.
Arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a. (C-83/11) (cf. point 26, disp. 1)
9. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissants de pays tiers, non couverts par la définition de l'article 2, point 2 de la directive - Membre à charge du citoyen de l'Union dans le pays de provenance - Notion de "pays de provenance" - Évaluation de la dépendance au moment de la demande
Pour relever de la catégorie des membres de la famille "à charge" d’un citoyen de l’Union visée à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, la situation de dépendance du demandeur doit exister dans le pays de provenance du membre de la famille concerné, c'est-à-dire l'État dans lequel il séjournait à la date où il a demandé à accompagner ou à rejoindre le citoyen de l'Union, et cela à tout le moins au moment où il demande à rejoindre le citoyen de l’Union dont il est à la charge.
Arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a. (C-83/11) (cf. points 31, 35, disp. 2)
10. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissants de pays tiers, non couverts par la définition de l'article 2, point 2 de la directive - Membre à charge du citoyen de l'Union - Critères d'appréciation - Possibilité d'imposer des exigences particulières tenant à la nature et à la durée de la dépendance - Limites
L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que les États membres peuvent, dans l’exercice de la marge d’appréciation quant au choix des facteurs à prendre en compte lors de l’examen des demandes d’entrée et de séjour introduites par des membres de la famille d’un citoyen de l’Union visés à l’article 3, paragraphe 2, de la directive, prévoir dans leurs législations des exigences particulières concernant la nature et la durée de la dépendance, et cela afin notamment de s’assurer que cette situation de dépendance est réelle et stable et n’a pas été provoquée dans le seul but d’obtenir l’entrée et le séjour dans l’État membre d’accueil.
Ces exigences doivent toutefois être conformes au sens habituel des termes relatifs à la dépendance visée à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, et ne pas priver cette disposition de son effet utile.
Arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a. (C-83/11) (cf. points 38, 40, disp. 3)
11. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissants de pays tiers, non couverts par la définition de l'article 2, point 2 de la directive - Délivrance d'une carte de séjour - Conditions pouvant être imposées par les États membres - Dépendance ayant perduré dans l'État membre d'accueil - Question ne relevant pas du champ d'application de la directive
La question de savoir si la délivrance de la carte de séjour visée à l’article 10 de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, peut être subordonnée à l’exigence que la situation de dépendance au sens de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de cette directive ait perduré dans l’État membre d’accueil ne relève pas du champ d’application de ladite directive.
Arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a. (C-83/11) (cf. point 45, disp. 4)
12. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membre de la famille - Notion - Ascendant n'étant pas à la charge d'un citoyen de l'Union - Exclusion
En vertu de l'article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221, 68/360, 72/194, 73/148, 75/34, 75/35, 90/364, 90/365 et 93/96, la qualité de membre de la famille "à charge" du citoyen de l’Union titulaire du droit de séjour résulte d’une situation de fait caractérisée par la circonstance que le soutien matériel du membre de la famille est assuré par le titulaire du droit de séjour, de sorte que, quand c’est la situation inverse qui se présente, à savoir que le titulaire du droit de séjour est à charge du ressortissant d’un pays tiers, ce dernier ne saurait se prévaloir de la qualité d’ascendant "à charge" dudit titulaire en vue de bénéficier d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil.
Arrêt du 8 novembre 2012, Iida (C-40/11) (cf. point 55)
VI et son mari sont des ressortissants pakistanais qui résident en Irlande du Nord (Royaume-Uni) avec leurs enfants. Leur fils, né en 2004, de nationalité irlandaise, a acquis un droit de séjour permanent au Royaume-Uni en raison de son séjour légal pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Si VI, qui s’est occupée dans un premier temps de leurs enfants, travaille et n’est assujettie à l’impôt que depuis avril 2016, son mari a, pour sa part, travaillé et été assujetti à l’impôt pendant toutes les périodes en cause au principal, les deux époux disposant des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de leur famille.
Les Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs (administration fiscale et douanière, Royaume-Uni) ont considéré que, de mai à août 2006 et d’août 2014 à septembre 2016, VI n’était pas couverte par une assurance maladie complète et, par conséquent, ne disposait pas du droit de séjour au Royaume-Uni, de sorte qu’elle ne pouvait bénéficier, pour ces deux périodes, ni du crédit d’impôt pour enfant à charge ni d’allocations familiales.
Saisi de deux recours visant ces droits, le Social Security Appeal Tribunal (Northern Ireland) (tribunal d’appel en matière de sécurité sociale, Irlande du Nord, Royaume-Uni) interroge la Cour sur le point de savoir dans quelle mesure l’exigence de disposer d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38{1}, était applicable à VI et à son fils pendant les périodes concernées et, le cas échéant, si l’affiliation, à titre gratuit, au système public d’assurance maladie de l’État d’accueil, dont ils disposaient, était suffisante pour satisfaire à cette exigence.
La Cour dit pour droit que l’article 21 TFUE, qui consacre la liberté de circulation et de séjour des citoyens de l’Union, et l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, qui vise l’acquisition du droit de séjour permanent, doivent être interprétés en ce sens que ni l’enfant, citoyen de l’Union, qui a acquis un droit de séjour permanent, ni le parent assurant effectivement sa garde ne sont tenus de disposer d’une assurance maladie complète, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, afin de conserver leur droit de séjour dans l’État d’accueil. En revanche, s’agissant des périodes antérieures à l’acquisition par un enfant, citoyen de l’Union, d’un droit de séjour permanent dans l’État d’accueil, tant cet enfant, lorsqu’un droit de séjour est réclamé pour lui sur le fondement de cet article 7, paragraphe 1, sous b), que le parent assurant effectivement sa garde doivent disposer d’une assurance maladie complète, au sens de ladite directive.
Appréciation de la Cour
S’agissant, d’une part, des périodes situées après qu’un enfant, citoyen de l’Union ait acquis un droit de séjour permanent après avoir séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, la Cour souligne que ce droit n’est plus soumis{2} aux conditions de disposer, pour soi et sa famille, de ressources suffisantes ainsi que d’une assurance maladie complète, applicables avant l’acquisition d’un tel droit de séjour permanent{3}.
En ce qui concerne le parent, ressortissant d’un État tiers qui assure effectivement la garde de cet enfant, la Cour constate que celui-ci n’est pas un « membre de la famille », au sens de la directive 2004/38, et ne saurait donc tirer de celle-ci{4}, un droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil lorsque ledit enfant est à la charge de son parent. En effet, la notion de « membre de la famille », au sens de cette directive, est limitée{5}, pour ce qui concerne les ascendants d’un citoyen de l’Union, aux ascendants directs « à charge » de ce citoyen.
Cela étant, le droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil, conféré par le droit de l’Union au ressortissant mineur d’un autre État membre, doit, aux fins d’assurer l’effet utile de ce droit de séjour, être considéré comme impliquant nécessairement, en vertu de l’article 21 TFUE, un droit pour le parent qui assure effectivement la garde de ce citoyen de l’Union mineur de séjourner avec lui dans l’État membre d’accueil, et ce indépendamment de la nationalité de ce parent. Il s’ensuit que l’inapplicabilité des conditions énoncées, notamment, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, à la suite de l’acquisition, par ledit mineur, d’un droit de séjour permanent en vertu de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, s’étend, en vertu de l’article 21 TFUE, à ce parent.
D’autre part, quant aux périodes situées avant qu’un enfant, citoyen de l’Union, ait acquis un droit de séjour permanent dans l’État d’accueil, il résulte du libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 ainsi que de l’économie générale et de la finalité de cette directive que non seulement le citoyen de l’Union, mais également les membres de sa famille qui résident avec celui-ci dans l’État d’accueil, ainsi que le parent qui assure effectivement la garde d’un tel enfant, doivent être couverts par une assurance maladie complète.
À cet égard, il découle de cet article, lu en combinaison avec le considérant 10 et avec l’article 14, paragraphe 2, de la même directive, que, pendant toute la durée du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil supérieure à trois mois et inférieure à cinq ans, le citoyen de l’Union économiquement inactif doit, notamment, disposer, pour lui-même et pour les membres de sa famille, d’une assurance maladie complète afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de cet État membre. Dans le cas d’un enfant, citoyen de l’Union, qui réside dans l’État d’accueil avec un parent assurant effectivement sa garde, cette exigence est satisfaite tant lorsque cet enfant dispose d’une assurance maladie complète qui couvre son parent, que dans l’hypothèse inverse où ce parent dispose d’une telle assurance couvrant l’enfant.
Or, dans le cas d’un citoyen de l’Union mineur dont l’un des parents, ressortissant d’un État tiers, a travaillé et a été assujetti à l’impôt dans l’État d’accueil pendant la période concernée, il serait disproportionné de refuser à cet enfant et au parent assurant effectivement sa garde un droit de séjour au seul motif que, pendant cette période, ils ont été affiliés gratuitement au système public d’assurance maladie de l’État d’accueil. En effet, il ne saurait être considéré que cette affiliation gratuite constitue, dans les conditions qui caractérisent l’affaire au principal, une charge déraisonnable pour les finances publiques dudit État.
{1} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35). L’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive dispose que tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil.
{2} En vertu de l’article 16, paragraphe 1, dernière phrase, de la directive 2004/38.
{3} Prévues à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38.
{4} L’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38, dispose que le paragraphe 1 de cet article s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.
{5} Aux termes de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38.
13. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membre de la famille - Notion - Conjoint - Époux vivant de façon séparée - Inclusion
En vertu de l’article 2, point 2, sous a), de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221, 68/360, 72/194, 73/148, 75/34, 75/35, 90/364, 90/365 et 93/96, le conjoint d’un citoyen de l’Union qui a exercé son droit à la libre circulation est considéré comme "membre de la famille" dudit citoyen. Il n'est pas exigé d’autres conditions dans le chef de la personne concernée que sa qualité de conjoint. Dès lors, le conjoint ne doit pas nécessairement habiter en permanence avec le citoyen de l’Union pour être titulaire d’un droit dérivé de séjour. En effet, le lien conjugal ne peut être considéré comme dissous tant qu’il n’y a pas été mis un terme par l’autorité compétente. Tel n’est pas le cas des époux qui vivent simplement de façon séparée, même lorsqu’ils ont l’intention de divorcer ultérieurement.
Arrêt du 8 novembre 2012, Iida (C-40/11) (cf. points 57-58)
14. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membre de la famille n'ayant ni accompagné ni rejoint un citoyen de l'Union - Exclusion
L'article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221, 68/360, 72/194, 73/148, 75/34, 75/35, 90/364, 90/365 et 93/96, accorde un droit dérivé de séjour aux seuls membres de la famille d'un citoyen de l'Union qui accompagnent ou rejoignent cette personne. Une telle exigence répond à la finalité des droits dérivés d’entrée et de séjour que la directive 2004/38 prévoit pour les membres de la famille des citoyens de l’Union, étant donné que, autrement, l’impossibilité pour le citoyen de l’Union d’être accompagné de sa famille ou rejoint par elle dans l’État membre d’accueil serait de nature à porter atteinte à sa liberté de circulation en le dissuadant d’exercer ses droits d’entrée et de séjour dans cet État membre. Dès lors, un droit de séjour ne peut être accordé sur la base de la directive 2004/38 à un ressortissant de pays tiers n'ayant ni accompagné ni rejoint, dans l'État membre d'accueil, le membre de sa famille citoyen de l'Union qui a exercé sa liberté de circulation.
Arrêt du 8 novembre 2012, Iida (C-40/11) (cf. points 61-63)
15. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Champ d'application - Citoyen de l'Union ayant exercé son droit de libre circulation - Condition d'inclusion - Application de mesures ayant pour effet de priver de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l'Union - Refus par l'État membre d'origine d'un citoyen de l'Union du droit de séjour au titre de la directive 2004/38 à un membre de la famille ressortissant d'un pays tiers - Circonstance insuffisante pour établir ladite privation - Appréciation au regard de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux - Situation ne relevant pas du droit de l'Union
En dehors des situations régies par la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221, 68/360, 72/194, 73/148, 75/34, 75/35, 90/364, 90/365 et 93/96, et lorsqu’il n’existe pas non plus d’autre lien de rattachement avec les dispositions du droit de l’Union concernant la citoyenneté, un ressortissant d’un pays tiers ne saurait prétendre à un droit de séjour dérivé d’un citoyen de l’Union.
Un tel lien n'est pas établi lorsque le refus d'octroi d'un titre de séjour à un ressortissant d'un pays tiers membre de la famille d'un citoyen de l'Union ne risque pas de priver le citoyen de l'Union de la jouissance effective de l'essentiel des droits attachés à son statut de citoyen de l'Union ou d'entraver l'exercice de son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. À cet égard, des perspectives purement hypothétiques d'entrave au droit de libre circulation des citoyens de l'Union ne constituent pas un lien suffisant avec le droit de l'Union pour justifier l'application de ses dispositions.
Par ailleurs, afin de déterminer si un tel refus relève de la mise en œuvre du droit de l'Union au sens de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux, il y a lieu de vérifier, parmi d’autres éléments, si la réglementation nationale en cause a pour but de mettre en œuvre une disposition du droit de l’Union, le caractère de cette réglementation et si celle-ci poursuit des objectifs autres que ceux couverts par le droit de l’Union, même si elle est susceptible d’affecter indirectement ce dernier, ainsi que s’il existe une réglementation du droit de l’Union spécifique en la matière ou susceptible de l’affecter.
Dès lors que le refus de délivrance d'un titre de séjour ne relève pas de la mise en oeuvre du droit de l'Union au sens de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux, car la situation du demandeur du titre de séjour n'est pas régie par le droit de l'Union, la conformité de ce refus aux droits fondamentaux ne saurait être examinée à l'aune des droits institués par cette dernière.
Arrêt du 8 novembre 2012, Iida (C-40/11) (cf. points 76-77, 79-82 et disp.)
16. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants d'États tiers - Condition - Citoyen de l'Union ayant exercé son droit de libre circulation
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 décembre 2012, O. et S. (C-356/11 et C-357/11) (cf. points 41-42)
Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C-133/15) (cf. point 52)
17. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Refus d'un État membre de délivrer un titre de séjour au nouveau conjoint du parent d'un citoyen de l'Union - Admissibilité - Conditions - Refus n'entraînant pas, pour ledit citoyen, la privation de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l'Union
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant de pays tiers un titre de séjour au titre du regroupement familial, alors que ce ressortissant cherche à résider avec sa conjointe, également ressortissante de pays tiers résidant légalement dans cet État membre et mère d’un enfant, issu d’un premier mariage et qui est citoyen de l’Union, ainsi qu’avec l’enfant issu de leur propre union, également ressortissant de pays tiers, pour autant qu’un tel refus n’entraîne pas, pour le citoyen de l’Union concerné, la privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union.
Pour établir si ce refus produit un tel effet, doit être pris en compte le fait que le ressortissant de pays tiers qui a la garde exclusive d'un enfant citoyen de l'Union jouit d'un titre de séjour permanent dans l'État membre concerné, de sorte que, en droit, il n'existe aucune obligation, ni pour cette personne, ni pour le citoyen de l'Union dont elle assume la charge, de quitter le territoire de cet État membre et celui de l'Union pris dans son ensemble.
Dans le cadre de l'appréciation portant sur des familles recomposées, est également pertinent l'impact que pourrait avoir sur la vie familiale une décision de la part dudit ascendant de quitter le territoire de l'État membre dont le citoyen de l'Union possède la nationalité.
À cet égard, toutefois, le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable, pour des raisons économiques ou afin de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union, que des membres d’une famille, composée de ressortissants de pays tiers et d’un citoyen de l’Union en bas âge, puissent séjourner avec ce citoyen sur le territoire de l’Union dans l’État membre dont ce dernier a la nationalité, ne suffit pas en soi pour considérer que ledit citoyen serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un tel droit de séjour n’était pas accordé.
Ni le fait que le ressortissant de pays tiers pour lequel un droit de séjour au titre du regroupement familial est demandé vit ou ne vit pas sous le même toit que le regroupant et les autres membres de la famille, ni l'absence de relation biologique entre ledit ressortissant de pays tiers et le citoyen de l’Union ne constituent des éléments déterminants lors de cette appréciation.
En revanche, le fait que le ressortissant de pays tiers pour lequel un droit de séjour est demandé n’assume pas la charge légale, financière ou affective de ce citoyen doit être pris en considération. En effet, c’est la relation de dépendance entre celui-ci et ledit ressortissant de pays tiers qui est susceptible de mettre en cause l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dès lors que c’est cette dépendance qui aboutirait à ce que le citoyen de l’Union se voie dans l’obligation, en fait, de quitter non seulement le territoire de l’État membre dont il est ressortissant, mais également celui de l’Union pris dans son ensemble, comme conséquence d’une telle décision de refus.
Arrêt du 6 décembre 2012, O. et S. (C-356/11 et C-357/11) (cf. points 49-56, 58, 82 et disp.)
18. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants d'États tiers - Condition - Citoyen de l'Union ayant exercé son droit de libre circulation - Application de la directive 2003/86 aux membres de la famille du citoyen de l'Union - Exclusion
Les directives 2003/86, relative au droit au regroupement familial, et 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ne sont pas applicables à des ressortissants de pays tiers qui demandent un droit de séjour pour rejoindre un citoyen de l’Union membre de leur famille n’ayant jamais fait usage de son droit de libre circulation en tant que citoyen de l’Union et ayant toujours séjourné en tant que citoyen de l'Union dans l’État membre dont il possède la nationalité.
Arrêt du 8 mai 2013, Ymeraga et Ymeraga-Tafarshiku (C-87/12) (cf. point 33)
19. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Champ d'application - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Condition d'inclusion - Application de mesures ayant pour effet de le priver de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l'Union - Critère d'appréciation - Mesures ayant pour effet d'obliger ledit citoyen à quitter le territoire de l'Union - Refus de droit de séjour aux membres de sa famille ressortissants d'États tiers - Circonstance insuffisante pour établir ladite privation
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un pays tiers le séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant veut résider avec un membre de sa famille qui est citoyen de l’Union européenne demeurant dans cet État membre dont il possède la nationalité et qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation en tant que citoyen de l’Union, pour autant qu’un tel refus ne comporte pas, pour le citoyen de l’Union concerné, la privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union.
À cet égard, le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable audit ressortissant d’un État membre, pour des raisons d’ordre économique ou afin de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union, que des membres de sa famille, qui ne disposent pas de la nationalité d’un État membre, puissent séjourner avec lui sur le territoire de l’Union, ne suffit pas en soi pour considérer que le citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un tel droit n’est pas accordé.
Arrêt du 8 mai 2013, Ymeraga et Ymeraga-Tafarshiku (C-87/12) (cf. points 38, 45 et disp.)
20. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Conditions du droit de séjour au titre du droit de l'Union - Condition de ressources suffisantes - Système d'assistance sociale - Notion - Supplément compensatoire destiné à compléter la pension de retraite - Inclusion
La notion de "système d’assistance sociale" figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, ne saurait être réduite aux prestations d’assistance sociale qui, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement nº 883/2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ne relèvent pas du champ d’application de ce règlement.
En effet, cette notion doit être déterminée en fonction non pas de critères formels, mais de l’objectif poursuivi par l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, qui consiste à permettre à l’État membre d’accueil d’imposer aux citoyens de l’Union, lorsqu’ils n’ont pas ou plus la qualité de travailleur, des restrictions légitimes en ce qui concerne l’octroi de prestations sociales afin que ceux-ci ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de cet État membre.
Dès lors, ladite notion doit être interprétée comme faisant référence à l’ensemble des régimes d’aides institués par des autorités publiques, que ce soit au niveau national, régional ou local, auxquels a recours un individu qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour faire face à ses besoins élémentaires ainsi qu’à ceux de sa famille et qui risque, de ce fait, de devenir, pendant son séjour, une charge pour les finances publiques de l’État membre d’accueil susceptible d’avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide pouvant être octroyée par cet État. Il s’ensuit qu’un supplément compensatoire destiné à compléter la pension de retraite peut être regardé comme relevant du "système d’assistance sociale" de l’État membre concerné. En effet, cette prestation, qui vise à assurer un minimum vital à son bénéficiaire en cas de pension insuffisante, est intégralement financée par les pouvoirs publics sans aucune contribution des assurés.
Arrêt du 19 septembre 2013, Brey (C-140/12) (cf. points 57, 58, 60-62)
21. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Conditions du droit de séjour au titre du droit de l'Union - Condition de ressources suffisantes - Ressortissant d'un autre État membre économiquement non actif ne remplissant pas les conditions pour bénéficier d'un droit de séjour légal de plus de trois mois sur le territoire de l'État membre d'accueil - Réglementation nationale excluant, en toutes circonstances et de manière automatique, l'octroi d'un supplément compensatoire destiné à compléter la pension de retraite - Inadmissibilité
Le droit de l’Union, tel qu’il résulte, notamment, des articles 7, paragraphe 1, sous b), 8, paragraphe 4, et 24, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui, même pour la période postérieure aux trois premiers mois de séjour, exclut en toutes circonstances et de manière automatique l’octroi d’une prestation, telle que le supplément compensatoire destiné à compléter la pension de retraite, à un ressortissant d’un autre État membre économiquement non actif, au motif que celui-ci, malgré le fait qu’une attestation d’enregistrement lui a été délivrée, ne remplit pas les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour légal de plus de trois mois sur le territoire du premier État, dès lors que l’existence d’un tel droit de séjour est subordonnée à l’exigence que ce ressortissant dispose de ressources suffisantes pour ne pas demander ladite prestation.
Certes, le fait qu’un ressortissant d’un autre État membre économiquement non actif puisse être éligible au bénéfice d’une telle prestation pourrait constituer un indice de nature à démontrer que ce dernier ne dispose pas de ressources suffisantes pour éviter de devenir une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de cet État, au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38. Toutefois, les autorités nationales compétentes ne sauraient tirer une telle conclusion sans avoir procédé à une appréciation globale de la charge que représenterait concrètement l’octroi de cette prestation sur l’ensemble du système national d’assistance sociale en fonction des circonstances individuelles caractérisant la situation de l’intéressé.
En effet, en subordonnant le droit au séjour de plus de trois mois à la circonstance que l’intéressé ne devienne pas une charge « déraisonnable » pour le « système » d’assistance sociale de l’État membre d’accueil, l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 implique que les autorités nationales compétentes disposent du pouvoir d’apprécier, compte tenu d’un ensemble de facteurs et au regard du principe de proportionnalité, si l’octroi d’une prestation sociale est susceptible de représenter une charge pour l’ensemble des régimes d’assistance sociale de cet État membre.
L'exclusion automatique par l'État membre d'accueil des ressortissants d’autres États membres économiquement non actifs du bénéfice d’une prestation sociale donnée, même pour la période postérieure aux trois mois de séjour visée à l'article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, ne permet pas aux autorités compétentes de l'État membre d'accueil de procéder à l'appréciation globale de ladite charge, conformément aux exigences découlant, notamment, des articles 7, paragraphe 1, sous b), et 8, paragraphe 4, de cette directive, ainsi que du principe de proportionnalité. En particulier, il importe que les autorités compétentes puissent prendre en compte, notamment, l’importance et la régularité des revenus de l'intéressé, le fait que ceux-ci ont conduit lesdites autorités à lui délivrer une attestation d'enregistrement, ainsi que la période pendant laquelle la prestation sollicitée est susceptible de lui être versée. Par ailleurs, afin d’apprécier l’ampleur de la charge que représenterait un tel versement pour le système national d’assistance sociale, il peut être pertinent de déterminer la proportion des bénéficiaires de cette prestation qui ont la qualité de citoyens de l’Union titulaires d’une pension de retraite dans un autre État membre.
Arrêt du 19 septembre 2013, Brey (C-140/12) (cf. points 63-64, 72, 77, 78, 80 et disp.)
22. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Citoyens de l'Union mineurs n'ayant jamais exercé leur droit de libre circulation, ayant toujours séjourné dans l'État membre de résidence et jouissant de la nationalité d'un autre État membre - Refus de l'État membre de résidence de reconnaître un droit de séjour à un ressortissant d'un État tiers, parent desdits citoyens de l'Union - Admissibilité - Obligation de satisfaire à la condition de disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète dans l'État membre de résidence
Les articles 20 TFUE et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un pays tiers un droit de séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant a à sa charge exclusive des enfants en bas âge, citoyens de l’Union, qui séjournent avec lui dans cet État membre depuis leur naissance, sans qu’ils possèdent la nationalité de ce même État et aient fait usage de leur droit de libre circulation, pour autant que ces citoyens de l’Union ne remplissent pas les conditions fixées par la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L'article 7, paragraphe 1, sous b), de cette dernière directive, qui prévoit que de tels citoyens de l'Union doivent disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète, doit certes être interprété en ce sens qu’il suffit que lesdits citoyens de l’Union aient la disposition de telles ressources, sans que cette disposition comporte la moindre exigence quant à la provenance de celles-ci, ces dernières pouvant être fournies, notamment, par le ressortissant d’un État tiers, parent des citoyens en bas âge concernés. Toutefois, si ces conditions fixées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38 ne sont pas remplies, l’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un droit de séjour sur le territoire de l'État membre de résidence soit refusé à leur parent.
Arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C-86/12) (cf. points 27, 29-31, 36 et disp.)
23. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyens de l'Union mineurs n'ayant jamais exercé leur droit de libre circulation, ayant toujours séjourné dans l'État membre de résidence et jouissant de la nationalité d'un autre État membre - Refus de l'État membre de résidence de reconnaître un droit de séjour à un ressortissant d'un État tiers, parent desdits citoyens de l'Union - Admissibilité - Condition - Refus n'entraînant pas, pour lesdits citoyens, la privation de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l'Union
S’agissant de l’article 20 TFUE, il existe des situations très particulières dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants d'États tiers n’est pas applicable et que le citoyen de l’Union concerné n’a pas fait usage de sa liberté de circulation, un droit de séjour ne saurait, exceptionnellement, être refusé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille dudit citoyen, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont il jouit, si, comme conséquence d’un tel refus, ce citoyen se voyait obligé, en fait, de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, en le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union. Toutefois, un ressortissant d’un État tiers qui a à sa charge exclusive des enfants en bas âge, citoyens de l’Union, qui séjournent avec lui dans un État membre depuis leur naissance, sans qu’ils possèdent la nationalité de cet État, pourrait bénéficier d’un droit dérivé à les accompagner et à séjourner avec eux sur le territoire l’État membre dont ils possèdent la nationalité. Il s’ensuit que, en principe, le refus des autorités de l’État membre de résidence de ces citoyens de l'Union d’accorder un droit de séjour à leur parent, ressortissant d’État tiers ne saurait avoir comme conséquence d’obliger les enfants de celui-ci à quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble.
Arrêt du 10 octobre 2013, Alokpa et Moudoulou (C-86/12) (cf. points 32, 34, 35)
24. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membre de la famille à charge - Notion - Mode de preuve
L’article 2, point 2, sous c), de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances dans lesquelles un citoyen de l'Union procède régulièrement, pendant une période considérable, au versement d'une somme d'argent à un descendant en ligne directe âgé de 21 ans ou plus, nécessaire à ce dernier pour subvenir à ses besoins essentiels dans l'État d'origine, il ne permet pas à un État membre d’exiger que, pour pouvoir être considéré comme étant à charge et relever ainsi de la définition de la notion de membre de la famille énoncée à cette disposition, ce descendant établisse avoir vainement tenté de trouver un travail ou de recevoir une aide à la subsistance des autorités de son pays d’origine et/ou essayé par tout autre moyen d’assurer sa subsistance.
En effet, l’exigence d’une telle démonstration, qui ne peut, en pratique, être aisément effectuée, est susceptible de rendre excessivement difficile la possibilité pour le même descendant de bénéficier du droit de séjour dans l’État membre d’accueil. De ce fait, cette exigence risque de priver les articles 2, point 2, sous c), et 7 de la directive 2004/38 de leur effet utile.
Arrêt du 16 janvier 2014, Reyes (C-423/12) (cf. points 22, 24, 26, 28, disp. 1)
25. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membre de la famille à charge - Notion - Circonstances personnelles liées à l'âge, aux qualifications professionnelles et à l'état de santé offrant des chances raisonnables d'obtenir un emploi dans l'État membre d'accueil - Absence d'incidence
L’article 2, point 2, sous c), de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que le fait qu’un membre de la famille, en raison de circonstances personnelles telles que son âge, ses qualifications professionnelles et son état de santé, est considéré comme ayant des chances raisonnables de trouver un emploi et, en outre, entend travailler dans l’État membre d’accueil, n’a pas d’incidence sur l’interprétation de la condition d’être à charge, visée à cette disposition.
La solution contraire interdirait, en pratique, audit descendant de chercher un travail dans l’État membre d’accueil et porterait atteinte, de ce fait, à l’article 23 de cette directive, qui autorise expressément un tel descendant, s’il bénéficie du droit de séjour, d’entamer une activité lucrative à titre de travailleur salarié ou non salarié.
Arrêt du 16 janvier 2014, Reyes (C-423/12) (cf. points 32, 33, disp. 2)
26. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants d'un État tiers séjournant dans l'État membre de la nationalité du citoyen - Exclusion
L’article 21, paragraphe 1, TFUE et les dispositions de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, n’octroient aucun droit autonome aux ressortissants d’États tiers mais seulement des droits dérivés de l’exercice de la liberté de circulation par un citoyen de l’Union.
À cet égard, d'une part, il résulte d'une interprétation littérale de cette directive que celle-ci ne prévoit un droit de séjour dérivé en faveur des ressortissants d’États tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union, que lorsque ce dernier a exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité.
D'autre part, selon l’interprétation téléologique des dispositions de la directive 2004/38, s’il est vrai que celle-ci a pour but de faciliter et de renforcer l’exercice du droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres conféré directement à chaque citoyen de l’Union, il n’en demeure pas moins que son objet concerne les conditions d’exercice de ce droit.
Dans ces conditions, ladite directive n’a pas pour vocation de conférer un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui séjourne dans l’État membre dont il possède la nationalité.
Arrêt du 12 mars 2014, O. (C-456/12) (cf. points 36, 39, 41, 43)
27. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un État tiers - Conditions - Séjour effectif du citoyen de l'Union dans l'État membre d'accueil au titre des articles 7 et 16 de la directive 2004/38 - Application par analogie des conditions d'octroi prévues par cette directive
L’article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union a développé ou consolidé une vie de famille avec un ressortissant d’un État tiers à l’occasion d’un séjour effectif, en vertu et dans le respect des conditions énoncées aux articles 7, paragraphes 1 et 2, ou 16, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, dans un État membre autre que celui dont il possède la nationalité, les dispositions de cette même directive s’appliquent par analogie lorsque ledit citoyen de l’Union retourne, avec le membre de sa famille concerné, dans son État membre d’origine. Dès lors, les conditions d’octroi d’un droit de séjour dérivé au ressortissant d’un État tiers, membre de la famille de ce citoyen de l’Union, dans l’État membre d’origine de ce dernier, ne devraient pas, en principe, être plus strictes que celles prévues par ladite directive pour l’octroi d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, qui a exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité.
En effet, d’une part, l’octroi, lors du retour d’un citoyen de l’Union dans l’État membre dont il possède la nationalité, d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille de ce citoyen de l’Union, avec lequel ce dernier a séjourné, en sa seule qualité de citoyen de l’Union, en vertu et dans le respect du droit de l’Union dans l’État membre d’accueil, vise à éliminer une entrave à la sortie de l’État membre dont il est originaire en garantissant audit citoyen de pouvoir poursuivre, dans ce dernier État membre, la vie de famille qu’il avait développée ou consolidée dans l’État membre d’accueil.
D’autre part, en ce qui concerne les conditions d’octroi, lors du retour d’un tel citoyen, d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille de ce citoyen, même si la directive 2004/38 ne couvre pas un tel cas de retour, son application par analogie est justifiée par le fait que, tant dans le cas d’un citoyen de l’Union qui rentre dans son État membre d'origine après avoir exercé son droit à la libre circulation que dans celui où un tel citoyen n’a fait que séjourner dans un État membre autre que celui de sa nationalité, c’est bien le citoyen de l’Union qui constitue la personne de référence pour qu'un tel ressortissant d'un État tiers puisse se voir accorder un droit de séjour dérivé.
Dans ce contexte, une entrave à la sortie de l’État membre dont le citoyen de l’Union a la nationalité, résultant du refus d’accorder, lors de son retour dans l’État membre dont il est originaire, un droit de séjour dérivé aux membres de sa famille, ressortissants d’États tiers, ne se produit que lorsque le séjour du citoyen dans l’État membre d’accueil est caractérisé par une effectivité suffisante pour lui permettre de développer ou de consolider une vie de famille dans cet État membre. Seul donc un séjour effectif dans l’État membre d’accueil en vertu et dans le respect des conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive témoigne, en principe, de l’installation, et donc du caractère effectif du séjour, du citoyen de l’Union dans ce dernier État membre et est de nature à aller de pair avec le développement ou la consolidation d’une vie de famille dans cet État membre, ouvrant ainsi, au retour de ce citoyen de l’Union dans l’État membre dont il a la nationalité, un droit de séjour dérivé, sur le fondement de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, au ressortissant d’un État tiers avec lequel ledit citoyen a mené une vie de famille dans l’État membre d’accueil.
Arrêt du 12 mars 2014, O. (C-456/12) (cf. points 49, 50-53, 56, 61 et disp.)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C-133/15) (cf. points 54, 55)
28. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membre de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissant d'un État tiers, après le retour de ce citoyen dans l'État membre de sa nationalité - Conditions
Seul un séjour satisfaisant aux conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 de l’article 7 ou de l’article 16 de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, est de nature à ouvrir un droit de séjour dérivé à un membre de la famille du citoyen de l’Union, ressortissant d’un État tiers, lors du retour de ce citoyen dans l’État membre dont il a la nationalité. À cet égard, des séjours de courte durée, tels que des week-ends ou des vacances passés dans un État membre autre que celui dont ce citoyen possède la nationalité, même considérés ensemble, relèvent de l’article 6 de la directive 2004/38 et ne satisfont pas auxdites conditions.
Arrêt du 12 mars 2014, O. (C-456/12) (cf. point 59)
29. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un État tiers - Qualité de membre de la famille pendant une partie au moins du séjour dans l'État membre d'accueil - Absence - Exclusion du droit dérivé
Un ressortissant d’un État tiers, qui n’a pas eu, à tout le moins pendant une partie de son séjour dans l’État membre d’accueil, la qualité de membre de la famille, au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38, n’a pas pu bénéficier dans cet État membre d’un droit de séjour dérivé au titre des articles 7, paragraphe 2, ou 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38. Dans ces conditions, ce ressortissant d’un État tiers ne peut pas non plus se fonder sur l’article 21, paragraphe 1, TFUE, pour obtenir un droit de séjour dérivé lors du retour du citoyen de l’Union concerné dans l’État membre dont il possède la nationalité.
Arrêt du 12 mars 2014, O. (C-456/12) (cf. point 63)
30. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants d'un État tiers - Exclusion
Les dispositions de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à ce qu’un État membre refuse le droit de séjour à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, lorsque ledit citoyen a la nationalité dudit État membre et réside dans ce même État, mais se rend régulièrement dans un autre État membre dans le cadre de ses activités professionnelles.
En effet, lesdites dispositions n’octroient un droit de séjour propre en faveur du citoyen de l’Union et un droit de séjour dérivé en faveur des membres de sa famille que lorsque ledit citoyen exerce son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité.
Arrêt du 12 mars 2014, S. et G. (C-457/12) (cf. points 34, 35 et disp.)
31. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants de pays tiers - Condition - Citoyen de l'Union ayant exercé son droit de libre circulation
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C-202/13) (cf. points 33-38)
32. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Droit d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers, membres de la famille d'un citoyen de l'Union - Droit d'entrée limité aux États membres autres que l'État membre d'origine du citoyen de l'Union - Absence
Les dispositions sur le droit d'entrée prévues à l’article 5 de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, visent "les États membres" et n’opèrent pas de distinction en fonction de l’État membre d’entrée, notamment, en ce qu’elles prévoient que la possession d’une carte de séjour en cours de validité visée à l’article 10 de cette directive dispense les membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre de l’obligation d’obtenir un visa d’entrée. Ainsi, il ne ressort aucunement de cet article 5 que le droit d’entrée des membres de la famille du citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre serait limité aux États membres autres que l’État membre d’origine du citoyen de l’Union.
Arrêt du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C-202/13) (cf. point 41)
33. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 et Protocole nº 20 sur l'application de certains aspects de l'article 26 TFUE au Royaume-Uni et à l'Irlande - Droit d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers, membres de la famille du citoyen de l'Union - Abus de droit ou fraude - Possession par lesdits ressortissants d'une carte de séjour en cours de validité délivrée par un autre État membre - Législation nationale subordonnant, dans un but de prévention générale, l'entrée desdits ressortissants sur le territoire national à l'obtention préalable d'un permis d'entrée - Inadmissibilité
Tant l’article 35 de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, que l’article 1er du protocole nº 20 sur l’application de certains aspects de l’article 26 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne au Royaume-Uni et à l’Irlande doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne permettent pas à un État membre de soumettre, en poursuivant un but de prévention générale, les membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui sont titulaires d’une carte de séjour en cours de validité, délivrée au titre de l’article 10 de la directive 2004/38 par les autorités d’un autre État membre, à l’obligation d’être en possession, en vertu du droit national, d’un permis d’entrée, tel que le titre familial Espace économique européen (EEE), pour pouvoir entrer sur son territoire.
En effet, d'une part, les mesures adoptées par les autorités nationales, sur le fondement de l’article 35 de la directive 2004/38, visant à refuser, à annuler ou à retirer un droit conféré par cette directive doivent être fondées sur un examen individuel du cas d’espèce. Des mesures, poursuivant un but de prévention générale d'abus de droit ou de fraude, permettraient, par leur caractère automatique, aux États membres de laisser inappliquées les dispositions de la directive 2004/38 et méconnaîtraient la substance même du droit fondamental et individuel des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ainsi que des droits dérivés dont bénéficient les membres de la famille de ces citoyens qui n’ont pas la nationalité d’un État membre.
D'autre part, l’article 1er du protocole nº 20 vise à autoriser le Royaume-Uni à vérifier si une personne souhaitant entrer sur son territoire remplit effectivement les conditions d’entrée, notamment, celles prévues par le droit de l’Union. En revanche, cet article 1er ne permet pas à cet État membre de déterminer les conditions d’entrée des personnes disposant d’un droit d’entrée en vertu du droit de l’Union et, en particulier, de leur imposer des conditions d’entrée supplémentaires ou des conditions autres que celles prévues par le droit de l’Union.
Arrêt du 18 décembre 2014, McCarthy e.a. (C-202/13) (cf. points 52, 56-58, 64, 66 et disp.)
34. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Conditions du droit de séjour au titre du droit de l'Union - Condition de ressources suffisantes - Ressources provenant en partie des ressources du conjoint ressortissant d'un pays tiers - Condition remplie
L’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que le citoyen de l’Union dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, même si lesdites ressources proviennent en partie de celles de son conjoint, qui est ressortissant d’un pays tiers.
Arrêt du 16 juillet 2015, Singh e.a. (C-218/14) (cf. point 77, disp. 2)
35. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Principe d'égalité de traitement - Obligation de l'État membre d'accueil d'accorder le droit aux prestations sociales aux ressortissants des autres États membres sans activité économique - Conditions - Séjour sur le territoire de l'État membre d'accueil respectant les conditions de la directive
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 septembre 2015, Alimanovic (C-67/14) (cf. points 49, 50)
Arrêt du 25 février 2016, García-Nieto e.a. (C-299/14) (cf. points 38, 39)
S et les membres de sa famille sont des citoyens de l’Union, originaires d’un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne. En octobre 2019, S a demandé à bénéficier d’allocations familiales pour ses enfants en Allemagne, pour la période allant d’août à octobre 2019. La caisse d’allocations familiales saisie{1} a constaté que, le 19 août 2019, S et sa famille étaient entrées en Allemagne, en provenance de leur État membre d’origine, et y avaient établi leur résidence. Toutefois, S n’ayant pas perçu de revenus nationaux au cours des trois mois ayant suivi l’établissement de sa résidence en Allemagne, elle ne remplissait pas les conditions prévues par le droit national{2} pour pouvoir prétendre au bénéfice des allocations demandées. La caisse d’allocations familiales a, en conséquence, refusé de faire droit à la demande de S.
S a saisi la juridiction de renvoi{3} d’un recours tendant à l’annulation de ce refus.
La juridiction de renvoi observe que la disposition de droit allemand sur laquelle est fondé ledit refus traite différemment un ressortissant d’un autre État membre établissant sa résidence habituelle en Allemagne et un ressortissant allemand qui y établit sa résidence habituelle à la suite d’un séjour dans un autre État membre. En effet, en application de cette disposition, un ressortissant d’un autre État membre, tel que S, se voit refuser le bénéfice des allocations familiales au cours des trois premiers mois de son séjour lorsqu’il n’apporte pas la preuve de l’exercice d’une activité rémunérée en Allemagne. En revanche, un ressortissant allemand en bénéficie, dès ces trois premiers mois, même lorsqu’il n’exerce pas une telle activité.
La juridiction de renvoi a adressé à la Cour une demande de décision préjudicielle visant à savoir si cette différence de traitement est conforme au droit de l’Union.
Par son arrêt, réunie en grande chambre, la Cour juge une réglementation nationale telle que celle en cause au principal contraire au principe d’égalité de traitement prévu par le règlement nº 883/2004{4}. Elle ajoute que la possibilité de déroger à ce principe, sur le fondement de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38{5}, concerne exclusivement les prestations d’assistance sociale et n’est pas applicable à une telle réglementation.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que la possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité{6}, ce droit étant maintenu tant que le citoyen de l’Union ainsi que les membres de sa famille ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil{7}. Partant, un citoyen de l’Union, même économiquement inactif, dispose, s’il respecte ces deux conditions, d’un droit de séjour d’une durée de trois mois dans un État membre dont il n’est pas ressortissant.
Cela étant rappelé, la Cour examine si, dès lors qu’il se trouve en situation de séjour légal sur le territoire de l’État membre d’accueil{8}, un citoyen de l’Union économiquement inactif peut se prévaloir, aux fins de l’octroi de prestations familiales, du principe d’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil économiquement inactifs, qui retournent dans cet État membre après avoir fait usage de leur droit de circuler et de séjourner dans un autre État membre.
À cette fin, elle détermine, en premier lieu, la portée de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, qui permet de déroger au principe d’égalité de traitement et de refuser l’octroi de prestations d’assistance sociale aux ressortissants d’autres États membres, économiquement inactifs, durant les trois premiers mois de leur séjour dans l’État membre d’accueil.
Les allocations familiales en cause étant octroyées indépendamment des besoins individuels de leur bénéficiaire et ne visant pas à assurer les moyens de subsistance de celui-ci, elles ne relèvent pas des « prestations d’assistance sociale », au sens de cette disposition.
La Cour ajoute que ladite disposition ne peut pas être interprétée, pour ce qui concerne l’octroi de prestations autres que des « prestations d’assistance sociale », comme permettant à l’État membre d’accueil de déroger à l’égalité de traitement dont doivent en principe bénéficier les citoyens de l’Union en situation de séjour légal sur son territoire.
En effet, en tant que dérogation au principe d’égalité de traitement prévu à l’article 18 TFUE, dont l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38 constitue une expression spécifique, le paragraphe 2 de cet article 24 doit être interprété de manière stricte et en conformité avec les dispositions du traité. Or, rien dans le libellé ou dans le contexte réglementaire de cette dernière disposition ne permet de considérer que, par celle-ci, le législateur de l’Union ait entendu permettre à l’État membre d’accueil de déroger au principe d’égalité de traitement pour ce qui concerne des prestations autres que celles d’assistance sociale.
En second lieu, la Cour détermine la portée de l’article 4 du règlement nº 883/2004.
D’après ce règlement{9}, un citoyen de l’Union, économiquement inactif, ayant transféré sa résidence habituelle dans l’État membre d’accueil, relève de la législation de cet État membre, à savoir, en l’occurrence, l’Allemagne, pour ce qui concerne l’octroi de prestations familiales. La compétence de l’Allemagne pour déterminer, dans sa législation, les conditions d’octroi de ces prestations doit toutefois s’exercer dans le respect du droit de l’Union.
À cet égard, conformément à l’article 4 du règlement nº 883/2004, les personnes auxquelles ce règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations de sécurité sociale et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de l’État membre d’accueil, que les ressortissants de celui-ci. Aucune disposition de ce règlement ne permet à l’État membre d’accueil d’un ressortissant d’un autre État membre séjournant légalement sur son territoire d’opérer, au motif que ce citoyen est économiquement inactif, une différence de traitement entre ledit citoyen et ses propres ressortissants quant aux conditions d’octroi des prestations familiales. Un citoyen de l’Union séjournant légalement sur le territoire d’un État membre autre que celui dont il a la nationalité et y ayant établi sa résidence habituelle peut donc se prévaloir, dans l’État membre d’accueil, du principe d’égalité de traitement, prévu à l’article 4 du règlement nº 883/2004, afin de se voir octroyer des prestations familiales dans les mêmes conditions que celles prévues pour les ressortissants de cet État membre.
En l’occurrence, la Cour constate qu’une réglementation nationale telle que celle en cause est constitutive d’une discrimination directe d’un tel citoyen de l’Union. En l’absence de toute dérogation expressément prévue dans le règlement nº 883/2004, une telle discrimination ne peut être justifiée.
Il importe toutefois que le citoyen de l’Union, économiquement inactif, qui revendique, dans l’État membre d’accueil, l’application du principe d’égalité de traitement concernant l’octroi de prestations familiales, ait, pendant les trois premiers mois au cours desquels il bénéficie, dans cet État membre, d’un titre de séjour au titre de la directive 2004/38{10}, établi sa résidence habituelle dans ledit État membre, et n’y séjourne pas de manière temporaire. La notion de « résidence », au sens du règlement nº 883/2004, désigne la résidence « effective »{11}. Quant à la notion de « résidence habituelle », elle reflète une question de fait, soumise à l’appréciation de la juridiction nationale au regard des circonstances de l’espèce. À cet égard, la condition selon laquelle un citoyen de l’Union économiquement inactif doit avoir transféré sa résidence habituelle dans l’État membre d’accueil implique qu’il ait manifesté la volonté d’établir, de manière effective, le centre habituel de ses intérêts dans cet État membre et qu’il démontre que sa présence témoigne d’un degré suffisant de stabilité, qui la distingue d’un séjour temporaire.
{1} Familienkasse Niedersachsen-Bremen der Bundesagentur für Arbeit (caisse d’allocations familiales pour la Basse-Saxe et Brême de l’Agence fédérale pour l’emploi, Allemagne).
{2} Article 62, paragraphe 1a, de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu), telle que modifiée par le Gesetz gegen illegale Beschäftigung und Sozialleistungsmissbrauch (loi contre le travail illégal et l’abus de prestations sociales, BGBl. 2019 I, p. 1066).
{3} En l’occurrence, le Finanzgericht Bremen (tribunal des finances de Brême, Allemagne).
{4} Article 4 du règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).
{5} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2005, L 197, p. 34).
{6} Article 6, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
{7} Article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
{8} Au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 1, de celle-ci.
{9} Article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004.
{10} Au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 1, de celle-ci.
{11} Article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1).
Arrêt du 1er août 2022, Familienkasse Niedersachsen-Bremen (C-411/20) (cf. points 41, 42)
36. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Principe d'égalité de traitement - Réglementation nationale excluant du bénéfice de certaines prestations spéciales en espèces à caractère non contributif les ressortissants d'autres États membres ayant la qualité de demandeurs d'emploi - Prestations garanties aux ressortissants de l'État membre d'accueil se trouvant dans la même situation - Admissibilité
L’article 24 de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, et l’article 4 du règlement nº 883/2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement nº 1244/2010, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui exclut du bénéfice de certaines prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, au sens de l’article 70, paragraphe 2, du règlement nº 883/2004, et qui sont également constitutives d’une prestation d’assistance sociale, au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, les ressortissants d’autres États membres qui se trouvent dans la situation telle que celle visée à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de ladite directive, alors que ces prestations sont garanties aux ressortissants de cet État membre qui se trouvent dans la même situation.
En effet, il ressort expressément du renvoi opéré par l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de celle-ci, que l’État membre d’accueil peut refuser à un citoyen de l’Union bénéficiant d’un droit de séjour sur le seul fondement de cette dernière disposition toute prestation d’assistance sociale.
Si la directive 2004/38 exige que l’État membre prenne en compte la situation individuelle d’une personne intéressée lorsqu’il est sur le point d’adopter une mesure d’éloignement ou de constater que cette personne occasionne une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale dans le cadre de son séjour, un tel examen individuel ne s’impose pas dans le cas d’un citoyen de l’Union entré sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi, étant donné que la directive 2004/38, établissant un système graduel du maintien du statut de travailleur qui vise à sécuriser le droit de séjour et l’accès aux prestations sociales, prend elle-même en considération différents facteurs caractérisant la situation individuelle de chaque demandeur d’une prestation sociale et, notamment, la durée de l’exercice d’une activité économique.
En outre, s'agissant de l’examen individuel visant à procéder à une appréciation globale de la charge que représenterait concrètement l’octroi d’une prestation sur l’ensemble du système national d’assistance sociale, l’aide accordée à un seul demandeur peut difficilement être qualifiée de charge déraisonnable pour un État membre, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/38, laquelle serait susceptible de peser sur l’État membre concerné non pas après qu’il a été saisi d’une demande individuelle, mais nécessairement au terme d’une addition de l’ensemble des demandes individuelles qui lui seraient soumises.
Arrêt du 15 septembre 2015, Alimanovic (C-67/14) (cf. points 58-60, 62, 63 et disp.)
37. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Principe d'égalité de traitement - Réglementation nationale excluant du bénéfice de certaines prestations spéciales en espèces à caractère non contributif les ressortissants d'autres États membres pendant les trois premiers mois de séjour dans l'État membre d'accueil - Admissibilité
L’article 24 de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, et l’article 4 du règlement nº 883/2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui exclut du bénéfice de certaines "prestations spéciales en espèces à caractère non contributif", au sens de l’article 70, paragraphe 2, dudit règlement nº 883/2004, et qui sont également constitutives d’une "prestation d’assistance sociale", au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, les ressortissants d’autres États membres qui se trouvent dans une situation telle que celle visée à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive.
En effet, l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité et l’article 14, paragraphe 1, de cette directive maintient ce droit tant que le citoyen de l’Union et les membres de sa famille ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil. Cela étant, l’État membre d’accueil peut se prévaloir de la dérogation de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 pour refuser d’accorder audit citoyen la prestation d’assistance sociale réclamée. En effet, il ressort expressément du libellé de cette disposition que l’État membre d’accueil peut refuser d’accorder à une des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés ou celles qui gardent ce statut toute prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour. Ladite disposition est conforme à l’objectif de préservation de l’équilibre financier du système d’assistance sociale des États membres poursuivi par la directive 2004/38, ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 10 de celle-ci. Étant donné que les États membres ne peuvent exiger des citoyens de l’Union qu’ils possèdent des moyens de subsistance suffisants et une couverture médicale personnelle lorsqu’ils effectuent un séjour d’une durée maximale de trois mois sur leurs territoires respectifs, il est légitime de ne pas imposer auxdits États membres de prendre ces citoyens en charge durant cette période.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’interprétation de l’article 4 du règlement nº 883/2004. En effet, les prestations en cause, qui constituent des "prestations spéciales en espèces à caractère non contributif", au sens de l’article 70, paragraphe 2, dudit règlement, sont, en vertu du paragraphe 4 de ce même article, octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside et conformément à la législation de cet État. Il s’ensuit que rien ne s’oppose à ce que de telles prestations soient refusées à des ressortissants d’autres États membres n’ayant pas la qualité de travailleur salarié ou non salarié ou des personnes qui gardent ce statut pendant les trois premiers mois de leur séjour dans l’État d’accueil.
Arrêt du 25 février 2016, García-Nieto e.a. (C-299/14) (cf. points 42-45, 52 et disp.)
38. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Principe d'égalité de traitement - Champ d'application personnel - Étudiants ressortissants d'un État membre, y compris les étudiants Erasmus - Inclusion - Champ d'application matériel - Prestation pour frais de transport octroyée aux étudiants - Inclusion
Un ressortissant d’un État membre de l’Union qui poursuit ses études dans un autre État membre a, en vertu des articles 18 TFUE et 21 TFUE, le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’État membre d’accueil sans subir de discriminations directes ou indirectes en raison de sa nationalité. Un régime prévoyant des réductions sur les tarifs de transport accordées aux étudiants, en tant qu’il leur permet, directement ou indirectement, de couvrir leurs frais d’entretien, entre dans le champ d’application du traité FUE. Par ailleurs, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, consacré de manière générale à l’article 18 TFUE et précisé à l’égard des citoyens de l’Union relevant du champ d’application de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, à l’article 24 de celle-ci, prohibe, notamment, les discriminations directes, fondées sur la nationalité. À cet égard, si ladite directive a pour but de faciliter et de renforcer l’exercice du droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres conféré directement à chaque citoyen de l’Union, il n’en demeure pas moins que son objet concerne, ainsi qu’il ressort de son article 1er, sous a), les conditions de l’exercice de ce droit. En particulier, pour ce qui concerne l’accès à des prestations, un citoyen de l’Union ne peut réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil en vertu de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38 que si son séjour sur le territoire de cet État respecte les conditions de cette directive.
Arrêt du 2 juin 2016, Commission / Pays-Bas (C-233/14) (cf. points 78-82)
39. Sécurité sociale - Travailleurs migrants - Égalité de traitement au sens de l'article 4 du règlement nº 883/2004 - Législation nationale subordonnant le bénéfice de prestations sociales à une condition de séjour légal - Discrimination indirecte - Inadmissibilité - Justification - Conditions
Un État membre d’accueil qui, aux fins de l’octroi de prestations sociales, requiert la régularité du séjour d’un ressortissant d’un autre État membre sur son territoire commet une discrimination indirecte.
Pour être justifiée, une telle discrimination indirecte doit être propre à garantir la réalisation d’un objectif légitime et ne saurait aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
À cet égard, la nécessité de protéger les finances de l’État membre d’accueil justifie en principe la possibilité de contrôler le caractère régulier du séjour au moment de l’octroi d’une prestation sociale notamment aux personnes provenant d’autres États membres et économiquement non actives, un tel octroi étant susceptible d’avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide pouvant être accordée par cet État.
En ce qui concerne la proportionnalité du critère du droit de séjour, la vérification, par les autorités nationales, dans le cadre de l’octroi des prestations sociales en cause, du fait que le demandeur ne se trouve pas irrégulièrement sur le territoire doit être considérée comme un cas de figure de contrôle du caractère régulier du séjour des citoyens de l’Union, conformément à l’article 14, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, raison pour laquelle elle ne peut pas être systématique.
Par conséquent, lorsque ce n’est qu’en cas de doute que les autorités nationales procèdent à des vérifications nécessaires pour déterminer si le demandeur remplit, ou non, les conditions prévues par la directive 2004/38, notamment celles visées à son article 7, et, partant s’il dispose d’un droit de séjour régulier sur le territoire de cet État membre, au sens de cette directive, la législation nationale précitée ne constitue pas une discrimination prohibée en vertu de l’article 4 du règlement nº 883/2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
Arrêt du 14 juin 2016, Commission / Royaume-Uni (C-308/14) (cf. points 76, 79-82, 84, 86)
40. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union mineur résidant depuis sa naissance dans l'État membre d'accueil et parent ressortissant d'un État tiers ayant la garde exclusive dudit mineur - Admissibilité - Condition - Obligation de satisfaire à la condition de disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète dans l'État membre de résidence - Vérification par la juridiction de renvoi
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne confère un droit de séjour dans l’État membre d’accueil ni à un citoyen de l’Union mineur, qui réside depuis sa naissance dans cet État membre dont il n’a pas la nationalité, ni au parent, ressortissant d’un État tiers, ayant la garde exclusive dudit mineur, lorsque ceux-ci bénéficient d’un droit de séjour dans cet État membre au titre d’une disposition du droit dérivé de l’Union. En effet, dans un tel cas, la première condition requise pour pouvoir prétendre à un droit de séjour dans l’État membre d’accueil au titre de cette disposition, à savoir que l’intéressé ne bénéficie pas d’un droit de séjour dans cet État membre au titre du droit secondaire de l’Union, fait défaut.
L’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il confère audit citoyen de l’Union mineur un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, pour autant qu’il remplisse les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38, notamment, celle de disposer de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours du séjour, et d’une assurance maladie complète, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Si tel est le cas, cette même disposition permet au parent qui a effectivement la garde de ce citoyen de l’Union de séjourner avec celui-ci dans l’État membre d’accueil. En effet, le refus de permettre au parent, ressortissant d’un État membre ou d’un État tiers, qui a effectivement la garde d’un citoyen de l’Union mineur auquel l’article 21 TFUE et la directive 2004/38 reconnaissent un droit de séjour, de séjourner avec ce citoyen dans l’État membre d’accueil priverait de tout effet utile le droit de séjour de celui-ci, étant donné que la jouissance du droit de séjour par un enfant en bas âge implique nécessairement que cet enfant ait le droit d’être accompagné par la personne assurant effectivement sa garde et, dès lors, que cette personne soit en mesure de résider avec lui dans l’État membre d’accueil pendant ce séjour.
Arrêt du 30 juin 2016, NA (C-115/15) (cf. points 71, 72, 74, 76, 80, disp. 3)
41. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Citoyen de l'Union mineur n'ayant jamais fait usage de son droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l'État membre de sa nationalité - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C-165/14) (cf. point 40)
42. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Enfant, citoyen de l'Union, ayant un parent ressortissant d'un pays tiers - Refus du droit de séjour opposé audit parent pouvant avoir pour effet de contraindre l'enfant à quitter le territoire de l'Union - Existence d'une relation de dépendance entre l'enfant et ce parent - Autre parent, citoyen de l'Union, en capacité et prêt à assumer seul la charge quotidienne et effective de l'enfant - Circonstance non suffisante pour établir l'absence de relation de dépendance entre l'enfant et son parent ressortissant d'un pays tiers - Appréciation fondée sur la prise en compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens que, aux fins d’apprécier si un enfant, citoyen de l’Union européenne, serait contraint de quitter le territoire de l’Union dans son ensemble et serait ainsi privé de la jouissance effective de l’essentiel des droits que lui confère cet article si son parent, ressortissant d’un pays tiers, se voyait refuser la reconnaissance d’un droit de séjour dans l’État membre concerné, la circonstance que l’autre parent, citoyen de l’Union, est réellement capable de et prêt à assumer seul la charge quotidienne et effective de l’enfant est un élément pertinent mais non suffisant pour pouvoir constater l’absence, entre le parent ressortissant d’un pays tiers et l’enfant, d’une relation de dépendance telle que ce dernier serait soumis à pareille contrainte dans le cas d’un tel refus. Une telle appréciation doit être fondée sur la prise en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment, de son âge, de son développement physique et émotionnel, du degré de sa relation affective tant avec le parent citoyen de l’Union qu’avec le parent ressortissant d’un pays tiers, ainsi que du risque que la séparation d’avec ce dernier engendrerait pour son équilibre.
Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C-133/15) (cf. point 72, disp. 1)
43. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Ressortissant d'un pays tiers assumant la charge quotidienne et effective de son enfant, citoyen de l'Union - Réglementation nationale subordonnant le droit de séjour dudit ressortissant à l'obligation de démontrer les conséquences d'une décision de refus de séjour pouvant obliger l'enfant à quitter le territoire de l'Union - Admissibilité - Condition - Obligation pour les autorités nationales compétentes de procéder aux recherches nécessaires afin d'apprécier les conséquences d'une telle décision de refus
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre subordonne le droit de séjour sur son territoire d’un ressortissant d’un pays tiers, parent d’un enfant mineur qui a la nationalité de cet État membre, dont il s’occupe quotidiennement et effectivement, à l’obligation pour ce ressortissant d’apporter les éléments permettant d’établir qu’une décision refusant le droit de séjour au parent ressortissant d’un pays tiers priverait l’enfant de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l’Union en l’obligeant à quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble. Il appartient toutefois aux autorités compétentes de l’État membre concerné de procéder, sur la base des éléments fournis par le ressortissant d’un pays tiers, aux recherches nécessaires pour pouvoir apprécier, à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’espèce, si une décision de refus aurait de telles conséquences.
Arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C-133/15) (cf. point 78, disp. 2)
44. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants d'un État tiers séjournant dans l'État membre de la nationalité du citoyen - Exclusion - Citoyen de l'Union ayant acquis la nationalité de l'État membre d'accueil tout en conservant sa nationalité d'origine - Absence d'incidence
La directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union européenne a fait usage de sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité en vertu de l’article 7, paragraphe 1, ou de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, puis a acquis la nationalité de cet État membre, tout en conservant également sa nationalité d’origine, et, plusieurs années après, s’est marié avec un ressortissant d’un État tiers avec lequel il continue de résider sur le territoire dudit État membre, ce ressortissant ne bénéficie pas d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre en question sur le fondement des dispositions de ladite directive.
En effet, il ressort du libellé de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive que relèvent de son champ d’application et sont bénéficiaires des droits conférés par celle-ci les citoyens de l’Union qui se rendent ou séjournent dans un « État membre autre que celui dont [ils ont] la nationalité », ainsi que les membres de leur famille, tels que définis à l’article 2, point 2, de ladite directive, qui les accompagnent ou les rejoignent (arrêt du 12 mars 2014, O. et B., C-456/12, EU:C:2014:135, point 38).
En outre, si cette directive a pour but de faciliter et de renforcer l’exercice du droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, il n’en demeure pas moins que son objet concerne, ainsi qu’il ressort de son article 1er, sous a), les conditions d’exercice de ce droit (arrêts du 5 mai 2011, McCarthy, C-434/09, EU:C:2011:277, point 33, ainsi que du 12 mars 2014, O. et B., C-456/12, EU:C:2014:135, point 41). C’est ainsi que la Cour a jugé que, dès lors que, en vertu d’un principe de droit international, un État membre ne saurait refuser à ses propres ressortissants le droit d’entrer sur son territoire et d’y demeurer et que ceux-ci y jouissent donc d’un droit de séjour inconditionnel, ladite directive n’a pas vocation à régir le séjour d’un citoyen de l’Union dans l’État membre dont celui-ci possède la nationalité.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la directive 2004/38 ne trouve plus à s’appliquer à la situation de Mme Ormazabal depuis que cette dernière a été naturalisée au Royaume-Uni. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que Mme Ormazabal a fait usage de sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant au Royaume-Uni et a conservé sa nationalité espagnole en plus de la citoyenneté britannique. En effet, malgré cette double circonstance, il reste que, depuis l’acquisition de cette citoyenneté, Mme Ormazabal ne séjourne plus dans un « État membre autre que celui dont [elle] a la nationalité », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, et ne relève, partant, plus de la notion de « bénéficiaire » de ladite directive, au sens de cette disposition.
Compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 32 et 37 du présent arrêt, son conjoint ressortissant d’un État tiers, M. Lounes, ne relève pas non plus de cette notion et ne peut donc pas bénéficier d’un droit de séjour dérivé au Royaume-Uni sur le fondement de cette même directive.
Arrêt du 14 novembre 2017, Lounes (C-165/16) (cf. points 34, 36, 37, 42, 43, 44, 62 et disp.)
45. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Membres de la famille d'un citoyen de l'Union ressortissants d'un État tiers séjournant dans l'État membre d'accueil - Citoyen de l'Union ayant acquis la nationalité de l'État membre d'accueil tout en conservant sa nationalité d'origine - Droit de séjour dérivé dans l'État membre d'accueil - Conditions
La directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union européenne a fait usage de sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité en vertu de l’article 7, paragraphe 1, ou de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, puis a acquis la nationalité de cet État membre, tout en conservant également sa nationalité d’origine, et, plusieurs années après, s’est marié avec un ressortissant d’un État tiers avec lequel il continue de résider sur le territoire dudit État membre, ce ressortissant ne bénéficie pas d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre en question sur le fondement des dispositions de ladite directive. Il peut toutefois bénéficier d’un tel droit de séjour en vertu de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, dans des conditions qui ne doivent pas être plus strictes que celles prévues par la directive 2004/38 pour l’octroi dudit droit à un ressortissant d’un État tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui a exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité.
En l’occurrence, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que fait, en substance, valoir le gouvernement du Royaume-Uni, la situation d’un ressortissant d’un État membre, tel que Mme Ormazabal, qui a exercé sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre, ne saurait être assimilée à une situation purement interne en raison du seul fait que ce ressortissant, lors de ce séjour, a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil en sus de sa nationalité d’origine.
Les droits reconnus aux ressortissants des États membres par l'article 21, paragraphe 1, TFUE incluent celui de mener une vie familiale normale dans l’État membre d’accueil, en y bénéficiant de la présence, à leurs côtés, des membres de leur famille (voir, par analogie, arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a., C-127/08, EU:C:2008:449, point 62). La circonstance qu’un ressortissant d’un État membre, qui s’est rendu et séjourne dans un autre État membre, acquiert, par la suite, la nationalité de ce dernier État membre en sus de sa nationalité d’origine ne saurait impliquer qu’il serait privé de ce droit, sous peine de méconnaître l’effet utile de l’article 21, paragraphe 1, TFUE.
L’effet utile des droits conférés aux citoyens de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE exige qu’un citoyen dans une situation telle que celle de Mme Ormazabal puisse continuer à jouir, dans l’État membre d’accueil, des droits tirés de ladite disposition, après avoir acquis la nationalité de cet État membre en sus de sa nationalité d’origine, et, en particulier, puisse développer une vie de famille avec son conjoint ressortissant d’un État tiers, par l’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier.
Arrêt du 14 novembre 2017, Lounes (C-165/16) (cf. points 49, 52, 53, 60, 62 et disp.)
46. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Droit de séjour de plus de trois mois - Travailleurs salariés et non salariés - Ressortissant d'un État membre ayant, après avoir exercé pendant quatre ans une activité non salariée dans l'État membre d'accueil, cessé cette activité du fait d'un manque de travail dans ce dernier État membre - Maintien de la qualité de travailleur non salarié
L’article 7, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprété en ce sens que conserve la qualité de travailleur non salarié aux fins de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de cette directive un ressortissant d’un État membre qui, après avoir régulièrement séjourné et exercé une activité en tant que travailleur non salarié dans un autre État membre pendant environ quatre ans, a cessé cette activité du fait d’un manque de travail dûment constaté causé par des raisons indépendantes de sa volonté et qui s’est fait enregistrer en tant que demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent de ce dernier État membre.
En effet, d’une part, il ressort des considérants 3 et 4 de la directive 2004/38 que celle-ci a pour but, en vue de renforcer le droit fondamental et individuel de tous les citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ainsi que de faciliter l’exercice de ce droit, de dépasser l’approche sectorielle et fragmentaire qui caractérisait les instruments du droit de l’Union antérieurs à cette directive, lesquels visaient séparément, notamment, les travailleurs salariés et non salariés, en élaborant un acte législatif unique codifiant et révisant ces instruments (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, Saint Prix, C-507/12, EU:C:2014:2007, point 25).
Or, interpréter l’article 7, paragraphe 3, sous b), de ladite directive comme visant uniquement les personnes ayant exercé une activité salariée pendant plus d’un an, à l’exclusion de celles ayant exercé une activité non salariée pendant une telle durée, irait à l’encontre de cette finalité.
D’autre part, une telle interprétation instituerait une différence de traitement non justifiée entre ces deux catégories de personnes au regard de l’objectif poursuivi par cette disposition de sécuriser, par le maintien du statut de travailleur, le droit de séjour des personnes ayant cessé d’exercer leur activité professionnelle du fait d’un manque de travail dû à des circonstances indépendantes de leur volonté.
En effet, à l’instar d’un travailleur salarié qui peut perdre involontairement son emploi salarié à la suite, notamment, d’un licenciement, une personne ayant exercé une activité indépendante peut se trouver contrainte de cesser cette activité. Cette personne serait ainsi susceptible de se trouver dans une situation de vulnérabilité comparable à celle d’un travailleur salarié licencié. Dans de telles circonstances, il ne serait pas justifié que ladite personne ne bénéficie pas, en ce qui concerne le maintien de son droit de séjour, de la même protection que celle dont jouit une personne ayant cessé d’exercer une activité salariée.
Arrêt du 20 décembre 2017, Gusa (C-442/16) (cf. points 40-43, 46 et disp.)
47. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un pays tiers - Conditions d'octroi - Existence d'une relation de dépendance pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l'Union en cas de refus du droit de séjour - Critères d'appréciation
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens :
- que lorsque le citoyen de l’Union est majeur, une relation de dépendance, de nature à justifier l’octroi, au ressortissant d’un pays tiers concerné, d’un droit de séjour dérivé au titre de cet article, n’est envisageable que dans des cas exceptionnels dans lesquels, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes, la personne concernée ne pourrait, d’aucune manière, être séparée du membre de sa famille dont elle dépend ;
- que lorsque le citoyen de l’Union est mineur, l’appréciation de l’existence d’une telle relation de dépendance doit être fondée sur la prise en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment, de son âge, de son développement physique et émotionnel, du degré de sa relation affective avec chacun de ses parents, ainsi que du risque que la séparation d’avec le parent ressortissant d’un pays tiers engendrerait pour son équilibre ; l’existence d’un lien familial avec ce ressortissant, qu’il soit de nature biologique ou juridique, n’est pas suffisante et une cohabitation avec ce dernier n’est pas nécessaire aux fins d’établir pareille relation de dépendance.
Plus particulièrement, pour apprécier le risque que l’enfant concerné, citoyen de l’Union, soit contraint de quitter le territoire de l’Union si son parent, ressortissant d’un pays tiers, se voyait refuser l’octroi d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre concerné, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, dans chaque affaire au principal, quel est le parent qui assume la garde effective de l’enfant et s’il existe une relation de dépendance effective entre celui-ci et le parent ressortissant d’un pays tiers. Dans le cadre de cette appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte du droit au respect de la vie familiale, tel qu’il est énoncé à l’article 7 de la Charte, cet article devant être lu en combinaison avec l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte (arrêt du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a., C-133/15, EU:C:2017:354, point 70).
La circonstance que l’autre parent, lorsque celui-ci est citoyen de l’Union, est réellement capable de - et prêt à - assumer seul la charge quotidienne et effective de l’enfant constitue un élément pertinent, mais qui n’est pas à lui seul suffisant pour pouvoir constater qu’il n’existe pas, entre le parent ressortissant d’un pays tiers et l’enfant, une relation de dépendance telle que ce dernier serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un droit de séjour était refusé à ce ressortissant d’un pays tiers. En revanche, le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable à un ressortissant d’un État membre, pour des raisons économiques ou afin de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union, que des membres de sa famille, qui ne disposent pas de la nationalité d’un État membre, puissent séjourner avec lui sur le territoire de l’Union, ne suffit pas en soi pour considérer que le citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un tel droit n’est pas accordé (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2011, Dereci e.a., C-256/11, EU:C:2011:734, point 68, et du 6 décembre 2012, O e.a., C-356/11 et C-357/11, EU:C:2012:776, point 52).
48. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un pays tiers - Ressortissant faisant l'objet d'une décision de retour, assortie d'une interdiction d'entrée, et ayant introduit une demande de séjour aux fins d'un regroupement familial - Conditions d'octroi - Existence d'une relation de dépendance pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l'Union en cas de refus du droit de séjour - Moment de la naissance de cette relation de dépendance - Absence d'incidence sur le droit de séjour
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est indifférent que la relation de dépendance invoquée par le ressortissant d’un pays tiers à l’appui de sa demande de séjour aux fins d’un regroupement familial soit née après l’adoption à son encontre d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire.
À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que le droit de séjour reconnu aux ressortissants de pays tiers, membres de la famille d’un citoyen de l’Union, en vertu de l’article 20 TFUE, est un droit de séjour dérivé, qui vise à protéger les libertés de circulation et de séjour du citoyen de l’Union, et, d’autre part, que c’est en raison de la relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union et le membre de sa famille, ressortissant d’un pays tiers, au sens énoncé au point 52 du présent arrêt, que doit être reconnu à ce dernier un droit de séjour sur le territoire de l’État membre dont ledit citoyen de l’Union est ressortissant. Dans ces conditions, l’effet utile de la citoyenneté de l’Union serait méconnu si une demande de séjour aux fins d’un regroupement familial devait être automatiquement rejetée lorsqu’une telle relation de dépendance entre le citoyen de l’Union et le membre de sa famille, ressortissant d’un pays tiers, est née à un moment où ce dernier avait déjà fait l’objet d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire et se savait donc en séjour irrégulier. En effet, dans un tel cas, l’existence d’une telle relation de dépendance entre le citoyen de l’Union et le ressortissant d’un pays tiers, n’a, par hypothèse, pas pu être prise en compte lors de la décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée, dont ce dernier a fait l’objet.
49. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un pays tiers - Ressortissant faisant l'objet d'une décision de retour, assortie d'une interdiction d'entrée, et ayant introduit une demande de séjour aux fins d'un regroupement familial - Conditions d'octroi - Existence d'une relation de dépendance pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l'Union en cas de refus du droit de séjour - Caractère définitif de l'interdiction d'entrée au moment de la demande de séjour - Absence d'incidence sur le droit de séjour
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est indifférent que la décision d’interdiction d’entrée sur le territoire dont le ressortissant d’un pays tiers fait l’objet soit devenue définitive au moment où celui-ci introduit sa demande de séjour aux fins d’un regroupement familial.
À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 57 à 61 du présent arrêt, l’effet utile de l’article 20 TFUE impose de lever ou de suspendre une telle interdiction d’entrée, même lorsqu’elle est devenue définitive, s’il existe, entre ledit ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle justifie l’octroi à ce ressortissant d’un droit de séjour dérivé, au titre de cet article 20, sur le territoire de l’État membre concerné.
50. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un État tiers - Conditions - Séjour effectif du citoyen de l'Union dans l'État membre d'accueil au titre de la directive 2004/38 - Application par analogie des conditions d'octroi prévues par cette directive
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 5 juin 2018, Coman e.a. (C-673/16) (cf. points 23-25)
51. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un État tiers - Citoyen de l'Union ayant légalement conclu, dans l'État membre d'accueil, un mariage avec un ressortissant d'un État tiers de même sexe - Refus de l'État membre de la nationalité du citoyen de l'Union d'accorder un droit de séjour sur son territoire audit ressortissant d'un État tiers, le droit national ne prévoyant pas le mariage entre personnes de même sexe - Inadmissibilité - Justification par des raisons liées à l'ordre public et à l'identité nationale - Absence
Dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union a fait usage de sa liberté de circulation, en se rendant et en séjournant de manière effective, conformément aux conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, et a développé ou consolidé à cette occasion une vie de famille avec un ressortissant d’un État tiers de même sexe, auquel il s’est uni par un mariage légalement conclu dans l’État membre d’accueil, l’article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités compétentes de l’État membre dont le citoyen de l’Union a la nationalité refusent d’accorder un droit de séjour sur le territoire de cet État membre audit ressortissant, au motif que le droit dudit État membre ne prévoit pas le mariage entre personnes de même sexe.
Arrêt du 5 juin 2018, Coman e.a. (C-673/16) (cf. point 51, disp. 1)
52. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un État tiers - Ressortissant d'un État tiers s'étant marié avec un citoyen de l'Union de même sexe, le mariage ayant été conclu dans un État membre conformément au droit de ce dernier - Droit de séjour de plus de trois mois sur le territoire de l'État membre de la nationalité du citoyen de l'Union - Conditions
L’article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le ressortissant d’un État tiers, de même sexe que le citoyen de l’Union, dont le mariage avec ce dernier a été conclu dans un État membre conformément au droit de celui-ci dispose d’un droit de séjour de plus de trois mois sur le territoire de l’État membre dont le citoyen de l’Union a la nationalité. Ce droit de séjour dérivé ne saurait être soumis à des conditions plus strictes que celles prévues à l’article 7 de la directive 2004/38.
Arrêt du 5 juin 2018, Coman e.a. (C-673/16) (cf. point 56, disp 2)
53. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un État tiers - Conditions - Application par analogie des conditions d'octroi prévues par la directive 2004/38
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 juin 2018, Deha Altiner et Ravn (C-230/17) (cf. points 26-30)
Arrêt du 12 juillet 2018, Banger (C-89/17) (cf. points 27-29)
54. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un État tiers - Conditions - Réglementation nationale soumettant l'octroi d'un droit de séjour dérivé à la condition d'entrée du membre de la famille sur le territoire de l'État membre concerné dans le prolongement naturel du retour du citoyen de l'Union - Admissibilité - Conditions
L’article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui ne prévoit pas l’octroi d’un droit de séjour dérivé, au titre du droit de l’Union, à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui a la nationalité de cet État membre et qui y retourne après avoir séjourné, en vertu et dans le respect du droit de l’Union, dans un autre État membre, lorsque ledit membre de la famille du citoyen de l’Union concerné n’est pas entré sur le territoire de l’État membre d’origine de ce citoyen de l’Union ou n’y a pas introduit une demande de titre de séjour "dans le prolongement naturel" du retour, dans cet État membre, du citoyen de l’Union en question, pour autant qu’une telle réglementation exige, dans le cadre d’une appréciation globale, de tenir compte également d’autres éléments pertinents, en particulier ceux susceptibles de démontrer que, malgré le laps de temps qui s’est écoulé entre le retour du citoyen de l’Union dans ledit État membre et l’entrée du membre de sa famille, ressortissant d’un État tiers, dans le même État membre, la vie de famille développée et consolidée dans l’État membre d’accueil n’a pas pris fin, de sorte à justifier l’octroi, au membre de la famille concerné, d’un droit de séjour dérivé, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
L’octroi d’un droit de séjour dérivé sur le fondement de l’article 21, paragraphe 1, TFUE visant à permettre la poursuite, dans l’État membre dont le citoyen de l’Union concerné possède la nationalité, de la vie de famille qui s’est développée ou consolidée avec un membre de sa famille, ressortissant d’un État tiers, dans l’État membre d’accueil, les autorités compétentes de l’État membre dont le citoyen de l’Union possède la nationalité sont en droit de vérifier, avant d’octroyer un tel droit de séjour, qu’une telle vie de famille entre le citoyen de l’Union et le ressortissant d’un État tiers, membre de sa famille, n’avait pas été interrompue avant l’entrée du ressortissant d’un État tiers dans l’État membre dont le citoyen de l’Union concerné possède la nationalité.
Aux fins d’une telle vérification, l’État membre concerné peut prendre en considération, en tant que simple indice, le fait que le ressortissant d’un État tiers, membre de la famille de l’un de ses propres ressortissants, est entré sur son territoire après une période importante subséquente au retour de ce dernier sur ce territoire.
Il ne saurait toutefois être exclu qu’une vie de famille, développée ou consolidée entre un citoyen de l’Union et un membre de sa famille, ressortissant d’un État tiers, lors de leur séjour, en vertu et dans le respect du droit de l’Union, dans l’État membre d’accueil, se poursuive malgré le fait que ce citoyen retourne dans l’État membre dont il possède la nationalité sans être accompagné par le membre de sa famille concerné, qui se voit obligé, notamment pour des raisons ayant trait à sa situation personnelle, à sa profession ou à son éducation, de retarder son arrivée dans l’État membre d’origine du citoyen de l’Union en question.
Partant, le fait que la demande d’un titre de séjour n’est pas intervenue "dans le prolongement naturel" du retour du citoyen de l’Union constitue un élément pertinent qui, sans présenter à lui seul un caractère déterminant, peut, dans le cadre d’une appréciation globale, conduire l’État d’origine du citoyen de l’Union concerné à conclure à l’inexistence d’un lien entre cette demande et l’exercice préalable, par ledit citoyen, de sa liberté de circulation et, par voie de conséquence, à refuser de délivrer un tel titre de séjour.
Arrêt du 27 juin 2018, Deha Altiner et Ravn (C-230/17) (cf. points 31-35 et disp.)
55. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Délivrance d'une carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union - Délai - Obligation d'adopter et de notifier la décision relative à la demande de carte de séjour dans les six mois
L’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprété en ce sens que la décision relative à la demande de carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne doit être adoptée et notifiée dans le délai de six mois prévu à cette disposition.
En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 44 de ses conclusions, le recours à la formule « au plus tard dans les six mois suivant le dépôt de la demande » indique clairement que les États membres doivent délivrer la carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union à l’intéressé dans ce délai. Or, la notion de « délivrance », visée à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38, implique, ainsi que l’a, en substance, relevé M. l’avocat général aux points 45 et 46 de ses conclusions, que, dans le délai de six mois prévu à cette disposition, les autorités nationales compétentes doivent examiner la demande, adopter une décision et, dans le cas où le demandeur remplirait les conditions pour bénéficier du droit de séjour sur le fondement de la directive 2004/38, fournir ladite carte de séjour à ce demandeur.
Il s’ensuit que l’obligation pour les États membres de délivrer la carte de séjour à un membre de la famille d’un citoyen de l’Union dans le délai impératif de six mois prévu à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38 implique nécessairement l’adoption et la notification d’une décision à l’intéressé avant l’expiration de ce délai.
Il en va de même lorsque les autorités nationales compétentes refusent de délivrer la carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union à l’intéressé.
Arrêt du 27 juin 2018, Diallo (C-246/17) (cf. points 35, 36, 38, 39, 43, disp. 1)
56. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Délivrance d'une carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union - Délai - Non-respect - Conséquences - Réglementation nationale imposant la délivrance automatique en cas de dépassement du délai prévu - Inadmissibilité
La directive 2004/38 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux autorités nationales compétentes de délivrer d’office une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne à l’intéressé, lorsque le délai de six mois, visé à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38, est dépassé, sans constater, préalablement, que l’intéressé remplit effectivement les conditions pour séjourner dans l’État membre d’accueil conformément au droit de l’Union.
À cet égard, il convient de relever que la directive 2004/38 ne contient aucune disposition régissant les conséquences qui découlent du dépassement du délai visé à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38, cette question relevant, en principe, de l’autonomie procédurale des États membres sous réserve du respect des principes d’effectivité et d’équivalence (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2016, Bensada Benallal, C-161/15, EU:C:2016:175, point 24). Dans ce cadre, si le droit de l’Union ne s’oppose nullement à ce que les États membres établissent des régimes d’acceptation ou d’autorisation implicite, encore faut-il que de tels régimes ne portent pas atteinte à l’effet utile du droit de l’Union.
Dans ces conditions, si rien ne s’oppose à ce qu’une législation nationale prévoie que le silence de l’administration compétente pendant une durée de six mois à compter du dépôt de la demande vaille décision de rejet, les termes mêmes de la directive 2004/38 s’opposent en revanche à ce qu’il vaille décision d’acceptation.
Arrêt du 27 juin 2018, Diallo (C-246/17) (cf. points 45, 46, 51, 56, disp. 2)
57. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Délivrance d'une carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union - Caractère déclaratif et non constitutif de droits - Effets
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 juin 2018, Diallo (C-246/17) (cf. points 48-50)
58. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Délivrance d'une carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union - Décision de refus - Annulation juridictionnelle de ladite décision - Effets - Ouverture automatique d'un nouveau délai de six mois - Absence
Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle, à la suite de l’annulation juridictionnelle d’une décision refusant la délivrance d’une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne, l’autorité nationale compétente retrouve automatiquement l’entièreté du délai de six mois visé à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
En effet, en premier lieu, ainsi qu’il a été rappelé au point 40 du présent arrêt, la procédure administrative instituée à l’article 10 de la directive 2004/38 vise à vérifier la situation individuelle des ressortissants d’États tiers au regard des dispositions du droit de l’Union dans un délai impératif de six mois. En particulier, les autorités nationales compétentes doivent uniquement vérifier dans ce délai si le ressortissant d’un État tiers est en mesure de prouver, par la présentation des documents indiqués à l’article 10, paragraphe 2, de ladite directive, qu’il relève de la notion de « membre de la famille » d’un citoyen de l’Union, au sens de la directive 2004/38, afin de bénéficier de la carte de séjour.
En deuxième lieu, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que la directive 2004/38 vise à faciliter l’exercice du droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres conféré directement aux citoyens de l’Union à l’article 21, paragraphe 1, TFUE et à renforcer ce droit. Le considérant 5 de cette directive souligne, par ailleurs, que ledit droit devrait, pour qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de dignité, être également accordé aux membres de la famille de ces citoyens, quelle que soit leur nationalité (arrêt du 14 novembre 2017, Lounes, C-165/16, EU:C:2017:862, point 31 et jurisprudence citée).
Cet objectif exige que le ressortissant d’un État tiers qui apporte la preuve qu’il relève de la notion de « membre de la famille » d’un citoyen de l’Union, au sens de la directive 2004/38, puisse se voir délivrer la carte de séjour prouvant cette qualité dans les plus brefs délais.
Dès lors, l’ouverture automatique d’un nouveau délai de six mois, à la suite de l’annulation juridictionnelle d’une décision de refus de délivrance d’une carte de séjour, apparaît comme disproportionnée au regard de la finalité de la procédure administrative visée à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38 ainsi que de l’objectif de cette directive. Il s’ensuit que le principe d’effectivité ainsi que l’objectif de célérité inhérent à la directive 2004/38 s’opposent à ce que les autorités nationales retrouvent automatiquement un nouveau délai de six mois à la suite de l’annulation juridictionnelle d’une première décision refusant la délivrance d’une carte de séjour. Celles-ci sont tenues d’adopter une nouvelle décision dans un délai raisonnable, lequel ne saurait, en tout état de cause, dépasser le délai visé à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
Arrêt du 27 juin 2018, Diallo (C-246/17) (cf. points 63-65, 68-70, disp. 3)
59. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Demande d'octroi d'autorisation de séjour au partenaire non enregistré ayant une relation durable, dûment attestée, avec ledit citoyen - Obligation de l'État membre de favoriser l'octroi d'une telle autorisation
L’article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il fait obligation à l’État membre dont un citoyen de l’Union possède la nationalité de favoriser l’octroi d’une autorisation de séjour au partenaire non enregistré, ressortissant d’un État tiers et avec lequel ce citoyen de l’Union a une relation durable, dûment attestée, lorsque ledit citoyen de l’Union, après avoir exercé son droit à la libre circulation pour travailler dans un second État membre, conformément aux conditions prévues par la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, retourne avec son partenaire dans l’État membre dont il possède la nationalité pour y séjourner.
À cet égard, il convient de préciser que l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de ladite directive vise spécifiquement le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a une relation durable, dûment attestée. Cette dernière disposition prévoit que l’État membre d’accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l’entrée et le séjour de ce partenaire.
Selon la jurisprudence de la Cour, l’article 3, paragraphe 2, de cette directive n’oblige pas les États membres à reconnaître un droit d’entrée et de séjour en faveur des ressortissants d’États tiers visés à cette disposition, mais fait peser sur ces États une obligation d’octroyer un certain avantage aux demandes introduites par des ressortissants d’États tiers visés audit article par rapport aux demandes d’entrée et de séjour d’autres ressortissants d’États tiers (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a., C-83/11, EU:C:2012:519, point 21).
Arrêt du 12 juillet 2018, Banger (C-89/17) (cf. points 30, 31, 35, disp. 1)
60. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité après avoir séjourné dans un autre État membre en sa seule qualité de citoyen de l'Union - Demande d'octroi d'autorisation de séjour au partenaire non enregistré ayant une relation durable, dûment attestée, avec ledit citoyen - Rejet - Obligation de fonder la décision de rejet sur un examen approfondi de la situation personnelle du demandeur
L’article 21, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une décision refusant d’accorder une autorisation de séjour au partenaire non enregistré, ressortissant d’un État tiers, d’un citoyen de l’Union, lequel, après avoir exercé son droit à la libre circulation pour travailler dans un second État membre, conformément aux conditions prévues par la directive 2004/38, retourne avec son partenaire dans l’État membre dont il a la nationalité pour y séjourner, doit être fondée sur un examen approfondi de la situation personnelle du demandeur et doit être motivée.
Dans le cadre dudit examen de la situation personnelle du demandeur, il incombe à l’autorité compétente de tenir compte des différents facteurs qui peuvent être pertinents selon le cas (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a., C-83/11, EU:C:2012:519, point 23).
Au regard tant de l’absence de règles plus précises dans la directive 2004/38 que de l’emploi des termes "conformément à sa législation nationale" à l’article 3, paragraphe 2, de celle-ci, il y a lieu de constater que chaque État membre dispose d’une large marge d’appréciation quant au choix des facteurs à prendre en compte. Cela étant, les États membres doivent veiller à ce que leur législation comporte des critères qui soient conformes au sens habituel du terme "favorise" et qui ne privent pas cette disposition de son effet utile (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a., C-83/11, EU:C:2012:519, point 24).
Arrêt du 12 juillet 2018, Banger (C-89/17) (cf. points 39-41, disp. 2)
61. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissants de pays tiers, non couverts par la définition de l'article 2, point 2 de la directive - Partenaire ayant une relation durable, dûment attestée, avec ledit citoyen - Demande d'autorisation de séjour - Rejet - Droit de recours - Contrôle juridictionnel - Portée
L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens que les ressortissants d’États tiers visés à cette disposition doivent disposer d’une voie de recours pour contester une décision de refus d’octroi d’une autorisation de séjour prise à leur égard, à la suite de l’exercice de laquelle le juge national doit pouvoir vérifier si la décision de refus repose sur une base factuelle suffisamment solide et si les garanties procédurales ont été respectées. Parmi ces garanties figure l’obligation, pour les autorités nationales compétentes, de procéder à un examen approfondi de la situation personnelle du demandeur et de motiver tout refus d’entrée ou de séjour.
Selon l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2004/38, les procédures prévues aux articles 30 et 31 de celle-ci s’appliquent par analogie à toute décision limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille, prise pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. En vertu de l’article 31, paragraphe 1, de cette directive, les personnes concernées ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil, pour attaquer une décision prise à leur égard pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.
Toutefois, ces dispositions ne mentionnent pas expressément les personnes visées, notamment, à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2004/38.
À cet égard, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 87 de ses conclusions, la notion de "membres de la famille" est utilisée, dans d’autres dispositions de la directive 2004/38, comme englobant également les personnes visées à l’article 3, paragraphe 2, de celle-ci.
En outre, selon la jurisprudence de la Cour citée au point 38 du présent arrêt, les États membres doivent, conformément à l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2004/38, prévoir la possibilité, pour les personnes visées à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, de cette directive, d’obtenir une décision sur leur demande, qui soit fondée sur un examen approfondi de leur situation personnelle et qui, en cas de refus, soit motivée.
Or, les dispositions de la directive 2004/38 devant faire l’objet d’une interprétation conforme aux exigences découlant de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2013, ZZ, C-300/11, EU:C:2013:363, point 50), ces personnes doivent disposer d’un recours juridictionnel effectif contre une décision, au titre de cette disposition, permettant de contrôler en fait et en droit la légalité de cette décision au regard du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2011, Gaydarov, C-430/10, EU:C:2011:749, point 41).
Partant, il y a lieu de considérer que les garanties procédurales prévues à l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2004/38 sont applicables aux personnes visées à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de celle-ci.
Quant à la teneur de ces garanties procédurales, selon la jurisprudence de la Cour, une personne visée à l’article 3, paragraphe 2, de cette directive a le droit de faire vérifier par une juridiction si la législation nationale et l’application de celle-ci sont restées dans les limites de la marge d’appréciation tracée par ladite directive (arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a., C-83/11, EU:C:2012:519, point 25).
S’agissant du contrôle juridictionnel de la marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales compétentes, le juge national doit notamment vérifier si la décision attaquée repose sur une base factuelle suffisamment solide. En outre, ce contrôle doit porter sur le respect des garanties procédurales, qui revêt une importance fondamentale permettant au juge de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation étaient réunis (voir, par analogie, arrêt du 4 avril 2017, Fahimian, C-544/15, EU:C:2017:255, points 45 et 46). Parmi ces garanties figure, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38, l’obligation pour ces autorités de procéder à un examen approfondi de la situation personnelle du demandeur et de motiver tout refus d’entrée ou de séjour.
Arrêt du 12 juillet 2018, Banger (C-89/17) (cf. points 44-52, disp. 3)
62. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Membre de la famille à charge - Descendants directs - Notion - Enfant biologique ou enfant adoptif d'un citoyen de l'Union - Inclusion - Enfant placé sous la tutelle légale permanente d'un citoyen de l'Union au titre de la kafala algérienne - Exclusion
Dans l’arrêt SM (Enfant placé sous kafala algérienne) (C-129/18), rendu le 26 mars 2019, la Cour, réunie en formation de grande chambre, s’est prononcée sur la question de savoir si un mineur pris en charge par des citoyens de l’Union dans le cadre du régime de la kafala algérienne relève de la notion de « descendant direct » d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 2, point 2, sous c), de la directive 2004/38{1}. Deux conjoints de nationalité française résidant au Royaume Uni avaient demandé aux autorités britanniques un permis d’entrée pour enfant adoptif, en faveur d’une mineure algérienne dont la tutelle leur avait été confiée en Algérie au titre de la kafala. Cette institution du droit de la famille, commune à certains pays de tradition islamique, prévoit la prise en charge de l’entretien, de l’éducation et de la protection d’un enfant par un ou plusieurs adultes et son placement sous leur tutelle légale permanente. Les autorités britanniques ont refusé d’accorder ledit permis.
La Cour a, tout d’abord, souligné que, si la notion de « descendant direct » d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 2, point 2, sous c), de la directive 2004/38, vise au premier chef l’existence d’un lien de filiation biologique, elle doit également être comprise, compte tenu de l’exigence d’interprétation large de cette notion qui découle de l’objectif de ladite directive, à savoir faciliter et renforcer la liberté de circulation et de séjour des citoyens de l’Union, comme couvrant également l’enfant adoptif d’un tel citoyen, dès lors qu’il est établi que l’adoption crée un lien de filiation juridique entre l’enfant et le citoyen de l’Union concernés. Elle a en revanche jugé que, le régime de la kafala algérienne ne créant pas de lien de filiation entre l’enfant et son tuteur, un enfant placé sous la tutelle légale d’un citoyen de l’Union au titre de ce régime ne saurait être considéré comme un « descendant direct » d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 2, point 2, sous c), de cette directive.
La Cour a toutefois considéré qu’un tel enfant relève de la notion d’« autre membre de la famille », visée à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la même directive. Cette notion est, en effet, de nature à couvrir la situation d’un enfant qui a été placé, auprès de citoyens de l’Union, sous un régime de tutelle légale tel que la kafala algérienne, et dont ces citoyens assument l’entretien, l’éducation et la protection, en vertu d’un engagement pris sur le fondement du droit du pays d’origine de l’enfant.
À cet égard, la Cour a ensuite précisé la charge incombant aux autorités nationales au titre de cette disposition. Elle a ainsi énoncé qu’il leur appartient, en vertu de cet article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, lu à la lumière de l’article 7 et de l’article 24, paragraphe 2 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de favoriser l’entrée et le séjour d’un tel enfant en tant qu’autre membre de la famille d’un citoyen de l’Union, en procédant à une appréciation équilibrée et raisonnable de l’ensemble des circonstances actuelles et pertinentes de l’espèce, qui tienne compte des différents intérêts en jeu et, en particulier, de l’intérêt supérieur de l’enfant concerné. Dans le cadre de cette appréciation, il y a également lieu de tenir compte des éventuels risques concrets et individualisés que l’enfant concerné soit victime d’abus, d’exploitation ou de traite, étant entendu que de tels risques ne sauraient, toutefois, être présumés au regard du seul fait que la procédure de placement sous le régime de la kafala algérienne est basée sur une évaluation de l’aptitude de l’adulte et de l’intérêt de l’enfant qui serait moins approfondie que la procédure menée, dans l’État membre d’accueil, pour les besoins d’une adoption ou d’un placement d’enfant.
La Cour a conclu que, dans l’hypothèse où il serait établi, au terme d’une telle appréciation, que l’enfant et son tuteur, citoyen de l’Union, sont appelés à mener une vie familiale effective et que cet enfant dépend de son tuteur, les exigences liées au droit fondamental au respect de la vie familiale, combinées à l’obligation de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, requièrent, en principe, l’octroi, audit enfant, d’un droit d’entrée et de séjour afin de lui permettre de vivre avec son tuteur dans l’État membre d’accueil de ce dernier.
{1 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).}
63. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissants de pays tiers, non couverts par la définition de l'article 2, point 2 de la directive - Notion - Enfant placé sous la tutelle légale permanente d'un citoyen de l'Union au titre de la kafala algérienne - Inclusion - Obligation des États membres de favoriser l'entrée et le séjour d'un tel enfant - Obligation de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant
Dans l’arrêt SM (Enfant placé sous kafala algérienne) (C-129/18), rendu le 26 mars 2019, la Cour, réunie en formation de grande chambre, s’est prononcée sur la question de savoir si un mineur pris en charge par des citoyens de l’Union dans le cadre du régime de la kafala algérienne relève de la notion de « descendant direct » d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 2, point 2, sous c), de la directive 2004/38{1}. Deux conjoints de nationalité française résidant au Royaume Uni avaient demandé aux autorités britanniques un permis d’entrée pour enfant adoptif, en faveur d’une mineure algérienne dont la tutelle leur avait été confiée en Algérie au titre de la kafala. Cette institution du droit de la famille, commune à certains pays de tradition islamique, prévoit la prise en charge de l’entretien, de l’éducation et de la protection d’un enfant par un ou plusieurs adultes et son placement sous leur tutelle légale permanente. Les autorités britanniques ont refusé d’accorder ledit permis.
La Cour a, tout d’abord, souligné que, si la notion de « descendant direct » d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 2, point 2, sous c), de la directive 2004/38, vise au premier chef l’existence d’un lien de filiation biologique, elle doit également être comprise, compte tenu de l’exigence d’interprétation large de cette notion qui découle de l’objectif de ladite directive, à savoir faciliter et renforcer la liberté de circulation et de séjour des citoyens de l’Union, comme couvrant également l’enfant adoptif d’un tel citoyen, dès lors qu’il est établi que l’adoption crée un lien de filiation juridique entre l’enfant et le citoyen de l’Union concernés. Elle a en revanche jugé que, le régime de la kafala algérienne ne créant pas de lien de filiation entre l’enfant et son tuteur, un enfant placé sous la tutelle légale d’un citoyen de l’Union au titre de ce régime ne saurait être considéré comme un « descendant direct » d’un citoyen de l’Union, au sens de l’article 2, point 2, sous c), de cette directive.
La Cour a toutefois considéré qu’un tel enfant relève de la notion d’« autre membre de la famille », visée à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la même directive. Cette notion est, en effet, de nature à couvrir la situation d’un enfant qui a été placé, auprès de citoyens de l’Union, sous un régime de tutelle légale tel que la kafala algérienne, et dont ces citoyens assument l’entretien, l’éducation et la protection, en vertu d’un engagement pris sur le fondement du droit du pays d’origine de l’enfant.
À cet égard, la Cour a ensuite précisé la charge incombant aux autorités nationales au titre de cette disposition. Elle a ainsi énoncé qu’il leur appartient, en vertu de cet article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, lu à la lumière de l’article 7 et de l’article 24, paragraphe 2 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de favoriser l’entrée et le séjour d’un tel enfant en tant qu’autre membre de la famille d’un citoyen de l’Union, en procédant à une appréciation équilibrée et raisonnable de l’ensemble des circonstances actuelles et pertinentes de l’espèce, qui tienne compte des différents intérêts en jeu et, en particulier, de l’intérêt supérieur de l’enfant concerné. Dans le cadre de cette appréciation, il y a également lieu de tenir compte des éventuels risques concrets et individualisés que l’enfant concerné soit victime d’abus, d’exploitation ou de traite, étant entendu que de tels risques ne sauraient, toutefois, être présumés au regard du seul fait que la procédure de placement sous le régime de la kafala algérienne est basée sur une évaluation de l’aptitude de l’adulte et de l’intérêt de l’enfant qui serait moins approfondie que la procédure menée, dans l’État membre d’accueil, pour les besoins d’une adoption ou d’un placement d’enfant.
La Cour a conclu que, dans l’hypothèse où il serait établi, au terme d’une telle appréciation, que l’enfant et son tuteur, citoyen de l’Union, sont appelés à mener une vie familiale effective et que cet enfant dépend de son tuteur, les exigences liées au droit fondamental au respect de la vie familiale, combinées à l’obligation de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, requièrent, en principe, l’octroi, audit enfant, d’un droit d’entrée et de séjour afin de lui permettre de vivre avec son tuteur dans l’État membre d’accueil de ce dernier.
{1 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).}
64. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Droit de séjour de plus de trois mois - Travailleurs salariés et non salariés - Maintien de la qualité de travailleur - Travailleur se trouvant en chômage involontaire à la fin de son contrat de travail à durée déterminée inférieure à un an ou après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois - Portée - Absence d'incidence de la nature de l'activité exercée et du type de contrat de travail
Dans l’arrêt Tarola (C-483/17), rendu le 11 avril 2019, la Cour, en interprétant la directive relative au droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres{1}, a jugé qu’un ressortissant d’un État membre ayant exercé son droit à la libre circulation, qui a acquis dans un autre État membre la qualité de travailleur, en raison de l’activité qu’il y a exercée pendant une période de deux semaines, autrement qu’en vertu d’un contrat de travail à durée déterminée, avant de se trouver en chômage involontaire, conserve le statut de travailleur pendant une période supplémentaire d’au moins six mois. Ceci est toutefois soumis à la condition qu’il se soit fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent.
Le litige au principal concernait un ressortissant roumain qui avait travaillé, en Irlande, à plusieurs reprises pendant de courtes périodes, et notamment pendant une période de deux semaines en juillet 2014. Il avait ensuite introduit, auprès du ministre de la Protection sociale, une demande d’octroi d’une allocation pour demandeurs d’emploi (jobseeker’s allowance). Le ministre avait rejeté cette demande, en substance, au motif que l’intéressé n’avait pas pu démontrer qu’il avait sa résidence habituelle en Irlande, en relevant que la courte période de travail qu’il avait accomplie au mois de juillet 2014 n’était pas de nature à remettre en cause ce constat. Devant les juridictions irlandaises, l’intéressé a fait valoir que, en vertu de la directive, il était en droit de résider en Irlande en tant que travailleur pendant la période de six mois consécutive à la cessation de son activité professionnelle au mois de juillet 2014.
En effet, la directive prévoit{2} que tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un État membre autre que celui dont il possède la nationalité pour une durée de plus de trois mois dès lors qu’il a la qualité de travailleur dans l’État membre d’accueil. En outre, elle garantit{3} à tout citoyen de l’Union se trouvant dans une situation d’inactivité temporaire le maintien de son statut de travailleur et, consécutivement, de son droit de séjour dans l’État membre d’accueil, dans certaines circonstances, et notamment lorsqu’il se trouve en chômage involontaire. Le requérant au principal invoquait une disposition de la directive qui prévoit notamment le maintien du statut de travailleur « après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois »{4}.
La Cour a apporté des précisions sur cette disposition, en signalant qu’elle s’applique lorsqu’un citoyen de l’Union se trouve au chômage, pour des raisons indépendantes de sa volonté, avant d’avoir pu accomplir une année d’activité. Tel est le cas, notamment, dans toutes les situations dans lesquelles un travailleur a été contraint de cesser son activité dans l’État membre d’accueil avant l’échéance d’une année, quels que soient la nature de l’activité exercée et le type de contrat de travail conclu à cet effet, c’est-à-dire qu’il ait conclu un contrat à durée déterminée d’une durée supérieure à une année, un contrat à durée indéterminée ou tout autre type de contrat.
Par ailleurs, la conservation de la qualité de travailleur en application de ladite disposition présuppose, d’une part, que le citoyen concerné ait, préalablement à sa période de chômage involontaire, effectivement eu la qualité de travailleur et, d’autre part, qu’il se soit fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent. En outre, il ne conserve cette qualité que pour une période d’une durée qu’il est loisible à l’État membre d’accueil de fixer, pour autant qu’elle ne soit pas inférieure à six mois
Enfin, la Cour a relevé que, en vertu de la directive{5}, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ainsi, lorsque le droit national exclut du bénéfice du droit aux prestations sociales les personnes qui n’ont exercé une activité que pendant une brève période, cette exclusion s’applique de la même manière aux travailleurs d’autres États membres. S’agissant de l’affaire au principal, la Cour a noté qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, en application du droit national et conformément au principe d’égalité de traitement, le requérant au principal a droit à l’allocation pour demandeurs d’emploi qu’il réclame.
{1 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).}
{2 Article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/38.}
{3 Article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38.}
{4 Article 7, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/38.}
{5 Article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38.}
Arrêt du 11 avril 2019, Tarola (C-483/17) (cf. points 26, 29-31, 33-35, 39, 45-48)
65. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Droit de séjour de plus de trois mois - Travailleurs salariés et non salariés - Ressortissant d'un État membre ayant exercé une activité dans un autre État membre pendant une période de deux semaines avant de se trouver en chômage involontaire - Maintien de la qualité de travailleur pendant au moins six mois - Condition
Dans l’arrêt Tarola (C-483/17), rendu le 11 avril 2019, la Cour, en interprétant la directive relative au droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres{1}, a jugé qu’un ressortissant d’un État membre ayant exercé son droit à la libre circulation, qui a acquis dans un autre État membre la qualité de travailleur, en raison de l’activité qu’il y a exercée pendant une période de deux semaines, autrement qu’en vertu d’un contrat de travail à durée déterminée, avant de se trouver en chômage involontaire, conserve le statut de travailleur pendant une période supplémentaire d’au moins six mois. Ceci est toutefois soumis à la condition qu’il se soit fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent.
Le litige au principal concernait un ressortissant roumain qui avait travaillé, en Irlande, à plusieurs reprises pendant de courtes périodes, et notamment pendant une période de deux semaines en juillet 2014. Il avait ensuite introduit, auprès du ministre de la Protection sociale, une demande d’octroi d’une allocation pour demandeurs d’emploi (jobseeker’s allowance). Le ministre avait rejeté cette demande, en substance, au motif que l’intéressé n’avait pas pu démontrer qu’il avait sa résidence habituelle en Irlande, en relevant que la courte période de travail qu’il avait accomplie au mois de juillet 2014 n’était pas de nature à remettre en cause ce constat. Devant les juridictions irlandaises, l’intéressé a fait valoir que, en vertu de la directive, il était en droit de résider en Irlande en tant que travailleur pendant la période de six mois consécutive à la cessation de son activité professionnelle au mois de juillet 2014.
En effet, la directive prévoit{2} que tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un État membre autre que celui dont il possède la nationalité pour une durée de plus de trois mois dès lors qu’il a la qualité de travailleur dans l’État membre d’accueil. En outre, elle garantit{3} à tout citoyen de l’Union se trouvant dans une situation d’inactivité temporaire le maintien de son statut de travailleur et, consécutivement, de son droit de séjour dans l’État membre d’accueil, dans certaines circonstances, et notamment lorsqu’il se trouve en chômage involontaire. Le requérant au principal invoquait une disposition de la directive qui prévoit notamment le maintien du statut de travailleur « après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois »{4}.
La Cour a apporté des précisions sur cette disposition, en signalant qu’elle s’applique lorsqu’un citoyen de l’Union se trouve au chômage, pour des raisons indépendantes de sa volonté, avant d’avoir pu accomplir une année d’activité. Tel est le cas, notamment, dans toutes les situations dans lesquelles un travailleur a été contraint de cesser son activité dans l’État membre d’accueil avant l’échéance d’une année, quels que soient la nature de l’activité exercée et le type de contrat de travail conclu à cet effet, c’est-à-dire qu’il ait conclu un contrat à durée déterminée d’une durée supérieure à une année, un contrat à durée indéterminée ou tout autre type de contrat.
Par ailleurs, la conservation de la qualité de travailleur en application de ladite disposition présuppose, d’une part, que le citoyen concerné ait, préalablement à sa période de chômage involontaire, effectivement eu la qualité de travailleur et, d’autre part, qu’il se soit fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent. En outre, il ne conserve cette qualité que pour une période d’une durée qu’il est loisible à l’État membre d’accueil de fixer, pour autant qu’elle ne soit pas inférieure à six mois
Enfin, la Cour a relevé que, en vertu de la directive{5}, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ainsi, lorsque le droit national exclut du bénéfice du droit aux prestations sociales les personnes qui n’ont exercé une activité que pendant une brève période, cette exclusion s’applique de la même manière aux travailleurs d’autres États membres. S’agissant de l’affaire au principal, la Cour a noté qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, en application du droit national et conformément au principe d’égalité de traitement, le requérant au principal a droit à l’allocation pour demandeurs d’emploi qu’il réclame.
{1 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).}
{2 Article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/38.}
{3 Article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38.}
{4 Article 7, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/38.}
{5 Article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38.}
Arrêt du 11 avril 2019, Tarola (C-483/17) (cf. points 54, 58 et disp.)
66. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Principe d'égalité de traitement - Réglementation nationale excluant du bénéfice du droit aux prestations sociales les personnes ayant exercé une activité pendant une brève période - Applicabilité de ladite exclusion aux travailleurs d'autres États membres ayant exercé leur droit à la libre circulation
Dans l’arrêt Tarola (C-483/17), rendu le 11 avril 2019, la Cour, en interprétant la directive relative au droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres{1}, a jugé qu’un ressortissant d’un État membre ayant exercé son droit à la libre circulation, qui a acquis dans un autre État membre la qualité de travailleur, en raison de l’activité qu’il y a exercée pendant une période de deux semaines, autrement qu’en vertu d’un contrat de travail à durée déterminée, avant de se trouver en chômage involontaire, conserve le statut de travailleur pendant une période supplémentaire d’au moins six mois. Ceci est toutefois soumis à la condition qu’il se soit fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent.
Le litige au principal concernait un ressortissant roumain qui avait travaillé, en Irlande, à plusieurs reprises pendant de courtes périodes, et notamment pendant une période de deux semaines en juillet 2014. Il avait ensuite introduit, auprès du ministre de la Protection sociale, une demande d’octroi d’une allocation pour demandeurs d’emploi (jobseeker’s allowance). Le ministre avait rejeté cette demande, en substance, au motif que l’intéressé n’avait pas pu démontrer qu’il avait sa résidence habituelle en Irlande, en relevant que la courte période de travail qu’il avait accomplie au mois de juillet 2014 n’était pas de nature à remettre en cause ce constat. Devant les juridictions irlandaises, l’intéressé a fait valoir que, en vertu de la directive, il était en droit de résider en Irlande en tant que travailleur pendant la période de six mois consécutive à la cessation de son activité professionnelle au mois de juillet 2014.
En effet, la directive prévoit{2} que tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un État membre autre que celui dont il possède la nationalité pour une durée de plus de trois mois dès lors qu’il a la qualité de travailleur dans l’État membre d’accueil. En outre, elle garantit{3} à tout citoyen de l’Union se trouvant dans une situation d’inactivité temporaire le maintien de son statut de travailleur et, consécutivement, de son droit de séjour dans l’État membre d’accueil, dans certaines circonstances, et notamment lorsqu’il se trouve en chômage involontaire. Le requérant au principal invoquait une disposition de la directive qui prévoit notamment le maintien du statut de travailleur « après avoir été involontairement au chômage pendant les douze premiers mois »{4}.
La Cour a apporté des précisions sur cette disposition, en signalant qu’elle s’applique lorsqu’un citoyen de l’Union se trouve au chômage, pour des raisons indépendantes de sa volonté, avant d’avoir pu accomplir une année d’activité. Tel est le cas, notamment, dans toutes les situations dans lesquelles un travailleur a été contraint de cesser son activité dans l’État membre d’accueil avant l’échéance d’une année, quels que soient la nature de l’activité exercée et le type de contrat de travail conclu à cet effet, c’est-à-dire qu’il ait conclu un contrat à durée déterminée d’une durée supérieure à une année, un contrat à durée indéterminée ou tout autre type de contrat.
Par ailleurs, la conservation de la qualité de travailleur en application de ladite disposition présuppose, d’une part, que le citoyen concerné ait, préalablement à sa période de chômage involontaire, effectivement eu la qualité de travailleur et, d’autre part, qu’il se soit fait enregistrer en qualité de demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi compétent. En outre, il ne conserve cette qualité que pour une période d’une durée qu’il est loisible à l’État membre d’accueil de fixer, pour autant qu’elle ne soit pas inférieure à six mois
Enfin, la Cour a relevé que, en vertu de la directive{5}, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ainsi, lorsque le droit national exclut du bénéfice du droit aux prestations sociales les personnes qui n’ont exercé une activité que pendant une brève période, cette exclusion s’applique de la même manière aux travailleurs d’autres États membres. S’agissant de l’affaire au principal, la Cour a noté qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, en application du droit national et conformément au principe d’égalité de traitement, le requérant au principal a droit à l’allocation pour demandeurs d’emploi qu’il réclame.
{1 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).}
{2 Article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/38.}
{3 Article 7, paragraphe 3, de la directive 2004/38.}
{4 Article 7, paragraphe 3, sous c), de la directive 2004/38.}
{5 Article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38.}
Arrêt du 11 avril 2019, Tarola (C-483/17) (cf. points 55-57)
67. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Conjoint ressortissant d'un pays tiers accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union séjournant dans un État membre autre que celui de sa nationalité - Ressortissant d'un pays tiers resté dans l'État membre d'accueil après le retour du citoyen de l'Union dans l'État membre de sa nationalité - Exclusion
Dans l’arrêt Chenchooliah (C-94/18), rendu le 10 septembre 2019, la Cour, réunie en grande chambre, a été amenée à interpréter l’article 15 de la directive 2004/38{1}, qui prévoit notamment que certaines procédures prévues au chapitre VI de ladite directive, intitulé « Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique »{2}, s’appliquent par analogie à toute décision limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union européenne ou des membres de sa famille prise pour des raisons autres que des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. La Cour a jugé que cet article s’applique à une décision d’éloignement prise à l’égard d’un ressortissant d’un État tiers au motif que celui-ci ne dispose plus d’un droit de séjour au titre de cette directive, dans une situation dans laquelle ce ressortissant s’est marié à un citoyen de l’Union à un moment où ce dernier faisait usage de sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant avec ledit ressortissant dans l’État membre d’accueil, ce citoyen étant, par la suite, retourné dans l’État membre dont il possède la nationalité. La Cour a ajouté que cela implique que certaines garanties prescrites par la directive dans le cadre de décisions limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille prises pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique{3} s’imposent lors de l’adoption d’une décision d’éloignement, telle que celle en cause au principal, décision qui ne peut en aucun cas être assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire.
Cet arrêt s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant une ressortissante mauricienne, résidant en Irlande, au Minister for Justice and Equality (ministre de la Justice et de l’Égalité), au sujet d’une décision d’expulsion prise à son égard, en vertu de l’article 3 de la loi irlandaise de 1999 relative à l’immigration, à la suite du retour de son conjoint, citoyen de l’Union, dans l’État membre dont il possède la nationalité, à savoir le Portugal, où il purge une peine d’emprisonnement. La décision d’expulsion était, en vertu du droit national, d’office assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire à durée indéterminée.
La Cour a, tout d’abord, constaté que, dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union est retourné dans l’État membre dont il possède la nationalité et n’exerce donc plus, dans l’État membre d’accueil, son droit de libre circulation au titre du droit de l’Union, le ressortissant d’un État tiers conjoint dudit citoyen de l’Union ne dispose plus de la qualité de « bénéficiaire », au sens de cette directive{4}, lorsqu’il reste dans l’État membre d’accueil et ne séjourne plus avec son conjoint.
Ensuite, la Cour a dit pour droit que, même si la perte de cette qualité a comme conséquence que le ressortissant d’un pays tiers concerné ne bénéficie plus des droits de circulation et de séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil dont il était titulaire pendant un certain temps, dès lors qu’il ne remplit plus les conditions auxquelles ces droits sont assujettis, cette perte n’implique cependant pas que la directive 2004/38 ne s’applique plus à la prise d’une décision d’éloignement de ce ressortissant par l’État membre d’accueil, pour un tel motif. En effet, l’article 15 de la directive 2004/38{5}, qui figure au chapitre III de celle-ci, intitulé « Droit de séjour », prévoit le régime qui est applicable lorsqu’un droit de séjour temporaire au titre de cette directive prend fin, en particulier lorsqu’un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille qui, par le passé, a bénéficié d’un droit de séjour jusqu’à trois mois ou de plus de trois mois ne remplit plus les conditions du droit de séjour en cause et peut donc, en principe, être éloigné par l’État membre d’accueil.
En outre, la Cour a relevé que l’article 15 de la directive 2004/38 ne se réfère qu’à l’application par analogie de certaines dispositions du chapitre VI de celle-ci, relatives en particulier à la notification des décisions ainsi qu’à l’accès à des voies de recours juridictionnelles{6}. En revanche, d’autres dispositions dudit chapitre{7} ne trouvent pas à s’appliquer dans le cadre de l’adoption d’une décision au titre de l’article 15 de ladite directive. En effet, ces autres dispositions ne s’appliquent que si la personne concernée tire actuellement de cette directive un droit de séjour dans l’État membre d’accueil qui est soit temporaire, soit permanent.
Enfin, la Cour a ajouté que, conformément à l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2004/38, la décision d’éloignement pouvant être prise dans l’affaire au principal ne peut en aucun cas être assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire{8}.
{1 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).}
{2 À savoir les procédures prévues aux articles 30 et 31.}
{3 À savoir, les garanties pertinentes prescrites aux articles 30 et 31.}
{4 Article 3, paragraphe 1.}
{5 Article 15.}
{6 Articles 30 et 31.}
{7 Articles 27 et 28.}
{8 Article 15, paragraphe 3.}
Arrêt du 10 septembre 2019, Chenchooliah (C-94/18) (cf. voir points 59-63)
68. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Champ d'application personnel - Mineur ressortissant d'un État membre n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 2 octobre 2019, Bajratari (C-93/18) (cf. points 26, 27)
69. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union mineur résidant depuis sa naissance dans l'État membre d'accueil et parent ressortissant d'un État tiers ayant la garde dudit mineur - Admissibilité - Condition de ressources suffisantes - Ressources constituées de revenus provenant d'un emploi exercé, par le père dudit citoyen, sans titre de séjour ni permis de travail - Condition remplie - Mesure nationale encadrant l'origine des ressources fournies - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 2 octobre 2019, Bajratari (C-93/18) (cf. points 28-31, 33, 39-42, 47, 53 et disp.)
70. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé du conjoint, ressortissant d'un pays tiers - Conditions d'octroi - Réglementation nationale rejetant, en toutes circonstances et de manière automatique, la demande de regroupement familial introduite par le conjoint en cas de ressources insuffisantes du citoyen de l'Union, ressortissant de cet État, pour subvenir à ses besoins et ceux de son conjoint - Inadmissibilité - Obligation d'examiner l'existence d'une relation de dépendance entre ce citoyen et son conjoint pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire l'Union en cas de refus du droit de séjour - Privation de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l'Union
Voir le texte de la décision.
71. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé du conjoint, ressortissant d'un pays tiers - Refus du droit de séjour pouvant avoir pour effet de contraindre le citoyen de l'Union à quitter le territoire de l'Union - Existence d'une relation de dépendance entre le citoyen de l'Union et son conjoint - Obligation de vie commune résultant du droit national - Circonstance non suffisante pour établir l'existence d'une relation de dépendance justifiant l'octroi d'un droit de séjour dérivé
Voir le texte de la décision.
XU est un enfant né au Venezuela d’une mère vénézuélienne qui en a la garde exclusive. Il réside en Espagne avec sa mère, le ressortissant espagnol qu’elle a épousé et l’enfant qu’elle a eu avec ce dernier, de nationalité espagnole. QP, de nationalité péruvienne, a épousé une ressortissante espagnole, avec laquelle il a eu un enfant, de nationalité espagnole. XU et QP sont, chacun, membres de la famille d’un citoyen de l’Union possédant la nationalité de l’État dans lequel ils résident et n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation dans un autre État membre.
XU et QP se sont vu refuser leurs demandes d’obtention d’une carte de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union{1} au motif que ce dernier ne disposait pas, pour lui-même et pour les membres de sa famille, de ressources financières suffisantes{2}. Seule la situation économique du beau-père, dans le cas de XU, et de l’épouse, dans le cas de QP, a été prise en compte par l’administration compétente, à savoir la Subdelegación del Gobierno en Toledo (sous-délégation du gouvernement à Tolède, Espagne).
Les recours formés contre ces décisions de rejet ayant été accueillis, l’administration a interjeté appel des jugements rendus à cet égard devant la juridiction de renvoi.
Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité, avec le droit de l’Union{3}, d’une pratique consistant à refuser automatiquement le regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un ressortissant espagnol qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif de la situation économique de ce dernier. Une telle pratique pourrait aboutir à ce que ce ressortissant espagnol doive quitter le territoire de l’Union. Selon ladite juridiction, tel pourrait être le cas dans les deux affaires, compte tenu de l’obligation de vie commune imposée par la réglementation espagnole applicable au mariage{4}.
Dans son arrêt, la Cour juge, en substance, que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre rejette une demande de regroupement familial, introduite au profit d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui possède la nationalité de cet État membre et qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif que ce citoyen de l’Union ne dispose pas, pour lui et ce membre de sa famille, de ressources suffisantes, sans qu’il ait été examiné s’il existe, entre ce citoyen de l’Union et le membre de sa famille, une relation de dépendance telle que, en cas de refus d’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier, le même citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble et serait ainsi privé de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Elle donne ensuite plusieurs précisions pour apprécier s’il existe, dans chaque cas de figure, une relation de dépendance de nature à justifier l’octroi au ressortissant d’un pays tiers d’un droit de séjour dérivé au titre du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
S’agissant du regroupement familial et de l’exigence de disposer de ressources suffisantes, à titre liminaire, la Cour rappelle que le droit de l’Union ne s’applique pas, en principe, à une demande de regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un membre de sa famille, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et qu’il ne s’oppose dès lors pas, en principe, à une réglementation d’un État membre subordonnant un tel regroupement familial à une condition de ressources suffisantes. Cependant, l’imposition systématique, sans aucune exception, d’une telle condition peut méconnaître le droit de séjour dérivé qui doit être reconnu, dans des situations très particulières, en vertu de l’article 20 TFUE, au ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, notamment, si le refus d’un tel droit contraignait ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union, le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Tel est le cas s’il existe, entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle aboutirait à ce que ce dernier soit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble.
En ce qui concerne l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C-532/19, la Cour précise, dans un premier temps, qu’une relation de dépendance, de nature à justifier l’octroi d’un droit de séjour dérivé, au titre de l’article 20 TFUE, n’existe pas au seul motif que le ressortissant d’un État membre, majeur et n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et son conjoint, majeur et ressortissant d’un pays tiers, sont tenus de vivre ensemble, en application des règles de l’État membre dont le citoyen de l’Union est ressortissant et dans lequel le mariage a été contracté.
La Cour examine, dans un second temps, si une telle relation de dépendance peut exister lorsque ce ressortissant et son conjoint, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sont les parents d’un mineur, ressortissant du même État membre et n’ayant pas exercé sa liberté de circulation.
En effet, pour apprécier le risque que l’enfant concerné, citoyen de l’Union, soit contraint de quitter le territoire de l’Union si son parent, ressortissant d’un pays tiers, se voyait refuser l’octroi d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre concerné, il faut déterminer si ce parent assume la garde effective de l’enfant et s’il existe une relation de dépendance effective entre eux, en tenant compte du droit au respect de la vie familiale{5} et de l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant{6}.
La circonstance que l’autre parent, citoyen de l’Union, est réellement capable d’assumer seul la charge quotidienne et effective de l’enfant, et prêt à le faire, ne suffit pas pour pouvoir constater qu’il n’existe pas, entre le parent ressortissant d’un pays tiers et l’enfant, une relation de dépendance telle que ce dernier devrait quitter le territoire de l’Union si un droit de séjour était refusé à ce ressortissant d’un pays tiers. En effet, une telle constatation doit être fondée sur la prise en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant concerné, de l’ensemble des circonstances de l’espèce{7}.
Ainsi, le fait que le parent, ressortissant d’un pays tiers, cohabite avec l’enfant mineur, citoyen de l’Union, est pertinent pour déterminer l’existence d’une relation de dépendance entre eux, mais ne constitue pas une condition nécessaire. En outre, lorsque le citoyen de l’Union mineur cohabite de façon stable avec ses deux parents et que la garde de cet enfant ainsi que la charge légale, affective et financière de celui-ci sont, dès lors, partagées quotidiennement par ces deux parents, il peut être présumé, de manière réfragable, qu’il existe une relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union mineur et son parent, ressortissant d’un pays tiers, indépendamment du fait que l’autre parent de cet enfant dispose, en tant que ressortissant de l’État membre sur le territoire duquel est établie cette famille, d’un droit inconditionnel à demeurer sur le territoire de cet État membre.
Concernant l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C-451/19, en premier lieu, la Cour souligne que, le droit de séjour dérivé susceptible d’être accordé à un ressortissant d’un pays tiers en vertu de l’article 20 TFUE ayant une portée subsidiaire, la juridiction de renvoi doit, notamment, examiner si XU, qui était mineur à la date du rejet de la demande de titre de séjour et dont la mère, ressortissante d’un pays tiers, disposait d’un tel titre sur le territoire espagnol, ne pouvait pas, à cette date, bénéficier, d’un droit de séjour sur ce même territoire en vertu de la directive 2003/86{8}.
En second lieu, dans l’hypothèse où XU ne disposerait d’aucun titre de séjour en vertu du droit dérivé de l’Union ou du droit national, la Cour examine si l’article 20 TFUE peut permettre l’octroi d’un droit de séjour dérivé au profit de ce ressortissant d’un pays tiers.
À cet égard, il faut déterminer si, à la date à laquelle la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier aurait pu imposer, dans les faits, à sa mère de quitter le territoire de l’Union, en raison du lien de dépendance qui aurait existé entre eux et, dans l’affirmative, si le départ de la mère de XU aurait également obligé, dans les faits, son enfant mineur, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, en raison de la relation de dépendance existant entre ce citoyen de l’Union et sa mère.
L’appréciation, aux fins de l’application de l’article 20 TFUE, de l’existence d’une relation de dépendance entre un parent et son enfant, tous deux ressortissants de pays tiers, repose, mutatis mutandis, sur les mêmes critères que ceux énoncés précédemment. Lorsque c’est un mineur, ressortissant d’un pays tiers, qui fait l’objet d’un refus de titre de séjour et risque d’être contraint de quitter le territoire de l’Union, le fait que son autre parent puisse effectivement le prendre en charge, d’un point de vue légal, financier et affectif, y compris dans son pays d’origine, est pertinent, mais ne suffit pas pour conclure que le parent, ressortissant de pays tiers et résidant sur le territoire dudit État membre ne serait pas contraint, dans les faits, de quitter le territoire de l’Union.
Si, à la date où la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier du territoire espagnol aurait, en pratique, contraint non seulement sa mère, ressortissante d’un pays tiers, mais également l’autre enfant de celle-ci, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, un droit de séjour dérivé aurait dû être reconnu à son demi-frère, XU, au titre de l’article 20 TFUE, afin d’empêcher que ce citoyen de l’Union ne soit privé, par son départ, de la jouissance de l’essentiel des droits qu’il tient de son statut.
{1} En l’occurrence, pour XU, son beau-père et, pour QP, son épouse.
{2} Afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’Espagne, comme le prévoit la législation espagnole.
{3} L’article 20 TFUE, relatif à la citoyenneté de l’Union.
{4} Dans l’affaire C-532/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à QP obligerait son épouse à quitter le territoire de l’Union. Dans l’affaire C-451/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à XU conduirait à la sortie de XU et de sa mère du territoire de l’Union, et contraindrait non seulement l’époux de celle-ci, mais aussi l’enfant mineur, ressortissant espagnol issu de leur union, à quitter ce territoire.
{5} Énoncé à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{6} Reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte et lequel comprend le droit pour cet enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, consacré à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte.
{7} Notamment, l’âge de l’enfant, son développement physique et émotionnel, le degré de sa relation affective tant avec le parent citoyen de l’Union qu’avec le parent ressortissant d’un pays tiers, ainsi que le risque que la séparation d’avec ce dernier engendrerait pour l’équilibre de cet enfant.
{8} Directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12), article 4, paragraphe 1, sous c). Même si cette directive prévoit qu’elle ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union, compte tenu de son objectif, qui est de favoriser le regroupement familial, et de la protection qu’elle vise à accorder aux ressortissants de pays tiers, notamment aux mineurs, son application au profit d’un mineur ressortissant d’un pays tiers ne peut pas être exclue du seul fait que son parent, ressortissant d’un pays tiers, est également le parent d’un citoyen de l’Union, né d’une union avec un ressortissant d’un État membre
72. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Droit d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers, membres de la famille d'un citoyen de l'Union - Possession d'une carte de séjour permanent délivrée par un autre État membre - Conséquence - Dispense de l'obligation d'obtenir un visa - Carte délivrée par un État membre ne faisant pas partie de l'espace Schengen - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
73. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Droit d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers, membres de la famille d'un citoyen de l'Union - Possession d'une carte de séjour permanent délivrée par un autre État membre - Preuve suffisante de la qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union - Conséquence - Droit d'entrée du titulaire de ladite carte sans visa et sans vérification ou justification supplémentaire auprès du transporteur aérien
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 juin 2020, Ryanair Designated Activity Company (C-754/18) (cf. points 52-55, disp. 3)
74. Sécurité sociale - Travailleurs migrants - Législation applicable - Ressortissant d'un État membre sans activité économique séjournant légalement sur le territoire d'un autre État membre - Application de la législation de l'État membre de résidence - Législation de ce dernier État membre excluant un tel ressortissant du droit d'être affilié à son système public d'assurance maladie - Inadmissibilité
A, ressortissant italien marié à une ressortissante lettonne, a quitté l’Italie et s’est installé en Lettonie pour rejoindre sa femme et leurs deux enfants mineurs.
Peu après son arrivée en Lettonie, le 22 janvier 2016, il a demandé au Latvijas Nacionālais veselības dienests (Service national de santé, Lettonie) de l’affilier au système public d’assurance maladie obligatoire letton. Sa demande a été rejetée par une décision du 17 février 2016, qui a été confirmée par le ministère de la Santé au motif qu’A ne relevait d’aucune des catégories de bénéficiaires des soins médicaux financés par l’État dès lors qu’il n’était ni salarié ni travailleur indépendant en Lettonie.
Son recours contre la décision de rejet des autorités lettonnes ayant été rejeté, A a interjeté appel devant l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie), laquelle a également adopté un arrêt qui lui était défavorable.
C’est dans ce contexte que l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), saisie d’un pourvoi introduit par A, a décidé d’interroger la Cour sur la compatibilité du rejet de la demande d’A par les autorités lettonnes avec le droit de l’Union dans les domaines de la citoyenneté et de la sécurité sociale.
Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour confirme le droit des citoyens de l’Union économiquement inactifs, résidant dans un État membre autre que celui de leur origine, d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État. La Cour précise, toutefois, que le droit de l’Union n’impose pas l’obligation d’affiliation gratuite audit système.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour vérifie l’applicabilité du règlement no 883/2004 à des prestations de soins médicaux telles que celles en cause au principal. Elle conclut que des prestations financées par l’État et octroyées, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux personnes relevant des catégories de bénéficiaires définies par la législation nationale, constituent des « prestations de maladie », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 883/2004{1}. Ces prestations relèvent ainsi du champ d’application de ce règlement, n’étant pas des prestations d’« assistance sociale et médicale » exclues de ce champ d’application{2}.
Dans un deuxième temps, la Cour examine, en substance, si l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004 ainsi que l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38{3} s’opposent à une législation nationale excluant du droit d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État, les citoyens de l’Union économiquement inactifs, ressortissants d’un autre État membre, relevant, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de ce règlement, de la législation de l’État membre d’accueil et exerçant leur droit de séjour sur le territoire de celui-ci conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive.
À cet égard, la Cour indique, d’abord, que, dans le cadre du système de règles de conflit établi par le règlement nº 883/2004{4}, visant à déterminer la législation nationale applicable à la perception des prestations de sécurité sociale, les personnes économiquement non actives relèvent, en principe, de la législation de l’État membre de leur résidence.
Elle souligne, ensuite, que, lorsqu’ils fixent les conditions de l’existence du droit d’être affilié à un régime de sécurité sociale, les États membres sont tenus de respecter les dispositions du droit de l’Union en vigueur. En particulier, les règles de conflit prévues par le règlement nº 883/2004 s’imposant de manière impérative aux États membres, ceux-ci ne peuvent pas déterminer dans quelle mesure leur propre législation ou celle d’un autre État membre est applicable.
Partant, un État membre ne saurait, en vertu de sa législation nationale, refuser d’affilier à son système public d’assurance maladie un citoyen de l’Union qui, conformément à l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004, portant sur la détermination de la législation applicable, relève de la législation de cet État membre.
La Cour analyse, enfin, l’incidence sur l’affiliation à la sécurité sociale de l’État membre d’accueil des dispositions de la directive 2004/38, et notamment de son article 7, paragraphe 1, sous b). Il découle de cette dernière disposition que, pendant toute la durée du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil supérieure à trois mois et inférieure à cinq ans, le citoyen de l’Union économiquement inactif doit notamment disposer, pour lui-même et pour les membres de sa famille, d’une assurance maladie complète afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de cet État membre.
Concernant l’articulation entre cette condition d’un séjour conforme à la directive 2004/38 et l’obligation d’affiliation découlant du règlement nº 883/2004, la Cour précise que l’État membre d’accueil d’un citoyen de l’Union économiquement inactif peut prévoir que l’accès à ce système ne soit pas gratuit afin d’éviter que le même citoyen ne devienne une charge déraisonnable pour les finances publiques dudit État membre.
La Cour considère, en effet, que l’État membre d’accueil a le droit de subordonner l’affiliation à son système public d’assurance maladie d’un citoyen de l’Union économiquement inactif, séjournant sur son territoire sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, à des conditions, telles que la conclusion ou le maintien, par ce citoyen, d’une assurance maladie complète privée, permettant le remboursement audit État membre des dépenses de santé encourues par ce dernier en faveur de ce citoyen, ou le paiement, par un tel citoyen, d’une contribution au système public d’assurance maladie de cet État membre. Il incombe néanmoins à l’État membre d’accueil de veiller au respect du principe de proportionnalité dans ce contexte et donc à ce qu’il ne soit pas excessivement difficile pour le citoyen concerné de respecter de telles conditions.
La Cour conclut que l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004, lu à la lumière de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, s’oppose à une législation nationale excluant du droit d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État, les citoyens de l’Union économiquement inactifs, ressortissants d’un autre État membre, relevant, en vertu de ce règlement, de la législation de l’État membre d’accueil et exerçant leur droit de séjour sur le territoire de celui-ci conformément à cette directive.
Ces dispositions ne s’opposent pas, en revanche, à ce que l’affiliation de tels citoyens de l’Union à ce système ne soit pas gratuite, afin d’éviter que lesdits citoyens ne deviennent une charge déraisonnable pour les finances publiques de l’État membre d’accueil.
{1} Règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 284, p. 43).
{2} En vertu de l’article 3, paragraphe 5, sous a) du règlement nº 883/2004.
{3} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35).
{4} Article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004.
Arrêt du 15 juillet 2021, A (Soins de santé publics) (C-535/19) (cf. points 45, 50, 63, disp.2)
75. Sécurité sociale - Travailleurs migrants - Égalité de traitement - Ressortissant d'un État membre sans activité économique séjournant légalement sur le territoire d'un autre État membre - Affiliation dudit ressortissant au système public d'assurance maladie de l'État membre d'accueil - Directive 2004/38 - Conditions du droit de séjour au titre du droit de l'Union - Condition de disposer d'une assurance maladie complète - Possibilité pour l'État membre d'accueil de prévoir des conditions afin d'éviter une charge déraisonnable pour ses finances publiques
A, ressortissant italien marié à une ressortissante lettonne, a quitté l’Italie et s’est installé en Lettonie pour rejoindre sa femme et leurs deux enfants mineurs.
Peu après son arrivée en Lettonie, le 22 janvier 2016, il a demandé au Latvijas Nacionālais veselības dienests (Service national de santé, Lettonie) de l’affilier au système public d’assurance maladie obligatoire letton. Sa demande a été rejetée par une décision du 17 février 2016, qui a été confirmée par le ministère de la Santé au motif qu’A ne relevait d’aucune des catégories de bénéficiaires des soins médicaux financés par l’État dès lors qu’il n’était ni salarié ni travailleur indépendant en Lettonie.
Son recours contre la décision de rejet des autorités lettonnes ayant été rejeté, A a interjeté appel devant l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie), laquelle a également adopté un arrêt qui lui était défavorable.
C’est dans ce contexte que l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), saisie d’un pourvoi introduit par A, a décidé d’interroger la Cour sur la compatibilité du rejet de la demande d’A par les autorités lettonnes avec le droit de l’Union dans les domaines de la citoyenneté et de la sécurité sociale.
Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour confirme le droit des citoyens de l’Union économiquement inactifs, résidant dans un État membre autre que celui de leur origine, d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État. La Cour précise, toutefois, que le droit de l’Union n’impose pas l’obligation d’affiliation gratuite audit système.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour vérifie l’applicabilité du règlement no 883/2004 à des prestations de soins médicaux telles que celles en cause au principal. Elle conclut que des prestations financées par l’État et octroyées, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux personnes relevant des catégories de bénéficiaires définies par la législation nationale, constituent des « prestations de maladie », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 883/2004{1}. Ces prestations relèvent ainsi du champ d’application de ce règlement, n’étant pas des prestations d’« assistance sociale et médicale » exclues de ce champ d’application{2}.
Dans un deuxième temps, la Cour examine, en substance, si l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004 ainsi que l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38{3} s’opposent à une législation nationale excluant du droit d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État, les citoyens de l’Union économiquement inactifs, ressortissants d’un autre État membre, relevant, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de ce règlement, de la législation de l’État membre d’accueil et exerçant leur droit de séjour sur le territoire de celui-ci conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive.
À cet égard, la Cour indique, d’abord, que, dans le cadre du système de règles de conflit établi par le règlement nº 883/2004{4}, visant à déterminer la législation nationale applicable à la perception des prestations de sécurité sociale, les personnes économiquement non actives relèvent, en principe, de la législation de l’État membre de leur résidence.
Elle souligne, ensuite, que, lorsqu’ils fixent les conditions de l’existence du droit d’être affilié à un régime de sécurité sociale, les États membres sont tenus de respecter les dispositions du droit de l’Union en vigueur. En particulier, les règles de conflit prévues par le règlement nº 883/2004 s’imposant de manière impérative aux États membres, ceux-ci ne peuvent pas déterminer dans quelle mesure leur propre législation ou celle d’un autre État membre est applicable.
Partant, un État membre ne saurait, en vertu de sa législation nationale, refuser d’affilier à son système public d’assurance maladie un citoyen de l’Union qui, conformément à l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004, portant sur la détermination de la législation applicable, relève de la législation de cet État membre.
La Cour analyse, enfin, l’incidence sur l’affiliation à la sécurité sociale de l’État membre d’accueil des dispositions de la directive 2004/38, et notamment de son article 7, paragraphe 1, sous b). Il découle de cette dernière disposition que, pendant toute la durée du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil supérieure à trois mois et inférieure à cinq ans, le citoyen de l’Union économiquement inactif doit notamment disposer, pour lui-même et pour les membres de sa famille, d’une assurance maladie complète afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de cet État membre.
Concernant l’articulation entre cette condition d’un séjour conforme à la directive 2004/38 et l’obligation d’affiliation découlant du règlement nº 883/2004, la Cour précise que l’État membre d’accueil d’un citoyen de l’Union économiquement inactif peut prévoir que l’accès à ce système ne soit pas gratuit afin d’éviter que le même citoyen ne devienne une charge déraisonnable pour les finances publiques dudit État membre.
La Cour considère, en effet, que l’État membre d’accueil a le droit de subordonner l’affiliation à son système public d’assurance maladie d’un citoyen de l’Union économiquement inactif, séjournant sur son territoire sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, à des conditions, telles que la conclusion ou le maintien, par ce citoyen, d’une assurance maladie complète privée, permettant le remboursement audit État membre des dépenses de santé encourues par ce dernier en faveur de ce citoyen, ou le paiement, par un tel citoyen, d’une contribution au système public d’assurance maladie de cet État membre. Il incombe néanmoins à l’État membre d’accueil de veiller au respect du principe de proportionnalité dans ce contexte et donc à ce qu’il ne soit pas excessivement difficile pour le citoyen concerné de respecter de telles conditions.
La Cour conclut que l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004, lu à la lumière de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, s’oppose à une législation nationale excluant du droit d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État, les citoyens de l’Union économiquement inactifs, ressortissants d’un autre État membre, relevant, en vertu de ce règlement, de la législation de l’État membre d’accueil et exerçant leur droit de séjour sur le territoire de celui-ci conformément à cette directive.
Ces dispositions ne s’opposent pas, en revanche, à ce que l’affiliation de tels citoyens de l’Union à ce système ne soit pas gratuite, afin d’éviter que lesdits citoyens ne deviennent une charge déraisonnable pour les finances publiques de l’État membre d’accueil.
{1} Règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 284, p. 43).
{2} En vertu de l’article 3, paragraphe 5, sous a) du règlement nº 883/2004.
{3} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35).
{4} Article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004.
Arrêt du 15 juillet 2021, A (Soins de santé publics) (C-535/19) (cf. points 55-59, 63, disp.2)
76. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Voyage effectué vers un autre État membre - Réglementation nationale imposant à ses ressortissants, sous peine de sanctions pénales, l'obligation d'être muni d'une carte d'identité ou d'un passeport - Admissibilité - Condition - Respect des principes de proportionnalité et de non-discrimination - Moyen de transport et itinéraire - Absence d'incidence
A, un ressortissant finlandais, a effectué, en août 2015, un voyage aller-retour entre la Finlande et l’Estonie à bord d’un navire de plaisance. Au cours de ce voyage, il a traversé la zone maritime internationale située entre la Finlande et l’Estonie. Titulaire d’un passeport finlandais en cours de validité, il n’en était cependant pas muni lors de ce voyage. Par conséquent, à l’occasion d’un contrôle aux frontières effectué à Helsinki au moment de son retour, A n’a pas été en mesure de présenter ce passeport ni aucun autre document de voyage, son identité ayant toutefois pu être établie sur la base de son permis de conduire.
Le syyttäjä (procureur, Finlande) a engagé des poursuites contre A pour infraction mineure au respect des frontières. En effet, en vertu de la législation finlandaise, les ressortissants finlandais doivent, sous peine de sanctions pénales, être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils effectuent, par quelques moyens de transport et itinéraire que ce soit, un voyage vers un autre État membre ou lorsqu’ils entrent sur le territoire de la Finlande en arrivant d’un autre État membre.
En première instance, il a été constaté que A avait commis une infraction en ayant franchi la frontière finlandaise sans être muni d’un document de voyage. Toutefois, aucune peine n’a été prononcée à son encontre, dès lors que l’infraction était mineure et que le montant de l’amende susceptible de lui être infligée selon le régime pénal prévu en droit finlandais, en fonction de son revenu mensuel moyen, était excessif, le montant total de ladite amende s’élevant à 95 250 euros.
L’appel interjeté par le procureur contre cette décision n’ayant pas été accueilli, celui-ci a formé un pourvoi devant le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande). Cette dernière juridiction a ensuite décidé d’interroger la Cour sur la compatibilité avec le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation prévu à l’article 21 TFUE{1}, de la législation finlandaise en cause en l’espèce et notamment du régime de sanctions pénales par lequel le franchissement de la frontière nationale sans carte d’identité ou passeport en cours de validité passible d’une amende peut s’élever à 20 % du revenu mensuel net du contrevenant.
Appréciation de la Cour
Dans son arrêt la Cour précise, tout d’abord, les conditions dans lesquelles une obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport peut être imposée, sous peine de sanctions, le cas échéant de nature pénale, lors des voyages vers un État membre autre que celui dont la personne concernée a la nationalité.
À cet égard, elle constate, en premier lieu, que les termes « muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité » utilisés dans la directive 2004/38{2}, précisant l’article 21 TFUE, signifient que l’exercice, par les ressortissants d’un État membre, de leur droit de se rendre dans un autre État membre est soumis à la condition qu’ils portent sur eux un de ces deux documents en cours de validité. Cette formalité liée à la libre circulation{3} vise à faciliter l’exercice du droit à la libre circulation en garantissant que toute personne bénéficiant de ce droit soit sans difficulté identifiée comme telle dans le cadre d’une éventuelle vérification. Par conséquent, un État membre qui oblige ses ressortissants à se munir d’un des documents visés, lorsqu’ils franchissent la frontière nationale pour se déplacer vers un autre État membre, contribue au respect de cette formalité.
S’agissant, en second lieu, des sanctions susceptibles d’être infligées à un citoyen de l’Union qui ne respecte pas ladite formalité, la Cour précise, en faisant référence à l’autonomie des États membres à cet égard, que les États membres peuvent prévoir des sanctions, le cas échéant de nature pénale, à condition que celles-ci respectent, notamment, les principes de proportionnalité et de non-discrimination.
La Cour conclut par conséquent que le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation ne s’oppose pas à une réglementation nationale par laquelle un État membre oblige, sous peine de sanctions pénales, ses ressortissants à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils effectuent un voyage vers un autre État membre, indépendamment du moyen de transport utilisé et de l’itinéraire. Cependant, les modalités de ces sanctions doivent être conformes aux principes généraux du droit de l’Union, dont ceux de proportionnalité et de non-discrimination.
La Cour parvient, par ailleurs, à cette même conclusion en ce qui concerne l’exigence d’être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport lors de l’entrée d’un ressortissant d’un État membre sur le territoire de celui-ci en arrivant d’un autre État membre. Elle précise toutefois que, si la présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport peut être sollicitée lors de ce retour du ressortissant d’un État membre sur le territoire de celui-ci, l’obligation d’être muni d’un tel document ne saurait conditionner le droit d’entrée.
Enfin, la Cour examine la question de savoir si l’article 21, paragraphe 1, TFUE et la directive 2004/38, lus à lumière du principe de proportionnalité de la peine prévu par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne{4}, s’opposent à un régime de sanctions pénales tel que celui prévu en droit finlandais dans le cadre du franchissement de la frontière nationale sans carte d’identité ou passeport en cours de validité.
À cet égard, elle relève que, s’il est loisible aux États membres d’infliger une amende afin de sanctionner la méconnaissance d’une exigence formelle relative à l’exercice d’un droit conféré par le droit de l’Union, cette sanction doit être proportionnée à la gravité de l’infraction. Or, lorsque, comme en l’occurrence, l’obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité est méconnue par un bénéficiaire du droit à la libre circulation qui est titulaire d’un tel document mais a seulement omis de se munir de celui-ci lors de son voyage, l’infraction est de faible gravité. Partant, une sanction pécuniaire lourde, telle qu’une amende s’élevant à 20 % du montant du revenu mensuel moyen net du contrevenant, n’est pas proportionnée à la gravité de cette infraction.
{1} Eu égard aux dispositions relatives au franchissement des frontières énoncées par le règlement (CE) nº 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
{2} Article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).
{3} Considérant 7 de la directive 2004/38.
{4} Article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
77. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union retournant dans l'État membre de sa nationalité en arrivant d'un autre État membre - Réglementation nationale imposant à ses ressortissants, sous peine de sanctions pénales, l'obligation d'être muni d'une carte d'identité ou d'un passeport - Possibilité de solliciter la présentation d'une carte d'identité ou d'un passeport dans le cas d'un voyage effectué à bord d'un navire de plaisance et en traversant une zone maritime internationale - Admissibilité - Conditions - Obligation ne conditionnant pas le droit d'entrée - Respect des principes de proportionnalité et de non-discrimination
A, un ressortissant finlandais, a effectué, en août 2015, un voyage aller-retour entre la Finlande et l’Estonie à bord d’un navire de plaisance. Au cours de ce voyage, il a traversé la zone maritime internationale située entre la Finlande et l’Estonie. Titulaire d’un passeport finlandais en cours de validité, il n’en était cependant pas muni lors de ce voyage. Par conséquent, à l’occasion d’un contrôle aux frontières effectué à Helsinki au moment de son retour, A n’a pas été en mesure de présenter ce passeport ni aucun autre document de voyage, son identité ayant toutefois pu être établie sur la base de son permis de conduire.
Le syyttäjä (procureur, Finlande) a engagé des poursuites contre A pour infraction mineure au respect des frontières. En effet, en vertu de la législation finlandaise, les ressortissants finlandais doivent, sous peine de sanctions pénales, être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils effectuent, par quelques moyens de transport et itinéraire que ce soit, un voyage vers un autre État membre ou lorsqu’ils entrent sur le territoire de la Finlande en arrivant d’un autre État membre.
En première instance, il a été constaté que A avait commis une infraction en ayant franchi la frontière finlandaise sans être muni d’un document de voyage. Toutefois, aucune peine n’a été prononcée à son encontre, dès lors que l’infraction était mineure et que le montant de l’amende susceptible de lui être infligée selon le régime pénal prévu en droit finlandais, en fonction de son revenu mensuel moyen, était excessif, le montant total de ladite amende s’élevant à 95 250 euros.
L’appel interjeté par le procureur contre cette décision n’ayant pas été accueilli, celui-ci a formé un pourvoi devant le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande). Cette dernière juridiction a ensuite décidé d’interroger la Cour sur la compatibilité avec le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation prévu à l’article 21 TFUE{1}, de la législation finlandaise en cause en l’espèce et notamment du régime de sanctions pénales par lequel le franchissement de la frontière nationale sans carte d’identité ou passeport en cours de validité passible d’une amende peut s’élever à 20 % du revenu mensuel net du contrevenant.
Appréciation de la Cour
Dans son arrêt la Cour précise, tout d’abord, les conditions dans lesquelles une obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport peut être imposée, sous peine de sanctions, le cas échéant de nature pénale, lors des voyages vers un État membre autre que celui dont la personne concernée a la nationalité.
À cet égard, elle constate, en premier lieu, que les termes « muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité » utilisés dans la directive 2004/38{2}, précisant l’article 21 TFUE, signifient que l’exercice, par les ressortissants d’un État membre, de leur droit de se rendre dans un autre État membre est soumis à la condition qu’ils portent sur eux un de ces deux documents en cours de validité. Cette formalité liée à la libre circulation{3} vise à faciliter l’exercice du droit à la libre circulation en garantissant que toute personne bénéficiant de ce droit soit sans difficulté identifiée comme telle dans le cadre d’une éventuelle vérification. Par conséquent, un État membre qui oblige ses ressortissants à se munir d’un des documents visés, lorsqu’ils franchissent la frontière nationale pour se déplacer vers un autre État membre, contribue au respect de cette formalité.
S’agissant, en second lieu, des sanctions susceptibles d’être infligées à un citoyen de l’Union qui ne respecte pas ladite formalité, la Cour précise, en faisant référence à l’autonomie des États membres à cet égard, que les États membres peuvent prévoir des sanctions, le cas échéant de nature pénale, à condition que celles-ci respectent, notamment, les principes de proportionnalité et de non-discrimination.
La Cour conclut par conséquent que le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation ne s’oppose pas à une réglementation nationale par laquelle un État membre oblige, sous peine de sanctions pénales, ses ressortissants à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils effectuent un voyage vers un autre État membre, indépendamment du moyen de transport utilisé et de l’itinéraire. Cependant, les modalités de ces sanctions doivent être conformes aux principes généraux du droit de l’Union, dont ceux de proportionnalité et de non-discrimination.
La Cour parvient, par ailleurs, à cette même conclusion en ce qui concerne l’exigence d’être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport lors de l’entrée d’un ressortissant d’un État membre sur le territoire de celui-ci en arrivant d’un autre État membre. Elle précise toutefois que, si la présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport peut être sollicitée lors de ce retour du ressortissant d’un État membre sur le territoire de celui-ci, l’obligation d’être muni d’un tel document ne saurait conditionner le droit d’entrée.
Enfin, la Cour examine la question de savoir si l’article 21, paragraphe 1, TFUE et la directive 2004/38, lus à lumière du principe de proportionnalité de la peine prévu par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne{4}, s’opposent à un régime de sanctions pénales tel que celui prévu en droit finlandais dans le cadre du franchissement de la frontière nationale sans carte d’identité ou passeport en cours de validité.
À cet égard, elle relève que, s’il est loisible aux États membres d’infliger une amende afin de sanctionner la méconnaissance d’une exigence formelle relative à l’exercice d’un droit conféré par le droit de l’Union, cette sanction doit être proportionnée à la gravité de l’infraction. Or, lorsque, comme en l’occurrence, l’obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité est méconnue par un bénéficiaire du droit à la libre circulation qui est titulaire d’un tel document mais a seulement omis de se munir de celui-ci lors de son voyage, l’infraction est de faible gravité. Partant, une sanction pécuniaire lourde, telle qu’une amende s’élevant à 20 % du montant du revenu mensuel moyen net du contrevenant, n’est pas proportionnée à la gravité de cette infraction.
{1} Eu égard aux dispositions relatives au franchissement des frontières énoncées par le règlement (CE) nº 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
{2} Article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).
{3} Considérant 7 de la directive 2004/38.
{4} Article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
78. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Régime de sanctions pénales applicable en cas de circulation entre États membres sans carte d'identité ou passeport - Calcul de l'amende en fonction du revenu mensuel moyen net du contrevenant - Amende s'élevant à 20 % de ce revenu - Inadmissibilité - Proportionnalité - Absence
A, un ressortissant finlandais, a effectué, en août 2015, un voyage aller-retour entre la Finlande et l’Estonie à bord d’un navire de plaisance. Au cours de ce voyage, il a traversé la zone maritime internationale située entre la Finlande et l’Estonie. Titulaire d’un passeport finlandais en cours de validité, il n’en était cependant pas muni lors de ce voyage. Par conséquent, à l’occasion d’un contrôle aux frontières effectué à Helsinki au moment de son retour, A n’a pas été en mesure de présenter ce passeport ni aucun autre document de voyage, son identité ayant toutefois pu être établie sur la base de son permis de conduire.
Le syyttäjä (procureur, Finlande) a engagé des poursuites contre A pour infraction mineure au respect des frontières. En effet, en vertu de la législation finlandaise, les ressortissants finlandais doivent, sous peine de sanctions pénales, être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils effectuent, par quelques moyens de transport et itinéraire que ce soit, un voyage vers un autre État membre ou lorsqu’ils entrent sur le territoire de la Finlande en arrivant d’un autre État membre.
En première instance, il a été constaté que A avait commis une infraction en ayant franchi la frontière finlandaise sans être muni d’un document de voyage. Toutefois, aucune peine n’a été prononcée à son encontre, dès lors que l’infraction était mineure et que le montant de l’amende susceptible de lui être infligée selon le régime pénal prévu en droit finlandais, en fonction de son revenu mensuel moyen, était excessif, le montant total de ladite amende s’élevant à 95 250 euros.
L’appel interjeté par le procureur contre cette décision n’ayant pas été accueilli, celui-ci a formé un pourvoi devant le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande). Cette dernière juridiction a ensuite décidé d’interroger la Cour sur la compatibilité avec le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation prévu à l’article 21 TFUE{1}, de la législation finlandaise en cause en l’espèce et notamment du régime de sanctions pénales par lequel le franchissement de la frontière nationale sans carte d’identité ou passeport en cours de validité passible d’une amende peut s’élever à 20 % du revenu mensuel net du contrevenant.
Appréciation de la Cour
Dans son arrêt la Cour précise, tout d’abord, les conditions dans lesquelles une obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport peut être imposée, sous peine de sanctions, le cas échéant de nature pénale, lors des voyages vers un État membre autre que celui dont la personne concernée a la nationalité.
À cet égard, elle constate, en premier lieu, que les termes « muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité » utilisés dans la directive 2004/38{2}, précisant l’article 21 TFUE, signifient que l’exercice, par les ressortissants d’un État membre, de leur droit de se rendre dans un autre État membre est soumis à la condition qu’ils portent sur eux un de ces deux documents en cours de validité. Cette formalité liée à la libre circulation{3} vise à faciliter l’exercice du droit à la libre circulation en garantissant que toute personne bénéficiant de ce droit soit sans difficulté identifiée comme telle dans le cadre d’une éventuelle vérification. Par conséquent, un État membre qui oblige ses ressortissants à se munir d’un des documents visés, lorsqu’ils franchissent la frontière nationale pour se déplacer vers un autre État membre, contribue au respect de cette formalité.
S’agissant, en second lieu, des sanctions susceptibles d’être infligées à un citoyen de l’Union qui ne respecte pas ladite formalité, la Cour précise, en faisant référence à l’autonomie des États membres à cet égard, que les États membres peuvent prévoir des sanctions, le cas échéant de nature pénale, à condition que celles-ci respectent, notamment, les principes de proportionnalité et de non-discrimination.
La Cour conclut par conséquent que le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation ne s’oppose pas à une réglementation nationale par laquelle un État membre oblige, sous peine de sanctions pénales, ses ressortissants à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils effectuent un voyage vers un autre État membre, indépendamment du moyen de transport utilisé et de l’itinéraire. Cependant, les modalités de ces sanctions doivent être conformes aux principes généraux du droit de l’Union, dont ceux de proportionnalité et de non-discrimination.
La Cour parvient, par ailleurs, à cette même conclusion en ce qui concerne l’exigence d’être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport lors de l’entrée d’un ressortissant d’un État membre sur le territoire de celui-ci en arrivant d’un autre État membre. Elle précise toutefois que, si la présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport peut être sollicitée lors de ce retour du ressortissant d’un État membre sur le territoire de celui-ci, l’obligation d’être muni d’un tel document ne saurait conditionner le droit d’entrée.
Enfin, la Cour examine la question de savoir si l’article 21, paragraphe 1, TFUE et la directive 2004/38, lus à lumière du principe de proportionnalité de la peine prévu par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne{4}, s’opposent à un régime de sanctions pénales tel que celui prévu en droit finlandais dans le cadre du franchissement de la frontière nationale sans carte d’identité ou passeport en cours de validité.
À cet égard, elle relève que, s’il est loisible aux États membres d’infliger une amende afin de sanctionner la méconnaissance d’une exigence formelle relative à l’exercice d’un droit conféré par le droit de l’Union, cette sanction doit être proportionnée à la gravité de l’infraction. Or, lorsque, comme en l’occurrence, l’obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité est méconnue par un bénéficiaire du droit à la libre circulation qui est titulaire d’un tel document mais a seulement omis de se munir de celui-ci lors de son voyage, l’infraction est de faible gravité. Partant, une sanction pécuniaire lourde, telle qu’une amende s’élevant à 20 % du montant du revenu mensuel moyen net du contrevenant, n’est pas proportionnée à la gravité de cette infraction.
{1} Eu égard aux dispositions relatives au franchissement des frontières énoncées par le règlement (CE) nº 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
{2} Article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).
{3} Considérant 7 de la directive 2004/38.
{4} Article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
79. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Champ d'application personnel - Mineur ressortissant d'un État membre n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Inclusion - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Portée - Droit du mineur d'obtenir une carte d'identité ou un passeport indiquant sa nationalité et son nom patronymique - Inclusion - Filiation biologique ou juridique entre le mineur et ses deux parents établie par l'État membre d'accueil - Refus par l'État membre d'origine de l'enfant de reconnaître cette filiation - Inadmissibilité - Justification par des raisons liées à l'ordre public et à l'identité nationale - Absence
V.M.A., ressortissante bulgare, et K.D.K. résident depuis 2015 en Espagne et se sont mariées en 2018. Leur enfant, S.D.K.A., est né en 2019 en Espagne. L’acte de naissance de cet enfant, établi par les autorités espagnoles, mentionne les deux mères comme étant les parents de celui-ci.
Un acte de naissance délivré par les autorités bulgares étant nécessaire pour l’obtention d’un document d’identité bulgare, V.М.А. a demandé à la commune de Sofia{1} de lui en délivrer un pour S.D.K.A. À l’appui de sa demande, V.М.А. a présenté une traduction en langue bulgare, certifiée conforme, de l’extrait du registre d’état civil espagnol relatif à l’acte de naissance de S.D.K.A.
La commune de Sofia a enjoint à V.М.А. de fournir des preuves relatives à la filiation de S.D.K.A., concernant l’identité de sa mère biologique. En effet, le modèle d’acte de naissance en vigueur en Bulgarie prévoit une seule case pour la « mère »{2}, et une autre pour le « père », un seul nom pouvant figurer dans chacune de ces cases.
V.М.А. estimant ne pas être tenue de fournir l’information requise, la commune de Sofia a refusé de délivrer l’acte de naissance demandé au vu de l’absence d’informations concernant l’identité de la mère biologique de l’enfant concerné et du fait que la mention dans un acte de naissance de deux parents de sexe féminin était contraire à l’ordre public bulgare, lequel n’autorise pas le mariage entre deux personnes de même sexe.
V.M. A. a formé un recours contre cette décision de rejet devant l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie), la juridiction de renvoi.
Celle-ci se demande si le refus des autorités bulgares d’enregistrer la naissance d’un ressortissant bulgare{3}, survenue dans un autre État membre et attestée par un acte de naissance mentionnant deux mères, délivré dans ce dernier État membre, porte atteinte aux droits conférés audit ressortissant par les articles 20 et 21 TFUE, ainsi que les articles 7, 24 et 45 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne{4}. En effet, ce refus pourrait rendre plus difficile la délivrance d’un document d’identité bulgare et, partant, entraver pour cet enfant l’exercice du droit à la libre circulation et ainsi la pleine jouissance de ses droits de citoyen de l’Union.
Dans ces conditions, cette juridiction a décidé d’interroger la Cour sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, TUE{5}, des articles 20 et 21 TFUE ainsi que des articles 7, 24 et 45 de la Charte. Elle demande, en substance, si ces dispositions obligent un État membre à délivrer un acte de naissance, en vue d’obtenir un document d’identité bulgare, pour un enfant, ressortissant de cet État membre, dont la naissance dans un autre État membre est attestée par un acte de naissance établi par les autorités de cet autre État membre, conformément au droit national de celui-ci, et désignant, comme étant les mères de cet enfant, une ressortissante du premier de ces États membres et son épouse, sans spécifier laquelle des deux femmes a donné naissance audit enfant.
Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour interprète les dispositions précitées en ce sens que, s’agissant d’un enfant mineur, citoyen de l’Union dont l’acte de naissance délivré par les autorités compétentes de l’État membre d’accueil désigne comme ses parents deux personnes de même sexe, l’État membre dont cet enfant est ressortissant est obligé, d’une part, de lui délivrer une carte d’identité ou un passeport, sans requérir l’établissement préalable d’un acte de naissance par ses autorités nationales, ainsi que, d’autre part, de reconnaître, à l’instar de tout autre État membre, le document émanant de l’État membre d’accueil permettant audit enfant d’exercer, avec chacune de ces deux personnes, son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
Appréciation de la Cour
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour rappelle d’abord que, pour permettre aux ressortissants des États membres d’exercer le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres{6}, reconnu à tout citoyen de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE, la directive 2004/38{7} impose aux États membres, agissant conformément à leur législation, de délivrer à leurs citoyens une carte d’identité ou un passeport indiquant leur nationalité.
Partant, dans la mesure où S.D.K.A. a la nationalité bulgare, les autorités bulgares sont tenues de lui délivrer une carte d’identité ou un passeport bulgare, indiquant son nom patronymique tel qu’il résulte de l’acte de naissance établi par les autorités espagnoles, indépendamment de l’établissement d’un nouvel acte de naissance.
Un tel document, seul ou associé à un document délivré par l’État membre d’accueil, doit permettre à un enfant tel que S.D.K.A. d’exercer son droit de libre circulation, avec chacune de ses deux mères, dont le statut de parents de cet enfant a été établi par l’État membre d’accueil lors d’un séjour conforme à la directive 2004/38.
En effet, les droits reconnus aux ressortissants des États membres par l’article 21, paragraphe 1, TFUE incluent celui de mener une vie familiale normale tant dans leur État membre d’accueil que dans l’État membre dont ils ont la nationalité, lors du retour sur le territoire de cet État membre, en y bénéficiant de la présence, à leurs côtés, des membres de leur famille. Les autorités espagnoles ayant légalement établi l’existence d’un lien de filiation, biologique ou juridique, entre S.D.K.A. et ses deux parents, attesté dans l’acte de naissance délivré pour l’enfant, V.M.A. et K.D.K. doivent dès lors, en application de l’article 21 TFUE et de la directive 2004/38, se voir reconnaître par l’ensemble des États membres le droit, en tant que parents d’un citoyen de l’Union mineur dont elles assurent effectivement la garde, d’accompagner ce dernier lorsqu’il exerce ses droits.
Il en résulte, d’une part, que les États membres doivent reconnaître ce lien de filiation pour permettre à S.D.K.A. d’exercer, avec chacun de ses parents, son droit de libre circulation. D’autre part, les deux parents doivent disposer d’un document les habilitant à voyager avec cet enfant. Les autorités de l’État membre d’accueil sont les mieux placées pour établir un tel document, qui peut consister en l’acte de naissance et que les autres États membres ont l’obligation de reconnaître.
Certes, l’état des personnes relève de la compétence des États membres, lesquels sont libres de prévoir ou non, dans leur droit national, le mariage pour des personnes de même sexe ou la parentalité de ces dernières. Or, dans l’exercice de cette compétence, chaque État membre doit respecter le droit de l’Union, en particulier les dispositions du traité relatives à la liberté de circulation et de séjour des citoyens de l’Union, en reconnaissant, à cette fin, l’état des personnes établi dans un autre État membre conformément au droit de celui-ci.
En l’occurrence, l’obligation pour un État membre, d’une part, de délivrer un document d’identité à un enfant, ressortissant dudit État, qui est né dans un autre État membre dans lequel l’acte de naissance a été établi et désigne comme parents deux personnes de même sexe, et, d’autre part, de reconnaître le lien de filiation entre cet enfant et chacune de ces deux personnes, dans le cadre de l’exercice par celui-ci de ses droits au titre de l’article 21 TFUE et des actes de droit dérivé qui y sont relatifs, ne méconnaît pas l’identité nationale ni ne menace l’ordre public de cet État membre. En effet, elle n’implique pas, pour l’État membre concerné, de prévoir, dans son droit national, la parentalité de personnes de même sexe ou de reconnaître, à d’autres fins que l’exercice des droits que cet enfant tire du droit de l’Union, le lien de filiation entre ledit enfant et les personnes mentionnées comme étant ses parents dans l’acte de naissance établi par les autorités de l’État membre d’accueil.
Enfin, une mesure nationale de nature à entraver l’exercice de la libre circulation des personnes ne peut être justifiée que lorsqu’elle est conforme aux droits fondamentaux garantis par la Charte{8}. Or, il est contraire aux droits fondamentaux garantis par les articles 7 et 24 de la Charte de priver l’enfant de la relation avec l’un de ses parents lors de l’exercice de son droit de libre circulation ou de lui rendre l’exercice de ce droit impossible ou excessivement difficile au motif que ses parents sont de même sexe.
{1} La Stolichna obshtina, rayon « Pancharevo » (commune de Sofia, arrondissement de Pancharevo, Bulgarie) (ci-après la « commune de Sofia »).
{2} D’après le Semeen kodeks (code de la famille bulgare), dans sa version applicable au litige au principal, la filiation à l’égard de la mère est déterminée par la naissance, la mère de l’enfant étant définie comme étant la femme qui lui a donné naissance, y compris en cas de procréation médicalement assistée.
{3} Selon cette juridiction, il est constant que, même en l’absence d’acte de naissance délivré par les autorités bulgares, l’enfant a la nationalité bulgare en vertu, notamment, de l’article 25, paragraphe 1, de la Constitution bulgare.
{4} Ci-après la « Charte ».
{5} En vertu duquel, notamment, l’Union respecte l’identité nationale de ses États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles.
{6} Ci-après le « droit de libre circulation ».
{7} Article 4, paragraphe 3, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35).
{8} Sont pertinents dans la situation faisant l’objet du litige au principal le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 7 de la Charte ainsi que les droits de l’enfant garantis par l’article 24 de celle-ci, notamment le droit à la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que celui d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents.
80. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Conditions du droit de séjour au titre du droit de l'Union - Citoyen de l'Union mineur disposant d'un droit de séjour permanent dans l'État membre d'accueil - Parent dudit mineur, ressortissant d'un État tiers, séjournant dans cet État membre en vertu de l'article 21 TFUE et assurant effectivement sa garde - Absence d'obligation pour chacun d'eux de disposer d'une assurance maladie complète afin de conserver leur droit de séjour
VI et son mari sont des ressortissants pakistanais qui résident en Irlande du Nord (Royaume-Uni) avec leurs enfants. Leur fils, né en 2004, de nationalité irlandaise, a acquis un droit de séjour permanent au Royaume-Uni en raison de son séjour légal pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Si VI, qui s’est occupée dans un premier temps de leurs enfants, travaille et n’est assujettie à l’impôt que depuis avril 2016, son mari a, pour sa part, travaillé et été assujetti à l’impôt pendant toutes les périodes en cause au principal, les deux époux disposant des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de leur famille.
Les Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs (administration fiscale et douanière, Royaume-Uni) ont considéré que, de mai à août 2006 et d’août 2014 à septembre 2016, VI n’était pas couverte par une assurance maladie complète et, par conséquent, ne disposait pas du droit de séjour au Royaume-Uni, de sorte qu’elle ne pouvait bénéficier, pour ces deux périodes, ni du crédit d’impôt pour enfant à charge ni d’allocations familiales.
Saisi de deux recours visant ces droits, le Social Security Appeal Tribunal (Northern Ireland) (tribunal d’appel en matière de sécurité sociale, Irlande du Nord, Royaume-Uni) interroge la Cour sur le point de savoir dans quelle mesure l’exigence de disposer d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38{1}, était applicable à VI et à son fils pendant les périodes concernées et, le cas échéant, si l’affiliation, à titre gratuit, au système public d’assurance maladie de l’État d’accueil, dont ils disposaient, était suffisante pour satisfaire à cette exigence.
La Cour dit pour droit que l’article 21 TFUE, qui consacre la liberté de circulation et de séjour des citoyens de l’Union, et l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, qui vise l’acquisition du droit de séjour permanent, doivent être interprétés en ce sens que ni l’enfant, citoyen de l’Union, qui a acquis un droit de séjour permanent, ni le parent assurant effectivement sa garde ne sont tenus de disposer d’une assurance maladie complète, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, afin de conserver leur droit de séjour dans l’État d’accueil. En revanche, s’agissant des périodes antérieures à l’acquisition par un enfant, citoyen de l’Union, d’un droit de séjour permanent dans l’État d’accueil, tant cet enfant, lorsqu’un droit de séjour est réclamé pour lui sur le fondement de cet article 7, paragraphe 1, sous b), que le parent assurant effectivement sa garde doivent disposer d’une assurance maladie complète, au sens de ladite directive.
Appréciation de la Cour
S’agissant, d’une part, des périodes situées après qu’un enfant, citoyen de l’Union ait acquis un droit de séjour permanent après avoir séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, la Cour souligne que ce droit n’est plus soumis{2} aux conditions de disposer, pour soi et sa famille, de ressources suffisantes ainsi que d’une assurance maladie complète, applicables avant l’acquisition d’un tel droit de séjour permanent{3}.
En ce qui concerne le parent, ressortissant d’un État tiers qui assure effectivement la garde de cet enfant, la Cour constate que celui-ci n’est pas un « membre de la famille », au sens de la directive 2004/38, et ne saurait donc tirer de celle-ci{4}, un droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil lorsque ledit enfant est à la charge de son parent. En effet, la notion de « membre de la famille », au sens de cette directive, est limitée{5}, pour ce qui concerne les ascendants d’un citoyen de l’Union, aux ascendants directs « à charge » de ce citoyen.
Cela étant, le droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil, conféré par le droit de l’Union au ressortissant mineur d’un autre État membre, doit, aux fins d’assurer l’effet utile de ce droit de séjour, être considéré comme impliquant nécessairement, en vertu de l’article 21 TFUE, un droit pour le parent qui assure effectivement la garde de ce citoyen de l’Union mineur de séjourner avec lui dans l’État membre d’accueil, et ce indépendamment de la nationalité de ce parent. Il s’ensuit que l’inapplicabilité des conditions énoncées, notamment, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, à la suite de l’acquisition, par ledit mineur, d’un droit de séjour permanent en vertu de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, s’étend, en vertu de l’article 21 TFUE, à ce parent.
D’autre part, quant aux périodes situées avant qu’un enfant, citoyen de l’Union, ait acquis un droit de séjour permanent dans l’État d’accueil, il résulte du libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 ainsi que de l’économie générale et de la finalité de cette directive que non seulement le citoyen de l’Union, mais également les membres de sa famille qui résident avec celui-ci dans l’État d’accueil, ainsi que le parent qui assure effectivement la garde d’un tel enfant, doivent être couverts par une assurance maladie complète.
À cet égard, il découle de cet article, lu en combinaison avec le considérant 10 et avec l’article 14, paragraphe 2, de la même directive, que, pendant toute la durée du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil supérieure à trois mois et inférieure à cinq ans, le citoyen de l’Union économiquement inactif doit, notamment, disposer, pour lui-même et pour les membres de sa famille, d’une assurance maladie complète afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de cet État membre. Dans le cas d’un enfant, citoyen de l’Union, qui réside dans l’État d’accueil avec un parent assurant effectivement sa garde, cette exigence est satisfaite tant lorsque cet enfant dispose d’une assurance maladie complète qui couvre son parent, que dans l’hypothèse inverse où ce parent dispose d’une telle assurance couvrant l’enfant.
Or, dans le cas d’un citoyen de l’Union mineur dont l’un des parents, ressortissant d’un État tiers, a travaillé et a été assujetti à l’impôt dans l’État d’accueil pendant la période concernée, il serait disproportionné de refuser à cet enfant et au parent assurant effectivement sa garde un droit de séjour au seul motif que, pendant cette période, ils ont été affiliés gratuitement au système public d’assurance maladie de l’État d’accueil. En effet, il ne saurait être considéré que cette affiliation gratuite constitue, dans les conditions qui caractérisent l’affaire au principal, une charge déraisonnable pour les finances publiques dudit État.
{1} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35). L’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive dispose que tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil.
{2} En vertu de l’article 16, paragraphe 1, dernière phrase, de la directive 2004/38.
{3} Prévues à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38.
{4} L’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38, dispose que le paragraphe 1 de cet article s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.
{5} Aux termes de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38.
81. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Conditions du droit de séjour au titre du droit de l'Union - Citoyen de l'Union mineur disposant d'un droit de séjour permanent dans l'État membre d'accueil - Parent dudit mineur, ressortissant d'un État tiers, séjournant dans cet État membre en vertu de l'article 21 TFUE et assurant effectivement sa garde - Obligation pour chacun d'eux de disposer d'une assurance maladie complète pour les périodes antérieures à l'acquisition du droit de séjour permanent - Obligation remplie par leur affiliation, à titre gratuit, au système public d'assurance maladie de l'État membre d'accueil
VI et son mari sont des ressortissants pakistanais qui résident en Irlande du Nord (Royaume-Uni) avec leurs enfants. Leur fils, né en 2004, de nationalité irlandaise, a acquis un droit de séjour permanent au Royaume-Uni en raison de son séjour légal pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Si VI, qui s’est occupée dans un premier temps de leurs enfants, travaille et n’est assujettie à l’impôt que depuis avril 2016, son mari a, pour sa part, travaillé et été assujetti à l’impôt pendant toutes les périodes en cause au principal, les deux époux disposant des ressources suffisantes pour subvenir aux besoins de leur famille.
Les Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs (administration fiscale et douanière, Royaume-Uni) ont considéré que, de mai à août 2006 et d’août 2014 à septembre 2016, VI n’était pas couverte par une assurance maladie complète et, par conséquent, ne disposait pas du droit de séjour au Royaume-Uni, de sorte qu’elle ne pouvait bénéficier, pour ces deux périodes, ni du crédit d’impôt pour enfant à charge ni d’allocations familiales.
Saisi de deux recours visant ces droits, le Social Security Appeal Tribunal (Northern Ireland) (tribunal d’appel en matière de sécurité sociale, Irlande du Nord, Royaume-Uni) interroge la Cour sur le point de savoir dans quelle mesure l’exigence de disposer d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38{1}, était applicable à VI et à son fils pendant les périodes concernées et, le cas échéant, si l’affiliation, à titre gratuit, au système public d’assurance maladie de l’État d’accueil, dont ils disposaient, était suffisante pour satisfaire à cette exigence.
La Cour dit pour droit que l’article 21 TFUE, qui consacre la liberté de circulation et de séjour des citoyens de l’Union, et l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, qui vise l’acquisition du droit de séjour permanent, doivent être interprétés en ce sens que ni l’enfant, citoyen de l’Union, qui a acquis un droit de séjour permanent, ni le parent assurant effectivement sa garde ne sont tenus de disposer d’une assurance maladie complète, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive, afin de conserver leur droit de séjour dans l’État d’accueil. En revanche, s’agissant des périodes antérieures à l’acquisition par un enfant, citoyen de l’Union, d’un droit de séjour permanent dans l’État d’accueil, tant cet enfant, lorsqu’un droit de séjour est réclamé pour lui sur le fondement de cet article 7, paragraphe 1, sous b), que le parent assurant effectivement sa garde doivent disposer d’une assurance maladie complète, au sens de ladite directive.
Appréciation de la Cour
S’agissant, d’une part, des périodes situées après qu’un enfant, citoyen de l’Union ait acquis un droit de séjour permanent après avoir séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, la Cour souligne que ce droit n’est plus soumis{2} aux conditions de disposer, pour soi et sa famille, de ressources suffisantes ainsi que d’une assurance maladie complète, applicables avant l’acquisition d’un tel droit de séjour permanent{3}.
En ce qui concerne le parent, ressortissant d’un État tiers qui assure effectivement la garde de cet enfant, la Cour constate que celui-ci n’est pas un « membre de la famille », au sens de la directive 2004/38, et ne saurait donc tirer de celle-ci{4}, un droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil lorsque ledit enfant est à la charge de son parent. En effet, la notion de « membre de la famille », au sens de cette directive, est limitée{5}, pour ce qui concerne les ascendants d’un citoyen de l’Union, aux ascendants directs « à charge » de ce citoyen.
Cela étant, le droit de séjour permanent dans l’État membre d’accueil, conféré par le droit de l’Union au ressortissant mineur d’un autre État membre, doit, aux fins d’assurer l’effet utile de ce droit de séjour, être considéré comme impliquant nécessairement, en vertu de l’article 21 TFUE, un droit pour le parent qui assure effectivement la garde de ce citoyen de l’Union mineur de séjourner avec lui dans l’État membre d’accueil, et ce indépendamment de la nationalité de ce parent. Il s’ensuit que l’inapplicabilité des conditions énoncées, notamment, à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, à la suite de l’acquisition, par ledit mineur, d’un droit de séjour permanent en vertu de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, s’étend, en vertu de l’article 21 TFUE, à ce parent.
D’autre part, quant aux périodes situées avant qu’un enfant, citoyen de l’Union, ait acquis un droit de séjour permanent dans l’État d’accueil, il résulte du libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 ainsi que de l’économie générale et de la finalité de cette directive que non seulement le citoyen de l’Union, mais également les membres de sa famille qui résident avec celui-ci dans l’État d’accueil, ainsi que le parent qui assure effectivement la garde d’un tel enfant, doivent être couverts par une assurance maladie complète.
À cet égard, il découle de cet article, lu en combinaison avec le considérant 10 et avec l’article 14, paragraphe 2, de la même directive, que, pendant toute la durée du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil supérieure à trois mois et inférieure à cinq ans, le citoyen de l’Union économiquement inactif doit, notamment, disposer, pour lui-même et pour les membres de sa famille, d’une assurance maladie complète afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de cet État membre. Dans le cas d’un enfant, citoyen de l’Union, qui réside dans l’État d’accueil avec un parent assurant effectivement sa garde, cette exigence est satisfaite tant lorsque cet enfant dispose d’une assurance maladie complète qui couvre son parent, que dans l’hypothèse inverse où ce parent dispose d’une telle assurance couvrant l’enfant.
Or, dans le cas d’un citoyen de l’Union mineur dont l’un des parents, ressortissant d’un État tiers, a travaillé et a été assujetti à l’impôt dans l’État d’accueil pendant la période concernée, il serait disproportionné de refuser à cet enfant et au parent assurant effectivement sa garde un droit de séjour au seul motif que, pendant cette période, ils ont été affiliés gratuitement au système public d’assurance maladie de l’État d’accueil. En effet, il ne saurait être considéré que cette affiliation gratuite constitue, dans les conditions qui caractérisent l’affaire au principal, une charge déraisonnable pour les finances publiques dudit État.
{1} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35). L’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive dispose que tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil.
{2} En vertu de l’article 16, paragraphe 1, dernière phrase, de la directive 2004/38.
{3} Prévues à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38.
{4} L’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38, dispose que le paragraphe 1 de cet article s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.
{5} Aux termes de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38.
82. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé des membres de sa famille, ressortissants d'un pays tiers - Conditions d'octroi - Réglementation nationale rejetant, en toutes circonstances et de manière automatique, la demande de regroupement familial introduite par le membre de la famille, en cas de ressources insuffisantes du citoyen de l'Union, ressortissant de cet État, pour subvenir à leurs besoins - Inadmissibilité - Obligation d'examiner l'existence d'une relation de dépendance entre ce citoyen et ledit membre de sa famille pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l'Union en cas de refus du droit de séjour - Privation de la jouissance effective de l'essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l'Union
XU est un enfant né au Venezuela d’une mère vénézuélienne qui en a la garde exclusive. Il réside en Espagne avec sa mère, le ressortissant espagnol qu’elle a épousé et l’enfant qu’elle a eu avec ce dernier, de nationalité espagnole. QP, de nationalité péruvienne, a épousé une ressortissante espagnole, avec laquelle il a eu un enfant, de nationalité espagnole. XU et QP sont, chacun, membres de la famille d’un citoyen de l’Union possédant la nationalité de l’État dans lequel ils résident et n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation dans un autre État membre.
XU et QP se sont vu refuser leurs demandes d’obtention d’une carte de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union{1} au motif que ce dernier ne disposait pas, pour lui-même et pour les membres de sa famille, de ressources financières suffisantes{2}. Seule la situation économique du beau-père, dans le cas de XU, et de l’épouse, dans le cas de QP, a été prise en compte par l’administration compétente, à savoir la Subdelegación del Gobierno en Toledo (sous-délégation du gouvernement à Tolède, Espagne).
Les recours formés contre ces décisions de rejet ayant été accueillis, l’administration a interjeté appel des jugements rendus à cet égard devant la juridiction de renvoi.
Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité, avec le droit de l’Union{3}, d’une pratique consistant à refuser automatiquement le regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un ressortissant espagnol qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif de la situation économique de ce dernier. Une telle pratique pourrait aboutir à ce que ce ressortissant espagnol doive quitter le territoire de l’Union. Selon ladite juridiction, tel pourrait être le cas dans les deux affaires, compte tenu de l’obligation de vie commune imposée par la réglementation espagnole applicable au mariage{4}.
Dans son arrêt, la Cour juge, en substance, que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre rejette une demande de regroupement familial, introduite au profit d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui possède la nationalité de cet État membre et qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif que ce citoyen de l’Union ne dispose pas, pour lui et ce membre de sa famille, de ressources suffisantes, sans qu’il ait été examiné s’il existe, entre ce citoyen de l’Union et le membre de sa famille, une relation de dépendance telle que, en cas de refus d’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier, le même citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble et serait ainsi privé de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Elle donne ensuite plusieurs précisions pour apprécier s’il existe, dans chaque cas de figure, une relation de dépendance de nature à justifier l’octroi au ressortissant d’un pays tiers d’un droit de séjour dérivé au titre du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
S’agissant du regroupement familial et de l’exigence de disposer de ressources suffisantes, à titre liminaire, la Cour rappelle que le droit de l’Union ne s’applique pas, en principe, à une demande de regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un membre de sa famille, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et qu’il ne s’oppose dès lors pas, en principe, à une réglementation d’un État membre subordonnant un tel regroupement familial à une condition de ressources suffisantes. Cependant, l’imposition systématique, sans aucune exception, d’une telle condition peut méconnaître le droit de séjour dérivé qui doit être reconnu, dans des situations très particulières, en vertu de l’article 20 TFUE, au ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, notamment, si le refus d’un tel droit contraignait ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union, le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Tel est le cas s’il existe, entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle aboutirait à ce que ce dernier soit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble.
En ce qui concerne l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C-532/19, la Cour précise, dans un premier temps, qu’une relation de dépendance, de nature à justifier l’octroi d’un droit de séjour dérivé, au titre de l’article 20 TFUE, n’existe pas au seul motif que le ressortissant d’un État membre, majeur et n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et son conjoint, majeur et ressortissant d’un pays tiers, sont tenus de vivre ensemble, en application des règles de l’État membre dont le citoyen de l’Union est ressortissant et dans lequel le mariage a été contracté.
La Cour examine, dans un second temps, si une telle relation de dépendance peut exister lorsque ce ressortissant et son conjoint, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sont les parents d’un mineur, ressortissant du même État membre et n’ayant pas exercé sa liberté de circulation.
En effet, pour apprécier le risque que l’enfant concerné, citoyen de l’Union, soit contraint de quitter le territoire de l’Union si son parent, ressortissant d’un pays tiers, se voyait refuser l’octroi d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre concerné, il faut déterminer si ce parent assume la garde effective de l’enfant et s’il existe une relation de dépendance effective entre eux, en tenant compte du droit au respect de la vie familiale{5} et de l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant{6}.
La circonstance que l’autre parent, citoyen de l’Union, est réellement capable d’assumer seul la charge quotidienne et effective de l’enfant, et prêt à le faire, ne suffit pas pour pouvoir constater qu’il n’existe pas, entre le parent ressortissant d’un pays tiers et l’enfant, une relation de dépendance telle que ce dernier devrait quitter le territoire de l’Union si un droit de séjour était refusé à ce ressortissant d’un pays tiers. En effet, une telle constatation doit être fondée sur la prise en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant concerné, de l’ensemble des circonstances de l’espèce{7}.
Ainsi, le fait que le parent, ressortissant d’un pays tiers, cohabite avec l’enfant mineur, citoyen de l’Union, est pertinent pour déterminer l’existence d’une relation de dépendance entre eux, mais ne constitue pas une condition nécessaire. En outre, lorsque le citoyen de l’Union mineur cohabite de façon stable avec ses deux parents et que la garde de cet enfant ainsi que la charge légale, affective et financière de celui-ci sont, dès lors, partagées quotidiennement par ces deux parents, il peut être présumé, de manière réfragable, qu’il existe une relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union mineur et son parent, ressortissant d’un pays tiers, indépendamment du fait que l’autre parent de cet enfant dispose, en tant que ressortissant de l’État membre sur le territoire duquel est établie cette famille, d’un droit inconditionnel à demeurer sur le territoire de cet État membre.
Concernant l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C-451/19, en premier lieu, la Cour souligne que, le droit de séjour dérivé susceptible d’être accordé à un ressortissant d’un pays tiers en vertu de l’article 20 TFUE ayant une portée subsidiaire, la juridiction de renvoi doit, notamment, examiner si XU, qui était mineur à la date du rejet de la demande de titre de séjour et dont la mère, ressortissante d’un pays tiers, disposait d’un tel titre sur le territoire espagnol, ne pouvait pas, à cette date, bénéficier, d’un droit de séjour sur ce même territoire en vertu de la directive 2003/86{8}.
En second lieu, dans l’hypothèse où XU ne disposerait d’aucun titre de séjour en vertu du droit dérivé de l’Union ou du droit national, la Cour examine si l’article 20 TFUE peut permettre l’octroi d’un droit de séjour dérivé au profit de ce ressortissant d’un pays tiers.
À cet égard, il faut déterminer si, à la date à laquelle la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier aurait pu imposer, dans les faits, à sa mère de quitter le territoire de l’Union, en raison du lien de dépendance qui aurait existé entre eux et, dans l’affirmative, si le départ de la mère de XU aurait également obligé, dans les faits, son enfant mineur, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, en raison de la relation de dépendance existant entre ce citoyen de l’Union et sa mère.
L’appréciation, aux fins de l’application de l’article 20 TFUE, de l’existence d’une relation de dépendance entre un parent et son enfant, tous deux ressortissants de pays tiers, repose, mutatis mutandis, sur les mêmes critères que ceux énoncés précédemment. Lorsque c’est un mineur, ressortissant d’un pays tiers, qui fait l’objet d’un refus de titre de séjour et risque d’être contraint de quitter le territoire de l’Union, le fait que son autre parent puisse effectivement le prendre en charge, d’un point de vue légal, financier et affectif, y compris dans son pays d’origine, est pertinent, mais ne suffit pas pour conclure que le parent, ressortissant de pays tiers et résidant sur le territoire dudit État membre ne serait pas contraint, dans les faits, de quitter le territoire de l’Union.
Si, à la date où la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier du territoire espagnol aurait, en pratique, contraint non seulement sa mère, ressortissante d’un pays tiers, mais également l’autre enfant de celle-ci, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, un droit de séjour dérivé aurait dû être reconnu à son demi-frère, XU, au titre de l’article 20 TFUE, afin d’empêcher que ce citoyen de l’Union ne soit privé, par son départ, de la jouissance de l’essentiel des droits qu’il tient de son statut.
{1} En l’occurrence, pour XU, son beau-père et, pour QP, son épouse.
{2} Afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’Espagne, comme le prévoit la législation espagnole.
{3} L’article 20 TFUE, relatif à la citoyenneté de l’Union.
{4} Dans l’affaire C-532/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à QP obligerait son épouse à quitter le territoire de l’Union. Dans l’affaire C-451/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à XU conduirait à la sortie de XU et de sa mère du territoire de l’Union, et contraindrait non seulement l’époux de celle-ci, mais aussi l’enfant mineur, ressortissant espagnol issu de leur union, à quitter ce territoire.
{5} Énoncé à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{6} Reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte et lequel comprend le droit pour cet enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, consacré à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte.
{7} Notamment, l’âge de l’enfant, son développement physique et émotionnel, le degré de sa relation affective tant avec le parent citoyen de l’Union qu’avec le parent ressortissant d’un pays tiers, ainsi que le risque que la séparation d’avec ce dernier engendrerait pour l’équilibre de cet enfant.
{8} Directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12), article 4, paragraphe 1, sous c). Même si cette directive prévoit qu’elle ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union, compte tenu de son objectif, qui est de favoriser le regroupement familial, et de la protection qu’elle vise à accorder aux ressortissants de pays tiers, notamment aux mineurs, son application au profit d’un mineur ressortissant d’un pays tiers ne peut pas être exclue du seul fait que son parent, ressortissant d’un pays tiers, est également le parent d’un citoyen de l’Union, né d’une union avec un ressortissant d’un État membre
83. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Mineur, citoyen de l'Union, ayant un parent ressortissant d'un pays tiers - Refus du droit de séjour opposé audit parent pouvant avoir pour effet de contraindre l'enfant à quitter le territoire de l'Union - Existence d'une relation de dépendance entre l'enfant et ce parent - Appréciation devant être fondée sur la prise en compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce - Cohabitation stable dudit parent avec l'autre parent, citoyen de l'Union - Présomption réfragable de relation de dépendance
XU est un enfant né au Venezuela d’une mère vénézuélienne qui en a la garde exclusive. Il réside en Espagne avec sa mère, le ressortissant espagnol qu’elle a épousé et l’enfant qu’elle a eu avec ce dernier, de nationalité espagnole. QP, de nationalité péruvienne, a épousé une ressortissante espagnole, avec laquelle il a eu un enfant, de nationalité espagnole. XU et QP sont, chacun, membres de la famille d’un citoyen de l’Union possédant la nationalité de l’État dans lequel ils résident et n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation dans un autre État membre.
XU et QP se sont vu refuser leurs demandes d’obtention d’une carte de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union{1} au motif que ce dernier ne disposait pas, pour lui-même et pour les membres de sa famille, de ressources financières suffisantes{2}. Seule la situation économique du beau-père, dans le cas de XU, et de l’épouse, dans le cas de QP, a été prise en compte par l’administration compétente, à savoir la Subdelegación del Gobierno en Toledo (sous-délégation du gouvernement à Tolède, Espagne).
Les recours formés contre ces décisions de rejet ayant été accueillis, l’administration a interjeté appel des jugements rendus à cet égard devant la juridiction de renvoi.
Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité, avec le droit de l’Union{3}, d’une pratique consistant à refuser automatiquement le regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un ressortissant espagnol qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif de la situation économique de ce dernier. Une telle pratique pourrait aboutir à ce que ce ressortissant espagnol doive quitter le territoire de l’Union. Selon ladite juridiction, tel pourrait être le cas dans les deux affaires, compte tenu de l’obligation de vie commune imposée par la réglementation espagnole applicable au mariage{4}.
Dans son arrêt, la Cour juge, en substance, que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre rejette une demande de regroupement familial, introduite au profit d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui possède la nationalité de cet État membre et qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif que ce citoyen de l’Union ne dispose pas, pour lui et ce membre de sa famille, de ressources suffisantes, sans qu’il ait été examiné s’il existe, entre ce citoyen de l’Union et le membre de sa famille, une relation de dépendance telle que, en cas de refus d’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier, le même citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble et serait ainsi privé de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Elle donne ensuite plusieurs précisions pour apprécier s’il existe, dans chaque cas de figure, une relation de dépendance de nature à justifier l’octroi au ressortissant d’un pays tiers d’un droit de séjour dérivé au titre du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
S’agissant du regroupement familial et de l’exigence de disposer de ressources suffisantes, à titre liminaire, la Cour rappelle que le droit de l’Union ne s’applique pas, en principe, à une demande de regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un membre de sa famille, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et qu’il ne s’oppose dès lors pas, en principe, à une réglementation d’un État membre subordonnant un tel regroupement familial à une condition de ressources suffisantes. Cependant, l’imposition systématique, sans aucune exception, d’une telle condition peut méconnaître le droit de séjour dérivé qui doit être reconnu, dans des situations très particulières, en vertu de l’article 20 TFUE, au ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, notamment, si le refus d’un tel droit contraignait ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union, le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Tel est le cas s’il existe, entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle aboutirait à ce que ce dernier soit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble.
En ce qui concerne l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C-532/19, la Cour précise, dans un premier temps, qu’une relation de dépendance, de nature à justifier l’octroi d’un droit de séjour dérivé, au titre de l’article 20 TFUE, n’existe pas au seul motif que le ressortissant d’un État membre, majeur et n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et son conjoint, majeur et ressortissant d’un pays tiers, sont tenus de vivre ensemble, en application des règles de l’État membre dont le citoyen de l’Union est ressortissant et dans lequel le mariage a été contracté.
La Cour examine, dans un second temps, si une telle relation de dépendance peut exister lorsque ce ressortissant et son conjoint, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sont les parents d’un mineur, ressortissant du même État membre et n’ayant pas exercé sa liberté de circulation.
En effet, pour apprécier le risque que l’enfant concerné, citoyen de l’Union, soit contraint de quitter le territoire de l’Union si son parent, ressortissant d’un pays tiers, se voyait refuser l’octroi d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre concerné, il faut déterminer si ce parent assume la garde effective de l’enfant et s’il existe une relation de dépendance effective entre eux, en tenant compte du droit au respect de la vie familiale{5} et de l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant{6}.
La circonstance que l’autre parent, citoyen de l’Union, est réellement capable d’assumer seul la charge quotidienne et effective de l’enfant, et prêt à le faire, ne suffit pas pour pouvoir constater qu’il n’existe pas, entre le parent ressortissant d’un pays tiers et l’enfant, une relation de dépendance telle que ce dernier devrait quitter le territoire de l’Union si un droit de séjour était refusé à ce ressortissant d’un pays tiers. En effet, une telle constatation doit être fondée sur la prise en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant concerné, de l’ensemble des circonstances de l’espèce{7}.
Ainsi, le fait que le parent, ressortissant d’un pays tiers, cohabite avec l’enfant mineur, citoyen de l’Union, est pertinent pour déterminer l’existence d’une relation de dépendance entre eux, mais ne constitue pas une condition nécessaire. En outre, lorsque le citoyen de l’Union mineur cohabite de façon stable avec ses deux parents et que la garde de cet enfant ainsi que la charge légale, affective et financière de celui-ci sont, dès lors, partagées quotidiennement par ces deux parents, il peut être présumé, de manière réfragable, qu’il existe une relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union mineur et son parent, ressortissant d’un pays tiers, indépendamment du fait que l’autre parent de cet enfant dispose, en tant que ressortissant de l’État membre sur le territoire duquel est établie cette famille, d’un droit inconditionnel à demeurer sur le territoire de cet État membre.
Concernant l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C-451/19, en premier lieu, la Cour souligne que, le droit de séjour dérivé susceptible d’être accordé à un ressortissant d’un pays tiers en vertu de l’article 20 TFUE ayant une portée subsidiaire, la juridiction de renvoi doit, notamment, examiner si XU, qui était mineur à la date du rejet de la demande de titre de séjour et dont la mère, ressortissante d’un pays tiers, disposait d’un tel titre sur le territoire espagnol, ne pouvait pas, à cette date, bénéficier, d’un droit de séjour sur ce même territoire en vertu de la directive 2003/86{8}.
En second lieu, dans l’hypothèse où XU ne disposerait d’aucun titre de séjour en vertu du droit dérivé de l’Union ou du droit national, la Cour examine si l’article 20 TFUE peut permettre l’octroi d’un droit de séjour dérivé au profit de ce ressortissant d’un pays tiers.
À cet égard, il faut déterminer si, à la date à laquelle la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier aurait pu imposer, dans les faits, à sa mère de quitter le territoire de l’Union, en raison du lien de dépendance qui aurait existé entre eux et, dans l’affirmative, si le départ de la mère de XU aurait également obligé, dans les faits, son enfant mineur, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, en raison de la relation de dépendance existant entre ce citoyen de l’Union et sa mère.
L’appréciation, aux fins de l’application de l’article 20 TFUE, de l’existence d’une relation de dépendance entre un parent et son enfant, tous deux ressortissants de pays tiers, repose, mutatis mutandis, sur les mêmes critères que ceux énoncés précédemment. Lorsque c’est un mineur, ressortissant d’un pays tiers, qui fait l’objet d’un refus de titre de séjour et risque d’être contraint de quitter le territoire de l’Union, le fait que son autre parent puisse effectivement le prendre en charge, d’un point de vue légal, financier et affectif, y compris dans son pays d’origine, est pertinent, mais ne suffit pas pour conclure que le parent, ressortissant de pays tiers et résidant sur le territoire dudit État membre ne serait pas contraint, dans les faits, de quitter le territoire de l’Union.
Si, à la date où la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier du territoire espagnol aurait, en pratique, contraint non seulement sa mère, ressortissante d’un pays tiers, mais également l’autre enfant de celle-ci, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, un droit de séjour dérivé aurait dû être reconnu à son demi-frère, XU, au titre de l’article 20 TFUE, afin d’empêcher que ce citoyen de l’Union ne soit privé, par son départ, de la jouissance de l’essentiel des droits qu’il tient de son statut.
{1} En l’occurrence, pour XU, son beau-père et, pour QP, son épouse.
{2} Afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’Espagne, comme le prévoit la législation espagnole.
{3} L’article 20 TFUE, relatif à la citoyenneté de l’Union.
{4} Dans l’affaire C-532/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à QP obligerait son épouse à quitter le territoire de l’Union. Dans l’affaire C-451/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à XU conduirait à la sortie de XU et de sa mère du territoire de l’Union, et contraindrait non seulement l’époux de celle-ci, mais aussi l’enfant mineur, ressortissant espagnol issu de leur union, à quitter ce territoire.
{5} Énoncé à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{6} Reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte et lequel comprend le droit pour cet enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, consacré à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte.
{7} Notamment, l’âge de l’enfant, son développement physique et émotionnel, le degré de sa relation affective tant avec le parent citoyen de l’Union qu’avec le parent ressortissant d’un pays tiers, ainsi que le risque que la séparation d’avec ce dernier engendrerait pour l’équilibre de cet enfant.
{8} Directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12), article 4, paragraphe 1, sous c). Même si cette directive prévoit qu’elle ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union, compte tenu de son objectif, qui est de favoriser le regroupement familial, et de la protection qu’elle vise à accorder aux ressortissants de pays tiers, notamment aux mineurs, son application au profit d’un mineur ressortissant d’un pays tiers ne peut pas être exclue du seul fait que son parent, ressortissant d’un pays tiers, est également le parent d’un citoyen de l’Union, né d’une union avec un ressortissant d’un État membre
84. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé de l'enfant mineur du conjoint, tous deux ressortissants d'un pays tiers - Refus du droit de séjour pouvant avoir pour effet de contraindre le conjoint du citoyen de l'Union et notamment leur enfant commun, citoyen de l'Union, à quitter le territoire de l'Union - Circonstance suffisante pour établir l'existence d'une relation de dépendance justifiant l'octroi d'un droit de séjour dérivé
XU est un enfant né au Venezuela d’une mère vénézuélienne qui en a la garde exclusive. Il réside en Espagne avec sa mère, le ressortissant espagnol qu’elle a épousé et l’enfant qu’elle a eu avec ce dernier, de nationalité espagnole. QP, de nationalité péruvienne, a épousé une ressortissante espagnole, avec laquelle il a eu un enfant, de nationalité espagnole. XU et QP sont, chacun, membres de la famille d’un citoyen de l’Union possédant la nationalité de l’État dans lequel ils résident et n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation dans un autre État membre.
XU et QP se sont vu refuser leurs demandes d’obtention d’une carte de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union{1} au motif que ce dernier ne disposait pas, pour lui-même et pour les membres de sa famille, de ressources financières suffisantes{2}. Seule la situation économique du beau-père, dans le cas de XU, et de l’épouse, dans le cas de QP, a été prise en compte par l’administration compétente, à savoir la Subdelegación del Gobierno en Toledo (sous-délégation du gouvernement à Tolède, Espagne).
Les recours formés contre ces décisions de rejet ayant été accueillis, l’administration a interjeté appel des jugements rendus à cet égard devant la juridiction de renvoi.
Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité, avec le droit de l’Union{3}, d’une pratique consistant à refuser automatiquement le regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un ressortissant espagnol qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif de la situation économique de ce dernier. Une telle pratique pourrait aboutir à ce que ce ressortissant espagnol doive quitter le territoire de l’Union. Selon ladite juridiction, tel pourrait être le cas dans les deux affaires, compte tenu de l’obligation de vie commune imposée par la réglementation espagnole applicable au mariage{4}.
Dans son arrêt, la Cour juge, en substance, que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre rejette une demande de regroupement familial, introduite au profit d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui possède la nationalité de cet État membre et qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif que ce citoyen de l’Union ne dispose pas, pour lui et ce membre de sa famille, de ressources suffisantes, sans qu’il ait été examiné s’il existe, entre ce citoyen de l’Union et le membre de sa famille, une relation de dépendance telle que, en cas de refus d’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier, le même citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble et serait ainsi privé de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Elle donne ensuite plusieurs précisions pour apprécier s’il existe, dans chaque cas de figure, une relation de dépendance de nature à justifier l’octroi au ressortissant d’un pays tiers d’un droit de séjour dérivé au titre du droit de l’Union.
Appréciation de la Cour
S’agissant du regroupement familial et de l’exigence de disposer de ressources suffisantes, à titre liminaire, la Cour rappelle que le droit de l’Union ne s’applique pas, en principe, à une demande de regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un membre de sa famille, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et qu’il ne s’oppose dès lors pas, en principe, à une réglementation d’un État membre subordonnant un tel regroupement familial à une condition de ressources suffisantes. Cependant, l’imposition systématique, sans aucune exception, d’une telle condition peut méconnaître le droit de séjour dérivé qui doit être reconnu, dans des situations très particulières, en vertu de l’article 20 TFUE, au ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, notamment, si le refus d’un tel droit contraignait ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union, le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Tel est le cas s’il existe, entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle aboutirait à ce que ce dernier soit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble.
En ce qui concerne l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C-532/19, la Cour précise, dans un premier temps, qu’une relation de dépendance, de nature à justifier l’octroi d’un droit de séjour dérivé, au titre de l’article 20 TFUE, n’existe pas au seul motif que le ressortissant d’un État membre, majeur et n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et son conjoint, majeur et ressortissant d’un pays tiers, sont tenus de vivre ensemble, en application des règles de l’État membre dont le citoyen de l’Union est ressortissant et dans lequel le mariage a été contracté.
La Cour examine, dans un second temps, si une telle relation de dépendance peut exister lorsque ce ressortissant et son conjoint, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sont les parents d’un mineur, ressortissant du même État membre et n’ayant pas exercé sa liberté de circulation.
En effet, pour apprécier le risque que l’enfant concerné, citoyen de l’Union, soit contraint de quitter le territoire de l’Union si son parent, ressortissant d’un pays tiers, se voyait refuser l’octroi d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre concerné, il faut déterminer si ce parent assume la garde effective de l’enfant et s’il existe une relation de dépendance effective entre eux, en tenant compte du droit au respect de la vie familiale{5} et de l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant{6}.
La circonstance que l’autre parent, citoyen de l’Union, est réellement capable d’assumer seul la charge quotidienne et effective de l’enfant, et prêt à le faire, ne suffit pas pour pouvoir constater qu’il n’existe pas, entre le parent ressortissant d’un pays tiers et l’enfant, une relation de dépendance telle que ce dernier devrait quitter le territoire de l’Union si un droit de séjour était refusé à ce ressortissant d’un pays tiers. En effet, une telle constatation doit être fondée sur la prise en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant concerné, de l’ensemble des circonstances de l’espèce{7}.
Ainsi, le fait que le parent, ressortissant d’un pays tiers, cohabite avec l’enfant mineur, citoyen de l’Union, est pertinent pour déterminer l’existence d’une relation de dépendance entre eux, mais ne constitue pas une condition nécessaire. En outre, lorsque le citoyen de l’Union mineur cohabite de façon stable avec ses deux parents et que la garde de cet enfant ainsi que la charge légale, affective et financière de celui-ci sont, dès lors, partagées quotidiennement par ces deux parents, il peut être présumé, de manière réfragable, qu’il existe une relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union mineur et son parent, ressortissant d’un pays tiers, indépendamment du fait que l’autre parent de cet enfant dispose, en tant que ressortissant de l’État membre sur le territoire duquel est établie cette famille, d’un droit inconditionnel à demeurer sur le territoire de cet État membre.
Concernant l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C-451/19, en premier lieu, la Cour souligne que, le droit de séjour dérivé susceptible d’être accordé à un ressortissant d’un pays tiers en vertu de l’article 20 TFUE ayant une portée subsidiaire, la juridiction de renvoi doit, notamment, examiner si XU, qui était mineur à la date du rejet de la demande de titre de séjour et dont la mère, ressortissante d’un pays tiers, disposait d’un tel titre sur le territoire espagnol, ne pouvait pas, à cette date, bénéficier, d’un droit de séjour sur ce même territoire en vertu de la directive 2003/86{8}.
En second lieu, dans l’hypothèse où XU ne disposerait d’aucun titre de séjour en vertu du droit dérivé de l’Union ou du droit national, la Cour examine si l’article 20 TFUE peut permettre l’octroi d’un droit de séjour dérivé au profit de ce ressortissant d’un pays tiers.
À cet égard, il faut déterminer si, à la date à laquelle la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier aurait pu imposer, dans les faits, à sa mère de quitter le territoire de l’Union, en raison du lien de dépendance qui aurait existé entre eux et, dans l’affirmative, si le départ de la mère de XU aurait également obligé, dans les faits, son enfant mineur, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, en raison de la relation de dépendance existant entre ce citoyen de l’Union et sa mère.
L’appréciation, aux fins de l’application de l’article 20 TFUE, de l’existence d’une relation de dépendance entre un parent et son enfant, tous deux ressortissants de pays tiers, repose, mutatis mutandis, sur les mêmes critères que ceux énoncés précédemment. Lorsque c’est un mineur, ressortissant d’un pays tiers, qui fait l’objet d’un refus de titre de séjour et risque d’être contraint de quitter le territoire de l’Union, le fait que son autre parent puisse effectivement le prendre en charge, d’un point de vue légal, financier et affectif, y compris dans son pays d’origine, est pertinent, mais ne suffit pas pour conclure que le parent, ressortissant de pays tiers et résidant sur le territoire dudit État membre ne serait pas contraint, dans les faits, de quitter le territoire de l’Union.
Si, à la date où la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier du territoire espagnol aurait, en pratique, contraint non seulement sa mère, ressortissante d’un pays tiers, mais également l’autre enfant de celle-ci, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, un droit de séjour dérivé aurait dû être reconnu à son demi-frère, XU, au titre de l’article 20 TFUE, afin d’empêcher que ce citoyen de l’Union ne soit privé, par son départ, de la jouissance de l’essentiel des droits qu’il tient de son statut.
{1} En l’occurrence, pour XU, son beau-père et, pour QP, son épouse.
{2} Afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’Espagne, comme le prévoit la législation espagnole.
{3} L’article 20 TFUE, relatif à la citoyenneté de l’Union.
{4} Dans l’affaire C-532/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à QP obligerait son épouse à quitter le territoire de l’Union. Dans l’affaire C-451/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à XU conduirait à la sortie de XU et de sa mère du territoire de l’Union, et contraindrait non seulement l’époux de celle-ci, mais aussi l’enfant mineur, ressortissant espagnol issu de leur union, à quitter ce territoire.
{5} Énoncé à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{6} Reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte et lequel comprend le droit pour cet enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, consacré à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte.
{7} Notamment, l’âge de l’enfant, son développement physique et émotionnel, le degré de sa relation affective tant avec le parent citoyen de l’Union qu’avec le parent ressortissant d’un pays tiers, ainsi que le risque que la séparation d’avec ce dernier engendrerait pour l’équilibre de cet enfant.
{8} Directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12), article 4, paragraphe 1, sous c). Même si cette directive prévoit qu’elle ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union, compte tenu de son objectif, qui est de favoriser le regroupement familial, et de la protection qu’elle vise à accorder aux ressortissants de pays tiers, notamment aux mineurs, son application au profit d’un mineur ressortissant d’un pays tiers ne peut pas être exclue du seul fait que son parent, ressortissant d’un pays tiers, est également le parent d’un citoyen de l’Union, né d’une union avec un ressortissant d’un État membre
85. Sécurité sociale - Travailleurs migrants - Égalité de traitement - Réglementation nationale excluant du bénéfice des allocations familiales des ressortissants d'autres États membres économiquement inactifs pendant les trois premiers mois de séjour dans l'État membre d'accueil - Inadmissibilité - Discrimination directe - Justification - Dérogation au principe d'égalité de traitement des citoyens de l'Union en matière d'assistance sociale - Inapplicabilité
S et les membres de sa famille sont des citoyens de l’Union, originaires d’un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne. En octobre 2019, S a demandé à bénéficier d’allocations familiales pour ses enfants en Allemagne, pour la période allant d’août à octobre 2019. La caisse d’allocations familiales saisie{1} a constaté que, le 19 août 2019, S et sa famille étaient entrées en Allemagne, en provenance de leur État membre d’origine, et y avaient établi leur résidence. Toutefois, S n’ayant pas perçu de revenus nationaux au cours des trois mois ayant suivi l’établissement de sa résidence en Allemagne, elle ne remplissait pas les conditions prévues par le droit national{2} pour pouvoir prétendre au bénéfice des allocations demandées. La caisse d’allocations familiales a, en conséquence, refusé de faire droit à la demande de S.
S a saisi la juridiction de renvoi{3} d’un recours tendant à l’annulation de ce refus.
La juridiction de renvoi observe que la disposition de droit allemand sur laquelle est fondé ledit refus traite différemment un ressortissant d’un autre État membre établissant sa résidence habituelle en Allemagne et un ressortissant allemand qui y établit sa résidence habituelle à la suite d’un séjour dans un autre État membre. En effet, en application de cette disposition, un ressortissant d’un autre État membre, tel que S, se voit refuser le bénéfice des allocations familiales au cours des trois premiers mois de son séjour lorsqu’il n’apporte pas la preuve de l’exercice d’une activité rémunérée en Allemagne. En revanche, un ressortissant allemand en bénéficie, dès ces trois premiers mois, même lorsqu’il n’exerce pas une telle activité.
La juridiction de renvoi a adressé à la Cour une demande de décision préjudicielle visant à savoir si cette différence de traitement est conforme au droit de l’Union.
Par son arrêt, réunie en grande chambre, la Cour juge une réglementation nationale telle que celle en cause au principal contraire au principe d’égalité de traitement prévu par le règlement nº 883/2004{4}. Elle ajoute que la possibilité de déroger à ce principe, sur le fondement de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38{5}, concerne exclusivement les prestations d’assistance sociale et n’est pas applicable à une telle réglementation.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que la possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité{6}, ce droit étant maintenu tant que le citoyen de l’Union ainsi que les membres de sa famille ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil{7}. Partant, un citoyen de l’Union, même économiquement inactif, dispose, s’il respecte ces deux conditions, d’un droit de séjour d’une durée de trois mois dans un État membre dont il n’est pas ressortissant.
Cela étant rappelé, la Cour examine si, dès lors qu’il se trouve en situation de séjour légal sur le territoire de l’État membre d’accueil{8}, un citoyen de l’Union économiquement inactif peut se prévaloir, aux fins de l’octroi de prestations familiales, du principe d’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil économiquement inactifs, qui retournent dans cet État membre après avoir fait usage de leur droit de circuler et de séjourner dans un autre État membre.
À cette fin, elle détermine, en premier lieu, la portée de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, qui permet de déroger au principe d’égalité de traitement et de refuser l’octroi de prestations d’assistance sociale aux ressortissants d’autres États membres, économiquement inactifs, durant les trois premiers mois de leur séjour dans l’État membre d’accueil.
Les allocations familiales en cause étant octroyées indépendamment des besoins individuels de leur bénéficiaire et ne visant pas à assurer les moyens de subsistance de celui-ci, elles ne relèvent pas des « prestations d’assistance sociale », au sens de cette disposition.
La Cour ajoute que ladite disposition ne peut pas être interprétée, pour ce qui concerne l’octroi de prestations autres que des « prestations d’assistance sociale », comme permettant à l’État membre d’accueil de déroger à l’égalité de traitement dont doivent en principe bénéficier les citoyens de l’Union en situation de séjour légal sur son territoire.
En effet, en tant que dérogation au principe d’égalité de traitement prévu à l’article 18 TFUE, dont l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38 constitue une expression spécifique, le paragraphe 2 de cet article 24 doit être interprété de manière stricte et en conformité avec les dispositions du traité. Or, rien dans le libellé ou dans le contexte réglementaire de cette dernière disposition ne permet de considérer que, par celle-ci, le législateur de l’Union ait entendu permettre à l’État membre d’accueil de déroger au principe d’égalité de traitement pour ce qui concerne des prestations autres que celles d’assistance sociale.
En second lieu, la Cour détermine la portée de l’article 4 du règlement nº 883/2004.
D’après ce règlement{9}, un citoyen de l’Union, économiquement inactif, ayant transféré sa résidence habituelle dans l’État membre d’accueil, relève de la législation de cet État membre, à savoir, en l’occurrence, l’Allemagne, pour ce qui concerne l’octroi de prestations familiales. La compétence de l’Allemagne pour déterminer, dans sa législation, les conditions d’octroi de ces prestations doit toutefois s’exercer dans le respect du droit de l’Union.
À cet égard, conformément à l’article 4 du règlement nº 883/2004, les personnes auxquelles ce règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations de sécurité sociale et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de l’État membre d’accueil, que les ressortissants de celui-ci. Aucune disposition de ce règlement ne permet à l’État membre d’accueil d’un ressortissant d’un autre État membre séjournant légalement sur son territoire d’opérer, au motif que ce citoyen est économiquement inactif, une différence de traitement entre ledit citoyen et ses propres ressortissants quant aux conditions d’octroi des prestations familiales. Un citoyen de l’Union séjournant légalement sur le territoire d’un État membre autre que celui dont il a la nationalité et y ayant établi sa résidence habituelle peut donc se prévaloir, dans l’État membre d’accueil, du principe d’égalité de traitement, prévu à l’article 4 du règlement nº 883/2004, afin de se voir octroyer des prestations familiales dans les mêmes conditions que celles prévues pour les ressortissants de cet État membre.
En l’occurrence, la Cour constate qu’une réglementation nationale telle que celle en cause est constitutive d’une discrimination directe d’un tel citoyen de l’Union. En l’absence de toute dérogation expressément prévue dans le règlement nº 883/2004, une telle discrimination ne peut être justifiée.
Il importe toutefois que le citoyen de l’Union, économiquement inactif, qui revendique, dans l’État membre d’accueil, l’application du principe d’égalité de traitement concernant l’octroi de prestations familiales, ait, pendant les trois premiers mois au cours desquels il bénéficie, dans cet État membre, d’un titre de séjour au titre de la directive 2004/38{10}, établi sa résidence habituelle dans ledit État membre, et n’y séjourne pas de manière temporaire. La notion de « résidence », au sens du règlement nº 883/2004, désigne la résidence « effective »{11}. Quant à la notion de « résidence habituelle », elle reflète une question de fait, soumise à l’appréciation de la juridiction nationale au regard des circonstances de l’espèce. À cet égard, la condition selon laquelle un citoyen de l’Union économiquement inactif doit avoir transféré sa résidence habituelle dans l’État membre d’accueil implique qu’il ait manifesté la volonté d’établir, de manière effective, le centre habituel de ses intérêts dans cet État membre et qu’il démontre que sa présence témoigne d’un degré suffisant de stabilité, qui la distingue d’un séjour temporaire.
{1} Familienkasse Niedersachsen-Bremen der Bundesagentur für Arbeit (caisse d’allocations familiales pour la Basse-Saxe et Brême de l’Agence fédérale pour l’emploi, Allemagne).
{2} Article 62, paragraphe 1a, de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu), telle que modifiée par le Gesetz gegen illegale Beschäftigung und Sozialleistungsmissbrauch (loi contre le travail illégal et l’abus de prestations sociales, BGBl. 2019 I, p. 1066).
{3} En l’occurrence, le Finanzgericht Bremen (tribunal des finances de Brême, Allemagne).
{4} Article 4 du règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).
{5} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2005, L 197, p. 34).
{6} Article 6, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
{7} Article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
{8} Au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 1, de celle-ci.
{9} Article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement nº 883/2004.
{10} Au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 14, paragraphe 1, de celle-ci.
{11} Article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1).
86. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Autres membres de la famille d'un citoyen de l'Union, ressortissants de pays tiers, non couverts par la définition de l'article 2, point 2 de la directive - Membre faisant partie du ménage d'un citoyen de l'Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal - Notion - Personne entretenant avec ce citoyen une relation de dépendance, fondée sur des liens personnels étroits et stables, tissés au sein d'un même foyer - Communauté de vie domestique entre ces deux individus devant aller au-delà d'une simple cohabitation temporaire
Voir texte de la décision.
87. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé du membre de sa famille, ressortissant d'un pays tiers - Décision d'interdiction d'entrée sur le territoire de l'Union - Décision prise sans examiner l'existence d'une relation de dépendance entre ces personnes pouvant avoir pour effet de contraindre le citoyen de l'Union à quitter le territoire de l'Union - Inadmissibilité - Condition d'adoption d'une telle décision - Appréciation devant être fondée sur la prise en compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce
Voir texte de la décision.
88. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Mineur, citoyen de l'Union, se trouvant en dehors du territoire de l'Union et n'ayant jamais séjourné sur celui-ci - Droit de séjour dérivé de l'un de ses parents, ressortissant d'un pays tiers - Conditions d'octroi - Existence d'une relation de dépendance entre l'enfant et ce parent - Entrée et séjour de l'enfant dans l'État membre de sa nationalité en compagnie de ce parent
X, une ressortissante thaïlandaise, a séjourné de manière régulière aux Pays-Bas, où elle était mariée à A, un ressortissant néerlandais. Leur enfant, de nationalité néerlandaise, est né en Thaïlande où il a toujours habité. Après la naissance de l’enfant, X est retournée aux Pays-Bas. En 2017, à la suite de la séparation de fait du couple, les autorités néerlandaises ont révoqué le droit de séjour de X. Après le divorce, X a demandé, en 2019, à séjourner aux Pays-Bas auprès d’un autre ressortissant de cet État membre. Dans ce cadre, les autorités néerlandaises ont vérifié d’office si elle pouvait obtenir un droit de séjour dérivé au titre de l’article 20 TFUE afin de pouvoir séjourner avec son enfant mineur, citoyen de l’Union, sur le territoire de l’Union. Le Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas) a rejeté cette demande le 8 mai 2019. Le même jour, X a été expulsée vers la Thaïlande.
Saisi par X à l’encontre de cette décision de rejet, le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Utrecht (tribunal de La Haye, siégeant à Utrecht, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi, s’interroge sur l’interprétation à donner à l’article 20 TFUE en l’occurrence.
Dans son arrêt, la Cour précise les conditions dans lesquelles un ressortissant d’un pays tiers peut bénéficier d’un droit de séjour dérivé fondé sur l’article 20 TFUE lorsque l’enfant mineur dudit ressortissant est citoyen de l’Union, mais se trouve en dehors du territoire de l’Union et n’a jamais séjourné sur le territoire de celle-ci.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales, y compris à des décisions refusant le droit de séjour aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union, qui ont pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut. Encore faut-il, dans ces situations, qu’il existe entre le ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’une décision refusant le droit de séjour au ressortissant du pays tiers priverait le membre de sa famille de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés à son statut de citoyen de l’Union. Il en va ainsi lorsque ce dernier se voit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble ou de ne pas pouvoir entrer et séjourner sur le territoire de l’État membre dont il a la nationalité.
Or, en l’espèce, l’enfant mineur, citoyen de l’Union, vit, depuis sa naissance, dans un pays tiers, sans avoir jamais séjourné dans l’Union. Dans ces circonstances, la Cour considère, en premier lieu, que le refus du droit de séjour opposé au parent, ressortissant d’un pays tiers, d’un tel enfant n’est susceptible d’avoir des conséquences sur l’exercice des droits de ce dernier, au titre de l’article 20 TFUE, que s’il est établi qu’il va entrer et séjourner sur le territoire de l’État membre dont il possède la nationalité en compagnie du parent ou va rejoindre celui-ci sur ce territoire. Il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel est le cas et s’il existe une relation de dépendance entre le parent ressortissant d’un pays tiers et son enfant mineur.
En deuxième lieu, la Cour relève que la demande de droit de séjour dérivé dudit parent, dont l’enfant citoyen de l’Union est dépendant, ne peut être rejetée au motif que le déplacement vers l’État membre dont l’enfant possède la nationalité, que suppose l’exercice par cet enfant de ses droits en tant que citoyen de l’Union, n’est pas dans l’intérêt, réel ou plausible, dudit enfant. En effet, le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, conféré à chaque citoyen de l’Union, découle directement du statut de citoyen de l’Union, sans que son exercice soit subordonné à la démonstration d’un intérêt quelconque à en invoquer le bénéfice ou à la condition que l’intéressé ait atteint l’âge requis pour avoir la capacité juridique d’exercer lui-même ses droits en tant que citoyen de l’Union.
Certes, la Cour a précédemment considéré qu’il incombait aux autorités compétentes pour se prononcer sur une demande de titre de séjour au titre de l’article 20 TFUE de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant concerné{1}. Or, une telle prise de position visait non pas à rejeter une demande de titre de séjour, mais, au contraire, à faire obstacle à l’adoption d’une décision contraignant cet enfant à quitter le territoire de l’Union.
En dernier lieu, la Cour apporte des précisions quant à l’appréciation, dans le cadre d’une demande de droit de séjour dérivé, du point de savoir si un enfant mineur, citoyen de l’Union, est dépendant à l’égard de son parent ressortissant d’un pays tiers. Elle précise, notamment, que les autorités compétentes doivent tenir compte de la situation telle qu’elle se présente au moment où elles sont appelées à statuer, dans la mesure où ces autorités doivent apprécier les conséquences prévisibles de leur décision sur la jouissance effective, par l’enfant concerné, de l’essentiel des droits qu’il tire du statut que lui confère l’article 20 TFUE.
En outre, cette appréciation doit toujours reposer sur un examen d’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce. En particulier, le fait que le parent ressortissant d’un pays tiers n’a pas toujours assumé l’entretien quotidien de cet enfant, mais dispose désormais de sa garde exclusive, ou le fait que l’autre parent, citoyen de l’Union, pourrait assumer la charge quotidienne et effective dudit enfant, ne peuvent pas être considérés comme étant déterminants à cet égard.
{1} Voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C-133/15, EU:C:2017:354, point 71), et du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille - Ressources insuffisantes) (C-451/19 et C-532/19, EU:C:2022:354, point 53).
89. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Mineur, citoyen de l'Union, se trouvant en dehors du territoire de l'Union et n'ayant jamais séjourné sur celui-ci - Droit de séjour dérivé de l'un de ses parents, ressortissant d'un pays tiers - Refus dudit droit au motif de l'absence d'intérêt, pour l'enfant, de se déplacer vers l'État membre de sa nationalité - Inadmissibilité
X, une ressortissante thaïlandaise, a séjourné de manière régulière aux Pays-Bas, où elle était mariée à A, un ressortissant néerlandais. Leur enfant, de nationalité néerlandaise, est né en Thaïlande où il a toujours habité. Après la naissance de l’enfant, X est retournée aux Pays-Bas. En 2017, à la suite de la séparation de fait du couple, les autorités néerlandaises ont révoqué le droit de séjour de X. Après le divorce, X a demandé, en 2019, à séjourner aux Pays-Bas auprès d’un autre ressortissant de cet État membre. Dans ce cadre, les autorités néerlandaises ont vérifié d’office si elle pouvait obtenir un droit de séjour dérivé au titre de l’article 20 TFUE afin de pouvoir séjourner avec son enfant mineur, citoyen de l’Union, sur le territoire de l’Union. Le Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas) a rejeté cette demande le 8 mai 2019. Le même jour, X a été expulsée vers la Thaïlande.
Saisi par X à l’encontre de cette décision de rejet, le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Utrecht (tribunal de La Haye, siégeant à Utrecht, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi, s’interroge sur l’interprétation à donner à l’article 20 TFUE en l’occurrence.
Dans son arrêt, la Cour précise les conditions dans lesquelles un ressortissant d’un pays tiers peut bénéficier d’un droit de séjour dérivé fondé sur l’article 20 TFUE lorsque l’enfant mineur dudit ressortissant est citoyen de l’Union, mais se trouve en dehors du territoire de l’Union et n’a jamais séjourné sur le territoire de celle-ci.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales, y compris à des décisions refusant le droit de séjour aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union, qui ont pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut. Encore faut-il, dans ces situations, qu’il existe entre le ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’une décision refusant le droit de séjour au ressortissant du pays tiers priverait le membre de sa famille de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés à son statut de citoyen de l’Union. Il en va ainsi lorsque ce dernier se voit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble ou de ne pas pouvoir entrer et séjourner sur le territoire de l’État membre dont il a la nationalité.
Or, en l’espèce, l’enfant mineur, citoyen de l’Union, vit, depuis sa naissance, dans un pays tiers, sans avoir jamais séjourné dans l’Union. Dans ces circonstances, la Cour considère, en premier lieu, que le refus du droit de séjour opposé au parent, ressortissant d’un pays tiers, d’un tel enfant n’est susceptible d’avoir des conséquences sur l’exercice des droits de ce dernier, au titre de l’article 20 TFUE, que s’il est établi qu’il va entrer et séjourner sur le territoire de l’État membre dont il possède la nationalité en compagnie du parent ou va rejoindre celui-ci sur ce territoire. Il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel est le cas et s’il existe une relation de dépendance entre le parent ressortissant d’un pays tiers et son enfant mineur.
En deuxième lieu, la Cour relève que la demande de droit de séjour dérivé dudit parent, dont l’enfant citoyen de l’Union est dépendant, ne peut être rejetée au motif que le déplacement vers l’État membre dont l’enfant possède la nationalité, que suppose l’exercice par cet enfant de ses droits en tant que citoyen de l’Union, n’est pas dans l’intérêt, réel ou plausible, dudit enfant. En effet, le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, conféré à chaque citoyen de l’Union, découle directement du statut de citoyen de l’Union, sans que son exercice soit subordonné à la démonstration d’un intérêt quelconque à en invoquer le bénéfice ou à la condition que l’intéressé ait atteint l’âge requis pour avoir la capacité juridique d’exercer lui-même ses droits en tant que citoyen de l’Union.
Certes, la Cour a précédemment considéré qu’il incombait aux autorités compétentes pour se prononcer sur une demande de titre de séjour au titre de l’article 20 TFUE de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant concerné{1}. Or, une telle prise de position visait non pas à rejeter une demande de titre de séjour, mais, au contraire, à faire obstacle à l’adoption d’une décision contraignant cet enfant à quitter le territoire de l’Union.
En dernier lieu, la Cour apporte des précisions quant à l’appréciation, dans le cadre d’une demande de droit de séjour dérivé, du point de savoir si un enfant mineur, citoyen de l’Union, est dépendant à l’égard de son parent ressortissant d’un pays tiers. Elle précise, notamment, que les autorités compétentes doivent tenir compte de la situation telle qu’elle se présente au moment où elles sont appelées à statuer, dans la mesure où ces autorités doivent apprécier les conséquences prévisibles de leur décision sur la jouissance effective, par l’enfant concerné, de l’essentiel des droits qu’il tire du statut que lui confère l’article 20 TFUE.
En outre, cette appréciation doit toujours reposer sur un examen d’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce. En particulier, le fait que le parent ressortissant d’un pays tiers n’a pas toujours assumé l’entretien quotidien de cet enfant, mais dispose désormais de sa garde exclusive, ou le fait que l’autre parent, citoyen de l’Union, pourrait assumer la charge quotidienne et effective dudit enfant, ne peuvent pas être considérés comme étant déterminants à cet égard.
{1} Voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C-133/15, EU:C:2017:354, point 71), et du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille - Ressources insuffisantes) (C-451/19 et C-532/19, EU:C:2022:354, point 53).
90. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Mineur, citoyen de l'Union, ayant un parent ressortissant d'un pays tiers - Droit de séjour dérivé dudit parent - Conditions d'octroi - Existence d'une relation de dépendance entre l'enfant et ce parent - Critères d'appréciation - Appréciation devant être fondée sur la prise en compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce
X, une ressortissante thaïlandaise, a séjourné de manière régulière aux Pays-Bas, où elle était mariée à A, un ressortissant néerlandais. Leur enfant, de nationalité néerlandaise, est né en Thaïlande où il a toujours habité. Après la naissance de l’enfant, X est retournée aux Pays-Bas. En 2017, à la suite de la séparation de fait du couple, les autorités néerlandaises ont révoqué le droit de séjour de X. Après le divorce, X a demandé, en 2019, à séjourner aux Pays-Bas auprès d’un autre ressortissant de cet État membre. Dans ce cadre, les autorités néerlandaises ont vérifié d’office si elle pouvait obtenir un droit de séjour dérivé au titre de l’article 20 TFUE afin de pouvoir séjourner avec son enfant mineur, citoyen de l’Union, sur le territoire de l’Union. Le Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas) a rejeté cette demande le 8 mai 2019. Le même jour, X a été expulsée vers la Thaïlande.
Saisi par X à l’encontre de cette décision de rejet, le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Utrecht (tribunal de La Haye, siégeant à Utrecht, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi, s’interroge sur l’interprétation à donner à l’article 20 TFUE en l’occurrence.
Dans son arrêt, la Cour précise les conditions dans lesquelles un ressortissant d’un pays tiers peut bénéficier d’un droit de séjour dérivé fondé sur l’article 20 TFUE lorsque l’enfant mineur dudit ressortissant est citoyen de l’Union, mais se trouve en dehors du territoire de l’Union et n’a jamais séjourné sur le territoire de celle-ci.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales, y compris à des décisions refusant le droit de séjour aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union, qui ont pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par leur statut. Encore faut-il, dans ces situations, qu’il existe entre le ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’une décision refusant le droit de séjour au ressortissant du pays tiers priverait le membre de sa famille de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés à son statut de citoyen de l’Union. Il en va ainsi lorsque ce dernier se voit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble ou de ne pas pouvoir entrer et séjourner sur le territoire de l’État membre dont il a la nationalité.
Or, en l’espèce, l’enfant mineur, citoyen de l’Union, vit, depuis sa naissance, dans un pays tiers, sans avoir jamais séjourné dans l’Union. Dans ces circonstances, la Cour considère, en premier lieu, que le refus du droit de séjour opposé au parent, ressortissant d’un pays tiers, d’un tel enfant n’est susceptible d’avoir des conséquences sur l’exercice des droits de ce dernier, au titre de l’article 20 TFUE, que s’il est établi qu’il va entrer et séjourner sur le territoire de l’État membre dont il possède la nationalité en compagnie du parent ou va rejoindre celui-ci sur ce territoire. Il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier si tel est le cas et s’il existe une relation de dépendance entre le parent ressortissant d’un pays tiers et son enfant mineur.
En deuxième lieu, la Cour relève que la demande de droit de séjour dérivé dudit parent, dont l’enfant citoyen de l’Union est dépendant, ne peut être rejetée au motif que le déplacement vers l’État membre dont l’enfant possède la nationalité, que suppose l’exercice par cet enfant de ses droits en tant que citoyen de l’Union, n’est pas dans l’intérêt, réel ou plausible, dudit enfant. En effet, le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, conféré à chaque citoyen de l’Union, découle directement du statut de citoyen de l’Union, sans que son exercice soit subordonné à la démonstration d’un intérêt quelconque à en invoquer le bénéfice ou à la condition que l’intéressé ait atteint l’âge requis pour avoir la capacité juridique d’exercer lui-même ses droits en tant que citoyen de l’Union.
Certes, la Cour a précédemment considéré qu’il incombait aux autorités compétentes pour se prononcer sur une demande de titre de séjour au titre de l’article 20 TFUE de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant concerné{1}. Or, une telle prise de position visait non pas à rejeter une demande de titre de séjour, mais, au contraire, à faire obstacle à l’adoption d’une décision contraignant cet enfant à quitter le territoire de l’Union.
En dernier lieu, la Cour apporte des précisions quant à l’appréciation, dans le cadre d’une demande de droit de séjour dérivé, du point de savoir si un enfant mineur, citoyen de l’Union, est dépendant à l’égard de son parent ressortissant d’un pays tiers. Elle précise, notamment, que les autorités compétentes doivent tenir compte de la situation telle qu’elle se présente au moment où elles sont appelées à statuer, dans la mesure où ces autorités doivent apprécier les conséquences prévisibles de leur décision sur la jouissance effective, par l’enfant concerné, de l’essentiel des droits qu’il tire du statut que lui confère l’article 20 TFUE.
En outre, cette appréciation doit toujours reposer sur un examen d’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce. En particulier, le fait que le parent ressortissant d’un pays tiers n’a pas toujours assumé l’entretien quotidien de cet enfant, mais dispose désormais de sa garde exclusive, ou le fait que l’autre parent, citoyen de l’Union, pourrait assumer la charge quotidienne et effective dudit enfant, ne peuvent pas être considérés comme étant déterminants à cet égard.
{1} Voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C-133/15, EU:C:2017:354, point 71), et du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille - Ressources insuffisantes) (C-451/19 et C-532/19, EU:C:2022:354, point 53).
91. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Citoyen de l'Union séjournant dans l'État membre de sa nationalité - Membres de la famille dudit citoyen - Exclusion
GV, ressortissante roumaine, est la mère de AC, également ressortissante roumaine, cette dernière séjournant et travaillant en Irlande. Par ailleurs, AC a été naturalisée irlandaise..
Depuis 2017, GV séjourne en Irlande avec sa fille dont elle est financièrement dépendante. En septembre 2017, du fait de la détérioration de son état de santé liée à l’arthrite, GV a demandé l’octroi de l’allocation d’invalidité au titre d’une loi sur la protection sociale.
Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, cette allocation, qui vise à protéger contre la pauvreté, constitue une prestation d’assistance sociale financée par le budget général, sans que l’intéressé ait à verser de cotisation de sécurité sociale. En outre, le bénéfice de l’allocation est soumis à certaines conditions, liées notamment à l’âge, aux ressources et au handicap. Par ailleurs, cette allocation d’invalidité constitue une « prestation spéciale en espèces à caractère non contributif », au sens du règlement nº 883/2004{1}. Enfin, il apparaît que le droit irlandais exclut le versement de cette allocation à une personne qui ne séjourne pas habituellement en Irlande, telle qu’une personne n’y disposant pas d’un droit de séjour.
En février 2018, la demande d’allocation d’invalidité présentée par GV a été rejetée, au motif qu’elle ne disposait pas d’un droit de séjour en Irlande.
Chargé de réexaminer le rejet de cette demande, en juillet 2019, l’Appeals Officer (agent en charge des recours, Irlande) a conclu que GV, en tant qu’ascendant direct à la charge d’une citoyenne de l’Union travaillant en Irlande, était titulaire d’un droit de séjour, mais n’avait pas le droit de bénéficier d’une prestation d’assistance sociale. Saisi d’une demande en révision, le Chief Appeals Officer (directeur de l’Office des recours, Irlande) a confirmé ce raisonnement étant donné que, conformément à la réglementation nationale transposant la directive 2004/38{2}, GV deviendrait, si l’allocation lui était accordée, une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale national et que, partant, elle ne disposerait plus de droit de séjour.
Par un jugement rendu en juillet 2020, la High Court (Haute Cour, Irlande) a annulé la décision prise par le directeur de l’Office des recours. Cette juridiction estime en particulier que la réglementation nationale précitée, en ce qu’elle soumet le droit de séjour d’un membre de la famille d’un citoyen irlandais à la condition que ce membre de sa famille ne devienne pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État, est incompatible avec la directive 2004/38, régissant le droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
Saisie en appel contre ce jugement, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger, en substance, la Cour sur la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une législation d’un État membre qui permet aux autorités de cet État membre de refuser l’octroi d’une prestation d’assistance sociale à un ascendant direct qui, au moment de l’introduction de la demande afférente à cette prestation, est à la charge d’un travailleur citoyen de l’Union, voire de lui retirer le droit de séjour de plus de trois mois, au motif que l’octroi de ladite prestation aurait pour effet que ce membre de la famille ne soit plus à la charge du travailleur citoyen de l’Union et devienne ainsi une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale dudit État membre.
Par son arrêt, prononcé en grande chambre, la Cour dit pour droit que le principe de libre circulation des travailleurs{3}, tel que mis en œuvre par le règlement nº 492/2011{4} relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, lu en combinaison avec la directive 2004/38, s’oppose à une telle réglementation nationale.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que la directive 2004/38, dont la juridiction de renvoi demandait l’interprétation, régit uniquement les conditions d’entrée et de séjour d’un citoyen de l’Union dans les États membres autres que celui dont il a la nationalité. Par conséquent, elle n’a pas vocation à conférer, sur le territoire de cet État membre, un droit de séjour dérivé aux membres de la famille de ce citoyen. En l’occurrence, depuis la naturalisation de AC, cette directive n’a plus vocation à régir ni son droit de séjour en Irlande, ni le droit de séjour dérivé dont pourraient bénéficier des membres de sa famille.
Cela étant, la Cour a déjà jugé que la situation d’un ressortissant d’un État membre, qui a exercé sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre, ne saurait être assimilée à une situation purement interne en raison du seul fait que, lors de ce séjour, il a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil en plus de sa nationalité d’origine. Ainsi, l’effet utile des droits conférés aux citoyens de l’Union par l’article 21 TFUE et, plus précisément, aux travailleurs par l’article 45 TFUE exige qu’un membre de la famille d’un travailleur citoyen de l’Union qui, après avoir exercé sa liberté de circulation en séjournant et en travaillant dans l’État membre d’accueil, a acquis la nationalité de cet État membre, puisse se voir octroyer un droit de séjour dérivé. En outre, les conditions d’octroi du droit de séjour dérivé dont bénéficie ce membre de la famille ne devraient pas être plus strictes que celles prévues dans la directive 2004/38 pour le membre de la famille d’un citoyen de l’Union ayant exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, cette directive devant être appliquée par analogie à une telle situation. Enfin, un travailleur citoyen de l’Union bénéficie - y compris lorsque, comme en l’occurrence, il a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil, en plus de sa nationalité d’origine - du droit à l’égalité de traitement, en application de l’article 45, paragraphe 2, TFUE, tel que mis en œuvre par l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011{5}.
Dans ce cadre, en premier lieu, la Cour précise qu’il résulte d’une lecture conjointe de plusieurs dispositions de la directive 2004/38{6} que les ascendants directs d’un travailleur citoyen de l’Union bénéficient d’un droit de séjour dérivé de plus de trois mois, lorsqu’ils sont « à charge » de ce travailleur. Afin que le membre de la famille concerné puisse bénéficier de ce droit, cette situation de dépendance doit exister, dans le pays de provenance de cette personne, au moment où elle demande à rejoindre le citoyen dont elle est à la charge. L’intéressé pourra conserver ledit droit tant qu’il reste à la charge de ce travailleur{7}, et ce jusqu’à ce que cet ascendant, ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, puisse prétendre à un droit de séjour permanent{8}.
En second lieu, s’agissant du droit précité à l’égalité de traitement dont bénéficie un travailleur citoyen de l’Union au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011, la Cour rappelle que la notion d’« avantages sociaux » prévue par cette disposition comprend tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleur ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de l’Union. Cette notion peut inclure des prestations d’assistance sociale relevant en même temps du domaine d’application spécifique du règlement nº 883/2004, comme l’allocation d’invalidité. En outre, une prestation d’assistance sociale, telle que l’allocation d’invalidité accordée à un ascendant direct, constitue pour le travailleur migrant un « avantage social » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011, dès lors que cet ascendant direct est à la charge de ce travailleur, au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38. Par ailleurs, ledit ascendant direct à charge, en tant que bénéficiaire indirect de l’égalité de traitement accordé audit travailleur, peut se prévaloir de cet article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011 afin d’obtenir cette allocation lorsque, en vertu du droit national, celle-ci est accordée directement à de tels ascendants. Eu égard à la protection contre les discriminations dont peuvent faire l’objet le travailleur migrant et les membres de sa famille dans l’État membre d’accueil assurée par cette disposition, la qualité d’ascendant « à charge » au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38 ne saurait être affectée par l’octroi d’une prestation d’assistance sociale dans l’État membre d’accueil. En décider autrement interdirait, en prat
ique, à ce membre de la famille à charge de demander cette prestation, portant ainsi atteinte à l’égalité de traitement reconnue au travailleur migrant. Il importe à cet égard de souligner que, par les contributions fiscales qu’un travailleur migrant verse à l’État membre d’accueil dans le cadre de l’activité salariée qu’il y exerce, ce travailleur contribue au financement des politiques sociales de cet État membre et doit, en conséquence, en profiter dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux. Partant, l’objectif consistant à invoquer une charge financière déraisonnable pour l’État membre d’accueil ne saurait justifier une inégalité de traitement entre les travailleurs migrants et les travailleurs nationaux.
{1} Règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatifs JO 2004, L 200, p. 1, ainsi que JO 2007, L 204, p. 30).
{2} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).
{3} Ce principe est énoncé à l’article 45 TFUE.
{4} Il s’agit plus particulièrement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) nº 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1).
{5} Au titre de cette disposition, le travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie, sur le territoire des autres États membres, « des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux ».
{6} Il s’agit de l’article 2, point 2, sous d), et de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et d), de la directive 2004/38.
{7} Conformément à l’article 14, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 2, point 2, sous d), et l’article 7, paragraphe 1, sous a) et d), de la directive 2004/38.
{8} Ce droit de séjour permanent est régi par l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
Arrêt du 21 décembre 2023, Chief Appeals Officer e.a. (C-488/21) (cf. points 42, 43)
92. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Libre circulation des personnes - Travailleurs - Travailleur citoyen de l'Union ayant exercé sa liberté de circulation en séjournant et en travaillant dans l'État membre d'accueil - Citoyen concerné ayant acquis la nationalité de cet État membre d'accueil tout en conservant sa nationalité d'origine - Membres de la famille de ce citoyen séjournant dans l'État membre d'accueil - Droit de séjour dérivé dans l'État membre d'accueil - Conditions
GV, ressortissante roumaine, est la mère de AC, également ressortissante roumaine, cette dernière séjournant et travaillant en Irlande. Par ailleurs, AC a été naturalisée irlandaise..
Depuis 2017, GV séjourne en Irlande avec sa fille dont elle est financièrement dépendante. En septembre 2017, du fait de la détérioration de son état de santé liée à l’arthrite, GV a demandé l’octroi de l’allocation d’invalidité au titre d’une loi sur la protection sociale.
Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, cette allocation, qui vise à protéger contre la pauvreté, constitue une prestation d’assistance sociale financée par le budget général, sans que l’intéressé ait à verser de cotisation de sécurité sociale. En outre, le bénéfice de l’allocation est soumis à certaines conditions, liées notamment à l’âge, aux ressources et au handicap. Par ailleurs, cette allocation d’invalidité constitue une « prestation spéciale en espèces à caractère non contributif », au sens du règlement nº 883/2004{1}. Enfin, il apparaît que le droit irlandais exclut le versement de cette allocation à une personne qui ne séjourne pas habituellement en Irlande, telle qu’une personne n’y disposant pas d’un droit de séjour.
En février 2018, la demande d’allocation d’invalidité présentée par GV a été rejetée, au motif qu’elle ne disposait pas d’un droit de séjour en Irlande.
Chargé de réexaminer le rejet de cette demande, en juillet 2019, l’Appeals Officer (agent en charge des recours, Irlande) a conclu que GV, en tant qu’ascendant direct à la charge d’une citoyenne de l’Union travaillant en Irlande, était titulaire d’un droit de séjour, mais n’avait pas le droit de bénéficier d’une prestation d’assistance sociale. Saisi d’une demande en révision, le Chief Appeals Officer (directeur de l’Office des recours, Irlande) a confirmé ce raisonnement étant donné que, conformément à la réglementation nationale transposant la directive 2004/38{2}, GV deviendrait, si l’allocation lui était accordée, une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale national et que, partant, elle ne disposerait plus de droit de séjour.
Par un jugement rendu en juillet 2020, la High Court (Haute Cour, Irlande) a annulé la décision prise par le directeur de l’Office des recours. Cette juridiction estime en particulier que la réglementation nationale précitée, en ce qu’elle soumet le droit de séjour d’un membre de la famille d’un citoyen irlandais à la condition que ce membre de sa famille ne devienne pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État, est incompatible avec la directive 2004/38, régissant le droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
Saisie en appel contre ce jugement, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger, en substance, la Cour sur la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une législation d’un État membre qui permet aux autorités de cet État membre de refuser l’octroi d’une prestation d’assistance sociale à un ascendant direct qui, au moment de l’introduction de la demande afférente à cette prestation, est à la charge d’un travailleur citoyen de l’Union, voire de lui retirer le droit de séjour de plus de trois mois, au motif que l’octroi de ladite prestation aurait pour effet que ce membre de la famille ne soit plus à la charge du travailleur citoyen de l’Union et devienne ainsi une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale dudit État membre.
Par son arrêt, prononcé en grande chambre, la Cour dit pour droit que le principe de libre circulation des travailleurs{3}, tel que mis en œuvre par le règlement nº 492/2011{4} relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, lu en combinaison avec la directive 2004/38, s’oppose à une telle réglementation nationale.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que la directive 2004/38, dont la juridiction de renvoi demandait l’interprétation, régit uniquement les conditions d’entrée et de séjour d’un citoyen de l’Union dans les États membres autres que celui dont il a la nationalité. Par conséquent, elle n’a pas vocation à conférer, sur le territoire de cet État membre, un droit de séjour dérivé aux membres de la famille de ce citoyen. En l’occurrence, depuis la naturalisation de AC, cette directive n’a plus vocation à régir ni son droit de séjour en Irlande, ni le droit de séjour dérivé dont pourraient bénéficier des membres de sa famille.
Cela étant, la Cour a déjà jugé que la situation d’un ressortissant d’un État membre, qui a exercé sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre, ne saurait être assimilée à une situation purement interne en raison du seul fait que, lors de ce séjour, il a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil en plus de sa nationalité d’origine. Ainsi, l’effet utile des droits conférés aux citoyens de l’Union par l’article 21 TFUE et, plus précisément, aux travailleurs par l’article 45 TFUE exige qu’un membre de la famille d’un travailleur citoyen de l’Union qui, après avoir exercé sa liberté de circulation en séjournant et en travaillant dans l’État membre d’accueil, a acquis la nationalité de cet État membre, puisse se voir octroyer un droit de séjour dérivé. En outre, les conditions d’octroi du droit de séjour dérivé dont bénéficie ce membre de la famille ne devraient pas être plus strictes que celles prévues dans la directive 2004/38 pour le membre de la famille d’un citoyen de l’Union ayant exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, cette directive devant être appliquée par analogie à une telle situation. Enfin, un travailleur citoyen de l’Union bénéficie - y compris lorsque, comme en l’occurrence, il a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil, en plus de sa nationalité d’origine - du droit à l’égalité de traitement, en application de l’article 45, paragraphe 2, TFUE, tel que mis en œuvre par l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011{5}.
Dans ce cadre, en premier lieu, la Cour précise qu’il résulte d’une lecture conjointe de plusieurs dispositions de la directive 2004/38{6} que les ascendants directs d’un travailleur citoyen de l’Union bénéficient d’un droit de séjour dérivé de plus de trois mois, lorsqu’ils sont « à charge » de ce travailleur. Afin que le membre de la famille concerné puisse bénéficier de ce droit, cette situation de dépendance doit exister, dans le pays de provenance de cette personne, au moment où elle demande à rejoindre le citoyen dont elle est à la charge. L’intéressé pourra conserver ledit droit tant qu’il reste à la charge de ce travailleur{7}, et ce jusqu’à ce que cet ascendant, ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, puisse prétendre à un droit de séjour permanent{8}.
En second lieu, s’agissant du droit précité à l’égalité de traitement dont bénéficie un travailleur citoyen de l’Union au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011, la Cour rappelle que la notion d’« avantages sociaux » prévue par cette disposition comprend tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleur ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de l’Union. Cette notion peut inclure des prestations d’assistance sociale relevant en même temps du domaine d’application spécifique du règlement nº 883/2004, comme l’allocation d’invalidité. En outre, une prestation d’assistance sociale, telle que l’allocation d’invalidité accordée à un ascendant direct, constitue pour le travailleur migrant un « avantage social » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011, dès lors que cet ascendant direct est à la charge de ce travailleur, au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38. Par ailleurs, ledit ascendant direct à charge, en tant que bénéficiaire indirect de l’égalité de traitement accordé audit travailleur, peut se prévaloir de cet article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011 afin d’obtenir cette allocation lorsque, en vertu du droit national, celle-ci est accordée directement à de tels ascendants. Eu égard à la protection contre les discriminations dont peuvent faire l’objet le travailleur migrant et les membres de sa famille dans l’État membre d’accueil assurée par cette disposition, la qualité d’ascendant « à charge » au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38 ne saurait être affectée par l’octroi d’une prestation d’assistance sociale dans l’État membre d’accueil. En décider autrement interdirait, en prat
ique, à ce membre de la famille à charge de demander cette prestation, portant ainsi atteinte à l’égalité de traitement reconnue au travailleur migrant. Il importe à cet égard de souligner que, par les contributions fiscales qu’un travailleur migrant verse à l’État membre d’accueil dans le cadre de l’activité salariée qu’il y exerce, ce travailleur contribue au financement des politiques sociales de cet État membre et doit, en conséquence, en profiter dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux. Partant, l’objectif consistant à invoquer une charge financière déraisonnable pour l’État membre d’accueil ne saurait justifier une inégalité de traitement entre les travailleurs migrants et les travailleurs nationaux.
{1} Règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatifs JO 2004, L 200, p. 1, ainsi que JO 2007, L 204, p. 30).
{2} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).
{3} Ce principe est énoncé à l’article 45 TFUE.
{4} Il s’agit plus particulièrement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) nº 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1).
{5} Au titre de cette disposition, le travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie, sur le territoire des autres États membres, « des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux ».
{6} Il s’agit de l’article 2, point 2, sous d), et de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et d), de la directive 2004/38.
{7} Conformément à l’article 14, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 2, point 2, sous d), et l’article 7, paragraphe 1, sous a) et d), de la directive 2004/38.
{8} Ce droit de séjour permanent est régi par l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
Arrêt du 21 décembre 2023, Chief Appeals Officer e.a. (C-488/21) (cf. points 45-50)
93. Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Avantages sociaux - Réglementation nationale excluant du bénéfice d'une allocation d'invalidité un ascendant direct à la charge d'un travailleur citoyen de l'Union voire lui retirant le droit de séjour de plus de trois mois - Inadmissibilité - Justification - Membre de la famille devenant une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale national - Absence
GV, ressortissante roumaine, est la mère de AC, également ressortissante roumaine, cette dernière séjournant et travaillant en Irlande. Par ailleurs, AC a été naturalisée irlandaise..
Depuis 2017, GV séjourne en Irlande avec sa fille dont elle est financièrement dépendante. En septembre 2017, du fait de la détérioration de son état de santé liée à l’arthrite, GV a demandé l’octroi de l’allocation d’invalidité au titre d’une loi sur la protection sociale.
Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, cette allocation, qui vise à protéger contre la pauvreté, constitue une prestation d’assistance sociale financée par le budget général, sans que l’intéressé ait à verser de cotisation de sécurité sociale. En outre, le bénéfice de l’allocation est soumis à certaines conditions, liées notamment à l’âge, aux ressources et au handicap. Par ailleurs, cette allocation d’invalidité constitue une « prestation spéciale en espèces à caractère non contributif », au sens du règlement nº 883/2004{1}. Enfin, il apparaît que le droit irlandais exclut le versement de cette allocation à une personne qui ne séjourne pas habituellement en Irlande, telle qu’une personne n’y disposant pas d’un droit de séjour.
En février 2018, la demande d’allocation d’invalidité présentée par GV a été rejetée, au motif qu’elle ne disposait pas d’un droit de séjour en Irlande.
Chargé de réexaminer le rejet de cette demande, en juillet 2019, l’Appeals Officer (agent en charge des recours, Irlande) a conclu que GV, en tant qu’ascendant direct à la charge d’une citoyenne de l’Union travaillant en Irlande, était titulaire d’un droit de séjour, mais n’avait pas le droit de bénéficier d’une prestation d’assistance sociale. Saisi d’une demande en révision, le Chief Appeals Officer (directeur de l’Office des recours, Irlande) a confirmé ce raisonnement étant donné que, conformément à la réglementation nationale transposant la directive 2004/38{2}, GV deviendrait, si l’allocation lui était accordée, une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale national et que, partant, elle ne disposerait plus de droit de séjour.
Par un jugement rendu en juillet 2020, la High Court (Haute Cour, Irlande) a annulé la décision prise par le directeur de l’Office des recours. Cette juridiction estime en particulier que la réglementation nationale précitée, en ce qu’elle soumet le droit de séjour d’un membre de la famille d’un citoyen irlandais à la condition que ce membre de sa famille ne devienne pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État, est incompatible avec la directive 2004/38, régissant le droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
Saisie en appel contre ce jugement, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger, en substance, la Cour sur la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une législation d’un État membre qui permet aux autorités de cet État membre de refuser l’octroi d’une prestation d’assistance sociale à un ascendant direct qui, au moment de l’introduction de la demande afférente à cette prestation, est à la charge d’un travailleur citoyen de l’Union, voire de lui retirer le droit de séjour de plus de trois mois, au motif que l’octroi de ladite prestation aurait pour effet que ce membre de la famille ne soit plus à la charge du travailleur citoyen de l’Union et devienne ainsi une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale dudit État membre.
Par son arrêt, prononcé en grande chambre, la Cour dit pour droit que le principe de libre circulation des travailleurs{3}, tel que mis en œuvre par le règlement nº 492/2011{4} relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, lu en combinaison avec la directive 2004/38, s’oppose à une telle réglementation nationale.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que la directive 2004/38, dont la juridiction de renvoi demandait l’interprétation, régit uniquement les conditions d’entrée et de séjour d’un citoyen de l’Union dans les États membres autres que celui dont il a la nationalité. Par conséquent, elle n’a pas vocation à conférer, sur le territoire de cet État membre, un droit de séjour dérivé aux membres de la famille de ce citoyen. En l’occurrence, depuis la naturalisation de AC, cette directive n’a plus vocation à régir ni son droit de séjour en Irlande, ni le droit de séjour dérivé dont pourraient bénéficier des membres de sa famille.
Cela étant, la Cour a déjà jugé que la situation d’un ressortissant d’un État membre, qui a exercé sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre, ne saurait être assimilée à une situation purement interne en raison du seul fait que, lors de ce séjour, il a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil en plus de sa nationalité d’origine. Ainsi, l’effet utile des droits conférés aux citoyens de l’Union par l’article 21 TFUE et, plus précisément, aux travailleurs par l’article 45 TFUE exige qu’un membre de la famille d’un travailleur citoyen de l’Union qui, après avoir exercé sa liberté de circulation en séjournant et en travaillant dans l’État membre d’accueil, a acquis la nationalité de cet État membre, puisse se voir octroyer un droit de séjour dérivé. En outre, les conditions d’octroi du droit de séjour dérivé dont bénéficie ce membre de la famille ne devraient pas être plus strictes que celles prévues dans la directive 2004/38 pour le membre de la famille d’un citoyen de l’Union ayant exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, cette directive devant être appliquée par analogie à une telle situation. Enfin, un travailleur citoyen de l’Union bénéficie - y compris lorsque, comme en l’occurrence, il a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil, en plus de sa nationalité d’origine - du droit à l’égalité de traitement, en application de l’article 45, paragraphe 2, TFUE, tel que mis en œuvre par l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011{5}.
Dans ce cadre, en premier lieu, la Cour précise qu’il résulte d’une lecture conjointe de plusieurs dispositions de la directive 2004/38{6} que les ascendants directs d’un travailleur citoyen de l’Union bénéficient d’un droit de séjour dérivé de plus de trois mois, lorsqu’ils sont « à charge » de ce travailleur. Afin que le membre de la famille concerné puisse bénéficier de ce droit, cette situation de dépendance doit exister, dans le pays de provenance de cette personne, au moment où elle demande à rejoindre le citoyen dont elle est à la charge. L’intéressé pourra conserver ledit droit tant qu’il reste à la charge de ce travailleur{7}, et ce jusqu’à ce que cet ascendant, ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, puisse prétendre à un droit de séjour permanent{8}.
En second lieu, s’agissant du droit précité à l’égalité de traitement dont bénéficie un travailleur citoyen de l’Union au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011, la Cour rappelle que la notion d’« avantages sociaux » prévue par cette disposition comprend tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleur ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de l’Union. Cette notion peut inclure des prestations d’assistance sociale relevant en même temps du domaine d’application spécifique du règlement nº 883/2004, comme l’allocation d’invalidité. En outre, une prestation d’assistance sociale, telle que l’allocation d’invalidité accordée à un ascendant direct, constitue pour le travailleur migrant un « avantage social » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011, dès lors que cet ascendant direct est à la charge de ce travailleur, au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38. Par ailleurs, ledit ascendant direct à charge, en tant que bénéficiaire indirect de l’égalité de traitement accordé audit travailleur, peut se prévaloir de cet article 7, paragraphe 2, du règlement nº 492/2011 afin d’obtenir cette allocation lorsque, en vertu du droit national, celle-ci est accordée directement à de tels ascendants. Eu égard à la protection contre les discriminations dont peuvent faire l’objet le travailleur migrant et les membres de sa famille dans l’État membre d’accueil assurée par cette disposition, la qualité d’ascendant « à charge » au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38 ne saurait être affectée par l’octroi d’une prestation d’assistance sociale dans l’État membre d’accueil. En décider autrement interdirait, en prat
ique, à ce membre de la famille à charge de demander cette prestation, portant ainsi atteinte à l’égalité de traitement reconnue au travailleur migrant. Il importe à cet égard de souligner que, par les contributions fiscales qu’un travailleur migrant verse à l’État membre d’accueil dans le cadre de l’activité salariée qu’il y exerce, ce travailleur contribue au financement des politiques sociales de cet État membre et doit, en conséquence, en profiter dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux. Partant, l’objectif consistant à invoquer une charge financière déraisonnable pour l’État membre d’accueil ne saurait justifier une inégalité de traitement entre les travailleurs migrants et les travailleurs nationaux.
{1} Règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatifs JO 2004, L 200, p. 1, ainsi que JO 2007, L 204, p. 30).
{2} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).
{3} Ce principe est énoncé à l’article 45 TFUE.
{4} Il s’agit plus particulièrement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) nº 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1).
{5} Au titre de cette disposition, le travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie, sur le territoire des autres États membres, « des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux ».
{6} Il s’agit de l’article 2, point 2, sous d), et de l’article 7, paragraphe 1, sous a) et d), de la directive 2004/38.
{7} Conformément à l’article 14, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 2, point 2, sous d), et l’article 7, paragraphe 1, sous a) et d), de la directive 2004/38.
{8} Ce droit de séjour permanent est régi par l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38.
Arrêt du 21 décembre 2023, Chief Appeals Officer e.a. (C-488/21) (cf. points 54-61, 63-72 et disp.)
94. Actes des institutions - Choix de la base juridique - Critères - Existence d'une base juridique spécifique - Règlement relatif au renforcement de la sécurité des documents d'identité des citoyens de l'Union et de séjour délivrés auxdits citoyens et aux membres de leur famille exerçant leur droit à la libre circulation - Adoption sur le fondement des dispositions spécifiques de l'article 77, paragraphe 3, TFUE et non de l'article 21, paragraphe 2, TFUE
Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden, Allemagne), la Cour, réunie en grande chambre, déclare invalide le règlement 2019/1157{1}, relatif au renforcement de la sécurité des cartes d’identité des citoyens de l’Union, en ce qu’il a été adopté sur une base juridique erronée. Elle constate toutefois que l’insertion obligatoire dans les cartes d’identité de deux empreintes digitales, prévue par ce règlement, est compatible notamment avec les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. La Cour en maintient donc les effets jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement, fondé sur la base juridique spécifique appropriée, appelé à le remplacer.
En novembre 2021, le requérant au principal a sollicité de la ville de Wiesbaden{2} la délivrance d’une nouvelle carte d’identité en demandant que celle-ci ne contienne pas ses empreintes digitales. La ville de Wiesbaden a rejeté ladite demande au motif, notamment, que, depuis le 2 août 2021, l’intégration de deux empreintes digitales dans le support de stockage des cartes d’identité est obligatoire en vertu de la disposition de droit national qui transpose, en substance, l’article 3, paragraphe 5, du règlement 2019/1157.
Le 21 décembre 2021, le requérant au principal a introduit devant la juridiction de renvoi un recours contre la décision de la ville de Wiesbaden afin qu’il soit fait injonction à cette dernière de lui délivrer une carte d’identité sans que ses empreintes digitales ne soient collectées.
Doutant de la légalité des motifs de la décision attaquée, car notamment se demandant si la validité du règlement 2019/1157 ne serait pas elle-même contestable, la juridiction de renvoi a sursis à statuer pour demander à la Cour si ce règlement est invalide aux motifs que, premièrement, il aurait été adopté à tort sur le fondement de l’article 21, paragraphe 2, TFUE au lieu de l'article 77, paragraphe 3, TFUE, deuxièmement, il violerait le règlement général sur la protection des données{3}, et, troisièmement, il méconnaîtrait les articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne{4}.
Appréciation de la Cour
Sur le premier motif d’invalidité, tiré du recours à une base juridique erronée
En ce qui concerne les champs d’application respectifs de l’article 21, paragraphe 2, TFUE et de l’article 77, paragraphe 3, TFUE, la Cour relève que la compétence conférée à l’Union par la première de ces deux dispositions pour adopter les dispositions nécessaires aux fins de faciliter l’exercice du droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres{5}, l’est sous réserve des pouvoirs d’action prévus à cet effet par les traités. Or, l’article 77, paragraphe 3, TFUE{6} prévoit explicitement de tels pouvoirs d’action en ce qui concerne l’adoption de dispositions concernant les passeports, les cartes d’identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé délivrés aux citoyens de l’Union aux fins de faciliter l’exercice du droit de libre circulation et de séjour.
Certes, cette seconde disposition relève du titre du TFUE consacré à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et du chapitre intitulé « Politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration ». Toutefois, il résulte de l’article 77, paragraphe 1, TFUE que l’Union développe une politique visant à assurer tant l’absence de tout contrôle des personnes, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’elles franchissent les frontières intérieures, que le contrôle des personnes et la surveillance efficace du franchissement des frontières extérieures, ainsi qu’à mettre en place progressivement un système intégré de gestion de ces frontières. Or, les dispositions{7} visées à l’article 77, paragraphe 3, TFUE font partie intégrante d’une telle politique de l’Union. En effet, s’agissant des citoyens de l’Union, ces documents leur permettent notamment d’attester de leur qualité de bénéficiaires du droit de libre circulation et de séjour, et donc d’exercer ce droit. Partant, l’article 77, paragraphe 3, est susceptible de fonder l’adoption de mesures relatives auxdits documents si une telle action apparaît nécessaire pour faciliter l’exercice du droit de libre circulation et de séjour.
Cette interprétation de la portée de l’article 77, paragraphe 3, TFUE n’est infirmée ni par l’évolution historique des traités en matière de compétence de l’Union pour adopter des mesures relatives, notamment, aux passeports et aux cartes d’identité, ni par le fait que cette disposition prévoit qu’elle s’applique « sauf si les traités ont prévu des pouvoirs d’action à cet effet ».
À cet égard, la Cour relève, d’une part, que, certes, le traité de Lisbonne a supprimé la disposition{8} qui excluait expressément la possibilité pour le législateur de l’Union de recourir à l’article 18, paragraphe 2, CE (devenu l’article 21, paragraphe 2, TFUE) comme base juridique pour l’adoption, notamment, des « dispositions concernant les passeports [et] les cartes d’identité ». Toutefois, dans le même temps, ce traité a conféré expressément à l’Union un pouvoir d’action dans ce domaine, à l’article 77, paragraphe 3, TFUE, soumettant l’adoption des mesures dans ledit domaine à une procédure législative spéciale et notamment à l’unanimité au Conseil.
Dans ces conditions, ladite suppression ne saurait impliquer qu’il serait dorénavant possible d’adopter des dispositions concernant les passeports et les cartes d’identité sur le fondement de l’article 21, paragraphe 2, TFUE. Au contraire, selon la Cour, il résulte de l’évolution historique que, par l’article 77, paragraphe 3, TFUE, les auteurs des traités ont entendu conférer à l’Union, pour l’adoption de telles dispositions visant à faciliter l’exercice du droit de libre circulation et de séjour, une compétence plus spécifique que la compétence plus générale prévue à l’article 21, paragraphe 2, TFUE.
D’autre part, la Cour interprète l’indication selon laquelle l’article 77, paragraphe 3, TFUE s’applique « sauf si les traités ont prévu des pouvoirs d’action à cet effet », en ce sens que les pouvoirs d’action visés sont ceux conférés non pas par une disposition de portée plus générale, telle que l’article 21, paragraphe 2, TFUE, mais par une disposition encore plus spécifique.
La Cour en déduit que le règlement 2019/1157 ne pouvait être adopté sur le fondement de l’article 21, paragraphe 2, TFUE qu’à la condition que la finalité ou la composante principale ou prépondérante de ce règlement se situe en dehors du champ d’application spécifique de l’article 77, paragraphe 3, TFUE, qui concerne, aux fins de faciliter l’exercice du droit de libre circulation et de séjour, la délivrance des passeports, des cartes d’identité, des titres de séjour ou de tout autre document assimilé.
Or, il découle de la finalité et des composantes principales du règlement 2019/1157 que celui-ci relève du champ d’application spécifique de l’article 77, paragraphe 3, TFUE. Partant, en adoptant ce règlement sur la base de l’article 21, paragraphe 2, TFUE, et en application de la procédure législative ordinaire, le législateur de l’Union a eu recours à une base juridique erronée, ce qui est de nature à entraîner l’invalidité dudit règlement.
Sur le deuxième motif d’invalidité, tiré de la méconnaissance de l’article 35, paragraphe 10, du RGPD
Relevant que le règlement 2019/1157 ne procède à aucune opération appliquée à des données à caractère personnel, mais se borne à prévoir l’accomplissement par les États membres de certains traitements en cas de demande de carte d’identité, la Cour constate que l’article 35, paragraphe 1, du RGPD{9} n’avait pas vocation à s’appliquer lors de l’adoption du règlement 2019/1157. L’article 35, paragraphe 10, du RGPD instituant une dérogation à cette dernière disposition, l’adoption du règlement 2019/1157 n’a donc pu méconnaître ledit article 35, paragraphe 10.
Sur le troisième motif d’invalidité, tiré de la méconnaissance des articles 7 et 8 de la Charte
En premier lieu, la Cour relève que l’obligation d’intégrer deux empreintes digitales complètes dans le support de stockage des cartes d’identité délivrées par les États membres, prévue à l’article 3, paragraphe 5, du règlement 2019/1157, constitue une limitation tant du droit au respect de la vie privée que du droit à la protection des données à caractère personnel, consacrés respectivement aux articles 7 et 8 de la Charte{10}. En outre, cette obligation implique la réalisation préalable de deux opérations de traitement de données à caractère personnel successives, à savoir la collecte desdites empreintes auprès de la personne concernée ainsi que leur stockage provisoire aux fins de la personnalisation des cartes d’identité qui constituent également des limitations des droits consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte.
En second lieu, la Cour examine si les limitations en cause sont justifiées et proportionnées.
À cet égard, elle considère, d’une part, que les limitations en cause satisfont au principe de légalité et ne portent pas atteinte au contenu essentiel des droits fondamentaux consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte.
D’autre part, en ce qui concerne le principe de proportionnalité, la Cour précise, premièrement, que la mesure en cause poursuit plusieurs objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, à savoir la lutte contre la fabrication de fausses cartes d’identité et l’usurpation d’identité, ainsi que l’interopérabilité des systèmes de vérification, et qu’elle est apte à réaliser ces objectifs. En effet, l’intégration des empreintes digitales dans les cartes d’identité rend plus difficile la fabrication de fausses cartes d’identité. Elle permet également de vérifier, de manière fiable, l’authenticité de la carte d’identité et l’identité du titulaire de la carte, réduisant ainsi le risque de fraude. Quant à l’objectif d’interopérabilité des systèmes de vérification des cartes d’identité, le recours aux empreintes digitales complètes permet d’assurer une compatibilité avec l’ensemble des systèmes automatisés d’identification des empreintes digitales utilisés par les États membres, alors même que de tels systèmes n’ont pas nécessairement recours au même mécanisme d’identification.
Deuxièmement, la Cour considère que les limitations en cause respectent les limites du strict nécessaire afin de réaliser les objectifs poursuivis.
En effet, s’agissant du principe même d’intégrer des empreintes digitales dans le support de stockage des cartes d’identité, il s’agit d’un moyen fiable et efficace pour établir avec certitude l’identité d’une personne. En particulier, la seule insertion d’une image faciale constituerait un moyen d’identification moins efficace que l’insertion, en sus de cette image, de deux empreintes digitales, puisque différents facteurs peuvent altérer les caractéristiques anatomiques du visage. Le procédé utilisé pour collecter ces empreintes est, en outre, simple à mettre en œuvre.
Quant à l’intégration de deux empreintes digitales complètes plutôt que de certains des points caractéristiques de ces empreintes, outre que cette seconde option ne présenterait pas les mêmes garanties qu’une empreinte complète, l’intégration d’une empreinte complète est également nécessaire à l’interopérabilité des systèmes de vérification des documents d’identification. En effet, les États membres utilisent différentes technologies d’identification des empreintes digitales. Le fait de n’intégrer dans le support de stockage de la carte d’identité que certaines des caractéristiques d’une empreinte digitale compromettrait donc la réalisation de l’objectif d’interopérabilité.
Troisièmement, la Cour estime que, compte tenu de la nature des données en cause, de la nature et des modalités des opérations de traitement ainsi que des mécanismes de sauvegarde prévus, les limitations ainsi portées aux droits fondamentaux consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte ne sont pas d’une gravité qui serait disproportionnée par rapport à l’importance des objectifs poursuivis, mais que, au contraire, la mesure en cause est fondée sur une pondération équilibrée entre, d’une part, les objectifs qu’elle poursuit et, d’autre part, les droits fondamentaux en présence.
{1} Règlement (UE) 2019/1157 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, relatif au renforcement de la sécurité des cartes d’identité des citoyens de l’Union et des documents de séjour délivrés aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille exerçant leur droit à la libre circulation (JO 2019, L 188, p. 67).
{2} Landeshauptstadt Wiesbaden (ville de Wiesbaden, capitale de Land, Allemagne).
{3} Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, ci-après le « RGPD »).
{4} Ci-après la « Charte ». Ces dispositions sont relatives, respectivement, au respect de la vie privée et familiale et à la protection des données à caractère personnel.
{5} Droit visé à l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE. Ci-après le « droit de libre circulation et de séjour ».
{6} Aux termes de cette disposition, « [s]i une action de l’Union apparaît nécessaire pour faciliter l'exercice du droit, visé à l’article 20, paragraphe 2, point a), et sauf si les traités ont prévu des pouvoirs d’action à cet effet, le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, peut arrêter des dispositions concernant les passeports, les cartes d'identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé. Le Conseil statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen ».
{7} À savoir, les dispositions concernant les passeports et les cartes d’identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé (ci-après les « dispositions concernant les passeports et les cartes d’identité »).
{8} Auparavant énoncée à l’article 18, paragraphe 3, CE.
{9} Cette disposition prévoit l’obligation, pour le responsable d’un traitement de données à caractère personnel susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques, d’effectuer, avant le traitement, une analyse de l’impact des opérations de traitement envisagées sur la protection des données à caractère personnel.
{10} Ces limitations de l’exercice des droits fondamentaux garantis aux articles 7 et 8 de la Charte, d’une part, et l’obligation d’intégrer deux empreintes digitales complètes dans le support de stockage des cartes d’identité, d’autre part, seront désignées ci-après, respectivement, par « les limitations en cause » et « la mesure en cause ».
Arrêt du 21 mars 2024, Landeshauptstadt Wiesbaden (C-61/22) (cf. points 46, 49-56, 61)
95. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Droit à un recours juridictionnel effectif - Décision relative au séjour fondée sur des informations classifiées - Contrôle de la légalité - Obligation de conférer à la juridiction la compétence de vérifier la licéité de la classification de ces informations ainsi que d'autoriser l'accès de la personne concernée à l'ensemble ou à la substance desdites informations - Absence - Obligation de tirer les conséquences d'une décision des autorités compétentes de ne pas communiquer des motifs de cette décision et des éléments de preuve y afférents
Voir texte de la décision
96. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Citoyen de l'Union n'ayant jamais exercé son droit de libre circulation - Droit de séjour dérivé du membre de sa famille, ressortissant d'un pays tiers - Retrait ou refus du droit de séjour sans 'examen préalable de l'existence d'une relation de dépendance contraignant ce citoyen de l'Union à quitter le territoire de l'Union - Inadmissibilité - Conditions - Ressortissant d'un pays tiers ne pouvant se voir octroyer un droit de séjour en application d'une autre disposition - Autorités compétentes disposant d'informations sur l'existence de liens familiaux entre ce ressortissant d'un pays tiers et ce citoyen de l'Union
Voir texte de la décision
97. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Avis non motivé constatant le caractère menaçant d'un ressortissant d'un pays tiers susceptible de bénéficier d'un droit de séjour dérivé - Réglementation nationale imposant à l'autorité responsable de retirer ou de refuser de délivrer un titre de séjour, pour un motif de sécurité nationale, à ce ressortissant - Absence d'examen de l'ensemble des circonstances individuelles et de la proportionnalité de cette décision de retrait ou de refus - Inadmissibilité
Voir texte de la décision
98. Citoyenneté de l'Union - Dispositions du traité - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Droit à une bonne administration - Droit à un recours juridictionnel effectif - Décision de retrait ou de refus d'un titre de séjour, adoptée à l'égard d'un ressortissant d'un pays tiers susceptible de bénéficier d'un droit de séjour dérivé- Décision fondée sur des informations compromettantes pour la sécurité nationale de l'État membre en cause - Réglementation nationale prévoyant l'accès partiel à ces informations sur autorisation pour ce ressortissant ou son représentant - Interdiction d'utilisation desdites informations aux fins de procédures administrative ou juridictionnelle - Inadmissibilité
Voir texte de la décision
99. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Ressortissant d'un pays tiers, ascendant direct du partenaire d'un citoyen de l'Union, à la charge de ce citoyen de l'Union et/ou de ce partenaire - Ressortissant concerné rejoignant ce partenaire et ce citoyen, tous deux citoyens de l'Union, dans l'État membre d'accueil - État membre concerné étant celui de la nationalité du citoyen rejoint mais non celui de la nationalité de son partenaire - Inclusion
Saisie à titre préjudiciel dans le cadre d’un litige portant sur une demande de carte de séjour présentée par un ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union européenne, la Cour apporte des précisions sur l’appréciation de la condition relative au lien de dépendance entre cet ascendant direct et ce citoyen ou son partenaire, aux fins de l’obtention d’un droit de séjour dérivé au titre de la directive 2004/38{1}.
XXX, de nationalité marocaine, est la mère d’un ressortissant belge résidant en Belgique avec sa partenaire, Mme N. E. K., qui est de nationalité néerlandaise et qui a fait une déclaration formelle de cohabitation avec le fils de XXX en 2005 en Belgique.
Entrée en juillet 2011 sur le territoire belge, XXX a introduit, en septembre 2011, auprès des autorités belges, une demande de carte de séjour en tant qu’ascendante directe à la charge de son fils.
Cette demande ayant été rejetée en raison d’une modification du droit belge relatif au regroupement familial, XXX a introduit, en 2015, une deuxième demande de carte de séjour, cette fois-ci en qualité de membre de la famille de Mme N. E. K.
Cette nouvelle demande a été rejetée au motif, premièrement, que XXX n’avait pas fourni la preuve que les membres de la famille rejoints disposaient de ressources suffisantes pour la prendre en charge et, deuxièmement, que les documents prouvant son lien de dépendance étaient trop anciens. Ce rejet ainsi que l’ordre de quitter le territoire belge l’accompagnant ont été confirmés par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique).
Une troisième demande de carte de séjour introduite par XXX en 2017 en tant que membre de la famille de la partenaire de son fils a également été rejetée, les autorités belges ayant estimé que les documents prouvant la dépendance de XXX, qui dataient de 2010 et 2011, étaient trop anciens.
Par un arrêt d’août 2019, le Conseil du contentieux des étrangers, considérant que les documents produits par XXX tendaient à prouver l’existence d’une situation de dépendance financière en 2010 et en 2011, mais ne permettaient pas de prouver une telle situation à la date de sa demande de carte de séjour, en 2017, a confirmé ce rejet.
Saisie d’un recours contre cet arrêt, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur le moment pertinent pour apprécier la condition relative au lien de dépendance et sur l’éventuelle incidence sur cette appréciation que pourrait avoir le séjour irrégulier du demandeur sur le territoire de l’État membre d’accueil.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour précise que les ascendants directs à la charge du partenaire d’un citoyen de l’Union qui séjourne dans un État membre dont il n’a pas la nationalité doivent être considérés, aux fins de l’application des droits garantis par la directive 2004/38, comme étant les membres de la famille d’un citoyen de l’Union, pour autant que le partenariat enregistré réponde aux critères visés à l’article 2, point 2, sous b), de cette même directive. En l’occurrence, la juridiction de renvoi semblant considérer que la déclaration de cohabitation effectuée en 2005 vaut conclusion d’un tel partenariat, la directive 2004/38 est applicable. Ainsi, à condition que XXX puisse démontrer qu’elle est à la charge du ménage rejoint, au sens de l’article 2, point 2, sous d), de cette directive, elle peut se prévaloir du bénéfice des droits garantis par ladite directive et, notamment, d’un droit de séjour de plus de trois mois au titre de l’article 7, paragraphe 2, de cette même directive.
Sur le fond, en premier lieu, la Cour énonce que, en application de la directive 2004/38{2}, afin de déterminer si l’ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union est à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire, l’autorité nationale compétente doit tenir compte tant de la situation de cet ascendant dans son pays d’origine à la date à laquelle il a quitté celui-ci et rejoint ledit citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil, le cas échéant sur la base de documents délivrés avant cette date, que de la situation dudit ascendant dans cet État membre à la date d’introduction d’une demande de carte de séjour, lorsque plusieurs années se sont écoulées entre ces deux dates.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour examine, tout d’abord, la date à laquelle doit être appréciée la condition relative au lien de dépendance visée à l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38. À cet égard, s’agissant d’une situation dans laquelle plusieurs années séparent le départ du ressortissant de pays tiers de son pays d’origine et sa demande de carte de séjour, l’autorité nationale compétente doit, dans le cadre de la procédure administrative prévue à l’article 10 de la directive 2004/38, fournir une carte de séjour au demandeur, ressortissant d’un pays tiers, après avoir vérifié que celui-ci remplit les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois{3}, notamment qu’il relève de la notion de « membre de la famille », au sens de cette directive. Or, dans une telle situation, si l’autorité nationale compétente ne vérifiait pas, lors de l’examen de la demande de carte de séjour, que l’ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union, qui l’a rejoint physiquement dans l’État membre d’accueil quelques années avant l’introduction de cette demande, est, au moment de l’introduction de celle-ci, à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire{4}, il existerait un risque que cet ascendant se voit octroyer une carte de séjour alors qu’il ne remplit pas les conditions prévues{5} pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois et ainsi d’une telle carte de séjour. Par conséquent, lors de l’introduction de la demande de carte de séjour, le ressortissant d’un pays tiers doit démontrer qu’il dispose de la qualité d’« ascendant direct à charge », au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
Ensuite, la Cour précise que, dans une telle situation de décalage de plusieurs années entre l’arrivée de l’ascendant direct du partenaire du citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil et l’introduction de sa demande de carte de séjour, cet ascendant doit également apporter la preuve qu’il est à la charge de ce citoyen et/ou de ce partenaire à la date de son arrivée sur le territoire de l’État membre concerné. En effet, si le contrôle de la condition afférente au lien de dépendance était limité à celui de la situation de l’ascendant direct dans l’État membre d’accueil à la date d’introduction de la demande de carte de séjour, cet ascendant pourrait se voir fournir une telle carte, alors que, à la date à laquelle il a rejoint physiquement le citoyen de l’Union, il ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois, ce qui, par ailleurs, irait à l’encontre des objectifs poursuivis par la directive 2004/38. En particulier, un tel contrôle limité, d’une part, risquerait d’élargir le nombre des bénéficiaires potentiels des droits conférés par cette directive, contrevenant ainsi à la volonté exprimée par le législateur de l’Union et, d’autre part, comporterait le risque d’un contournement des exigences posées par ladite directive.
La Cour ajoute que ces risques n’existent pourtant pas lorsque l’ascendant direct est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil et y a séjourné dans un premier temps sur le fondement d’un droit de séjour, autonome ou dérivé, pouvant être accordé en droit de l’Union au titre d’une disposition autre que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, voire au titre du droit national. Partant, dans une telle situation, il suffit que cet ascendant apporte la preuve qu’il est à la charge du citoyen de l’Union et/ou du partenaire de celui-ci dans cet État membre à la date de l’introduction de sa demande de carte de séjour.
Enfin, en ce qui concerne le mode de preuve admis pour permettre à l’intéressé de démontrer qu’il dispose de la qualité d’« ascendant direct à charge »{6}, l’article 10, paragraphe 2, sous d), de la directive 2004/38 se limite à préciser que, pour la délivrance de la carte de séjour, les États membres doivent demander des pièces justificatives attestant que les conditions énoncées à cet article 2, point 2, sous d), y compris donc celle liée au lien de dépendance, sont remplies. En l’absence de précision concernant ce mode de preuve, il doit être considéré qu’une telle preuve peut être faite par tout moyen approprié. À cet égard, les documents délivrés dans le passé et attestant de l’existence d’une situation de dépendance dans le pays d’origine de cet ascendant direct à la date à laquelle il a physiquement rejoint ce citoyen de l’Union et ce partenaire ne sauraient être considérés comme étant trop anciens.
En second lieu, la Cour dit pour droit que, en vertu de la directive 2004/38{7}, un ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union qui peut démontrer qu’il est, tant à la date de sa demande de carte de séjour, introduite plusieurs années après son arrivée dans l’État membre d’accueil, qu’à la date de cette arrivée, à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire, bénéficie d’un droit de séjour dérivé des droits dont jouit un citoyen de l’Union, de plus de trois mois, constaté par la délivrance d’une carte de séjour, si ledit citoyen de l’Union satisfait aux conditions énoncées à l’article 7 de cette directive. Ce droit de séjour ne saurait être refusé au motif que, en application de la réglementation nationale, cet ascendant séjourne, à la date de cette demande, de manière irrégulière sur le territoire de cet État membre.
Sur ce point, la Cour relève, en particulier, que la directive 2004/38, si elle conditionne son applicabilité, pour les ascendants directs, au lien de dépendance, visé, en substance, à son article 2, point 2, sous d), ne conditionne pas la qualité de « membre de la famille », au sens de cette même disposition, à un « séjour régulier » dans l’État membre d’accueil.
{1} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, JO 2005, L 197, p. 34, ainsi que JO 2007, L 204, p. 28). Plus spécifiquement, cette condition relative au lien de dépendance est prévue à l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{2} La Cour se fonde sur l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, et l’article 10 de cette directive.
{3} Au titre de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38.
{4} Au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{5} Article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38.
{6} Au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{7} La Cour se fonde sur l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 2, point 2, sous d), et l’article 10 de cette directive.
Arrêt du 10 avril 2025, État belge (Preuve du lien de dépendance) (C-607/21) (cf. points 28-34)
100. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Bénéficiaires - Ressortissant d'un pays tiers, ascendant direct du partenaire d'un citoyen de l'Union, à la charge de ce citoyen de l'Union et/ou de ce partenaire - Condition du lien de dépendance - Appréciation au regard de la situation de cet ascendant dans son pays d'origine à la date de son départ sur la base de documents délivrés avant cette date - Écoulement de plusieurs années entre la date d'arrivée dans l'État membre d'accueil et la date d'introduction d'une demande de carte de séjour - Appréciation au regard de la situation de cet ascendant dans l'État membre d'accueil à la date d'introduction de cette demande de carte de séjour
Saisie à titre préjudiciel dans le cadre d’un litige portant sur une demande de carte de séjour présentée par un ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union européenne, la Cour apporte des précisions sur l’appréciation de la condition relative au lien de dépendance entre cet ascendant direct et ce citoyen ou son partenaire, aux fins de l’obtention d’un droit de séjour dérivé au titre de la directive 2004/38{1}.
XXX, de nationalité marocaine, est la mère d’un ressortissant belge résidant en Belgique avec sa partenaire, Mme N. E. K., qui est de nationalité néerlandaise et qui a fait une déclaration formelle de cohabitation avec le fils de XXX en 2005 en Belgique.
Entrée en juillet 2011 sur le territoire belge, XXX a introduit, en septembre 2011, auprès des autorités belges, une demande de carte de séjour en tant qu’ascendante directe à la charge de son fils.
Cette demande ayant été rejetée en raison d’une modification du droit belge relatif au regroupement familial, XXX a introduit, en 2015, une deuxième demande de carte de séjour, cette fois-ci en qualité de membre de la famille de Mme N. E. K.
Cette nouvelle demande a été rejetée au motif, premièrement, que XXX n’avait pas fourni la preuve que les membres de la famille rejoints disposaient de ressources suffisantes pour la prendre en charge et, deuxièmement, que les documents prouvant son lien de dépendance étaient trop anciens. Ce rejet ainsi que l’ordre de quitter le territoire belge l’accompagnant ont été confirmés par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique).
Une troisième demande de carte de séjour introduite par XXX en 2017 en tant que membre de la famille de la partenaire de son fils a également été rejetée, les autorités belges ayant estimé que les documents prouvant la dépendance de XXX, qui dataient de 2010 et 2011, étaient trop anciens.
Par un arrêt d’août 2019, le Conseil du contentieux des étrangers, considérant que les documents produits par XXX tendaient à prouver l’existence d’une situation de dépendance financière en 2010 et en 2011, mais ne permettaient pas de prouver une telle situation à la date de sa demande de carte de séjour, en 2017, a confirmé ce rejet.
Saisie d’un recours contre cet arrêt, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur le moment pertinent pour apprécier la condition relative au lien de dépendance et sur l’éventuelle incidence sur cette appréciation que pourrait avoir le séjour irrégulier du demandeur sur le territoire de l’État membre d’accueil.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour précise que les ascendants directs à la charge du partenaire d’un citoyen de l’Union qui séjourne dans un État membre dont il n’a pas la nationalité doivent être considérés, aux fins de l’application des droits garantis par la directive 2004/38, comme étant les membres de la famille d’un citoyen de l’Union, pour autant que le partenariat enregistré réponde aux critères visés à l’article 2, point 2, sous b), de cette même directive. En l’occurrence, la juridiction de renvoi semblant considérer que la déclaration de cohabitation effectuée en 2005 vaut conclusion d’un tel partenariat, la directive 2004/38 est applicable. Ainsi, à condition que XXX puisse démontrer qu’elle est à la charge du ménage rejoint, au sens de l’article 2, point 2, sous d), de cette directive, elle peut se prévaloir du bénéfice des droits garantis par ladite directive et, notamment, d’un droit de séjour de plus de trois mois au titre de l’article 7, paragraphe 2, de cette même directive.
Sur le fond, en premier lieu, la Cour énonce que, en application de la directive 2004/38{2}, afin de déterminer si l’ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union est à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire, l’autorité nationale compétente doit tenir compte tant de la situation de cet ascendant dans son pays d’origine à la date à laquelle il a quitté celui-ci et rejoint ledit citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil, le cas échéant sur la base de documents délivrés avant cette date, que de la situation dudit ascendant dans cet État membre à la date d’introduction d’une demande de carte de séjour, lorsque plusieurs années se sont écoulées entre ces deux dates.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour examine, tout d’abord, la date à laquelle doit être appréciée la condition relative au lien de dépendance visée à l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38. À cet égard, s’agissant d’une situation dans laquelle plusieurs années séparent le départ du ressortissant de pays tiers de son pays d’origine et sa demande de carte de séjour, l’autorité nationale compétente doit, dans le cadre de la procédure administrative prévue à l’article 10 de la directive 2004/38, fournir une carte de séjour au demandeur, ressortissant d’un pays tiers, après avoir vérifié que celui-ci remplit les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois{3}, notamment qu’il relève de la notion de « membre de la famille », au sens de cette directive. Or, dans une telle situation, si l’autorité nationale compétente ne vérifiait pas, lors de l’examen de la demande de carte de séjour, que l’ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union, qui l’a rejoint physiquement dans l’État membre d’accueil quelques années avant l’introduction de cette demande, est, au moment de l’introduction de celle-ci, à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire{4}, il existerait un risque que cet ascendant se voit octroyer une carte de séjour alors qu’il ne remplit pas les conditions prévues{5} pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois et ainsi d’une telle carte de séjour. Par conséquent, lors de l’introduction de la demande de carte de séjour, le ressortissant d’un pays tiers doit démontrer qu’il dispose de la qualité d’« ascendant direct à charge », au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
Ensuite, la Cour précise que, dans une telle situation de décalage de plusieurs années entre l’arrivée de l’ascendant direct du partenaire du citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil et l’introduction de sa demande de carte de séjour, cet ascendant doit également apporter la preuve qu’il est à la charge de ce citoyen et/ou de ce partenaire à la date de son arrivée sur le territoire de l’État membre concerné. En effet, si le contrôle de la condition afférente au lien de dépendance était limité à celui de la situation de l’ascendant direct dans l’État membre d’accueil à la date d’introduction de la demande de carte de séjour, cet ascendant pourrait se voir fournir une telle carte, alors que, à la date à laquelle il a rejoint physiquement le citoyen de l’Union, il ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois, ce qui, par ailleurs, irait à l’encontre des objectifs poursuivis par la directive 2004/38. En particulier, un tel contrôle limité, d’une part, risquerait d’élargir le nombre des bénéficiaires potentiels des droits conférés par cette directive, contrevenant ainsi à la volonté exprimée par le législateur de l’Union et, d’autre part, comporterait le risque d’un contournement des exigences posées par ladite directive.
La Cour ajoute que ces risques n’existent pourtant pas lorsque l’ascendant direct est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil et y a séjourné dans un premier temps sur le fondement d’un droit de séjour, autonome ou dérivé, pouvant être accordé en droit de l’Union au titre d’une disposition autre que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, voire au titre du droit national. Partant, dans une telle situation, il suffit que cet ascendant apporte la preuve qu’il est à la charge du citoyen de l’Union et/ou du partenaire de celui-ci dans cet État membre à la date de l’introduction de sa demande de carte de séjour.
Enfin, en ce qui concerne le mode de preuve admis pour permettre à l’intéressé de démontrer qu’il dispose de la qualité d’« ascendant direct à charge »{6}, l’article 10, paragraphe 2, sous d), de la directive 2004/38 se limite à préciser que, pour la délivrance de la carte de séjour, les États membres doivent demander des pièces justificatives attestant que les conditions énoncées à cet article 2, point 2, sous d), y compris donc celle liée au lien de dépendance, sont remplies. En l’absence de précision concernant ce mode de preuve, il doit être considéré qu’une telle preuve peut être faite par tout moyen approprié. À cet égard, les documents délivrés dans le passé et attestant de l’existence d’une situation de dépendance dans le pays d’origine de cet ascendant direct à la date à laquelle il a physiquement rejoint ce citoyen de l’Union et ce partenaire ne sauraient être considérés comme étant trop anciens.
En second lieu, la Cour dit pour droit que, en vertu de la directive 2004/38{7}, un ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union qui peut démontrer qu’il est, tant à la date de sa demande de carte de séjour, introduite plusieurs années après son arrivée dans l’État membre d’accueil, qu’à la date de cette arrivée, à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire, bénéficie d’un droit de séjour dérivé des droits dont jouit un citoyen de l’Union, de plus de trois mois, constaté par la délivrance d’une carte de séjour, si ledit citoyen de l’Union satisfait aux conditions énoncées à l’article 7 de cette directive. Ce droit de séjour ne saurait être refusé au motif que, en application de la réglementation nationale, cet ascendant séjourne, à la date de cette demande, de manière irrégulière sur le territoire de cet État membre.
Sur ce point, la Cour relève, en particulier, que la directive 2004/38, si elle conditionne son applicabilité, pour les ascendants directs, au lien de dépendance, visé, en substance, à son article 2, point 2, sous d), ne conditionne pas la qualité de « membre de la famille », au sens de cette même disposition, à un « séjour régulier » dans l’État membre d’accueil.
{1} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, JO 2005, L 197, p. 34, ainsi que JO 2007, L 204, p. 28). Plus spécifiquement, cette condition relative au lien de dépendance est prévue à l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{2} La Cour se fonde sur l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, et l’article 10 de cette directive.
{3} Au titre de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38.
{4} Au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{5} Article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38.
{6} Au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{7} La Cour se fonde sur l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 2, point 2, sous d), et l’article 10 de cette directive.
101. Citoyenneté de l'Union - Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres - Directive 2004/38 - Droit de séjour dérivé des droits bénéficiant à un citoyen de l'Union - Bénéficiaires - Ressortissant d'un pays tiers, ascendant direct du partenaire d'un citoyen de l'Union, à la charge de ce citoyen de l'Union et/ou de ce partenaire - Satisfaction de la condition du lien de dépendance démontrée tant à la date de son arrivée dans l'État membre d'accueil qu'à celle de sa demande de carte de séjour introduite plusieurs années après son arrivée - Inclusion - Conditions - Séjour irrégulier de l'ascendant concerné dans l'État membre d'accueil à la date de sa demande - Absence d'incidence
Saisie à titre préjudiciel dans le cadre d’un litige portant sur une demande de carte de séjour présentée par un ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union européenne, la Cour apporte des précisions sur l’appréciation de la condition relative au lien de dépendance entre cet ascendant direct et ce citoyen ou son partenaire, aux fins de l’obtention d’un droit de séjour dérivé au titre de la directive 2004/38{1}.
XXX, de nationalité marocaine, est la mère d’un ressortissant belge résidant en Belgique avec sa partenaire, Mme N. E. K., qui est de nationalité néerlandaise et qui a fait une déclaration formelle de cohabitation avec le fils de XXX en 2005 en Belgique.
Entrée en juillet 2011 sur le territoire belge, XXX a introduit, en septembre 2011, auprès des autorités belges, une demande de carte de séjour en tant qu’ascendante directe à la charge de son fils.
Cette demande ayant été rejetée en raison d’une modification du droit belge relatif au regroupement familial, XXX a introduit, en 2015, une deuxième demande de carte de séjour, cette fois-ci en qualité de membre de la famille de Mme N. E. K.
Cette nouvelle demande a été rejetée au motif, premièrement, que XXX n’avait pas fourni la preuve que les membres de la famille rejoints disposaient de ressources suffisantes pour la prendre en charge et, deuxièmement, que les documents prouvant son lien de dépendance étaient trop anciens. Ce rejet ainsi que l’ordre de quitter le territoire belge l’accompagnant ont été confirmés par le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique).
Une troisième demande de carte de séjour introduite par XXX en 2017 en tant que membre de la famille de la partenaire de son fils a également été rejetée, les autorités belges ayant estimé que les documents prouvant la dépendance de XXX, qui dataient de 2010 et 2011, étaient trop anciens.
Par un arrêt d’août 2019, le Conseil du contentieux des étrangers, considérant que les documents produits par XXX tendaient à prouver l’existence d’une situation de dépendance financière en 2010 et en 2011, mais ne permettaient pas de prouver une telle situation à la date de sa demande de carte de séjour, en 2017, a confirmé ce rejet.
Saisie d’un recours contre cet arrêt, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur le moment pertinent pour apprécier la condition relative au lien de dépendance et sur l’éventuelle incidence sur cette appréciation que pourrait avoir le séjour irrégulier du demandeur sur le territoire de l’État membre d’accueil.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour précise que les ascendants directs à la charge du partenaire d’un citoyen de l’Union qui séjourne dans un État membre dont il n’a pas la nationalité doivent être considérés, aux fins de l’application des droits garantis par la directive 2004/38, comme étant les membres de la famille d’un citoyen de l’Union, pour autant que le partenariat enregistré réponde aux critères visés à l’article 2, point 2, sous b), de cette même directive. En l’occurrence, la juridiction de renvoi semblant considérer que la déclaration de cohabitation effectuée en 2005 vaut conclusion d’un tel partenariat, la directive 2004/38 est applicable. Ainsi, à condition que XXX puisse démontrer qu’elle est à la charge du ménage rejoint, au sens de l’article 2, point 2, sous d), de cette directive, elle peut se prévaloir du bénéfice des droits garantis par ladite directive et, notamment, d’un droit de séjour de plus de trois mois au titre de l’article 7, paragraphe 2, de cette même directive.
Sur le fond, en premier lieu, la Cour énonce que, en application de la directive 2004/38{2}, afin de déterminer si l’ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union est à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire, l’autorité nationale compétente doit tenir compte tant de la situation de cet ascendant dans son pays d’origine à la date à laquelle il a quitté celui-ci et rejoint ledit citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil, le cas échéant sur la base de documents délivrés avant cette date, que de la situation dudit ascendant dans cet État membre à la date d’introduction d’une demande de carte de séjour, lorsque plusieurs années se sont écoulées entre ces deux dates.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour examine, tout d’abord, la date à laquelle doit être appréciée la condition relative au lien de dépendance visée à l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38. À cet égard, s’agissant d’une situation dans laquelle plusieurs années séparent le départ du ressortissant de pays tiers de son pays d’origine et sa demande de carte de séjour, l’autorité nationale compétente doit, dans le cadre de la procédure administrative prévue à l’article 10 de la directive 2004/38, fournir une carte de séjour au demandeur, ressortissant d’un pays tiers, après avoir vérifié que celui-ci remplit les conditions pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois{3}, notamment qu’il relève de la notion de « membre de la famille », au sens de cette directive. Or, dans une telle situation, si l’autorité nationale compétente ne vérifiait pas, lors de l’examen de la demande de carte de séjour, que l’ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union, qui l’a rejoint physiquement dans l’État membre d’accueil quelques années avant l’introduction de cette demande, est, au moment de l’introduction de celle-ci, à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire{4}, il existerait un risque que cet ascendant se voit octroyer une carte de séjour alors qu’il ne remplit pas les conditions prévues{5} pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois et ainsi d’une telle carte de séjour. Par conséquent, lors de l’introduction de la demande de carte de séjour, le ressortissant d’un pays tiers doit démontrer qu’il dispose de la qualité d’« ascendant direct à charge », au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
Ensuite, la Cour précise que, dans une telle situation de décalage de plusieurs années entre l’arrivée de l’ascendant direct du partenaire du citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil et l’introduction de sa demande de carte de séjour, cet ascendant doit également apporter la preuve qu’il est à la charge de ce citoyen et/ou de ce partenaire à la date de son arrivée sur le territoire de l’État membre concerné. En effet, si le contrôle de la condition afférente au lien de dépendance était limité à celui de la situation de l’ascendant direct dans l’État membre d’accueil à la date d’introduction de la demande de carte de séjour, cet ascendant pourrait se voir fournir une telle carte, alors que, à la date à laquelle il a rejoint physiquement le citoyen de l’Union, il ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois, ce qui, par ailleurs, irait à l’encontre des objectifs poursuivis par la directive 2004/38. En particulier, un tel contrôle limité, d’une part, risquerait d’élargir le nombre des bénéficiaires potentiels des droits conférés par cette directive, contrevenant ainsi à la volonté exprimée par le législateur de l’Union et, d’autre part, comporterait le risque d’un contournement des exigences posées par ladite directive.
La Cour ajoute que ces risques n’existent pourtant pas lorsque l’ascendant direct est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil et y a séjourné dans un premier temps sur le fondement d’un droit de séjour, autonome ou dérivé, pouvant être accordé en droit de l’Union au titre d’une disposition autre que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, voire au titre du droit national. Partant, dans une telle situation, il suffit que cet ascendant apporte la preuve qu’il est à la charge du citoyen de l’Union et/ou du partenaire de celui-ci dans cet État membre à la date de l’introduction de sa demande de carte de séjour.
Enfin, en ce qui concerne le mode de preuve admis pour permettre à l’intéressé de démontrer qu’il dispose de la qualité d’« ascendant direct à charge »{6}, l’article 10, paragraphe 2, sous d), de la directive 2004/38 se limite à préciser que, pour la délivrance de la carte de séjour, les États membres doivent demander des pièces justificatives attestant que les conditions énoncées à cet article 2, point 2, sous d), y compris donc celle liée au lien de dépendance, sont remplies. En l’absence de précision concernant ce mode de preuve, il doit être considéré qu’une telle preuve peut être faite par tout moyen approprié. À cet égard, les documents délivrés dans le passé et attestant de l’existence d’une situation de dépendance dans le pays d’origine de cet ascendant direct à la date à laquelle il a physiquement rejoint ce citoyen de l’Union et ce partenaire ne sauraient être considérés comme étant trop anciens.
En second lieu, la Cour dit pour droit que, en vertu de la directive 2004/38{7}, un ascendant direct du partenaire d’un citoyen de l’Union qui peut démontrer qu’il est, tant à la date de sa demande de carte de séjour, introduite plusieurs années après son arrivée dans l’État membre d’accueil, qu’à la date de cette arrivée, à la charge de ce citoyen de l’Union et/ou de ce partenaire, bénéficie d’un droit de séjour dérivé des droits dont jouit un citoyen de l’Union, de plus de trois mois, constaté par la délivrance d’une carte de séjour, si ledit citoyen de l’Union satisfait aux conditions énoncées à l’article 7 de cette directive. Ce droit de séjour ne saurait être refusé au motif que, en application de la réglementation nationale, cet ascendant séjourne, à la date de cette demande, de manière irrégulière sur le territoire de cet État membre.
Sur ce point, la Cour relève, en particulier, que la directive 2004/38, si elle conditionne son applicabilité, pour les ascendants directs, au lien de dépendance, visé, en substance, à son article 2, point 2, sous d), ne conditionne pas la qualité de « membre de la famille », au sens de cette même disposition, à un « séjour régulier » dans l’État membre d’accueil.
{1} Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, JO 2005, L 197, p. 34, ainsi que JO 2007, L 204, p. 28). Plus spécifiquement, cette condition relative au lien de dépendance est prévue à l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{2} La Cour se fonde sur l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, et l’article 10 de cette directive.
{3} Au titre de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38.
{4} Au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{5} Article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38.
{6} Au sens de l’article 2, point 2, sous d), de la directive 2004/38.
{7} La Cour se fonde sur l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, lu en combinaison avec l’article 2, point 2, sous d), et l’article 10 de cette directive.