1. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Conditions - Délai raisonnable

Le caractère raisonnable d'un délai doit être apprécié en fonction de l'ensemble des circonstances de l'espèce. Une durée prédéterminée ne saurait être présumée, de manière générale, comme constituant un délai raisonnable. Le Tribunal de la fonction publique commet une erreur de droit en jugeant qu'un délai ayant une durée prédéterminée peut être présumé comme étant raisonnable, même si ladite erreur demeure sans incidence sur la régularité de l'arrêt attaqué, dès lors que, en appréciant le caractère raisonnable du délai, ledit tribunal écarte la présomption qu'il avait à tort retenue.

De plus, l'importance de l'acte pour la carrière du fonctionnaire concerné n'affecte pas l'appréciation du caractère raisonnable du délai dans lequel il a été retiré. Il ne saurait, en effet, être considéré que plus un acte est important pour l'intéressé, plus long est le délai dont dispose l'administration pour le retirer. En revanche, la courte période pendant laquelle l'acte, telle une décision initiale de classement d'un fonctionnaire, a produit des effets, peut être prise en compte par le juge pour apprécier le caractère raisonnable du délai. En effet, cette circonstance ayant un effet sur l'impact, notamment financier, pour le fonctionnaire de l'effet rétroactif du retrait, il n'y a pas de raison de l'exclure des circonstances pouvant être prises en compte pour apprécier le caractère raisonnable dudit délai.

Arrêt du 12 mai 2010, Bui Van / Commission (T-491/08 P) (cf. points 58, 60-62)

2. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Décisions de la Commission en matière d'aides d'État - Adoption d'une nouvelle décision avec ajout d'éléments nouveaux visant à répondre à des critiques des intéressés - Violation des droits de la défense - Absence

Les institutions de l'Union ont le droit de retirer, en raison de l’illégalité qui l’affecte, une décision ayant octroyé un bénéfice à son destinataire, sous réserve de la protection de la confiance légitime et du principe de sécurité juridique, et à la condition que ce retrait intervienne dans un délai raisonnable. Ce droit de retirer une décision illégale doit être a fortiori reconnu aux institutions de l’Union s’agissant d’un acte non créateur de droits entaché d’une illégalité. En effet, dans ce cas de figure, des considérations relatives à la protection de la confiance légitime et des droits acquis du destinataire de la décision ne s’opposent pas au retrait.

S’agissant de l’ajout d’éléments nouveaux dans la nouvelle décision, qui vise, de la part de la Commission, à répondre de manière plus détaillée que dans la décision originelle à des arguments présentés par les parties requérantes dans le cadre de leurs recours contentieux, cette prise en compte d’arguments présentés par les requérantes elles-mêmes ne saurait être constitutive d’une violation des droits de la défense dans le cadre de la procédure contentieuse.

Arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais / Commission (T-267/08 et T-279/08, Rec._p._II-1999) (cf. points 189-190, 192)

3. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Décision déclarant une aide d'État incompatible avec le marché commun affectée d'une insuffisance de motivation - Adoption d'une nouvelle décision - Obligation de rouvrir la procédure formelle d'examen - Absence

Dans le cas d'un retrait de la décision originelle, la procédure visant à remplacer un acte illégal peut être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue, sans que la Commission soit tenue de recommencer la procédure en remontant au-delà de ce point précis.

En ce qui concerne une décision déclarant une aide d'État incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération, l'insuffisance de motivation ayant motivé le retrait de la décision originelle ne remonte pas à l'ouverture de la procédure, si celle-ci n'est entachée d'aucune illégalité. Si la procédure formelle d'examen ayant précédé l'adoption de la décision retirée a été conduite de manière régulière, elle n'a pas à être rouverte préalablement à l'adoption de la nouvelle décision.

L’ajout d’éléments complémentaires dans la nouvelle décision ne saurait remettre en cause ce constat dans l'hypothèse où un tel ajout vise à répondre de manière plus détaillée aux objections qu'avait suscitées la décision originelle.

Arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais / Commission (T-267/08 et T-279/08, Rec._p._II-1999) (cf. points 83-85)

4. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Conditions - Respect d'un délai raisonnable et du principe de protection de la confiance légitime - Acte ne conférant pas de droits subjectifs - Inapplicabilité du principe de confiance légitime



Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. points 63-65, 68)

5. Actes des institutions - Retrait - Conditions - Illégalité de l'acte retiré



Arrêt du 11 juillet 2013, BVGD / Commission (T-104/07 et T-339/08) (cf. point 80)

6. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Décision de la Commission de clôturer une procédure formelle d'examen - Conditions - Respect d'un délai raisonnable et du principe de protection de la confiance légitime - Possibilité de retrait ne se limitant pas à la seule situation visée à l'article 9 du règlement nº 659/1999

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 septembre 2015, Deutsche Post / Commission (T-421/07 RENV) (cf. points 45-47)

7. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Décision déclarant une aide d'État incompatible avec le marché commun - Adoption d'une nouvelle décision - Obligation de rouvrir la procédure formelle d'examen - Absence - Reprise de la procédure au point de la manifestation de l'illégalité

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice / Commission (T-103/14) (cf. points 61, 64)

8. Actes des institutions - Abrogation - Actes de portée générale - Nécessité d'une décision d'abrogation publiée et prise par l'autorité compétente

En l’absence d’abrogation implicite d’un acte de portée générale découlant de son incompatibilité avec une disposition postérieure de droit supérieur et en l’absence d’annonce, lors de sa publication, d’une durée d’effet limitée, l’abrogation d’un tel acte ne peut résulter que d’une nouvelle décision de l’autorité compétente, elle-même publiée. Le principe de sécurité juridique, qui est un principe général du droit de l’Union, exige que la législation et la réglementation de l’Union soient claires et précises et, en particulier, que leur application soit prévisible pour les justiciables. Plus particulièrement, le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union. À cette fin, il est essentiel que les institutions respectent l’intangibilité des actes qu’elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu’elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure.

Arrêt du 26 janvier 2017, GGP Italy / Commission (T-474/15) (cf. point 63)

9. Actes des institutions - Retrait - Acte légal conférant des droits subjectifs - Illégalité

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 27 juin 2017, Ruiz Molina / EUIPO (T-233/16 P) (cf. point 26)

Dans l’arrêt ZF/Commission (T-605/18), rendu le 12 février 2020, le Tribunal a rejeté la demande d’un ancien agent temporaire tendant à l’annulation des décisions de la Commission modifiant, d’une part, ses droits à pension avec effet rétroactif et prévoyant, d’autre part, le recouvrement d’un trop-perçu résultant de l’application d’un facteur de multiplication erroné pour le calcul de son traitement de base et donc de sa pension. À cet égard, le Tribunal a été amené à se prononcer sur l’articulation entre les dispositions de l’article 85 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») portant sur la répétition de l’indu et la jurisprudence relative aux conditions de retrait des actes illégaux créateurs de droits.

Le requérant est entré en service en 1999 et a été mis à la retraite en 2015. Conformément aux dispositions transitoires prévues à l’annexe XIII du statut, un facteur de multiplication était appliqué pour le calcul de son traitement mensuel de base. Le requérant, qui s’était vu appliquer jusqu’alors un facteur de multiplication d’une valeur de 0,9426565, s’est vu appliquer, à compter de son bulletin de rémunération de février 2013 et jusqu’à sa mise à la retraite, un nouveau facteur de multiplication d’une valeur de 1 ainsi qu’une correction rétroactive de sa rémunération pour la période allant d’octobre 2011 à janvier 2013. En constatant que le calcul des droits à pension du requérant était fondé sur un traitement de base erroné, résultant d’une erreur relative au facteur de multiplication, dont l’application a été mise en œuvre en février 2013, la Commission a décidé de les modifier, avec effet rétroactif, et de procéder à la répétition de l’indu qui en a résulté. Dans son recours, le requérant faisait valoir, entre autres, une méconnaissance de l’article 85 du statut ainsi qu’une méconnaissance des principes relatifs au retrait des actes illégaux.

Le Tribunal a rappelé, tout d’abord, que le retrait d’un acte illégal ayant bénéficié à son destinataire est légalement subordonné à deux conditions, la première qu’il respecte la confiance légitime de l’intéressé et la seconde qu’il intervienne dans un délai raisonnable.

S’agissant, en premier lieu, du respect de la confiance légitime de l’intéressé, le Tribunal a relevé que la jurisprudence relative à l’application du principe de confiance légitime en matière de retrait, avec effet rétroactif, d’actes illégaux conférant des droits subjectifs fait écho à la jurisprudence applicable en matière de répétition de l’indu. Selon cette jurisprudence, la confiance ne saurait être considérée comme légitime lorsque l’illégalité ne pouvait échapper à un fonctionnaire diligent. En effet, le Tribunal a réitéré que l’article 85 du statut, aux termes duquel, pour qu’une somme versée sans justification puisse être répétée, l’irrégularité du versement devait être si évidente que le bénéficiaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance, est lui-même une manifestation du principe de protection de la confiance légitime. Il en a conclu, dès lors, que si une irrégularité est telle qu’elle relève du champ d’application de l’article 85 du statut, elle ne peut être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elle bénéficie, ce qui exclut que la condition de retrait relative à la confiance légitime soit remplie en l’espèce.

S’agissant, en deuxième lieu, du respect d’un délai raisonnable, le Tribunal a jugé que lorsque le retrait d’un acte illégal donne lieu à une répétition de l’indu, il convient de déterminer si l’acte qui a été retiré a un objet purement pécuniaire. En effet, lorsque l’acte en cause a un objet purement pécuniaire, son retrait, qui a le même effet que la répétition des sommes indûment versées sur le fondement de cet acte, résulte de la simple application des dispositions de l’article 85 du statut. Dans une telle hypothèse, afin de conserver une portée utile aux dispositions de l’article 85, second alinéa, première phrase, du statut, le retrait de l’acte en cause doit intervenir dans le délai de cinq ans prévu par ces dispositions.

Dès lors, le Tribunal s’est appuyé sur la notion de « décision ayant un objet purement pécuniaire » déjà utilisée par les juridictions de l’Union aux fins de délimiter le champ d’application de la jurisprudence admettant que la communication du bulletin de rémunération ou de pension du fonctionnaire ou de l’agent concerné fasse courir les délais de réclamation et de recours. Il a précisé, à cet égard, qu’il convient de distinguer les décisions ayant un objet purement pécuniaire de celles qui, tout en ayant des effets pécuniaires, ont un objet qui dépasse la fixation des droits proprement pécuniaires de l’intéressé.

En l’espèce, l’administration avait procédé au retrait d’un acte, en tant que cet acte faisait application, pour le calcul de la pension du requérant, d’un certain facteur de multiplication. C’est donc un acte, en tant qu’il avait un objet purement pécuniaire, qui avait été retiré. Or, ce retrait ayant été opéré dans un délai d’environ deux ans et neuf mois, qui est inférieur au délai de cinq ans applicable en l’espèce, le Tribunal a conclu que l’acte en cause a été retiré dans un délai raisonnable.

En écartant également les autres moyens tirés d’une erreur de droit, de la méconnaissance des principes applicables au retrait des actes légaux, de l’insuffisance de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal a conclu au rejet du recours du requérant.

Arrêt du 12 février 2020, ZF / Commission (T-605/18) (cf. point 138)

10. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux conférant des droits subjectifs - Conditions - Respect d'un délai raisonnable et des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique - Actes illégaux faisant grief au destinataire - Assouplissement des conditions

Il découle des principes généraux de droit de l’Union que l’administration est, en principe, habilitée à retirer, avec effet rétroactif, un acte administratif favorable adopté illégalement, mais que le retrait rétroactif d’un acte qui a créé des droits au profit de son destinataire est généralement soumis à des conditions très strictes. En effet, s’il convient de reconnaître à toute institution de l’Union qui constate que l’acte qu’elle vient d’adopter est entaché d’une illégalité le droit de le retirer dans un délai raisonnable avec effet rétroactif, ce droit peut se trouver limité par la nécessité de respecter la confiance légitime du bénéficiaire de l’acte qui a pu se fier à la légalité de celui-ci. Une telle décision est également subordonnée à la condition qu’elle n’enfreigne pas le principe de sécurité juridique.

Toutefois, les conditions strictes, auxquelles le retrait rétroactif d’un acte administratif illégal générateur de droits subjectifs peut s’opérer, ne sont pas pertinentes dans l’hypothèse où l’acte concerné ne constitue pas, à l’égard de son destinataire, un acte créateur de droits, mais un acte lui faisant grief.

Il s’ensuit que rien ne s’oppose à ce que le retrait d’un acte administratif illégal ou légal qui constitue, à l’égard de son destinataire, un acte lui faisant principalement grief et étant accessoirement créateur de droits à son profit puisse être opéré s’il n’est pas porté atteinte à la confiance légitime dudit destinataire et que le principe de sécurité juridique n’est pas enfreint.

Arrêt du 27 juin 2017, Ruiz Molina / EUIPO (T-233/16 P) (cf. points 27-29)

11. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Décision déclarant une aide d'État incompatible avec le marché intérieur - Adoption d'une nouvelle décision - Obligation de rouvrir la procédure formelle d'examen - Absence - Obligation de la Commission de mettre les intéressés, et donc les entités infra-étatiques dispensatrices, en demeure de présenter leurs observations - Portée

Dans le cadre du retrait d'une décision déclarant une aide incompatible avec le marché intérieur, la procédure visant à remplacer un acte illégal peut être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue, sans que la Commission soit tenue de recommencer la procédure en remontant au-delà de ce point précis. Cela s'applique également, en l’absence de toute annulation de l’acte en cause par le juge, lors du retrait et du remplacement d’un acte illégal par son auteur.

Néanmoins, le fait que la Commission ne soit pas tenue de recommencer la procédure en remontant au-delà du point précis auquel l’illégalité est intervenue ne signifie pas pour autant qu’elle ne doive pas, par principe, mettre en demeure les intéressés de présenter des observations avant l’adoption d’une nouvelle décision.

Il résulte de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 1er, sous h), du règlement nº 659/1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE que, lors de la phase d’examen, la Commission a le devoir de mettre les intéressés, au nombre desquels la ou les entreprises concernées et l’entité infra-étatique qui a octroyé l’aide, en demeure de présenter leurs observations. Cette règle a le caractère d’une formalité substantielle. Elle doit permettre aux intéressés d’être associés à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce. Dans ce cadre, il a notamment déjà été retenu que la Commission devait, le cas échéant, demander leurs observations aux intéressés lorsque le régime juridique venait à changer avant que la Commission ne prenne sa décision sur la base des nouvelles règles, sauf si le nouveau régime juridique ne comportait pas de modification substantielle par rapport à celui précédemment en vigueur.

Par ailleurs, même si la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur, elle doit mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. Il est, en particulier, nécessaire que la Commission définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations.

Enfin, la violation du droit des intéressés d’être en mesure de présenter leurs observations entraîne l’annulation de l’acte vicié, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’une incidence sur la partie qui invoque une telle violation, ni que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

Arrêt du 17 novembre 2017, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo / Commission (T-263/15) (cf. points 62, 63, 65, 66, 81)

12. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Conditions - Effets



Arrêt du 12 septembre 2019, Manéa / CdT (T-225/18) (cf. points 79, 80)

13. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Décision de la Commission donnant lieu à une répétition de l'indu - Conditions - Respect d'un délai raisonnable et du principe de protection de la confiance légitime - Acte ayant un objet purement pécuniaire - Applicabilité du délai relatif aux demandes de répétition de l'indu

Dans l’arrêt ZF/Commission (T-605/18), rendu le 12 février 2020, le Tribunal a rejeté la demande d’un ancien agent temporaire tendant à l’annulation des décisions de la Commission modifiant, d’une part, ses droits à pension avec effet rétroactif et prévoyant, d’autre part, le recouvrement d’un trop-perçu résultant de l’application d’un facteur de multiplication erroné pour le calcul de son traitement de base et donc de sa pension. À cet égard, le Tribunal a été amené à se prononcer sur l’articulation entre les dispositions de l’article 85 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») portant sur la répétition de l’indu et la jurisprudence relative aux conditions de retrait des actes illégaux créateurs de droits.

Le requérant est entré en service en 1999 et a été mis à la retraite en 2015. Conformément aux dispositions transitoires prévues à l’annexe XIII du statut, un facteur de multiplication était appliqué pour le calcul de son traitement mensuel de base. Le requérant, qui s’était vu appliquer jusqu’alors un facteur de multiplication d’une valeur de 0,9426565, s’est vu appliquer, à compter de son bulletin de rémunération de février 2013 et jusqu’à sa mise à la retraite, un nouveau facteur de multiplication d’une valeur de 1 ainsi qu’une correction rétroactive de sa rémunération pour la période allant d’octobre 2011 à janvier 2013. En constatant que le calcul des droits à pension du requérant était fondé sur un traitement de base erroné, résultant d’une erreur relative au facteur de multiplication, dont l’application a été mise en œuvre en février 2013, la Commission a décidé de les modifier, avec effet rétroactif, et de procéder à la répétition de l’indu qui en a résulté. Dans son recours, le requérant faisait valoir, entre autres, une méconnaissance de l’article 85 du statut ainsi qu’une méconnaissance des principes relatifs au retrait des actes illégaux.

Le Tribunal a rappelé, tout d’abord, que le retrait d’un acte illégal ayant bénéficié à son destinataire est légalement subordonné à deux conditions, la première qu’il respecte la confiance légitime de l’intéressé et la seconde qu’il intervienne dans un délai raisonnable.

S’agissant, en premier lieu, du respect de la confiance légitime de l’intéressé, le Tribunal a relevé que la jurisprudence relative à l’application du principe de confiance légitime en matière de retrait, avec effet rétroactif, d’actes illégaux conférant des droits subjectifs fait écho à la jurisprudence applicable en matière de répétition de l’indu. Selon cette jurisprudence, la confiance ne saurait être considérée comme légitime lorsque l’illégalité ne pouvait échapper à un fonctionnaire diligent. En effet, le Tribunal a réitéré que l’article 85 du statut, aux termes duquel, pour qu’une somme versée sans justification puisse être répétée, l’irrégularité du versement devait être si évidente que le bénéficiaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance, est lui-même une manifestation du principe de protection de la confiance légitime. Il en a conclu, dès lors, que si une irrégularité est telle qu’elle relève du champ d’application de l’article 85 du statut, elle ne peut être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elle bénéficie, ce qui exclut que la condition de retrait relative à la confiance légitime soit remplie en l’espèce.

S’agissant, en deuxième lieu, du respect d’un délai raisonnable, le Tribunal a jugé que lorsque le retrait d’un acte illégal donne lieu à une répétition de l’indu, il convient de déterminer si l’acte qui a été retiré a un objet purement pécuniaire. En effet, lorsque l’acte en cause a un objet purement pécuniaire, son retrait, qui a le même effet que la répétition des sommes indûment versées sur le fondement de cet acte, résulte de la simple application des dispositions de l’article 85 du statut. Dans une telle hypothèse, afin de conserver une portée utile aux dispositions de l’article 85, second alinéa, première phrase, du statut, le retrait de l’acte en cause doit intervenir dans le délai de cinq ans prévu par ces dispositions.

Dès lors, le Tribunal s’est appuyé sur la notion de « décision ayant un objet purement pécuniaire » déjà utilisée par les juridictions de l’Union aux fins de délimiter le champ d’application de la jurisprudence admettant que la communication du bulletin de rémunération ou de pension du fonctionnaire ou de l’agent concerné fasse courir les délais de réclamation et de recours. Il a précisé, à cet égard, qu’il convient de distinguer les décisions ayant un objet purement pécuniaire de celles qui, tout en ayant des effets pécuniaires, ont un objet qui dépasse la fixation des droits proprement pécuniaires de l’intéressé.

En l’espèce, l’administration avait procédé au retrait d’un acte, en tant que cet acte faisait application, pour le calcul de la pension du requérant, d’un certain facteur de multiplication. C’est donc un acte, en tant qu’il avait un objet purement pécuniaire, qui avait été retiré. Or, ce retrait ayant été opéré dans un délai d’environ deux ans et neuf mois, qui est inférieur au délai de cinq ans applicable en l’espèce, le Tribunal a conclu que l’acte en cause a été retiré dans un délai raisonnable.

En écartant également les autres moyens tirés d’une erreur de droit, de la méconnaissance des principes applicables au retrait des actes légaux, de l’insuffisance de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal a conclu au rejet du recours du requérant.

Arrêt du 12 février 2020, ZF / Commission (T-605/18) (cf. points 148-155, 159-168, 171)

14. Recours en annulation - Moyens - Violation des formes substantielles - Notion - Moyen tiré d'une violation des droits procéduraux des intéressés lors de l'adoption d'une décision en matière d'aides d'État - Décision portant retrait d'une première décision et déclarant une aide incompatible avec le marché intérieur - Exclusion

Dans l’arrêt Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo (C-56/18 P), du 11 mars 2020, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal du 17 novembre 2017, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission (T-263/15), qui avait partiellement annulé une décision de la Commission européenne en matière d’aides d’État{1} (ci-après la « décision litigieuse ») pour méconnaissance des droits procéduraux des parties intéressées.

Cette affaire trouve son origine dans des apports en capital réalisés en 2007 par la Gmina Masto Gdynia (commune de Gdynia, Pologne) et la Gmina Kosakowo (commune de Kosakowo, Pologne) en faveur de la société Port Lotniczy Gdynia Kosakowo sp. z o.o. qui avait été créée dans le but de reconvertir, à des fins civiles, l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie (Pologne). Ces apports étaient destinés à couvrir aussi bien les coûts d’investissement que les coûts d’exploitation ultérieurs. La République de Pologne a notifié à la Commission cette mesure de financement en 2012. À l’issue d’une procédure formelle d’examen ouverte en 2013, la Commission a adopté le 11 février 2014 une première décision{2} dans laquelle elle a constaté que ladite mesure constituait une aide d’État et a ordonné en conséquence sa récupération. Par la décision litigieuse, la Commission a procédé au retrait de cette première décision et à son remplacement.

Après avoir observé que le volet « aide au fonctionnement » de la mesure de financement en cause avait été examiné au regard de lignes directrices et de dérogations différentes dans les deux décisions successives, le Tribunal a retenu, dans son arrêt du 17 novembre 2017, que les parties intéressées en l’occurrence n’avaient pas été mises en mesure de présenter utilement leurs observations à ce sujet, de sorte que leurs droits procéduraux auraient été méconnus. Jugeant que le respect des droits procéduraux des parties intéressées constituait une formalité substantielle au sens de l’article 263 TFUE, le Tribunal a annulé la décision litigieuse, dans la mesure où elle qualifiait la mesure de financement en cause d’aide d’État et ordonnait sa récupération.

Saisie d’un pourvoi formé par la Commission, la Cour a jugé, en premier lieu, que le Tribunal avait commis une erreur de droit en qualifiant le respect des droits procéduraux des parties intéressées en l’occurrence de formalité substantielle dont la violation entraînerait, à elle seule, l’annulation de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’incidence éventuelle de cette violation sur le contenu de la décision litigieuse. La Cour a rappelé, à cet égard, que les droits procéduraux reconnus aux parties intéressées dans les procédures de contrôle des aides d’État sont distincts des droits de la défense dont les États membres sont titulaires en tant que parties à de telles procédures. Il s’ensuit, selon la Cour, que les parties intéressées doivent être mises en mesure de présenter leurs observations dès lors que la Commission entend fonder sa décision sur des principes nouveaux, introduits par un nouveau régime juridique. La Cour a toutefois souligné qu’une irrégularité de procédure, telle que la méconnaissance des droits procéduraux des parties intéressées, n’entraîne l’annulation de la décision que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent. La Cour en a déduit que le Tribunal avait commis une erreur de droit en fondant l’annulation de la décision attaquée sur la seule méconnaissance des droits procéduraux des parties intéressées, sans examiner, comme l’y invitait la Commission, si la décision litigieuse se fondait sur une base juridique autonome, nullement affectée par le changement de régime juridique.

La Cour a exclu, en second lieu, que les principes nouveaux appliqués dans la décision litigieuse aient pu avoir une incidence sur le sens de cette décision. En effet, la Cour a rappelé que le Tribunal ne pouvait se borner à constater les modifications du régime juridique appliqué, mais aurait dû rechercher l’incidence éventuelle de ces modifications sur le sens de la décision. Or, la Cour a relevé que le constat d’incompatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur avait été fondé, dans la décision litigieuse, sur l’incompatibilité de l’aide à l’investissement avec le marché intérieur. Après avoir examiné la motivation de la décision litigieuse, la Cour a constaté qu’une telle conclusion était fondée sur les dispositions mêmes du traité et non sur une application de lignes directrices dont la modification ne pouvait être, en conséquence, que sans incidence sur le sens de la décision litigieuse.

La Cour a ainsi conclu que la méconnaissance des droits procéduraux des parties intéressées en l’occurrence n’aurait pas été susceptible d’avoir une incidence sur le contenu de la décision litigieuse, de sorte qu’il y avait lieu d’annuler l’arrêt du Tribunal. La Cour a renvoyé l’affaire au Tribunal afin qu’il statue sur les éléments du recours non encore examinés.

{1 Décision (UE) 2015/1586 de la Commission, du 26 février 2015, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) - Pologne - Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2015, L 250, p. 165).}

{2 Décision 2014/883/UE, relative à la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) - Pologne - Création de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2014, L 357, p. 51).}

Arrêt du 11 mars 2020, Commission / Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo (C-56/18 P) (cf. points 66, 71, 80-86, 97)

15. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Décisions de la Commission en matière d'aides d'État - Décision déclarant une aide d'État incompatible avec le marché intérieur - Adoption d'une nouvelle décision déclarant l'aide d'État en partie compatible avec le marché intérieur - Admissibilité - Violation du principe de confiance légitime - Absence



Arrêt du 21 décembre 2021, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo / Commission (T-263/15 RENV) (cf. points 47, 48)



Arrêt du 22 juin 2023, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo / Commission (C-163/22 P) (cf. points 83-93)

16. Actes des institutions - Retrait - Actes illégaux - Décisions de la Commission en matière d'aides d'État - Décision déclarant une aide d'État incompatible avec le marché intérieur - Adoption d'une nouvelle décision déclarant l'aide d'État en partie compatible avec le marché intérieur - Obligation de rouvrir la procédure formelle d'examen - Absence - Reprise de la procédure au point de la manifestation de l'illégalité



Arrêt du 21 décembre 2021, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo / Commission (T-263/15 RENV) (cf. point 62)

17. Actes des institutions - Retrait - Conditions - Délai raisonnable - Champ d'application - Décision confirmative explicite entraînant le retrait d'une décision implicite d'une demande confirmative d'accès aux documents - Exclusion - Acte retiré générateur de droit - Absence - Risque pour l'institution d'échapper à tout contrôle juridictionnel - Absence

Saisi d’un recours en annulation, qu’il rejette par une ordonnance de non-lieu à statuer dans laquelle il constate que le recours est devenu sans objet, le Tribunal se fonde sur la distinction entre, d’une part, une hypothèse de retrait de l’acte contesté en cas d’adoption d’une décision explicite de rejet confirmant la décision implicite antérieure et, d’autre part, une hypothèse de caducité du fait de l’accès aux documents sollicités. Cette distinction permet de délimiter plus clairement le champ d’application de la jurisprudence relative à la persistance de l’objet du litige afin d’éviter que se reproduise l’illégalité reprochée ou pour faciliter d’éventuels recours indemnitaires, celle-ci n’étant applicable que dans la seconde hypothèse.

La requérante, Mme Corinne Reverbel, avait demandé à la Commission européenne l’accès à plusieurs documents{1} en rapport avec la production de vaccins contre la COVID-19. La Commission avait répondu à cette demande en accordant un accès partiel à un rapport d’évaluation de l’Agence européenne des médicaments (EMA). Consécutivement, la requérante a présenté une demande confirmative{2}. En l’absence de réponse à ladite demande, dans les délais impartis{3}, la requérante a introduit le présent recours demandant l’annulation de la décision implicite de la Commission rejetant sa demande confirmative (ci-après la « décision attaquée »).

Postérieurement à l’introduction dudit recours, la Commission a adopté, en réponse à la demande confirmative, une décision confirmative explicite{4}. Par cette décision, elle a accordé un accès partiel plus large au rapport de l’EMA et, pour le reste, a confirmé explicitement le rejet de la demande confirmative de la requérante.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, s’agissant du rejet explicite de la demande confirmative, le Tribunal juge que l’adoption de la décision confirmative explicite, en tant qu’elle rejette la demande de la requérante, a eu pour effet de retirer partiellement la décision attaquée et a donc fait disparaître, à cet égard, l’objet du présent recours, qui tendait à l’annulation de cette dernière.

En effet, le Tribunal rappelle qu’une institution, lorsqu’elle adopte une décision explicite de rejet d’une demande confirmative d’accès aux documents, procède au retrait de la décision implicite de rejet de cette demande. Ce retrait de l’acte contesté, compte tenu de son caractère rétroactif, entraîne la disparition de l’objet du litige. Dans une telle hypothèse, l’examen d’un recours contre une décision implicite ne peut se justifier ni par l’objectif d’éviter que se reproduise l’illégalité reprochée ni par celui de faciliter d’éventuels recours en indemnité, lesdits objectifs pouvant être atteints par l’examen d’un recours contre la décision explicite.

Il ajoute que le retrait rétroactif d’un acte administratif illégal générateur de droit doit intervenir dans un délai raisonnable. Toutefois, la décision attaquée, qui est une décision de refus opposée à la demande de la requérante, ne constitue pas à l’égard de celle-ci un acte créateur de droits. De plus, la condition subordonnant le retrait d’un acte à l’illégalité de celui-ci s’applique dans des domaines où il convient d’éviter qu’un tel retrait ne permette à une institution d’échapper à tout contrôle juridictionnel de son action. Or, l’adoption d’une décision confirmative explicite n’emporte pas un tel risque. Au contraire, elle permet au demandeur de connaître les motifs du rejet que l’institution lui oppose.

Dès lors, la requérante n’a plus intérêt à obtenir l’annulation du rejet implicite de sa demande confirmative d’accès aux documents dans la mesure où cette décision implicite a été confirmée ultérieurement par une décision explicite de rejet.

En second lieu, s’agissant de l’accès partiel plus large accordé par la Commission au rapport de l’EMA, le Tribunal rappelle que le simple octroi d’un accès aux documents litigieux faisant suite au rejet d’une demande, sans que l’institution, par l’adoption d’un retrait exprès, reconnaisse son erreur, ne saurait être regardé comme un retrait.

Il précise, à cet égard, que la caducité des décisions attaquées, survenue après l’introduction du recours, n’entraîne pas, à elle seule, l’obligation pour le Tribunal de prononcer un non-lieu à statuer pour défaut d’objet ou pour défaut d’intérêt à agir à la date du prononcé de l’arrêt.

Partant, la requérante est donc susceptible de conserver un intérêt à l’annulation de la décision attaquée aux fins d’un éventuel recours en responsabilité dans la mesure où l’accès partiel plus large au rapport de l’EMA ne lui a été accordé qu’au moment de l’adoption de la décision confirmative explicite.

Cependant, une partie requérante ne peut justifier d’un intérêt à agir par une simple invocation de la possibilité d’introduire dans le futur un recours tendant à la réparation du dommage, sans invoquer des éléments concrets concernant les conséquences de l’illégalité alléguée sur sa situation et la nature du préjudice qu’elle prétend avoir subi et dont un tel recours aurait visé à obtenir réparation. Or, le Tribunal constate que la requérante ne fournit aucun élément concret en ce sens.

Par conséquent, elle n’est pas fondée à s’opposer au non-lieu au motif qu’un éventuel constat de l’illégalité de la décision attaquée lui permettrait ensuite d’introduire un recours en indemnité destiné à réparer le préjudice que lui aurait causé cette décision.

{1} En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001 L 145, p. 43).

{2} En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

{3} Prévus à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1049/2001.

{4} En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001.

Ordonnance du 11 février 2025, Reverbel / Commission (T-178/24) (cf. points 31-33)

18. Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Intérêt à agir - Recours dirigé contre une décision d'une institution octroyant un accès plus large aux documents litigieux faisant suite à une décision de rejet d'une demande d'accès auxdits documents - Effets - Assimilation à un retrait de ladite décision de rejet, faute de retrait exprès - Absence

Saisi d’un recours en annulation, qu’il rejette par une ordonnance de non-lieu à statuer dans laquelle il constate que le recours est devenu sans objet, le Tribunal se fonde sur la distinction entre, d’une part, une hypothèse de retrait de l’acte contesté en cas d’adoption d’une décision explicite de rejet confirmant la décision implicite antérieure et, d’autre part, une hypothèse de caducité du fait de l’accès aux documents sollicités. Cette distinction permet de délimiter plus clairement le champ d’application de la jurisprudence relative à la persistance de l’objet du litige afin d’éviter que se reproduise l’illégalité reprochée ou pour faciliter d’éventuels recours indemnitaires, celle-ci n’étant applicable que dans la seconde hypothèse.

La requérante, Mme Corinne Reverbel, avait demandé à la Commission européenne l’accès à plusieurs documents{1} en rapport avec la production de vaccins contre la COVID-19. La Commission avait répondu à cette demande en accordant un accès partiel à un rapport d’évaluation de l’Agence européenne des médicaments (EMA). Consécutivement, la requérante a présenté une demande confirmative{2}. En l’absence de réponse à ladite demande, dans les délais impartis{3}, la requérante a introduit le présent recours demandant l’annulation de la décision implicite de la Commission rejetant sa demande confirmative (ci-après la « décision attaquée »).

Postérieurement à l’introduction dudit recours, la Commission a adopté, en réponse à la demande confirmative, une décision confirmative explicite{4}. Par cette décision, elle a accordé un accès partiel plus large au rapport de l’EMA et, pour le reste, a confirmé explicitement le rejet de la demande confirmative de la requérante.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, s’agissant du rejet explicite de la demande confirmative, le Tribunal juge que l’adoption de la décision confirmative explicite, en tant qu’elle rejette la demande de la requérante, a eu pour effet de retirer partiellement la décision attaquée et a donc fait disparaître, à cet égard, l’objet du présent recours, qui tendait à l’annulation de cette dernière.

En effet, le Tribunal rappelle qu’une institution, lorsqu’elle adopte une décision explicite de rejet d’une demande confirmative d’accès aux documents, procède au retrait de la décision implicite de rejet de cette demande. Ce retrait de l’acte contesté, compte tenu de son caractère rétroactif, entraîne la disparition de l’objet du litige. Dans une telle hypothèse, l’examen d’un recours contre une décision implicite ne peut se justifier ni par l’objectif d’éviter que se reproduise l’illégalité reprochée ni par celui de faciliter d’éventuels recours en indemnité, lesdits objectifs pouvant être atteints par l’examen d’un recours contre la décision explicite.

Il ajoute que le retrait rétroactif d’un acte administratif illégal générateur de droit doit intervenir dans un délai raisonnable. Toutefois, la décision attaquée, qui est une décision de refus opposée à la demande de la requérante, ne constitue pas à l’égard de celle-ci un acte créateur de droits. De plus, la condition subordonnant le retrait d’un acte à l’illégalité de celui-ci s’applique dans des domaines où il convient d’éviter qu’un tel retrait ne permette à une institution d’échapper à tout contrôle juridictionnel de son action. Or, l’adoption d’une décision confirmative explicite n’emporte pas un tel risque. Au contraire, elle permet au demandeur de connaître les motifs du rejet que l’institution lui oppose.

Dès lors, la requérante n’a plus intérêt à obtenir l’annulation du rejet implicite de sa demande confirmative d’accès aux documents dans la mesure où cette décision implicite a été confirmée ultérieurement par une décision explicite de rejet.

En second lieu, s’agissant de l’accès partiel plus large accordé par la Commission au rapport de l’EMA, le Tribunal rappelle que le simple octroi d’un accès aux documents litigieux faisant suite au rejet d’une demande, sans que l’institution, par l’adoption d’un retrait exprès, reconnaisse son erreur, ne saurait être regardé comme un retrait.

Il précise, à cet égard, que la caducité des décisions attaquées, survenue après l’introduction du recours, n’entraîne pas, à elle seule, l’obligation pour le Tribunal de prononcer un non-lieu à statuer pour défaut d’objet ou pour défaut d’intérêt à agir à la date du prononcé de l’arrêt.

Partant, la requérante est donc susceptible de conserver un intérêt à l’annulation de la décision attaquée aux fins d’un éventuel recours en responsabilité dans la mesure où l’accès partiel plus large au rapport de l’EMA ne lui a été accordé qu’au moment de l’adoption de la décision confirmative explicite.

Cependant, une partie requérante ne peut justifier d’un intérêt à agir par une simple invocation de la possibilité d’introduire dans le futur un recours tendant à la réparation du dommage, sans invoquer des éléments concrets concernant les conséquences de l’illégalité alléguée sur sa situation et la nature du préjudice qu’elle prétend avoir subi et dont un tel recours aurait visé à obtenir réparation. Or, le Tribunal constate que la requérante ne fournit aucun élément concret en ce sens.

Par conséquent, elle n’est pas fondée à s’opposer au non-lieu au motif qu’un éventuel constat de l’illégalité de la décision attaquée lui permettrait ensuite d’introduire un recours en indemnité destiné à réparer le préjudice que lui aurait causé cette décision.

{1} En vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001 L 145, p. 43).

{2} En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

{3} Prévus à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1049/2001.

{4} En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001.

Ordonnance du 11 février 2025, Reverbel / Commission (T-178/24) (cf. point 35)