1. Budget des Communautés européennes - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Contrat octroyant un soutien financier communautaire à une action pilote de création et de développement de fonds de capital d'amorçage dans le cadre d'un programme d'action pour les petites et moyennes entreprises - Non-dépôt dans les délais du rapport prévisionnel et du rapport annuel - Droit de la Commission au remboursement de l'avance versée, majorée d'intérêts de retard
2. Budget des Communautés européennes - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés dans les formes et délais prescrits - Absence - Frais inéligibles
3. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Atteinte à l'égalité des chances et au principe de transparence - Comportement collusif du demandeur d'un soutien financier et du fonctionnaire chargé du dossier, ayant permis d'obtenir le concours financier de l'Union - Inclusion
Ainsi qu’il ressort de l’article 109, paragraphe 1, du règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, l’octroi de subventions est soumis, notamment, aux principes de transparence et d’égalité de traitement, ce qui présuppose que, eu égard au budget limité disponible pour financer de telles subventions, les potentiels demandeurs de soutien financier soient traités de manière égale en ce qui concerne, d’une part, la communication, dans l’appel à propositions, d’informations pertinentes sur les critères de sélection des projets à soumettre et, d’autre part, l’évaluation comparative desdits projets aboutissant à leur sélection et à l’octroi de la subvention.
En matière budgétaire, en tant que corollaire du principe d’égalité de traitement, l’obligation de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir budgétaire. Elle implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’octroi soient formulées de manière claire, précise et univoque, notamment, dans l’appel à propositions. Ainsi, toutes les informations pertinentes pour la bonne compréhension de l’appel à propositions doivent être mises, dès que possible, à la disposition de l’ensemble des opérateurs ayant potentiellement un intérêt à participer à une procédure d’octroi de subventions, de façon, d’une part, à permettre à tous les demandeurs raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre l’autorité budgétaire en mesure de vérifier effectivement si les projets proposés correspondent aux critères de sélection et d’attribution préalablement annoncés. Dès lors, toute atteinte à l’égalité des chances et au principe de transparence constitue une irrégularité viciant la procédure d’octroi.
Ainsi, l’obtention d’un concours financier émanant du budget général des Communautés au moyen d’un comportement collusif, manifestement contraire aux prescriptions contraignantes régissant l’octroi de tels concours, entre le demandeur du soutien financier et le fonctionnaire chargé de préparer l’appel à propositions ainsi que d’évaluer et de sélectionner le projet à financer, est constitutive d’une irrégularité au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier si ce comportement remplit également les critères de la corruption active ou passive ou d’une infraction à une autre règle de nature pénale.
4. Budget des Communautés européennes - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence - Frais inéligibles
5. Budget de l'Union européenne - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence - Frais inéligibles
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 décembre 2013, EMA / Commission (T-116/11) (cf. points 236, 263)
Arrêt du 17 octobre 2012, Commission / EU Research Projects (T-220/10) (cf. points 28-29)
6. Budget de l'Union européenne - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Décision de réduction du montant d'un concours en raison d'irrégularités - Prise en compte d'irrégularités n'ayant pas un impact financier précis - Admissibilité
7. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Contrats conclus dans le cadre d'un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration - Procédure de vérification des irrégularités - Audit portant sur les principes de comptabilité et de management, effectué conjointement par des agents de la Commission et des consultants externes - Obligation d'assurer l'assistance d'un interprète aux employés interrogés - Absence - Audit n'entrant pas dans le champ d'application du règlement nº 2185/96
Arrêt du 2 octobre 2012, ELE.SI.A / Commission (T-312/10) (cf. points 77-93)
8. Budget de l'Union européenne - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Décision de réduction du montant d'un concours en raison d'irrégularités - Conflit d'intérêts - Frais inéligibles
9. Budget de l'Union européenne - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Décision de réduction du montant d'un concours en raison d'irrégularités - Frais inéligibles
10. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits de la défense - Application aux procédures administratives engagées par la Commission - Concours financier communautaire - Délai équitable pour présenter les observations - Refus d'accorder une prorogation du délai de réponse - Absence de violation des droits de la défense
11. Budget de l'Union européenne - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Décision de réduction du montant d'un concours en raison d'irrégularités - Absence de copie du contrat de travail - Justification tirée de la protection des données - Absence - Frais inéligibles
12. Budget de l'Union européenne - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Répartition de la charge de la preuve
13. Budget de l'Union européenne - Concours financier communautaire - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Obligation de produire des documents liés à l'exécution du projet - Caractère impératif
14. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence - Frais inéligibles
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis / Commission (T-48/16) (cf. points 138, 139, 154)
Arrêt du 11 septembre 2014, Commission / ID FOS Research (T-170/08) (cf. point 57)
Arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis / REA (T-47/16) (cf. points 115, 116, 128, 129)
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-166/17) (cf. point 74)
Arrêt du 10 octobre 2019, Help - Hilfe zur Selbsthilfe / Commission (T-335/17) (cf. points 200, 201)
Arrêt du 13 mai 2020, Talanton / Commission (T-195/18) (cf. points 137, 162, 193, 197)
Arrêt du 15 septembre 2021, ADR Center / Commission (T-364/15) (cf. points 71-73, 75)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-177/17) (cf. point 47)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-189/17) (cf. point 45)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-190/17) (cf. point 46)
15. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours
Selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées. Dès lors, afin que la Commission puisse exercer un rôle de contrôle, les bénéficiaires de tels concours doivent démontrer la réalité des coûts imputés aux projets subventionnés, la fourniture par ces bénéficiaires d’informations fiables étant indispensable au bon fonctionnement du système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d’octroi des concours sont remplies. Il ne suffit donc pas de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Le bénéficiaire de l’aide doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles. Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue même l’un de ses engagements essentiels et, de ce fait, conditionne l’attribution du concours financier.
Arrêt du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden / Commission (T-29/11) (cf. point 71)
Arrêt du 10 octobre 2019, Help - Hilfe zur Selbsthilfe / Commission (T-335/17) (cf. point 159)
16. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Délai de prescription - Objet - Adoption des modalités d'exécution du délai en conformité avec cet objet
En adoptant une règle générale selon laquelle, ainsi qu’il ressort de l’article 73 bis du règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, les créances de l’Union sur les tiers sont prescrites au terme d’un délai de cinq ans, le législateur de l’Union a entendu conférer aux débiteurs éventuels de l’Union une garantie selon laquelle, passé ce délai, ils ne sauraient, en principe, conformément aux exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, faire l’objet de mesures de recouvrement de telles créances, pour lesquelles ils sont alors dispensés d’apporter la preuve qu’ils n’en sont pas les débiteurs. À cet égard, ledit article 73 bis vise notamment à limiter dans le temps la possibilité de recouvrer les créances de l’Union sur des tiers, afin de satisfaire au principe de bonne gestion financière.
Par ailleurs, dès lors que l’article 73 bis du règlement nº 1605/2002 renvoie la fixation de la date à retenir pour le calcul du délai de prescription aux modalités d’exécution que, en vertu de l’article 183 de ce règlement, il appartient à la Commission européenne d’arrêter, ledit article 73 bis ne peut, à lui seul, sans ses modalités d’exécution, être utilement invoqué pour établir qu’une créance de l’Union serait prescrite. À cet égard, lesdites modalités ne sauraient être adoptées qu’en conformité avec les objectifs fondant la règle ainsi posée à l’article 73 bis.
Arrêt du 13 novembre 2014, Nencini / Parlement (C-447/13 P) (cf. points 43-45, 52)
17. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'union sur les tiers - Demande de remboursement sous forme d'une note de débit - Délai de notification - Dépassement du délai de prescription applicable aux créances - Présomption réfragable du caractère déraisonnable du délai de notification - Conséquences du non-renversement - Annulation de la demande de remboursement - Absence d'invocation d'une atteinte aux droits de la défense du débiteur - Absence d'incidence
S’il est vrai que ni le règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, ni le règlement nº 2342/2002, établissant les modalités d’exécution du règlement nº 1605/2002, ne précisent le délai dans lequel une note de débit doit être communiquée à compter de la date du fait générateur en cause, le principe de sécurité juridique exige, dans le silence des textes applicables, que l’institution concernée procède à cette communication dans un délai raisonnable.
À cet égard, compte tenu du délai de prescription des créances prévu à l’article 73 bis du règlement nº 1605/2002, le délai de communication d’une note de débit doit être présumé déraisonnable lorsque cette communication intervient au-delà d’une période de cinq ans à compter du moment où l’institution a été normalement en mesure de faire valoir sa créance. Une telle présomption ne saurait être renversée que si l’institution en cause établit que, malgré les diligences qu’elle a entreprises, le retard à agir incombe au comportement du débiteur, notamment à ses manœuvres dilatoires ou à sa mauvaise foi. En l’absence d’une telle preuve, il doit alors être constaté que l’institution a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du principe du délai raisonnable.
Par ailleurs, une fois constaté ce manquement, le juge de l’Union ne saurait, sans commettre d’erreur de droit, s’abstenir de prononcer l’annulation de la décision de recouvrement de la créance en cause, au motif que le requérant n’avait pas fait valoir d’atteinte portée aux droits de la défense.
Arrêt du 13 novembre 2014, Nencini / Parlement (C-447/13 P) (cf. points 47-49, 55)
18. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées - Répartition de la charge de la preuve
Ordonnance du 4 décembre 2014, Talanton / Commission (T-165/13) (cf. point 72)
Arrêt du 26 janvier 2017, Diktyo Amyntikon Viomichanion Net / Commission (T-703/14) (cf. point 84)
Arrêt du 13 juillet 2017, Talanton / Commission (T-65/15) (cf. points 54, 85, 97)
Arrêt du 8 mars 2018, Rose Vision / Commission (T-45/13 RENV et T-587/15) (cf. points 163, 166)
Arrêt du 24 octobre 2018, Epsilon International / Commission (T-477/16) (cf. points 78, 100, 103)
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-166/17) (cf. points 33-35, 55-57, 59-61)
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-198/17) (cf. points 44-46, 48-50)
Arrêt du 13 mai 2020, Talanton / Commission (T-195/18) (cf. points 121-125)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-177/17) (cf. point 36)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-189/17) (cf. point 34)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-190/17) (cf. point 35)
19. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Exécution en gestion partagée - Obligation pour les États membres de prendre les mesures nécessaires pour protéger les intérêts financiers de l'Union - Article 53 ter, paragraphe 2, du règlement nº 1605/2002 - Fondement juridique à une décision des autorités nationales réduisant le montant d'une subvention accordée au titre du Fonds européen pour les réfugiés et ordonnant la récupération d'une partie de ce montant - Respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime - Appréciation par le juge national
L’article 53 ter, paragraphe 2, initio et sous c), du règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, doit être interprété en ce sens que, à défaut de base légale de droit interne, cette disposition fournit un fondement juridique à une décision des autorités nationales modifiant, au détriment du bénéficiaire, le montant d’une subvention accordée au titre du Fonds européen pour les réfugiés, dans le cadre de la gestion partagée entre la Commission européenne et les États membres, et ordonnant la récupération auprès de celui-ci d’une partie de ce montant. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si, compte tenu du comportement tant du bénéficiaire de la subvention que de l’administration nationale, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, tels qu’entendus en droit de l’Union, ont été respectés à l’égard de la demande de remboursement.
En effet, l’article 53 ter du règlement nº 1605/2002 consacre un mode d’exécution du budget général de l’Union dans le domaine de la gestion partagée. Selon le paragraphe 1 de la même disposition, lorsque la Commission coopère avec les États membres afin d’exécuter le budget en gestion partagée au sens de l’article 53, paragraphe 1, sous b), du même règlement, les tâches d’exécution du budget sont déléguées aux États membres.
Quant à lui, l’article 53 ter, paragraphe 2, initio et sous c), dudit règlement énonce que les États membres doivent prendre toutes les mesures législatives, réglementaires, administratives ou autres nécessaires pour protéger les intérêts financiers de l’Union, notamment en récupérant les fonds indûment versés ou mal employés ou les fonds perdus par suite d’irrégularités ou d’erreurs.
Les termes non équivoques et inconditionnels de l’article 53 ter, paragraphe 2, initio et sous c), de ce règlement ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils laissent aux États membres une marge d’appréciation sur l’opportunité de procéder ou non à des corrections financières en rapport avec les irrégularités constatées.
Ayant choisi d’adopter l’article 53 ter du règlement nº 1605/2002, le législateur de l’Union a entendu créer, dans la réglementation générale, une obligation, pour les États membres, de procéder, lorsqu’ils exécutent le budget en gestion partagée, à des corrections financières, notamment de récupérer les fonds perdus à la suite d’un abus ou d’une négligence, non seulement sans qu’une habilitation prévue par le droit national soit nécessaire, mais aussi sans qu’une réglementation sectorielle soit indispensable.
Il s’ensuit que la phrase introductive de l’article 53 ter, paragraphe 2, dudit règlement constitue un fondement juridique pour la modification d’une subvention au détriment du bénéficiaire, lorsque cette modification vise à la protection des intérêts financiers de l’Union. De même, le point c) de ladite disposition constitue une base juridique pour l’adoption de mesures relatives à la récupération des fonds indûment versés ou mal employés à la suite d’irrégularités ou d’erreurs.
Arrêt du 18 décembre 2014, Somvao (C-599/13) (cf. points 41, 42, 45, 46, 49, 55 et disp.)
20. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées
Arrêt du 11 juin 2015, EMA / Commission (C-100/14 P) (cf. points 48-50)
21. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées dans le cadre du concours - Détermination des obligations litigieuses - Répartition de la charge de la preuve
Arrêt du 8 septembre 2015, Amitié / Commission (T-234/12) (cf. points 115-119, 143-145)
22. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Prise en compte des conclusions finales d'un audit - Obligation de respecter les règles relatives à la collecte de preuves dans le cadre de l'audit - Absence de violation des conventions auditées
Arrêt du 8 septembre 2015, Amitié / Commission (T-234/12) (cf. points 135-140)
23. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence - Frais inéligibles - Bonne exécution technique des projets faisant l'objet d'un concours financier de l'Union - Absence d'incidence
Arrêt du 8 septembre 2015, Amitié / Commission (T-234/12) (cf. points 146, 147, 152, 153)
Arrêt du 26 janvier 2017, Diktyo Amyntikon Viomichanion Net / Commission (T-703/14) (cf. point 115)
Arrêt du 4 mai 2017, Meta Group / Commission (T-744/14) (cf. points 246-248)
Arrêt du 13 juillet 2017, Talanton / Commission (T-65/15) (cf. point 73)
Arrêt du 8 mars 2018, Rose Vision / Commission (T-45/13 RENV et T-587/15) (cf. point 95)
Arrêt du 20 juin 2018, KV / EACEA (T-306/15 et T-484/15) (cf. points 57, 58)
Arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies / Commission (T-753/20) (cf. point 153)
Arrêt du 13 décembre 2023, Glonatech / REA (T-409/22) (cf. points 50, 51, 80, 94)
24. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées dans le cadre du concours - Obligation de respecter le principe d'égalité de traitement - Situations non comparables - Absence de discrimination
Arrêt du 8 septembre 2015, Amitié / Commission (T-234/12) (cf. points 155-158, 210)
25. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Cocontractant bénéficiant simultanément de plusieurs concours financiers - Non-respect d'une obligation de tenir une comptabilité permettant de rapprocher directement les coûts reportés dans les déclarations financières relatives à chaque convention de concours financier de ceux enregistrés dans la comptabilité générale - Frais inéligibles
Arrêt du 8 septembre 2015, Amitié / Commission (T-234/12) (cf. points 163-165, 171-181)
26. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Non-respect d'une obligation de produire des relevés de temps de travail fiables afin de justifier les coûts de personnels déclarés au titre de l'exécution des conventions - Frais inéligibles - Conséquence - Frais de déplacement du personnel inéligibles
Arrêt du 8 septembre 2015, Amitié / Commission (T-234/12) (cf. points 194-208, 211, 212, 216-219)
27. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Contrats conclus dans le cadre d'un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence - Frais inéligibles
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 juillet 2019, IPPT PAN / Commission et REA (T-805/16) (cf. points 61, 115)
28. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Renonciation - Condition - Insolvabilité du débiteur bénéficiaire d'un financement de l'Union géré par l'institution créancière - Possibilité de renonciation à l'égard d'un État membre bénéficiaire de financement dans le cadre du programme spécial d'adhésion en faveur de l'agriculture et du développement rural (Sapard) - Absence - Existence d'un principe général de renonciation par les institutions de l'Union à leurs créances - Absence
Arrêt du 29 octobre 2015, Lituanie / Commission (T-110/13) (cf. points 31, 32, 42)
29. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Demande de remboursement sous forme d'une note de débit - Délai de notification - Respect d'un délai raisonnable - Critères d'appréciation - Violation - Conséquences
30. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Production de pièces comptables conformes aux conditions techniques fixées pour l'octroi de la subvention concernée et susceptibles de contrôle dans le cadre d'un audit - Absence - Frais inéligibles
Ordonnance du 6 avril 2016, GABO:mi / Commission (T-10/16 R) (cf. points 76, 77, 82)
Arrêt du 19 septembre 2019, BTC / Commission (T-786/17) (cf. points 77-80, 84, 85, 107)
31. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Contrats conclus dans le cadre d'un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration - Étendue du financement accordé par l'Union en faveur d'un projet particulier - Totalité des coûts de fonctionnement de l'entreprise bénéficiaire - Exclusion
Ordonnance du 6 avril 2016, GABO:mi / Commission (T-10/16 R) (cf. point 83)
32. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Audit financier établi par la Commission - Refus d'accorder un accès aux informations demandées par les auditeurs - Violation des conditions d'octroi du concours
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-154/14) (cf. points 106-116)
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-155/14) (cf. points 103-113)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-768/14) (cf. points 115-124)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-771/14) (cf. points 110-119)
33. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances faites dans le cadre du concours - Demande de recouvrement découlant des stipulations des conventions - Inapplicabilité du principe de proportionnalité
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-154/14) (cf. point 130)
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-155/14) (cf. point 127)
34. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances faites dans le cadre du concours - Prise en compte des conclusions d'un rapport d'audit final
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-154/14) (cf. point 138)
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-155/14) (cf. point 135)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-768/14) (cf. point 148)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-771/14) (cf. point 142)
35. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Établissement d'un rapport d'audit par la Commission - Rapport d'audit ne constituant pas un document préparatoire d'un acte faisant grief - Inapplicabilité du principe du contradictoire et du droit d'être entendu
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-154/14) (cf. points 58-60)
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-155/14) (cf. points 54-56)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-768/14) (cf. points 47-49)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-771/14) (cf. points 52-54)
36. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Répartition de la charge de la preuve
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center / Commission (T-644/14) (cf. points 93, 96, 103, 106)
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-154/14) (cf. points 67-69, 124, 125)
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-155/14) (cf. points 65-67, 122, 123)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-768/14) (cf. points 57-59, 133, 134)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-771/14) (cf. points 63-65, 128, 129)
Arrêt du 4 mai 2017, Meta Group / Commission (T-744/14) (cf. points 93-95, 218, 219)
Arrêt du 24 octobre 2018, Nova / Commission (T-299/15) (cf. point 207)
Arrêt du 11 juillet 2019, IPPT PAN / Commission et REA (T-805/16) (cf. point 65)
Arrêt du 22 octobre 2020, EKETA / Commission (C-273/19 P) (cf. points 74, 77)
Arrêt du 22 octobre 2020, EKETA / Commission (C-274/19 P) (cf. points 64, 67)
Arrêt du 15 septembre 2021, ADR Center / Commission (T-364/15) (cf. points 74, 82)
Arrêt du 12 juillet 2023, Net Technologies Finland / REA (T-358/20) (cf. points 99-103)
Arrêt du 27 septembre 2023, Imdea Materiales / Commission (T-765/21) (cf. points 81-85, 99, 101-103)
Arrêt du 13 décembre 2023, Glonatech / REA (T-409/22) (cf. points 62, 64)
Arrêt du 21 février 2024, Greenspider / Eismea (T-733/21) (cf. points 39-41, 43)
37. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Non-respect d'une obligation de produire des relevés de temps de travail fiables afin de justifier les coûts de personnels déclarés au titre de l'exécution des conventions - Frais inéligibles
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-154/14) (cf. points 84-94)
Arrêt du 27 avril 2016, ANKO / Commission (T-155/14) (cf. points 82-92)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-768/14) (cf. points 77-97)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-771/14) (cf. points 82-97)
Arrêt du 6 décembre 2023, Kopřiva - Horák / Commission (T-731/21) (cf. points 101, 102)
38. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Applicabilité aux procédures de recouvrement des créances auprès des membres du Parlement européen
La seule circonstance que les articles 78 à 80 du règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, ne comportent pas de modalités concernant spécifiquement la procédure relative au recouvrement de créances auprès de députés européens, mais portent sur la constatation des créances de l’Union et l’ordonnancement des recouvrements, ne saurait rendre applicable la décision du bureau du Parlement européen, portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen, y compris la procédure de recouvrement prévue à son article 68, en méconnaissance de sa portée matérielle.
Arrêt du 14 juin 2016, Marchiani / Parlement (C-566/14 P) (cf. point 44)
39. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Délai de prescription - Point de départ
L’article 73 bis du règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, tel que modifié par le règlement nº 1995/2006, qui fixait un délai de prescription des créances de l’Union de cinq ans ne pouvait, à lui seul, sans ses modalités d’application, être utilement invoqué pour établir qu’une créance de l’Union était prescrite. Dès lors, cet article 73 bis, qui doit être lu avec ses modalités d’application prévues à l’article 85 ter du règlement nº 2342/2002, établissant les modalités d'exécution du règlement nº 1605/2002, tel que modifié par le règlement nº 478/2007, prévoit un délai de prescription de cinq ans pour permettre aux organes de l’Union de recouvrer des créances de l’Union sur des tiers, le point de départ de ce délai courant à compter de la date limite communiquée au débiteur dans la note de débit.
Cette interprétation vaut également pour l’article 81 du règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, et pour l’article 93 du règlement délégué nº 1268/2012, relatif aux règles d’application du règlement nº 966/2012, dès lors que ces dispositions correspondent, en substance, respectivement à l’article 73 bis du règlement nº 1605/2002 et à l’article 85 ter du règlement nº 2342/2002.
Arrêt du 14 juin 2016, Marchiani / Parlement (C-566/14 P) (cf. points 86-88)
Arrêt du 18 mai 2017, Panzeri / Parlement (T-166/16) (cf. points 27-29)
Arrêt du 20 septembre 2019, LL / Parlement (T-615/15 RENV) (cf. points 90-93)
Arrêt du 21 décembre 2021, Datax / REA (T-381/20) (cf. points 109-114)
Arrêt du 23 octobre 2024, Rivellini / Parlement (T-465/23) (cf. points 35-37, 68)
40. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Délai de communication d'une note de débit - Absence de précision réglementaire - Respect du principe du délai raisonnable - Critères d'appréciation
En ce qui concerne le recouvrement des créances dues aux institutions de l’Union, s’il est vrai que ni l’article 81 du règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, ni l’article 93 du règlement délégué nº 1268/2012, relatif aux règles d’application du règlement nº 966/2012, ne fixent aucun délai dans lequel une note de débit, l’acte par lequel la constatation d’une telle créance est portée à la connaissance du débiteur, doit être communiquée à ce dernier à compter de la date du fait générateur de la créance en cause, l’exigence de sécurité juridique requiert toutefois que les institutions de l’Union exercent leurs pouvoirs dans un délai raisonnable. Le caractère raisonnable d’un délai doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et des différentes étapes procédurales que l’institution de l’Union a suivies, ainsi que du comportement des parties au cours de la procédure. En effet, le caractère raisonnable d’un délai ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite.
À cet égard, compte tenu du fait que l’article 81 du règlement nº 966/2012 vise à limiter dans le temps la possibilité de recouvrer les créances de l’Union sur des tiers, afin de satisfaire au principe de bonne gestion financière et fixe, dans cette optique, un délai de cinq ans, le délai de communication d’une note de débit au débiteur par une institution de l’Union doit être, en principe, présumé déraisonnable lorsque cette communication intervient au-delà d’une période de cinq ans à compter du moment où l’institution a été normalement en mesure de faire valoir sa créance. Eu égard à l’article 78, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 966/2012 ainsi qu’aux articles 81 et 82 du règlement délégué nº 1268/2012, une institution de l’Union est normalement en mesure de faire valoir sa créance à partir de la date à laquelle cette institution dispose des pièces justificatives permettant d’identifier une créance donnée comme certaine, liquide et exigible ou aurait pu disposer de telles pièces justificatives, si elle avait agi avec la diligence requise.
Cependant, le fait qu’une durée de plus de cinq ans s’est écoulée entre la date à laquelle l’institution a été normalement en mesure de faire valoir sa créance et la date de communication d’une note de débit ne saurait, automatiquement, entraîner la violation du principe du délai raisonnable. En effet, il convient également de vérifier si une telle durée peut s’expliquer par des circonstances propres de l’affaire. De même, une communication d’une telle note de débit dans un délai inférieur audit délai de cinq ans, dans une affaire de moindre complexité, dont l’enjeu pour le débiteur serait important ou dans laquelle l’institution de l’Union aurait manqué de diligence, notamment en ce qui concerne l’obtention des pièces justificatives lui permettant d’identifier une créance comme étant certaine, liquide et exigible, pourrait ne pas répondre aux exigences du principe du délai raisonnable. Dans une telle hypothèse, il incomberait au débiteur d’apporter la preuve du caractère déraisonnable d’un tel délai inférieur au délai de cinq ans.
Arrêt du 14 juin 2016, Marchiani / Parlement (C-566/14 P) (cf. points 89, 96, 99-104, 106)
Arrêt du 18 mai 2017, Panzeri / Parlement (T-166/16) (cf. points 31-41)
Arrêt du 21 décembre 2021, Datax / REA (T-381/20) (cf. points 124-126)
41. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation de la Commission de vérifier la volonté ou la possibilité du bénéficiaire de se conformer aux conditions d'éligibilité du contrat - Absence
Arrêt du 9 novembre 2016, Trivisio Prototyping / Commission (T-184/15) (cf. points 109, 110)
42. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances faites dans le cadre du concours - Demande de recouvrement découlant des stipulations des conventions - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-768/14) (cf. point 140)
Arrêt du 25 janvier 2017, ANKO / Commission (T-771/14) (cf. point 134)
Arrêt du 19 septembre 2019, BTC / Commission (T-786/17) (cf. points 95-100)
Arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet / Commission (T-539/18) (cf. points 243, 244)
43. Droit de l'Union européenne - Principes - Principe de bonne administration - Irrégularité de la procédure administrative - Effets - Annulation de la décision litigieuse - Conditions
Arrêt du 2 février 2017, International Management Group / Commission (T-29/15) (cf. points 134, 139)
44. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union - Exécution du budget - Obligation de respect du principe de transparence - Portée
Arrêt du 2 février 2017, International Management Group / Commission (T-29/15) (cf. points 147-152)
45. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Exécution en gestion indirecte - Procédure spéciale réservée aux organisations internationales - Suspension par la Commission de la possibilité de conclure des contrats en gestion indirecte en présence de doutes quant au statut d'organisation internationale d'une entité - Admissibilité
Arrêt du 2 février 2017, IMG / Commission (T-381/15) (cf. points 128, 134-136)
46. Agriculture - Financement par le Feader - Soutien au développement rural - Éligibilité des opérations et des dépenses - Respect des critères de sélection fixés en droit national - Opérations liées aux remembrements ou rénovations de villages - Contrôle financier de la Commission - Vérification, par l'État membre concerné, des critères de sélection retenus permettant d'identifier les opérations à financer en priorité selon leurs mérites
Il résulte des termes de l’article 71, paragraphe 2, du règlement nº 1698/2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), lu en combinaison avec l’article 2, sous c), du même règlement, que les dépenses engagées au titre d’opérations telles que les remembrements ou les rénovations de villages doivent être effectuées selon des critères de sélection. Or, ainsi qu’il résulte expressément de l’article 73 du règlement nº 1698/2005, il incombe à la Commission, dans le cadre d’une gestion partagée entre les institutions de l’Union et les États membres, de s’assurer d’une bonne gestion financière conformément à l’article 274 CE dont les dispositions figurent désormais à l’article 317 TFUE.
Si le principe de bonne gestion financière ne doit pas être réduit à une définition purement comptable, il implique toutefois que les crédits budgétaires soient utilisés conformément aux principes d’économie, d’efficacité et d’efficience, ce dernier principe visant le meilleur rapport entre les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus, ainsi que cela résulte de l’article 28 bis du règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, tel que modifié, ainsi que de l’article 30 du règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union. Le respect de ces principes implique que les critères de sélection retenus permettent de financer en priorité les opérations qui répondent le mieux aux objectifs de développement rural tels qu’ils découlent des quatre axes mentionnés dans le règlement nº 1698/2005.
Dans ce cadre, compte tenu de la collaboration entre l’Union et les États membres, si la liste des critères de sélection peut être librement déterminée par les autorités nationales, sans nécessairement comporter un système de notation ou de classement chiffré des opérations, elle doit néanmoins permettre de déterminer celles qui, prioritairement, doivent bénéficier d’un soutien du Feader au vu de leurs mérites. Dans ce contexte, les critères d’éligibilité des opérations doivent être distingués des critères de sélection. Les critères d’éligibilité permettent tout au plus de constater que les opérations remplissent les conditions essentielles pour bénéficier d’un financement du Feader, comme s’inscrire dans les grandes lignes des objectifs de la politique agricole commune telles qu’elles ont été reprises par les autorités nationales, mais pas d’identifier les opérations à financer en priorité selon leurs mérites.
Arrêt du 3 avril 2017, Allemagne / Commission (T-28/16) (cf. points 62-64, 66, 68, 69)
47. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Modification de la procédure de sanction - Application immédiate à défaut de dispositions transitoires
Les règles de procédure s’appliquent, en principe, à toutes les procédures pendantes au moment où elles entrent en vigueur. Il n’en va autrement que si la règle nouvelle est accompagnée des dispositions particulières qui déterminent spécialement ses conditions d’application dans le temps ou selon le degré d’avancement des procédures concernées. Toutefois, dans le premier cas, appliquer une règle de procédure nouvelle à une procédure déjà engagée sous l’empire de la règle de procédure antérieure, a fortiori à une procédure achevée, peut conduire, si cette procédure doit alors être recommencée, à donner un effet rétroactif à la règle de procédure nouvelle et non simplement à l’appliquer à une situation en cours ou aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle antérieure. En effet, dans un tel cas, l’application de la règle de procédure nouvelle conduit à annuler a posteriori des procédures ou des étapes procédurales qui étaient conformes à la règle en vigueur lorsqu’elles ont été accomplies.
S’agissant du règlement 2015/1929, en vertu duquel le règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, a été modifié avec effet au 1er janvier 2016, il ne comporte aucune disposition transitoire particulière accompagnant la fixation de cette date d’application générale. À cet égard, dans le cas d’une procédure contradictoire précédant l’adoption d’une sanction qui a été ouverte par la Commission sur le fondement de l’article 131, paragraphe 5, du règlement nº 966/2012, lu en combinaison avec l’article 109, paragraphe 1, de ce règlement dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2015, et qui s’est achevée en octobre 2015, l’ensemble de la procédure préalable à l’adoption de la sanction a été conduite et a été achevée régulièrement avant le 1er janvier 2016 compte tenu des règles qui lui étaient applicables. Le fait que la décision de sanction ait été adoptée après la mise en application de la nouvelle version du règlement nº 966/2012 prévoyant l’intervention d’une nouvelle instance conduisant la procédure contradictoire ne permet pas de mettre en cause cette appréciation. En effet, quand bien même l'instauration de cette instance aurait eu pour objet de renforcer les droits de la défense des cocontractants de l’Union susceptibles de se voir infliger une sanction au titre dudit règlement, aucune disposition explicite ou implicite du règlement 2015/1929 ou du règlement 2015/2462, modifiant le règlement nº 1268/2012, ne peut être interprétée comme donnant à l’article 105 bis, paragraphe 2, et à l’article 106, paragraphe 2, du règlement nº 966/2012 dans la version applicable à compter du 1er janvier 2016, qui prévoient dans un certain nombre de cas l’intervention de ladite instance, une portée rétroactive qui impliquerait de recommencer la procédure préalable achevée régulièrement avant cette date, notamment sous l’angle du respect du contradictoire.
Arrêt du 27 juin 2017, NC / Commission (T-151/16) (cf. points 36-38, 40, 42, 43)
48. Droit de l'Union européenne - Principes - Principe de l'application rétroactive de la peine plus légère - Conditions d'application - Adoption d'une décision de sanction administrative sans prendre en considération les dispositions rétroactivement applicables d'un régime moins sévère - Inadmissibilité
Le principe de l’application rétroactive de la loi répressive moins sévère fait partie des traditions constitutionnelles communes aux États membres, de sorte qu’il doit être considéré comme un principe général du droit de l’Union dont le juge assure le respect. Il est plus particulièrement exprimé à l’article 2, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Selon cette disposition, il incombe aux autorités compétentes d’appliquer de manière rétroactive, à un comportement constitutif d’une irrégularité qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget de l’Union ou à des budgets gérés par celle-ci, les modifications ultérieures apportées par des dispositions contenues dans une réglementation sectorielle de l’Union instituant des sanctions administratives moins sévères. À cet égard, en présence d’une évolution de la réglementation concernant des sanctions administratives qui conduirait à ce que, sur certains aspects, la nouvelle réglementation soit moins sévère, mais sur d’autres aspects plus sévère que l’ancienne, il y a lieu, afin de déterminer la réglementation la plus clémente, non de procéder à une analyse abstraite, mais de déterminer celle qui, in concreto, est la plus favorable à l’entreprise en cause, compte tenu de sa situation.
L’article 106, paragraphe 7, sous a), du règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, dans la version applicable à compter du 1er janvier 2016, qui établit l’impossibilité d’exclure des marchés et des subventions de l’Union un opérateur qui a pris certaines mesures correctrices démontrant sa fiabilité, constitue clairement une disposition moins sévère que celle précédemment applicable. En effet, la réunion de ces conditions, même si elle peut nécessiter une démonstration exigeante, permet désormais de bénéficier d’une exonération totale de sanction d’exclusion, alors qu’auparavant elle ne débouchait pas nécessairement sur une telle exonération. Doit, dès lors, être annulée une décision de la Commission portant sanction administrative d’exclusion d’une entreprise des procédures d’attribution de marchés et de subventions financés par le budget général de l’Union, laquelle a été adoptée sans qu’apparaissent avoir été prises en considération des dispositions d’un régime répressif moins sévère qui, appliqué aux faits de l’espèce, aurait pu aboutir à une décision plus clémente.
Arrêt du 27 juin 2017, NC / Commission (T-151/16) (cf. points 53-55, 57, 63)
49. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Nécessité du caractère certain, liquide et exigible de la créance - Condition satisfaite à l'échéance du délai fixé dans la note de débit
Arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast / Commission (T-87/16) (cf. points 58, 59)
50. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Procédure de recouvrement par compensation - Contestation de la créance par le débiteur - Absence d'incidence sur la possibilité de recourir à cette procédure
Arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast / Commission (T-87/16) (cf. points 64, 65)
Arrêt du 11 juillet 2019, IPPT PAN / Commission et REA (T-805/16) (cf. point 190)
51. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Procédure de recouvrement par compensation - Nécessité pour l'ordonnateur compétent d'adresser au préalable un ordre de recouvrement au comptable de l'institution concernée et une note de débit au débiteur - Obligation pour le comptable de procéder au recouvrement en cas de défaillance du débiteur
Arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast / Commission (T-87/16) (cf. points 66-68)
52. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Modification - Règles de fond - Effet rétroactif - Absence
Arrêt du 10 octobre 2017, Solelec e.a. / Parlement (T-281/16) (cf. points 19-21)
53. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés
Arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro / Commission (T-831/14) (cf. points 83, 145, 146)
54. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Demande de remboursement sous forme d'une note de débit - Obligation de dater la note de débit - Absence
Arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski / Parlement (T-626/16) (cf. points 79-81)
55. Coopération au développement - Projets financés par le Fonds européen de développement dans les pays ACP - Règlement financier applicable au dixième Fonds européen de développement - Règlement nº 215/2008 - Constatation des créances - Recouvrement - Vérification de la réalité et du montant d'une dette ainsi que de ses conditions d'exigibilité - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Contrôle juridictionnel
Il ressort de l’article 63, paragraphe 1, et de l’article 65, paragraphe 2, du règlement nº 215/2008, portant règlement financier applicable au dixième Fonds européen de développement, que l’ordonnateur compétent désigné par la Commission est tenu de vérifier la réalité et le montant de la dette, ainsi que ses conditions d’exigibilité, et peut annuler ou ajuster le montant de la créance. Dès lors, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation lors du recouvrement de créances, la Commission ne saurait échapper à un contrôle juridictionnel. Si tel était le cas, la marge d’appréciation de l’ordonnateur compétent de cette dernière deviendrait en réalité un pouvoir quasi arbitraire, à l’écart du contrôle du juge de l’Union.
Arrêt du 3 juillet 2018, Transtec (T-616/15) (cf. points 110, 111)
56. Coopération au développement - Projets financés par le Fonds européen de développement dans les pays ACP - Sommes versées par la Commission à l'entité chargée de l'exécution financière d'un programme mis en place par le Fonds européen de développement - Recouvrement à la suite d'un audit financier - Violation du principe de proportionnalité - Conditions
La Commission peut être amenée à devoir constater le caractère disproportionné d'un acte de recouvrement, adopté à la suite d'un audit financier, d'une somme versée par la Commission à l'entité chargée de l'exécution financière d'un programme mis en place par le Fonds européen de développement, dès lors que, d'une part, il n'y a pas eu de fraude aux financements de l'Union de la part du bénéficiaire de ladite somme et que, d'autre part, les intérêts de l'Union liés à la nécessité de garantir le respect du principe de bonne gestion financière n'ont pas été affectés de manière significative à cet égard.
Arrêt du 3 juillet 2018, Transtec (T-616/15) (cf. points 128, 129)
57. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Octroi des préfinancements - Exigence de constitution d'une garantie bancaire - Inapplicabilité en cas de subventions de faible valeur - Notion de subvention de faible valeur
Arrêt du 11 juillet 2018, Europa Terra Nostra / Parlement (T-13/17) (cf. points 33-37)
Arrêt du 11 juillet 2018, APF / Parlement (T-16/17) (cf. points 30-34)
Arrêt du 11 juillet 2018, Pegasus / Parlement (T-57/17) (cf. points 23-27)
58. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Pouvoirs et fonctions de l'ordonnateur - Pouvoir de demander des informations auprès des autorités nationales - Inclusion
Arrêt du 19 septembre 2018, HD / Parlement (T-604/16) (cf. points 79, 83, 85)
59. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence - Frais inéligibles - Violation du principe de protection de la confiance légitime du fait de la prise en charge des frais de même nature dans le cadre de projets précédents - Absence
Arrêt du 25 septembre 2018, GABO:mi / Commission (T-10/16) (cf. points 94, 95, 122, 123)
60. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Exclusion d'un opérateur d'une procédure de passation d'un marché public - Imposition d'une sanction financière - Contrôle juridictionnel - Obligation d'examen d'office par le juge de l'Union de la légalité de la mesure - Absence
Conformément à l’article 108, paragraphe 11, du règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, tel que modifié par le règlement 2015/1929, le juge de l’Union a une compétence de pleine juridiction pour réexaminer une décision par laquelle le pouvoir adjudicateur exclut un opérateur économique et/ou lui impose une sanction financière, y compris pour ce qui est de réduire ou d’allonger la durée de l’exclusion et/ou d’annuler la sanction financière imposée ou d’en diminuer ou d’en augmenter le montant.
Toutefois, l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, tels que l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens. L’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision attaquée ne viole pas le principe de protection juridictionnelle effective. Il n’est pas indispensable au respect de ce principe que le juge de l’Union, certes tenu de répondre aux moyens soulevés et d’exercer un contrôle tant de droit que de fait, soit tenu de procéder d’office à une nouvelle instruction complète du dossier.
Arrêt du 8 novembre 2018, "Pro NGO!" / Commission (T-454/17) (cf. points 82, 83)
61. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Exclusion d'un opérateur d'une procédure de passation d'un marché public - Notification par la Commission de la qualification juridique des faits en cause et de la sanction envisagée - Notification par courriel - Preuve de la réception - Génération automatique, par le système informatique du destinataire, d'un rapport de lecture - Caractère insuffisant pour établir la réception de la notification
Il ressort de l’article 108, paragraphe 8, sous c), du règlement nº 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, tel que modifié par le règlement 2015/1929, que, avant d’adopter une recommandation, l’instance de l’article 108 donne à l’opérateur économique et aux pouvoirs adjudicateurs notifiés la possibilité de soumettre des observations. Toutefois, la réglementation applicable ne prévoit pas par quel moyen de communication l’opérateur économique doit se voir notifier par l’instance de l’article 108 la qualification juridique des faits concernés et la sanction envisagée.
À cet égard, une lettre de la Commission contenant la qualification juridique des faits concernés et la sanction envisagée par l’instance de l’article 108 est dûment notifiée dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance. Il appartient ainsi à la Commission de garantir l’effectivité du droit d’être entendu et, par conséquent, il lui appartient de démontrer qu’elle a mis le destinataire en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision. Dans ces conditions, lorsque ladite lettre a été envoyée par courriel, la Commission ne saurait valablement s’appuyer sur le rapport de lecture pour prouver que le destinataire a été dûment mis en mesure de prendre connaissance de ladite lettre ou qu’il avait connaissance de l’existence d’une telle lettre ou de son envoi. En effet, le rapport de lecture est un courriel généré et envoyé automatiquement par le système informatique du destinataire, sans intervention manuelle de celui-ci, et, donc, sans qu'il ait nécessairement pu prendre connaissance de l’existence dudit courriel.
Par ailleurs, si la notification par lettre recommandée avec accusé de réception n’est pas le seul mode de notification possible des décisions administratives, elle n’en demeure pas moins, grâce aux garanties particulières qu’elle présente tant pour la personne concernée que pour l’administration, une solution particulièrement sûre, et ce d’autant plus lorsque la personne concernée est externe aux institutions. Une de ces garanties est, notamment, l’assurance, grâce à l’apposition de la signature du destinataire sur l’accusé de réception, que ledit destinataire sait qu’une lettre lui est destinée et nécessite son attention. Or, à la différence de l’accusé de réception postal, le rapport de lecture n’offre pas une telle garantie. Contrairement à la signature d’un accusé de réception par le destinataire d’une lettre ou à la rédaction et l’envoi d’une confirmation de la réception d’un courriel par son destinataire, le rapport de lecture, du fait de sa génération et de son envoi automatique par le système informatique du destinataire, ne permet pas d’établir sans aucun doute que le destinataire a eu connaissance ou a été mis en mesure de prendre connaissance de la lettre le jour de l’envoi dudit rapport.
Arrêt du 7 décembre 2018, GE.CO.P. / Commission (T-280/17) (cf. points 45-47, 60-62)
62. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Contrats conclus dans le cadre d'un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration - Conditions d'inéligibilité des coûts - Conflit d'intérêts dans le chef du bénéficiaire - Notion - Conséquences - Recouvrement des montants avancés au bénéficiaire
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-166/17) (cf. points 100, 103)
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-198/17) (cf. point 91)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-177/17) (cf. point 65)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-189/17) (cf. point 62)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-190/17) (cf. point 64)
63. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Éléments de preuve avancés par le bénéficiaire - Appréciation
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-166/17) (cf. point 121)
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-198/17) (cf. point 107)
Arrêt du 27 septembre 2023, Imdea Materiales / Commission (T-765/21) (cf. points 116-120, 130, 167)
64. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Production de relevés de temps - Caractère non fiable en raison d'un conflit d'intérêts entre le bénéficiaire et ses contractants - Production de documents nécessitant, pour la Commission, un investissement considérable pour déterminer le temps de travail effectivement réalisé - Méconnaissance de l'obligation pour le bénéficiaire de collaborer de bonne foi avec la Commission
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-166/17) (cf. points 78, 82, 83, 87, 88)
Arrêt du 22 janvier 2019, EKETA / Commission (T-198/17) (cf. points 67, 71, 76, 78, 79)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-189/17) (cf. point 50)
65. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Exécution en gestion indirecte - Procédure spéciale réservée aux organisations internationales - Remise en cause, par la Commission, de la qualité d'organisation internationale d'une entité - Obligation de contrôler le statut de l'entité au regard de la définition prévue dans la réglementation applicable
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 22 septembre 2022, IMG / Commission (C-619/20 P et C-620/20 P) (cf. points 111, 153)
66. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées - Recouvrement du financement des coûts considérés comme non éligibles par un rapport d'audit de la Cour des comptes - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 28 février 2019, Alfamicro / Commission (C-14/18 P) (cf. points 65-67)
67. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Obtention d'un titre exécutoire - Pouvoir d'appréciation de la Commission
Arrêt du 13 juin 2019, Synergy Hellas / Commission (T-244/18) (cf. point 59)
Arrêt du 29 mars 2023, CIMV / Commission (T-26/22) (cf. points 43, 44, 57)
68. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Convention de subvention - Nature du financement
Arrêt du 28 juin 2019, Alfamicro / Commission (T-64/18) (cf. point 54)
69. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Procédure de recouvrement par compensation - Conclusions d'un rapport d'audit - Absence d'incidence sur la possibilité de recourir à cette procédure
Arrêt du 11 juillet 2019, IPPT PAN / Commission et REA (T-805/16) (cf. point 132)
70. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Absence de précision réglementaire - Absence de précision contractuelle - Respect du délai raisonnable - Critères d'appréciation
Arrêt du 13 mai 2020, Talanton / Commission (T-195/18) (cf. points 66-69, 72, 73, 76, 80)
Ordonnance du 8 juin 2021, Talanton / Commission (C-359/20 P) (cf. points 39-41)
71. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées - Recouvrement du financement des coûts considérés comme non éligibles
Arrêt du 17 septembre 2020, Alfamicro / Commission (C-623/19 P) (cf. points 49-52)
72. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées - Recouvrement du financement des coûts considérés comme non éligibles par un rapport d'audit - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Arrêt du 22 octobre 2020, EKETA / Commission (C-273/19 P) (cf. points 127, 128)
Arrêt du 22 octobre 2020, EKETA / Commission (C-274/19 P) (cf. points 114, 115)
73. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Respect des droits de la défense - Information du débiteur, avant l'adoption de la décision de recouvrement, de l'existence, de la réalité et du montant de la créance - Violation - Absence
Arrêt du 11 novembre 2020, AV et AW / Parlement (T-173/19) (cf. points 59-72)
74. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée en récupération d'avances versées - Recouvrement du financement des coûts considérés comme non éligibles - Restitution totale d'un concours déjà octroyé - Admissibilité
L’Universität Koblenz-Landau (université de Coblence-Landau, Allemagne) (ci-après la « requérante ») est un établissement d’enseignement supérieur allemand de droit public.
En 2008 et en 2010, dans le cadre des programmes de l’Union européenne de coopération avec des pays tiers visant à la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur de ces pays, la requérante a signé trois conventions de subvention. La première a été signée entre la requérante, en tant que bénéficiaire unique, et la Commission européenne. Les deux dernières conventions ont été signées notamment entre la requérante, en qualité de coordinatrice et cobénéficiaire, et l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA). L’EACEA a versé à la requérante des subventions, en application de ces trois conventions.
Par deux lettres du 21 décembre 2017, d’une part, et du 7 février 2018, d’autre part, lʼEACEA a informé la requérante qu’elle avait décidé de recouvrer les subventions versées en totalité ou en partie. La somme totale réclamée au titre des trois conventions s’élevait à 1 795 826,30 euros.
En 2018, la requérante a introduit un recours ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des deux lettres de l’EACEA relatives aux sommes versées à la requérante dans le cadre des conventions de subvention.
À l’appui de son recours, la requérante a notamment invoqué trois moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu, le deuxième, d’une « mauvaise application du droit européen », et le troisième, d’un défaut de motivation. Par son arrêt, le Tribunal, statuant en formation élargie, rejette le recours en apportant, notamment, des précisions sur l’invocabilité du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation dans le cadre d’un litige de nature contractuelle et en examinant la question de savoir si le recouvrement de l’intégralité d’une subvention est conforme aux dispositions du règlement financier applicable.
Appréciation du Tribunal
Après avoir déclaré irrecevables les conclusions en annulation pour défaut d’acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE et requalifié le recours comme étant fondé sur l’article 272 TFUE, visant à faire constater que les créances exigées au titre des conventions de subvention n’existent pas, le Tribunal examine conjointement le premier et le troisième moyens.
À cet égard, il rejette l’argument de l'EACEA selon lequel le droit d’être entendu et l’obligation de motivation ne peuvent être utilement invoqués dans le cadre d’un litige de nature contractuelle. En effet, ces droits ont été inscrits à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), laquelle fait partie du droit primaire. Selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les droits fondamentaux de la Charte ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel, notamment lors de l’exécution du contrat. En outre, le Tribunal rappelle que si, comme en l’espèce, une clause compromissoire inscrite dans le contrat attribue au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union.
Quant à la violation éventuelle du droit d’être entendu, le Tribunal vérifie si l’EACEA a garanti à la requérante la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue avant de lui communiquer les lettres litigieuses ainsi que la note de débit émise au titre de la première convention de subvention. Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les institutions, organes ou organismes de l’Union sont tenus, conformément, notamment, aux exigences du principe de bonne administration, de respecter le principe du contradictoire dans le cadre d’une procédure d’audit telle que celle en l’espèce. Ces entités doivent s’entourer de toutes les informations pertinentes, et notamment de celles que leur cocontractant est en mesure de leur fournir, avant d’envisager de procéder au recouvrement.
Le Tribunal relève, à cet égard, que l’EACEA a communiqué à la requérante les documents pertinents et l’a informée de son intention de recouvrer les subventions en question en raison du caractère potentiellement systémique et récurrent ainsi que de la gravité des irrégularités constatées dans le cadre de l’audit. Constatant que la requérante a été invitée à faire valoir sa position relative aux constatations des auditeurs et qu’elle l’a effectivement fait de manière détaillée, le Tribunal rejette comme non fondé le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu.
Quant à la violation éventuelle de l’obligation de motivation, le Tribunal rappelle qu’un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné permettant à ce dernier de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Le Tribunal constate que les lettres en cause identifient clairement le fondement juridique du recouvrement envisagé et que les nombreux échanges écrits entre les parties ont permis à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’EACEA a décidé de réclamer le remboursement en cause et la façon dont les sommes à rembourser ont été déterminées. À cet égard, l’EACEA s’est basée sur le rapport final d’audit qui a pris en compte l’ensemble des observations de la requérante et les éléments de preuve qu’elle a présentés, les a examinés et les a rejetés individuellement, en expliquant, à chaque reprise, les raisons pour lesquelles ces observations ou éléments de preuve ne mettaient pas en cause les constats auxquels étaient parvenus les auditeurs. Partant, le Tribunal rejette également ce moyen comme non fondé.
Par ailleurs, le Tribunal rejette le moyen tiré d’une mauvaise application du droit européen, par lequel la requérante fait valoir que ni les conventions litigieuses, ni le droit de l’Union ne permettent à l’EACEA de procéder au recouvrement intégral des sommes qui lui ont été versées dans le cadre des conventions litigieuses. Après un examen des stipulations contractuelles et des dispositions pertinentes des règlements financiers applicables, telles qu’interprétées par le juge de l’Union, selon leur libellé respectif, il constate qu’elles n’empêchent pas, en principe, l’EACEA de procéder à un recouvrement de l’intégralité des sommes versées à la requérante au titre des conventions litigieuses.
Arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau / EACEA (T-108/18) (cf. points 112-116)
75. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée en récupération d'avances versées - Répartition de la charge de la preuve
L’Universität Koblenz-Landau (université de Coblence-Landau, Allemagne) (ci-après la « requérante ») est un établissement d’enseignement supérieur allemand de droit public.
En 2008 et en 2010, dans le cadre des programmes de l’Union européenne de coopération avec des pays tiers visant à la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur de ces pays, la requérante a signé trois conventions de subvention. La première a été signée entre la requérante, en tant que bénéficiaire unique, et la Commission européenne. Les deux dernières conventions ont été signées notamment entre la requérante, en qualité de coordinatrice et cobénéficiaire, et l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA). L’EACEA a versé à la requérante des subventions, en application de ces trois conventions.
Par deux lettres du 21 décembre 2017, d’une part, et du 7 février 2018, d’autre part, lʼEACEA a informé la requérante qu’elle avait décidé de recouvrer les subventions versées en totalité ou en partie. La somme totale réclamée au titre des trois conventions s’élevait à 1 795 826,30 euros.
En 2018, la requérante a introduit un recours ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des deux lettres de l’EACEA relatives aux sommes versées à la requérante dans le cadre des conventions de subvention.
À l’appui de son recours, la requérante a notamment invoqué trois moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu, le deuxième, d’une « mauvaise application du droit européen », et le troisième, d’un défaut de motivation. Par son arrêt, le Tribunal, statuant en formation élargie, rejette le recours en apportant, notamment, des précisions sur l’invocabilité du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation dans le cadre d’un litige de nature contractuelle et en examinant la question de savoir si le recouvrement de l’intégralité d’une subvention est conforme aux dispositions du règlement financier applicable.
Appréciation du Tribunal
Après avoir déclaré irrecevables les conclusions en annulation pour défaut d’acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE et requalifié le recours comme étant fondé sur l’article 272 TFUE, visant à faire constater que les créances exigées au titre des conventions de subvention n’existent pas, le Tribunal examine conjointement le premier et le troisième moyens.
À cet égard, il rejette l’argument de l'EACEA selon lequel le droit d’être entendu et l’obligation de motivation ne peuvent être utilement invoqués dans le cadre d’un litige de nature contractuelle. En effet, ces droits ont été inscrits à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), laquelle fait partie du droit primaire. Selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les droits fondamentaux de la Charte ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel, notamment lors de l’exécution du contrat. En outre, le Tribunal rappelle que si, comme en l’espèce, une clause compromissoire inscrite dans le contrat attribue au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union.
Quant à la violation éventuelle du droit d’être entendu, le Tribunal vérifie si l’EACEA a garanti à la requérante la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue avant de lui communiquer les lettres litigieuses ainsi que la note de débit émise au titre de la première convention de subvention. Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les institutions, organes ou organismes de l’Union sont tenus, conformément, notamment, aux exigences du principe de bonne administration, de respecter le principe du contradictoire dans le cadre d’une procédure d’audit telle que celle en l’espèce. Ces entités doivent s’entourer de toutes les informations pertinentes, et notamment de celles que leur cocontractant est en mesure de leur fournir, avant d’envisager de procéder au recouvrement.
Le Tribunal relève, à cet égard, que l’EACEA a communiqué à la requérante les documents pertinents et l’a informée de son intention de recouvrer les subventions en question en raison du caractère potentiellement systémique et récurrent ainsi que de la gravité des irrégularités constatées dans le cadre de l’audit. Constatant que la requérante a été invitée à faire valoir sa position relative aux constatations des auditeurs et qu’elle l’a effectivement fait de manière détaillée, le Tribunal rejette comme non fondé le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu.
Quant à la violation éventuelle de l’obligation de motivation, le Tribunal rappelle qu’un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné permettant à ce dernier de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Le Tribunal constate que les lettres en cause identifient clairement le fondement juridique du recouvrement envisagé et que les nombreux échanges écrits entre les parties ont permis à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’EACEA a décidé de réclamer le remboursement en cause et la façon dont les sommes à rembourser ont été déterminées. À cet égard, l’EACEA s’est basée sur le rapport final d’audit qui a pris en compte l’ensemble des observations de la requérante et les éléments de preuve qu’elle a présentés, les a examinés et les a rejetés individuellement, en expliquant, à chaque reprise, les raisons pour lesquelles ces observations ou éléments de preuve ne mettaient pas en cause les constats auxquels étaient parvenus les auditeurs. Partant, le Tribunal rejette également ce moyen comme non fondé.
Par ailleurs, le Tribunal rejette le moyen tiré d’une mauvaise application du droit européen, par lequel la requérante fait valoir que ni les conventions litigieuses, ni le droit de l’Union ne permettent à l’EACEA de procéder au recouvrement intégral des sommes qui lui ont été versées dans le cadre des conventions litigieuses. Après un examen des stipulations contractuelles et des dispositions pertinentes des règlements financiers applicables, telles qu’interprétées par le juge de l’Union, selon leur libellé respectif, il constate qu’elles n’empêchent pas, en principe, l’EACEA de procéder à un recouvrement de l’intégralité des sommes versées à la requérante au titre des conventions litigieuses.
Arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau / EACEA (T-108/18) (cf. points 120, 121)
76. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Contrat octroyant un soutien financier de l'Union pour la réalisation d'un projet dans le domaine de l'éducation et de la formation - Procédure menée par les services opérationnels de l'Union aboutissant au recouvrement - Constat conformément aux stipulations des clauses contractuelles et aux dispositions du droit de l'Union applicables d'irrégularités de nature systémique et récurrente - Caractère contraignant d'un rapport final d'audit - Absence
L’Universität Koblenz-Landau (université de Coblence-Landau, Allemagne) (ci-après la « requérante ») est un établissement d’enseignement supérieur allemand de droit public.
En 2008 et en 2010, dans le cadre des programmes de l’Union européenne de coopération avec des pays tiers visant à la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur de ces pays, la requérante a signé trois conventions de subvention. La première a été signée entre la requérante, en tant que bénéficiaire unique, et la Commission européenne. Les deux dernières conventions ont été signées notamment entre la requérante, en qualité de coordinatrice et cobénéficiaire, et l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA). L’EACEA a versé à la requérante des subventions, en application de ces trois conventions.
Par deux lettres du 21 décembre 2017, d’une part, et du 7 février 2018, d’autre part, lʼEACEA a informé la requérante qu’elle avait décidé de recouvrer les subventions versées en totalité ou en partie. La somme totale réclamée au titre des trois conventions s’élevait à 1 795 826,30 euros.
En 2018, la requérante a introduit un recours ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des deux lettres de l’EACEA relatives aux sommes versées à la requérante dans le cadre des conventions de subvention.
À l’appui de son recours, la requérante a notamment invoqué trois moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu, le deuxième, d’une « mauvaise application du droit européen », et le troisième, d’un défaut de motivation. Par son arrêt, le Tribunal, statuant en formation élargie, rejette le recours en apportant, notamment, des précisions sur l’invocabilité du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation dans le cadre d’un litige de nature contractuelle et en examinant la question de savoir si le recouvrement de l’intégralité d’une subvention est conforme aux dispositions du règlement financier applicable.
Appréciation du Tribunal
Après avoir déclaré irrecevables les conclusions en annulation pour défaut d’acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE et requalifié le recours comme étant fondé sur l’article 272 TFUE, visant à faire constater que les créances exigées au titre des conventions de subvention n’existent pas, le Tribunal examine conjointement le premier et le troisième moyens.
À cet égard, il rejette l’argument de l'EACEA selon lequel le droit d’être entendu et l’obligation de motivation ne peuvent être utilement invoqués dans le cadre d’un litige de nature contractuelle. En effet, ces droits ont été inscrits à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), laquelle fait partie du droit primaire. Selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les droits fondamentaux de la Charte ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel, notamment lors de l’exécution du contrat. En outre, le Tribunal rappelle que si, comme en l’espèce, une clause compromissoire inscrite dans le contrat attribue au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union.
Quant à la violation éventuelle du droit d’être entendu, le Tribunal vérifie si l’EACEA a garanti à la requérante la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue avant de lui communiquer les lettres litigieuses ainsi que la note de débit émise au titre de la première convention de subvention. Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les institutions, organes ou organismes de l’Union sont tenus, conformément, notamment, aux exigences du principe de bonne administration, de respecter le principe du contradictoire dans le cadre d’une procédure d’audit telle que celle en l’espèce. Ces entités doivent s’entourer de toutes les informations pertinentes, et notamment de celles que leur cocontractant est en mesure de leur fournir, avant d’envisager de procéder au recouvrement.
Le Tribunal relève, à cet égard, que l’EACEA a communiqué à la requérante les documents pertinents et l’a informée de son intention de recouvrer les subventions en question en raison du caractère potentiellement systémique et récurrent ainsi que de la gravité des irrégularités constatées dans le cadre de l’audit. Constatant que la requérante a été invitée à faire valoir sa position relative aux constatations des auditeurs et qu’elle l’a effectivement fait de manière détaillée, le Tribunal rejette comme non fondé le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu.
Quant à la violation éventuelle de l’obligation de motivation, le Tribunal rappelle qu’un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné permettant à ce dernier de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Le Tribunal constate que les lettres en cause identifient clairement le fondement juridique du recouvrement envisagé et que les nombreux échanges écrits entre les parties ont permis à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’EACEA a décidé de réclamer le remboursement en cause et la façon dont les sommes à rembourser ont été déterminées. À cet égard, l’EACEA s’est basée sur le rapport final d’audit qui a pris en compte l’ensemble des observations de la requérante et les éléments de preuve qu’elle a présentés, les a examinés et les a rejetés individuellement, en expliquant, à chaque reprise, les raisons pour lesquelles ces observations ou éléments de preuve ne mettaient pas en cause les constats auxquels étaient parvenus les auditeurs. Partant, le Tribunal rejette également ce moyen comme non fondé.
Par ailleurs, le Tribunal rejette le moyen tiré d’une mauvaise application du droit européen, par lequel la requérante fait valoir que ni les conventions litigieuses, ni le droit de l’Union ne permettent à l’EACEA de procéder au recouvrement intégral des sommes qui lui ont été versées dans le cadre des conventions litigieuses. Après un examen des stipulations contractuelles et des dispositions pertinentes des règlements financiers applicables, telles qu’interprétées par le juge de l’Union, selon leur libellé respectif, il constate qu’elles n’empêchent pas, en principe, l’EACEA de procéder à un recouvrement de l’intégralité des sommes versées à la requérante au titre des conventions litigieuses.
Arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau / EACEA (T-108/18) (cf. point 134)
77. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Pouvoirs de contrôle de l'EACEA - Portée
L’Universität Koblenz-Landau (université de Coblence-Landau, Allemagne) (ci-après la « requérante ») est un établissement d’enseignement supérieur allemand de droit public.
En 2008 et en 2010, dans le cadre des programmes de l’Union européenne de coopération avec des pays tiers visant à la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur de ces pays, la requérante a signé trois conventions de subvention. La première a été signée entre la requérante, en tant que bénéficiaire unique, et la Commission européenne. Les deux dernières conventions ont été signées notamment entre la requérante, en qualité de coordinatrice et cobénéficiaire, et l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA). L’EACEA a versé à la requérante des subventions, en application de ces trois conventions.
Par deux lettres du 21 décembre 2017, d’une part, et du 7 février 2018, d’autre part, lʼEACEA a informé la requérante qu’elle avait décidé de recouvrer les subventions versées en totalité ou en partie. La somme totale réclamée au titre des trois conventions s’élevait à 1 795 826,30 euros.
En 2018, la requérante a introduit un recours ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des deux lettres de l’EACEA relatives aux sommes versées à la requérante dans le cadre des conventions de subvention.
À l’appui de son recours, la requérante a notamment invoqué trois moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu, le deuxième, d’une « mauvaise application du droit européen », et le troisième, d’un défaut de motivation. Par son arrêt, le Tribunal, statuant en formation élargie, rejette le recours en apportant, notamment, des précisions sur l’invocabilité du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation dans le cadre d’un litige de nature contractuelle et en examinant la question de savoir si le recouvrement de l’intégralité d’une subvention est conforme aux dispositions du règlement financier applicable.
Appréciation du Tribunal
Après avoir déclaré irrecevables les conclusions en annulation pour défaut d’acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE et requalifié le recours comme étant fondé sur l’article 272 TFUE, visant à faire constater que les créances exigées au titre des conventions de subvention n’existent pas, le Tribunal examine conjointement le premier et le troisième moyens.
À cet égard, il rejette l’argument de l'EACEA selon lequel le droit d’être entendu et l’obligation de motivation ne peuvent être utilement invoqués dans le cadre d’un litige de nature contractuelle. En effet, ces droits ont été inscrits à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), laquelle fait partie du droit primaire. Selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les droits fondamentaux de la Charte ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel, notamment lors de l’exécution du contrat. En outre, le Tribunal rappelle que si, comme en l’espèce, une clause compromissoire inscrite dans le contrat attribue au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union.
Quant à la violation éventuelle du droit d’être entendu, le Tribunal vérifie si l’EACEA a garanti à la requérante la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue avant de lui communiquer les lettres litigieuses ainsi que la note de débit émise au titre de la première convention de subvention. Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les institutions, organes ou organismes de l’Union sont tenus, conformément, notamment, aux exigences du principe de bonne administration, de respecter le principe du contradictoire dans le cadre d’une procédure d’audit telle que celle en l’espèce. Ces entités doivent s’entourer de toutes les informations pertinentes, et notamment de celles que leur cocontractant est en mesure de leur fournir, avant d’envisager de procéder au recouvrement.
Le Tribunal relève, à cet égard, que l’EACEA a communiqué à la requérante les documents pertinents et l’a informée de son intention de recouvrer les subventions en question en raison du caractère potentiellement systémique et récurrent ainsi que de la gravité des irrégularités constatées dans le cadre de l’audit. Constatant que la requérante a été invitée à faire valoir sa position relative aux constatations des auditeurs et qu’elle l’a effectivement fait de manière détaillée, le Tribunal rejette comme non fondé le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu.
Quant à la violation éventuelle de l’obligation de motivation, le Tribunal rappelle qu’un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné permettant à ce dernier de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Le Tribunal constate que les lettres en cause identifient clairement le fondement juridique du recouvrement envisagé et que les nombreux échanges écrits entre les parties ont permis à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’EACEA a décidé de réclamer le remboursement en cause et la façon dont les sommes à rembourser ont été déterminées. À cet égard, l’EACEA s’est basée sur le rapport final d’audit qui a pris en compte l’ensemble des observations de la requérante et les éléments de preuve qu’elle a présentés, les a examinés et les a rejetés individuellement, en expliquant, à chaque reprise, les raisons pour lesquelles ces observations ou éléments de preuve ne mettaient pas en cause les constats auxquels étaient parvenus les auditeurs. Partant, le Tribunal rejette également ce moyen comme non fondé.
Par ailleurs, le Tribunal rejette le moyen tiré d’une mauvaise application du droit européen, par lequel la requérante fait valoir que ni les conventions litigieuses, ni le droit de l’Union ne permettent à l’EACEA de procéder au recouvrement intégral des sommes qui lui ont été versées dans le cadre des conventions litigieuses. Après un examen des stipulations contractuelles et des dispositions pertinentes des règlements financiers applicables, telles qu’interprétées par le juge de l’Union, selon leur libellé respectif, il constate qu’elles n’empêchent pas, en principe, l’EACEA de procéder à un recouvrement de l’intégralité des sommes versées à la requérante au titre des conventions litigieuses.
Arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau / EACEA (T-108/18) (cf. point 137)
78. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Subventions - Paiement des subventions et contrôles - Prise en compte de la gravité des irrégularités constatées - Notion - Irrégularités systémiques et récurrentes - Inclusion - Absence de référence expresse à de telles irrégularités - Absence d'incidence
L’Universität Koblenz-Landau (université de Coblence-Landau, Allemagne) (ci-après la « requérante ») est un établissement d’enseignement supérieur allemand de droit public.
En 2008 et en 2010, dans le cadre des programmes de l’Union européenne de coopération avec des pays tiers visant à la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur de ces pays, la requérante a signé trois conventions de subvention. La première a été signée entre la requérante, en tant que bénéficiaire unique, et la Commission européenne. Les deux dernières conventions ont été signées notamment entre la requérante, en qualité de coordinatrice et cobénéficiaire, et l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA). L’EACEA a versé à la requérante des subventions, en application de ces trois conventions.
Par deux lettres du 21 décembre 2017, d’une part, et du 7 février 2018, d’autre part, lʼEACEA a informé la requérante qu’elle avait décidé de recouvrer les subventions versées en totalité ou en partie. La somme totale réclamée au titre des trois conventions s’élevait à 1 795 826,30 euros.
En 2018, la requérante a introduit un recours ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des deux lettres de l’EACEA relatives aux sommes versées à la requérante dans le cadre des conventions de subvention.
À l’appui de son recours, la requérante a notamment invoqué trois moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu, le deuxième, d’une « mauvaise application du droit européen », et le troisième, d’un défaut de motivation. Par son arrêt, le Tribunal, statuant en formation élargie, rejette le recours en apportant, notamment, des précisions sur l’invocabilité du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation dans le cadre d’un litige de nature contractuelle et en examinant la question de savoir si le recouvrement de l’intégralité d’une subvention est conforme aux dispositions du règlement financier applicable.
Appréciation du Tribunal
Après avoir déclaré irrecevables les conclusions en annulation pour défaut d’acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE et requalifié le recours comme étant fondé sur l’article 272 TFUE, visant à faire constater que les créances exigées au titre des conventions de subvention n’existent pas, le Tribunal examine conjointement le premier et le troisième moyens.
À cet égard, il rejette l’argument de l'EACEA selon lequel le droit d’être entendu et l’obligation de motivation ne peuvent être utilement invoqués dans le cadre d’un litige de nature contractuelle. En effet, ces droits ont été inscrits à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), laquelle fait partie du droit primaire. Selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les droits fondamentaux de la Charte ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel, notamment lors de l’exécution du contrat. En outre, le Tribunal rappelle que si, comme en l’espèce, une clause compromissoire inscrite dans le contrat attribue au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union.
Quant à la violation éventuelle du droit d’être entendu, le Tribunal vérifie si l’EACEA a garanti à la requérante la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue avant de lui communiquer les lettres litigieuses ainsi que la note de débit émise au titre de la première convention de subvention. Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les institutions, organes ou organismes de l’Union sont tenus, conformément, notamment, aux exigences du principe de bonne administration, de respecter le principe du contradictoire dans le cadre d’une procédure d’audit telle que celle en l’espèce. Ces entités doivent s’entourer de toutes les informations pertinentes, et notamment de celles que leur cocontractant est en mesure de leur fournir, avant d’envisager de procéder au recouvrement.
Le Tribunal relève, à cet égard, que l’EACEA a communiqué à la requérante les documents pertinents et l’a informée de son intention de recouvrer les subventions en question en raison du caractère potentiellement systémique et récurrent ainsi que de la gravité des irrégularités constatées dans le cadre de l’audit. Constatant que la requérante a été invitée à faire valoir sa position relative aux constatations des auditeurs et qu’elle l’a effectivement fait de manière détaillée, le Tribunal rejette comme non fondé le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu.
Quant à la violation éventuelle de l’obligation de motivation, le Tribunal rappelle qu’un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné permettant à ce dernier de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Le Tribunal constate que les lettres en cause identifient clairement le fondement juridique du recouvrement envisagé et que les nombreux échanges écrits entre les parties ont permis à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’EACEA a décidé de réclamer le remboursement en cause et la façon dont les sommes à rembourser ont été déterminées. À cet égard, l’EACEA s’est basée sur le rapport final d’audit qui a pris en compte l’ensemble des observations de la requérante et les éléments de preuve qu’elle a présentés, les a examinés et les a rejetés individuellement, en expliquant, à chaque reprise, les raisons pour lesquelles ces observations ou éléments de preuve ne mettaient pas en cause les constats auxquels étaient parvenus les auditeurs. Partant, le Tribunal rejette également ce moyen comme non fondé.
Par ailleurs, le Tribunal rejette le moyen tiré d’une mauvaise application du droit européen, par lequel la requérante fait valoir que ni les conventions litigieuses, ni le droit de l’Union ne permettent à l’EACEA de procéder au recouvrement intégral des sommes qui lui ont été versées dans le cadre des conventions litigieuses. Après un examen des stipulations contractuelles et des dispositions pertinentes des règlements financiers applicables, telles qu’interprétées par le juge de l’Union, selon leur libellé respectif, il constate qu’elles n’empêchent pas, en principe, l’EACEA de procéder à un recouvrement de l’intégralité des sommes versées à la requérante au titre des conventions litigieuses.
Arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau / EACEA (T-108/18) (cf. point 138)
79. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée en récupération d'avances versées - Système de gestion financière ne permettant pas, selon les propres aveux du bénéficiaire, la ventilation des fonds reçus - Inadmissibilité
L’Universität Koblenz-Landau (université de Coblence-Landau, Allemagne) (ci-après la « requérante ») est un établissement d’enseignement supérieur allemand de droit public.
En 2008 et en 2010, dans le cadre des programmes de l’Union européenne de coopération avec des pays tiers visant à la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur de ces pays, la requérante a signé trois conventions de subvention. La première a été signée entre la requérante, en tant que bénéficiaire unique, et la Commission européenne. Les deux dernières conventions ont été signées notamment entre la requérante, en qualité de coordinatrice et cobénéficiaire, et l’Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA). L’EACEA a versé à la requérante des subventions, en application de ces trois conventions.
Par deux lettres du 21 décembre 2017, d’une part, et du 7 février 2018, d’autre part, lʼEACEA a informé la requérante qu’elle avait décidé de recouvrer les subventions versées en totalité ou en partie. La somme totale réclamée au titre des trois conventions s’élevait à 1 795 826,30 euros.
En 2018, la requérante a introduit un recours ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des deux lettres de l’EACEA relatives aux sommes versées à la requérante dans le cadre des conventions de subvention.
À l’appui de son recours, la requérante a notamment invoqué trois moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu, le deuxième, d’une « mauvaise application du droit européen », et le troisième, d’un défaut de motivation. Par son arrêt, le Tribunal, statuant en formation élargie, rejette le recours en apportant, notamment, des précisions sur l’invocabilité du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation dans le cadre d’un litige de nature contractuelle et en examinant la question de savoir si le recouvrement de l’intégralité d’une subvention est conforme aux dispositions du règlement financier applicable.
Appréciation du Tribunal
Après avoir déclaré irrecevables les conclusions en annulation pour défaut d’acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE et requalifié le recours comme étant fondé sur l’article 272 TFUE, visant à faire constater que les créances exigées au titre des conventions de subvention n’existent pas, le Tribunal examine conjointement le premier et le troisième moyens.
À cet égard, il rejette l’argument de l'EACEA selon lequel le droit d’être entendu et l’obligation de motivation ne peuvent être utilement invoqués dans le cadre d’un litige de nature contractuelle. En effet, ces droits ont été inscrits à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), laquelle fait partie du droit primaire. Selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, les droits fondamentaux de la Charte ont vocation à régir l’exercice des compétences qui sont attribuées aux institutions de l’Union, y compris dans un cadre contractuel, notamment lors de l’exécution du contrat. En outre, le Tribunal rappelle que si, comme en l’espèce, une clause compromissoire inscrite dans le contrat attribue au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé audit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union.
Quant à la violation éventuelle du droit d’être entendu, le Tribunal vérifie si l’EACEA a garanti à la requérante la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue avant de lui communiquer les lettres litigieuses ainsi que la note de débit émise au titre de la première convention de subvention. Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les institutions, organes ou organismes de l’Union sont tenus, conformément, notamment, aux exigences du principe de bonne administration, de respecter le principe du contradictoire dans le cadre d’une procédure d’audit telle que celle en l’espèce. Ces entités doivent s’entourer de toutes les informations pertinentes, et notamment de celles que leur cocontractant est en mesure de leur fournir, avant d’envisager de procéder au recouvrement.
Le Tribunal relève, à cet égard, que l’EACEA a communiqué à la requérante les documents pertinents et l’a informée de son intention de recouvrer les subventions en question en raison du caractère potentiellement systémique et récurrent ainsi que de la gravité des irrégularités constatées dans le cadre de l’audit. Constatant que la requérante a été invitée à faire valoir sa position relative aux constatations des auditeurs et qu’elle l’a effectivement fait de manière détaillée, le Tribunal rejette comme non fondé le moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu.
Quant à la violation éventuelle de l’obligation de motivation, le Tribunal rappelle qu’un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné permettant à ce dernier de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Le Tribunal constate que les lettres en cause identifient clairement le fondement juridique du recouvrement envisagé et que les nombreux échanges écrits entre les parties ont permis à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles l’EACEA a décidé de réclamer le remboursement en cause et la façon dont les sommes à rembourser ont été déterminées. À cet égard, l’EACEA s’est basée sur le rapport final d’audit qui a pris en compte l’ensemble des observations de la requérante et les éléments de preuve qu’elle a présentés, les a examinés et les a rejetés individuellement, en expliquant, à chaque reprise, les raisons pour lesquelles ces observations ou éléments de preuve ne mettaient pas en cause les constats auxquels étaient parvenus les auditeurs. Partant, le Tribunal rejette également ce moyen comme non fondé.
Par ailleurs, le Tribunal rejette le moyen tiré d’une mauvaise application du droit européen, par lequel la requérante fait valoir que ni les conventions litigieuses, ni le droit de l’Union ne permettent à l’EACEA de procéder au recouvrement intégral des sommes qui lui ont été versées dans le cadre des conventions litigieuses. Après un examen des stipulations contractuelles et des dispositions pertinentes des règlements financiers applicables, telles qu’interprétées par le juge de l’Union, selon leur libellé respectif, il constate qu’elles n’empêchent pas, en principe, l’EACEA de procéder à un recouvrement de l’intégralité des sommes versées à la requérante au titre des conventions litigieuses.
Arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau / EACEA (T-108/18) (cf. point 144)
80. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Convention de subvention - Projet Marsol - Coûts éligibles - Rapport d'enquête de l'OLAF ayant constaté le caractère non éligible de certaines dépenses exposées - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Répartition de la charge de la preuve
81. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence - Frais inéligibles - Projet Marsol - Demande de recouvrement, par la Commission, d'un montant correspondant à des coûts non éligibles dans le cadre de la convention de subvention - Violation des principes de proportionnalité, d'équité et de bonne foi - Absence
Arrêt du 14 avril 2021, SGI Studio Galli Ingegneria / Commission (T-285/19) (cf. points 92-102)
Arrêt du 14 juillet 2022, SGI Studio Galli Ingegneria / Commission (C-371/21 P) (cf. points 105-107)
82. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Obligation de se consacrer à temps plein au projet financé par l'Union - Absence - Clarté des stipulations de la convention de subvention - Inapplicabilité des dispositions nationales
Arrêt du 9 juin 2021, Uniwersytet Wrocławski / REA (T-137/16 RENV) (cf. points 96-103)
83. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée par la Commission en récupération de sommes versées - Répartition de la charge de la preuve
Arrêt du 9 juin 2021, HIM / Commission (T-235/19) (cf. points 124-127)
84. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Violation des obligations contractuelles - Notion d'irrégularité
Arrêt du 9 juin 2021, HIM / Commission (T-235/19) (cf. points 160-163)
85. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Demande de la Commission tendant au remboursement intégral des subventions versées au titre des conventions de subvention conclues dans le cadre du programme d'appui stratégique en matière de technologie de l'information et de la communication (TIC) - Demande fondée sur le rapport d'audit et le rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Admissibilité
Arrêt du 9 juin 2021, HIM / Commission (T-235/19) (cf. points 172-175)
86. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Interdiction pour les acteurs financiers d'adopter des actes d'exécution en cas de conflit d'intérêts - Notion de conflit d'intérêts - Partage par un fonctionnaire de l'Union d'une communauté d'intérêts avec le fondateur d'une société - Inclusion
Arrêt du 24 novembre 2021, CX / Commission (T-743/16 RENV II) (cf. points 148-152)
87. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Opérations de dépenses - Engagement des dépenses - Bon à payer pour les marchés publics - Effet - Nécessité de vérifier l'exécution effective de la prestation en conformité avec les dispositions applicables
Arrêt du 24 novembre 2021, CX / Commission (T-743/16 RENV II) (cf. point 163)
88. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées -Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Production de relevés de temps - Caractère non fiable en raison d'un conflit d'intérêts entre le bénéficiaire et ses contractants - Production de documents nécessitant, pour la Commission, un investissement considérable pour déterminer le temps de travail effectivement réalisé - Méconnaissance de l'obligation pour le bénéficiaire de collaborer de bonne foi avec la Commission
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-177/17) (cf. point 52)
Arrêt du 21 décembre 2021, EKETA / Commission (T-190/17) (cf. point 51)
89. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Arrêt du 21 décembre 2021, Datax / REA (T-381/20) (cf. points 135, 157-159)
Arrêt du 21 février 2024, Greenspider / Eismea (T-733/21) (cf. points 88, 126-131)
90. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées -Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Production de relevés de temps - Répartition de la charge de la preuve
Arrêt du 21 décembre 2021, Datax / REA (T-381/20) (cf. points 52, 56, 57, 63, 69, 80)
91. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Exclusion d'un opérateur d'une procédure de passation d'un marché public - Absence de décision définitive constatant le manquement d'un opérateur économique à ses obligations contractuelles - Inclusion
Arrêt du 9 février 2022, Elevolution - Engenharia / Commission (T-652/19) (cf. points 76-78)
92. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Exclusion d'un opérateur d'une procédure de passation d'un marché public - Respect du principe de proportionnalité dans la détermination de la sanction infligée à l'opérateur
Arrêt du 9 février 2022, Companhia de Seguros Índico / Commission (T-672/19) (cf. point 80)
93. Budget de l'Union européenne - Adoption par le Parlement et le Conseil des règles financières fixant les modalités relatives à l'établissement et à l'exécution du budget et à la reddition et à la vérification des comptes - Base juridique - Article 322, paragraphe 1, TFUE - Notion de règles financières - Règles définissant la manière d'exécuter les dépenses inscrites au budget - Règles fixant les obligations de contrôle et d'audit incombant aux États membres en cas d'exécution du budget en coopération entre les États membres et la Commission, ainsi que les responsabilités en découlant - Inclusion - Règles ayant vocation à assurer le respect du principe de bonne gestion financière
Le règlement 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020{1}, a établi un « mécanisme de conditionnalité horizontale » visant à protéger le budget de l’Union européenne en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre. À cette fin, ce règlement permet au Conseil de l'Union européenne, sur proposition de la Commission européenne, d’adopter, dans les conditions qu’il définit, des mesures de protection appropriées telles que la suspension des paiements à la charge du budget de l’Union ou la suspension de l’approbation d’un ou de plusieurs programmes à la charge de ce budget. Le règlement attaqué subordonne l’adoption de telles mesures à la production d’éléments concrets propres à établir non seulement l’existence d’une violation des principes de l’État de droit, mais également l’incidence de cette dernière sur l’exécution du budget de l’Union.
Le règlement attaqué s’inscrit dans le prolongement d’une série d’initiatives portant, plus généralement, sur la protection de l’État de droit dans les États membres{2} et qui visaient à apporter des réponses, au niveau de l’Union, aux préoccupations croissantes relatives au respect par plusieurs États membres des valeurs communes de l’Union telles qu’énoncées à l’article 2 TUE{3}.
La Hongrie, soutenue par la République de Pologne{4}, a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation du règlement attaqué, et, à titre subsidiaire, à l’annulation de certaines de ses dispositions. Au soutien de ses conclusions, elle faisait valoir, pour l’essentiel, que ce règlement, bien que formellement présenté comme un acte relevant des règles financières visées à l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE, viserait, en réalité, à sanctionner, en tant que telle, toute atteinte par un État membre aux principes de l’État de droit, dont les exigences seraient, en tout état de cause, insuffisamment précises. La Hongrie fonde donc son recours, notamment, sur l’incompétence de l’Union pour adopter un tel règlement, tant en raison d’un défaut de base juridique, qu’en raison du contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE, ainsi que sur la méconnaissance des exigences du principe de sécurité juridique.
Ainsi appelée à se prononcer sur les compétences de l’Union pour défendre son budget et ses intérêts financiers contre des atteintes pouvant découler de violations de valeurs énoncées à l’article 2 TUE, la Cour a estimé que cette affaire présente une importance fondamentale justifiant son attribution à l’assemblée plénière. Pour ces mêmes raisons, il a été fait droit à la demande du Parlement européen de traiter cette affaire selon la procédure accélérée. Dans ces conditions, la Cour rejette dans son intégralité le recours en annulation introduit par la Hongrie.
Appréciation de la Cour
Préalablement à l’examen au fond du recours, la Cour se prononce sur la demande du Conseil de ne pas prendre en compte différents passages de la requête de la Hongrie, en ce qu’ils se fondent sur des éléments tirés d’un avis confidentiel du service juridique du Conseil ainsi divulgué sans l’autorisation requise. À cet égard, la Cour confirme qu’il est, en principe, loisible à l’institution concernée de subordonner la production en justice d’un tel document interne à une autorisation préalable. Pour autant, dans l’hypothèse où l’avis juridique en cause se rapporte à une procédure législative, comme en l’espèce, il convient de tenir compte du principe de transparence, dès lors que la divulgation d’un tel avis est de nature à accroître la transparence et l’ouverture du processus législatif. Ainsi, l’intérêt public supérieur attaché à la transparence et à l’ouverture du processus législatif prévaut, en principe, sur l’intérêt des institutions, en ce qui concerne la divulgation d’un avis juridique interne. En l’occurrence, étant donné que le Conseil n’a pas justifié du caractère particulièrement sensible de l’avis concerné ou d’une portée particulièrement large allant au-delà du cadre du processus législatif en cause, la Cour rejette, en conséquence, la demande du Conseil.
Quant au fond, la Cour procède, en premier lieu, à l’examen des moyens invoqués à l’appui des conclusions principales tendant à l’annulation totale du règlement attaqué, tirés, d’une part, de l’incompétence de l’Union pour adopter ce règlement et, d’autre part, de la violation du principe de sécurité juridique.
En ce qui concerne, d’une part, la base juridique du règlement attaqué, la Cour relève que la procédure prévue par ce règlement ne peut être engagée que dans le cas où il existe des motifs raisonnables de considérer non seulement que des violations des principes de l’État de droit ont lieu dans un État membre, mais surtout que ces violations portent atteinte ou présentent un risque sérieux de porter atteinte, d’une manière suffisamment directe, à la bonne gestion financière du budget de l’Union ou à la protection de ses intérêts financiers. En outre, les mesures pouvant être adoptées au titre du règlement attaqué se rapportent exclusivement à l’exécution du budget de l’Union et sont toutes de nature à limiter les financements issus de ce budget en fonction de l’incidence sur celui-ci d’une telle atteinte ou d’un tel risque sérieux. Dès lors, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union contre des atteintes découlant de manière suffisamment directe de violations des principes de l’État de droit, et non pas à sanctionner, en soi, de telles violations.
En réponse à l’argumentation de la Hongrie, selon laquelle une règle financière ne saurait avoir pour objet de préciser l’étendue des exigences inhérentes aux valeurs visées à l’article 2 TUE, la Cour rappelle que le respect par les États membres des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, qui ont été identifiées et sont partagées par ceux-ci et qui définissent l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun à ces États, dont l’État de droit et la solidarité, justifie la confiance mutuelle entre ces États. Ce respect constituant ainsi une condition pour la jouissance de tous les droits découlant de l’application des traités à l’État membre concerné, l’Union doit être en mesure, dans les limites de ses attributions, de défendre ces valeurs.
La Cour précise sur ce point, d’une part, que le respect de ces valeurs ne saurait être réduit à une obligation à laquelle un État candidat est tenu en vue d’adhérer à l’Union et dont il pourrait s’affranchir après son adhésion. D’autre part, elle souligne que le budget de l’Union est l’un des principaux instruments permettant de concrétiser, dans les politiques et actions de l’Union, le principe fondamental de solidarité entre États membres et que la mise en œuvre de ce principe, au moyen de ce budget, repose sur la confiance mutuelle que ces derniers ont dans l’utilisation responsable des ressources communes inscrites audit budget.
Or, la bonne gestion financière du budget de l’Union et les intérêts financiers de l’Union peuvent être gravement compromis par des violations des principes de l’État de droit commises dans un État membre. En effet, ces violations peuvent avoir pour conséquence, notamment, l’absence de garantie que des dépenses couvertes par le budget de l’Union satisfont à l’ensemble des conditions de financement prévues par le droit de l’Union et, partant, répondent aux objectifs poursuivis par l’Union lorsqu’elle finance de telles dépenses.
Partant, un « mécanisme de conditionnalité horizontale », tel que celui institué par le règlement attaqué, qui subordonne le bénéfice de financements issus du budget de l’Union au respect par un État membre des principes de l’État de droit, peut relever de la compétence conférée par les traités à l’Union d’établir des « règles financières » relatives à l’exécution du budget de l’Union. La Cour précise que font partie intégrante d’un tel mécanisme, en tant qu’éléments constitutifs de celui-ci, les dispositions du règlement attaqué qui identifient ces principes, qui fournissent une énumération de cas qui peuvent être indicatifs de la violation desdits principes, qui précisent les situations ou comportements qui doivent être concernés par de telles violations et qui définissent la nature et l’étendue des mesures de protection pouvant, le cas échéant, être adoptées.
Ensuite, en ce qui concerne le grief tiré d’un prétendu contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE ainsi que des dispositions de l’article 269 TFUE, la Cour écarte l’argumentation de la Hongrie selon laquelle seule la procédure prévue à l’article 7 TUE confère aux institutions de l’Union la compétence pour examiner, constater et, le cas échéant, sanctionner les violations des valeurs que contient l’article 2 TUE dans un État membre. En effet, outre la procédure prévue à l’article 7 TUE, de nombreuses dispositions des traités, fréquemment concrétisées par divers actes de droit dérivé, confèrent aux institutions de l’Union la compétence d’examiner, de constater et, le cas échéant, de faire sanctionner des violations des valeurs que contient l’article 2 TUE commises dans un État membre.
Par ailleurs, la Cour observe que la procédure prévue à l’article 7 TUE a pour finalité de permettre au Conseil de sanctionner des violations graves et persistantes de chacune des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée et qui définissent son identité, en vue, notamment, d’enjoindre à l’État membre concerné de mettre un terme à ces violations. En revanche, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union, et cela uniquement en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre qui porte atteinte ou présente un risque sérieux de porter atteinte à la bonne exécution de ce budget. En outre, la procédure prévue à l’article 7 TUE et celle instituée par le règlement attaqué se distinguent à l’égard de leur objet, des conditions de leur engagement, des conditions pour l’adoption et pour la levée des mesures prévues ainsi que de la nature de ces dernières. Par conséquent, ces deux procédures poursuivent des buts différents et ont chacune un objet nettement distinct. Il s’ensuit, par ailleurs, que la procédure instituée par le règlement attaqué ne saurait pas davantage être considérée comme visant à contourner la limitation de la compétence générale de la Cour, prévue par l’article 269 TFUE, dès lors que son libellé ne vise que le contrôle de légalité d’un acte adopté par le Conseil européen ou par le Conseil en vertu de l’article 7 TUE.
Enfin, étant donné que le règlement attaqué ne permet à la Commission et au Conseil d’examiner que des situations ou des comportements qui sont imputables aux autorités d’un État membre et qui apparaissent pertinents pour la bonne exécution du budget de l’Union, les pouvoirs conférés à ces institutions par ce règlement n’excèdent pas les limites des compétences attribuées à l’Union.
D’autre part, dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique, la Cour juge dépourvue de tout fondement l’argumentation développée par la Hongrie, au sujet du manque de précision dont serait entaché le règlement attaqué, tant en ce qui concerne les critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure qu’en ce qui concerne le choix et la portée des mesures à adopter. À cet égard, la Cour observe d’emblée que les principes figurant dans le règlement attaqué, en tant qu’éléments constitutifs de la notion d’« État de droit »{5}, ont amplement été développés dans sa jurisprudence, que ces principes trouvent leur source dans des valeurs communes reconnues et appliquées également par les États membres dans leurs propres ordres juridiques et qu’ils découlent d’une notion d’« État de droit » que les États membres partagent et à laquelle ils adhèrent, en tant que valeur commune à leurs traditions constitutionnelles. Par conséquent, la Cour considère que les États membres sont à même de déterminer avec suffisamment de précision le contenu essentiel ainsi que les exigences découlant de chacun de ces principes.
S’agissant, plus particulièrement, des critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure et du choix et de la portée des mesures à adopter, la Cour précise que le règlement attaqué requiert, pour l’adoption des mesures de protection qu’il prévoit, qu’un lien réel soit établi entre une violation d’un principe de l’État de droit et une atteinte ou un risque sérieux d’atteinte à la bonne gestion financière de l’Union ou à ses intérêts financiers et qu’une telle violation doit concerner une situation ou un comportement imputable à une autorité d’un État membre et pertinent pour la bonne exécution du budget de l’Union. En outre, elle observe que la notion de « risque sérieux » est précisée dans la réglementation financière de l’Union et rappelle que les mesures de protection pouvant être adoptées doivent être strictement proportionnées à l’incidence de la violation constatée sur le budget de l’Union. En particulier, selon la Cour, ce n’est que dans la stricte mesure du nécessaire pour atteindre l’objectif de protéger ce budget dans son ensemble que ces mesures peuvent viser des actions et programmes autres que ceux affectés par une telle violation. Enfin, constatant que la Commission doit respecter, sous le contrôle du juge de l’Union, des exigences procédurales strictes qui impliquent notamment plusieurs consultations de l’État membre concerné, la Cour conclut que le règlement attaqué satisfait aux exigences du principe de sécurité juridique.
La Cour examine, en second lieu, les conclusions subsidiaires tendant à l’annulation partielle du règlement attaqué. À cet égard, la Cour décide, d’une part, que l’annulation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement attaqué aurait pour effet de modifier la substance de ce règlement, dès lors que cette disposition précise les conditions exigées pour permettre l’adoption des mesures de protection prévues par ce règlement, de sorte que les conclusions tendant à l’annulation de cette seule disposition doivent être considérées comme irrecevables. D’autre part, la Cour juge non fondés les griefs visant une série d’autres dispositions du règlement attaqué, tirés d’un défaut de base juridique ainsi que de violations tant des dispositions du droit de l’Union relatives aux déficits publics que des principes de sécurité juridique, de proportionnalité et d’égalité des États membres devant les traités. Elle rejette dès lors les conclusions subsidiaires dans leur intégralité, de même que l’ensemble du recours formé par la Hongrie.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433I, p. 1, et rectificatif JO 2021, L 373, p. 94, ci-après le « règlement attaqué »).
{2} Voir, en particulier, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 juillet 2019, « Renforcement de l’état de droit au sein de l’Union - Plan d’action », COM (2019) 343 final, consécutive à la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 11 mars 2014, « Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit », COM (2014) 158 final.
{3} Les valeurs fondatrices de l’Union et communes aux États membres, énoncées à l’article 2 TUE, comprennent celles de respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.
{4} La République de Pologne a, elle aussi, introduit un recours tendant à l’annulation du règlement 2020/2092 (affaire C-157/21).
{5} Aux termes de l’article 2, sous a), du règlement attaqué, la notion d’« État de droit » recouvre « le principe de légalité, qui suppose l’existence d’un processus législatif transparent, responsable, démocratique et pluraliste, ainsi que les principes de sécurité juridique, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, de protection juridictionnelle effective, y compris l’accès à la justice, assurée par des juridictions indépendantes et impartiales, également en ce qui concerne les droits fondamentaux, de séparation des pouvoirs, de non-discrimination et d’égalité devant la loi. ».
Arrêt du 16 février 2022, Hongrie / Parlement et Conseil (C-156/21) (cf. points 105, 151, 186)
94. Actes des institutions - Choix de la base juridique - Critères - Règlement 2020/2092 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union - Finalité - Protection du budget de l'Union contre des atteintes découlant de violations des principes de l'État de droit dans un État membre - Contenu - Mécanisme de conditionnalité subordonnant le bénéfice de financements issus du budget de l'Union au respect, par un État membre, de la valeur de l'État de droit - Adoption sur la base de l'article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE - Admissibilité - Mécanisme de conditionnalité horizontale relevant de la notion de règles financières au sens de cette disposition
Le règlement 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020{1}, a établi un « mécanisme de conditionnalité horizontale » visant à protéger le budget de l’Union européenne en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre. À cette fin, ce règlement permet au Conseil de l'Union européenne, sur proposition de la Commission européenne, d’adopter, dans les conditions qu’il définit, des mesures de protection appropriées telles que la suspension des paiements à la charge du budget de l’Union ou la suspension de l’approbation d’un ou de plusieurs programmes à la charge de ce budget. Le règlement attaqué subordonne l’adoption de telles mesures à la production d’éléments concrets propres à établir non seulement l’existence d’une violation des principes de l’État de droit, mais également l’incidence de cette dernière sur l’exécution du budget de l’Union.
Le règlement attaqué s’inscrit dans le prolongement d’une série d’initiatives portant, plus généralement, sur la protection de l’État de droit dans les États membres{2} et qui visaient à apporter des réponses, au niveau de l’Union, aux préoccupations croissantes relatives au respect par plusieurs États membres des valeurs communes de l’Union telles qu’énoncées à l’article 2 TUE{3}.
La Hongrie, soutenue par la République de Pologne{4}, a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation du règlement attaqué, et, à titre subsidiaire, à l’annulation de certaines de ses dispositions. Au soutien de ses conclusions, elle faisait valoir, pour l’essentiel, que ce règlement, bien que formellement présenté comme un acte relevant des règles financières visées à l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE, viserait, en réalité, à sanctionner, en tant que telle, toute atteinte par un État membre aux principes de l’État de droit, dont les exigences seraient, en tout état de cause, insuffisamment précises. La Hongrie fonde donc son recours, notamment, sur l’incompétence de l’Union pour adopter un tel règlement, tant en raison d’un défaut de base juridique, qu’en raison du contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE, ainsi que sur la méconnaissance des exigences du principe de sécurité juridique.
Ainsi appelée à se prononcer sur les compétences de l’Union pour défendre son budget et ses intérêts financiers contre des atteintes pouvant découler de violations de valeurs énoncées à l’article 2 TUE, la Cour a estimé que cette affaire présente une importance fondamentale justifiant son attribution à l’assemblée plénière. Pour ces mêmes raisons, il a été fait droit à la demande du Parlement européen de traiter cette affaire selon la procédure accélérée. Dans ces conditions, la Cour rejette dans son intégralité le recours en annulation introduit par la Hongrie.
Appréciation de la Cour
Préalablement à l’examen au fond du recours, la Cour se prononce sur la demande du Conseil de ne pas prendre en compte différents passages de la requête de la Hongrie, en ce qu’ils se fondent sur des éléments tirés d’un avis confidentiel du service juridique du Conseil ainsi divulgué sans l’autorisation requise. À cet égard, la Cour confirme qu’il est, en principe, loisible à l’institution concernée de subordonner la production en justice d’un tel document interne à une autorisation préalable. Pour autant, dans l’hypothèse où l’avis juridique en cause se rapporte à une procédure législative, comme en l’espèce, il convient de tenir compte du principe de transparence, dès lors que la divulgation d’un tel avis est de nature à accroître la transparence et l’ouverture du processus législatif. Ainsi, l’intérêt public supérieur attaché à la transparence et à l’ouverture du processus législatif prévaut, en principe, sur l’intérêt des institutions, en ce qui concerne la divulgation d’un avis juridique interne. En l’occurrence, étant donné que le Conseil n’a pas justifié du caractère particulièrement sensible de l’avis concerné ou d’une portée particulièrement large allant au-delà du cadre du processus législatif en cause, la Cour rejette, en conséquence, la demande du Conseil.
Quant au fond, la Cour procède, en premier lieu, à l’examen des moyens invoqués à l’appui des conclusions principales tendant à l’annulation totale du règlement attaqué, tirés, d’une part, de l’incompétence de l’Union pour adopter ce règlement et, d’autre part, de la violation du principe de sécurité juridique.
En ce qui concerne, d’une part, la base juridique du règlement attaqué, la Cour relève que la procédure prévue par ce règlement ne peut être engagée que dans le cas où il existe des motifs raisonnables de considérer non seulement que des violations des principes de l’État de droit ont lieu dans un État membre, mais surtout que ces violations portent atteinte ou présentent un risque sérieux de porter atteinte, d’une manière suffisamment directe, à la bonne gestion financière du budget de l’Union ou à la protection de ses intérêts financiers. En outre, les mesures pouvant être adoptées au titre du règlement attaqué se rapportent exclusivement à l’exécution du budget de l’Union et sont toutes de nature à limiter les financements issus de ce budget en fonction de l’incidence sur celui-ci d’une telle atteinte ou d’un tel risque sérieux. Dès lors, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union contre des atteintes découlant de manière suffisamment directe de violations des principes de l’État de droit, et non pas à sanctionner, en soi, de telles violations.
En réponse à l’argumentation de la Hongrie, selon laquelle une règle financière ne saurait avoir pour objet de préciser l’étendue des exigences inhérentes aux valeurs visées à l’article 2 TUE, la Cour rappelle que le respect par les États membres des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, qui ont été identifiées et sont partagées par ceux-ci et qui définissent l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun à ces États, dont l’État de droit et la solidarité, justifie la confiance mutuelle entre ces États. Ce respect constituant ainsi une condition pour la jouissance de tous les droits découlant de l’application des traités à l’État membre concerné, l’Union doit être en mesure, dans les limites de ses attributions, de défendre ces valeurs.
La Cour précise sur ce point, d’une part, que le respect de ces valeurs ne saurait être réduit à une obligation à laquelle un État candidat est tenu en vue d’adhérer à l’Union et dont il pourrait s’affranchir après son adhésion. D’autre part, elle souligne que le budget de l’Union est l’un des principaux instruments permettant de concrétiser, dans les politiques et actions de l’Union, le principe fondamental de solidarité entre États membres et que la mise en œuvre de ce principe, au moyen de ce budget, repose sur la confiance mutuelle que ces derniers ont dans l’utilisation responsable des ressources communes inscrites audit budget.
Or, la bonne gestion financière du budget de l’Union et les intérêts financiers de l’Union peuvent être gravement compromis par des violations des principes de l’État de droit commises dans un État membre. En effet, ces violations peuvent avoir pour conséquence, notamment, l’absence de garantie que des dépenses couvertes par le budget de l’Union satisfont à l’ensemble des conditions de financement prévues par le droit de l’Union et, partant, répondent aux objectifs poursuivis par l’Union lorsqu’elle finance de telles dépenses.
Partant, un « mécanisme de conditionnalité horizontale », tel que celui institué par le règlement attaqué, qui subordonne le bénéfice de financements issus du budget de l’Union au respect par un État membre des principes de l’État de droit, peut relever de la compétence conférée par les traités à l’Union d’établir des « règles financières » relatives à l’exécution du budget de l’Union. La Cour précise que font partie intégrante d’un tel mécanisme, en tant qu’éléments constitutifs de celui-ci, les dispositions du règlement attaqué qui identifient ces principes, qui fournissent une énumération de cas qui peuvent être indicatifs de la violation desdits principes, qui précisent les situations ou comportements qui doivent être concernés par de telles violations et qui définissent la nature et l’étendue des mesures de protection pouvant, le cas échéant, être adoptées.
Ensuite, en ce qui concerne le grief tiré d’un prétendu contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE ainsi que des dispositions de l’article 269 TFUE, la Cour écarte l’argumentation de la Hongrie selon laquelle seule la procédure prévue à l’article 7 TUE confère aux institutions de l’Union la compétence pour examiner, constater et, le cas échéant, sanctionner les violations des valeurs que contient l’article 2 TUE dans un État membre. En effet, outre la procédure prévue à l’article 7 TUE, de nombreuses dispositions des traités, fréquemment concrétisées par divers actes de droit dérivé, confèrent aux institutions de l’Union la compétence d’examiner, de constater et, le cas échéant, de faire sanctionner des violations des valeurs que contient l’article 2 TUE commises dans un État membre.
Par ailleurs, la Cour observe que la procédure prévue à l’article 7 TUE a pour finalité de permettre au Conseil de sanctionner des violations graves et persistantes de chacune des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée et qui définissent son identité, en vue, notamment, d’enjoindre à l’État membre concerné de mettre un terme à ces violations. En revanche, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union, et cela uniquement en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre qui porte atteinte ou présente un risque sérieux de porter atteinte à la bonne exécution de ce budget. En outre, la procédure prévue à l’article 7 TUE et celle instituée par le règlement attaqué se distinguent à l’égard de leur objet, des conditions de leur engagement, des conditions pour l’adoption et pour la levée des mesures prévues ainsi que de la nature de ces dernières. Par conséquent, ces deux procédures poursuivent des buts différents et ont chacune un objet nettement distinct. Il s’ensuit, par ailleurs, que la procédure instituée par le règlement attaqué ne saurait pas davantage être considérée comme visant à contourner la limitation de la compétence générale de la Cour, prévue par l’article 269 TFUE, dès lors que son libellé ne vise que le contrôle de légalité d’un acte adopté par le Conseil européen ou par le Conseil en vertu de l’article 7 TUE.
Enfin, étant donné que le règlement attaqué ne permet à la Commission et au Conseil d’examiner que des situations ou des comportements qui sont imputables aux autorités d’un État membre et qui apparaissent pertinents pour la bonne exécution du budget de l’Union, les pouvoirs conférés à ces institutions par ce règlement n’excèdent pas les limites des compétences attribuées à l’Union.
D’autre part, dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique, la Cour juge dépourvue de tout fondement l’argumentation développée par la Hongrie, au sujet du manque de précision dont serait entaché le règlement attaqué, tant en ce qui concerne les critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure qu’en ce qui concerne le choix et la portée des mesures à adopter. À cet égard, la Cour observe d’emblée que les principes figurant dans le règlement attaqué, en tant qu’éléments constitutifs de la notion d’« État de droit »{5}, ont amplement été développés dans sa jurisprudence, que ces principes trouvent leur source dans des valeurs communes reconnues et appliquées également par les États membres dans leurs propres ordres juridiques et qu’ils découlent d’une notion d’« État de droit » que les États membres partagent et à laquelle ils adhèrent, en tant que valeur commune à leurs traditions constitutionnelles. Par conséquent, la Cour considère que les États membres sont à même de déterminer avec suffisamment de précision le contenu essentiel ainsi que les exigences découlant de chacun de ces principes.
S’agissant, plus particulièrement, des critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure et du choix et de la portée des mesures à adopter, la Cour précise que le règlement attaqué requiert, pour l’adoption des mesures de protection qu’il prévoit, qu’un lien réel soit établi entre une violation d’un principe de l’État de droit et une atteinte ou un risque sérieux d’atteinte à la bonne gestion financière de l’Union ou à ses intérêts financiers et qu’une telle violation doit concerner une situation ou un comportement imputable à une autorité d’un État membre et pertinent pour la bonne exécution du budget de l’Union. En outre, elle observe que la notion de « risque sérieux » est précisée dans la réglementation financière de l’Union et rappelle que les mesures de protection pouvant être adoptées doivent être strictement proportionnées à l’incidence de la violation constatée sur le budget de l’Union. En particulier, selon la Cour, ce n’est que dans la stricte mesure du nécessaire pour atteindre l’objectif de protéger ce budget dans son ensemble que ces mesures peuvent viser des actions et programmes autres que ceux affectés par une telle violation. Enfin, constatant que la Commission doit respecter, sous le contrôle du juge de l’Union, des exigences procédurales strictes qui impliquent notamment plusieurs consultations de l’État membre concerné, la Cour conclut que le règlement attaqué satisfait aux exigences du principe de sécurité juridique.
La Cour examine, en second lieu, les conclusions subsidiaires tendant à l’annulation partielle du règlement attaqué. À cet égard, la Cour décide, d’une part, que l’annulation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement attaqué aurait pour effet de modifier la substance de ce règlement, dès lors que cette disposition précise les conditions exigées pour permettre l’adoption des mesures de protection prévues par ce règlement, de sorte que les conclusions tendant à l’annulation de cette seule disposition doivent être considérées comme irrecevables. D’autre part, la Cour juge non fondés les griefs visant une série d’autres dispositions du règlement attaqué, tirés d’un défaut de base juridique ainsi que de violations tant des dispositions du droit de l’Union relatives aux déficits publics que des principes de sécurité juridique, de proportionnalité et d’égalité des États membres devant les traités. Elle rejette dès lors les conclusions subsidiaires dans leur intégralité, de même que l’ensemble du recours formé par la Hongrie.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433I, p. 1, et rectificatif JO 2021, L 373, p. 94, ci-après le « règlement attaqué »).
{2} Voir, en particulier, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 juillet 2019, « Renforcement de l’état de droit au sein de l’Union - Plan d’action », COM (2019) 343 final, consécutive à la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 11 mars 2014, « Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit », COM (2014) 158 final.
{3} Les valeurs fondatrices de l’Union et communes aux États membres, énoncées à l’article 2 TUE, comprennent celles de respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.
{4} La République de Pologne a, elle aussi, introduit un recours tendant à l’annulation du règlement 2020/2092 (affaire C-157/21).
{5} Aux termes de l’article 2, sous a), du règlement attaqué, la notion d’« État de droit » recouvre « le principe de légalité, qui suppose l’existence d’un processus législatif transparent, responsable, démocratique et pluraliste, ainsi que les principes de sécurité juridique, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, de protection juridictionnelle effective, y compris l’accès à la justice, assurée par des juridictions indépendantes et impartiales, également en ce qui concerne les droits fondamentaux, de séparation des pouvoirs, de non-discrimination et d’égalité devant la loi. ».
Le règlement 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020{1},a établi un « mécanisme de conditionnalité horizontale » visant à protéger le budget de l’Union européenne en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre. À cette fin, ce règlement permet au Conseil de l'Union européenne, sur proposition de la Commission européenne, d’adopter, dans les conditions qu’il définit, des mesures de protection appropriées telles que la suspension des paiements à la charge du budget de l’Union ou la suspension de l’approbation d’un ou de plusieurs programmes à la charge de ce budget. Le règlement attaqué subordonne l’adoption de telles mesures à la production d’éléments concrets propres à établir non seulement l’existence d’une violation des principes de l’État de droit, mais également l’incidence de cette dernière sur l’exécution du budget de l’Union.
Le règlement attaqué s’inscrit dans le prolongement d’une série d’initiatives portant, plus généralement, sur la protection de l’État de droit dans les États membres{2} et qui visaient à apporter des réponses, au niveau de l’Union, aux préoccupations croissantes relatives au respect par plusieurs États membres des valeurs communes de l’Union telles qu’énoncées à l’article 2 TUE{3}.
La République de Pologne, soutenue par la Hongrie{4}, a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement attaqué. Au soutien de ses conclusions, elle faisait valoir, pour l’essentiel, que ce règlement, bien que formellement présenté comme un acte relevant des règles financières visées à l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE, viserait, en réalité, à sanctionner, en tant que telle, toute atteinte par un État membre aux principes de l’État de droit, dont les exigences seraient, en tout état de cause, insuffisamment précises. La Pologne fonde donc son recours, notamment, sur l’incompétence de l’Union pour adopter un tel règlement, tant en raison d’un défaut de base juridique, qu’en raison du contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE, ainsi que sur la méconnaissance des limites inhérentes aux compétences de l’Union et du principe de sécurité juridique.
Ainsi appelée à se prononcer sur les compétences de l’Union pour défendre son budget et ses intérêts financiers contre des atteintes pouvant découler de violations de valeurs énoncées à l’article 2 TUE, la Cour a estimé que cette affaire présente une importance fondamentale justifiant son attribution à l’assemblée plénière. Pour ces mêmes raisons, il a été fait droit à la demande du Parlement européen de traiter cette affaire selon la procédure accélérée. Dans ces conditions, la Cour rejette dans son intégralité le recours en annulation introduit par la Pologne.
Appréciation de la Cour
Préalablement à l’examen au fond du recours, la Cour se prononce sur la demande du Conseil de ne pas prendre en compte différents passages de la requête de la Pologne, en ce qu’ils se fondent sur des éléments tirés d’un avis confidentiel du service juridique du Conseil ainsi divulgué sans l’autorisation requise. À cet égard, la Cour confirme qu’il est, en principe, loisible à l’institution concernée de subordonner la production en justice d’un tel document interne à une autorisation préalable. Pour autant, dans l’hypothèse où l’avis juridique en cause se rapporte à une procédure législative, comme en l’espèce, il convient de tenir compte du principe de transparence, dès lors que la divulgation d’un tel avis est de nature à accroître la transparence et l’ouverture du processus législatif. Ainsi, l’intérêt public supérieur attaché à la transparence et à l’ouverture du processus législatif prévaut, en principe, sur l’intérêt des institutions, en ce qui concerne la divulgation d’un avis juridique interne. En l’occurrence, étant donné que le Conseil n’a pas justifié du caractère particulièrement sensible de l’avis concerné ou d’une portée particulièrement large allant au-delà du cadre du processus législatif en cause, la Cour rejette, en conséquence, la demande du Conseil.
Quant au fond, la Cour procède, en premier lieu, à l’examen conjoint des moyens tirés de l’incompétence de l’Union pour adopter le règlement attaqué.
En ce qui concerne, tout d’abord, la base juridique du règlement attaqué, la Cour relève que la procédure prévue par ce règlement ne peut être engagée que dans le cas où il existe des motifs raisonnables de considérer non seulement que des violations des principes de l’État de droit ont lieu dans un État membre, mais surtout que ces violations portent atteinte ou présentent un risque sérieux de porter atteinte, d’une manière suffisamment directe, à la bonne gestion financière du budget de l’Union ou à la protection de ses intérêts financiers. En outre, les mesures pouvant être adoptées au titre du règlement attaqué se rapportent exclusivement à l’exécution du budget de l’Union et sont toutes de nature à limiter les financements issus de ce budget en fonction de l’incidence sur celui-ci d’une telle atteinte ou d’un tel risque sérieux. Dès lors, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union contre des atteintes découlant de manière suffisamment directe de violations des principes de l’État de droit, et non pas à sanctionner, en soi, de telles violations.
En réponse à l’argumentation de la Pologne, selon laquelle une règle financière ne saurait avoir pour objet de préciser l’étendue des exigences inhérentes aux valeurs visées à l’article 2 TUE, la Cour rappelle que le respect par les États membres des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, qui ont été identifiées et sont partagées par ceux-ci et qui définissent l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun à ces États, dont l’État de droit et la solidarité, justifie la confiance mutuelle entre ces États. Ce respect constituant ainsi une condition pour la jouissance de tous les droits découlant de l’application des traités à l’État membre concerné, l’Union doit être en mesure, dans les limites de ses attributions, de défendre ces valeurs.
La Cour précise sur ce point, d’une part, que le respect de ces valeurs ne saurait être réduit à une obligation à laquelle un État candidat est tenu en vue d’adhérer à l’Union et dont il pourrait s’affranchir après son adhésion. D’autre part, elle souligne que le budget de l’Union est l’un des principaux instruments permettant de concrétiser, dans les politiques et actions de l’Union, le principe fondamental de solidarité entre États membres et que la mise en œuvre de ce principe, au moyen de ce budget, repose sur la confiance mutuelle que ces derniers ont dans l’utilisation responsable des ressources communes inscrites audit budget.
Or, la bonne gestion financière du budget de l’Union et les intérêts financiers de l’Union peuvent être gravement compromis par des violations des principes de l’État de droit commises dans un État membre. En effet, ces violations peuvent avoir pour conséquence, notamment, l’absence de garantie que des dépenses couvertes par le budget de l’Union satisfont à l’ensemble des conditions de financement prévues par le droit de l’Union et, partant, répondent aux objectifs poursuivis par l’Union lorsqu’elle finance de telles dépenses.
Partant, un « mécanisme de conditionnalité horizontale », tel que celui institué par le règlement attaqué, qui subordonne le bénéfice de financements issus du budget de l’Union au respect par un État membre des principes de l’État de droit, peut relever de la compétence conférée par les traités à l’Union d’établir des « règles financières » relatives à l’exécution du budget de l’Union. La Cour précise que font partie intégrante d’un tel mécanisme, en tant qu’éléments constitutifs de celui-ci, les dispositions du règlement attaqué qui identifient ces principes, qui fournissent une énumération de cas qui peuvent être indicatifs de la violation desdits principes, qui précisent les situations ou comportements qui doivent être concernés par de telles violations et qui définissent la nature et l’étendue des mesures de protection pouvant, le cas échéant, être adoptées.
Ensuite, en ce qui concerne le grief tiré d’un prétendu contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE, la Cour écarte l’argumentation de la Pologne selon laquelle seule la procédure prévue à l’article 7 TUE confère aux institutions de l’Union la compétence pour examiner, constater et, le cas échéant, sanctionner les violations des valeurs que contient l’article 2 TUE dans un État membre. En effet, outre la procédure prévue à l’article 7 TUE, de nombreuses dispositions des traités, fréquemment concrétisées par divers actes de droit dérivé, confèrent aux institutions de l’Union la compétence d’examiner, de constater et, le cas échéant, de faire sanctionner des violations des valeurs que contient l’article 2 TUE commises dans un État membre.
Par ailleurs, la Cour relève que la procédure prévue à l’article 7 TUE a pour finalité de permettre au Conseil de sanctionner des violations graves et persistantes de chacune des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée et qui définissent son identité, en vue, notamment, d’enjoindre à l’État membre concerné de mettre un terme à ces violations. En revanche, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union, et cela uniquement en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre qui porte atteinte ou présente un risque sérieux de porter atteinte à la bonne exécution de ce budget. En outre, la procédure prévue à l’article 7 TUE et celle instituée par le règlement attaqué se distinguent à l’égard de leur objet, des conditions de leur engagement, des conditions pour l’adoption et pour la levée des mesures prévues ainsi que de la nature de ces dernières. Par conséquent, ces deux procédures poursuivent des buts différents et ont chacune un objet nettement distinct. Il s’ensuit, par ailleurs, que la procédure instituée par le règlement attaqué ne saurait pas davantage être considérée comme visant à contourner la limitation de la compétence générale de la Cour, prévue par l’article 269 TFUE, dès lors que son libellé ne vise que le contrôle de légalité d’un acte adopté par le Conseil européen ou par le Conseil en vertu de l’article 7 TUE.
La Cour examine, en second lieu, les autres griefs de fond invoqués par la Pologne à l’encontre du règlement attaqué.
Dans ce cadre, la Cour juge, tout d’abord, dénuées de tout fondement les allégations de la Pologne tirées d’une violation du principe d’attribution ainsi que de l’obligation de respecter les fonctions essentielles des États membres. En effet, la Cour rappelle que le libre exercice par les États membres des compétences leur revenant dans tous les domaines qui leur sont réservés ne se conçoit que dans le respect du droit de l’Union. Pour autant, en exigeant des États membres qu’ils respectent ainsi les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union, l’Union ne prétend aucunement exercer elle-même ces compétences ni, partant s’arroger celles-ci.
Ensuite, dans le cadre de l’examen des moyens tirés de la violation du respect de l’identité nationale des États membres, d’une part, et de la violation du principe de sécurité juridique, d’autre part, la Cour juge également dépourvue de tout fondement l’argumentation développée par la Pologne, au sujet du manque de précision dont serait entaché le règlement attaqué, tant en ce qui concerne les critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure qu’en ce qui concerne le choix et la portée des mesures à adopter. À cet égard, la Cour observe d’emblée que les principes figurant dans le règlement attaqué, en tant qu’éléments constitutifs de la notion d’« État de droit »{5}, ont amplement été développés dans sa jurisprudence, que ces principes trouvent leur source dans des valeurs communes reconnues et appliquées également par les États membres dans leurs propres ordres juridiques et qu’ils découlent d’une notion d’« État de droit » que les États membres partagent et à laquelle ils adhèrent, en tant que valeur commune à leurs traditions constitutionnelles. Par conséquent, la Cour considère que les États membres sont à même de déterminer avec suffisamment de précision le contenu essentiel ainsi que les exigences découlant de chacun de ces principes.
S’agissant, plus particulièrement, des critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure et du choix et de la portée des mesures à adopter, la Cour précise que le règlement attaqué requiert, pour l’adoption des mesures de protection qu’il prévoit, qu’un lien réel soit établi entre une violation d’un principe de l’État de droit et une atteinte ou un risque sérieux d’atteinte à la bonne gestion financière de l’Union ou à ses intérêts financiers, et qu’une telle violation doit concerner une situation ou un comportement imputable à une autorité d’un État membre et pertinent pour la bonne exécution du budget de l’Union. En outre, elle observe que la notion de « risque sérieux » est précisée dans la réglementation financière de l’Union et rappelle que les mesures de protection pouvant être adoptées doivent être strictement proportionnées à l’incidence de la violation constatée sur le budget de l’Union. En particulier, ce n’est que dans la stricte mesure du nécessaire pour atteindre l’objectif de protéger ce budget dans son ensemble que ces mesures peuvent viser des actions et programmes autres que ceux affectés par une telle violation. Enfin, constatant que la Commission doit respecter, sous le contrôle du juge de l’Union, des exigences procédurales strictes qui impliquent notamment plusieurs consultations de l’État membre concerné, la Cour conclut que le règlement attaqué satisfait aux exigences découlant du respect de l’identité nationale des États membres ainsi que du principe de sécurité juridique.
Enfin, pour autant que la Pologne conteste la nécessité même de l’adoption du règlement attaqué, à la lumière des exigences du principe de proportionnalité, la Cour relève que celle-ci n’a apporté aucun élément susceptible de démontrer que le législateur de l’Union aurait outrepassé le large pouvoir d’appréciation dont il dispose à cet égard. Le rejet de cet ultime grief permet ainsi à la Cour de rejeter le recours dans son ensemble.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433I, p. 1, et rectificatif JO 2021, L 373, p. 94, ci-après le « règlement attaqué »).
{2} Voir, en particulier, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 juillet 2019, « Renforcement de l’état de droit au sein de l’Union - Plan d’action », COM (2019) 343 final, consécutive à la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 11 mars 2014, « Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit », COM (2014) 158 final.
{3} Les valeurs fondatrices de l’Union et communes aux États membres, énoncées à l’article 2 TUE, comprennent celles de respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.
{4} La Hongrie a, elle aussi, introduit un recours tendant à l’annulation du règlement 2020/2092 (affaire C-156/21).
{5} Aux termes de l’article 2, sous a), du règlement attaqué, la notion d’« État de droit » recouvre « le principe de légalité, qui suppose l’existence d’un processus législatif transparent, responsable, démocratique et pluraliste, ainsi que les principes de sécurité juridique, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, de protection juridictionnelle effective, y compris l’accès à la justice, assurée par des juridictions indépendantes et impartiales, également en ce qui concerne les droits fondamentaux, de séparation des pouvoirs, de non-discrimination et d’égalité devant la loi. ».
95. Budget de l'Union européenne - Adoption par le Parlement et le Conseil, par voie de règlements, des règles financières fixant les modalités relatives à l'établissement et à l'exécution du budget et à la reddition et à la vérification des comptes - Base juridique - Article 322, paragraphe 1, TFUE - Notion de règles financières - Règles définissant la manière d'exécuter les dépenses inscrites au budget - Règles fixant les obligations de contrôle et d'audit incombant aux États membres en cas d'exécution du budget en coopération entre les États membres et la Commission, ainsi que les responsabilités en découlant - Inclusion - Règles ayant vocation à assurer le respect du principe de bonne gestion financière
Le règlement 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020{1},a établi un « mécanisme de conditionnalité horizontale » visant à protéger le budget de l’Union européenne en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre. À cette fin, ce règlement permet au Conseil de l'Union européenne, sur proposition de la Commission européenne, d’adopter, dans les conditions qu’il définit, des mesures de protection appropriées telles que la suspension des paiements à la charge du budget de l’Union ou la suspension de l’approbation d’un ou de plusieurs programmes à la charge de ce budget. Le règlement attaqué subordonne l’adoption de telles mesures à la production d’éléments concrets propres à établir non seulement l’existence d’une violation des principes de l’État de droit, mais également l’incidence de cette dernière sur l’exécution du budget de l’Union.
Le règlement attaqué s’inscrit dans le prolongement d’une série d’initiatives portant, plus généralement, sur la protection de l’État de droit dans les États membres{2} et qui visaient à apporter des réponses, au niveau de l’Union, aux préoccupations croissantes relatives au respect par plusieurs États membres des valeurs communes de l’Union telles qu’énoncées à l’article 2 TUE{3}.
La République de Pologne, soutenue par la Hongrie{4}, a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement attaqué. Au soutien de ses conclusions, elle faisait valoir, pour l’essentiel, que ce règlement, bien que formellement présenté comme un acte relevant des règles financières visées à l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE, viserait, en réalité, à sanctionner, en tant que telle, toute atteinte par un État membre aux principes de l’État de droit, dont les exigences seraient, en tout état de cause, insuffisamment précises. La Pologne fonde donc son recours, notamment, sur l’incompétence de l’Union pour adopter un tel règlement, tant en raison d’un défaut de base juridique, qu’en raison du contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE, ainsi que sur la méconnaissance des limites inhérentes aux compétences de l’Union et du principe de sécurité juridique.
Ainsi appelée à se prononcer sur les compétences de l’Union pour défendre son budget et ses intérêts financiers contre des atteintes pouvant découler de violations de valeurs énoncées à l’article 2 TUE, la Cour a estimé que cette affaire présente une importance fondamentale justifiant son attribution à l’assemblée plénière. Pour ces mêmes raisons, il a été fait droit à la demande du Parlement européen de traiter cette affaire selon la procédure accélérée. Dans ces conditions, la Cour rejette dans son intégralité le recours en annulation introduit par la Pologne.
Appréciation de la Cour
Préalablement à l’examen au fond du recours, la Cour se prononce sur la demande du Conseil de ne pas prendre en compte différents passages de la requête de la Pologne, en ce qu’ils se fondent sur des éléments tirés d’un avis confidentiel du service juridique du Conseil ainsi divulgué sans l’autorisation requise. À cet égard, la Cour confirme qu’il est, en principe, loisible à l’institution concernée de subordonner la production en justice d’un tel document interne à une autorisation préalable. Pour autant, dans l’hypothèse où l’avis juridique en cause se rapporte à une procédure législative, comme en l’espèce, il convient de tenir compte du principe de transparence, dès lors que la divulgation d’un tel avis est de nature à accroître la transparence et l’ouverture du processus législatif. Ainsi, l’intérêt public supérieur attaché à la transparence et à l’ouverture du processus législatif prévaut, en principe, sur l’intérêt des institutions, en ce qui concerne la divulgation d’un avis juridique interne. En l’occurrence, étant donné que le Conseil n’a pas justifié du caractère particulièrement sensible de l’avis concerné ou d’une portée particulièrement large allant au-delà du cadre du processus législatif en cause, la Cour rejette, en conséquence, la demande du Conseil.
Quant au fond, la Cour procède, en premier lieu, à l’examen conjoint des moyens tirés de l’incompétence de l’Union pour adopter le règlement attaqué.
En ce qui concerne, tout d’abord, la base juridique du règlement attaqué, la Cour relève que la procédure prévue par ce règlement ne peut être engagée que dans le cas où il existe des motifs raisonnables de considérer non seulement que des violations des principes de l’État de droit ont lieu dans un État membre, mais surtout que ces violations portent atteinte ou présentent un risque sérieux de porter atteinte, d’une manière suffisamment directe, à la bonne gestion financière du budget de l’Union ou à la protection de ses intérêts financiers. En outre, les mesures pouvant être adoptées au titre du règlement attaqué se rapportent exclusivement à l’exécution du budget de l’Union et sont toutes de nature à limiter les financements issus de ce budget en fonction de l’incidence sur celui-ci d’une telle atteinte ou d’un tel risque sérieux. Dès lors, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union contre des atteintes découlant de manière suffisamment directe de violations des principes de l’État de droit, et non pas à sanctionner, en soi, de telles violations.
En réponse à l’argumentation de la Pologne, selon laquelle une règle financière ne saurait avoir pour objet de préciser l’étendue des exigences inhérentes aux valeurs visées à l’article 2 TUE, la Cour rappelle que le respect par les États membres des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, qui ont été identifiées et sont partagées par ceux-ci et qui définissent l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun à ces États, dont l’État de droit et la solidarité, justifie la confiance mutuelle entre ces États. Ce respect constituant ainsi une condition pour la jouissance de tous les droits découlant de l’application des traités à l’État membre concerné, l’Union doit être en mesure, dans les limites de ses attributions, de défendre ces valeurs.
La Cour précise sur ce point, d’une part, que le respect de ces valeurs ne saurait être réduit à une obligation à laquelle un État candidat est tenu en vue d’adhérer à l’Union et dont il pourrait s’affranchir après son adhésion. D’autre part, elle souligne que le budget de l’Union est l’un des principaux instruments permettant de concrétiser, dans les politiques et actions de l’Union, le principe fondamental de solidarité entre États membres et que la mise en œuvre de ce principe, au moyen de ce budget, repose sur la confiance mutuelle que ces derniers ont dans l’utilisation responsable des ressources communes inscrites audit budget.
Or, la bonne gestion financière du budget de l’Union et les intérêts financiers de l’Union peuvent être gravement compromis par des violations des principes de l’État de droit commises dans un État membre. En effet, ces violations peuvent avoir pour conséquence, notamment, l’absence de garantie que des dépenses couvertes par le budget de l’Union satisfont à l’ensemble des conditions de financement prévues par le droit de l’Union et, partant, répondent aux objectifs poursuivis par l’Union lorsqu’elle finance de telles dépenses.
Partant, un « mécanisme de conditionnalité horizontale », tel que celui institué par le règlement attaqué, qui subordonne le bénéfice de financements issus du budget de l’Union au respect par un État membre des principes de l’État de droit, peut relever de la compétence conférée par les traités à l’Union d’établir des « règles financières » relatives à l’exécution du budget de l’Union. La Cour précise que font partie intégrante d’un tel mécanisme, en tant qu’éléments constitutifs de celui-ci, les dispositions du règlement attaqué qui identifient ces principes, qui fournissent une énumération de cas qui peuvent être indicatifs de la violation desdits principes, qui précisent les situations ou comportements qui doivent être concernés par de telles violations et qui définissent la nature et l’étendue des mesures de protection pouvant, le cas échéant, être adoptées.
Ensuite, en ce qui concerne le grief tiré d’un prétendu contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE, la Cour écarte l’argumentation de la Pologne selon laquelle seule la procédure prévue à l’article 7 TUE confère aux institutions de l’Union la compétence pour examiner, constater et, le cas échéant, sanctionner les violations des valeurs que contient l’article 2 TUE dans un État membre. En effet, outre la procédure prévue à l’article 7 TUE, de nombreuses dispositions des traités, fréquemment concrétisées par divers actes de droit dérivé, confèrent aux institutions de l’Union la compétence d’examiner, de constater et, le cas échéant, de faire sanctionner des violations des valeurs que contient l’article 2 TUE commises dans un État membre.
Par ailleurs, la Cour relève que la procédure prévue à l’article 7 TUE a pour finalité de permettre au Conseil de sanctionner des violations graves et persistantes de chacune des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée et qui définissent son identité, en vue, notamment, d’enjoindre à l’État membre concerné de mettre un terme à ces violations. En revanche, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union, et cela uniquement en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre qui porte atteinte ou présente un risque sérieux de porter atteinte à la bonne exécution de ce budget. En outre, la procédure prévue à l’article 7 TUE et celle instituée par le règlement attaqué se distinguent à l’égard de leur objet, des conditions de leur engagement, des conditions pour l’adoption et pour la levée des mesures prévues ainsi que de la nature de ces dernières. Par conséquent, ces deux procédures poursuivent des buts différents et ont chacune un objet nettement distinct. Il s’ensuit, par ailleurs, que la procédure instituée par le règlement attaqué ne saurait pas davantage être considérée comme visant à contourner la limitation de la compétence générale de la Cour, prévue par l’article 269 TFUE, dès lors que son libellé ne vise que le contrôle de légalité d’un acte adopté par le Conseil européen ou par le Conseil en vertu de l’article 7 TUE.
La Cour examine, en second lieu, les autres griefs de fond invoqués par la Pologne à l’encontre du règlement attaqué.
Dans ce cadre, la Cour juge, tout d’abord, dénuées de tout fondement les allégations de la Pologne tirées d’une violation du principe d’attribution ainsi que de l’obligation de respecter les fonctions essentielles des États membres. En effet, la Cour rappelle que le libre exercice par les États membres des compétences leur revenant dans tous les domaines qui leur sont réservés ne se conçoit que dans le respect du droit de l’Union. Pour autant, en exigeant des États membres qu’ils respectent ainsi les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union, l’Union ne prétend aucunement exercer elle-même ces compétences ni, partant s’arroger celles-ci.
Ensuite, dans le cadre de l’examen des moyens tirés de la violation du respect de l’identité nationale des États membres, d’une part, et de la violation du principe de sécurité juridique, d’autre part, la Cour juge également dépourvue de tout fondement l’argumentation développée par la Pologne, au sujet du manque de précision dont serait entaché le règlement attaqué, tant en ce qui concerne les critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure qu’en ce qui concerne le choix et la portée des mesures à adopter. À cet égard, la Cour observe d’emblée que les principes figurant dans le règlement attaqué, en tant qu’éléments constitutifs de la notion d’« État de droit »{5}, ont amplement été développés dans sa jurisprudence, que ces principes trouvent leur source dans des valeurs communes reconnues et appliquées également par les États membres dans leurs propres ordres juridiques et qu’ils découlent d’une notion d’« État de droit » que les États membres partagent et à laquelle ils adhèrent, en tant que valeur commune à leurs traditions constitutionnelles. Par conséquent, la Cour considère que les États membres sont à même de déterminer avec suffisamment de précision le contenu essentiel ainsi que les exigences découlant de chacun de ces principes.
S’agissant, plus particulièrement, des critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure et du choix et de la portée des mesures à adopter, la Cour précise que le règlement attaqué requiert, pour l’adoption des mesures de protection qu’il prévoit, qu’un lien réel soit établi entre une violation d’un principe de l’État de droit et une atteinte ou un risque sérieux d’atteinte à la bonne gestion financière de l’Union ou à ses intérêts financiers, et qu’une telle violation doit concerner une situation ou un comportement imputable à une autorité d’un État membre et pertinent pour la bonne exécution du budget de l’Union. En outre, elle observe que la notion de « risque sérieux » est précisée dans la réglementation financière de l’Union et rappelle que les mesures de protection pouvant être adoptées doivent être strictement proportionnées à l’incidence de la violation constatée sur le budget de l’Union. En particulier, ce n’est que dans la stricte mesure du nécessaire pour atteindre l’objectif de protéger ce budget dans son ensemble que ces mesures peuvent viser des actions et programmes autres que ceux affectés par une telle violation. Enfin, constatant que la Commission doit respecter, sous le contrôle du juge de l’Union, des exigences procédurales strictes qui impliquent notamment plusieurs consultations de l’État membre concerné, la Cour conclut que le règlement attaqué satisfait aux exigences découlant du respect de l’identité nationale des États membres ainsi que du principe de sécurité juridique.
Enfin, pour autant que la Pologne conteste la nécessité même de l’adoption du règlement attaqué, à la lumière des exigences du principe de proportionnalité, la Cour relève que celle-ci n’a apporté aucun élément susceptible de démontrer que le législateur de l’Union aurait outrepassé le large pouvoir d’appréciation dont il dispose à cet égard. Le rejet de cet ultime grief permet ainsi à la Cour de rejeter le recours dans son ensemble.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433I, p. 1, et rectificatif JO 2021, L 373, p. 94, ci-après le « règlement attaqué »).
{2} Voir, en particulier, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 juillet 2019, « Renforcement de l’état de droit au sein de l’Union - Plan d’action », COM (2019) 343 final, consécutive à la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 11 mars 2014, « Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit », COM (2014) 158 final.
{3} Les valeurs fondatrices de l’Union et communes aux États membres, énoncées à l’article 2 TUE, comprennent celles de respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.
{4} La Hongrie a, elle aussi, introduit un recours tendant à l’annulation du règlement 2020/2092 (affaire C-156/21).
{5} Aux termes de l’article 2, sous a), du règlement attaqué, la notion d’« État de droit » recouvre « le principe de légalité, qui suppose l’existence d’un processus législatif transparent, responsable, démocratique et pluraliste, ainsi que les principes de sécurité juridique, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, de protection juridictionnelle effective, y compris l’accès à la justice, assurée par des juridictions indépendantes et impartiales, également en ce qui concerne les droits fondamentaux, de séparation des pouvoirs, de non-discrimination et d’égalité devant la loi. ».
Arrêt du 16 février 2022, Pologne / Parlement et Conseil (C-157/21) (cf. point 119)
96. Commission - Compétences - Exécution du budget de l'Union - Créances de l'Union nées d'un contrat passé par une agence exécutive - Pouvoir de la Commission d'adopter une décision de recouvrement dans le fonds de garantie - Recouvrement par le biais d'une décision formant titre exécutoire - Base juridique - Origine contractuelle de la créance - Défaut de pertinence - Respect du principe de bonne gestion financière
97. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Convention de subvention - Risque de conflit d'intérêts lié à des liens familiaux susceptible de compromettre l'exécution impartiale et objective du projet - Recouvrement de sommes dues par la Commission - Obligation de respecter le principe de bonne gestion financière - Atteintes aux droits reconnus par les articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux - Absence
La requérante, Sieć Badawcza Łukasiewicz, est un institut de recherche qui a accédé, en tant que bénéficiaire, à trois conventions de subvention au titre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013).
En 2013, certaines conventions de subvention conclues dans ce cadre ont fait l’objet d’un audit réalisé par une société d’audit externe mandatée par la Commission. Plus tard, dans le cadre d’une enquête, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a reproché à la requérante sa complicité dans les fausses déclarations effectuées sur les relevés de temps de travail de certains de ses employés. Sur la base des conclusions de l’OLAF, la Commission a émis des notes de débit exigeant le paiement de montants au titre de dommages et intérêts. En effet, elle n’a pas accepté les coûts de personnel d’un employé (ci-après l’« employé en cause »), dont les relevés de temps de travail avaient été signés pour approbation par son épouse. Les montants demandés ont été intégralement payés par la requérante, qui a toutefois introduit un recours devant le Tribunal afin d’obtenir, notamment, la constatation de l’inexistence de la créance contractuelle de la Commission et le remboursement des montants figurant dans les notes de débit.
Le Tribunal rejette ce recours et examine, d’une part, la légalité du recouvrement effectué par la Commission, et, d’autre part, l’existence en l’espèce d’un conflit d’intérêts en raison de liens familiaux.
Appréciation du Tribunal
Après avoir rejeté la demande d’omission de certaines données envers le public introduite par la requérante, au motif que ces données ne figurent pas dans l’arrêt ou que leur omission serait susceptible de nuire à l’accès et à la compréhension de l’arrêt par le public, le Tribunal examine la légalité des ordres de recouvrement de la Commission.
À cet égard, il relève tout d’abord que les conventions de subvention prévoient, d’une part, des procédures d’audit et, d’autre part, des procédures de contrôle. Les procédures de contrôle, telles qu’elles sont prévues dans les conventions en cause, sont des mesures relevant du cadre contractuel liant les parties qui se juxtaposent aux procédures d’audit, de manière autonome. La procédure conduite par l’OLAF en fait partie.
Dans ce cadre, le Tribunal considère que, d’une part, à l’issue de la procédure de contrôle, la Commission était en droit de demander le recouvrement des sommes dues, après avoir identifié des irrégularités commises par la requérante, conformément aux conventions de subvention en cause{1}. D’autre part, aucune exigence procédurale particulière et spécifique ne s’impose quant à la manière d’identifier les irrégularités dans le cadre des procédures de contrôle engagées postérieurement à l’acceptation des rapports et comptes finals{2}. Ainsi, contrairement à l’affirmation de la requérante, selon laquelle la Commission ne saurait faire fi d’un rapport d’audit final en vertu des conventions de subvention en cause, la procédure suivie en l’espèce était indépendante de la procédure d’audit visée par la requérante. Dans ce contexte, le Tribunal souligne qu’il résulte des dispositions des conventions de subvention en cause et du règlement financier que les audits ne revêtent pas de caractère contraignant{3}. Partant, le rapport d’audit final, même après validation par la Commission, ne peut être considéré comme s’imposant à celle-ci de manière contraignante et immuable, et la Commission n’est pas liée par les constatations d’un audit financier lorsqu’un contrôle postérieur à cet audit vient mettre en cause ses résultats.
Ensuite, concernant le risque de conflit d’intérêts en raison de l’existence de liens familiaux, le Tribunal constate que ressort des conventions de subvention en cause une présomption réfragable quant à l’existence du risque de conflit d’intérêts lorsque, notamment, des personnes entretenant des liens familiaux ou affectifs sont impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans un même projet{4}. En l’espèce, la relation maritale qui lie l’employé en cause à son épouse conduit à appliquer cette présomption.
Le Tribunal estime que le fait que l’épouse de l’employé en cause était chargée d’approuver les relevés de temps de travail de son époux sans possibilité de les modifier alors qu’elle apparaît comme étant « superviseur » sur ces relevés suffit pour considérer que le système de contrôle mis en place par la requérante ne répond pas à l’exigence qui lui incombe de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des liens familiaux ou affectifs, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet concerné, conformément aux conventions de subvention en cause. Selon le Tribunal, l’influence de la situation familiale ne peut être exclue du simple fait d’une absence de lien de subordination administrative dans le milieu professionnel. Partant, la bonne exécution du projet concerné a pu être compromise.
Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la position de la Commission constituerait une discrimination exercée en raison d’une situation matrimoniale, contraire aux articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »){5}, le Tribunal considère que l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs vise à prévenir une violation grave et manifeste de l’exigence d’impartialité et d’objectivité qui pèse sur le responsable chargé de certifier les relevés de temps de travail des chercheurs travaillant sur un projet subventionné par l’Union. Dès lors, à supposer qu’une règle visant à garantir l’absence de conflit d’intérêts puisse affecter les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte, ces derniers ne le seraient pas dans leur contenu mais, tout au plus, feraient l’objet d’une limitation dans leur exercice.
Sur ce point, le Tribunal juge que, dans le cas d’espèce, une telle limitation viserait à garantir le respect du principe de la bonne gestion financière{6} et serait nécessaire, puisque la Commission ne dispose pas d’autres moyens pour contrôler l’exactitude des coûts de personnel déclarés par le bénéficiaire de subvention que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps de travail fiables. Cette limitation ne serait pas disproportionnée, dans la mesure où, d’une part, les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte ne seraient pas affectés dans leur contenu même et, d’autre part, l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs pourrait être satisfaite grâce à des adaptations organisationnelles minimales.
Enfin, le Tribunal rejette comme irrecevable le recours introduit par la requérante sur le fondement de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 12 novembre 2019 par laquelle cette dernière l’avait informée de l’émission de notes de débit. Il constate, dans ce contexte, que le droit de la requérante de disposer d’un recours effectif n’a pas été violé dans la mesure où elle a introduit un recours sur une base contractuelle au titre de l’article 272 TFUE et où les moyens soulevés au soutien de ce recours ont fait l’objet d’un examen par le juge compétent.
{1} Articles II.22, paragraphe 6, et II.21, paragraphe 1, second alinéa, de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{2} Article 119 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1) (ci-après le « règlement financier »).
{3} En particulier, l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause reconnaît la possibilité d’effectuer de nouveaux audits pendant les cinq années suivant l’achèvement du projet concerné. De plus, le premier paragraphe de l’article 119 du règlement financier indique que l’acceptation par l’institution des rapports et des comptes finals est « sans préjudice des contrôles ultérieurs effectués par l’institution ».
{4} Article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{5} Les articles 7 et 9 de la Charte portent sur le droit au respect à la vie privée et familiale, le droit de se marier et le droit de fonder une famille.
{6} Ce principe est consacré à l’article 317 TFUE.
98. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Convention de subvention - Procédure d'audit et procédure de contrôle - Audit réalisé par une société externe, mandataire de la Commission - Procédure de contrôle engagée par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) postérieurement à l'acceptation du rapport d'audit final - Recouvrement de sommes dues par la Commission sur la base des irrégularités identifiées à l'issue de la procédure de contrôle - Admissibilité - Procédure de contrôle indépendante de la procédure d'audit
La requérante, Sieć Badawcza Łukasiewicz, est un institut de recherche qui a accédé, en tant que bénéficiaire, à trois conventions de subvention au titre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013).
En 2013, certaines conventions de subvention conclues dans ce cadre ont fait l’objet d’un audit réalisé par une société d’audit externe mandatée par la Commission. Plus tard, dans le cadre d’une enquête, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a reproché à la requérante sa complicité dans les fausses déclarations effectuées sur les relevés de temps de travail de certains de ses employés. Sur la base des conclusions de l’OLAF, la Commission a émis des notes de débit exigeant le paiement de montants au titre de dommages et intérêts. En effet, elle n’a pas accepté les coûts de personnel d’un employé (ci-après l’« employé en cause »), dont les relevés de temps de travail avaient été signés pour approbation par son épouse. Les montants demandés ont été intégralement payés par la requérante, qui a toutefois introduit un recours devant le Tribunal afin d’obtenir, notamment, la constatation de l’inexistence de la créance contractuelle de la Commission et le remboursement des montants figurant dans les notes de débit.
Le Tribunal rejette ce recours et examine, d’une part, la légalité du recouvrement effectué par la Commission, et, d’autre part, l’existence en l’espèce d’un conflit d’intérêts en raison de liens familiaux.
Appréciation du Tribunal
Après avoir rejeté la demande d’omission de certaines données envers le public introduite par la requérante, au motif que ces données ne figurent pas dans l’arrêt ou que leur omission serait susceptible de nuire à l’accès et à la compréhension de l’arrêt par le public, le Tribunal examine la légalité des ordres de recouvrement de la Commission.
À cet égard, il relève tout d’abord que les conventions de subvention prévoient, d’une part, des procédures d’audit et, d’autre part, des procédures de contrôle. Les procédures de contrôle, telles qu’elles sont prévues dans les conventions en cause, sont des mesures relevant du cadre contractuel liant les parties qui se juxtaposent aux procédures d’audit, de manière autonome. La procédure conduite par l’OLAF en fait partie.
Dans ce cadre, le Tribunal considère que, d’une part, à l’issue de la procédure de contrôle, la Commission était en droit de demander le recouvrement des sommes dues, après avoir identifié des irrégularités commises par la requérante, conformément aux conventions de subvention en cause{1}. D’autre part, aucune exigence procédurale particulière et spécifique ne s’impose quant à la manière d’identifier les irrégularités dans le cadre des procédures de contrôle engagées postérieurement à l’acceptation des rapports et comptes finals{2}. Ainsi, contrairement à l’affirmation de la requérante, selon laquelle la Commission ne saurait faire fi d’un rapport d’audit final en vertu des conventions de subvention en cause, la procédure suivie en l’espèce était indépendante de la procédure d’audit visée par la requérante. Dans ce contexte, le Tribunal souligne qu’il résulte des dispositions des conventions de subvention en cause et du règlement financier que les audits ne revêtent pas de caractère contraignant{3}. Partant, le rapport d’audit final, même après validation par la Commission, ne peut être considéré comme s’imposant à celle-ci de manière contraignante et immuable, et la Commission n’est pas liée par les constatations d’un audit financier lorsqu’un contrôle postérieur à cet audit vient mettre en cause ses résultats.
Ensuite, concernant le risque de conflit d’intérêts en raison de l’existence de liens familiaux, le Tribunal constate que ressort des conventions de subvention en cause une présomption réfragable quant à l’existence du risque de conflit d’intérêts lorsque, notamment, des personnes entretenant des liens familiaux ou affectifs sont impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans un même projet{4}. En l’espèce, la relation maritale qui lie l’employé en cause à son épouse conduit à appliquer cette présomption.
Le Tribunal estime que le fait que l’épouse de l’employé en cause était chargée d’approuver les relevés de temps de travail de son époux sans possibilité de les modifier alors qu’elle apparaît comme étant « superviseur » sur ces relevés suffit pour considérer que le système de contrôle mis en place par la requérante ne répond pas à l’exigence qui lui incombe de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des liens familiaux ou affectifs, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet concerné, conformément aux conventions de subvention en cause. Selon le Tribunal, l’influence de la situation familiale ne peut être exclue du simple fait d’une absence de lien de subordination administrative dans le milieu professionnel. Partant, la bonne exécution du projet concerné a pu être compromise.
Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la position de la Commission constituerait une discrimination exercée en raison d’une situation matrimoniale, contraire aux articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »){5}, le Tribunal considère que l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs vise à prévenir une violation grave et manifeste de l’exigence d’impartialité et d’objectivité qui pèse sur le responsable chargé de certifier les relevés de temps de travail des chercheurs travaillant sur un projet subventionné par l’Union. Dès lors, à supposer qu’une règle visant à garantir l’absence de conflit d’intérêts puisse affecter les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte, ces derniers ne le seraient pas dans leur contenu mais, tout au plus, feraient l’objet d’une limitation dans leur exercice.
Sur ce point, le Tribunal juge que, dans le cas d’espèce, une telle limitation viserait à garantir le respect du principe de la bonne gestion financière{6} et serait nécessaire, puisque la Commission ne dispose pas d’autres moyens pour contrôler l’exactitude des coûts de personnel déclarés par le bénéficiaire de subvention que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps de travail fiables. Cette limitation ne serait pas disproportionnée, dans la mesure où, d’une part, les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte ne seraient pas affectés dans leur contenu même et, d’autre part, l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs pourrait être satisfaite grâce à des adaptations organisationnelles minimales.
Enfin, le Tribunal rejette comme irrecevable le recours introduit par la requérante sur le fondement de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 12 novembre 2019 par laquelle cette dernière l’avait informée de l’émission de notes de débit. Il constate, dans ce contexte, que le droit de la requérante de disposer d’un recours effectif n’a pas été violé dans la mesure où elle a introduit un recours sur une base contractuelle au titre de l’article 272 TFUE et où les moyens soulevés au soutien de ce recours ont fait l’objet d’un examen par le juge compétent.
{1} Articles II.22, paragraphe 6, et II.21, paragraphe 1, second alinéa, de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{2} Article 119 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1) (ci-après le « règlement financier »).
{3} En particulier, l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause reconnaît la possibilité d’effectuer de nouveaux audits pendant les cinq années suivant l’achèvement du projet concerné. De plus, le premier paragraphe de l’article 119 du règlement financier indique que l’acceptation par l’institution des rapports et des comptes finals est « sans préjudice des contrôles ultérieurs effectués par l’institution ».
{4} Article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{5} Les articles 7 et 9 de la Charte portent sur le droit au respect à la vie privée et familiale, le droit de se marier et le droit de fonder une famille.
{6} Ce principe est consacré à l’article 317 TFUE.
99. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Convention de subvention - Audit financier - Rapport d'audit final validé par l'institution - Caractère contraignant et immuable de ce rapport - Exclusion
La requérante, Sieć Badawcza Łukasiewicz, est un institut de recherche qui a accédé, en tant que bénéficiaire, à trois conventions de subvention au titre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013).
En 2013, certaines conventions de subvention conclues dans ce cadre ont fait l’objet d’un audit réalisé par une société d’audit externe mandatée par la Commission. Plus tard, dans le cadre d’une enquête, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a reproché à la requérante sa complicité dans les fausses déclarations effectuées sur les relevés de temps de travail de certains de ses employés. Sur la base des conclusions de l’OLAF, la Commission a émis des notes de débit exigeant le paiement de montants au titre de dommages et intérêts. En effet, elle n’a pas accepté les coûts de personnel d’un employé (ci-après l’« employé en cause »), dont les relevés de temps de travail avaient été signés pour approbation par son épouse. Les montants demandés ont été intégralement payés par la requérante, qui a toutefois introduit un recours devant le Tribunal afin d’obtenir, notamment, la constatation de l’inexistence de la créance contractuelle de la Commission et le remboursement des montants figurant dans les notes de débit.
Le Tribunal rejette ce recours et examine, d’une part, la légalité du recouvrement effectué par la Commission, et, d’autre part, l’existence en l’espèce d’un conflit d’intérêts en raison de liens familiaux.
Appréciation du Tribunal
Après avoir rejeté la demande d’omission de certaines données envers le public introduite par la requérante, au motif que ces données ne figurent pas dans l’arrêt ou que leur omission serait susceptible de nuire à l’accès et à la compréhension de l’arrêt par le public, le Tribunal examine la légalité des ordres de recouvrement de la Commission.
À cet égard, il relève tout d’abord que les conventions de subvention prévoient, d’une part, des procédures d’audit et, d’autre part, des procédures de contrôle. Les procédures de contrôle, telles qu’elles sont prévues dans les conventions en cause, sont des mesures relevant du cadre contractuel liant les parties qui se juxtaposent aux procédures d’audit, de manière autonome. La procédure conduite par l’OLAF en fait partie.
Dans ce cadre, le Tribunal considère que, d’une part, à l’issue de la procédure de contrôle, la Commission était en droit de demander le recouvrement des sommes dues, après avoir identifié des irrégularités commises par la requérante, conformément aux conventions de subvention en cause{1}. D’autre part, aucune exigence procédurale particulière et spécifique ne s’impose quant à la manière d’identifier les irrégularités dans le cadre des procédures de contrôle engagées postérieurement à l’acceptation des rapports et comptes finals{2}. Ainsi, contrairement à l’affirmation de la requérante, selon laquelle la Commission ne saurait faire fi d’un rapport d’audit final en vertu des conventions de subvention en cause, la procédure suivie en l’espèce était indépendante de la procédure d’audit visée par la requérante. Dans ce contexte, le Tribunal souligne qu’il résulte des dispositions des conventions de subvention en cause et du règlement financier que les audits ne revêtent pas de caractère contraignant{3}. Partant, le rapport d’audit final, même après validation par la Commission, ne peut être considéré comme s’imposant à celle-ci de manière contraignante et immuable, et la Commission n’est pas liée par les constatations d’un audit financier lorsqu’un contrôle postérieur à cet audit vient mettre en cause ses résultats.
Ensuite, concernant le risque de conflit d’intérêts en raison de l’existence de liens familiaux, le Tribunal constate que ressort des conventions de subvention en cause une présomption réfragable quant à l’existence du risque de conflit d’intérêts lorsque, notamment, des personnes entretenant des liens familiaux ou affectifs sont impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans un même projet{4}. En l’espèce, la relation maritale qui lie l’employé en cause à son épouse conduit à appliquer cette présomption.
Le Tribunal estime que le fait que l’épouse de l’employé en cause était chargée d’approuver les relevés de temps de travail de son époux sans possibilité de les modifier alors qu’elle apparaît comme étant « superviseur » sur ces relevés suffit pour considérer que le système de contrôle mis en place par la requérante ne répond pas à l’exigence qui lui incombe de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des liens familiaux ou affectifs, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet concerné, conformément aux conventions de subvention en cause. Selon le Tribunal, l’influence de la situation familiale ne peut être exclue du simple fait d’une absence de lien de subordination administrative dans le milieu professionnel. Partant, la bonne exécution du projet concerné a pu être compromise.
Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la position de la Commission constituerait une discrimination exercée en raison d’une situation matrimoniale, contraire aux articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »){5}, le Tribunal considère que l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs vise à prévenir une violation grave et manifeste de l’exigence d’impartialité et d’objectivité qui pèse sur le responsable chargé de certifier les relevés de temps de travail des chercheurs travaillant sur un projet subventionné par l’Union. Dès lors, à supposer qu’une règle visant à garantir l’absence de conflit d’intérêts puisse affecter les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte, ces derniers ne le seraient pas dans leur contenu mais, tout au plus, feraient l’objet d’une limitation dans leur exercice.
Sur ce point, le Tribunal juge que, dans le cas d’espèce, une telle limitation viserait à garantir le respect du principe de la bonne gestion financière{6} et serait nécessaire, puisque la Commission ne dispose pas d’autres moyens pour contrôler l’exactitude des coûts de personnel déclarés par le bénéficiaire de subvention que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps de travail fiables. Cette limitation ne serait pas disproportionnée, dans la mesure où, d’une part, les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte ne seraient pas affectés dans leur contenu même et, d’autre part, l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs pourrait être satisfaite grâce à des adaptations organisationnelles minimales.
Enfin, le Tribunal rejette comme irrecevable le recours introduit par la requérante sur le fondement de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 12 novembre 2019 par laquelle cette dernière l’avait informée de l’émission de notes de débit. Il constate, dans ce contexte, que le droit de la requérante de disposer d’un recours effectif n’a pas été violé dans la mesure où elle a introduit un recours sur une base contractuelle au titre de l’article 272 TFUE et où les moyens soulevés au soutien de ce recours ont fait l’objet d’un examen par le juge compétent.
{1} Articles II.22, paragraphe 6, et II.21, paragraphe 1, second alinéa, de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{2} Article 119 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1) (ci-après le « règlement financier »).
{3} En particulier, l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause reconnaît la possibilité d’effectuer de nouveaux audits pendant les cinq années suivant l’achèvement du projet concerné. De plus, le premier paragraphe de l’article 119 du règlement financier indique que l’acceptation par l’institution des rapports et des comptes finals est « sans préjudice des contrôles ultérieurs effectués par l’institution ».
{4} Article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{5} Les articles 7 et 9 de la Charte portent sur le droit au respect à la vie privée et familiale, le droit de se marier et le droit de fonder une famille.
{6} Ce principe est consacré à l’article 317 TFUE.
100. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Convention de subvention - Risque de conflit d'intérêts lié à des liens familiaux ou affectifs - Présomption réfragable de l'existence d'un conflit d'intérêt - Répartition de la charge de la preuve - Portée
La requérante, Sieć Badawcza Łukasiewicz, est un institut de recherche qui a accédé, en tant que bénéficiaire, à trois conventions de subvention au titre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013).
En 2013, certaines conventions de subvention conclues dans ce cadre ont fait l’objet d’un audit réalisé par une société d’audit externe mandatée par la Commission. Plus tard, dans le cadre d’une enquête, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a reproché à la requérante sa complicité dans les fausses déclarations effectuées sur les relevés de temps de travail de certains de ses employés. Sur la base des conclusions de l’OLAF, la Commission a émis des notes de débit exigeant le paiement de montants au titre de dommages et intérêts. En effet, elle n’a pas accepté les coûts de personnel d’un employé (ci-après l’« employé en cause »), dont les relevés de temps de travail avaient été signés pour approbation par son épouse. Les montants demandés ont été intégralement payés par la requérante, qui a toutefois introduit un recours devant le Tribunal afin d’obtenir, notamment, la constatation de l’inexistence de la créance contractuelle de la Commission et le remboursement des montants figurant dans les notes de débit.
Le Tribunal rejette ce recours et examine, d’une part, la légalité du recouvrement effectué par la Commission, et, d’autre part, l’existence en l’espèce d’un conflit d’intérêts en raison de liens familiaux.
Appréciation du Tribunal
Après avoir rejeté la demande d’omission de certaines données envers le public introduite par la requérante, au motif que ces données ne figurent pas dans l’arrêt ou que leur omission serait susceptible de nuire à l’accès et à la compréhension de l’arrêt par le public, le Tribunal examine la légalité des ordres de recouvrement de la Commission.
À cet égard, il relève tout d’abord que les conventions de subvention prévoient, d’une part, des procédures d’audit et, d’autre part, des procédures de contrôle. Les procédures de contrôle, telles qu’elles sont prévues dans les conventions en cause, sont des mesures relevant du cadre contractuel liant les parties qui se juxtaposent aux procédures d’audit, de manière autonome. La procédure conduite par l’OLAF en fait partie.
Dans ce cadre, le Tribunal considère que, d’une part, à l’issue de la procédure de contrôle, la Commission était en droit de demander le recouvrement des sommes dues, après avoir identifié des irrégularités commises par la requérante, conformément aux conventions de subvention en cause{1}. D’autre part, aucune exigence procédurale particulière et spécifique ne s’impose quant à la manière d’identifier les irrégularités dans le cadre des procédures de contrôle engagées postérieurement à l’acceptation des rapports et comptes finals{2}. Ainsi, contrairement à l’affirmation de la requérante, selon laquelle la Commission ne saurait faire fi d’un rapport d’audit final en vertu des conventions de subvention en cause, la procédure suivie en l’espèce était indépendante de la procédure d’audit visée par la requérante. Dans ce contexte, le Tribunal souligne qu’il résulte des dispositions des conventions de subvention en cause et du règlement financier que les audits ne revêtent pas de caractère contraignant{3}. Partant, le rapport d’audit final, même après validation par la Commission, ne peut être considéré comme s’imposant à celle-ci de manière contraignante et immuable, et la Commission n’est pas liée par les constatations d’un audit financier lorsqu’un contrôle postérieur à cet audit vient mettre en cause ses résultats.
Ensuite, concernant le risque de conflit d’intérêts en raison de l’existence de liens familiaux, le Tribunal constate que ressort des conventions de subvention en cause une présomption réfragable quant à l’existence du risque de conflit d’intérêts lorsque, notamment, des personnes entretenant des liens familiaux ou affectifs sont impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans un même projet{4}. En l’espèce, la relation maritale qui lie l’employé en cause à son épouse conduit à appliquer cette présomption.
Le Tribunal estime que le fait que l’épouse de l’employé en cause était chargée d’approuver les relevés de temps de travail de son époux sans possibilité de les modifier alors qu’elle apparaît comme étant « superviseur » sur ces relevés suffit pour considérer que le système de contrôle mis en place par la requérante ne répond pas à l’exigence qui lui incombe de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des liens familiaux ou affectifs, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet concerné, conformément aux conventions de subvention en cause. Selon le Tribunal, l’influence de la situation familiale ne peut être exclue du simple fait d’une absence de lien de subordination administrative dans le milieu professionnel. Partant, la bonne exécution du projet concerné a pu être compromise.
Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la position de la Commission constituerait une discrimination exercée en raison d’une situation matrimoniale, contraire aux articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »){5}, le Tribunal considère que l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs vise à prévenir une violation grave et manifeste de l’exigence d’impartialité et d’objectivité qui pèse sur le responsable chargé de certifier les relevés de temps de travail des chercheurs travaillant sur un projet subventionné par l’Union. Dès lors, à supposer qu’une règle visant à garantir l’absence de conflit d’intérêts puisse affecter les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte, ces derniers ne le seraient pas dans leur contenu mais, tout au plus, feraient l’objet d’une limitation dans leur exercice.
Sur ce point, le Tribunal juge que, dans le cas d’espèce, une telle limitation viserait à garantir le respect du principe de la bonne gestion financière{6} et serait nécessaire, puisque la Commission ne dispose pas d’autres moyens pour contrôler l’exactitude des coûts de personnel déclarés par le bénéficiaire de subvention que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps de travail fiables. Cette limitation ne serait pas disproportionnée, dans la mesure où, d’une part, les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte ne seraient pas affectés dans leur contenu même et, d’autre part, l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs pourrait être satisfaite grâce à des adaptations organisationnelles minimales.
Enfin, le Tribunal rejette comme irrecevable le recours introduit par la requérante sur le fondement de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 12 novembre 2019 par laquelle cette dernière l’avait informée de l’émission de notes de débit. Il constate, dans ce contexte, que le droit de la requérante de disposer d’un recours effectif n’a pas été violé dans la mesure où elle a introduit un recours sur une base contractuelle au titre de l’article 272 TFUE et où les moyens soulevés au soutien de ce recours ont fait l’objet d’un examen par le juge compétent.
{1} Articles II.22, paragraphe 6, et II.21, paragraphe 1, second alinéa, de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{2} Article 119 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1) (ci-après le « règlement financier »).
{3} En particulier, l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause reconnaît la possibilité d’effectuer de nouveaux audits pendant les cinq années suivant l’achèvement du projet concerné. De plus, le premier paragraphe de l’article 119 du règlement financier indique que l’acceptation par l’institution des rapports et des comptes finals est « sans préjudice des contrôles ultérieurs effectués par l’institution ».
{4} Article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{5} Les articles 7 et 9 de la Charte portent sur le droit au respect à la vie privée et familiale, le droit de se marier et le droit de fonder une famille.
{6} Ce principe est consacré à l’article 317 TFUE.
101. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Convention de subvention - Risque de conflit d'intérêts lié à des liens familiaux ou affectifs - Épouse chargée d'approuver les relevés de temps de travail de son époux sans possibilité de les modifier - Risque de conflit d'intérêts susceptible de compromettre l'exécution impartiale et objective du projet - Absence de lien de subordination administrative entre les époux dans le milieu professionnel - Absence d'incidence
La requérante, Sieć Badawcza Łukasiewicz, est un institut de recherche qui a accédé, en tant que bénéficiaire, à trois conventions de subvention au titre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013).
En 2013, certaines conventions de subvention conclues dans ce cadre ont fait l’objet d’un audit réalisé par une société d’audit externe mandatée par la Commission. Plus tard, dans le cadre d’une enquête, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a reproché à la requérante sa complicité dans les fausses déclarations effectuées sur les relevés de temps de travail de certains de ses employés. Sur la base des conclusions de l’OLAF, la Commission a émis des notes de débit exigeant le paiement de montants au titre de dommages et intérêts. En effet, elle n’a pas accepté les coûts de personnel d’un employé (ci-après l’« employé en cause »), dont les relevés de temps de travail avaient été signés pour approbation par son épouse. Les montants demandés ont été intégralement payés par la requérante, qui a toutefois introduit un recours devant le Tribunal afin d’obtenir, notamment, la constatation de l’inexistence de la créance contractuelle de la Commission et le remboursement des montants figurant dans les notes de débit.
Le Tribunal rejette ce recours et examine, d’une part, la légalité du recouvrement effectué par la Commission, et, d’autre part, l’existence en l’espèce d’un conflit d’intérêts en raison de liens familiaux.
Appréciation du Tribunal
Après avoir rejeté la demande d’omission de certaines données envers le public introduite par la requérante, au motif que ces données ne figurent pas dans l’arrêt ou que leur omission serait susceptible de nuire à l’accès et à la compréhension de l’arrêt par le public, le Tribunal examine la légalité des ordres de recouvrement de la Commission.
À cet égard, il relève tout d’abord que les conventions de subvention prévoient, d’une part, des procédures d’audit et, d’autre part, des procédures de contrôle. Les procédures de contrôle, telles qu’elles sont prévues dans les conventions en cause, sont des mesures relevant du cadre contractuel liant les parties qui se juxtaposent aux procédures d’audit, de manière autonome. La procédure conduite par l’OLAF en fait partie.
Dans ce cadre, le Tribunal considère que, d’une part, à l’issue de la procédure de contrôle, la Commission était en droit de demander le recouvrement des sommes dues, après avoir identifié des irrégularités commises par la requérante, conformément aux conventions de subvention en cause{1}. D’autre part, aucune exigence procédurale particulière et spécifique ne s’impose quant à la manière d’identifier les irrégularités dans le cadre des procédures de contrôle engagées postérieurement à l’acceptation des rapports et comptes finals{2}. Ainsi, contrairement à l’affirmation de la requérante, selon laquelle la Commission ne saurait faire fi d’un rapport d’audit final en vertu des conventions de subvention en cause, la procédure suivie en l’espèce était indépendante de la procédure d’audit visée par la requérante. Dans ce contexte, le Tribunal souligne qu’il résulte des dispositions des conventions de subvention en cause et du règlement financier que les audits ne revêtent pas de caractère contraignant{3}. Partant, le rapport d’audit final, même après validation par la Commission, ne peut être considéré comme s’imposant à celle-ci de manière contraignante et immuable, et la Commission n’est pas liée par les constatations d’un audit financier lorsqu’un contrôle postérieur à cet audit vient mettre en cause ses résultats.
Ensuite, concernant le risque de conflit d’intérêts en raison de l’existence de liens familiaux, le Tribunal constate que ressort des conventions de subvention en cause une présomption réfragable quant à l’existence du risque de conflit d’intérêts lorsque, notamment, des personnes entretenant des liens familiaux ou affectifs sont impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans un même projet{4}. En l’espèce, la relation maritale qui lie l’employé en cause à son épouse conduit à appliquer cette présomption.
Le Tribunal estime que le fait que l’épouse de l’employé en cause était chargée d’approuver les relevés de temps de travail de son époux sans possibilité de les modifier alors qu’elle apparaît comme étant « superviseur » sur ces relevés suffit pour considérer que le système de contrôle mis en place par la requérante ne répond pas à l’exigence qui lui incombe de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des liens familiaux ou affectifs, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet concerné, conformément aux conventions de subvention en cause. Selon le Tribunal, l’influence de la situation familiale ne peut être exclue du simple fait d’une absence de lien de subordination administrative dans le milieu professionnel. Partant, la bonne exécution du projet concerné a pu être compromise.
Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la position de la Commission constituerait une discrimination exercée en raison d’une situation matrimoniale, contraire aux articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »){5}, le Tribunal considère que l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs vise à prévenir une violation grave et manifeste de l’exigence d’impartialité et d’objectivité qui pèse sur le responsable chargé de certifier les relevés de temps de travail des chercheurs travaillant sur un projet subventionné par l’Union. Dès lors, à supposer qu’une règle visant à garantir l’absence de conflit d’intérêts puisse affecter les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte, ces derniers ne le seraient pas dans leur contenu mais, tout au plus, feraient l’objet d’une limitation dans leur exercice.
Sur ce point, le Tribunal juge que, dans le cas d’espèce, une telle limitation viserait à garantir le respect du principe de la bonne gestion financière{6} et serait nécessaire, puisque la Commission ne dispose pas d’autres moyens pour contrôler l’exactitude des coûts de personnel déclarés par le bénéficiaire de subvention que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps de travail fiables. Cette limitation ne serait pas disproportionnée, dans la mesure où, d’une part, les droits protégés par les articles 7 et 9 de la Charte ne seraient pas affectés dans leur contenu même et, d’autre part, l’exigence d’éviter tout conflit d’intérêts du fait de liens familiaux ou affectifs pourrait être satisfaite grâce à des adaptations organisationnelles minimales.
Enfin, le Tribunal rejette comme irrecevable le recours introduit par la requérante sur le fondement de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 12 novembre 2019 par laquelle cette dernière l’avait informée de l’émission de notes de débit. Il constate, dans ce contexte, que le droit de la requérante de disposer d’un recours effectif n’a pas été violé dans la mesure où elle a introduit un recours sur une base contractuelle au titre de l’article 272 TFUE et où les moyens soulevés au soutien de ce recours ont fait l’objet d’un examen par le juge compétent.
{1} Articles II.22, paragraphe 6, et II.21, paragraphe 1, second alinéa, de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{2} Article 119 du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1) (ci-après le « règlement financier »).
{3} En particulier, l’article II.22, paragraphe 1, de l’annexe II des conventions de subvention en cause reconnaît la possibilité d’effectuer de nouveaux audits pendant les cinq années suivant l’achèvement du projet concerné. De plus, le premier paragraphe de l’article 119 du règlement financier indique que l’acceptation par l’institution des rapports et des comptes finals est « sans préjudice des contrôles ultérieurs effectués par l’institution ».
{4} Article II.3, sous n), de l’annexe II des conventions de subvention en cause.
{5} Les articles 7 et 9 de la Charte portent sur le droit au respect à la vie privée et familiale, le droit de se marier et le droit de fonder une famille.
{6} Ce principe est consacré à l’article 317 TFUE.
102. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Exclusion d'un opérateur des procédures de passation de marchés et d'octroi de subventions - Contrôle juridictionnel - Compétence de pleine juridiction - Respect du principe de proportionnalité dans la détermination de la sanction infligée à l'opérateur - Circonstances atténuantes - Rejet
En vertu du règlement nº 1085/2006{1}, l’Union européenne soutient les pays concernés par l’aide à la préadhésion, parmi lesquels la République de Macédoine du Nord, afin qu’ils s’alignent progressivement sur ses normes et ses politiques. Dans le cadre de deux programmes nationaux en faveur de ce pays, deux marchés avaient été attribués à la requérante, LA International Cooperation Srl, et conclus en 2013 et 2015.
À la suite d’une enquête et d’un rapport final de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), portant sur d’éventuels faits de fraude et de corruption commis par la requérante, entre octobre 2012 et janvier 2017, l’instance saisie{2} a adopté une recommandation. Au regard de cette dernière, la Commission européenne a notamment décidé d’exclure la requérante, pour une durée de quatre ans, de la participation aux procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions financées par le budget général de l’Union{3} ainsi que de la participation aux procédures d’octroi de fonds au titre du onzième Fonds européen de développement{4}.
Saisi d’un recours en annulation de la décision de la Commission, le Tribunal exerce pour la première fois sa compétence de pleine juridiction pour contrôler les sanctions adoptées par la Commission{5}. Il examine également si la durée de quatre ans de l’exclusion décidée par la Commission est appropriée et proportionnelle.
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal relève qu’il dispose d’une compétence de pleine juridiction qui l’habilite, au-delà du simple contrôle de légalité, à réexaminer une décision par laquelle le pouvoir adjudicateur exclut un opérateur économique et/ou lui impose une sanction financière, y compris pour ce qui est de réduire ou d’allonger la durée de l’exclusion et/ou d’annuler la sanction financière imposée ou d’en diminuer ou d’en augmenter le montant.
Le Tribunal apprécie si la durée de l’exclusion en cause tient compte des circonstances atténuantes invoquées par la requérante, à savoir sa bonne coopération lors de l’enquête et les mesures organisationnelles qu’elle a adoptées par la suite.
Premièrement, le Tribunal rappelle que le pouvoir adjudicateur qui exclut un opérateur économique doit respecter le principe de proportionnalité et, à ce titre, tenir compte, notamment, de la gravité de la situation, de sa durée, de sa répétition éventuelle, de l’intention ou du degré de négligence ou de toute autre circonstance atténuante, telle que la coopération dudit opérateur et sa contribution à l’enquête.
Deuxièmement, il constate que les faits de corruption et de faute professionnelle grave commis par la requérante sont très graves par leur nature même. Il convient de tenir compte tant de la gravité des faits mêmes que de celle de leur incidence sur les intérêts financiers de l’Union.
Troisièmement, certes, les éléments invoqués par la requérante quant à sa très bonne et entière coopération lors des contrôles sur place sont établis. Toutefois, le Tribunal précise que la requérante avait une obligation de coopérer avec l’OLAF et que, en l’espèce, son comportement ne peut avoir qu’une faible incidence sur le degré de sévérité de la sanction, compte tenu de la gravité des faits en cause.
Quatrièmement, le Tribunal décide de ne pas tenir compte des mesures organisationnelles adoptées en 2016 par la requérante puisqu’il constate que non seulement elles n’ont pas pour autant fait cesser son comportement fautif, qui a continué jusqu’en janvier 2017, mais, en outre, elles n’ont eu aucun effet sur ledit comportement pendant la période pertinente.
Cinquièmement, le comportement de la requérante constituait tant des faits de faute professionnelle grave, encourant une mesure d’exclusion de cinq ans, avant le 1er janvier 2016, et de trois ans, après cette date, que des faits de corruption, passibles de mesures d’exclusion d’une durée maximale de cinq ans après le 1er janvier 2016.
Au regard de l’ensemble de ces constats et circonstances, le Tribunal juge qu’une exclusion d’une durée de quatre ans est appropriée et proportionnelle.
{1} Règlement (CE) nº 1085/2006 du Conseil, du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) (JO 2006, L 210, p. 82), article 1er. Les pays concernés sont mentionnés aux annexes I et II de ce règlement.
{2} Conformément au règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) nº 1296/2013, (UE) nº 1301/2013, (UE) nº 1303/2013, (UE) nº 1304/2013, (UE) nº 1309/2013, (UE) nº 1316/2013, (UE) nº 223/2014, (UE) nº 283/2014 et la décision nº 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), article 143.
{3} En vertu du droit en vigueur, à savoir :
• règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1), article 93, applicable à partir du 22 août 2006 ;
• règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement nº 1605/2002 (JO 2012, L 298, p. 1), article 106, paragraphe 1, applicable à partir du 1er janvier 2013 ;
• règlement nº 966/2012, tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen du 28 octobre 2015 (JO 2015, L 286, p. 1), article 106, paragraphe 1.
{4} Règlement (UE) 2015/323 du Conseil, du 2 mars 2015, portant règlement financier applicable au onzième Fonds européen de développement (JO 2015, L 58, p. 17).
{5} Au titre de l’article 108, paragraphe 11, du règlement nº 966/2012, tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929.
103. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Exclusion d'un opérateur des procédures de passation de marchés et d'octroi de subventions - Contrôle juridictionnel - Compétence de pleine juridiction - Portée
En vertu du règlement nº 1085/2006{1}, l’Union européenne soutient les pays concernés par l’aide à la préadhésion, parmi lesquels la République de Macédoine du Nord, afin qu’ils s’alignent progressivement sur ses normes et ses politiques. Dans le cadre de deux programmes nationaux en faveur de ce pays, deux marchés avaient été attribués à la requérante, LA International Cooperation Srl, et conclus en 2013 et 2015.
À la suite d’une enquête et d’un rapport final de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), portant sur d’éventuels faits de fraude et de corruption commis par la requérante, entre octobre 2012 et janvier 2017, l’instance saisie{2} a adopté une recommandation. Au regard de cette dernière, la Commission européenne a notamment décidé d’exclure la requérante, pour une durée de quatre ans, de la participation aux procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions financées par le budget général de l’Union{3} ainsi que de la participation aux procédures d’octroi de fonds au titre du onzième Fonds européen de développement{4}.
Saisi d’un recours en annulation de la décision de la Commission, le Tribunal exerce pour la première fois sa compétence de pleine juridiction pour contrôler les sanctions adoptées par la Commission{5}. Il examine également si la durée de quatre ans de l’exclusion décidée par la Commission est appropriée et proportionnelle.
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal relève qu’il dispose d’une compétence de pleine juridiction qui l’habilite, au-delà du simple contrôle de légalité, à réexaminer une décision par laquelle le pouvoir adjudicateur exclut un opérateur économique et/ou lui impose une sanction financière, y compris pour ce qui est de réduire ou d’allonger la durée de l’exclusion et/ou d’annuler la sanction financière imposée ou d’en diminuer ou d’en augmenter le montant.
Le Tribunal apprécie si la durée de l’exclusion en cause tient compte des circonstances atténuantes invoquées par la requérante, à savoir sa bonne coopération lors de l’enquête et les mesures organisationnelles qu’elle a adoptées par la suite.
Premièrement, le Tribunal rappelle que le pouvoir adjudicateur qui exclut un opérateur économique doit respecter le principe de proportionnalité et, à ce titre, tenir compte, notamment, de la gravité de la situation, de sa durée, de sa répétition éventuelle, de l’intention ou du degré de négligence ou de toute autre circonstance atténuante, telle que la coopération dudit opérateur et sa contribution à l’enquête.
Deuxièmement, il constate que les faits de corruption et de faute professionnelle grave commis par la requérante sont très graves par leur nature même. Il convient de tenir compte tant de la gravité des faits mêmes que de celle de leur incidence sur les intérêts financiers de l’Union.
Troisièmement, certes, les éléments invoqués par la requérante quant à sa très bonne et entière coopération lors des contrôles sur place sont établis. Toutefois, le Tribunal précise que la requérante avait une obligation de coopérer avec l’OLAF et que, en l’espèce, son comportement ne peut avoir qu’une faible incidence sur le degré de sévérité de la sanction, compte tenu de la gravité des faits en cause.
Quatrièmement, le Tribunal décide de ne pas tenir compte des mesures organisationnelles adoptées en 2016 par la requérante puisqu’il constate que non seulement elles n’ont pas pour autant fait cesser son comportement fautif, qui a continué jusqu’en janvier 2017, mais, en outre, elles n’ont eu aucun effet sur ledit comportement pendant la période pertinente.
Cinquièmement, le comportement de la requérante constituait tant des faits de faute professionnelle grave, encourant une mesure d’exclusion de cinq ans, avant le 1er janvier 2016, et de trois ans, après cette date, que des faits de corruption, passibles de mesures d’exclusion d’une durée maximale de cinq ans après le 1er janvier 2016.
Au regard de l’ensemble de ces constats et circonstances, le Tribunal juge qu’une exclusion d’une durée de quatre ans est appropriée et proportionnelle.
{1} Règlement (CE) nº 1085/2006 du Conseil, du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) (JO 2006, L 210, p. 82), article 1er. Les pays concernés sont mentionnés aux annexes I et II de ce règlement.
{2} Conformément au règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) nº 1296/2013, (UE) nº 1301/2013, (UE) nº 1303/2013, (UE) nº 1304/2013, (UE) nº 1309/2013, (UE) nº 1316/2013, (UE) nº 223/2014, (UE) nº 283/2014 et la décision nº 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), article 143.
{3} En vertu du droit en vigueur, à savoir :
• règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 1995/2006 du Conseil, du 13 décembre 2006 (JO 2006, L 390, p. 1), article 93, applicable à partir du 22 août 2006 ;
• règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement nº 1605/2002 (JO 2012, L 298, p. 1), article 106, paragraphe 1, applicable à partir du 1er janvier 2013 ;
• règlement nº 966/2012, tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen du 28 octobre 2015 (JO 2015, L 286, p. 1), article 106, paragraphe 1.
{4} Règlement (UE) 2015/323 du Conseil, du 2 mars 2015, portant règlement financier applicable au onzième Fonds européen de développement (JO 2015, L 58, p. 17).
{5} Au titre de l’article 108, paragraphe 11, du règlement nº 966/2012, tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929.
Arrêt du 29 juin 2022, LA International Cooperation / Commission (T-609/20) (cf. point 157)
104. Responsabilité non contractuelle - Conditions - Illégalité - Violation suffisamment caractérisée d'une règle de droit conférant des droits aux particuliers - Règle de droit conférant des droits aux particuliers - Dispositions des réglementations financières attribuant à la Commission la responsabilité d'exécuter le budget de l'Union - Obligation de la Commission de veiller au respect du principe de bonne gestion financière - Modes d'exécution du budget par gestion indirecte par des organisations internationales - Exclusion
Arrêt du 22 septembre 2022, IMG / Commission (C-619/20 P et C-620/20 P) (cf. points 147-152)
105. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Exécution en gestion partagée - Obligation pour les États membres de prendre les mesures nécessaires pour protéger les intérêts financiers de l'Union - Correction des irrégularités et recouvrement des paiements indus - Principe de bonne gestion financière
Voir texte de la décision.
Arrêt du 17 novembre 2022, Avicarvil Farms (C-443/21) (cf. points 32-34)
106. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Contrat de subvention - Coûts éligibles - Rapport d'enquête de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) ayant constaté le caractère non éligible de certaines dépenses exposées - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Répartition de la charge de la preuve
107. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Respect du principe de proportionnalité dans la détermination de la sanction financière infligée - Contrôle juridictionnel - Compétence de pleine juridiction du juge de l'Union - Portée
Arrêt du 21 décembre 2022, Vialto Consulting / Commission (T-537/18) (cf. points 162, 179)
108. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Subventions destinées à des actions visant à promouvoir les initiatives en matière de gouvernance d'entreprise - Procédure d'attribution de subvention et convention de subvention - Appel à propositions - Critères d'éligibilité - Entités dépourvues de la personnalité juridique - Éléments de nature à démontrer la capacité financière de telles entités - Limitation à des preuves attestant la possession de comptes annuels ou de comptes bancaires propres - Inadmissibilité
Le 2 juin 2020, un appel à propositions concernant l’octroi de subventions à des actions visant à promouvoir les initiatives en matière de gouvernance d’entreprise a été publié{1}. S’inscrivant dans le cadre d’une décision de la Commission européenne{2}, l’appel à propositions précisait que les demandeurs, les demandeurs chefs de file et les codemandeurs éligibles à participer à cet appel devaient être, notamment, des personnes morales ou des représentants des travailleurs, tels que les comités d’entreprise. De même, les organisations de partenaires sociaux dépourvues de la personnalité juridique en vertu du droit national applicable étaient également autorisées à soumettre une candidature{3}. Enfin, cet appel indiquait que les demandeurs, demandeurs chefs de file et les codemandeurs devaient être dotés d’une capacité financière solide afin de maintenir leur activité pendant la durée de l’action et de contribuer à son financement si nécessaire .
La requérante, une société de formation et de conseil spécialisée dans les questions relatives à la représentation des travailleurs dans un contexte transfrontalier, ainsi que les comités d’entreprise européens des sociétés Mayr-Melnhof Packaging et DS Smith plc, se sont réunis en un consortium afin de répondre à l’appel à propositions. Le 30 juillet 2020, la requérante a introduit une demande de subvention et a désigné comme codemandeurs les comités d’entreprise européens précités (ci-après les « comités codemandeurs »). Cette demande était accompagnée d’une déclaration sur l’honneur des présidents des comités codemandeurs attestant qu’ils possédaient la capacité financière et opérationnelle requise.
La Commission a, dans un premier temps, demandé à la requérante d’apporter la preuve de l’enregistrement des comités codemandeurs auprès des autorités publiques nationales. La requérante a répondu que leur constitution ne nécessitait pas d’enregistrement et qu’ils étaient représentés par leurs présidents. Dans un second temps, la Commission a invité la requérante à lui transmettre des documents supplémentaires, notamment le formulaire intitulé « Entité légale » . En réponse à cette demande, la requérante a déclaré que les comités codemandeurs n’étaient pas des personnes morales et que, en conséquence, aucun document ne pouvait être produit en ce sens .
Sur la base du règlement financier, la Commission a, par la suite, enjoint à la requérante de fournir les preuves de la capacité financière d’un des deux comités d’entreprise européens concernés en exigeant le bilan ainsi que le compte de pertes et profits de celui-ci. La requérante a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de faire suite à cette demande .
Par une décision en date du 14 avril 2021, la Commission a décidé de rejeter la demande de subvention de la requérante, soumise dans le cadre de l’appel à propositions en tant que coordinatrice du consortium (ci-après la « décision attaquée ») . La Commission a considéré, en particulier, que les comités codemandeurs ne remplissaient pas les conditions de l’article 197, paragraphe 2, sous c), du règlement financier ainsi que celles relatives au point 8.1 de l’appel à propositions. À la suite de la constatation de l’inéligibilité de ces comités, la Commission a estimé que la requérante ne répondait pas au critère minimum d’éligibilité inscrit au point 6.1, sous b), de l’appel à propositions, de sorte que la demande devait être rejetée dans son intégralité.
Par un recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante a demandé l’annulation de la décision attaquée . À l’appui de son recours, elle invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 197, paragraphe 2, sous c), du règlement financier, lu conjointement avec le point 8.1 de l’appel à propositions, le deuxième, de la violation de l’article 197, paragraphe 3, de ce même règlement et, le troisième, de la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime.
Dans son arrêt, le Tribunal accueille le recours de la requérante en jugeant que la décision attaquée a été adoptée en violation du règlement financier.
Cette affaire amène pour la première fois le Tribunal à interpréter l’article 197, paragraphe 2, sous c), du règlement financier{4}, qui traite de la participation des entités dépourvues de la personnalité juridique aux appels à propositions de l’Union européenne.
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal relève que l’objectif de l’article 197, paragraphe 2, sous c), du règlement financier est de permettre aux entités dépourvues de la personnalité juridique de participer, au même titre que les personnes morales, aux appels à propositions de l’Union. Ce faisant, il souligne que les informations et les pièces justificatives, visées à l’article 196, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, nécessaires pour démontrer une capacité financière dans le cadre d’une demande de subvention et composées, notamment, du compte de gestion et du bilan des trois derniers exercices clos au maximum ne sauraient constituer les seuls éléments de nature à démontrer l’existence de cette capacité . En effet, une interprétation de l’article 197, paragraphe 2, sous c), du règlement financier qui aurait pour conséquence d’imposer à des entités dépourvues de la personnalité juridique la présentation de preuves généralement associées à la possession d’une telle personnalité reviendrait à remettre en cause l’effet utile de cette disposition en créant des obstacles à leur participation aux demandes de subvention.
Si les éléments fournis doivent permettre de vérifier que l’entité dépourvue de la personnalité juridique est en mesure d’offrir des garanties de protection des intérêts financiers de l’Union équivalentes à celles offertes par une personne morale , le règlement financier ne prévoit pas, selon le Tribunal, que ces éléments se limitent à des preuves attestant qu’elles disposent de comptes annuels (bilan et/ou compte de pertes et profits) ou de comptes bancaires propres.
{1} Appel à propositions VP/2020/008 (information, consultation and participation of representatives of undertakings) (ci-après l’« appel à propositions »).
{2} Décision C(2019) 6522 final de la Commission, du 16 septembre 2019, relative à l’adoption du programme de travail annuel de 2020 pour les subventions et les marchés relatifs aux prérogatives et aux compétences spécifiques de la direction générale « Emploi, affaires sociales et inclusion » et valant décision de financement.
{3} Conformément à l’article 197, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »).
{4} L’article 197, paragraphe 2, sous c), du règlement financier dispose que les entités dépourvues de la personnalité juridique sont éligibles à participer à un appel à propositions pour autant qu’elles offrent des garanties de protection des intérêts financiers de l’Union équivalentes à celles offertes par des personnes morales.
109. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union - Octroi de délais du paiement - Conditions - Constitution d'une garantie bancaire - Dérogation - Conditions
Arrêt du 29 mars 2023, CIMV / Commission (T-26/22) (cf. points 45-48, 54, 55)
110. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Délai de communication d'une note de débit - Précision réglementaire du délai pour l'envoi de la note de débit au débiteur - Principe du délai raisonnable - Applicabilité - Absence
Par un arrêt du 7 mars 2019, L/Parlement{1}, le Tribunal avait annulé la décision du Parlement européen de résilier le contrat d’assistant parlementaire accrédité de L (ci-après l’« APA »), accrédité aux fins de l’assistance de TC, le requérant, député européen, pour rupture du lien de confiance au motif qu’il n’avait pas respecté les règles relatives aux autorisations d’exercice d’activités extérieures. Le Tribunal avait en effet constaté qu’il ressortait des éléments du dossier que non seulement le requérant avait connaissance des activités extérieures de l’APA, mais que, en outre, il en était à l’initiative directe.
À la suite de cet arrêt, le secrétaire général du Parlement a informé le requérant de l’ouverture d’une procédure de recouvrement de sommes indûment versées{2}, concernant l’assistance parlementaire apportée au requérant par l’APA. Il a invité par la même occasion le requérant à présenter, dans un délai de deux mois, des observations et des éléments de preuve visant à réfuter les conclusions préliminaires du Parlement sur les activités extérieures que l’APA avait exercées et à prouver que ce dernier avait effectivement exercé des fonctions d’assistant parlementaire accrédité. En réponse, le requérant a adressé au Parlement des observations et des éléments de preuve complémentaires, tout en demandant un certain nombre de documents et d’informations relatifs au dossier personnel de l’APA au Parlement, les copies des correspondances échangées par l’APA avec les représentants du Parlement concernant son travail et le dossier complet de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2019. Le Parlement a partiellement fait droit aux demandes de documents et d’informations du requérant.
Par décision du 16 mars 2021 (ci-après la « décision attaquée »), le secrétaire général du Parlement a considéré qu’une somme d’argent avait été indûment prise en charge par cette institution dans le cadre de l’emploi de l’APA et qu’elle devait être recouvrée auprès du requérant{3}. Consécutivement, le directeur général des finances du Parlement a émis, le 31 mars 2021, une note de débit ordonnant le recouvrement de ladite somme.
Saisi d’un recours en annulation contre la décision attaquée, qu’il accueille, le Tribunal se prononce sur le droit d’un débiteur d’invoquer une violation du principe du délai raisonnable lorsque l’institution lui envoie une note de débit dans le délai de cinq ans, fixé par le règlement financier, réaffirme l’importance du respect du principe du droit d’être entendu dans les procédures de recouvrement de frais d’assistance parlementaire ouvertes par le Parlement à l’encontre de ses membres et, enfin, tranche la question inédite du droit de se prévaloir, au titre de la garantie du droit d’être entendu, de motifs d’intérêt public pour obtenir la transmission de données à caractère personnel.
Appréciation du Tribunal
En premier lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré de la violation du principe du respect du délai raisonnable, au motif que le Parlement aurait fondé la décision attaquée sur des données de l’affaire L/Parlement, pour lequel la requête avait été introduite en avril 2017.
À ce titre, il rappelle que l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union énonce le principe du respect du délai raisonnable, qui fait partie intégrante du droit à une bonne administration et que le respect d’un délai raisonnable est requis dans tous les cas où, dans le silence des textes, les principes de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime font obstacle à ce que les institutions de l’Union et les personnes physiques ou morales agissent sans aucune limite de temps. En revanche, lorsque l’administration agit dans le délai qui lui est spécifiquement prescrit par un texte, il ne saurait être valablement allégué que les exigences découlant du droit à voir ses affaires traitées dans un délai raisonnable sont méconnues.
Or, contrairement à la réglementation antérieure{4} celle applicable en l’espèce{5} prévoit désormais que l’ordonnateur envoie la note de débit immédiatement après la constatation de la créance et au plus tard dans un délai de cinq ans à compter du moment où l’institution de l’Union est en mesure de faire valoir sa créance.
Il n’y a donc pas lieu, en l’espèce, d’avoir recours au principe du respect du délai raisonnable pour apprécier le délai dans lequel la note de débit a été envoyée. En outre, le Tribunal relève que, d’une part, la note de débit a été adressée au requérant immédiatement après la constatation de la créance, dans la décision attaquée, et que, d’autre part, le moment auquel le Parlement a été en mesure de faire valoir sa créance coïncide avec le dépôt de la requête dans l’affaire L/Parlement ou avec le prononcé de l’arrêt dans cette dernière affaire, de sorte que le délai de cinq ans prévu par le règlement financier en vigueur a été respecté par le Parlement.
En second lieu, le Tribunal accueille le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu. À titre liminaire, il rappelle que le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard est garanti, de manière particulière, par les MAS{6}, en vertu desquelles le député concerné est entendu préalablement à l’adoption de toute décision dans cette matière. Ce droit garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts.
En l’espèce, le Tribunal constate que plusieurs demandes de documents et d’informations du requérant au Parlement ont été rejetées, sous réserve des documents concernant la fin du contrat de l’APA.
Il rappelle que, en cas de doute sur le caractère régulier de l’utilisation des frais d’assistance parlementaire versés au profit d’un APA, c’est au parlementaire qu’il incombe d’établir que cet APA a travaillé pour lui, en relation avec son mandat parlementaire, pendant toute la période au cours de laquelle ces frais ont été versés. En outre, lorsqu’il est invité à fournir cette preuve, le parlementaire doit communiquer au Parlement, dans le délai imparti, les éléments qui se trouvent en sa possession. Si d’autres éléments paraissent pertinents, il peut en demander la communication aux institutions, aux organismes et aux agences de l’Union qui en disposent, sur le fondement du droit d’être entendu, dès lors qu’ils concernent des données nécessaires pour lui permettre de formuler ses observations d’une manière utile et effective sur la mesure de recouvrement envisagée. Le Parlement qui reçoit une telle demande ne peut refuser de fournir les données réclamées sans violer le droit d’être entendu, sauf à invoquer, au soutien de ce refus, des motifs pouvant être considérés comme étant justifiés au regard, d’une part, des circonstances de l’espèce et, d’autre part, des règles applicables.
Le Tribunal examine donc si les motifs invoqués par le Parlement pour ne pas communiquer les données demandées par le requérant présentent un caractère justifié.
Premièrement, le Tribunal écarte les motifs invoqués par le Parlement pour rejeter la demande du requérant concernant la communication de « tous les courriels des années 2015, 2016 et 2019 » et la correspondance échangée par celui-ci avec les services compétents du Parlement concernant le travail de l’APA. Il rappelle que chaque institution organise ses travaux dans le respect des règles qui lui sont applicables et qu’elle peut édicter et considère que, en l’espèce, le Parlement pouvait limiter la période de conservation des courriels des députés, en leur permettant de les sauvegarder dans des dossiers personnels. Toutefois, il détermine si, en l’espèce, cette politique a été mise en œuvre d’une manière assurant le respect du droit d’être entendu.
Or, il constate que, dès le début de l’année 2016, le Parlement a eu connaissance d’une situation conflictuelle entre le requérant et l’APA quant au fait que celui-ci exerçait ou non ses activités pour le requérant dans le respect des règles régissant l’assistance parlementaire. Par conséquent, dès ce moment, il convenait que le Parlement assure la conservation des courriels susceptibles d’établir la nature exacte des activités de l’APA durant le déroulement de la procédure de licenciement et, si celle-ci donnait lieu à d’autres procédures, juridictionnelles ou administratives, telles qu’une procédure de recouvrement, aussi longtemps que ces autres procédures restaient ouvertes.
Par ailleurs, la possibilité d’effectuer un archivage personnel ne saurait avoir pour effet d’affranchir le Parlement de l’obligation d’assurer la conservation de tout courriel pertinent pour établir que, conformément aux règles que s’est données l’institution, un APA a exercé ses activités, de manière effective et exclusive, pour le parlementaire auquel il était affecté, en lien direct avec le mandat de ce dernier. Il ajoute que cette possibilité ne saurait affranchir le Parlement de l’obligation de communiquer les courriels ainsi conservés, lorsque, en application du droit d’être entendu, lequel présente un caractère fondamental dans l’ordre juridique de l’Union, il est sollicité en ce sens par le parlementaire concerné qui, comme en l’espèce, fait l’objet d’une procédure de recouvrement pour utilisation irrégulière des frais d’assistance parlementaire.
Deuxièmement, le Tribunal écarte les motifs invoqués par le Parlement pour rejeter la demande concernant le « dossier personnel » de l’APA (tous les documents liés à son recrutement et à son travail), y compris les informations relatives au nombre de fois où la protection du Parlement a été sollicitée pour cet APA, et les données relatives à sa présence pouvant être extraites de sa carte d’accès au Parlement.
S’agissant du motif pris de ce que la transmission de ces données était contraire au règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données{7}, certes, le Tribunal convient que, dès lors qu’elles devaient servir à sa défense dans le cadre de la procédure de recouvrement, les données réclamées par le requérant ne pouvaient être considérées comme étant « nécessaires à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le destinataire »{8}. Pour la même raison, il ne saurait être considéré que la transmission desdites données au requérant répondait à un « but spécifique d’intérêt public »{9}.
Toutefois, le Tribunal relève que la demande d’observations adressée par le Parlement au requérant afin de lui permettre d’exercer son droit d’être entendu est fondée, en l’espèce, sur des éléments détenus par cette institution sans être connus, le cas échéant, du requérant ou sur des éléments dont le requérant avait connaissance lorsqu’il était le supérieur hiérarchique de l’APA, mais dont il ne dispose plus.
Partant, au regard de l’importance reconnue au droit d’être entendu, la circonstance que de tels éléments puissent se trouver dans le « dossier personnel » de l’APA ne saurait, en tant que telle, faire obstacle à ce que ces éléments soient communiqués au requérant afin de lui permettre de formuler ses observations d’une manière utile et effective, dans le cadre de l’exercice dudit droit.
En effet, le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu, mais doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance, à ce titre, avec d’autres droits fondamentaux, dans le cadre d’une démarche accordant à chacun des droits impliqués la place qui lui revient, au regard des faits de l’espèce, dans l’ordre juridique de l’Union, conformément au principe de proportionnalité. La nécessité d’assurer une telle mise en balance entre le droit à la protection des données personnelles et les autres droits fondamentaux reconnus dans cet ordre juridique est soulignée par le législateur de l’Union dans le règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données{10}, dont le règlement sur la protection de données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union est l’équivalent.
Le Tribunal en conclut qu’il ne saurait être admis que le Parlement puisse inviter le requérant à se prononcer de manière utile et effective sur des éléments figurant, le cas échéant, dans le dossier de l’APA, sans, comme en l’espèce, lui donner accès à ces éléments, après avoir mis en balance, d’une part, l’intérêt de cet APA à ce que les données le concernant ne soient pas transmises à des tiers et, d’autre part, l’intérêt du requérant à présenter ses observations de manière utile et effective dans le cadre de la procédure en recouvrement ouverte contre lui.
S’agissant du motif pris de ce que la transmission de ces données était contraire aux dispositions du statut des fonctionnaires de l’Union européenne sur les dossiers individuels des fonctionnaires et agents{11}, applicable aux assistants parlementaires, le Tribunal constate que la confidentialité des pièces en cause ne saurait être opposée au requérant, qui est au demeurant l’auteur de certains des documents concernés en tant que supérieur hiérarchique de l’APA, dans la mesure nécessaire à l’exercice par le requérant de son droit d’être entendu.
Enfin, troisièmement, le Tribunal écarte les motifs invoqués par le Parlement pour rejeter la demande du requérant concernant le dossier relatif à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 2019. En effet, quant au fait que le Tribunal a accordé l’anonymat à l’APA dans la procédure ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal rappelle que l’anonymat vise à omettre le nom d’une partie au litige ou celui d’autres personnes mentionnées dans le cadre de la procédure concernée, ou encore d’autres données dans les documents afférents à l’affaire auxquels le public a accès. En revanche, l’anonymat octroyé par le Tribunal ne concerne pas la confidentialité des éléments versés au dossier de ladite procédure en dehors de celle-ci, dans le cadre des relations entre les parties et des tiers. Par conséquent, la décision du Tribunal relative à l’anonymat n’interdisait pas au Parlement de communiquer au requérant les pièces échangées dans l’arrêt du 7 mars 2019, qui étaient susceptibles d’être pertinentes aux fins de l’exercice par le requérant de son droit d’être entendu.
{1} Arrêt du 7 mars 2019, L/Parlement (T-59/17, EU:T:2019:140).
{2} En vertu de l’article 68 de la décision du bureau du Parlement des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « MAS »).
{3} En application de l’article 68, paragraphe 1, des MAS.
{4} Règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), et le règlement délégué (UE) nº 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement nº 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1).
{5} Article 98, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) nº 1296/2013, (UE) nº 1301/2013, (UE) nº 1303/2013, (UE) nº 1304/2013, (UE) nº 1309/2013, (UE) nº 1316/2013, (UE) nº 223/2014, (UE) nº 283/2014 et la décision nº 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).
{6} Article 68, paragraphe 2, des MAS.
{7} Règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) nº 45/2001 et la décision nº 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).
{8} Au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement 2018/1725.
{9} Au sens l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725.
{10} Considérant 4 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1).
{11} Article 26 du règlement nº 31 (C.E.E) 11 (C.E.E.A.) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, tel que modifié.
Arrêt du 7 juin 2023, TC / Parlement (T-309/21) (cf. points 61, 62)
111. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Coûts afférents aux consultants internes - Critères d'éligibilité
Arrêt du 12 juillet 2023, Net Technologies Finland / REA (T-358/20) (cf. points 107, 108)
112. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Production de relevés de temps - Conformité avec les conditions générales - Absence
Arrêt du 27 septembre 2023, Imdea Materiales / Commission (T-765/21) (cf. points 106, 110)
113. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées - Recouvrement du financement des coûts considérés comme non éligibles - Refus de la Commission d'opérer un recouvrement partiel des subventions versées - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Arrêt du 27 septembre 2023, Imdea Materiales / Commission (T-765/21) (cf. points 174, 179-182)
114. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée par la Commission en paiement de dommages et intérêts - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Arrêt du 27 septembre 2023, Imdea Materiales / Commission (T-765/21) (cf. points 188, 191)
115. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Convention de subvention - Procédure d'audit et procédure de contrôle - Enquête réalisé par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Différenciation entre une enquête de l'OLAF et un audit financier - Obligation d'envoyer à la requérante le dossier d'enquête de l'OLAF - Absence
116. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Non-respect d'une obligation relative à la publication de l'appel d'offres de sous-traitance - Frais inéligibles - Violation des principes de proportionnalité - Absence
Ordonnance du 27 novembre 2023, Indetec / CINEA (T-250/22) (cf. points 121-124)
117. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Absence
Ordonnance du 27 novembre 2023, Indetec / CINEA (T-250/22) (cf. points 69, 70, 85)
118. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée par la Commission en récupération d'avances versées - Recouvrement du financement des coûts considérés comme non éligibles - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Arrêt du 6 décembre 2023, Kopřiva - Horák / Commission (T-731/21) (cf. points 121, 123-125)
119. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Appréciation de l'obligation de motivation en fonction des circonstances de l'espèce - Décision de la Commission relative au recouvrement d'une partie de la contribution financière versée sur la base d'une convention de subvention - Exposé concis, mais clair et pertinent, des raisons ayant conduit la Commission à conclure à l'absence des documents justificatifs attestant la réalité des coûts déclarés - Admissibilité
Arrêt du 6 décembre 2023, Kopřiva - Horák / Commission (T-731/21) (cf. points 41-44)
120. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Conditions générales - Obligation de disposer d'un système d'enregistrement du temps de travail fiable et vérifiable - Violation
121. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Frais de personnel - Preuve de la réalité desdits frais et de leur lien avec la convention de subvention litigieuse - Répartition de la charge de la preuve
Arrêt du 6 décembre 2023, Kopřiva - Horák / Commission (T-731/21) (cf. points 82-84, 88-91)
122. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Justification des frais exposés - Procédure engagée en récupération d'avances versées - Recouvrement du financement des coûts considérés comme non éligibles - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Arrêt du 13 décembre 2023, Glonatech / REA (T-409/22) (cf. points 99, 102)
123. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Exclusion d'un opérateur d'une procédure de passation d'un marché public - Absence de décision définitive constatant le manquement d'un opérateur économique à ses obligations contractuelles - Respect du principe de proportionnalité dans l'examen des conséquences à tirer d'une décision non définitive
Arrêt du 20 mars 2024, Westpole Belgium / Parlement (T-640/22) (cf. points 65-68, 74, 85, 86)
124. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Sanctions complémentaires - Invocation de mêmes éléments pour justifier lesdites sanctions - Violation du principe de proportionnalité - Absence
Voir texte de la décision.
125. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Exécution en gestion indirecte - Procédure spéciale réservée aux organisations internationales - Décision illégale de la Commission refusant à une entité de conclure des conventions de gestion indirecte en raison de doutes concernant son statut d'organisation internationale - Perte de chance de conclure ces conventions et de percevoir une compensation financière des coûts indirects - Admissibilité
Statuant en formation élargie, le Tribunal rejette comme étant non fondé le recours en indemnité introduit par International Management Group (IMG) et tendant à la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de la décision de la Commission européenne du 8 mai 2015 de ne plus conclure avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par la réglementation financière de l’Union européenne{1}, alors en vigueur, au bénéfice des organisations internationales, jusqu’à ce que son statut juridique soit définitivement clarifié (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »). Par son arrêt, le Tribunal reconnaît, pour la première fois, la possibilité pour une organisation internationale se heurtant à un refus illégal de la Commission de conclure une convention de gestion de délégation du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, de solliciter l’indemnisation de la perte de chance de conclure une telle convention.
Le requérant, International Management Group (IMG), a été créé le 25 novembre 1994 dans le but de permettre aux États et aux organisations internationales participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée.
Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie{2} à financer sur le budget général de l’Union, sur le fondement du règlement no 966/2012{3}. Cette décision prévoyait, notamment, un programme de développement du commerce dont le coût devait être financé par l’Union et dont la mise en œuvre devait être assurée en gestion conjointe avec le requérant.
Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission de l’ouverture d’une enquête sur le statut du requérant. Dans son rapport final, l’OLAF a considéré, en substance, que le requérant ne constituait pas une organisation internationale, au sens des règlements no 1605/2002{4} et no 966/2012.
Enfin, la Commission a adopté la décision du 8 mai 2015 par laquelle elle a décidé que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant au statut d’organisation internationale du requérant, ses services ne concluraient plus avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par le règlement no 966/2012.
Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal, visant à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 et à la réparation des dommages causés par celle-ci. À la suite du rejet de ce recours, par l’arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission{5}, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour. Par un arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission{6}, la Cour a annulé cet arrêt du Tribunal ainsi que la décision du 8 mai 2015 de la Commission et a renvoyé l’affaire T 381/15 devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande de réparation du requérant relative aux dommages prétendument causés par cette décision.
Par un arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission{7}, le Tribunal a rejeté la demande de réparation du requérant. Celui-ci a formé un pourvoi devant la Cour.
Le 8 juin 2021, la Commission a adopté une décision refusant de reconnaître au requérant, avec effet rétroactif au 16 décembre 2014{8}, le statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte (ci-après la « décision du 8 juin 2021 »).
Par un arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission{9}, la Cour a annulé partiellement l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire T 381/15 RENV devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument causé par la décision du 8 mai 2015.
Appréciation du Tribunal
À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, à la suite de l’annulation d’une décision du Tribunal par la Cour et du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, celui-ci est saisi par l’arrêt de la Cour{10} et doit se prononcer sur l’ensemble des conclusions présentées par la partie requérante, à l’exclusion de celles auxquelles répondent les éléments du dispositif de la décision initiale du Tribunal qui n’ont pas été annulés par la Cour ainsi que les motifs qui constituent le fondement nécessaire desdits éléments, ceux-ci étant passés en force de chose jugée{11}.
D’emblée, le Tribunal rappelle que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées.
En premier lieu, s’agissant de la condition tenant à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, le Tribunal précise que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle exerce la responsabilité, qui lui incombe, d’exécuter le budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, qui permet à cette institution de confier des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales{12}. Par ailleurs, le Tribunal souligne également que l’obligation de diligence, qui est inhérente au principe de bonne administration{13} et qui s’applique, de manière générale, à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public, impose aux institutions de l’Union d’agir avec soin et prudence en examinant tous les éléments pertinents du cas d’espèce.
Or, en l’espèce, il résulte de l’arrêt sur pourvoi{14} que la Cour a constaté l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence qui pesait sur la Commission lors de l’adoption de la décision du 8 mai 2015. Par conséquent, le Tribunal constate que la Commission a, en adoptant la décision du 8 mai 2015, méconnu l’obligation de diligence qui lui incombait et, ce faisant, commis une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union de nature à engager sa responsabilité.
En second lieu, tout préjudice dont il est demandé réparation dans le cadre d’un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, doit être réel et certain. En outre, afin que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit susceptible d’être engagée, le préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement illégal des institutions.
En toute circonstance, il incombe à la partie mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque ainsi que de l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement de l’institution en question et le dommage allégué. En outre, l’existence d’un préjudice réel et certain ne saurait être envisagée de manière abstraite par le juge de l’Union, mais doit être appréciée en fonction des circonstances de fait précises qui caractérisent chaque espèce soumise à ce dernier.
En particulier, le Tribunal constate que, lorsque la Commission refuse, de manière illégale, de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte avec une organisation internationale, il est possible que l’organisation concernée subisse, de ce fait, un préjudice correspondant à l’occasion perdue d’obtenir l’attribution de cette délégation. Or, l’exclusion totale, au titre du dommage réparable, de la perte de chance de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte ne saurait être admise en cas de violation du droit de l’Union, dès lors que, s’agissant spécialement d’un litige d’ordre économique, une telle exclusion totale de cette perte de chance serait de nature à rendre en fait impossible la réparation du dommage.
Ainsi, il résulte des considérations qui précèdent que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, lorsque la Commission refuse, de manière illégale, de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte avec une organisation internationale, l’organisation concernée peut solliciter l’indemnisation du préjudice correspondant non pas à la compensation financière des coûts indirects qu’aurait emportés la mise en œuvre d’une telle convention, mais à la perte de chance d’obtenir une telle compensation.
À cet égard, s’agissant, premièrement, de la question de l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre l’illégalité entachant la décision du 8 mai 2015 et la perte de chance invoquée par le requérant, le Tribunal rappelle que cette illégalité consiste en la violation de l’obligation de diligence qui pesait sur la Commission dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Or, l’illégalité résultant, lors de l’adoption d’une décision par une institution de l’Union, de la violation de l’obligation de diligence n’affecte pas nécessairement le bien-fondé de la décision concernée. Tel est le cas de l’illégalité affectant la décision du 8 mai 2015.
En effet, il résulte de l’arrêt sur pourvoi{15} que le constat de l’illégalité entachant la décision du 8 mai 2015 n’emportait aucune obligation pour la Commission de reconnaître au requérant le statut d’organisation internationale qu’il revendiquait, alors que cette reconnaissance constituait, aux termes de la réglementation financière de l’Union et dans le cas du requérant, une condition obligatoire pour qu’il puisse poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et, partant, pour que le Tribunal soit en mesure de constater, dans le cadre de la présente action indemnitaire, qu’il justifie d’une perte de chance de conclure de nouvelles conventions de gestion selon ce mode avec la Commission.
Par conséquent, la violation de l’obligation de diligence entachant la décision du 8 mai 2015 ne saurait être regardée comme étant la cause directe et certaine du préjudice financier qu’il invoque, à savoir la perte de chance de conclure, après cette date, en qualité d’organisation internationale, de nouvelles conventions de délégation de gestion du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et de percevoir les sommes prévues au titre de la compensation des coûts indirects.
S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si le préjudice invoqué par le requérant revêt un caractère réel et certain, il ressort de la décision du 8 juin 2021, dont le Tribunal a confirmé la légalité par un arrêt du 4 septembre 2024, IMG/Commission{16}, en rejetant comme étant non fondé le recours en annulation introduit par le requérant et dirigé contre cette décision, que celui-ci ne peut revendiquer le statut d’organisation internationale depuis le 16 décembre 2014.
Ainsi, dès lors que, conformément à la décision du 8 juin 2021, le requérant ne satisfaisait pas, à la date d’adoption de la décision du 8 mai 2015 et postérieurement, à la condition de détention du statut d’organisation internationale prévue par la réglementation financière de l’Union, il ne disposait pas de la moindre chance de poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et de percevoir, par voie de conséquence, les sommes prévues au titre de la compensation des coûts indirects.
Eu égard aux considérations qui précèdent, la présente action indemnitaire, qui est fondée sur la prémisse selon laquelle le requérant constituait une organisation internationale au sens de la réglementation financière de l’Union et, à ce titre, disposait d’une chance sérieuse de poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, ne saurait prospérer.
L’annulation d’une décision par le juge de l’Union n’implique pas un droit à indemnisation du préjudice financier invoqué par le destinataire de cette décision, si, postérieurement à l’arrêt d’annulation, l’institution concernée adopte une décision rétroactive dont le dispositif est identique et si le juge de l’Union considère que le dispositif de cette nouvelle décision est légal.
{1} Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).
{2} Décision d’exécution C(2013) 7682 final.
{3} Article 84 du règlement no 966/2012
{4} Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).
{5} Arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission (T 381/15, non publié, EU:T:2017:57).
{6} Arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C 183/17 P et C 184/17 P, EU:C:2019:78).
{7} Arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T 381/15 RENV, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2020:406).
{8} À cette date, le 16 décembre 2014, la Commission a décidé de confier la mise en œuvre, en gestion indirecte, du programme de développement du commerce prévu par la décision d’exécution susmentionnée, à une autre organisation que le requérant.
{9} Arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C 619/20 P et C 620/20 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2022:722).
{10} En application de l’article 215 du règlement de procédure du Tribunal.
{11} En vertu de l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour.
{12} Conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous c), du règlement no 966/2012 et à l’article 62 du règlement financier (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).
{13} Consacré à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
{14} Points 189 à 194 de l’arrêt sur pourvoi.
{15} En particulier, les points 113 et 156 de l’arrêt sur pourvoi.
{16} Arrêt du 4 septembre 2024, IMG/Commission (T 509/21, EU:C:2024:xxx).
Arrêt du 4 septembre 2024, IMG / Commission (T-381/15 RENV II) (cf. points 47-50)
126. Responsabilité non contractuelle - Conditions - Illégalité - Préjudice - Lien de causalité - Décision illégale de la Commission refusant à une entité de conclure des conventions de gestion indirecte en raison de doutes concernant son statut d'organisation internationale - Violation de l'obligation de diligence - Absence d'incidence de l'illégalité constatée sur la qualité d'organisation internationale nécessaire à l'indemnisation - Absence de lien de causalité direct et certain entre cette illégalité et le préjudice allégué - Rejet du recours en indemnité dans son ensemble
Statuant en formation élargie, le Tribunal rejette comme étant non fondé le recours en indemnité introduit par International Management Group (IMG) et tendant à la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de la décision de la Commission européenne du 8 mai 2015 de ne plus conclure avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par la réglementation financière de l’Union européenne{1}, alors en vigueur, au bénéfice des organisations internationales, jusqu’à ce que son statut juridique soit définitivement clarifié (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »). Par son arrêt, le Tribunal reconnaît, pour la première fois, la possibilité pour une organisation internationale se heurtant à un refus illégal de la Commission de conclure une convention de gestion de délégation du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, de solliciter l’indemnisation de la perte de chance de conclure une telle convention.
Le requérant, International Management Group (IMG), a été créé le 25 novembre 1994 dans le but de permettre aux États et aux organisations internationales participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée.
Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie{2} à financer sur le budget général de l’Union, sur le fondement du règlement no 966/2012{3}. Cette décision prévoyait, notamment, un programme de développement du commerce dont le coût devait être financé par l’Union et dont la mise en œuvre devait être assurée en gestion conjointe avec le requérant.
Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission de l’ouverture d’une enquête sur le statut du requérant. Dans son rapport final, l’OLAF a considéré, en substance, que le requérant ne constituait pas une organisation internationale, au sens des règlements no 1605/2002{4} et no 966/2012.
Enfin, la Commission a adopté la décision du 8 mai 2015 par laquelle elle a décidé que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant au statut d’organisation internationale du requérant, ses services ne concluraient plus avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par le règlement no 966/2012.
Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal, visant à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 et à la réparation des dommages causés par celle-ci. À la suite du rejet de ce recours, par l’arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission{5}, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour. Par un arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission{6}, la Cour a annulé cet arrêt du Tribunal ainsi que la décision du 8 mai 2015 de la Commission et a renvoyé l’affaire T 381/15 devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande de réparation du requérant relative aux dommages prétendument causés par cette décision.
Par un arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission{7}, le Tribunal a rejeté la demande de réparation du requérant. Celui-ci a formé un pourvoi devant la Cour.
Le 8 juin 2021, la Commission a adopté une décision refusant de reconnaître au requérant, avec effet rétroactif au 16 décembre 2014{8}, le statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte (ci-après la « décision du 8 juin 2021 »).
Par un arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission{9}, la Cour a annulé partiellement l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire T 381/15 RENV devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument causé par la décision du 8 mai 2015.
Appréciation du Tribunal
À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, à la suite de l’annulation d’une décision du Tribunal par la Cour et du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, celui-ci est saisi par l’arrêt de la Cour{10} et doit se prononcer sur l’ensemble des conclusions présentées par la partie requérante, à l’exclusion de celles auxquelles répondent les éléments du dispositif de la décision initiale du Tribunal qui n’ont pas été annulés par la Cour ainsi que les motifs qui constituent le fondement nécessaire desdits éléments, ceux-ci étant passés en force de chose jugée{11}.
D’emblée, le Tribunal rappelle que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées.
En premier lieu, s’agissant de la condition tenant à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, le Tribunal précise que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle exerce la responsabilité, qui lui incombe, d’exécuter le budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, qui permet à cette institution de confier des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales{12}. Par ailleurs, le Tribunal souligne également que l’obligation de diligence, qui est inhérente au principe de bonne administration{13} et qui s’applique, de manière générale, à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public, impose aux institutions de l’Union d’agir avec soin et prudence en examinant tous les éléments pertinents du cas d’espèce.
Or, en l’espèce, il résulte de l’arrêt sur pourvoi{14} que la Cour a constaté l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence qui pesait sur la Commission lors de l’adoption de la décision du 8 mai 2015. Par conséquent, le Tribunal constate que la Commission a, en adoptant la décision du 8 mai 2015, méconnu l’obligation de diligence qui lui incombait et, ce faisant, commis une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union de nature à engager sa responsabilité.
En second lieu, tout préjudice dont il est demandé réparation dans le cadre d’un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, doit être réel et certain. En outre, afin que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit susceptible d’être engagée, le préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement illégal des institutions.
En toute circonstance, il incombe à la partie mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque ainsi que de l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement de l’institution en question et le dommage allégué. En outre, l’existence d’un préjudice réel et certain ne saurait être envisagée de manière abstraite par le juge de l’Union, mais doit être appréciée en fonction des circonstances de fait précises qui caractérisent chaque espèce soumise à ce dernier.
En particulier, le Tribunal constate que, lorsque la Commission refuse, de manière illégale, de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte avec une organisation internationale, il est possible que l’organisation concernée subisse, de ce fait, un préjudice correspondant à l’occasion perdue d’obtenir l’attribution de cette délégation. Or, l’exclusion totale, au titre du dommage réparable, de la perte de chance de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte ne saurait être admise en cas de violation du droit de l’Union, dès lors que, s’agissant spécialement d’un litige d’ordre économique, une telle exclusion totale de cette perte de chance serait de nature à rendre en fait impossible la réparation du dommage.
Ainsi, il résulte des considérations qui précèdent que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, lorsque la Commission refuse, de manière illégale, de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte avec une organisation internationale, l’organisation concernée peut solliciter l’indemnisation du préjudice correspondant non pas à la compensation financière des coûts indirects qu’aurait emportés la mise en œuvre d’une telle convention, mais à la perte de chance d’obtenir une telle compensation.
À cet égard, s’agissant, premièrement, de la question de l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre l’illégalité entachant la décision du 8 mai 2015 et la perte de chance invoquée par le requérant, le Tribunal rappelle que cette illégalité consiste en la violation de l’obligation de diligence qui pesait sur la Commission dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Or, l’illégalité résultant, lors de l’adoption d’une décision par une institution de l’Union, de la violation de l’obligation de diligence n’affecte pas nécessairement le bien-fondé de la décision concernée. Tel est le cas de l’illégalité affectant la décision du 8 mai 2015.
En effet, il résulte de l’arrêt sur pourvoi{15} que le constat de l’illégalité entachant la décision du 8 mai 2015 n’emportait aucune obligation pour la Commission de reconnaître au requérant le statut d’organisation internationale qu’il revendiquait, alors que cette reconnaissance constituait, aux termes de la réglementation financière de l’Union et dans le cas du requérant, une condition obligatoire pour qu’il puisse poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et, partant, pour que le Tribunal soit en mesure de constater, dans le cadre de la présente action indemnitaire, qu’il justifie d’une perte de chance de conclure de nouvelles conventions de gestion selon ce mode avec la Commission.
Par conséquent, la violation de l’obligation de diligence entachant la décision du 8 mai 2015 ne saurait être regardée comme étant la cause directe et certaine du préjudice financier qu’il invoque, à savoir la perte de chance de conclure, après cette date, en qualité d’organisation internationale, de nouvelles conventions de délégation de gestion du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et de percevoir les sommes prévues au titre de la compensation des coûts indirects.
S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si le préjudice invoqué par le requérant revêt un caractère réel et certain, il ressort de la décision du 8 juin 2021, dont le Tribunal a confirmé la légalité par un arrêt du 4 septembre 2024, IMG/Commission{16}, en rejetant comme étant non fondé le recours en annulation introduit par le requérant et dirigé contre cette décision, que celui-ci ne peut revendiquer le statut d’organisation internationale depuis le 16 décembre 2014.
Ainsi, dès lors que, conformément à la décision du 8 juin 2021, le requérant ne satisfaisait pas, à la date d’adoption de la décision du 8 mai 2015 et postérieurement, à la condition de détention du statut d’organisation internationale prévue par la réglementation financière de l’Union, il ne disposait pas de la moindre chance de poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et de percevoir, par voie de conséquence, les sommes prévues au titre de la compensation des coûts indirects.
Eu égard aux considérations qui précèdent, la présente action indemnitaire, qui est fondée sur la prémisse selon laquelle le requérant constituait une organisation internationale au sens de la réglementation financière de l’Union et, à ce titre, disposait d’une chance sérieuse de poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, ne saurait prospérer.
L’annulation d’une décision par le juge de l’Union n’implique pas un droit à indemnisation du préjudice financier invoqué par le destinataire de cette décision, si, postérieurement à l’arrêt d’annulation, l’institution concernée adopte une décision rétroactive dont le dispositif est identique et si le juge de l’Union considère que le dispositif de cette nouvelle décision est légal.
{1} Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).
{2} Décision d’exécution C(2013) 7682 final.
{3} Article 84 du règlement no 966/2012
{4} Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).
{5} Arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission (T 381/15, non publié, EU:T:2017:57).
{6} Arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C 183/17 P et C 184/17 P, EU:C:2019:78).
{7} Arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T 381/15 RENV, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2020:406).
{8} À cette date, le 16 décembre 2014, la Commission a décidé de confier la mise en œuvre, en gestion indirecte, du programme de développement du commerce prévu par la décision d’exécution susmentionnée, à une autre organisation que le requérant.
{9} Arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C 619/20 P et C 620/20 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2022:722).
{10} En application de l’article 215 du règlement de procédure du Tribunal.
{11} En vertu de l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour.
{12} Conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous c), du règlement no 966/2012 et à l’article 62 du règlement financier (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).
{13} Consacré à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
{14} Points 189 à 194 de l’arrêt sur pourvoi.
{15} En particulier, les points 113 et 156 de l’arrêt sur pourvoi.
{16} Arrêt du 4 septembre 2024, IMG/Commission (T 509/21, EU:C:2024:xxx).
Arrêt du 4 septembre 2024, IMG / Commission (T-381/15 RENV II) (cf. points 58-66, 84)
127. Responsabilité non contractuelle - Conditions - Illégalité - Préjudice - Lien de causalité - Décision illégale de la Commission refusant à une entité de conclure des conventions de gestion indirecte en raison de doutes concernant son statut d'organisation internationale - Décision rétroactive constatant l'absence de qualité d'organisation internationale pendant la période concernée - Absence de préjudice réel et certain - Rejet du recours en indemnité dans son ensemble
Statuant en formation élargie, le Tribunal rejette comme étant non fondé le recours en indemnité introduit par International Management Group (IMG) et tendant à la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de la décision de la Commission européenne du 8 mai 2015 de ne plus conclure avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par la réglementation financière de l’Union européenne{1}, alors en vigueur, au bénéfice des organisations internationales, jusqu’à ce que son statut juridique soit définitivement clarifié (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »). Par son arrêt, le Tribunal reconnaît, pour la première fois, la possibilité pour une organisation internationale se heurtant à un refus illégal de la Commission de conclure une convention de gestion de délégation du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, de solliciter l’indemnisation de la perte de chance de conclure une telle convention.
Le requérant, International Management Group (IMG), a été créé le 25 novembre 1994 dans le but de permettre aux États et aux organisations internationales participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée.
Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie{2} à financer sur le budget général de l’Union, sur le fondement du règlement no 966/2012{3}. Cette décision prévoyait, notamment, un programme de développement du commerce dont le coût devait être financé par l’Union et dont la mise en œuvre devait être assurée en gestion conjointe avec le requérant.
Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission de l’ouverture d’une enquête sur le statut du requérant. Dans son rapport final, l’OLAF a considéré, en substance, que le requérant ne constituait pas une organisation internationale, au sens des règlements no 1605/2002{4} et no 966/2012.
Enfin, la Commission a adopté la décision du 8 mai 2015 par laquelle elle a décidé que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant au statut d’organisation internationale du requérant, ses services ne concluraient plus avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par le règlement no 966/2012.
Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal, visant à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 et à la réparation des dommages causés par celle-ci. À la suite du rejet de ce recours, par l’arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission{5}, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour. Par un arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission{6}, la Cour a annulé cet arrêt du Tribunal ainsi que la décision du 8 mai 2015 de la Commission et a renvoyé l’affaire T 381/15 devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande de réparation du requérant relative aux dommages prétendument causés par cette décision.
Par un arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission{7}, le Tribunal a rejeté la demande de réparation du requérant. Celui-ci a formé un pourvoi devant la Cour.
Le 8 juin 2021, la Commission a adopté une décision refusant de reconnaître au requérant, avec effet rétroactif au 16 décembre 2014{8}, le statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte (ci-après la « décision du 8 juin 2021 »).
Par un arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission{9}, la Cour a annulé partiellement l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire T 381/15 RENV devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument causé par la décision du 8 mai 2015.
Appréciation du Tribunal
À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, à la suite de l’annulation d’une décision du Tribunal par la Cour et du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, celui-ci est saisi par l’arrêt de la Cour{10} et doit se prononcer sur l’ensemble des conclusions présentées par la partie requérante, à l’exclusion de celles auxquelles répondent les éléments du dispositif de la décision initiale du Tribunal qui n’ont pas été annulés par la Cour ainsi que les motifs qui constituent le fondement nécessaire desdits éléments, ceux-ci étant passés en force de chose jugée{11}.
D’emblée, le Tribunal rappelle que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées.
En premier lieu, s’agissant de la condition tenant à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, le Tribunal précise que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle exerce la responsabilité, qui lui incombe, d’exécuter le budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, qui permet à cette institution de confier des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales{12}. Par ailleurs, le Tribunal souligne également que l’obligation de diligence, qui est inhérente au principe de bonne administration{13} et qui s’applique, de manière générale, à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public, impose aux institutions de l’Union d’agir avec soin et prudence en examinant tous les éléments pertinents du cas d’espèce.
Or, en l’espèce, il résulte de l’arrêt sur pourvoi{14} que la Cour a constaté l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence qui pesait sur la Commission lors de l’adoption de la décision du 8 mai 2015. Par conséquent, le Tribunal constate que la Commission a, en adoptant la décision du 8 mai 2015, méconnu l’obligation de diligence qui lui incombait et, ce faisant, commis une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union de nature à engager sa responsabilité.
En second lieu, tout préjudice dont il est demandé réparation dans le cadre d’un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, doit être réel et certain. En outre, afin que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit susceptible d’être engagée, le préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement illégal des institutions.
En toute circonstance, il incombe à la partie mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque ainsi que de l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement de l’institution en question et le dommage allégué. En outre, l’existence d’un préjudice réel et certain ne saurait être envisagée de manière abstraite par le juge de l’Union, mais doit être appréciée en fonction des circonstances de fait précises qui caractérisent chaque espèce soumise à ce dernier.
En particulier, le Tribunal constate que, lorsque la Commission refuse, de manière illégale, de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte avec une organisation internationale, il est possible que l’organisation concernée subisse, de ce fait, un préjudice correspondant à l’occasion perdue d’obtenir l’attribution de cette délégation. Or, l’exclusion totale, au titre du dommage réparable, de la perte de chance de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte ne saurait être admise en cas de violation du droit de l’Union, dès lors que, s’agissant spécialement d’un litige d’ordre économique, une telle exclusion totale de cette perte de chance serait de nature à rendre en fait impossible la réparation du dommage.
Ainsi, il résulte des considérations qui précèdent que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, lorsque la Commission refuse, de manière illégale, de conclure une convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte avec une organisation internationale, l’organisation concernée peut solliciter l’indemnisation du préjudice correspondant non pas à la compensation financière des coûts indirects qu’aurait emportés la mise en œuvre d’une telle convention, mais à la perte de chance d’obtenir une telle compensation.
À cet égard, s’agissant, premièrement, de la question de l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre l’illégalité entachant la décision du 8 mai 2015 et la perte de chance invoquée par le requérant, le Tribunal rappelle que cette illégalité consiste en la violation de l’obligation de diligence qui pesait sur la Commission dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Or, l’illégalité résultant, lors de l’adoption d’une décision par une institution de l’Union, de la violation de l’obligation de diligence n’affecte pas nécessairement le bien-fondé de la décision concernée. Tel est le cas de l’illégalité affectant la décision du 8 mai 2015.
En effet, il résulte de l’arrêt sur pourvoi{15} que le constat de l’illégalité entachant la décision du 8 mai 2015 n’emportait aucune obligation pour la Commission de reconnaître au requérant le statut d’organisation internationale qu’il revendiquait, alors que cette reconnaissance constituait, aux termes de la réglementation financière de l’Union et dans le cas du requérant, une condition obligatoire pour qu’il puisse poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et, partant, pour que le Tribunal soit en mesure de constater, dans le cadre de la présente action indemnitaire, qu’il justifie d’une perte de chance de conclure de nouvelles conventions de gestion selon ce mode avec la Commission.
Par conséquent, la violation de l’obligation de diligence entachant la décision du 8 mai 2015 ne saurait être regardée comme étant la cause directe et certaine du préjudice financier qu’il invoque, à savoir la perte de chance de conclure, après cette date, en qualité d’organisation internationale, de nouvelles conventions de délégation de gestion du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et de percevoir les sommes prévues au titre de la compensation des coûts indirects.
S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si le préjudice invoqué par le requérant revêt un caractère réel et certain, il ressort de la décision du 8 juin 2021, dont le Tribunal a confirmé la légalité par un arrêt du 4 septembre 2024, IMG/Commission{16}, en rejetant comme étant non fondé le recours en annulation introduit par le requérant et dirigé contre cette décision, que celui-ci ne peut revendiquer le statut d’organisation internationale depuis le 16 décembre 2014.
Ainsi, dès lors que, conformément à la décision du 8 juin 2021, le requérant ne satisfaisait pas, à la date d’adoption de la décision du 8 mai 2015 et postérieurement, à la condition de détention du statut d’organisation internationale prévue par la réglementation financière de l’Union, il ne disposait pas de la moindre chance de poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte et de percevoir, par voie de conséquence, les sommes prévues au titre de la compensation des coûts indirects.
Eu égard aux considérations qui précèdent, la présente action indemnitaire, qui est fondée sur la prémisse selon laquelle le requérant constituait une organisation internationale au sens de la réglementation financière de l’Union et, à ce titre, disposait d’une chance sérieuse de poursuivre l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte, ne saurait prospérer.
L’annulation d’une décision par le juge de l’Union n’implique pas un droit à indemnisation du préjudice financier invoqué par le destinataire de cette décision, si, postérieurement à l’arrêt d’annulation, l’institution concernée adopte une décision rétroactive dont le dispositif est identique et si le juge de l’Union considère que le dispositif de cette nouvelle décision est légal.
{1} Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).
{2} Décision d’exécution C(2013) 7682 final.
{3} Article 84 du règlement no 966/2012
{4} Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).
{5} Arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission (T 381/15, non publié, EU:T:2017:57).
{6} Arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C 183/17 P et C 184/17 P, EU:C:2019:78).
{7} Arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T 381/15 RENV, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2020:406).
{8} À cette date, le 16 décembre 2014, la Commission a décidé de confier la mise en œuvre, en gestion indirecte, du programme de développement du commerce prévu par la décision d’exécution susmentionnée, à une autre organisation que le requérant.
{9} Arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C 619/20 P et C 620/20 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2022:722).
{10} En application de l’article 215 du règlement de procédure du Tribunal.
{11} En vertu de l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour.
{12} Conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous c), du règlement no 966/2012 et à l’article 62 du règlement financier (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).
{13} Consacré à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
{14} Points 189 à 194 de l’arrêt sur pourvoi.
{15} En particulier, les points 113 et 156 de l’arrêt sur pourvoi.
{16} Arrêt du 4 septembre 2024, IMG/Commission (T 509/21, EU:C:2024:xxx).
Arrêt du 4 septembre 2024, IMG / Commission (T-381/15 RENV II) (cf. points 67-69, 84)
128. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Exécution en gestion indirecte - Procédure spéciale réservée aux organisations internationales - Réévaluation rétroactive par la Commission du statut juridique de l'entité concernée - Violation de l'article 266 TFUE, de l'autorité de la chose jugée et du principe de non-rétroactivité - Absence
Statuant en formation élargie, le Tribunal rejette le recours introduit par International Management Group (IMG) tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 8 juin 2021 par laquelle la Commission européenne a refusé de lui reconnaître, avec effet rétroactif au 16 décembre 2014, le statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union européenne pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte{1} (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis. L’examen de la légalité de la décision attaquée donne l’opportunité au Tribunal de préciser, d’une part, le degré de contrôle approprié du juge de l’Union en la matière ainsi que, d’autre part, les notions d’« accord international » et d’« organisation internationale », telles que définies par des instruments du droit international public et la jurisprudence, notamment celle des juridictions internationales.
IMG, le requérant, a été créé le 25 novembre 1994{2}, dans le but de permettre aux États et aux organisations internationales participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée.
Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie{3} à financer sur le budget général de l’Union, sur le fondement du règlement no 966/2012{4}. Cette décision prévoyait, notamment, un programme de développement du commerce dont le coût devait être financé par l’Union et dont la mise en œuvre devait être assurée en gestion conjointe avec le requérant.
Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission de l’ouverture d’une enquête sur le statut du requérant. Le 15 décembre 2014, la Commission a reçu le rapport établi par l’OLAF au terme de son enquête. Dans ce rapport, l’OLAF a considéré, en substance, que le requérant ne constituait pas une organisation internationale, au sens du règlement no 1605/2002{5} et du règlement no 966/2012 qui lui a succédé
Le 16 décembre 2014, la Commission a décidé de confier la mise en œuvre, en gestion indirecte, du programme de développement du commerce prévu par la décision d’exécution susmentionnée à une autre organisation que le requérant (ci-après la « décision du 16 décembre 2014 »)
Enfin, le 8 mai 2015, la Commission a adressé au requérant une lettre pour l’informer des suites qu’elle entendait donner au rapport de l’OLAF, et dans laquelle elle a indiqué qu’elle avait décidé, entre autres, que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant à son statut d’organisation internationale, ses services ne concluraient plus avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par le règlement no 966/2012 (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »).
Le requérant a introduit deux recours devant le Tribunal, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 décembre 2014 et, d’autre part, à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 ainsi qu’à la réparation des dommages causés par celle-ci. À la suite du rejet de ces deux recours, par les arrêts du 2 février 2017, International Management Group/Commission{6}, et du 2 février 2017, IMG/Commission{7}, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour. Par un arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission{8}, la Cour a annulé ces deux arrêts du Tribunal ainsi que les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 et a renvoyé l’affaire T 381/15 devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande de réparation du requérant relative aux dommages prétendument causés par la décision du 8 mai 2015.
Par un arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission{9}, le Tribunal a rejeté la demande du requérant tendant à la réparation des préjudices prétendument causés par la décision du 8 mai 2015. Celui-ci a formé un pourvoi devant la Cour.
Le 8 juin 2021, après des échanges avec le requérant qui a présenté ses observations, la Commission a finalement adopté la décision attaquée.
Par un arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission{10}, la Cour a annulé partiellement l’arrêt du Tribunal du 9 septembre 2020 et a renvoyé l’affaire T 381/15 RENV devant lui pour qu’il soit statué sur la demande du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument causé par la décision du 8 mai 2015.
Appréciation du Tribunal
Dans un premier temps, le Tribunal rejette les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision attaquée.
Le Tribunal constate, tout d’abord, que la décision attaquée a suffisamment exposé les considérations juridiques et factuelles sur lesquelles elle était fondée et qui étaient de nature à mettre le requérant à même d’en apprécier la légalité et à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle
Ensuite, le Tribunal rejette le premier moyen du requérant, tiré de plusieurs erreurs de droit, notamment de la violation de l’article 266 TFUE, de l’autorité de la chose jugée, du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union et du principe d’égalité. Le Tribunal rejette également le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique ainsi que le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de diligence et du principe d’impartialité.
Enfin, le Tribunal rejette le quatrième moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit par lesquelles le requérant reprochait à la Commission d’avoir refusé de qualifier son acte constitutif d’accord international instituant une organisation internationale et de lui reconnaître le statut d’organisation internationale nonobstant la pratique ultérieure de ses membres
- Sur le degré de contrôle du juge de l’Union en l’espèce
Dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, le Tribunal apporte des précisions sur le degré de contrôle du juge de l’Union sur la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée. Il rappelle, à cet égard, que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle exerce sa responsabilité d’exécuter le budget de l’Union, en particulier, lorsqu’elle choisit d’exécuter ce budget selon le mode de la gestion indirecte et que, en application de cette modalité de gestion, elle confie des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales. Ainsi, lorsque la Commission exerce les prérogatives définies ci-dessus, les décisions faisant grief qu’elle adopte dans ce cadre sont soumises à un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation de la part du Tribunal, sans préjudice de l’examen des autres motifs d’illégalité susceptibles d’être invoqués dans le cadre d’un recours en annulation, conformément à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE
Néanmoins, lorsque, comme en l’espèce, la Commission refuse de confier à une organisation des tâches d’exécution budgétaire selon le mode de la gestion indirecte au motif que cette organisation ne revêt pas le statut d’organisation internationale, la légalité d’une telle décision est soumise à un contrôle du Tribunal, à la fois, de l’erreur de droit et de l’erreur manifeste d’appréciation.
En effet, en pareille hypothèse, la mise en œuvre par la Commission des normes à caractère général qui permettent de définir et d’identifier des organisations internationales relève d’un contrôle de l’erreur de droit, tandis que l’interprétation des règles propres de l’organisation qui prétend être une organisation internationale en vue de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte ainsi que l’interprétation des prises de position de ses membres, qui sont susceptibles de revêtir une certaine complexité, sont soumises à un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation.
- Sur les notions d’« organisation internationale » et d’ « accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget selon le mode de la gestion indirecte
À titre liminaire, le Tribunal rappelle que la notion d’« organisation internationale », telle que définie par les dispositions successives de la réglementation financière de l’Union{11}, recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux. En effet, le droit de l’Union doit être interprété à la lumière des règles pertinentes du droit international, ce droit faisant partie de l’ordre juridique de l’Union et liant ses institutions.
Toutefois, dans la mesure où les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » sont utilisées par la réglementation financière de l’Union en vue de la finalité spécifique de l’exécution de son budget, elles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, et ce afin de protéger les intérêts financiers de l’Union.
Ainsi, dans un litige tel que celui de l’espèce, le Tribunal doit faire application des notions du droit international public auxquelles se réfère la réglementation financière de l’Union en recourant aux instruments de ce droit qui définissent ces notions, tels qu’interprétés selon la jurisprudence. En particulier, dans la présente affaire, le Tribunal interprète les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget en gestion indirecte à la lumière des principes coutumiers du droit international public contenus, notamment, dans la convention de Vienne{12} et le projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales{13}.
À cet égard, il ressort de l’article 2, paragraphe 1, sous i), de la convention de Vienne que l’expression « organisation internationale » s’entend d’une organisation intergouvernementale. Par ailleurs, l’article 2, sous a), du projet d’articles précise que cette expression désigne toute organisation instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international et dotée d’une personnalité juridique internationale propre et que, outre des États, une organisation internationale peut comprendre parmi ses membres des entités autres que des États.
En premier lieu, s’agissant de la condition afférente à l’institution par un traité ou un autre instrument régi par le droit international, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne que l’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière. Ainsi, ce ou ces instruments peuvent constituer l’expression du concours de volontés de deux ou de plusieurs sujets de droit international qu’ils formalisent. En outre, il résulte de la jurisprudence des juridictions internationales que, quelle que soit son importance sur le plan politique, un document signé par des États ne saurait constituer un accord international s’il ne contient aucune disposition créant des droits ou des obligations auxquels ces États auraient consenti{14}.
En second lieu, s’agissant de la condition afférente à la possession d’une personnalité juridique internationale propre, il ressort de la jurisprudence des juridictions internationales que, premièrement, la reconnaissance d’une organisation internationale est subordonnée à la détention, par l’organisation concernée, d’une personnalité morale. En effet, une entité instituée par des États et, le cas échéant, par une ou plusieurs organisations internationales ne revêt pas, en l’absence d’une personnalité juridique qui lui est propre, le caractère d’une organisation internationale, mais celui d’un organe dépendant soit des États qui l’ont constitué{15}, soit d’une organisation internationale auprès de laquelle cette entité est hébergée{16}.
Deuxièmement, il ressort également de la jurisprudence des juridictions internationales que les organisations internationales bénéficient, en principe, de privilèges et d’immunités qui sont nécessaires à l’exercice de leurs missions{17}. En effet, à la différence de l’immunité juridictionnelle des États, fondée sur le principe « par in parem non habet imperium », les immunités des organisations internationales sont, en principe, conférées par les traités constitutifs de ces organisations et revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’elles visent à éviter qu’une entrave soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance des organisations concernées.
Troisièmement, il résulte de la jurisprudence que les actes constitutifs des organisations internationales sont des traités d’un type particulier, en ce qu’ils ont pour objet de créer des sujets de droit nouveaux, dotés d’une certaine autonomie, auxquels les parties confient pour tâche la réalisation de buts communs. Ainsi, les organisations internationales sont régies par le « principe de spécialité », c’est-à-dire qu’elles sont dotées par les États qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir et qui font normalement l’objet d’une formulation expresse dans leur acte constitutif{18}.
Ainsi, une organisation internationale ne peut être réduite à un simple mécanisme facultatif mis à la disposition des parties que chacune d’entre elles pourrait utiliser à sa guise. En effet, en créant une organisation internationale et en la dotant de tous les moyens nécessaires à son fonctionnement, ses fondateurs manifestent leur volonté de donner les meilleures garanties de stabilité, de continuité et d’efficacité à l’exercice des missions confiées à cette organisation, de sorte qu’ils ne peuvent sortir unilatéralement et au moment qu’ils jugent opportun de ce cadre, ni lui substituer d’autres canaux de communication{19}.
- Sur la qualification par le Tribunal de l’acte fondateur d’IMG d’« accord international »
Le Tribunal examine le contenu et la portée de la résolution du 25 novembre 1994, afin de déterminer si ce document comporte des engagements juridiquement contraignants pour ses signataires.
À cet égard, le Tribunal relève qu’il ressort des termes de la résolution du 25 novembre 1994 que ses signataires ont approuvé des règles d’organisation du requérant, notamment en confirmant son directeur général et en décidant de la mise en place d’un comité de gouvernance en son sein. En particulier, si cette résolution n’emportait aucune obligation pour ses auteurs de devenir membres du requérant, son point 5 prévoyait l’obligation pour les États signataires de décider d’intégrer le requérant dans le cadre global pour la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine ou de mettre progressivement un terme à ses activités. Ainsi, ladite résolution comportait bien au moins un engagement juridiquement contraignant pour ses signataires, de sorte qu’elle ne saurait être regardée comme étant une déclaration dont la portée serait exclusivement politique.
Par conséquent, le Tribunal juge que la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 constituait une déclaration politique dépourvue de caractère juridiquement contraignant.
Le Tribunal estime également que la Commission a entaché la décision attaquée d’une autre erreur de droit en refusant de qualifier cette résolution d’accord international, en raison de l’absence des pleins pouvoirs des participants à la réunion du même jour, dès lors que la signature de ladite résolution a été confirmée ultérieurement par au moins deux États.
À cet égard, le Tribunal rappelle que lorsqu’un document est signé par des personnes qui n’ont pas l’autorité nécessaire pour engager les États dont elles relèvent, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, un tel document ne saurait être considéré comme un accord international juridiquement contraignant, sauf à ce que ces personnes soient habilitées à engager lesdits États sans avoir à produire de pleins pouvoirs, en application du paragraphe 2 du même article{20}.
Toutefois, en l’espèce, le Tribunal constate que, par leur participation à l’adoption des statuts initiaux ou ultérieurs du requérant ou en siégeant au sein de son comité de gouvernance ou de son comité permanent, certains États signataires de la résolution du 25 novembre 1994 ont agi de manière telle qu’ils ont laissé paraître comme acquis les actes de signature de cet acte par leurs représentants et ont ainsi confirmé ultérieurement, au sens de l’article 8 de la convention de Vienne, la signature de cette résolution qui avait pour but d’instituer le requérant.
Cependant, le Tribunal estime que ces erreurs de droit demeurent, à ce stade de l’examen, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’elles n’affectent pas la condition prévue par la réglementation financière de l’Union selon laquelle le requérant, pour pouvoir bénéficier de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte prévu au bénéfice des organisations internationales, doit avoir été fondé par un accord international ayant eu pour objet de l’instituer en qualité d’organisation internationale. Dès lors, les illégalités constatées ne sont pas, à elles seules, de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée.
- Sur l’interprétation par le Tribunal de l’intention des signataires de l’acte fondateur d’IMG et de la pratique ultérieure des États signataires et des États membres de cette entité
En l’espèce, le Tribunal estime que la Commission n’a pas entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 n’avait eu ni pour objet ni pour effet de conférer au requérant le statut d’organisation internationale.
À cet égard, le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 31 de la convention de Vienne, qui exprime le droit coutumier international, un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes de ce traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
Le Tribunal estime ensuite que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, dans la décision attaquée, que la pratique ultérieure faisant suite à l’adoption de la résolution du 25 novembre 1994, puis à l’adoption des statuts initiaux et des statuts de 2012 n’attestait pas une reconnaissance suffisamment large et claire de la qualité d’organisation internationale du requérant, tant de la part des signataires de cette résolution que de ses membres.
À cet égard, le Tribunal s’appuie sur la jurisprudence selon laquelle des instruments ne sauraient être considérés comme constitutifs d’un accord ultérieur ou d’une pratique ultérieure établissant l’accord des parties à l’égard de l’interprétation d’un traité, au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous a) et b), de la convention de Vienne, si ces instruments ont été adoptés sans l’appui de tous les États parties audit traité{21}.
Dans un second temps, le Tribunal rejette les conclusions indemnitaires du requérant tendant à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis, en rappelant notamment que les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée ont été rejetées, de sorte que n’est pas satisfaite la première condition permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et tenant à l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).
{2} Création par le document du 25 novembre 1994 relatif à l’établissement d’International Management Group - Infrastructure pour la Bosnie-Herzégovine (IMG-IBH) (ci-après la « résolution du 25 novembre 1994 »).
{3} Décision d’exécution C(2013) 7682 final.
{4} Article 84 du règlement no 966/2012.
{5} Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).
{6} Arrêt du 2 février 2017, International Management Group/Commission (T 29/15, non publié, EU:T:2017:56).
{7} Arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission (T 381/15, non publié, EU:T:2017:57).
{8} Arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C 183/17 P et C 184/17 P, EU:C:2019:78).
{9} Arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T 381/15 RENV, EU:T:2020:406).
{10} Arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C 619/20 P et C 620/20 P, EU:C:2022:722).
{11} La notion d’« organisation internationale », mentionnée aux articles 53 et 53 quinquies du règlement no 1605/2002, à l’article 58 du règlement no 966/2012 et à l’article 62 du règlement 2018/1046, a été définie, dans des termes quasiment identiques, à l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 2342/2002, puis à l’article 43, paragraphe 1, du règlement délégué no 1268/2012, qui a abrogé et remplacé le règlement no 2342/2002, et à l’article 156 du règlement 2018/1046. Ainsi, en vertu de ces trois dernières dispositions, cette notion recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux.
{12} Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne »).
{13} Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales adopté par la Commission du droit international des Nations unies à sa soixante-troisième session, en 2011, et soumis à l’Assemblée générale dans le cadre de son rapport sur les travaux de ladite session (A/66/10) [Annuaire de la Commission du droit international, 2011, vol. II(2), ci-après le « projet d’articles »).
{14} Voir arrêt de la Cour internationale de justice, Obligation de négocier un accès à l’océan pacifique (Bolivie c. Chili), du 1er octobre 2018, Recueil 2018, p. 507, points 105 et 106 et jurisprudence citée.
{15} Voir, en ce sens, arrêt de la Cour internationale de justice, Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), du 26 juin 1992, exceptions préliminaires, Recueil 1992, p. 240, point 47.
{16} Voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, points 57 et 61.
{17} Voir, en ce sens, arrêt de la Cour permanente d’arbitrage, Dr. Reineccius e.a. c. Bank for International Settlements, du 22 novembre 2002, affaire no 2000-04, point 108 ; avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, point 58 et arrêt de la Cour internationale de justice, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), du 20 avril 2010, Recueil 2010, p. 14, point 88.
{18} Voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p. 66, points 19 et 25 ; arrêts de la Cour internationale de justice, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, du 11 juin 1998, exceptions préliminaires, Recue...
Arrêt du 4 septembre 2024, IMG / Commission (T-509/21) (cf. points 100-105, 120, 128-134, 138, 178)
129. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Exécution en gestion indirecte - Procédure spéciale réservée aux organisations internationales - Remise en cause, par la Commission, de la qualité d'organisation internationale d'une entité - Obligation de contrôler le statut de l'entité au regard de la définition prévue dans la réglementation applicable - Contrôle juridictionnel - Portée - Contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit
Statuant en formation élargie, le Tribunal rejette le recours introduit par International Management Group (IMG) tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 8 juin 2021 par laquelle la Commission européenne a refusé de lui reconnaître, avec effet rétroactif au 16 décembre 2014, le statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union européenne pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte{1} (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis. L’examen de la légalité de la décision attaquée donne l’opportunité au Tribunal de préciser, d’une part, le degré de contrôle approprié du juge de l’Union en la matière ainsi que, d’autre part, les notions d’« accord international » et d’« organisation internationale », telles que définies par des instruments du droit international public et la jurisprudence, notamment celle des juridictions internationales.
IMG, le requérant, a été créé le 25 novembre 1994{2}, dans le but de permettre aux États et aux organisations internationales participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée.
Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie{3} à financer sur le budget général de l’Union, sur le fondement du règlement no 966/2012{4}. Cette décision prévoyait, notamment, un programme de développement du commerce dont le coût devait être financé par l’Union et dont la mise en œuvre devait être assurée en gestion conjointe avec le requérant.
Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission de l’ouverture d’une enquête sur le statut du requérant. Le 15 décembre 2014, la Commission a reçu le rapport établi par l’OLAF au terme de son enquête. Dans ce rapport, l’OLAF a considéré, en substance, que le requérant ne constituait pas une organisation internationale, au sens du règlement no 1605/2002{5} et du règlement no 966/2012 qui lui a succédé
Le 16 décembre 2014, la Commission a décidé de confier la mise en œuvre, en gestion indirecte, du programme de développement du commerce prévu par la décision d’exécution susmentionnée à une autre organisation que le requérant (ci-après la « décision du 16 décembre 2014 »)
Enfin, le 8 mai 2015, la Commission a adressé au requérant une lettre pour l’informer des suites qu’elle entendait donner au rapport de l’OLAF, et dans laquelle elle a indiqué qu’elle avait décidé, entre autres, que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant à son statut d’organisation internationale, ses services ne concluraient plus avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par le règlement no 966/2012 (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »).
Le requérant a introduit deux recours devant le Tribunal, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 décembre 2014 et, d’autre part, à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 ainsi qu’à la réparation des dommages causés par celle-ci. À la suite du rejet de ces deux recours, par les arrêts du 2 février 2017, International Management Group/Commission{6}, et du 2 février 2017, IMG/Commission{7}, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour. Par un arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission{8}, la Cour a annulé ces deux arrêts du Tribunal ainsi que les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 et a renvoyé l’affaire T 381/15 devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande de réparation du requérant relative aux dommages prétendument causés par la décision du 8 mai 2015.
Par un arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission{9}, le Tribunal a rejeté la demande du requérant tendant à la réparation des préjudices prétendument causés par la décision du 8 mai 2015. Celui-ci a formé un pourvoi devant la Cour.
Le 8 juin 2021, après des échanges avec le requérant qui a présenté ses observations, la Commission a finalement adopté la décision attaquée.
Par un arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission{10}, la Cour a annulé partiellement l’arrêt du Tribunal du 9 septembre 2020 et a renvoyé l’affaire T 381/15 RENV devant lui pour qu’il soit statué sur la demande du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument causé par la décision du 8 mai 2015.
Appréciation du Tribunal
Dans un premier temps, le Tribunal rejette les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision attaquée.
Le Tribunal constate, tout d’abord, que la décision attaquée a suffisamment exposé les considérations juridiques et factuelles sur lesquelles elle était fondée et qui étaient de nature à mettre le requérant à même d’en apprécier la légalité et à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle
Ensuite, le Tribunal rejette le premier moyen du requérant, tiré de plusieurs erreurs de droit, notamment de la violation de l’article 266 TFUE, de l’autorité de la chose jugée, du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union et du principe d’égalité. Le Tribunal rejette également le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique ainsi que le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de diligence et du principe d’impartialité.
Enfin, le Tribunal rejette le quatrième moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit par lesquelles le requérant reprochait à la Commission d’avoir refusé de qualifier son acte constitutif d’accord international instituant une organisation internationale et de lui reconnaître le statut d’organisation internationale nonobstant la pratique ultérieure de ses membres
- Sur le degré de contrôle du juge de l’Union en l’espèce
Dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, le Tribunal apporte des précisions sur le degré de contrôle du juge de l’Union sur la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée. Il rappelle, à cet égard, que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle exerce sa responsabilité d’exécuter le budget de l’Union, en particulier, lorsqu’elle choisit d’exécuter ce budget selon le mode de la gestion indirecte et que, en application de cette modalité de gestion, elle confie des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales. Ainsi, lorsque la Commission exerce les prérogatives définies ci-dessus, les décisions faisant grief qu’elle adopte dans ce cadre sont soumises à un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation de la part du Tribunal, sans préjudice de l’examen des autres motifs d’illégalité susceptibles d’être invoqués dans le cadre d’un recours en annulation, conformément à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE
Néanmoins, lorsque, comme en l’espèce, la Commission refuse de confier à une organisation des tâches d’exécution budgétaire selon le mode de la gestion indirecte au motif que cette organisation ne revêt pas le statut d’organisation internationale, la légalité d’une telle décision est soumise à un contrôle du Tribunal, à la fois, de l’erreur de droit et de l’erreur manifeste d’appréciation.
En effet, en pareille hypothèse, la mise en œuvre par la Commission des normes à caractère général qui permettent de définir et d’identifier des organisations internationales relève d’un contrôle de l’erreur de droit, tandis que l’interprétation des règles propres de l’organisation qui prétend être une organisation internationale en vue de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte ainsi que l’interprétation des prises de position de ses membres, qui sont susceptibles de revêtir une certaine complexité, sont soumises à un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation.
- Sur les notions d’« organisation internationale » et d’ « accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget selon le mode de la gestion indirecte
À titre liminaire, le Tribunal rappelle que la notion d’« organisation internationale », telle que définie par les dispositions successives de la réglementation financière de l’Union{11}, recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux. En effet, le droit de l’Union doit être interprété à la lumière des règles pertinentes du droit international, ce droit faisant partie de l’ordre juridique de l’Union et liant ses institutions.
Toutefois, dans la mesure où les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » sont utilisées par la réglementation financière de l’Union en vue de la finalité spécifique de l’exécution de son budget, elles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, et ce afin de protéger les intérêts financiers de l’Union.
Ainsi, dans un litige tel que celui de l’espèce, le Tribunal doit faire application des notions du droit international public auxquelles se réfère la réglementation financière de l’Union en recourant aux instruments de ce droit qui définissent ces notions, tels qu’interprétés selon la jurisprudence. En particulier, dans la présente affaire, le Tribunal interprète les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget en gestion indirecte à la lumière des principes coutumiers du droit international public contenus, notamment, dans la convention de Vienne{12} et le projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales{13}.
À cet égard, il ressort de l’article 2, paragraphe 1, sous i), de la convention de Vienne que l’expression « organisation internationale » s’entend d’une organisation intergouvernementale. Par ailleurs, l’article 2, sous a), du projet d’articles précise que cette expression désigne toute organisation instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international et dotée d’une personnalité juridique internationale propre et que, outre des États, une organisation internationale peut comprendre parmi ses membres des entités autres que des États.
En premier lieu, s’agissant de la condition afférente à l’institution par un traité ou un autre instrument régi par le droit international, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne que l’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière. Ainsi, ce ou ces instruments peuvent constituer l’expression du concours de volontés de deux ou de plusieurs sujets de droit international qu’ils formalisent. En outre, il résulte de la jurisprudence des juridictions internationales que, quelle que soit son importance sur le plan politique, un document signé par des États ne saurait constituer un accord international s’il ne contient aucune disposition créant des droits ou des obligations auxquels ces États auraient consenti{14}.
En second lieu, s’agissant de la condition afférente à la possession d’une personnalité juridique internationale propre, il ressort de la jurisprudence des juridictions internationales que, premièrement, la reconnaissance d’une organisation internationale est subordonnée à la détention, par l’organisation concernée, d’une personnalité morale. En effet, une entité instituée par des États et, le cas échéant, par une ou plusieurs organisations internationales ne revêt pas, en l’absence d’une personnalité juridique qui lui est propre, le caractère d’une organisation internationale, mais celui d’un organe dépendant soit des États qui l’ont constitué{15}, soit d’une organisation internationale auprès de laquelle cette entité est hébergée{16}.
Deuxièmement, il ressort également de la jurisprudence des juridictions internationales que les organisations internationales bénéficient, en principe, de privilèges et d’immunités qui sont nécessaires à l’exercice de leurs missions{17}. En effet, à la différence de l’immunité juridictionnelle des États, fondée sur le principe « par in parem non habet imperium », les immunités des organisations internationales sont, en principe, conférées par les traités constitutifs de ces organisations et revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’elles visent à éviter qu’une entrave soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance des organisations concernées.
Troisièmement, il résulte de la jurisprudence que les actes constitutifs des organisations internationales sont des traités d’un type particulier, en ce qu’ils ont pour objet de créer des sujets de droit nouveaux, dotés d’une certaine autonomie, auxquels les parties confient pour tâche la réalisation de buts communs. Ainsi, les organisations internationales sont régies par le « principe de spécialité », c’est-à-dire qu’elles sont dotées par les États qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir et qui font normalement l’objet d’une formulation expresse dans leur acte constitutif{18}.
Ainsi, une organisation internationale ne peut être réduite à un simple mécanisme facultatif mis à la disposition des parties que chacune d’entre elles pourrait utiliser à sa guise. En effet, en créant une organisation internationale et en la dotant de tous les moyens nécessaires à son fonctionnement, ses fondateurs manifestent leur volonté de donner les meilleures garanties de stabilité, de continuité et d’efficacité à l’exercice des missions confiées à cette organisation, de sorte qu’ils ne peuvent sortir unilatéralement et au moment qu’ils jugent opportun de ce cadre, ni lui substituer d’autres canaux de communication{19}.
- Sur la qualification par le Tribunal de l’acte fondateur d’IMG d’« accord international »
Le Tribunal examine le contenu et la portée de la résolution du 25 novembre 1994, afin de déterminer si ce document comporte des engagements juridiquement contraignants pour ses signataires.
À cet égard, le Tribunal relève qu’il ressort des termes de la résolution du 25 novembre 1994 que ses signataires ont approuvé des règles d’organisation du requérant, notamment en confirmant son directeur général et en décidant de la mise en place d’un comité de gouvernance en son sein. En particulier, si cette résolution n’emportait aucune obligation pour ses auteurs de devenir membres du requérant, son point 5 prévoyait l’obligation pour les États signataires de décider d’intégrer le requérant dans le cadre global pour la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine ou de mettre progressivement un terme à ses activités. Ainsi, ladite résolution comportait bien au moins un engagement juridiquement contraignant pour ses signataires, de sorte qu’elle ne saurait être regardée comme étant une déclaration dont la portée serait exclusivement politique.
Par conséquent, le Tribunal juge que la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 constituait une déclaration politique dépourvue de caractère juridiquement contraignant.
Le Tribunal estime également que la Commission a entaché la décision attaquée d’une autre erreur de droit en refusant de qualifier cette résolution d’accord international, en raison de l’absence des pleins pouvoirs des participants à la réunion du même jour, dès lors que la signature de ladite résolution a été confirmée ultérieurement par au moins deux États.
À cet égard, le Tribunal rappelle que lorsqu’un document est signé par des personnes qui n’ont pas l’autorité nécessaire pour engager les États dont elles relèvent, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, un tel document ne saurait être considéré comme un accord international juridiquement contraignant, sauf à ce que ces personnes soient habilitées à engager lesdits États sans avoir à produire de pleins pouvoirs, en application du paragraphe 2 du même article{20}.
Toutefois, en l’espèce, le Tribunal constate que, par leur participation à l’adoption des statuts initiaux ou ultérieurs du requérant ou en siégeant au sein de son comité de gouvernance ou de son comité permanent, certains États signataires de la résolution du 25 novembre 1994 ont agi de manière telle qu’ils ont laissé paraître comme acquis les actes de signature de cet acte par leurs représentants et ont ainsi confirmé ultérieurement, au sens de l’article 8 de la convention de Vienne, la signature de cette résolution qui avait pour but d’instituer le requérant.
Cependant, le Tribunal estime que ces erreurs de droit demeurent, à ce stade de l’examen, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’elles n’affectent pas la condition prévue par la réglementation financière de l’Union selon laquelle le requérant, pour pouvoir bénéficier de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte prévu au bénéfice des organisations internationales, doit avoir été fondé par un accord international ayant eu pour objet de l’instituer en qualité d’organisation internationale. Dès lors, les illégalités constatées ne sont pas, à elles seules, de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée.
- Sur l’interprétation par le Tribunal de l’intention des signataires de l’acte fondateur d’IMG et de la pratique ultérieure des États signataires et des États membres de cette entité
En l’espèce, le Tribunal estime que la Commission n’a pas entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 n’avait eu ni pour objet ni pour effet de conférer au requérant le statut d’organisation internationale.
À cet égard, le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 31 de la convention de Vienne, qui exprime le droit coutumier international, un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes de ce traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
Le Tribunal estime ensuite que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, dans la décision attaquée, que la pratique ultérieure faisant suite à l’adoption de la résolution du 25 novembre 1994, puis à l’adoption des statuts initiaux et des statuts de 2012 n’attestait pas une reconnaissance suffisamment large et claire de la qualité d’organisation internationale du requérant, tant de la part des signataires de cette résolution que de ses membres.
À cet égard, le Tribunal s’appuie sur la jurisprudence selon laquelle des instruments ne sauraient être considérés comme constitutifs d’un accord ultérieur ou d’une pratique ultérieure établissant l’accord des parties à l’égard de l’interprétation d’un traité, au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous a) et b), de la convention de Vienne, si ces instruments ont été adoptés sans l’appui de tous les États parties audit traité{21}.
Dans un second temps, le Tribunal rejette les conclusions indemnitaires du requérant tendant à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis, en rappelant notamment que les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée ont été rejetées, de sorte que n’est pas satisfaite la première condition permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et tenant à l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).
{2} Création par le document du 25 novembre 1994 relatif à l’établissement d’International Management Group - Infrastructure pour la Bosnie-Herzégovine (IMG-IBH) (ci-après la « résolution du 25 novembre 1994 »).
{3} Décision d’exécution C(2013) 7682 final.
{4} Article 84 du règlement no 966/2012.
{5} Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).
{6} Arrêt du 2 février 2017, International Management Group/Commission (T 29/15, non publié, EU:T:2017:56).
{7} Arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission (T 381/15, non publié, EU:T:2017:57).
{8} Arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C 183/17 P et C 184/17 P, EU:C:2019:78).
{9} Arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T 381/15 RENV, EU:T:2020:406).
{10} Arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C 619/20 P et C 620/20 P, EU:C:2022:722).
{11} La notion d’« organisation internationale », mentionnée aux articles 53 et 53 quinquies du règlement no 1605/2002, à l’article 58 du règlement no 966/2012 et à l’article 62 du règlement 2018/1046, a été définie, dans des termes quasiment identiques, à l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 2342/2002, puis à l’article 43, paragraphe 1, du règlement délégué no 1268/2012, qui a abrogé et remplacé le règlement no 2342/2002, et à l’article 156 du règlement 2018/1046. Ainsi, en vertu de ces trois dernières dispositions, cette notion recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux.
{12} Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne »).
{13} Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales adopté par la Commission du droit international des Nations unies à sa soixante-troisième session, en 2011, et soumis à l’Assemblée générale dans le cadre de son rapport sur les travaux de ladite session (A/66/10) [Annuaire de la Commission du droit international, 2011, vol. II(2), ci-après le « projet d’articles »).
{14} Voir arrêt de la Cour internationale de justice, Obligation de négocier un accès à l’océan pacifique (Bolivie c. Chili), du 1er octobre 2018, Recueil 2018, p. 507, points 105 et 106 et jurisprudence citée.
{15} Voir, en ce sens, arrêt de la Cour internationale de justice, Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), du 26 juin 1992, exceptions préliminaires, Recueil 1992, p. 240, point 47.
{16} Voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, points 57 et 61.
{17} Voir, en ce sens, arrêt de la Cour permanente d’arbitrage, Dr. Reineccius e.a. c. Bank for International Settlements, du 22 novembre 2002, affaire no 2000-04, point 108 ; avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, point 58 et arrêt de la Cour internationale de justice, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), du 20 avril 2010, Recueil 2010, p. 14, point 88.
{18} Voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p. 66, points 19 et 25 ; arrêts de la Cour internationale de justice, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, du 11 juin 1998, exceptions préliminaires, Recue...
Arrêt du 4 septembre 2024, IMG / Commission (T-509/21) (cf. points 183, 186, 191-195)
130. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Exécution du budget - Exécution en gestion indirecte - Procédure spéciale réservée aux organisations internationales - Organisation internationale - Notion - Accord international - Notion - Portée - Interprétation du droit de l'Union à la lumière du droit international - Limites - Interprétation stricte
Statuant en formation élargie, le Tribunal rejette le recours introduit par International Management Group (IMG) tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 8 juin 2021 par laquelle la Commission européenne a refusé de lui reconnaître, avec effet rétroactif au 16 décembre 2014, le statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union européenne pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte{1} (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis. L’examen de la légalité de la décision attaquée donne l’opportunité au Tribunal de préciser, d’une part, le degré de contrôle approprié du juge de l’Union en la matière ainsi que, d’autre part, les notions d’« accord international » et d’« organisation internationale », telles que définies par des instruments du droit international public et la jurisprudence, notamment celle des juridictions internationales.
IMG, le requérant, a été créé le 25 novembre 1994{2}, dans le but de permettre aux États et aux organisations internationales participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée.
Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie{3} à financer sur le budget général de l’Union, sur le fondement du règlement no 966/2012{4}. Cette décision prévoyait, notamment, un programme de développement du commerce dont le coût devait être financé par l’Union et dont la mise en œuvre devait être assurée en gestion conjointe avec le requérant.
Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission de l’ouverture d’une enquête sur le statut du requérant. Le 15 décembre 2014, la Commission a reçu le rapport établi par l’OLAF au terme de son enquête. Dans ce rapport, l’OLAF a considéré, en substance, que le requérant ne constituait pas une organisation internationale, au sens du règlement no 1605/2002{5} et du règlement no 966/2012 qui lui a succédé
Le 16 décembre 2014, la Commission a décidé de confier la mise en œuvre, en gestion indirecte, du programme de développement du commerce prévu par la décision d’exécution susmentionnée à une autre organisation que le requérant (ci-après la « décision du 16 décembre 2014 »)
Enfin, le 8 mai 2015, la Commission a adressé au requérant une lettre pour l’informer des suites qu’elle entendait donner au rapport de l’OLAF, et dans laquelle elle a indiqué qu’elle avait décidé, entre autres, que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant à son statut d’organisation internationale, ses services ne concluraient plus avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par le règlement no 966/2012 (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »).
Le requérant a introduit deux recours devant le Tribunal, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 décembre 2014 et, d’autre part, à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 ainsi qu’à la réparation des dommages causés par celle-ci. À la suite du rejet de ces deux recours, par les arrêts du 2 février 2017, International Management Group/Commission{6}, et du 2 février 2017, IMG/Commission{7}, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour. Par un arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission{8}, la Cour a annulé ces deux arrêts du Tribunal ainsi que les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 et a renvoyé l’affaire T 381/15 devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande de réparation du requérant relative aux dommages prétendument causés par la décision du 8 mai 2015.
Par un arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission{9}, le Tribunal a rejeté la demande du requérant tendant à la réparation des préjudices prétendument causés par la décision du 8 mai 2015. Celui-ci a formé un pourvoi devant la Cour.
Le 8 juin 2021, après des échanges avec le requérant qui a présenté ses observations, la Commission a finalement adopté la décision attaquée.
Par un arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission{10}, la Cour a annulé partiellement l’arrêt du Tribunal du 9 septembre 2020 et a renvoyé l’affaire T 381/15 RENV devant lui pour qu’il soit statué sur la demande du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument causé par la décision du 8 mai 2015.
Appréciation du Tribunal
Dans un premier temps, le Tribunal rejette les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision attaquée.
Le Tribunal constate, tout d’abord, que la décision attaquée a suffisamment exposé les considérations juridiques et factuelles sur lesquelles elle était fondée et qui étaient de nature à mettre le requérant à même d’en apprécier la légalité et à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle
Ensuite, le Tribunal rejette le premier moyen du requérant, tiré de plusieurs erreurs de droit, notamment de la violation de l’article 266 TFUE, de l’autorité de la chose jugée, du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union et du principe d’égalité. Le Tribunal rejette également le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique ainsi que le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de diligence et du principe d’impartialité.
Enfin, le Tribunal rejette le quatrième moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit par lesquelles le requérant reprochait à la Commission d’avoir refusé de qualifier son acte constitutif d’accord international instituant une organisation internationale et de lui reconnaître le statut d’organisation internationale nonobstant la pratique ultérieure de ses membres
- Sur le degré de contrôle du juge de l’Union en l’espèce
Dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, le Tribunal apporte des précisions sur le degré de contrôle du juge de l’Union sur la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée. Il rappelle, à cet égard, que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle exerce sa responsabilité d’exécuter le budget de l’Union, en particulier, lorsqu’elle choisit d’exécuter ce budget selon le mode de la gestion indirecte et que, en application de cette modalité de gestion, elle confie des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales. Ainsi, lorsque la Commission exerce les prérogatives définies ci-dessus, les décisions faisant grief qu’elle adopte dans ce cadre sont soumises à un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation de la part du Tribunal, sans préjudice de l’examen des autres motifs d’illégalité susceptibles d’être invoqués dans le cadre d’un recours en annulation, conformément à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE
Néanmoins, lorsque, comme en l’espèce, la Commission refuse de confier à une organisation des tâches d’exécution budgétaire selon le mode de la gestion indirecte au motif que cette organisation ne revêt pas le statut d’organisation internationale, la légalité d’une telle décision est soumise à un contrôle du Tribunal, à la fois, de l’erreur de droit et de l’erreur manifeste d’appréciation.
En effet, en pareille hypothèse, la mise en œuvre par la Commission des normes à caractère général qui permettent de définir et d’identifier des organisations internationales relève d’un contrôle de l’erreur de droit, tandis que l’interprétation des règles propres de l’organisation qui prétend être une organisation internationale en vue de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte ainsi que l’interprétation des prises de position de ses membres, qui sont susceptibles de revêtir une certaine complexité, sont soumises à un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation.
- Sur les notions d’« organisation internationale » et d’ « accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget selon le mode de la gestion indirecte
À titre liminaire, le Tribunal rappelle que la notion d’« organisation internationale », telle que définie par les dispositions successives de la réglementation financière de l’Union{11}, recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux. En effet, le droit de l’Union doit être interprété à la lumière des règles pertinentes du droit international, ce droit faisant partie de l’ordre juridique de l’Union et liant ses institutions.
Toutefois, dans la mesure où les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » sont utilisées par la réglementation financière de l’Union en vue de la finalité spécifique de l’exécution de son budget, elles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, et ce afin de protéger les intérêts financiers de l’Union.
Ainsi, dans un litige tel que celui de l’espèce, le Tribunal doit faire application des notions du droit international public auxquelles se réfère la réglementation financière de l’Union en recourant aux instruments de ce droit qui définissent ces notions, tels qu’interprétés selon la jurisprudence. En particulier, dans la présente affaire, le Tribunal interprète les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget en gestion indirecte à la lumière des principes coutumiers du droit international public contenus, notamment, dans la convention de Vienne{12} et le projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales{13}.
À cet égard, il ressort de l’article 2, paragraphe 1, sous i), de la convention de Vienne que l’expression « organisation internationale » s’entend d’une organisation intergouvernementale. Par ailleurs, l’article 2, sous a), du projet d’articles précise que cette expression désigne toute organisation instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international et dotée d’une personnalité juridique internationale propre et que, outre des États, une organisation internationale peut comprendre parmi ses membres des entités autres que des États.
En premier lieu, s’agissant de la condition afférente à l’institution par un traité ou un autre instrument régi par le droit international, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne que l’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière. Ainsi, ce ou ces instruments peuvent constituer l’expression du concours de volontés de deux ou de plusieurs sujets de droit international qu’ils formalisent. En outre, il résulte de la jurisprudence des juridictions internationales que, quelle que soit son importance sur le plan politique, un document signé par des États ne saurait constituer un accord international s’il ne contient aucune disposition créant des droits ou des obligations auxquels ces États auraient consenti{14}.
En second lieu, s’agissant de la condition afférente à la possession d’une personnalité juridique internationale propre, il ressort de la jurisprudence des juridictions internationales que, premièrement, la reconnaissance d’une organisation internationale est subordonnée à la détention, par l’organisation concernée, d’une personnalité morale. En effet, une entité instituée par des États et, le cas échéant, par une ou plusieurs organisations internationales ne revêt pas, en l’absence d’une personnalité juridique qui lui est propre, le caractère d’une organisation internationale, mais celui d’un organe dépendant soit des États qui l’ont constitué{15}, soit d’une organisation internationale auprès de laquelle cette entité est hébergée{16}.
Deuxièmement, il ressort également de la jurisprudence des juridictions internationales que les organisations internationales bénéficient, en principe, de privilèges et d’immunités qui sont nécessaires à l’exercice de leurs missions{17}. En effet, à la différence de l’immunité juridictionnelle des États, fondée sur le principe « par in parem non habet imperium », les immunités des organisations internationales sont, en principe, conférées par les traités constitutifs de ces organisations et revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’elles visent à éviter qu’une entrave soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance des organisations concernées.
Troisièmement, il résulte de la jurisprudence que les actes constitutifs des organisations internationales sont des traités d’un type particulier, en ce qu’ils ont pour objet de créer des sujets de droit nouveaux, dotés d’une certaine autonomie, auxquels les parties confient pour tâche la réalisation de buts communs. Ainsi, les organisations internationales sont régies par le « principe de spécialité », c’est-à-dire qu’elles sont dotées par les États qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir et qui font normalement l’objet d’une formulation expresse dans leur acte constitutif{18}.
Ainsi, une organisation internationale ne peut être réduite à un simple mécanisme facultatif mis à la disposition des parties que chacune d’entre elles pourrait utiliser à sa guise. En effet, en créant une organisation internationale et en la dotant de tous les moyens nécessaires à son fonctionnement, ses fondateurs manifestent leur volonté de donner les meilleures garanties de stabilité, de continuité et d’efficacité à l’exercice des missions confiées à cette organisation, de sorte qu’ils ne peuvent sortir unilatéralement et au moment qu’ils jugent opportun de ce cadre, ni lui substituer d’autres canaux de communication{19}.
- Sur la qualification par le Tribunal de l’acte fondateur d’IMG d’« accord international »
Le Tribunal examine le contenu et la portée de la résolution du 25 novembre 1994, afin de déterminer si ce document comporte des engagements juridiquement contraignants pour ses signataires.
À cet égard, le Tribunal relève qu’il ressort des termes de la résolution du 25 novembre 1994 que ses signataires ont approuvé des règles d’organisation du requérant, notamment en confirmant son directeur général et en décidant de la mise en place d’un comité de gouvernance en son sein. En particulier, si cette résolution n’emportait aucune obligation pour ses auteurs de devenir membres du requérant, son point 5 prévoyait l’obligation pour les États signataires de décider d’intégrer le requérant dans le cadre global pour la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine ou de mettre progressivement un terme à ses activités. Ainsi, ladite résolution comportait bien au moins un engagement juridiquement contraignant pour ses signataires, de sorte qu’elle ne saurait être regardée comme étant une déclaration dont la portée serait exclusivement politique.
Par conséquent, le Tribunal juge que la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 constituait une déclaration politique dépourvue de caractère juridiquement contraignant.
Le Tribunal estime également que la Commission a entaché la décision attaquée d’une autre erreur de droit en refusant de qualifier cette résolution d’accord international, en raison de l’absence des pleins pouvoirs des participants à la réunion du même jour, dès lors que la signature de ladite résolution a été confirmée ultérieurement par au moins deux États.
À cet égard, le Tribunal rappelle que lorsqu’un document est signé par des personnes qui n’ont pas l’autorité nécessaire pour engager les États dont elles relèvent, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, un tel document ne saurait être considéré comme un accord international juridiquement contraignant, sauf à ce que ces personnes soient habilitées à engager lesdits États sans avoir à produire de pleins pouvoirs, en application du paragraphe 2 du même article{20}.
Toutefois, en l’espèce, le Tribunal constate que, par leur participation à l’adoption des statuts initiaux ou ultérieurs du requérant ou en siégeant au sein de son comité de gouvernance ou de son comité permanent, certains États signataires de la résolution du 25 novembre 1994 ont agi de manière telle qu’ils ont laissé paraître comme acquis les actes de signature de cet acte par leurs représentants et ont ainsi confirmé ultérieurement, au sens de l’article 8 de la convention de Vienne, la signature de cette résolution qui avait pour but d’instituer le requérant.
Cependant, le Tribunal estime que ces erreurs de droit demeurent, à ce stade de l’examen, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’elles n’affectent pas la condition prévue par la réglementation financière de l’Union selon laquelle le requérant, pour pouvoir bénéficier de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte prévu au bénéfice des organisations internationales, doit avoir été fondé par un accord international ayant eu pour objet de l’instituer en qualité d’organisation internationale. Dès lors, les illégalités constatées ne sont pas, à elles seules, de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée.
- Sur l’interprétation par le Tribunal de l’intention des signataires de l’acte fondateur d’IMG et de la pratique ultérieure des États signataires et des États membres de cette entité
En l’espèce, le Tribunal estime que la Commission n’a pas entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 n’avait eu ni pour objet ni pour effet de conférer au requérant le statut d’organisation internationale.
À cet égard, le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 31 de la convention de Vienne, qui exprime le droit coutumier international, un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes de ce traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
Le Tribunal estime ensuite que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, dans la décision attaquée, que la pratique ultérieure faisant suite à l’adoption de la résolution du 25 novembre 1994, puis à l’adoption des statuts initiaux et des statuts de 2012 n’attestait pas une reconnaissance suffisamment large et claire de la qualité d’organisation internationale du requérant, tant de la part des signataires de cette résolution que de ses membres.
À cet égard, le Tribunal s’appuie sur la jurisprudence selon laquelle des instruments ne sauraient être considérés comme constitutifs d’un accord ultérieur ou d’une pratique ultérieure établissant l’accord des parties à l’égard de l’interprétation d’un traité, au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous a) et b), de la convention de Vienne, si ces instruments ont été adoptés sans l’appui de tous les États parties audit traité{21}.
Dans un second temps, le Tribunal rejette les conclusions indemnitaires du requérant tendant à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis, en rappelant notamment que les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée ont été rejetées, de sorte que n’est pas satisfaite la première condition permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et tenant à l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).
{2} Création par le document du 25 novembre 1994 relatif à l’établissement d’International Management Group - Infrastructure pour la Bosnie-Herzégovine (IMG-IBH) (ci-après la « résolution du 25 novembre 1994 »).
{3} Décision d’exécution C(2013) 7682 final.
{4} Article 84 du règlement no 966/2012.
{5} Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).
{6} Arrêt du 2 février 2017, International Management Group/Commission (T 29/15, non publié, EU:T:2017:56).
{7} Arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission (T 381/15, non publié, EU:T:2017:57).
{8} Arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C 183/17 P et C 184/17 P, EU:C:2019:78).
{9} Arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T 381/15 RENV, EU:T:2020:406).
{10} Arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C 619/20 P et C 620/20 P, EU:C:2022:722).
{11} La notion d’« organisation internationale », mentionnée aux articles 53 et 53 quinquies du règlement no 1605/2002, à l’article 58 du règlement no 966/2012 et à l’article 62 du règlement 2018/1046, a été définie, dans des termes quasiment identiques, à l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 2342/2002, puis à l’article 43, paragraphe 1, du règlement délégué no 1268/2012, qui a abrogé et remplacé le règlement no 2342/2002, et à l’article 156 du règlement 2018/1046. Ainsi, en vertu de ces trois dernières dispositions, cette notion recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux.
{12} Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne »).
{13} Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales adopté par la Commission du droit international des Nations unies à sa soixante-troisième session, en 2011, et soumis à l’Assemblée générale dans le cadre de son rapport sur les travaux de ladite session (A/66/10) [Annuaire de la Commission du droit international, 2011, vol. II(2), ci-après le « projet d’articles »).
{14} Voir arrêt de la Cour internationale de justice, Obligation de négocier un accès à l’océan pacifique (Bolivie c. Chili), du 1er octobre 2018, Recueil 2018, p. 507, points 105 et 106 et jurisprudence citée.
{15} Voir, en ce sens, arrêt de la Cour internationale de justice, Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), du 26 juin 1992, exceptions préliminaires, Recueil 1992, p. 240, point 47.
{16} Voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, points 57 et 61.
{17} Voir, en ce sens, arrêt de la Cour permanente d’arbitrage, Dr. Reineccius e.a. c. Bank for International Settlements, du 22 novembre 2002, affaire no 2000-04, point 108 ; avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, point 58 et arrêt de la Cour internationale de justice, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), du 20 avril 2010, Recueil 2010, p. 14, point 88.
{18} Voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p. 66, points 19 et 25 ; arrêts de la Cour internationale de justice, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, du 11 juin 1998, exceptions préliminaires, Recue...
Arrêt du 4 septembre 2024, IMG / Commission (T-509/21) (cf. points 184, 197-212, 265)
131. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Délai de communication d'une note de débit - Délai de prescription - Point de départ
Statuant en formation élargie à cinq juges, le Tribunal se prononce, pour la première fois, sur les conséquences financières des irrégularités alléguées à l’encontre d’une personne occupant de hautes fonctions au sein d’une institution de l’Union européenne dans l’accomplissement des obligations découlant de sa charge, à la suite de l’arrêt de la Cour constatant le non-respect de ces obligations.
Le requérant, CQ, a été membre de la Cour des comptes européenne, en accomplissant deux mandats. À ce titre, CQ a notamment bénéficié du remboursement de divers frais, d’une voiture de fonction et de la mise à disposition d’un chauffeur.
Au cours de son mandat, des informations portant sur plusieurs irrégularités graves imputées au requérant sont parvenues à la Cour des comptes.
Par la suite, le secrétaire général de la Cour des comptes a transmis à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) un dossier portant sur les activités de CQ ayant entraîné des dépenses possiblement indues à la charge du budget de l’Union.
Après avoir mené une enquête, l’OLAF a envoyé son rapport final à la Cour des comptes, dans lequel il a conclu, entre autres, à un abus des ressources de la Cour des comptes par CQ dans le cadre d’activités étrangères à ses fonctions.
À la suite de la réception du rapport de l’OLAF, la Cour des comptes a constaté la créance du requérant et qualifié la somme de 153 407,58 euros de montant indûment perçu au titre des frais de missions et des indemnités journalières, des frais de représentation ainsi que de l’utilisation des services de chauffeurs. Elle a, à ce titre, ordonné le recouvrement de cette somme (ci-après la « décision attaquée »).
Par son recours, introduit le 24 juin 2019, le requérant demande, d’une part, l’annulation de la décision attaquée, et, d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi{1}.
Indépendamment du présent recours en annulation, la Cour des comptes a introduit un recours devant la Cour fondé sur la violation, par CQ, des obligations découlant de sa charge auprès de la Cour des comptes{2}. À cet égard, la Cour a jugé que le requérant avait effectivement enfreint ces obligations et a prononcé la déchéance de deux tiers de son droit à pension.
Appréciation du Tribunal
Sur le bien-fondé de la décision attaquée, en premier lieu, le Tribunal examine le moyen tiré de ce que la Cour des comptes ne pouvait envoyer au requérant une note de débit datant de plus de cinq années après la constatation de créance en raison du délai prévu par l’article 98 du règlement 2018/1046{3}.
Le Tribunal relève que le point de départ de ce délai, c’est-à-dire le moment où l’institution concernée est normalement en mesure de faire valoir sa créance, ne correspond pas nécessairement au moment où une personne telle que le requérant demande à une institution le versement d’une somme d’argent. Il peut correspondre, dans certaines circonstances, au moment où l’OLAF remet un rapport à cette institution.
Ainsi, le Tribunal considère que la majorité des créances, considérées par la Cour des comptes comme indûment perçues par CQ, ne sont pas prescrites, la Cour des comptes ne s’étant trouvée en mesure de faire valoir sa créance qu’après l’enquête de l’OLAF. En revanche, un nombre très limité de créances, d’un montant total de 3 170,19 euros, sont considérées comme prescrites, car, si la Cour des comptes avait agi avec la diligence requise, elle aurait été en mesure de faire valoir sa créance dès l’introduction des demandes de remboursement concernées.
En second lieu, le Tribunal examine le moyen tiré, en substance, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et de l’existence d’« erreurs manifestes » dans la décision attaquée, en ce qui concerne la détermination, par la Cour des comptes, de sommes dont le requérant serait redevable.
S’agissant de l’étendue du contrôle du Tribunal, ce dernier souligne d’emblée que, dans l’arrêt Cour des comptes/Pinxten{4}, la Cour a précisé que ses appréciations relatives aux irrégularités alléguées à l’encontre du requérant ne portaient pas sur la détermination de sommes dont il serait redevable et étaient donc sans préjudice de l’appréciation du Tribunal qui devrait être portée sur la décision attaquée dans le cadre d’un recours en annulation.
À cet égard, le Tribunal relève, d’une part, que l’objet du recours introduit sur le fondement de l’article 286, paragraphe 6, TFUE, dans le cadre duquel la Cour a adopté sa position concernant le requérant, est distinct du présent recours. En effet, le premier porte sur la constatation de la violation des obligations découlant de la charge de membre de la Cour des comptes et sur le prononcé éventuel d’une sanction. En revanche, l’objet du présent recours, introduit conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, concerne la question du recouvrement de sommes indûment versées et tenant à l’annulation de la décision attaquée.
D’autre part, la charge de la preuve dans la procédure devant la Cour et dans celle devant le Tribunal est différente. Dans le présent recours, la charge de la preuve pèse sur le requérant pour démontrer, concernant chaque demande de remboursement, qu’il a encouru les frais en cause dans le respect des règles applicables.
En outre, le Tribunal constate que, dans l’arrêt Cour des comptes/Pinxten, la Cour a juridiquement apprécié chacune des activités du requérant considérées par la Cour des comptes comme étant irrégulières. Elle a conclu, pour partie, à leur régularité ou à l’absence de leur irrégularité manifeste et, pour partie, à leur irrégularité ou à leur irrégularité manifeste.
Toutefois, au vu du caractère distinct de l’objet des deux recours, de la nature différente de la charge de la preuve, ainsi que du fait que, en l’espèce, certaines pièces de procédure n’ont été déposées qu’après le prononcé de l’arrêt Cour des comptes/Pinxten, les parties ont pu présenter dans la présente procédure des éclaircissements, des arguments et des éléments de preuve nouveaux.
Ainsi, le Tribunal procède à l’appréciation de chaque activité du requérant liée aux demandes de remboursement en cause, à la lumière des arguments et des explications présentés par les parties devant lui, pour déterminer s’il convient ou non de retenir la même appréciation que celle dans l’arrêt Cour des comptes/Pinxten.
Plus particulièrement, le Tribunal considère comme dépourvus de rattachement avec l’exercice des fonctions du requérant en tant que membre de la Cour des comptes des frais se rapportant aux rencontres avec des responsables politiques, membres d’un parti politique au niveau national. Il conclut à leur irrégularité, se référant notamment au contexte spécifique de telles rencontres ressortant du rapport de l’OLAF. Par conséquent, le Tribunal rejette le recours en ce qui concerne ces frais.
En revanche, le Tribunal annule la décision attaquée en ce qu’elle ordonne le recouvrement de certaines demandes de remboursement de frais, pour un montant total de 16 084,01 euros. En effet, il conclut que ces frais ne sont entachés d’aucune irrégularité.
Au vu de l’ensemble de ces considérations et après avoir rejeté les autres moyens du recours, portant notamment sur l’irrégularité de l’enquête menée par l’OLAF et sur la violation de l’obligation de motivation, le Tribunal annule la décision attaquée en ce qu’elle porte sur un montant de 19 254,2 euros et précise les intérêts moratoires à payer sur ce montant. Par ailleurs, le Tribunal rejette la demande indemnitaire tirée du préjudice moral prétendument subi par le requérant.
{1} Sur le fondement des articles 263 et 268 TFUE.
{2} Au sens de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.
{3} Plus précisément, aux termes de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1) : « l’ordonnateur envoie la note de débit immédiatement après la constatation de la créance et au plus tard dans un délai de cinq ans à compter du moment où l’institution de l’Union était, dans des circonstances normales, en mesure de faire valoir sa créance. Ce délai ne s’applique pas dans le cas où l’ordonnateur compétent établit que, malgré les diligences entreprises par l’institution de l’Union, le retard à agir incombe au comportement du débiteur ».
{4} Arrêt du 30 septembre 2021, Cour des comptes/Pinxten (C 130/19, EU:C:2021:782).
Arrêt du 11 septembre 2024, CQ / Cour des comptes (T-386/19) (cf. points 92-100, 137, 157, 161)
132. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Sanctions administratives pouvant être imposées par la Commission - Décision d'exclusion d'un opérateur des procédures d'appel d'offres et d'octroi de subventions pour « faute professionnelle grave » - Contrôle juridictionnel - Compétence de pleine juridiction - Respect du principe de proportionnalité dans la détermination de la sanction infligée à l'opérateur
Statuant en formation élargie, le Tribunal rejette le recours en annulation formé par la requérante, VC, contre la décision l’excluant, pour une durée de deux ans, de la participation aux procédures de passation de marchés publics de l’Union européenne pour faute professionnelle grave{1}. Par son arrêt, le Tribunal se prononce, d’une part, pour la première fois, sur les effets d’une décision juridictionnelle nationale suspendant la décision administrative ayant servi de fondement à l’exclusion. Il précise, d’autre part, de façon inédite, les contours de sa compétence de pleine juridiction pour apprécier le caractère suffisant des mesures correctrices adoptées par un soumissionnaire, ainsi que la nécessité de remplacer une sanction d’exclusion par une sanction financière.
La requérante avait présenté une offre pour un lot de l’appel d’offres publié par l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) relatif à la fourniture de services de technologies de l’information et de la communication. L’EU-OSHA avait, après avoir pris connaissance de l’existence d’une décision de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia (Commission nationale des marchés et de la concurrence, Espagne) (ci-après la « CNMC ») constatant la participation de la requérante à une infraction au droit de la concurrence (ci-après la « décision de la CNMC »), demandé à une instance, convoquée conformément au règlement financier{2}, de formuler une recommandation relative à l’exclusion ou à la sanction financière de la requérante.
Par la suite, l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne) a ordonné le sursis à l’exécution de la décision de la CNMC (ci-après la « décision nationale de sursis »). Pour autant, après avoir procédé à la qualification juridique préliminaire de la conduite de la requérante{3}, l’instance précitée a recommandé à l’EU-OSHA son exclusion, en estimant que sa conduite devait être considérée comme une « faute professionnelle grave ». L’EU-OSHA a suivi cette recommandation et adopté la décision attaquée.
Appréciation du Tribunal
En premier lieu, le Tribunal clarifie la portée des effets de la décision nationale de sursis.
Premièrement, le Tribunal rappelle qu’il ressort du règlement financier{4} qu’une entité peut être exclue de la participation aux procédures d’attribution des marchés publics, en l’absence de jugement définitif ou de décision administrative définitive, sur la base d’une qualification juridique préliminaire de sa conduite par l’autorité compétente de l’Union au regard de faits établis ou de constatations effectuées notamment par les décisions d’une autorité nationale de concurrence. Il en résulte que l’absence de jugement ou de décision à caractère définitif constatant le comportement fautif en cause ne fait pas obstacle à l’adoption d’une mesure d’exclusion par l’autorité compétente de l’Union.
Le Tribunal en déduit la volonté du législateur de l’Union de permettre à l’autorité compétente de l’Union de porter sa propre appréciation sur les actes commis par l’opérateur économique concerné, sans attendre qu’une juridiction ait rendu son jugement.
Ainsi, en l’espèce, il incombait à l’EU-OSHA, en l’absence de décision définitive, de procéder à sa propre appréciation de la conduite de la requérante sur le fondement de la décision de la CNMC, mais également d’autres éléments pertinents du contexte, dont, en particulier, la suspension de cette décision.
En l’espèce, le Tribunal constate que l’EU-OSHA a effectivement pris en compte la suspension de la décision de la CNMC et qu’elle a estimé à bon droit que la suspension de la décision de la CNMC ne faisait pas obstacle à ce que les constatations de cette décision soient prises en considération pour démontrer l’existence d’une faute professionnelle grave de la requérante et adopter une mesure d’exclusion.
En effet, tout d’abord, les faits reprochés à la requérante ne reposent pas sur de simples suppositions ou présomptions, mais ont été constatés sur la base des éléments résultant d’une enquête menée par la CNMC.
Ensuite, aucune prise de position sur le bien-fondé de la décision de la CNMC ne ressort de la décision nationale de sursis. Le Tribunal précise que les constatations et les considérations de la décision de la CNMC relatives à la méconnaissance du droit de la concurrence par la requérante ne sont donc aucunement remises en cause, ni même mises en doute par le juge national, qui fonde sa décision de suspension sur des considérations tirées uniquement des conséquences de l’amende infligée et de l’interdiction de contracter sur la poursuite des activités de la requérante. En tout état de cause, le fait que, ainsi que le soutient la requérante, en octroyant une mesure provisoire, le juge national aurait implicitement mais nécessairement reconnu la plausibilité de ses allégations ne saurait suffire à remettre en cause les constatations et les considérations explicites de la décision de la CNMC.
Enfin, il est indifférent que la décision nationale de sursis suspende, outre le paiement de l’amende infligée par la décision de la CNMC, également l’interdiction pour la requérante de passer des marchés en Espagne imposée par cette décision. En effet, les motifs de la suspension de la décision de la CNMC ne remettent pas en cause la matérialité des faits sur lesquels la décision attaquée s’est fondée pour prononcer l’exclusion de la requérante. En outre, aucune information quant à l’adoption de mesures correctrices par la requérante et à la justification de la suspension par l’adoption de telles mesures ne ressort de la décision nationale de sursis.
Deuxièmement, s’agissant de la méconnaissance alléguée du principe de protection juridictionnelle effective par l’adoption de la décision d’exclusion, le Tribunal rappelle sa jurisprudence selon laquelle une réglementation qui ignorerait totalement les effets de l’introduction d’un recours administratif ou judiciaire sur la possibilité de participer à une procédure de passation de marché risquerait de violer les droits fondamentaux des intéressés. Or, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, il ne saurait être considéré que, en l’espèce, la décision nationale de sursis a été ignorée et qu’il aurait été porté atteinte à la protection juridictionnelle du requérant.
En outre, l’exercice de la faculté d’exclure des procédures d’attribution des marchés publics de l’Union une personne ou une entité, en l’espèce la requérante, sur la base d’une qualification juridique préliminaire de sa conduite, ne méconnaît pas l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En effet, l’existence d’une voie de recours pour contester la décision attaquée devant le juge de l’Union permet précisément d’assurer une protection juridictionnelle de la requérante.
Le Tribunal estime qu’il n’y a donc pas lieu de reconnaître à la décision nationale de sursis le même effet que celui reconnu aux décisions ou aux jugements définitifs. Si le pouvoir d’exclusion des autorités de l’Union pouvait être paralysé du seul fait de l’introduction d’un recours suspensif contre la décision nationale susceptible de servir de fondement à l’exclusion ou d’une suspension de cette décision, cela priverait d’effet utile un tel pouvoir.
Enfin, le Tribunal ajoute que, dans l’hypothèse où la décision nationale de sursis serait suivie d’un jugement définitif annulant la décision de la CNMC, le règlement financier prévoit{5} que l’ordonnateur met fin sans tarder à l’exclusion, donnant ainsi un plein effet à la décision juridictionnelle nationale et garantissant par la même occasion la protection juridictionnelle du requérant, attachée en l’occurrence à la décision juridictionnelle nationale qui lie dans ce cas l’autorité de l’Union.
En deuxième lieu, le Tribunal précise la nature de sa compétence et l’intensité de son contrôle sur les mesures correctrices adoptées par la requérante.
Dans un premier temps, après avoir rappelé disposer d’une compétence de pleine juridiction pour réexaminer une décision d’exclusion{6}, le Tribunal estime que la portée de cette compétence doit être strictement limitée à la détermination de la sanction, à l’exclusion de toute modification des éléments constitutifs du comportement justifiant cette sanction.
Or, en l’espèce, le Tribunal considère que l’examen des mesures correctrices relève de l’appréciation du comportement justifiant une sanction. En effet, l’appréciation devant être portée sur les mesures correctrices équivaut à vérifier la persistance de la faute professionnelle grave, déduite en l’occurrence de l’infraction constatée par une autorité nationale, et la possibilité qu’elle se reproduise. Il est indifférent, à cet égard, que les mesures correctrices interviennent généralement après la survenance de l’infraction constatée par l’autorité nationale. Le Tribunal en conclut qu’il ne peut exercer sa compétence de pleine juridiction aux fins de l’examen du moyen relatif aux mesures correctrices adoptées par la requérante. Il ne peut ainsi substituer sa propre appréciation des mesures correctrices en cause à celle de l’EU-OSHA et doit se borner à contrôler la légalité de ladite appréciation.
Dans un second temps, s’agissant de l’examen par le juge de l’Union de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une part, le Tribunal précise que, afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision. Dans la mesure, en effet, où les institutions disposent d’une marge d’appréciation pour apprécier si un comportement peut être qualifié de faute professionnelle grave et où l’appréciation des mesures correctrices fait partie intégrante de celle d’un tel comportement, une marge d’appréciation doit également leur être reconnue pour apprécier les mesures correctrices.
D’autre part, le Tribunal précise les éléments pouvant être pris en compte pour exercer son contrôle de la légalité de l’appréciation par l’EU-OSHA des mesures correctrices adoptées par la requérante. En prévoyant qu’une personne ou une entité n’est pas exclue si elle a pris des mesures correctrices suffisantes pour démontrer sa fiabilité{7}, le règlement financier impose à la personne ou à l’entité en cause la charge d’établir que les mesures correctrices adoptées sont de nature à empêcher son exclusion. Le Tribunal en déduit que, sauf à priver d’effet la charge de la preuve imposée par ces dispositions, il ne saurait être admis que l’opérateur concerné rapporte devant le Tribunal des éléments de preuve non communiqués au cours de la procédure d’exclusion. A fortiori, le Tribunal ne peut se prononcer dans le cadre de la présente instance sur des mesures correctrices non présentées devant l’EU-OSHA.
En outre, il serait attentatoire à la bonne administration de la justice et à l’équilibre institutionnel que le Tribunal se prononce sur de nouvelles mesures correctrices ou de nouveaux éléments de preuve soumis, le cas échéant, simultanément à l’ordonnateur et qui pourraient conduire ce dernier à revoir la décision attaquée en cours d’instance. Partant, le Tribunal juge que seuls peuvent être pris en compte les éléments de preuve communiqués à l’EU-OSHA avant l’adoption de la décision attaquée.
En troisième lieu, le Tribunal note, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de la sanction d’exclusion, que les mesures correctrices adoptées par la requérante ont été prises en compte par l’EU-OSHA en tant que circonstances atténuantes pour limiter la durée de l’exclusion. Il s’agit ainsi en l’espèce d’analyser les mesures correctrices adoptées par la requérante en tant qu’elles contribuent, non à la détermination du comportement fautif, mais à celle de sa sanction, justifiant partant que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction.
Afin d’exercer cette compétence, le Tribunal est donc habilité à tenir compte des éléments de preuve communiqués pour la première fois dans le cadre de la présente instance n’ayant pas été communiqués préalablement à l’EU-OSHA, sous réserve toutefois du respect des règles de recevabilité fixées par le règlement de procédure du Tribunal.
En dernier lieu, le Tribunal se prononce sur l’absence alléguée d’évaluation de l’application d’une sanction financière comme alternative à l’exclusion.
D’une part, le Tribunal déduit des dispositions du règlement financier{8} que l’EU-OSHA n’était pas, en l’espèce, tenue d’examiner l’hypothèse d’un remplacement de la sanction d’exclusion par une sanction financière.
D’autre part, quant à la demande adressée au Tribunal visant à ce qu’il procède lui-même à ce remplacement dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal rejette cette demande comme non fondée. En effet, la requérante ne précise pas les raisons pour lesquelles la sanction d’exclusion devrait, en l’espèce, être remplacée par une sanction financière. En outre et en tout état de cause, il considère qu’il résulte de l’examen des arguments de la requérante que cette sanction d’exclusion infligée en l’espèce est appropriée et ne doit pas, dès lors, être remplacée par une sanction financière.
{1} Décision de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail du 13 janvier 2023 (ci-après la « décision attaquée »)
{2} Article 143 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »)
{3} Voir article 136, paragraphe 2, du règlement financier.
{4} Article 106 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) no 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015 (JO 2015, L 286, p. 1) (ci-après l’« ancien règlement financier »), et article 136 du règlement financier
{5} Article 136, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement financier
{6} Article 143, paragraphe 9, du règlement financier.
{7} Article 106, paragraphe 7, sous c), de l’ancien règlement financier et article 136, paragraphe 6, sous a), du règlement financier.
{8} Article 106, paragraphe 13, sous a), de l’ancien règlement financier
133. Budget de l'Union européenne - Concours financier de l'Union - Obligation du bénéficiaire de respecter les conditions d'octroi du concours - Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) - Convention de subvention - Coûts éligibles - Rapport d'enquête de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) ayant constaté le caractère non éligible de certaines dépenses exposées - Financement ne portant que sur les dépenses effectivement engagées - Justification de la réalité des frais déclarés - Répartition de la charge de la preuve
134. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Délai de prescription - Point de départ - Entrée en vigueur de nouvelles règles entre l'établissement de la créance par décision préalable et la communication de la note de débit - Application immédiate à défaut de dispositions transitoires
Par son arrêt, le Tribunal, statuant en chambre élargie, rejette le recours introduit par HG, fonctionnaire de la Commission européenne, à l’encontre de plusieurs décisions de cette institution relatives à la compensation de créances le concernant. Ce faisant, le Tribunal se prononce sur la question inédite du point de départ du délai de prescription du recouvrement des créances de l’Union européenne, en vertu du règlement financier de 2018{1}.
En l’espèce, par une décision du 10 février 2015, la Commission a imposé une sanction disciplinaire à HG et l’a condamné à réparer un préjudice subi par l’Union à hauteur de 108 596,35 euros sur le fondement de l’article 22, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Cette décision, que le requérant a contestée, est entrée en vigueur le 1er mars 2015.
Par l’arrêt HG/Commission (T 693/16 P RENV RX){2}, le Tribunal a notamment réduit le montant de la réparation demandée à HG à 80 000 euros au jour du prononcé de l’arrêt, au motif que la Commission avait contribué à la réalisation du préjudice.
L’ordonnateur compétent de la Commission a adressé à HG une note de débit datée du 3 mars 2022, pour un montant de 80 000 euros, indiquant le 19 avril 2022 comme date limite de paiement. Invoquant l’existence d’une prescription quinquennale, HG a introduit une demande de retrait de cette note de débit, qui a été rejetée par l’ordonnateur.
À compter du 10 octobre 2022, HG s’est vu notifier des décisions successives du comptable tendant à la compensation entre la dette qu’il avait à l’égard de la Commission et son salaire ou d’autres créances qu’il avait sur celle-ci. HG a déposé plusieurs réclamations contre ces décisions, qui ont été rejetées par décision du 5 mai 2023. Dans cette décision, la Commission indique notamment que la prescription quinquennale invoquée par HG sur le fondement du règlement financier de 2018 n’est pas applicable à la situation, qui serait régie par le règlement financier de 2012{3}, lequel ne prévoit pas de délai pour la communication d’une note de débit.
Appréciation du Tribunal
En premier lieu, le Tribunal observe que les dispositions de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018, prévoyant la prescription quinquennale invoquée par le requérant, sont applicables à compter du jour de l’entrée en vigueur de ce règlement, soit le 2 août 2018, conformément à l’article 282, paragraphe 2, de ce même règlement. En effet, les dispositions transitoires prévues à l’article 279 du même règlement et les dates d’applicabilité rétroactives ou différées pour certaines dispositions, prévues à son article 282, paragraphe 3, ne les concernent pas. L’article 281 du règlement financier de 2018 dispose par ailleurs que, sauf exception non pertinente en l’espèce, le règlement financier de 2012 est abrogé avec effet au 2 août 2018.
Le Tribunal rappelle que, conformément aux principes de succession des règles dans le temps, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Les effets futurs d’une situation née sous l’empire d’une règle ancienne doivent se comprendre comme visant les effets actuels de cette situation au moment où la règle nouvelle trouve à s’appliquer. L’application d’une règle nouvelle aux effets actuels d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne ne constitue pas une application rétroactive de la règle nouvelle.
Ainsi, une règle nouvelle s’applique à compter de sa date d’applicabilité fixée dans l’acte qui l’instaure et si, en principe, elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l’empire de la règle ancienne, elle s’applique aux effets futurs de celles-ci ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Plus précisément, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué.
En l’espèce, la créance de l’Union à l’égard de HG n’était pas définitivement acquise le 2 août 2018, puisque ce dernier avait contesté cette créance et le recours contentieux à ce propos était encore pendant, et, partant, il ne saurait non plus être reconnu que, à la veille de cette date, compte tenu de ces circonstances, la Commission avait définitivement perdu le droit de recouvrer cette créance en raison d’un retard à mettre en œuvre ce droit. En effet, d’une part, le règlement financier de 2012 ne fixait pas de délai particulier pour l’envoi d’une note de débit et, d’autre part, le délai raisonnable qu’une institution de l’Union doit néanmoins respecter dans ce type de situation pour exercer ses pouvoirs n’était pas dépassé eu égard aux circonstances. Par conséquent, l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 s’applique à l’égard de la créance en cause.
Or, si l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 prévoit que le délai de prescription de cinq ans pour l’envoi de la note de débit au débiteur court « à compter du moment où l’institution de l’Union était, dans des circonstances normales, en mesure de faire valoir sa créance », la Commission a pu à bon droit considérer que les circonstances de l’espèce caractérisées notamment par une créance contestée qui pouvait être par la suite annulée ou réduite n’ont été normales, au sens de cette disposition, qu’une fois l’arrêt HG/Commission (T 693/16 P RENV RX) devenu définitif.
À cet égard, dans une situation procédurale où la créance a d’abord dû être établie, au terme d’une procédure particulière, par une décision formelle préalable à sa constatation, une telle interprétation de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 est dans l’intérêt d’une bonne administration. En effet, elle s’avère favorable tant aux intérêts des institutions créancières qu’à ceux de leurs débiteurs ou d’éventuels tiers concernés, puisqu’elle n’oblige pas en toutes circonstances l’ordonnateur compétent à exiger le recouvrement de créances contestées dans leur principe ou dans leur montant par les débiteurs avant de connaître le sort définitif de ces créances et sans tenir compte des intérêts précités. En particulier, lorsque la créance existe à l’égard d’un fonctionnaire et que celui-ci la conteste tant dans son principe que dans son montant, en demandant l’annulation ou la réformation de la décision préalable qui l’établit, l’ordonnateur peut, pour déterminer le moment opportun pour constater la créance, pour ordonner son recouvrement et pour envoyer la note de débit, notamment prendre en considération, au regard du devoir de sollicitude de l’administration envers ses agents, qui l’oblige à tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné, l’importance de la somme en jeu par rapport aux revenus du fonctionnaire et son appréciation de la possibilité que cette somme, en particulier si elle découle de la mise en jeu de la responsabilité du fonctionnaire, soit modifiée par le juge dans l’exercice d’un pouvoir de pleine juridiction.
En second lieu, le Tribunal relève que, en adoptant les décisions attaquées, le comptable de la Commission n’a violé ni le principe de bonne administration ni le devoir de sollicitude des institutions envers leurs fonctionnaires, car il a procédé par compensation avec le traitement du fonctionnaire débiteur ou avec des remboursements de frais, comme l’y oblige l’article 102, paragraphe 1, du règlement financier de 2018, et a retenu d’office un plan d’échelonnement laissant à la disposition de ce fonctionnaire un revenu convenable compte tenu de son niveau de rémunération.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2018 »).
{2} Arrêt du 15 décembre 2021, HG/Commission (T 693/16 P RENV RX, EU:T:2021:895).
{3} Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2012 »).
Arrêt du 16 octobre 2024, HG / Commission (T-494/23) (cf. points 20-25)
135. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Délai de prescription - Point de départ - Établissement de la créance au terme d'une procédure particulière avant sa constatation formelle - Contestation par le fonctionnaire débiteur de la décision préalable d'établissement - Envoi de la note de débit après le règlement définitif du contentieux
Par son arrêt, le Tribunal, statuant en chambre élargie, rejette le recours introduit par HG, fonctionnaire de la Commission européenne, à l’encontre de plusieurs décisions de cette institution relatives à la compensation de créances le concernant. Ce faisant, le Tribunal se prononce sur la question inédite du point de départ du délai de prescription du recouvrement des créances de l’Union européenne, en vertu du règlement financier de 2018{1}.
En l’espèce, par une décision du 10 février 2015, la Commission a imposé une sanction disciplinaire à HG et l’a condamné à réparer un préjudice subi par l’Union à hauteur de 108 596,35 euros sur le fondement de l’article 22, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Cette décision, que le requérant a contestée, est entrée en vigueur le 1er mars 2015.
Par l’arrêt HG/Commission (T 693/16 P RENV RX){2}, le Tribunal a notamment réduit le montant de la réparation demandée à HG à 80 000 euros au jour du prononcé de l’arrêt, au motif que la Commission avait contribué à la réalisation du préjudice.
L’ordonnateur compétent de la Commission a adressé à HG une note de débit datée du 3 mars 2022, pour un montant de 80 000 euros, indiquant le 19 avril 2022 comme date limite de paiement. Invoquant l’existence d’une prescription quinquennale, HG a introduit une demande de retrait de cette note de débit, qui a été rejetée par l’ordonnateur.
À compter du 10 octobre 2022, HG s’est vu notifier des décisions successives du comptable tendant à la compensation entre la dette qu’il avait à l’égard de la Commission et son salaire ou d’autres créances qu’il avait sur celle-ci. HG a déposé plusieurs réclamations contre ces décisions, qui ont été rejetées par décision du 5 mai 2023. Dans cette décision, la Commission indique notamment que la prescription quinquennale invoquée par HG sur le fondement du règlement financier de 2018 n’est pas applicable à la situation, qui serait régie par le règlement financier de 2012{3}, lequel ne prévoit pas de délai pour la communication d’une note de débit.
Appréciation du Tribunal
En premier lieu, le Tribunal observe que les dispositions de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018, prévoyant la prescription quinquennale invoquée par le requérant, sont applicables à compter du jour de l’entrée en vigueur de ce règlement, soit le 2 août 2018, conformément à l’article 282, paragraphe 2, de ce même règlement. En effet, les dispositions transitoires prévues à l’article 279 du même règlement et les dates d’applicabilité rétroactives ou différées pour certaines dispositions, prévues à son article 282, paragraphe 3, ne les concernent pas. L’article 281 du règlement financier de 2018 dispose par ailleurs que, sauf exception non pertinente en l’espèce, le règlement financier de 2012 est abrogé avec effet au 2 août 2018.
Le Tribunal rappelle que, conformément aux principes de succession des règles dans le temps, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Les effets futurs d’une situation née sous l’empire d’une règle ancienne doivent se comprendre comme visant les effets actuels de cette situation au moment où la règle nouvelle trouve à s’appliquer. L’application d’une règle nouvelle aux effets actuels d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne ne constitue pas une application rétroactive de la règle nouvelle.
Ainsi, une règle nouvelle s’applique à compter de sa date d’applicabilité fixée dans l’acte qui l’instaure et si, en principe, elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l’empire de la règle ancienne, elle s’applique aux effets futurs de celles-ci ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Plus précisément, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué.
En l’espèce, la créance de l’Union à l’égard de HG n’était pas définitivement acquise le 2 août 2018, puisque ce dernier avait contesté cette créance et le recours contentieux à ce propos était encore pendant, et, partant, il ne saurait non plus être reconnu que, à la veille de cette date, compte tenu de ces circonstances, la Commission avait définitivement perdu le droit de recouvrer cette créance en raison d’un retard à mettre en œuvre ce droit. En effet, d’une part, le règlement financier de 2012 ne fixait pas de délai particulier pour l’envoi d’une note de débit et, d’autre part, le délai raisonnable qu’une institution de l’Union doit néanmoins respecter dans ce type de situation pour exercer ses pouvoirs n’était pas dépassé eu égard aux circonstances. Par conséquent, l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 s’applique à l’égard de la créance en cause.
Or, si l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 prévoit que le délai de prescription de cinq ans pour l’envoi de la note de débit au débiteur court « à compter du moment où l’institution de l’Union était, dans des circonstances normales, en mesure de faire valoir sa créance », la Commission a pu à bon droit considérer que les circonstances de l’espèce caractérisées notamment par une créance contestée qui pouvait être par la suite annulée ou réduite n’ont été normales, au sens de cette disposition, qu’une fois l’arrêt HG/Commission (T 693/16 P RENV RX) devenu définitif.
À cet égard, dans une situation procédurale où la créance a d’abord dû être établie, au terme d’une procédure particulière, par une décision formelle préalable à sa constatation, une telle interprétation de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 est dans l’intérêt d’une bonne administration. En effet, elle s’avère favorable tant aux intérêts des institutions créancières qu’à ceux de leurs débiteurs ou d’éventuels tiers concernés, puisqu’elle n’oblige pas en toutes circonstances l’ordonnateur compétent à exiger le recouvrement de créances contestées dans leur principe ou dans leur montant par les débiteurs avant de connaître le sort définitif de ces créances et sans tenir compte des intérêts précités. En particulier, lorsque la créance existe à l’égard d’un fonctionnaire et que celui-ci la conteste tant dans son principe que dans son montant, en demandant l’annulation ou la réformation de la décision préalable qui l’établit, l’ordonnateur peut, pour déterminer le moment opportun pour constater la créance, pour ordonner son recouvrement et pour envoyer la note de débit, notamment prendre en considération, au regard du devoir de sollicitude de l’administration envers ses agents, qui l’oblige à tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné, l’importance de la somme en jeu par rapport aux revenus du fonctionnaire et son appréciation de la possibilité que cette somme, en particulier si elle découle de la mise en jeu de la responsabilité du fonctionnaire, soit modifiée par le juge dans l’exercice d’un pouvoir de pleine juridiction.
En second lieu, le Tribunal relève que, en adoptant les décisions attaquées, le comptable de la Commission n’a violé ni le principe de bonne administration ni le devoir de sollicitude des institutions envers leurs fonctionnaires, car il a procédé par compensation avec le traitement du fonctionnaire débiteur ou avec des remboursements de frais, comme l’y oblige l’article 102, paragraphe 1, du règlement financier de 2018, et a retenu d’office un plan d’échelonnement laissant à la disposition de ce fonctionnaire un revenu convenable compte tenu de son niveau de rémunération.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2018 »).
{2} Arrêt du 15 décembre 2021, HG/Commission (T 693/16 P RENV RX, EU:T:2021:895).
{3} Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2012 »).
Arrêt du 16 octobre 2024, HG / Commission (T-494/23) (cf. points 27-32)
136. Budget de l'Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l'Union sur les tiers - Procédure de recouvrement par compensation - Application de la procédure après rejet de la demande du fonctionnaire débiteur de retirer la note de débit et du défaut de prise de contact par le débiteur avec les services compétents - Violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude - Absence
Par son arrêt, le Tribunal, statuant en chambre élargie, rejette le recours introduit par HG, fonctionnaire de la Commission européenne, à l’encontre de plusieurs décisions de cette institution relatives à la compensation de créances le concernant. Ce faisant, le Tribunal se prononce sur la question inédite du point de départ du délai de prescription du recouvrement des créances de l’Union européenne, en vertu du règlement financier de 2018{1}.
En l’espèce, par une décision du 10 février 2015, la Commission a imposé une sanction disciplinaire à HG et l’a condamné à réparer un préjudice subi par l’Union à hauteur de 108 596,35 euros sur le fondement de l’article 22, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Cette décision, que le requérant a contestée, est entrée en vigueur le 1er mars 2015.
Par l’arrêt HG/Commission (T 693/16 P RENV RX){2}, le Tribunal a notamment réduit le montant de la réparation demandée à HG à 80 000 euros au jour du prononcé de l’arrêt, au motif que la Commission avait contribué à la réalisation du préjudice.
L’ordonnateur compétent de la Commission a adressé à HG une note de débit datée du 3 mars 2022, pour un montant de 80 000 euros, indiquant le 19 avril 2022 comme date limite de paiement. Invoquant l’existence d’une prescription quinquennale, HG a introduit une demande de retrait de cette note de débit, qui a été rejetée par l’ordonnateur.
À compter du 10 octobre 2022, HG s’est vu notifier des décisions successives du comptable tendant à la compensation entre la dette qu’il avait à l’égard de la Commission et son salaire ou d’autres créances qu’il avait sur celle-ci. HG a déposé plusieurs réclamations contre ces décisions, qui ont été rejetées par décision du 5 mai 2023. Dans cette décision, la Commission indique notamment que la prescription quinquennale invoquée par HG sur le fondement du règlement financier de 2018 n’est pas applicable à la situation, qui serait régie par le règlement financier de 2012{3}, lequel ne prévoit pas de délai pour la communication d’une note de débit.
Appréciation du Tribunal
En premier lieu, le Tribunal observe que les dispositions de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018, prévoyant la prescription quinquennale invoquée par le requérant, sont applicables à compter du jour de l’entrée en vigueur de ce règlement, soit le 2 août 2018, conformément à l’article 282, paragraphe 2, de ce même règlement. En effet, les dispositions transitoires prévues à l’article 279 du même règlement et les dates d’applicabilité rétroactives ou différées pour certaines dispositions, prévues à son article 282, paragraphe 3, ne les concernent pas. L’article 281 du règlement financier de 2018 dispose par ailleurs que, sauf exception non pertinente en l’espèce, le règlement financier de 2012 est abrogé avec effet au 2 août 2018.
Le Tribunal rappelle que, conformément aux principes de succession des règles dans le temps, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Les effets futurs d’une situation née sous l’empire d’une règle ancienne doivent se comprendre comme visant les effets actuels de cette situation au moment où la règle nouvelle trouve à s’appliquer. L’application d’une règle nouvelle aux effets actuels d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne ne constitue pas une application rétroactive de la règle nouvelle.
Ainsi, une règle nouvelle s’applique à compter de sa date d’applicabilité fixée dans l’acte qui l’instaure et si, en principe, elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l’empire de la règle ancienne, elle s’applique aux effets futurs de celles-ci ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Plus précisément, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué.
En l’espèce, la créance de l’Union à l’égard de HG n’était pas définitivement acquise le 2 août 2018, puisque ce dernier avait contesté cette créance et le recours contentieux à ce propos était encore pendant, et, partant, il ne saurait non plus être reconnu que, à la veille de cette date, compte tenu de ces circonstances, la Commission avait définitivement perdu le droit de recouvrer cette créance en raison d’un retard à mettre en œuvre ce droit. En effet, d’une part, le règlement financier de 2012 ne fixait pas de délai particulier pour l’envoi d’une note de débit et, d’autre part, le délai raisonnable qu’une institution de l’Union doit néanmoins respecter dans ce type de situation pour exercer ses pouvoirs n’était pas dépassé eu égard aux circonstances. Par conséquent, l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 s’applique à l’égard de la créance en cause.
Or, si l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 prévoit que le délai de prescription de cinq ans pour l’envoi de la note de débit au débiteur court « à compter du moment où l’institution de l’Union était, dans des circonstances normales, en mesure de faire valoir sa créance », la Commission a pu à bon droit considérer que les circonstances de l’espèce caractérisées notamment par une créance contestée qui pouvait être par la suite annulée ou réduite n’ont été normales, au sens de cette disposition, qu’une fois l’arrêt HG/Commission (T 693/16 P RENV RX) devenu définitif.
À cet égard, dans une situation procédurale où la créance a d’abord dû être établie, au terme d’une procédure particulière, par une décision formelle préalable à sa constatation, une telle interprétation de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 est dans l’intérêt d’une bonne administration. En effet, elle s’avère favorable tant aux intérêts des institutions créancières qu’à ceux de leurs débiteurs ou d’éventuels tiers concernés, puisqu’elle n’oblige pas en toutes circonstances l’ordonnateur compétent à exiger le recouvrement de créances contestées dans leur principe ou dans leur montant par les débiteurs avant de connaître le sort définitif de ces créances et sans tenir compte des intérêts précités. En particulier, lorsque la créance existe à l’égard d’un fonctionnaire et que celui-ci la conteste tant dans son principe que dans son montant, en demandant l’annulation ou la réformation de la décision préalable qui l’établit, l’ordonnateur peut, pour déterminer le moment opportun pour constater la créance, pour ordonner son recouvrement et pour envoyer la note de débit, notamment prendre en considération, au regard du devoir de sollicitude de l’administration envers ses agents, qui l’oblige à tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné, l’importance de la somme en jeu par rapport aux revenus du fonctionnaire et son appréciation de la possibilité que cette somme, en particulier si elle découle de la mise en jeu de la responsabilité du fonctionnaire, soit modifiée par le juge dans l’exercice d’un pouvoir de pleine juridiction.
En second lieu, le Tribunal relève que, en adoptant les décisions attaquées, le comptable de la Commission n’a violé ni le principe de bonne administration ni le devoir de sollicitude des institutions envers leurs fonctionnaires, car il a procédé par compensation avec le traitement du fonctionnaire débiteur ou avec des remboursements de frais, comme l’y oblige l’article 102, paragraphe 1, du règlement financier de 2018, et a retenu d’office un plan d’échelonnement laissant à la disposition de ce fonctionnaire un revenu convenable compte tenu de son niveau de rémunération.
{1} Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2018 »).
{2} Arrêt du 15 décembre 2021, HG/Commission (T 693/16 P RENV RX, EU:T:2021:895).
{3} Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2012 »).
Arrêt du 16 octobre 2024, HG / Commission (T-494/23) (cf. point 40)