1. Ressources propres des Communautés européennes - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Prise en compte du montant des droits à recouvrer visée à l'article 221, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92

L'article 221, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, doit être interprété en ce sens que la "prise en compte" du montant des droits à recouvrer qui y est visée constitue la "prise en compte" dudit montant telle que définie à l'article 217, paragraphe 1, dudit règlement.

Arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C-264/08, Rec._p._I-731) (cf. point 17, disp. 1)

2. Ressources propres des Communautés européennes - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Prise en compte du montant des droits à recouvrer visée à l'article 221, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92 - Opération distincte de l'inscription du montant des droits à recouvrer dans la comptabilité des ressources propres visée à l'article 6 du règlement nº 1150/2000

La "prise en compte" au sens de l'article 217, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, doit être distinguée de l'inscription des droits constatés dans la comptabilité des ressources propres visée à l'article 6 du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés. Dès lors que l’article 217 du règlement nº 2913/92 ne prescrit pas de modalités pratiques de la "prise en compte" au sens de cette disposition ni, partant, d'exigences minimales d'ordre technique ou formel, cette prise en compte, qui peut être réalisée par l'inscription du montant dans un procès-verbal constatant une infraction douanière, doit être effectuée de manière à assurer que les autorités douanières compétentes inscrivent le montant exact des droits à l'importation ou des droits à l'exportation qui résulte d'une dette douanière dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, afin de permettre, notamment, que la prise en compte des montants concernés soit établie avec certitude, y compris à l'égard du redevable.

Arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C-264/08, Rec._p._I-731) (cf. points 18-20, 22-25, disp. 2)

3. Ressources propres des Communautés européennes - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Exigence de prise en compte du montant des droits préalablement à la communication au débiteur - Obligation pour les États membres d'adopter des règles de procédure spécifiques - Absence

L'article 221, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, doit être interprété en ce sens que la communication par les autorités douanières au débiteur, selon les modalités appropriées, du montant des droits à l'importation ou à l'exportation à payer ne peut être valablement effectuée que si le montant de ces droits a été préalablement pris en compte par lesdites autorités. En effet, un tel déroulement chronologique des opérations de prise en compte et de communication du montant des droits doit être respecté sous peine de générer des différences de traitement entre les redevables et de nuire au fonctionnement harmonieux de l'union douanière.

Par ailleurs, les États membres ne sont pas tenus d'adopter des règles de procédure spécifiques relatives aux modalités selon lesquelles doit avoir lieu la communication au redevable du montant dedits droits, dès lors que peuvent être appliquées à cette communication des règles de procédure internes de portée générale garantissant une information adéquate du redevable et lui permettant d'assurer, en toute connaissance de cause, la défense de ses droits.

Arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C-264/08, Rec._p._I-731) (cf. points 26-30, disp. 3)

4. Ressources propres des Communautés européennes - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Exigence de prise en compte du montant des droits préalablement à la communication au débiteur - Charge de la preuve - Principes d' effectivité et d' équivalence - Obligation pour le juge national d' ordonner, le cas échéant, des mesures d' instruction nécessaires pour accéder à des données hors de portée du redevable

Le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que le juge national s'appuie sur une présomption, s'attachant à la déclaration des autorités douanières, selon laquelle la "prise en compte" du montant des droits à l'importation ou à l'exportation au sens de l'article 217 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, a été effectuée avant la communication de ce montant au débiteur, pourvu que les principes d'effectivité et d'équivalence soient respectés.

En effet, en l'absence de réglementation communautaire dans une matière déterminée, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire, pour autant que, par application du principe d'équivalence, ces modalités ne sont pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et que, par application du principe d'effectivité, elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire. Ces considérations valent également en ce qui concerne, en particulier, les modalités de preuve, notamment les règles de la répartition de la charge de la preuve, applicables aux recours portant sur des litiges relatifs à une violation du droit communautaire.

Ainsi si, dans une affaire déterminée, le juge national constate que le fait de faire supporter au redevable de la dette douanière la charge de la preuve de l'absence de prise en compte de cette dette est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l'administration d'une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur des données dont le redevable ne peut disposer, il est tenu, afin d'assurer le respect du principe d'effectivité, d'avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d'ordonner les mesures d'instruction nécessaires, y compris la production par l'une des parties ou par un tiers d'un acte ou d'une pièce.

Arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C-264/08, Rec._p._I-731) (cf. points 32-36, disp. 4)

5. Ressources propres des Communautés européennes - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Exigence de prise en compte du montant des droits préalablement à la communication au débiteur - Montant n'ayant pas été régulièrement communiqué au débiteur - Montant légalement dû - Interdiction de recouvrement par les autorités douanières - Délai pour adresser une nouvelle communication

L'article 221, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, doit être interprété en ce sens que la communication du montant des droits à recouvrer doit avoir été précédée de la prise en compte de ce montant par les autorités douanières de l'État membre concerné et que, à défaut d'avoir fait l'objet d'une prise en compte conformément à l'article 217, paragraphe 1, de ce même règlement, ledit montant ne peut pas être recouvré par ces autorités, lesquelles conservent, toutefois, la faculté de procéder à une nouvelle communication du même montant, dans le respect des conditions prévues à l'article 221, paragraphe 1, dudit règlement et des règles de prescription en vigueur à la date à laquelle la dette douanière a pris naissance.

Arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C-264/08, Rec._p._I-731) (cf. points 37-39, disp. 5)

6. Ressources propres des Communautés européennes - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Exigence de prise en compte du montant des droits préalablement à la communication au débiteur - Montant n' ayant pas été régulièrement communiqué au débiteur - Délai pour adresser une nouvelle communication - Obligation de restituer des taxes indûment perçues - Principes d' effectivité et d' équivalence

Si le montant des droits à l'importation ou des droits à l'exportation demeure "légalement dû" au sens de l'article 236, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, alors même que ce montant a été communiqué au redevable sans avoir préalablement été pris en compte conformément à l'article 221, paragraphe 1, de ce même règlement, il n'en demeure pas moins que, si une telle communication n'est plus possible en raison du fait que le délai fixé à l'article 221, paragraphe 3, dudit règlement est expiré, ledit redevable doit en principe pouvoir obtenir le remboursement de ce montant par l'État membre l'ayant perçu.

En l'absence de réglementation communautaire en matière de restitution de taxes indûment perçues, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant, d'une part, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d'équivalence) et, d'autre part, qu'elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité).

Arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium (C-264/08, Rec._p._I-731) (cf. points 40-47, disp. 6)

7. Ressources propres des Communautés européennes - Constatation et mise à disposition par les États membres - Importation par un État membre d'équipements militaires en franchise de douane - Absence de calcul, de constatation et de mise à disposition de la Commission des ressources propres afférentes à ladite importation ainsi que de paiement des intérêts de retard dus - Manquement - Justification fondée sur le renchérissement du matériel militaire du fait de la perception de droits de douane - Inadmissibilité

Manque aux obligations qui lui incombent en vertu, respectivement, des articles 2 et 9 à 11 du règlement nº 1552/89, portant application de la décision 88/376 relative au système des ressources propres des Communautés, tel que modifié par le règlement nº 1355/96, en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 1998 au 30 mai 2000 inclus, ainsi que, en ce qui concerne la période allant du 31 mai 2000 au 31 décembre 2002, des mêmes articles du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, un État membre qui, d'une part, refuse de constater et de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres dues à la suite d'importations d'équipements et de biens à usage spécifiquement militaire entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2002 inclus et, d'autre part, refuse de verser les intérêts de retard correspondants.

En effet, il ne saurait être admis qu’un État membre excipe du renchérissement du matériel militaire en raison de l’application des droits de douane sur les importations d'un tel matériel en provenance d’États tiers pour prétendre échapper, au détriment des autres États membres qui, de leur côté, prélèvent et acquittent les droits de douane relatifs à de telles importations, aux obligations que lui impose la solidarité financière à l’égard du budget de l'Union.

Arrêt du 4 mars 2010, Commission / Portugal (C-38/06, Rec._p._I-1569) (cf. points 67, 74 et disp.)

8. Ressources propres des Communautés européennes - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Circonstances n'impliquant "ni manoeuvre ni négligence manifeste" de l'intéressé - Notion de négligence manifeste - Interprétation stricte - Critères - Complexité de la réglementation tarifaire - Absence - Inexpérience professionnelle de l'importateur - Absence - Diligence de l'importateur - Absence



Ordonnance du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe / Commission (C-498/09 P, Rec._p._I-79*) (cf. points 99-103, 107-109, 114-115, 118-135)

9. Ressources propres des Communautés européennes - Constatation et mise à disposition par les États membres - Inscription au crédit du compte de la Commission - Inscription tardive - Manquement - Obligation de payer des intérêts moratoires

En vertu de l’article 2, paragraphe 1, des règlements nº 1552/89 et nº 1150/2000, portant respectivement application des décisions 88/376 et 94/728, relatives au système des ressources propres des Communautés, les États membres doivent constater un droit sur les ressources propres dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.

Il découle de l’article 220, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, que les conditions de la prise en compte a posteriori du montant des droits de douane à recouvrer ou restant à recouvrer sont remplies lorsque les autorités douanières se sont aperçues de cette situation, et que celles-ci sont en mesure de calculer le montant légalement dû et de déterminer le débiteur.

Dans ce contexte, lorsque les autorités douanières communiquent au redevable un acte administratif, quelle que soit sa dénomination, constatant l’existence d’un défaut total ou partiel de paiement des dettes douanières et indiquant le montant des droits de douane qu’elles estiment légalement dû, elles sont, à cette occasion, en mesure de calculer le montant des droits qui résulte d’une dette douanière et de déterminer le redevable.

En conséquence, la prise en compte a posteriori du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer doit intervenir, en principe, en application de l'article 220, paragraphe 1, du code des douanes, dans un délai de deux jours à compter de la communication au redevable du procès-verbal qui remplit les conditions mentionnées au point précédent.

S'agissant des intérêts de retard, il existe un lien indissociable entre l'obligation de constater les ressources propres communautaires, celle de les inscrire au compte de la Commission dans les délais impartis et, enfin, celle de verser les intérêts de retard, ces derniers étant exigibles quelle que soit la raison du retard avec lequel ces ressources ont été portées au compte de la Commission.

Par conséquent, manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 6 et 9 à 11 du règlement nº 1552/89 et des mêmes articles du règlement nº 1150/2000, ainsi que de l’article 220 du règlement nº 2913/92, un État membre qui ne respecte pas les délais pour l’inscription des ressources propres communautaires en cas de recouvrement a posteriori et verse tardivement lesdites ressources.

Arrêt du 17 juin 2010, Commission / Italie (C-423/08, Rec._p._I-5449) (cf. points 37-38, 41-42, 49, 51 et disp.)

10. Ressources propres des Communautés européennes - Constatation et mise à disposition par les États membres - Inscription au crédit du compte de la Commission - Droits résultant d'une dette douanière - Inscription tardive - Manquement - Justification tirée de l'existence de procédures en cours dans l'État membre d'exportation contre les conclusions du contrôle a posteriori - Inadmissibilité

À partir du moment où, sur la base des informations fournies par les autorités de l'État d'exportation, les autorités de l'État d'importation sont en mesure de déterminer les redevables et de calculer le montant d'une dette douanière, un retard dans la mise à disposition des droits de douane en cause ne saurait être justifié par l’attente d’informations supplémentaires de la part des autorités de l'État d'exportation ou d’une décision définitive dans des procédures judiciaires engagées dans ce dernier État, et encore moins par celle du rapport final dans le cadre de l’enquête menée en parallèle par l’unité de coordination de la lutte antifraude de la Commission. Les conclusions des contrôles a posteriori réalisés par les autorités de l’État d’exportation s’imposent aux autorités de l’État d’importation. Par conséquent, le fait que les autorités de l'État d'exportation signalent également l’existence d’un recours dirigé contre les conclusions du contrôle a posteriori ne saurait affecter l’obligation des autorités de l'État d'importation de prendre en compte et de communiquer la dette douanière en cause ainsi que de constater les ressources propres afférentes.

Ainsi, un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 6 et 9 à 11 du règlement nº 1552/89, portant application de la décision 88/376 relative au système des ressources propres des Communautés, ainsi que des mêmes articles du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, en laissant se prescrire des créances douanières en dépit de la réception d’une communication d’assistance mutuelle, en s'acquittant tardivement des ressources propres dues à cet égard et en refusant de verser les intérêts de retard applicables.

Arrêt du 1er juillet 2010, Commission / Allemagne (C-442/08, Rec._p._I-6457) (cf. points 80, 83, 88, 98 et disp.)

11. Ressources propres des Communautés européennes - Constatation et mise à disposition par les États membres - Inscription au crédit du compte de la Commission - Inscription tardive - Obligation de payer des intérêts moratoires

Il existe un lien indissociable entre l’obligation de constater les ressources propres communautaires, celle de les inscrire au compte de la Commission dans les délais impartis et, enfin, celle de verser des intérêts de retard, ces derniers étant exigibles quelle que soit la raison du retard avec lequel ces ressources ont été portées au compte de la Commission.

En effet, en vertu de l’article 11 du règlement nº 1552/89, portant application de la décision 88/376, relative au système des ressources propres des Communautés, tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, du même règlement donne lieu au paiement par l’État membre concerné d’intérêts applicables à toute la période du retard. En outre, il ressort du libellé dudit article 11 qu’un retard dans la mise à disposition des ressources propres ne saurait dépendre d’un délai fixé par la Commission pour la mise à disposition desdites ressources.

Arrêt du 1er juillet 2010, Commission / Allemagne (C-442/08, Rec._p._I-6457) (cf. points 93-95)

12. Ressources propres des Communautés européennes - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Charge de la preuve



Ordonnance du 1er juillet 2010, DSV Road / Commission (C-358/09 P, Rec._p._I-89*) (cf. points 47-52, 58-59)

13. Ressources propres des Communautés européennes - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Situation particulière - Notion - Délivrance de certificats incorrects par les autorités douanières sur la base de déclarations inexactes de l'exportateur, sans obligation pour lesdites autorités d'en vérifier la validité - Exclusion



Ordonnance du 1er juillet 2010, DSV Road / Commission (C-358/09 P, Rec._p._I-89*) (cf. points 79-83)

14. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Responsabilité des États membres - Portée

Les ressources propres de l'Union, visées à l'article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2000/597, relative au système des ressources propres des Communautés européennes, sont, selon l'article 8, paragraphe 1, de ladite décision, perçues par les États membres et ceux-ci ont l'obligation de mettre ces ressources à la disposition de la Commission. En vertu de l'article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 du même règlement soient mis à la disposition de la Commission. Les États membres n'en sont dispensés que si le recouvrement n'a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu'il s'avère qu'il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées.

À cet égard, le comportement de tout organe d'un État est, en principe, attribuable à ce dernier. Un organe comprend toute personne ou entité qui a ce statut d’après le droit interne de l’État en cause. La circonstance que, par son comportement, une telle personne ou entité, habilitée à l’exercice de prérogatives de puissance publique et agissant en cette qualité, enfreigne la loi, détourne ses compétences ou contrevienne aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques n’est pas de nature à infirmer cette conclusion.

Arrêt du 8 juillet 2010, Commission / Italie (C-334/08, Rec._p._I-6869) (cf. points 34-35, 39)

Voir le texte de la décision.

Ordonnance du 14 septembre 2015, Slovénie / Commission (T-585/14) (cf. points 29-35)



Ordonnance du 14 septembre 2015, Slovaquie / Commission (T-678/14) (cf. points 28-34)

Ordonnance du 14 septembre 2015, Slovaquie / Commission (T-779/14) (cf. points 27-33)

Ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie / Commission (T-784/14) (cf. points 24-30)

Ordonnance du 14 septembre 2015, Espagne / Commission (T-841/14) (cf. points 22-28)

Ordonnance du 28 juin 2018, République tchèque / Commission (T-147/15) (cf. points 37, 38, 41-44)

Ordonnance du 28 juin 2018, Roumanie / Commission (T-478/15) (cf. points 33, 34, 38)

Arrêt du 11 juillet 2019, Commission / Italie (Ressources propres - Recouvrement d'une dette douanière) (C-304/18) (cf. points 49, 50)

15. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Dispense - Conditions - Raisons de force majeure ou autres raisons n'étant pas imputables à un État membre - Notion de force majeure

La notion de force majeure visée par l'article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, doit être entendue au sens de circonstances étrangères à celui qui l'invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées. L'un des éléments constitutifs de la notion de force majeure est la réalisation d'un événement étranger à la personne qui veut s'en prévaloir, c'est-à-dire la survenance d'un fait qui se produit à l'extérieur de la sphère d'intervention de cette personne.

Le comportement des fonctionnaires douaniers, qui, dans l'exercice de leurs fonctions, délivrent des autorisations illégales, ne peut pas être considéré comme étant étranger à l'administration à laquelle ils appartiennent. Eu outre, il n'a pas été établi que les conséquences dudit comportement, imputable à l'État membre, n'auraient pas pu être évitées malgré la diligence dont a pu faire preuve cet État membre. Par conséquent, cet État membre n'est pas fondé à invoquer la force majeure afin d'être dispensé de l'obligation de mise à la disposition de la Commission des ressources propres de l'Union.

Arrêt du 8 juillet 2010, Commission / Italie (C-334/08, Rec._p._I-6869) (cf. points 42, 46-47, 49)

16. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Absence de constatation et de mise à disposition sans raisons de force majeure ou impossibilité définitive non imputable à l'État membre concerné de procéder au recouvrement - Manquement

Si une erreur commise par les autorités douanières d'un État membre a pour effet que les ressources propres de l'Union n'ont pas été recouvrées, une telle erreur ne saurait remettre en cause l'obligation de l'État membre concerné de payer les droits qui ont été constatés ainsi que les intérêts de retard.

Dans ces conditions, un État membre qui s'abstient de constater le droit de l'Union sur les ressources propres et de mettre le montant correspondant à la disposition de la Commission, sans que l'une des conditions prévues à l'article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, soit remplie, manque à ses obligations en vertu du droit de l’Union et, notamment, des articles 2 et 8 de la décision 2000/597, relative au système des ressources propres des Communautés.

Arrêt du 8 juillet 2010, Commission / Italie (C-334/08, Rec._p._I-6869) (cf. points 50-51)

Depuis le 1er janvier 2005, l’Union européenne a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement en provenance notamment de Chine.

À ces fins, l’OLAF a mis au point un outil d’évaluation des risques reposant sur des données à l’échelle de l’Union. Cet outil, s’appuyant sur le calcul d’une moyenne établie à partir de « prix moyens corrigés », aboutit à un « prix minimal acceptable », utilisé comme profil ou seuil de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, ainsi, les importations présentant un risque important de sous-évaluation.

En 2011 et en 2014, le Royaume-Uni a participé à des opérations de surveillance menées par la Commission et l’OLAF, visant à contrecarrer certains risques de fraude à la sous-évaluation, sans toutefois appliquer les « prix minimaux acceptables » calculés selon la méthode de l’OLAF, voire sans exécuter les avis de paiements supplémentaires émis par ses autorités à l’issue d’une telle application.

Or, lors de plusieurs réunions bilatérales, l’OLAF a recommandé que les autorités compétentes britanniques recourent aux indicateurs de risque à l’échelle de l’Union que constituent les « prix minimaux acceptables ». Selon l’OLAF, les importations frauduleuses augmentaient de manière significative au Royaume-Uni en raison du caractère inapproprié des contrôles effectués par les autorités douanières de cet État, encourageant le déplacement vers ce dernier d’opérations frauduleuses visant d’autres États membres. Cependant, selon l’OLAF, le Royaume-Uni n’aurait pas suivi ses recommandations, mettant au contraire les produits concernés en libre pratique dans le marché intérieur, sans procéder aux contrôles douaniers appropriés, de telle sorte qu’une partie substantielle des droits de douane dus n’auraient été ni perçus ni mis à la disposition de la Commission européenne.

En conséquence, estimant que le Royaume-Uni n’avait ni pris en compte les montants corrects des droits de douane, ni mis à sa disposition les montants corrects de ressources propres traditionnelles et de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine, la Commission a introduit un recours tendant à faire constater que cet État a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la réglementation de l’Union relative au contrôle et à la surveillance en matière de recouvrement des ressources propres, au droit douanier et à la TVA.

Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, accueille en partie le recours de la Commission et dit pour droit, en substance, que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en n’ayant pas appliqué des mesures de contrôle douanier efficaces ni pris en compte les montants corrects des droits de douane et, partant, en n’ayant pas mis à disposition de la Commission le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine{1}, ainsi qu’en n’ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires pour calculer les montants de droits et de ressources propres restant dus{2}.

Appréciation de la Cour

Au préalable, la Cour écarte l’ensemble des fins de non-recevoir avancées par le Royaume-Uni portant notamment sur la violation par la Commission du principe de protection de la confiance légitime en raison de certaines déclarations d’agents de la Commission ou de l’OLAF effectuées lors de réunions avec son administration au sujet des mesures prises par cet État pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

À cet égard, la Cour rappelle que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances ayant fait naître à son égard des espérances fondées. Or, même en présence de telles espérances, ce principe ne saurait être invoqué par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective, par la Cour, du non-respect des obligations que lui impose le traité FUE.

Sur le fond, en premier lieu, pour accueillir le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations du droit douanier de l’Union, la Cour souligne tout d’abord les obligations de résultat précises incombant aux États membres, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Afin de combattre les infractions susceptibles de faire obstacle au prélèvement effectif et intégral des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane et risquant, par conséquent, de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, les États membres doivent prévoir l’application non seulement de sanctions adéquates, et notamment des sanctions pénales en cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave, mais également des mesures de contrôles douaniers efficaces et dissuasives. La nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences de cette disposition ne peut pas être déterminée de manière abstraite et statique, dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent évoluer dans le temps.

Partant, si l’article 325, paragraphe 1, TFUE, accorde aux États membres une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures de contrôles douaniers, en l’espèce, eu égard aux particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause, le dispositif de contrôles douaniers mis en place par le Royaume-Uni pour combattre ladite fraude, en ce qu’il était, à quelques rares exceptions près, limité à des actions de recouvrement de droits a posteriori, ne respectait manifestement pas le principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, la Cour reconnaît que les critères communs recommandés par l’OLAF et la Commission aux États membres en matière de risques qui s’insèrent dans le cadre commun de gestion des risques ne sont pas contraignants. Cependant, l’article 325, paragraphes 1 et 3, TFUE, implique une coopération étroite entre, d’une part, les États membres et l’Union et, d’autre part, les États membres eux-mêmes, ces derniers devant dès lors tenir dûment compte de ces critères, voire les suivre dans le cas où ils n’auraient pas développé des critères nationaux au moins aussi efficaces que ceux recommandés par l’Union.

En vertu de la réglementation douanière de l’Union, lue en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni aurait donc dû, à tout le moins, dans le cadre de la définition, pendant la période d’infraction, de son système d’analyse et de gestion des risques, tenir dûment compte des profils de risque ainsi que des types de contrôles douaniers que l’OLAF et la Commission lui recommandaient. Dans ces circonstances, dans le cadre des contrôles douaniers ayant lieu avant la mise en libre pratique des marchandises, le Royaume-Uni ne pouvait, dans l’attente de la mise en place de ses propres seuils de risque prétendument plus performants, refuser d’appliquer un profil de risque quelconque permettant d’identifier, avant le dédouanement des marchandises en cause, des importations à très bas prix présentant un risque important de sous-évaluation. La Cour précise que, dans un contexte de fraude massive à la sous-évaluation telle que celle en cause, une protection effective des intérêts financiers de l’Union nécessitait, outre la mise en place d’un profil de risque, une demande systématique de constitution de garanties pour ce qui concerne les importations en cause. Or, en l’espèce, le Royaume-Uni n’a exigé la constitution de garanties que de manière très exceptionnelle, ces garanties ayant par ailleurs été remboursées après l’annulation des avis auxquels celles-ci avaient trait. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni, en calculant les montants des droits de douane sur la base de valeurs incorrectes, car manifestement trop basses, puis en prenant en compte ces montants de droits, en violation du droit douanier de l’Union, n’a pas pris en compte de manière effective l’intégralité des droits de douane dus.

En second lieu, pour accueillir partiellement le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, la Cour rappelle tout d’abord que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que leurs autorités sont en mesure de calculer le montant des droits résultant d’une dette douanière et d’en déterminer le redevable, et de mettre ensuite les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission, en prenant toutes les mesures nécessaires à cet égard. La gestion du système des ressources propres de l’Union est donc confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Le lien direct entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes oblige les États membres à protéger les intérêts financiers de l’Union et à prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits.

En l’espèce, la Cour constate une violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union dans la mesure où le Royaume-Uni n’a pas pris, pendant la période d’infraction, de mesures de nature à assurer que soient établies à leur juste niveau les valeurs en douane des importations en cause, telles que des contrôles effectués avant le dédouanement et l’obligation de constituer des garanties pour les importations présentant un risque important de sous-évaluation. Ainsi, les dettes douanières ont été calculées par cet État sur la base de valeurs inexactes et le caractère inapproprié des contrôles opérés a eu pour conséquence que l’intégralité des ressources propres relatives aux importations concernées n’a pas été mise à la disposition de la Commission. En omettant de vérifier l’exactitude des valeurs des marchandises en question, déclarées conformément aux règles du droit de l’Union avant leur mise en libre pratique, le Royaume-Uni a créé une situation irréversible ayant conduit à des pertes considérables de ressources propres de l’Union pour lesquelles celui-ci doit être tenu pour responsable.

Ensuite, la Cour accueille le grief de la Commission selon lequel le Royaume-Uni a violé le droit douanier de l’Union en ne mettant pas à sa disposition les ressources propres traditionnelles qui étaient dues pour ce qui concerne les importations relevant de l’opération douanière conjointe dite « Snake », coordonnée par l’OLAF. En effet, les droits de douane supplémentaires réclamés dans des avis émis par le Royaume-Uni avaient été pris en compte, notifiés à leurs débiteurs et inscrits dans la comptabilité, en conformité avec le droit de l’Union. Cependant, lesdits droits n’avaient pas encore été recouvrés et aucune caution n’avait été fournie pour ceux-ci lorsque le Royaume-Uni a décidé d’annuler ces avis et de retirer l’inscription des montants concernés dans la comptabilité.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu du droit douanier de l’Union, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés soient mis à la disposition de la Commission. Or, en l’espèce, le calcul de ces montants est entaché d’une erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, qui étaient tenues de corriger cette erreur en déterminant à nouveau la valeur en douane, en se basant sur l’une des méthodes prévues à cet égard par le droit douanier de l’Union. Cette conclusion vaut également pour leur décision de ne pas réémettre lesdits avis après les avoir corrigés. À cet égard, l’application du droit douanier de l’Union incombe aux États membres qui en sont exclusivement responsables, et le Royaume-Uni, en décidant d’annuler les avis précités plutôt que de les réémettre après les avoir corrigés par des calculs conformes au droit douanier de l’Union, n’a pas pris, en violation de ce droit, les mesures nécessaires pour que les montants constatés soient mis à la disposition de la Commission. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni n’a pas respecté la procédure prévue par le droit douanier de l’Union pour pouvoir être dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants concernés. En outre, pour rejeter les raisons invoquées par le Royaume-Uni visant à le dispenser de son obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres dérivées des droits de douane constatés dans les avis précités et tenant au fait que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises défaillantes ou insolvables, la Cour relève que si ces droits se sont révélés irrécouvrables auprès des entreprises concernées, cela est dû à une double erreur administrative imputable aux autorités de cet État. Enfin, la Cour constate que cet État n’a pas non plus respecté l’obligation accessoire qui lui incombait de verser les intérêts de retard afférents aux ressour

ces propres non mises à la disposition de la Commission.

S’agissant de la question de savoir si le Royaume-Uni a manqué plus spécifiquement aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres, en n’ayant pas mis à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles à concurrence d’un montant déterminé pour chaque année couverte par la période d’infraction, soit un total de 2 679 637 088,86 euros, la Cour constate qu’il est de la compétence et de la responsabilité exclusive des États membres d’assurer que les valeurs déclarées en douane sont établies dans le respect des règles du droit douanier de l’Union relatives à la détermination de la valeur en douane. Or, en l’occurrence, puisque les autorités douanières du Royaume-Uni avaient omis de prendre les mesures appropriées de manière suffisamment systématique, d’importants volumes de marchandises faisant l’objet d’importations manifestement sous-évaluées ont été mis en libre pratique, sans possibilité de les rappeler à des fins de contrôles physiques. Ces omissions ayant rendu impossible l’établissement de la valeur en douane sur la base de l’une des méthodes prescrites par le droit douanier de l’Union, la Commission a, à bon droit, utilisé d’autres méthodes pour cet établissement. La Cour constate également que c’est à bon droit que la Commission a fait usage de sa faculté, inhérente au système des ressources propres de l’Union, de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, le différend l’opposant au Royaume-Uni en ce qui concerne l’obligation de cet État de mettre un certain montant de ressources propres à sa disposition.

Enfin, concernant la quantification des pertes de ressources propres, la Cour précise que, lorsque l’impossibilité de procéder à des vérifications est la conséquence de l’omission des autorités douanières d’avoir effectué des contrôles visant à vérifier la valeur réelle des marchandises, une méthode fondée sur des données statistiques plutôt qu’une méthode visant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base de preuves directes est permise. L’examen effectué par la Cour dans le cadre de la présente procédure doit essentiellement viser à vérifier, d’une part, que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et, d’autre part, qu’elle était suffisamment précise et fiable. À cet égard, la Cour écarte en partie le calcul effectué par la Commission, en jugeant que, du fait d’une incohérence entre les conclusions de la requête et les motifs de celle-ci ainsi que des importantes incertitudes qui en résultent en ce qui concerne l’exactitude des montants des ressources propres que la Commission réclame, cette institution n’a pas démontré à suffisance de droit l’intégralité de ces montants. Eu égard aux particularités de l’espèce, la Cour approuve cependant la méthode appliquée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour une partie de la période d’infraction, dans la mesure où cette méthode s’avère suffisamment précise, fiable et prudente pour ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant desdites pertes. La Cour précise également qu’il ne lui appartient pas de se substituer à la Commission en calculant elle-même les montants exacts des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni. En effet, elle peut soit accueillir soit rejeter, en tout ou en partie, les demandes figurant dans les conclusions de la requête de la Commission, sans pour autant modifier la portée de ces demandes. Il appartient en revanche à la Commission de procéder à u

n nouveau calcul des pertes de ressources propres de l’Union restant dues en tenant compte des enseignements de l’arrêt de la Cour relatives à la quantité des pertes et de la valeur qui doit leur être imputée.

{1} Ce manquement vise les obligations qui incombaient au Royaume-Uni en vertu, notamment, de l’article 310, paragraphe 6, et de l’article 325 TFUE, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), et de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de [TVA] (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 335, p. 60).

{2} Plus précisément, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE (principe de coopération loyale) en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées.

Arrêt du 8 mars 2022, Commission / Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation) (C-213/19) (cf. point 404)



Arrêt du 3 avril 2014, Commission / Royaume-Uni (C-60/13) (cf. point 50)

Arrêt du 11 juillet 2019, Commission / Italie (Ressources propres - Recouvrement d'une dette douanière) (C-304/18) (cf. points 59-61)

17. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Dispense - Conditions - Raisons de force majeure ou autres raisons n'étant pas computables à un État membre - Régularité de l'inscription des droits constatés dans la comptabilité séparée

La possibilité, pour les États membres, de se voir exemptés de leur obligation de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés exige non seulement le respect des conditions énoncées à l'article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 94/728 relative au système des ressources propres des Communautés, modifié, mais aussi que lesdits droits aient été régulièrement inscrits dans la comptabilité B.

En effet, l'article 6, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que les États membres doivent tenir une comptabilité des ressources propres auprès du Trésor public ou de l'organisme désigné par eux. En application du paragraphe 3, sous a) et b), du même article, les États membres sont obligés de reprendre dans la comptabilité A les droits constatés conformément à l'article 2 de ce règlement au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté, sans préjudice de la faculté d’inscrire dans la comptabilité B, dans le même délai, les droits constatés qui n'ont "pas encore été recouvrés" et pour lesquels "aucune caution n'a été fournie", ainsi que les droits constatés et "couverts par des garanties, qui font l'objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus".

L'inscription des ressources propres dans la comptabilité B traduit ainsi une situation exceptionnelle caractérisée par le fait de permettre aux États membres soit de ne pas mettre ces droits à la disposition de la Commission dès leur constatation parce qu'ils n'ont pas encore été recouvrés, au titre de l'article 6, paragraphe 3, sous b), du règlement nº 1150/2000, soit d'être dispensés de le faire si lesdits droits s'avèrent irrécouvrables pour des raisons de force majeure ou pour d'autres raisons qui ne leur sont pas imputables, sur le fondement de l'article 17, paragraphe 2, de ce règlement.

Dans ces conditions, afin de pouvoir bénéficier d'une telle situation exceptionnelle, il est nécessaire que l'inscription des droits constatés dans la comptabilité B ait été effectuée par les États membres dans le respect du droit de l'Union.

Arrêt du 8 juillet 2010, Commission / Italie (C-334/08, Rec._p._I-6869) (cf. points 65-66, 68-69)

18. Ressources propres des Communautés européennes - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Conditions - Absence d'autorisation requise selon l'article 14, sous c), du règlement nº 88/97 - Exemption des droits antidumping au sens de l'article 212 bis du règlement nº 2913/92 - Exclusion

L’article 212 bis du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, ne permet pas d’octroyer l’exemption des droits antidumping à un importateur qui ne dispose pas de l’autorisation préalable pour bénéficier d’une exemption de tels droits en vertu de l’article 14, sous c), du règlement nº 88/97, relatif à l'autorisation de l’exemption des importations de certaines parties de bicyclettes en provenance de la République populaire de Chine en ce qui concerne l’extension par le règlement nº 71/97 du droit antidumping institué par le règlement nº 2474/93.

En effet, parmi d'autres conditions, la disposition de l'article 14, sous c), du règlement nº 88/97 renvoie explicitement à celle tenant à la délivrance d’une autorisation préalable, énoncée à l’article 292 du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d'application du règlement nº 2913/92. Se contenter, aux fins de l'application de l’article 212 bis du code des douanes, de la satisfaction d'une seule des conditions posées par ledit article 14, sous c), pour conclure que "les autres conditions d’application" de l'article 212 bis du code des douanes sont réunies reviendrait à réduire à néant l’imposition de cette condition d’une autorisation préalable posée par ledit article 292. Or, celui-ci prévoyant une exemption des droits antidumping et étant dès lors d’interprétation stricte, il convient d’en tenir compte aux fins de l’interprétation dudit article 212 bis, ce d'autant plus que l’autorisation préalable susmentionnée revêt une importance particulière dans le contexte du régime établi par le règlement nº 88/97, dans la mesure où il permet aux autorités douanières de vérifier au moment des faits que toutes les exigences relatives à l’exemption des droits antidumping en cause sont réunies.

Arrêt du 29 juillet 2010, Isaac International (C-371/09, Rec._p._I-7727) (cf. points 41-43, 45, disp. 2)

19. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Sanctions administratives - Conditions d'application - Impossibilité d'infliger de telles sanctions sur le seul fondement des articles 5 et 7 dudit règlement

Les articles 5 et 7 du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, ne s’appliquent pas d'une manière telle qu’une sanction administrative puisse être infligée sur le fondement de ces seules dispositions dès lors que, dans le contexte de la protection des intérêts financiers de l’Union, l’application d’une sanction administrative à une catégorie de personnes nécessite que, antérieurement à la commission de l’irrégularité en cause, soit le législateur de l’Union ait adopté une réglementation sectorielle définissant une telle sanction et les conditions de son application à cette catégorie de personnes, soit, le cas échéant, lorsqu’une telle réglementation n’a pas encore été adoptée au niveau de l’Union, le droit de l’État membre où a été commise cette irrégularité ait prévu l’imposition d’une sanction administrative à ladite catégorie de personnes.

En effet, si, en raison même de leur nature et de leur fonction dans le système des sources du droit de l'Union, les dispositions d'un règlement ont, en règle générale, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu'il soit besoin pour les autorités nationales de prendre des mesures d'application ou qu'il soit besoin pour le législateur de l'Union d'adopter des réglementations complémentaires, certaines des dispositions d'un règlement peuvent nécessiter, pour leur mise en oeuvre, l'adoption de mesures d'application soit par les États membres, soit par le législateur de l'Union lui-même.

Il en va ainsi dans le contexte de la protection des intérêts financiers de l'Union, s'agissant des sanctions administratives imposées aux différentes catégories d'acteurs identifiées dans le règlement nº 2988/95. Tel est le cas notamment des sanctions mentionnées aux articles 5 et 7 dudit règlement, dès lors que ces dispositions se bornent à établir les règles générales de contrôles et de sanctions dans un but de protection des intérêts financiers de l'Union et que, en particulier, elles ne déterminent pas précisément laquelle des sanctions énumérées audit article 5 devrait être appliquée dans un cas d'irrégularité portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union ni la catégorie d'acteurs devant faire l'objet d'une telle sanction dans un tel cas.

Arrêt du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a. (C-367/09, Rec._p._I-10761) (cf. points 32-34, 36, 43, disp. 1)



Arrêt du 14 septembre 2022, PB / Commission (T-775/20) (cf. points 53-58, 65-71)

20. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Sanctions administratives - Conditions d'application - Société spécialisée sur le plan international en matière de contrôle et de surveillance ayant délivré de fausses attestations - Réglementation sectorielle de l'Union ne prescrivant pas l'obligation pour les États membres de prévoir des sanctions efficaces pour ce cas de figure - Possibilité pour les États membres d'appliquer une sanction à ladite société - Conditions - Appréciation par la juridiction nationale

Dans des circonstances où la réglementation sectorielle de l’Union ne prescrivait pas encore l’obligation pour les États membres de prévoir des sanctions efficaces dans les cas où une société spécialisée sur le plan international en matière de contrôle et de surveillance et agréée par un État membre a délivré de fausses attestations, l’article 7 du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, ne fait pas obstacle à ce que les États membres appliquent une sanction à cette société en sa qualité de personne qui a "participé à la réalisation de l’irrégularité" ou de personne qui est "tenue de répondre" de celle-ci au sens de cette disposition, à la condition toutefois que l’application d’une telle sanction repose sur une base juridique claire et non ambiguë, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

Arrêt du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a. (C-367/09, Rec._p._I-10761) (cf. point 62, disp. 2)

21. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Acte interruptif - Notion

La communication, à une société spécialisée sur le plan international en matière de contrôle et de surveillance ayant délivré une attestation de mise à la consommation pour une opération d’exportation précise, d’un rapport d’enquête mettant en exergue une irrégularité en lien avec cette opération, la présentation à cette société d’une demande de production de pièces complémentaires tendant à contrôler la réalité de la mise à la consommation ainsi que l’envoi d’une lettre recommandée appliquant une sanction à ladite société pour avoir participé à la réalisation d’une irrégularité au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, constituent des actes suffisamment précis portés à la connaissance de la personne en cause et visant à l’instruction ou à la poursuite de l’irrégularité qui, par conséquent, interrompent la prescription des poursuites au sens de l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, dudit règlement.

Arrêt du 28 octobre 2010, SGS Belgium e.a. (C-367/09, Rec._p._I-10761) (cf. point 70, disp. 3)

22. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92



Arrêt du 16 décembre 2010, HIT Trading et Berkman Forwarding / Commission (T-191/09, Rec._p._II-283*) (cf. points 42-44, 53-61, 72-73)

23. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Absence de publication, par la Commission, d'un avis aux importateurs en cas de doutes sur l'origine de marchandises susceptibles d'être soumises à des droits antidumping - Violation des principes de sécurité juridique et de loyauté - Absence



Arrêt du 16 décembre 2010, HIT Trading et Berkman Forwarding / Commission (T-191/09, Rec._p._II-283*) (cf. points 79-81)

24. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Clause d'équité instituée par les articles 239 du code des douanes communautaire et 905 de son règlement d'application nº 2454/93 - Situation particulière - Notion - Confiance du redevable dans la validité de certificats d'origine se révélant faux, falsifiés ou non valables - Confiance du fait de l'acceptation initiale des certificats par les autorités douanières d'un État membre - Exclusion

Dans le cadre d’un recouvrement a posteriori de droits à l’importation imposés au titre de droits antidumping, le fait que des certificats d’origine émis par des chambres de commerce d’un pays tiers se soient révélés invalides ne saurait être considéré comme une circonstance mettant l’intéressé dans une situation particulière au sens de l’article 239 du règlement nº 2913/1992, établissant le code des douanes. Le fait de s’appuyer sur ces certificats pour établir l’origine des marchandises déclarées auprès des autorités douanières est un choix du déclarant pour s’acquitter de son obligation de déclarer auprès des autorités douanières l’origine des importations. Ce choix comporte des risques inhérents à l’activité du commissionnaire en douane, qui, partant, doivent être supportés par ce dernier et non par les finances publiques. Si ces circonstances devaient être considérées comme mettant le redevable dans une situation particulière qui justifierait la remise des droits antidumping, les opérateurs économiques n’auraient aucun intérêt à s’assurer de la véracité des déclarations et des documents présentés auprès des autorités douanières.

Arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency / Commission (T-576/11) (cf. points 61-65, 69)



Arrêt du 16 décembre 2010, HIT Trading et Berkman Forwarding / Commission (T-191/09, Rec._p._II-283*) (cf. points 91-92, 95-99)

25. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Irrégularités commises dans le cadre d'opérations d'adjudication dans le secteur du beurre - Applicabilité du délai général de prescription de quatre ans - Possibilité, pour les États membres, de prévoir des délais de prescription plus longs

Dans la mesure où il ne prévoit pas de règle de prescription des poursuites applicable à l’encaissement de garanties constituées dans le cadre des opérations d’adjudication dans le secteur du beurre, du beurre concentré et de la crème, le règlement nº 2571/97, relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l’octroi d’une aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires, ne constitue pas une réglementation sectorielle prévoyant un "délai inférieur" au sens de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, seconde phrase, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes. Par conséquent, le délai de prescription de quatre ans défini par l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, de ce dernier règlement s’applique à un tel encaissement, sous réserve toutefois de la possibilité que conservent les États membres, en vertu du paragraphe 3 dudit article 3, de prévoir des délais de prescription plus longs.

Arrêt du 22 décembre 2010, Corman (C-131/10, Rec._p._I-14199) (cf. point 50, disp. 1)

26. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Irrégularités commises dans le cadre d'opérations d'adjudication dans le secteur du beurre - Possibilité, pour les États membres, de prévoir des délais de prescription plus longs que le délai général de quatre ans - Irrégularités commises par les cocontractants de l'adjudicataire - Absence d'incidence

Lorsqu’ils poursuivent une irrégularité au sens de l’article 1er du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, les États membres conservent la possibilité d’appliquer des délais de prescription plus longs au sens de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement, y compris, dans le contexte du règlement nº 2571/97, relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l’octroi d’une aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires, dans des situations où les irrégularités dont doit répondre l’adjudicataire ont été commises par les cocontractants de celui-ci.

En effet, dans le cadre de la dérogation prévue à l'article 3, pargraphe 3, du règlement nº 2988/95, les États membres conservent un large pouvoir d'appréciation quant à la fixation de délais de prescription plus longs qu'ils entendent appliquer dans un cas d'irrégularité portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union.

Arrêt du 22 décembre 2010, Corman (C-131/10, Rec._p._I-14199) (cf. points 54, 62, disp. 2)

27. Ressources propres de l'Union européenne - Destinations douanières - Mise en libre pratique - Gestion des contingents tarifaires - Contingent tarifaire ouvert un dimanche, jour de fermeture des bureaux de douane dans un État membre, et épuisé le jour même - Exclusion, du contingent tarifaire ainsi épuisé, d'un opérateur établi dans cet État membre - Admissibilité

Les articles 308 bis à 308 quater du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 214/2007, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que la Commission puisse prendre une décision excluant un opérateur d’un contingent tarifaire du fait que ce contingent a été épuisé le jour même de son ouverture tombant un dimanche, jour de fermeture des bureaux de douane dans l’État membre où est établi l’opérateur en cause.

À cet égard, la fermeture dominicale des bureaux de douane dans un État membre n’est pas imputable à la Commission et celle-ci n’est pas, de ce seul fait, dans l’obligation de remédier à un traitement différent des opérateurs établis dans cet État membre, résultant du fait que les jours d’ouverture des bureaux de douane dans ledit État membre se distinguent de ceux dans d’autres États membres.

Arrêt du 17 février 2011, Bolton Alimentari (C-494/09, Rec._p._I-647) (cf. points 36-37, disp. 1)



Arrêt du 24 novembre 2011, Saupiquet / Commission (T-131/10, Rec._p._II-426*) (cf. points 27-28)

28. Ressources propres de l'Union européenne - Destinations douanières - Mise en libre pratique - Gestion des contingents tarifaires - Contingent tarifaire ouvert un dimanche, jour de fermeture des bureaux de douane dans un État membre, et épuisé le jour même - Obligation, pour cet État membre, de demander à la Commission la suspension dudit contingent - Absence

Les articles 308 bis à 308 quater du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 214/2007, doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’imposent pas à un État membre de demander à la Commission la suspension d’un contingent tarifaire pour assurer le traitement équitable et non discriminatoire des importateurs lorsque l’ouverture de ce contingent tarifaire tombe un dimanche, jour de fermeture des bureaux de douane dans l’État membre concerné, et lorsque ledit contingent risque d’être épuisé le jour même de son ouverture étant donné que les bureaux de douane dans d’autres États membres sont ouverts le dimanche.

Une telle suspension ne saurait être admise puisqu’elle impliquerait nécessairement de faire dépendre, dans toute l’Union, l’ouverture d’un tel contingent des particularités existant dans un seul État membre.

Arrêt du 17 février 2011, Bolton Alimentari (C-494/09, Rec._p._I-647) (cf. points 41, 43, disp. 2)

29. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Saisine des autorités douanières nationales d'un cas de demande de remboursement - Cas ne constituant ni une situation particulière au sens de l'article 905 du règlement nº 2454/93, ni une situation visée à l'article 899, paragraphe 1, du même règlement - Cas n'impliquant pas d'irrégularité imputable à la Commission - Compétence des autorités douanières nationales pour se prononcer sur la demande

Dans les cas autres que ceux visés à l’article 899, paragraphe 1, du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 214/2007, l’autorité douanière d’un État membre est compétente pour se prononcer elle-même sur la demande de remboursement visée à l’article 239, paragraphe 2, dudit règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 1791/2006, lorsque cette autorité estime qu’aucune irrégularité ne peut être imputée à la Commission et que la demande en cause ne relève d’aucun des autres cas visés à l’article 905, paragraphe 1, du règlement nº 2454/93.

Arrêt du 17 février 2011, Bolton Alimentari (C-494/09, Rec._p._I-647) (cf. point 47, disp. 3)

30. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Champ d'application - Cas d'exclusion d'un importateur de l'Union d'un contingent tarifaire ouvert un dimanche, en raison de la fermeture dominicale des bureaux de douane dans l'État membre de cet importateur - Inclusion - Conditions

L’article 239 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 1791/2006, doit être interprété en ce sens qu’il peut viser l’exclusion d’un importateur de l’Union d’un contingent tarifaire dont la date d’ouverture tombe un dimanche en raison de la fermeture dominicale des bureaux de douane dans l’État membre où est établi cet importateur.

En effet, les importateurs installés dans un État membre où les bureaux de douane sont fermés le jour de l'ouverture d'un contingent tarifaire se trouvant dans l'impossibilité de faire accepter les déclarations de mise en libre pratique le même jour que les opérateurs installés dans d'autres États membres, il est conforme à l'équité de remédier à cette situation défavorable par l'application de l'article 239 du code des douanes communautaire.

En ce qui concerne les conditions auxquelles est soumise l’application dudit article 239, conformément à son paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 899, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92, il peut être procédé au remboursement des droits à l’importation lorsque les circonstances de l’espèce constituent une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Une telle situation particulière présuppose que le redevable se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité.

Arrêt du 17 février 2011, Bolton Alimentari (C-494/09, Rec._p._I-647) (cf. points 55, 58-60, 64, disp. 4)

31. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Pluralité de débiteurs - Remise des droits accordée à un codébiteur sur fondement de l'article 239 du code des douanes communautaire - Extinction de la dette correspondante pour l'ensemble des codébiteurs solidaires - Inadmissibilité

Les articles 213, 233 et 239 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 82/97, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’application, dans le contexte d’une obligation de solidarité à l’égard d’une dette douanière au sens de cet article 213, d’un principe de droit national dont il résulte que la remise partielle de droits accordée sur le fondement dudit article 239 à l’un des codébiteurs peut être invoquée par tous les autres codébiteurs, de sorte que l’extinction de la dette prévue à l’article 233, premier alinéa, sous b), du même code concerne la dette en tant que telle et dispense donc l’ensemble des codébiteurs solidaires du paiement de celle-ci dans les limites du montant à hauteur duquel la remise a été accordée.

En effet, il résulte du mécanisme dudit article 239 qu’une décision de remise de droits fondée sur cette disposition ne peut être invoquée qu’au bénéfice du seul auteur de la demande de remise. L’examen de l’absence de manœuvre et de négligence manifeste de la part de l’intéressé, qui constitue une condition à laquelle cet article subordonne l’octroi d’une remise des droits à l’importation, doit être effectué au regard des circonstances spécifiques pertinentes par rapport au fait générateur de la dette douanière dans le chef de chaque codébiteur, ainsi que de l’expérience professionnelle et de la diligence propre de celui-ci par rapport aux faits qui lui sont reprochés et qui fondent son obligation de solidarité.

Arrêt du 17 février 2011, Berel e.a. (C-78/10, Rec._p._I-717) (cf. points 52, 61, 66 et disp.)

32. Ressources propres de l'Union européenne - Destinations douanières - Mise en libre pratique - Dispositions particulières relatives aux bananes - Obligations de contrôle des autorités douanières - Portée - Nécessité d'effectuer des contrôles au-delà du taux minimal de 10 % par année



Arrêt du 17 mars 2011, Commission / Portugal (15 à 33, 52, 53, 57 à 109, 116, 117, 123, 132 et 135 à 137-73, Rec._p._I-30*) (cf. points 47-54)

33. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Acceptation systématique et sans contrôle de déclarations en douane mentionnant un poids standard, et donc fictif, de bananes fraîches importées - Manquement - Justification tirée de l'ordre interne - Inadmissibilité



Arrêt du 17 mars 2011, Commission / Portugal (15 à 33, 52, 53, 57 à 109, 116, 117, 123, 132 et 135 à 137-73, Rec._p._I-30*) (cf. points 55, 71)

34. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Inscription au crédit du compte de la Commission - Inscription tardive - Obligation de payer des intérêts moratoires



Arrêt du 17 mars 2011, Commission / Portugal (15 à 33, 52, 53, 57 à 109, 116, 117, 123, 132 et 135 à 137-73, Rec._p._I-30*) (cf. points 57-66)

Arrêt du 3 avril 2014, Commission / Royaume-Uni (C-60/13) (cf. points 58, 59)

Arrêt du 11 juillet 2019, Commission / Italie (Ressources propres - Recouvrement d'une dette douanière) (C-304/18) (cf. points 70, 71)

35. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Inscription au crédit du compte de la Commission - Inscription tardive - Manquement - Obligation de payer des intérêts moratoires



Arrêt du 7 avril 2011, Commission / Finlande (C-405/09) (cf. points 35-39, 41, 49-51 et disp.)

36. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Mesures administratives - Dispositions relatives au retrait d'un avantage indûment obtenu - Champ d'application - Mesures visant à retirer un avantage indûment obtenu au moyen d'une irrégularité - Retrait d'une décision ayant octroyé un tel avantage - Inclusion - Nécessité d'une base légale spécifique en dehors de la réglementation générale du règlement nº 2988/95 - Absence

L’obligation de restituer un avantage indûment perçu au moyen d’une pratique irrégulière ne méconnaît pas le principe de légalité. En effet, cette obligation ne constitue pas une sanction, mais est la simple conséquence de la constatation que les conditions requises pour l’obtention de l’avantage résultant de la réglementation de l'Union ont été artificiellement créées, rendant indu l’avantage perçu et justifiant, dès lors, l’obligation de le restituer. Ainsi, à la différence des sanctions administratives qui requièrent une base légale spécifique en dehors de la réglementation générale prévue par le règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, les dispositions prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, lus conjointement avec l’article 1er, paragraphes 1 et 2, du même règlement doivent être considérées comme étant une base légale tant pertinente que suffisante pour toute mesure visant à retirer un avantage indûment obtenu au moyen d’une irrégularité et, partant, pour retirer la décision octroyant cet avantage.

En tout état de cause, même en l’absence de disposition spécifique à cet effet, il découle des principes généraux de droit de l'Union que l’administration est, en principe, habilitée à retirer, avec effet rétroactif, un acte administratif favorable adopté illégalement, principes généraux que, notamment, l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95 ne fait que mettre en œuvre au niveau du droit secondaire.

Arrêt du 15 avril 2011, IPK International / Commission (T-297/05, Rec._p._II-1859) (cf. points 117-118)

37. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Atteinte à l'égalité des chances et au principe de transparence - Comportement collusif du demandeur d'un soutien financier et du fonctionnaire chargé du dossier, ayant permis d'obtenir le concours financier de l'Union - Inclusion

Ainsi qu’il ressort de l’article 109, paragraphe 1, du règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, l’octroi de subventions est soumis, notamment, aux principes de transparence et d’égalité de traitement, ce qui présuppose que, eu égard au budget limité disponible pour financer de telles subventions, les potentiels demandeurs de soutien financier soient traités de manière égale en ce qui concerne, d’une part, la communication, dans l’appel à propositions, d’informations pertinentes sur les critères de sélection des projets à soumettre et, d’autre part, l’évaluation comparative desdits projets aboutissant à leur sélection et à l’octroi de la subvention.

En matière budgétaire, en tant que corollaire du principe d’égalité de traitement, l’obligation de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir budgétaire. Elle implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’octroi soient formulées de manière claire, précise et univoque, notamment, dans l’appel à propositions. Ainsi, toutes les informations pertinentes pour la bonne compréhension de l’appel à propositions doivent être mises, dès que possible, à la disposition de l’ensemble des opérateurs ayant potentiellement un intérêt à participer à une procédure d’octroi de subventions, de façon, d’une part, à permettre à tous les demandeurs raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre l’autorité budgétaire en mesure de vérifier effectivement si les projets proposés correspondent aux critères de sélection et d’attribution préalablement annoncés. Dès lors, toute atteinte à l’égalité des chances et au principe de transparence constitue une irrégularité viciant la procédure d’octroi.

Ainsi, l’obtention d’un concours financier émanant du budget général des Communautés au moyen d’un comportement collusif, manifestement contraire aux prescriptions contraignantes régissant l’octroi de tels concours, entre le demandeur du soutien financier et le fonctionnaire chargé de préparer l’appel à propositions ainsi que d’évaluer et de sélectionner le projet à financer, est constitutive d’une irrégularité au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier si ce comportement remplit également les critères de la corruption active ou passive ou d’une infraction à une autre règle de nature pénale.

Arrêt du 15 avril 2011, IPK International / Commission (T-297/05, Rec._p._II-1859) (cf. points 122, 124-126)

38. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité aux mesures adoptées par la Commission à la suite d'irrégularités commises avant l'entrée en vigueur dudit règlement

En adoptant le règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, et, en particulier, l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de celui-ci, le législateur communautaire a entendu instituer une règle générale de prescription applicable en la matière et par laquelle il entendait, d’une part, définir un délai minimal appliqué dans tous les États membres et, d’autre part, renoncer à la possibilité de recouvrer des sommes indûment perçues du budget communautaire après l’écoulement d’une période de quatre années postérieure à la réalisation de l’irrégularité affectant les paiements litigieux. Il en résulte que, à partir de la date d’entrée en vigueur dudit règlement, tout avantage indûment perçu du budget communautaire peut, en principe et excepté dans des secteurs pour lesquels le législateur communautaire a prévu un délai inférieur, être recouvré par les autorités compétentes des États membres dans un délai de quatre années. S’agissant du sort des avantages indûment perçus du budget communautaire en raison d’irrégularités qui ont été commises avant l’entrée en vigueur du règlement nº 2988/95, par l’adoption de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement et sans préjudice du paragraphe 3 de cet article, le législateur communautaire a défini une règle de prescription générale par laquelle il a volontairement réduit à quatre années la période pendant laquelle les autorités des États membres, agissant au nom et pour le compte du budget communautaire, devraient ou auraient dû récupérer de tels avantages indûment perçus.

Par conséquent, en application de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 2988/95, toute somme indûment perçue par un opérateur en raison d’une irrégularité antérieure à l’entrée en vigueur dudit règlement doit, en principe, être considérée comme prescrite en l’absence de tout acte suspensif adopté dans les quatre années suivant la commission d’une telle irrégularité, acte suspensif qui, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du même règlement, s’entend comme un acte porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l’autorité compétente et visant à l’instruction ou à la poursuite de cette irrégularité.

Ces principes s’appliquent mutatis mutandis lorsque la mesure, en vertu de l’article 4, paragraphes 1 à 3, lu conjointement avec l’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 2988/95, a été adoptée par la Commission, ledit règlement étant une réglementation générale s’adressant à toute autorité, tant nationale que communautaire, soumise aux obligations de bonne gestion financière et de contrôle de l’utilisation des moyens budgétaires des Communautés aux fins prévues, telles que visées aux considérants 3 et 13 dudit règlement.

Arrêt du 15 avril 2011, IPK International / Commission (T-297/05, Rec._p._II-1859) (cf. points 148-150)

39. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité continue ou répétée - Critères d'appréciation

Une irrégularité est continue ou répétée au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, lorsqu’elle est commise par un opérateur qui tire des avantages économiques d’un ensemble d’opérations similaires qui enfreignent la même disposition du droit communautaire.

Arrêt du 15 avril 2011, IPK International / Commission (T-297/05, Rec._p._II-1859) (cf. point 153)

Une irrégularité est "continue ou répétée", au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, lorsqu’elle est commise par un opérateur qui tire des avantages économiques d’un ensemble d’opérations similaires qui enfreignent la même disposition du droit de l’Union. À cet égard, s’agissant du rapport chronologique par lequel des irrégularités devraient être liées pour constituer une "irrégularité répétée", au sens de cette disposition, il est uniquement exigé que la durée séparant chaque irrégularité de la précédente demeure inférieure au délai de prescription prévu au premier alinéa de ce même paragraphe. Des irrégularités telles que celles relatives au calcul des quantités de sucre stockées par le fabricant, ayant eu lieu au cours de campagnes de commercialisation différentes, entraînant des déclarations erronées desdites quantités par ce même fabricant, et, de ce fait, le versement de sommes indues au titre du remboursement des frais de stockage au titre du règlement nº 1998/78, établissant les modalités d’application du système de compensation des frais de stockage dans le secteur du sucre, constituent, en principe, une irrégularité répétée, au sens dudit article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement nº 2988/95, ce qu’il appartient au juge national de vérifier.

Quant à la notion d'"irrégularité continue ou répétée" au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement nº 2988/95, elle se fonde sur des critères objectifs, propres à cette catégorie d’irrégularités, et indépendants du comportement de l’administration nationale à l’égard de l’opérateur en cause. Dès lors, la qualification d’un ensemble d’irrégularités en tant qu’"irrégularité continue ou répétée", au sens de cette disposition, n’est pas exclue dans l’hypothèse où les autorités compétentes n’ont pas soumis la personne en cause à des contrôles réguliers et approfondis.

Arrêt du 11 juin 2015, Pfeifer & Langen (C-52/14) (cf. points 49, 56, 60, 61, disp. 4 et 5)

40. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité de délais de prescription nationaux plus longs - Délais pouvant résulter de l'application par analogie de dispositions de droit commun - Condition - Pratique jurisprudentielle rendant prévisible cette application - Appréciation par la juridiction nationale

Le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas en principe à ce que, dans le contexte de la protection des intérêts financiers de l’Union européenne définie par le règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, et en application de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement, les autorités et les juridictions nationales d’un État membre appliquent par analogie, au contentieux relatif au remboursement d’une restitution à l’exportation indûment versée, un délai de prescription tiré d’une disposition nationale de droit commun, à la condition toutefois qu’une telle application résultant d’une pratique jurisprudentielle ait été suffisamment prévisible, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

Arrêt du 5 mai 2011, Ze Fu Fleischhandel et Vion Trading (C-201/10 et C-202/10, Rec._p._I-3545) (cf. point 35, disp. 1)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia (C-341/13) (cf. points 53-58)

41. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité de délais de prescription nationaux plus longs - Condition - Respect du principe de proportionnalité - Délai trentenaire - Inadmissibilité

Le principe de proportionnalité s’oppose, dans le cadre de la mise en œuvre par les États membres de la faculté qui leur est offerte par l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, à l’application d’un délai de prescription trentenaire au contentieux relatif au remboursement des restitutions indûment perçues.

Au regard de l’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union, pour lequel le législateur de l’Union a estimé qu’une durée de prescription de quatre années, voire même de trois années, était déjà en soi une durée suffisante pour permettre aux autorités nationales de poursuivre une irrégularité portant atteinte à ces intérêts financiers et pouvant aboutir à l’adoption d’une mesure telle que la récupération d’un avantage indûment perçu, accorder auxdites autorités une durée de trente années va au-delà de ce qui est nécessaire à une administration diligente.

Arrêt du 5 mai 2011, Ze Fu Fleischhandel et Vion Trading (C-201/10 et C-202/10, Rec._p._I-3545) (cf. points 43, 47, disp. 2)

Le principe de proportionnalité s’oppose, dans le cadre de la mise en œuvre par les États membres de la faculté qui leur est offerte par l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, à l’application d’un délai de prescription trentenaire à la récupération d’un avantage indûment perçu du budget de l’Union.

En effet, au regard de l’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union, pour lequel le législateur de l’Union a estimé qu’une durée de prescription de quatre années, voire de trois années, était déjà en soi une durée suffisante pour permettre aux autorités nationales de poursuivre une irrégularité portant atteinte à ces intérêts financiers et pouvant aboutir à l’adoption d’une mesure telle que la récupération d’un avantage indûment perçu, il apparaît qu’accorder auxdites autorités une durée de trente années va au-delà de ce qui est nécessaire à une administration diligente.

Arrêt du 21 décembre 2011, Chambre de commerce et d'industrie de l'Indre (C-465/10, Rec._p._I-14081) (cf. points 65-66, disp. 4)

Voir texte de la décision.

Arrêt du 8 mai 2024, Finanzprokuratur (C-734/22) (cf. points 28-30, 32, 33, disp. 2)

42. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité de délais de prescription nationaux plus longs - Application d'un délai de prescription de droit commun réduit par voie jurisprudentielle pour respecter le principe de proportionnalité - Inadmissibilité - Application du délai général de prescription prévu par le règlement financier

Dans une situation relevant du champ d'application du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce qu’un délai de prescription plus long au sens de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement puisse résulter d’un délai de prescription de droit commun réduit par la voie jurisprudentielle pour que ce dernier satisfasse dans son application au principe de proportionnalité, dès lors que, en tout état de cause, le délai de prescription de quatre années prévu à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 2988/95 a vocation à être appliqué dans de telles circonstances.

Arrêt du 5 mai 2011, Ze Fu Fleischhandel et Vion Trading (C-201/10 et C-202/10, Rec._p._I-3545) (cf. points 50, 54, disp. 3)

43. Ressources propres de l'Union européenne - Destinations douanières - Mise en libre pratique - Gestion des contingents tarifaires - Exclusion d'un importateur de l'Union d'un contingent tarifaire ouvert un dimanche, en raison de la fermeture dominicale des bureaux de douane dans l'État membre de cet importateur - Violation par la Commission de l'obligation d'arrêter les dispositions réglementaires nécessaires pour assurer l'accès égal et non discriminatoire au contingent tarifaire - Absence



Arrêt du 24 novembre 2011, Saupiquet / Commission (T-131/10, Rec._p._II-426*) (cf. points 30-32, 35-38, 43-45)

44. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b) du règlement nº 2913/92 - Contrôle a posteriori non conluant du certificat EUR1 - Prise en considération d'autres preuves ou possibilité pour l'importateur d'invoquer le principe de force majeure - Conditions - Autorités de l'État d'exportation induites en erreur - Exclusion

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doit être interprété en ce sens que, dans une situation où les certificats d'origine délivrés pour l’importation de marchandises dans l’Union européenne sont annulés au motif que la délivrance de ces certificats est entachée d’irrégularités et que l’origine préférentielle indiquée sur ceux-ci n’a pas pu être confirmée lors d’un contrôle a posteriori, l’importateur ne saurait s’opposer à un recouvrement a posteriori des droits à l’importation en faisant valoir qu’il ne saurait être exclu que, en réalité, certaines de ces marchandises ont ladite origine préférentielle.

En effet, d'une part, la finalité du contrôle a posteriori est de vérifier l’exactitude de l’origine indiquée dans le certificat EUR.1. Ainsi, lorsqu’un contrôle a posteriori ne permet pas de confirmer l’origine des marchandises indiquées dans un certificat EUR.1, il y a lieu de conclure que celles-ci sont d’origine inconnue et que, dès lors, le certificat EUR.1 et le tarif préférentiel ont été accordés à tort. Il en résulte que le recouvrement a posteriori des droits de douane non versés lors de l’importation est la conséquence normale du fait que le contrôle a posteriori ne permet pas de confirmer l’origine des marchandises telle qu’indiquée dans le certificat EUR.1.

D'autre part, lorsque les autorités de l’État d’exportation ont été induites en erreur par les exportateurs, la délivrance de certificats EUR.1 incorrects ne saurait être considérée comme une erreur commise par ces autorités elles-mêmes. En l’absence d’une telle erreur, l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes ne permet pas au redevable d’invoquer une confiance légitime.

Arrêt du 15 décembre 2011, Afasia Knits Deutschland (C-409/10, Rec._p._I-13331) (cf. points 43-44, 46, 54-55, disp. 2)

45. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Violation, par le pouvoir adjudicateur, des règles relatives à la passation des marchés publics de services - Inclusion - Connaissance de l'irrégularité, lors de l'octroi du concours, par l'autorité nationale compétente - Absence d'incidence

La méconnaissance, par un pouvoir adjudicateur bénéficiant d’une subvention octroyée au titre du Fonds européen de développement régional, des règles relatives à la passation des marchés publics de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 93/36, lors de l’attribution du marché ayant pour objet la réalisation de l’action subventionnée constitue une irrégularité, au sens de l’article 1er du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, même lorsque l’autorité nationale compétente ne pouvait pas ignorer, lors de l’octroi de cette subvention, que le bénéficiaire avait déjà décidé de l’identité du prestataire à qui il confierait la réalisation de l’action subventionnée.

Arrêt du 21 décembre 2011, Chambre de commerce et d'industrie de l'Indre (C-465/10, Rec._p._I-14081) (cf. point 49, disp. 2)

46. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité continue - Délai de prescription - Acte interruptif

Dans la mesure où, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, le bénéficiaire d’une subvention octroyée au titre du Fonds européen de développement régional n’a pas respecté les règles relatives à la passation des marchés publics de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 93/36, lors de l’attribution du marché ayant pour objet la réalisation de l’action subventionnée:

- l’irrégularité doit être considérée comme une irrégularité continue, au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, et, par conséquent, le délai de prescription de quatre années prévu par cette disposition aux fins de la récupération de la subvention indûment versée à ce bénéficiaire commence à courir à compter du jour où s’achève l’exécution du contrat de marché public illégalement passé;

- la transmission au bénéficiaire de la subvention d’un rapport de contrôle constatant le non-respect des règles de passation des marchés publics et préconisant à l’autorité nationale d’exiger en conséquence le remboursement des sommes versées constitue un acte suffisamment précis tendant à l’instruction ou à la poursuite de l’"irrégularité", au sens de l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement nº 2988/95.

Arrêt du 21 décembre 2011, Chambre de commerce et d'industrie de l'Indre (C-465/10, Rec._p._I-14081) (cf. point 62, disp. 3)

47. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire - Charge de la preuve



Arrêt du 10 février 2012, Verenigde Douaneagenten / Commission (T-32/11) (cf. points 26-27, 36)

48. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Application de la clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Réunion des conditions de l'article 220, paragraphe 2, dudit code - Condition non nécessaire



Arrêt du 10 février 2012, Verenigde Douaneagenten / Commission (T-32/11) (cf. points 50-52)

49. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Application de la clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Traitement d'une demande de remise - Rôle des autorités douanières nationales



Arrêt du 10 février 2012, Verenigde Douaneagenten / Commission (T-32/11) (cf. points 53-55)

50. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Existence d'une "situation particulière" - Notion - Manque de diligence des autorités douanières dans la fixation et le contrôle du montant de la garantie globale - Inclusion

L’action et le contrôle des autorités douanières nationales compétentes sont essentiels non seulement au moment de l’établissement du certificat de garantie, mais également chaque fois qu’une garantie globale, destinée à couvrir plusieurs opérations de transit, est constituée pour effectuer et couvrir celles-ci. À cet égard, bien que l’article 198 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, ne comporte pas l’obligation formelle de contrôler l’adéquation de la garantie globale, il n’en demeure pas moins qu’il appartient aux autorités douanières compétentes de prendre toutes les mesures nécessaires lorsqu’elles se rendent compte qu’il existe un écart entre le montant de la garantie constituée et le total des droits qui sont dus pour un ensemble déterminé d’opérations de transit. En outre, il importe de préciser que, quel que soit le montant proportionnel requis par la réglementation applicable, l’obligation de diligence qui s’impose aux autorités douanières demeure inchangée. Il est essentiel que la garantie fournie soit d'un montant adéquat pour couvrir le montant de la dette douanière susceptible de naître, selon un pourcentage de 30, 50 ou 100 % établi en fonction de la nature des marchandises transportées. Une erreur dans le contrôle de garantie, au moment de l'émission de la déclaration T1, aura un impact certain sur la capacité du principal obligé à assurer le paiement de la dette douanière susceptible de naître.

Le lien de causalité entre l’erreur commise par les autorités douanières en ce qui concerne la fixation de la garantie globale et la naissance éventuelle d’une dette douanière, mis en évidence par le Tribunal, concerne non pas le calcul erroné du montant de la garantie globale et la naissance de la dette douanière, mais plutôt le lien entre, d’une part, le manque de vigilance dont ont fait preuve lesdites autorités, lequel a eu pour conséquence le fait que les opérations de transit ont échappé à toutes les mesures de contrôle prévues par la réglementation applicable, et, d’autre part, l’existence d’une situation particulière. Par ailleurs, si les autorités douanières avaient calculé une garantie globale adéquate et contrôlé la constitution de celle-ci, les procédures internes adoptées par la société redevable auraient permis d’éviter l’opération frauduleuse et, par conséquent, la naissance de la dette douanière.

Eu égard à tout ce qui précède, le Tribunal était fondé à considérer que le manque de diligence des autorités douanières, qui a conduit à l’inefficacité des procédures de contrôle, a donné lieu à une situation particulière relevant de l’article 239 du code des douanes.

Arrêt du 22 mars 2012, Portugal / Transnáutica (C-506/09 P) (cf. points 68, 71, 73-74, 76-77, 81)

51. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité à la récupération des intérêts moratoires dus en vertu du droit national - Exclusion

L’article 3 du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, doit être interprété en ce sens que le délai de prescription qu’il prévoit pour le recouvrement de la créance principale, correspondant au remboursement d’un avantage indûment perçu du budget de l’Union, n’est pas applicable au recouvrement des intérêts nés de cette créance, lorsque ces intérêts sont dus non pas en application du droit de l’Union, mais en vertu d’une obligation du seul droit national.

En effet, si la récupération d’un avantage indûment perçu du budget de l’Union relève du régime de prescription prévu à l’article 3 dudit règlement, il ne ressort toutefois ni du libellé de cette disposition ni de l’économie de ce règlement que ce régime a vocation à régir le recouvrement de la créance d’intérêts lorsque c’est non pas une réglementation sectorielle, mais le droit national qui impose le recouvrement de cette créance d’intérêts.

Cependant, eu égard au caractère accessoire de ladite créance d’intérêts, elle ne saurait être mise en recouvrement si, en application de l’article 3 du règlement nº 2988/95 ou d’une réglementation sectorielle de l’Union, la créance principale, à savoir l’avantage indûment perçu du budget de l’Union, était elle-même prescrite.

Par ailleurs, dès lors que, en vertu de l’article 325 TFUE, les États membres sont tenus de prendre les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers, ceux-ci sont tenus, en absence de réglementation de l’Union et lorsque leur droit national prévoit la perception d’intérêts dans le cadre du recouvrement d’avantages du même type indûment perçus de leur budget national, de percevoir de manière analogue des intérêts lors de la récupération d’avantages indûment perçus du budget de l’Union, en particulier lorsque les sommes perçues au titre de ces intérêts, dont le recouvrement est imposé par le droit national, sont in fine restituées au budget de l’Union.

Arrêt du 29 mars 2012, Pfeifer & Langen (C-564/10) (cf. points 50-53 et disp.)

52. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Conditions - Introduction de la demande dans un délai de trois ans - Exception - Force majeure - Notion - Déclaration d'invalidité d'un règlement antidumping - Exclusion

L’article 236, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doit être interprété en ce sens que l’illégalité d’un règlement ne constitue pas un cas de force majeure au sens de cette disposition, permettant de proroger le délai de trois ans durant lequel un importateur peut demander le remboursement des droits à l’importation acquittés en application de ce règlement.

D’une part, l’illégalité d’un règlement antidumping ne saurait être considérée comme une circonstance anormale. L’Union est une union de droit dans laquelle ses institutions, organes et organismes sont soumis au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment, avec les traités UE et FUE. Il est dans la nature du droit de l’Union que certaines règles qui le composent puissent être déclarées invalides.

D'autre part, lorsqu’un opérateur économique qui s’estime lésé par l’application d’un règlement antidumping qu’il considère illégal a présenté, au titre de l’article 236, paragraphe 2, du code des douanes, une demande de remboursement des droits qu’il a acquittés et que celle-ci a été rejetée, il peut porter ce litige devant la juridiction nationale compétente et exciper devant cette dernière de l’illégalité du règlement concerné. Cette juridiction peut alors, voire doit, dans les conditions de l’article 267 TFUE, saisir la Cour d’une question portant sur la validité du règlement en cause. Dès lors que l'opérateur économique dispose de la possibilité de contester la validité du règlement avant l’expiration du délai de trois ans prévu à l’article 236, paragraphe 2, premier alinéa, du code des douanes, en introduisant une demande de remboursement au titre du premier alinéa dudit paragraphe, l’invalidité dudit règlement déclarée ultérieurement par la Cour ne saurait être considérée comme un cas de force majeure qui empêche l'opérateur concerné de déposer une demande de remboursement dans ledit délai.

Arrêt du 14 juin 2012, CIVAD (C-533/10) (cf. points 30, 33-35, disp. 1)

53. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Droits acquittés en vertu d'un règlement antidumping invalide - Constatation, par l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce, de la non-conformité dudit règlement avec l'accord antidumping - Obligation de remboursement d'office sur la base d'une telle constatation - Absence - Présomption de validité des actes des institutions de l'Union

L’article 236, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas aux autorités douanières nationales de procéder d’office au remboursement de droits antidumping, perçus en application d’un règlement de l’Union, sur la base de la constatation, par l’Organe de règlement des différends (ORD) de l'Organisation mondiale du commerce, de la non-conformité dudit règlement avec l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech le 15 avril 1994 et approuvé par la décision 94/800, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994).

Les actes des institutions, organes et organismes de l’Union jouissent d’une présomption de validité, ce qui implique que ceux-ci produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité. Dès lors que la Cour est seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union tel qu’un règlement antidumping, compétence ayant pour objet de garantir la sécurité juridique en assurant l’application uniforme du droit de l’Union, le fait que l’ORD a constaté qu’un règlement antidumping n’est pas conforme à l’accord antidumping n’est pas de nature à affecter la présomption de validité d’un tel règlement.

Arrêt du 14 juin 2012, CIVAD (C-533/10) (cf. points 39-40, 44, disp. 2)

54. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Article 236 du règlement nº 2913/92 - Portée - Limites - Application du droit douanier matériel - Compétence exclusive des autorités nationales



Arrêt du 18 juin 2012, Biofrescos / Commission (T-159/09) (cf. points 10-12)

Arrêt du 12 novembre 2013, Wünsche Handelsgesellschaft International / Commission (T-147/12) (cf. points 24, 25)

55. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Violation de l'article 220, paragraphe 2, du code des douanes communautaire - Absence



Arrêt du 18 juin 2012, Biofrescos / Commission (T-159/09) (cf. points 13-22)

56. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Portée - Pouvoir de décision de la Commission - Modalités d'exercice - "Situation particulière" - Notion



Arrêt du 18 juin 2012, Biofrescos / Commission (T-159/09) (cf. points 26-28)

57. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Violation, par un opérateur ayant obtenu par adjudication des lots d'alcool, de l'obligation d'exporter ces lots en dehors de l'Union dans le délai exigé - Inclusion



Arrêt du 4 octobre 2012, ED & F Man Alcohols (C-669/11) (cf. points 35-38, disp. 1)

58. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Sanction administrative - Notion - Perte totale ou partielle de la garantie de bonne exécution constituée par un exportateur afin d'assurer le respect de ses obligations, telle une exportation dans les délais impartis - Inclusion



Arrêt du 4 octobre 2012, ED & F Man Alcohols (C-669/11) (cf. points 40-41, 43, disp. 2)

59. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Champ d'application - Inapplicabilité aux violations de dispositions du droit de l'Union résultant d'un acte ou d'une omission d'un État membre



Arrêt du 10 octobre 2012, Grèce / Commission (T-158/09) (cf. point 183)

60. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Exigence de prise en compte du montant des droits à recouvrer visée à l'article 217, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92 - Obligation pour les États membres de définir des modalités pratiques de mise en œuvre - Absence

L’article 217, paragraphe 2, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 82/97, doit être interprété en ce sens que, dès lors que cet article ne prescrit pas de modalités pratiques de la prise en compte au sens de cette disposition, il laisse aux États membres le soin de déterminer les modalités pratiques en vue de la prise en compte de montants de droits résultant d’une dette douanière, sans qu’ils aient l’obligation de définir dans leur législation nationale les modalités de mise en œuvre de cette prise en compte, cette dernière devant être effectuée de manière à assurer que les autorités douanières compétentes inscrivent le montant exact des droits à l’importation ou des droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, afin de permettre, notamment, que la prise en compte des montants concernés soit établie avec certitude, y compris à l’égard du redevable.

En effet, conformément à l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes, la communication du montant des droits à recouvrer doit avoir été précédée de la prise en compte de ce montant par les autorités douanières de l’État membre concerné et, à défaut d’avoir fait l’objet d’une prise en compte conformément à l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes, ledit montant ne peut être recouvré par ces autorités, lesquelles conservent, toutefois, la faculté de procéder à une nouvelle communication du même montant, dans le respect des conditions prévues à l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes et des règles de prescription en vigueur à la date à laquelle la dette douanière a pris naissance.

Arrêt du 8 novembre 2012, KGH Belgium (C-351/11) (cf. points 23-24, 27, 29-30 et disp.)

61. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Impossibilité de vérifier l'exactitude d'un certificat d'origine "formule A" par les autorités compétentes de l'État tiers, l'exportateur ayant cessé sa production - Charge de la preuve incombant au redevable

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes de l’État tiers sont, du fait que l’exportateur a cessé sa production, dans l’impossibilité de vérifier, lors d’un contrôle a posteriori, si le certificat d’origine "formule A" qu’elles ont délivré repose sur une présentation correcte des faits par celui-ci, la charge de la preuve que ce certificat a été établi sur la base d’une présentation correcte des faits par l’exportateur incombe au redevable.

Certes, le règlement nº 2913/92 ne prévoit aucune obligation de conservation des documents probants à charge de l’exportateur en raison de l’impossibilité, pour l’Union, d’imposer unilatéralement des obligations aux opérateurs économiques d’États tiers. Pourtant, l’absence d’une telle obligation à charge de l’exportateur ne saurait, en soi, mener à ce que le redevable serait dispensé de toute diligence ou libéré de tout risque relatif à la vérification et à la détermination de l’origine des marchandises lors d’un contrôle a posteriori. Il revient ainsi aux opérateurs économiques de prendre, dans le cadre de leurs relations contractuelles, les dispositions nécessaires pour se prémunir contre les risques d’une action en recouvrement a posteriori.

De surcroît, le fait, pour les autorités douanières de l’État d’importation, d’avoir à prouver l’inexactitude des faits présentés par l’exportateur, mais d’être dans l’impossibilité de le faire dans la mesure où ce dernier a cessé ses activités, serait susceptible de créer un risque de comportements incompatibles avec les objectifs du système de préférences tarifaires généralisées. En effet, même si la cessation de la production représente, en principe, une décision économique courante, il ne saurait être exclu qu’elle pourrait néanmoins constituer un agissement incorrect de la part de l’exportateur, visant à contourner les dispositions du système de préférences tarifaires généralisées, en étant utilisée par cet exportateur comme un moyen de dissimuler l’origine réelle des marchandises, provenant d’un État ne bénéficiant pas du régime préférentiel.

Arrêt du 8 novembre 2012, Lagura Vermögensverwaltung (C-438/11) (cf. points 27, 29-30, 32, 41 et disp.)

62. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Violation, par un producteur bénéficiaire d'aides au stockage privé de moûts de raisins, de l'obligation prévue par le règlement nº 822/87 tenant à l'origine communautaire de ces produits - Inclusion - Application d'une mesure administrative en l'absence de dispositions nationales ou de l'Union prévoyant une sanction

Relève de la notion d’"irrégularité" au sens de l’article 1er du règlement nº 2988/85, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, le non-respect de l’obligation tenant à l’origine communautaire des moûts de raisins dans le cadre du régime d’aides au stockage privé de ceux-ci institué par le règlement nº 822/87, portant organisation commune du marché viti-vinicole, tel que modifié par le règlement nº 2253/88. Un tel manquement constitue une violation de dispositions du droit de l’Union portant préjudice au budget de l’Union en créant une dépense indue. De plus, toute irrégularité, au sens de cet article, donne lieu à l’application de mesures et de sanctions administratives.

À cet égard, l’article 17, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 1059/83, relatif aux contrats de stockage pour le vin de table, le moût de raisins, le moût de raisins concentré et le moût de raisins concentré rectifié, tel que modifié par le règlement nº 2646/1999, ne saurait constituer un fondement juridique aux fins de sanctionner une violation tenant à l’origine communautaire. En effet, cette disposition a vocation à s’appliquer à la poursuite d’irrégularités relatives aux conditions d’exécution du contrat de stockage et qui s’avèrent moins graves que celles visées au point a) de cet article 17, paragraphe 1. En revanche, l’article 17, paragraphe 1, sous b), dudit règlement ne saurait être appliqué pour sanctionner des vices graves affectant la validité même d’un contrat de stockage présenté à l’appui d’une demande d’aide au stockage, lesquels vices remettent directement en cause l’éligibilité du producteur aux aides au stockage.

Or, en l’absence de sanction prévue tant dans la réglementation sectorielle applicable que dans la réglementation nationale, une telle irrégularité ne saurait faire l’objet d’une "sanction" au sens de l’article 5 du règlement nº 2988/95.

Toutefois, dans des circonstances où les irrégularités constatées ont pour conséquence que les contrats de stockage sur la base desquels les aides au stockage avaient été versées ne pouvaient pas être considérés comme ayant été valablement conclus aux fins d’obtenir lesdites aides, les autorités nationales sont tenues d’appliquer une mesure administrative, au sens de l’article 4, paragraphe 1, premier tiret, du règlement nº 2988/95, consistant à exiger le remboursement de ces aides indûment perçues.

Arrêt du 13 décembre 2012, FranceAgriMer (C-670/11) (cf. points 45, 52, 58, 62, 67, 72, disp. 2)

63. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Système d'alerte précoce à l'usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives - Effets d'un signalement

S'agissant de la lutte contre la fraude et d'autres activités illégales dans le cadre de la protection des intérêts financiers de l'Union, les articles 15 à 17 et 19 à 22 de la décision 2008/969, relative au système d'alerte précoce à l'usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives, non seulement autorisent, mais également, et surtout, imposent que les ordonnateurs concernés prennent des mesures spécifiques à l’encontre de l’entité ou du projet en cause. Partant, l'impact d'un signalement d'une entité dans ledit système, ne saurait se cantonner à l'intérieur de l'institution concernée et affecte nécessairement les relations entre l'ordonnateur de l'institution concernée et cette entité.

En outre, même si les conséquences d’un signalement W1 sont moins contraignantes que celles des signalements W2 à W5, il n’en demeure pas moins que les mesures de vigilance renforcées que l’ordonnateur concerné est obligé de prendre à l’encontre de l’entité visée ne s’épuisent pas entièrement dans la sphère interne de l’institution, mais sont susceptibles d’avoir des effets sur les relations entre cette institution et l’entité visée. Toutefois, cela n'implique pas pour autant que ces effets externes soient automatiquement de nature à entraîner une modification caractérisée de la situation juridique de l'entité visée. Une telle modification doit être vérifiée au cas par cas.

Arrêt du 19 décembre 2012, Commission / Planet (C-314/11 P) (cf. points 37-38, 42, 44)

64. Ressources propres de l'Union européenne - Destinations douanières - Mise en libre pratique - Gestion des contingents tarifaires - Contingent tarifaire ouvert un dimanche, jour de fermeture des bureaux de douane dans un État membre, et épuisé le jour même - Exclusion, du contingent tarifaire ainsi épuisé, d'un opérateur établi dans cet État membre - Admissibilité - Violation des principes d'égalité et de non-discrimination - Absence



Ordonnance du 21 février 2013, Saupiquet / Commission (C-37/12 P) (cf. points 36-37, 41-42, 49)

65. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Caractère cumulatif

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, subordonne le non-recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation par les autorités nationales à trois conditions cumulatives. Dès lors que ces trois conditions sont remplies, le redevable a droit à ce qu’il ne soit pas procédé au recouvrement.

Tout d’abord, il faut que les droits n’aient pas été perçus par suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes. Ensuite, l’erreur commise par celles-ci doit être d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable de bonne foi, en dépit de son expérience professionnelle et de la diligence dont il devait faire preuve. Enfin, ce dernier doit avoir observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane.

L’existence de ces conditions doit être appréciée à la lumière de l’objectif de l’article 220, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, lequel est de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé de l’ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane.

Arrêt du 19 mars 2013, Firma Van Parys / Commission (T-324/10) (cf. points 34-36)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 5 juin 2013, Recombined Dairy System / Commission (T-65/11) (cf. point 23)

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-466/14) (cf. points 47-50, 124)

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-548/14) (cf. points 27-29)

66. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b) du règlement nº 2913/92 - Erreur des autorités compétentes elles-mêmes - Exigence d'un comportement actif

Seul un comportement actif des autorités nationales ouvre droit au non-recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation conformément à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire.

Arrêt du 19 mars 2013, Firma Van Parys / Commission (T-324/10) (cf. point 53)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 10 décembre 2015, SIA Veloserviss (C-427/14) (cf. points 43, 44)

67. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Erreur des autorités compétentes elles-mêmes - Notion d'autorités compétentes - Commission européenne - Exclusion

Il ressort de l’article 4, point 3, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, qu’il faut entendre par "autorités douanières" les autorités compétentes, notamment, pour l’application de la réglementation douanière. Il en découle que sont ainsi visées les autorités administratives des États membres comme des États tiers qui sont chargées d’assurer la surveillance et le contrôle de la réglementation douanière, conformément aux définitions de ces missions données par l’article 4, points 13 et 14, du règlement nº 2913/92. À cet égard, la Commission ne saurait être considérée comme une autorité douanière au sens dudit règlement. Ainsi, les erreurs éventuellement commises par elle, dans ce cadre, ne sont pas susceptibles d’ouvrir droit au mécanisme de non-recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), de ce règlement.

Arrêt du 19 mars 2013, Firma Van Parys / Commission (T-324/10) (cf. point 60)

68. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Saisine de la Commission d'un cas de demande de non-recouvrement - Communication des objections au demandeur - Accès aux documents - Portée

En vertu du principe de respect des droits de la défense, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les documents utiles à la partie intéressée aux fins de la procédure de non-recouvrement a posteriori. Le dossier administratif peut inclure des documents qui contiennent des éléments favorables au non-recouvrement, susceptibles d’être utilisés par l’intéressé à l’appui de sa demande, même si la Commission ne s’en est pas servie. Le demandeur doit donc pouvoir avoir accès à tous les documents non confidentiels figurant au dossier, y compris ceux qui n’ont pas été utilisés pour fonder les objections de la Commission.

Toutefois, l’inexistence d’un document auquel l’accès a été demandé est présumée lorsqu’une affirmation en ce sens est faite par l’institution concernée. Il s’agit néanmoins d’une présomption simple que le demandeur peut renverser par tout moyen, sur la base d’indices pertinents et concordants.

Arrêt du 19 mars 2013, Firma Van Parys / Commission (T-324/10) (cf. points 70, 72)

69. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Circonstances n'impliquant "ni manœuvre ni négligence manifeste" de l'intéressé - Notion de négligence manifeste - Interprétation stricte - Obtention de certificats d'importation par le biais d'un intermédiaire sans effectuer des vérifications auprès de leurs titulaires - Exclusion

Le remboursement des droits à l’importation au titre de l’article 905 du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d'application du règlement nº 2913/92 établissant le code des douanes communautaire, est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, l’existence d’une situation particulière et, deuxièmement, l’absence de négligence manifeste et de manœuvre de la part de l’intéressé. En conséquence, il suffit que l’une des deux conditions fasse défaut pour que le remboursement des droits doive être refusé.

À cet égard, pour apprécier s’il y a négligence manifeste, il convient de tenir compte, notamment, de la complexité des dispositions dont l’inexécution a fait naître la dette douanière, ainsi que de l’expérience professionnelle et de la diligence de l’opérateur. En outre, dès lors que le remboursement ou la remise des droits à l’importation, qui ne peuvent être accordés que sous certaines conditions et dans des cas spécifiquement prévus, constituent une exception au régime normal des importations et des exportations, les dispositions prévoyant un tel remboursement ou une telle remise sont d’interprétation stricte. En particulier, l’absence de négligence manifeste étant une condition sine qua non pour pouvoir prétendre à un remboursement ou à une remise des droits à l’importation, il s’ensuit que cette notion doit être interprétée de telle sorte que le nombre de cas de remboursement ou de remise reste limité.

Par conséquent, il ne saurait être accepté, en règle générale, qu’un opérateur économique, qui importe des marchandises dans l’Union et qui, dans ce but, recourt au service d’un intermédiaire pour obtenir l’usage de certificats d’importation, soit regardé comme manquant de prudence ou de diligence s’il n’effectue pas des vérifications auprès des titulaires des certificats. En effet, le recours au service d’un tel intermédiaire relève des modalités pratiques d’exercice de l’activité d’importation à la discrétion de l’importateur et qui a pour objet de faciliter l’exercice de cette activité, l’importateur estimant que, dans un contexte économique donné, l’intermédiaire est une personne mieux placée que lui pour trouver des opérateurs nouveaux arrivés ayant obtenu des certificats et souhaitant en céder l’utilisation, surtout lorsque l’importateur a besoin d’un nombre important de certificats dans un délai assez court. En l’absence de tout autre élément circonstancié susceptible de faire naître les doutes de l’opérateur quant à l’authenticité des certificats d’importation utilisés, il ne peut être considéré que des contacts avec les titulaires de certificats d’importation sont indispensables pour permettre la mise en libre pratique des marchandises importées.

Arrêt du 19 mars 2013, Firma Van Parys / Commission (T-324/10) (cf. points 77, 79-80, 102)

70. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par les articles 239 du code des douanes communautaire et 905 de son règlement d'application nº 2454/93 - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Modalités d'exercice

Si la Commission jouit d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de l’article 239 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, elle est tenue d’exercer son pouvoir d’appréciation en mettant réellement en balance, d’une part, l’intérêt de l’Union à s’assurer du respect des dispositions douanières et, d’autre part, l’intérêt de l’importateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire.

Arrêt du 19 mars 2013, Firma Van Parys / Commission (T-324/10) (cf. point 81)

71. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Circonstances n'impliquant "ni manœuvre ni négligence manifeste" de l'intéressé - Charge de la preuve

Lorsque les autorités douanières concluent qu’il ne peut être établi que l’opérateur économique a fait preuve de manœuvre ou de négligence manifeste, il incombe à la Commission, lorsqu’elle entend s’écarter de la prise de position des autorités nationales, de prouver, sur la base d’éléments factuels pertinents, l’existence d’un comportement manifestement négligent dudit opérateur.

Arrêt du 19 mars 2013, Firma Van Parys / Commission (T-324/10) (cf. point 86)

72. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement des montants récupérés - Annulation d'une décision de la Commission visant au retrait d'un concours financier - Décision prise par la Commission à la suite de cette annulation - Fondement juridique

Lorsque la Commission reconnaît par décision être débitrice, à l'égard du requérant, d'un certain montant, y compris les intérêts compensatoires, la circonstance que le Tribunal a, dans un arrêt antérieur annulant une décision précédente de la Commission, constaté la présence d’irrégularités commises par le requérant lors d’un concours au financement d’un projet de tourisme écologique, n’est pas susceptible de remettre en cause l’existence de la créance principale ni le fait que, dans cette mesure, la Commission est redevable d’intérêts qui doivent être calculés conformément aux règles pertinentes. En effet, alors même que le Tribunal a entériné les constatations factuelles de la Commission relatives à ces irrégularités justifiant, en principe, d’annuler ledit concours, il s’est limité à annuler la décision précédente de la Commission en raison du non-respect du délai de prescription, de sorte qu'il n'en ressort aucune obligation pour elle de rembourser au requérant ledit concours. Ainsi, la décision ultérieure de la Commission par laquelle celle-ci reconnaît néanmoins le montant total qui doit être versé au requérant, y inclus les intérêts compensatoires ainsi que leur mode de calcul, constitue le seul fondement juridique de la créance principale.

Arrêt du 10 avril 2013, IPK International / Commission (T-671/11) (cf. points 33-34)

73. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Calcul indépendamment du caractère compensatoire ou moratoire des intérêts - Objectif d'éviter un enrichissement sans cause au profit de l'Union

L'obligation de la Commission de payer une créance à la suite d'un arrêt annulant une de ses décisions vise non seulement le montant principal de la créance mais aussi les intérêts produits par ce montant. À cet égard, indépendamment de leur dénomination précise en tant qu'intérêts compensatoires ou moratoires, ceux-ci doivent toujours être calculés sur la base du taux d’intérêt de la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement en majorant ce taux de 2 points. Il s’agit d’une majoration forfaitaire applicable à tous les cas de figure, sans qu’il y ait lieu de constater concrètement si cette majoration est justifiée ou non au regard de l’érosion monétaire, pendant la période concernée, dans l’État membre dans lequel le créancier est établi. En effet, le défaut de paiement de tels intérêts pourrait aboutir à un enrichissement sans cause de l'Union. La majoration forfaitaire du taux d'intérêt de 2 points est née du souci d'éviter un tel enrichissement sans cause dans toutes les circonstances possibles.

Arrêt du 10 avril 2013, IPK International / Commission (T-671/11) (cf. points 36-38)

74. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Intérêts compensatoires - Intérêts moratoires - Distinction - Base de calcul des intérêts moratoires - Montant principal de la créance majoré des intérêts compensatoires encourus

Lorsque la Commission est tenue de compenser ou de rembourser un créancier, il lui incombe une obligation inconditionnelle d'assortir le montant principal d'intérêts moratoires. Dans un cas où la Commission a, à la suite d'un arrêt du Tribunal annulant une décision antérieure de celle-ci, reconnu dans une décision prise par elle-même, être tenue de rembourser le montant principal dû et où il existe un commun accord des parties sur ce point, les intérêts moratoires sont dus à compter du prononcé de l'arrêt du Tribunal. Cette solution vaut indépendamment du fait que la décision, dans laquelle la Commission a reconnu la créance, constitue le seul fondement juridique de ladite créance principale.

La Commission est également tenue de calculer les intérêts moratoires sur la base du montant principal dû, majoré des intérêts compensatoires encourus antérieurement. En effet, même si, en principe, il n'est pas autorisé de capitaliser soit des intérêts compensatoires encourus avant, soit des intérêts moratoires courant après le prononcé d’un arrêt reconnaissant l’existence d’une créance, il incombe néanmoins à la Commission de fixer les intérêts moratoires courant jusqu’au paiement complet sur la base du montant principal de la créance majorée des intérêts compensatoires encourus antérieurement. Cette approche distingue les intérêts compensatoires de nature précontentieuse des intérêts moratoires de nature postcontentieuse, ces derniers devant tenir compte de la totalité de la perte financière accumulée, y compris en raison de l’érosion monétaire.

Arrêt du 10 avril 2013, IPK International / Commission (T-671/11) (cf. points 41-42)

75. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Décision de réduction d'un concours financier initialement octroyé au titre du Fonds social européen - Autorité nationale compétente chargée du recouvrement des sommes indûment perçues - Inapplicabilité dudit délai à l'encontre de la Commission



Arrêt du 19 avril 2013, Aecops / Commission (T-51/11) (cf. points 42-48, 50, 52)

Arrêt du 19 avril 2013, Aecops / Commission (T-52/11) (cf. points 44-50, 52, 54)

Arrêt du 19 avril 2013, Aecops / Commission (T-53/11) (cf. points 41-47, 49, 51)

76. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Exception - Interprétation stricte

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 5 juin 2013, Recombined Dairy System / Commission (T-65/11) (cf. point 22)

77. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Erreur des autorités compétentes elles-mêmes - Absence de délivrance de renseignement tarifaire contraignant - Absence d'incidence

En vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, les autorités compétentes peuvent être considérées comme ayant commis une erreur lorsqu’elles n’ont soulevé aucune objection sur le classement tarifaire des marchandises effectué par l’opérateur économique dans ses déclarations en douane et que lesdites déclarations contenaient toutes les données factuelles nécessaires à l’application de la réglementation en cause, de sorte qu’un contrôle ultérieur auquel peuvent procéder les autorités compétentes ne puisse pas révéler un élément nouveau. Tel est, notamment, le cas lorsque toutes les déclarations en douane présentées par l’opérateur économique ont été complètes, en ce qu’elles mentionnaient, notamment, la désignation des marchandises selon les spécifications de la nomenclature à côté de la position tarifaire déclarée, et lorsque les importations en question ont été d’un certain nombre et ont eu lieu pendant une période relativement longue sans que la position tarifaire ait été contestée.

Ledit article 220, paragraphe 2, sous b), ouvrant droit au non-recouvrement a posteriori des droits à l’importation ou à l’exportation en cas d'une erreur commise par les autorités douanières, est également applicable dans des situations où la requérante n’est pas titulaire ou n’a pas demandé de renseignement tarifaire contraignant. En effet, le fait que la requérante n’ait pas demandé de renseignement tarifaire contraignant pour les produits concernés ne signifie pas, pour autant, que les autorités douanières n’ont pas commis d’erreur.

Arrêt du 5 juin 2013, Recombined Dairy System / Commission (T-65/11) (cf. points 24, 25, 27)

78. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Applicabilité a posteriori d'un tarif douanier préférentiel n'étant plus en vigueur à la date de la demande de remboursement - Conditions

L’article 889, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième tiret, du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié en dernier lieu par le règlement nº 214/2007, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une demande de remboursement de droits lorsqu’un régime tarifaire préférentiel a été demandé et octroyé lors de la mise en libre pratique des marchandises et que ce n’est qu’ultérieurement, dans le cadre d’une vérification a posteriori intervenue après l’expiration du régime tarifaire préférentiel et le rétablissement du droit normalement dû, que les autorités de l’État d’importation ont procédé au recouvrement de la différence par rapport au droit de douane applicable aux marchandises originaires de pays tiers.

L’exception à l’application de l’article 236 du code des douanes prévue à l’article 889, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième tiret, du règlement nº 2454/93 vise seulement les cas dans lesquels une marchandise est mise en libre pratique en application du droit de douane normalement dû mais qu’il apparaît par la suite qu’un droit de douane réduit aurait pu être invoqué en vertu, par exemple, d’un régime préférentiel.

Par conséquent, lorsqu’un régime tarifaire préférentiel a été demandé et octroyé lors de la mise en libre pratique des marchandises et que ce n’est qu’ultérieurement, dans le cadre d’une vérification a posteriori intervenue après l’expiration du régime tarifaire préférentiel et le rétablissement du droit normalement dû, que les autorités de l’État d’importation ont procédé au recouvrement de la différence par rapport au droit de douane applicable aux marchandises originaires de pays tiers, l’article 889, paragraphe 1, premier alinéa, deuxième tiret, du règlement nº 2454/93 ne saurait faire obstacle à une demande de remboursement de ladite différence.

Arrêt du 24 octobre 2013, Sandler (C-175/12) (cf. points 36-38, disp. 1)

79. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Obligation de fournir aux autorités douanières toutes les informations nécessaires prévues par le droit de l'Union et le droit national - Portée



Arrêt du 12 novembre 2013, Wünsche Handelsgesellschaft International / Commission (T-147/12) (cf. points 28, 31)

80. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Erreur de l'administration n'ayant pu "raisonnablement être décelée par le redevable" - Critères d'appréciation - Complexité de la réglementation tarifaire



Arrêt du 12 novembre 2013, Wünsche Handelsgesellschaft International / Commission (T-147/12) (cf. points 44, 45, 48, 69)

Arrêt du 26 mars 2015, Wünsche Handelsgesellschaft International / Commission (C-7/14 P) (cf. points 55-67)

81. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Bonne foi du redevable - Notion - Obligation du redevable de s'informer et de rechercher tous les éclaircissements possibles en cas de doutes sur la définition de l'origine des marchandises - Portée



Arrêt du 12 novembre 2013, Wünsche Handelsgesellschaft International / Commission (T-147/12) (cf. points 82, 83, 85)

82. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Existence d'une situation particulière - Circonstances n'impliquant "ni manœuvre ni négligence manifeste" de l'intéressé - Notion de négligence manifeste - Conditions cumulatives - Refus de remboursement ou de remise en cas de défaut d'une seule de ces conditions - Violation du principe de proportionnalité - Absence



Arrêt du 12 novembre 2013, Wünsche Handelsgesellschaft International / Commission (T-147/12) (cf. points 92-94, 102, 103, 116)

83. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Existence d'une situation particulière - Notion - Invocation d'un manquement, par les autorités douanières, aux règles de droit national en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Défaut de production d'éléments établissant la possibilité de non-naissance de la dette douanière dans d'autres circonstances - Exclusion



Arrêt du 3 décembre 2013, JAS / Commission (T-573/11) (cf. points 110, 116, 117, 119)

84. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Article 13 du règlement nº 1430/79 - Portée - Pouvoir de décision de la Commission - Modalités d'exercice - Contrôle juridictionnel - Limites



Arrêt du 3 décembre 2013, JAS / Commission (T-573/11) (cf. points 51, 52)

85. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Saisine de la Commission d'un cas de demande de remboursement - Insuffisance des éléments d'information fournis par l'autorité nationale - Possibilité pour la Commission, à la demande du redevable, de demander la transmission d'autres éléments afin d'établir l'existence d'une situation particulière



Arrêt du 3 décembre 2013, JAS / Commission (T-573/11) (cf. point 93)

86. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Obligation indépendante de l'exigence de prise en compte du montant des droits à recouvrer - Exemption prévue à l'article 217, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 2913/92 - Renseignements tarifaires contraignants erronés - Protection de la confiance légitime du redevable se fondant sur un renseignement tarifaire contraignant valable - Effet - Exemption de l'État membre de son obligation de constater le droit de l'Union sur les ressources propres - Absence



Arrêt du 3 avril 2014, Commission / Royaume-Uni (C-60/13) (cf. points 43-45)

87. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits de la défense - Droit d'être entendu - Obligation de respect desdits principes par les administrations nationales dans le cadre d'une procédure de recouvrement des droits de douane - Invocabilité du non-respect desdits principes devant les juridictions nationales

Le principe du respect par l’administration des droits de la défense et le droit qui en découle, pour toute personne, d’être entendue avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts, tels qu’ils s’appliquent dans le cadre de l’application du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, peuvent être invoqués directement, par les particuliers, devant les juridictions nationales.

L’obligation de respect dudit principe pèse sur les administrations des États membres lorsqu’elles prennent des décisions entrant dans le champ d’application du droit de l’Union, alors même que la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité.

Arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics (C-129/13 et C-130/13) (cf. points 31, 35, disp. 1)

88. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Droits de la défense - Réglementation nationale ne permettant pas l'audition préalable du destinataire d'un avis de paiement - Admissibilité - Conditions - Droit du destinataire d'obtenir la suspension de l'exécution de l'avis

Le principe du respect des droits de la défense et, en particulier, le droit de toute personne d’être entendue avant l’adoption d’une mesure individuelle défavorable doivent être interprétés en ce sens que, lorsque le destinataire d’un avis de paiement adopté au titre d’une procédure de recouvrement a posteriori de droits de douane à l’importation, en application du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, n’a pas été entendu par l’administration préalablement à l’adoption de cette décision, ses droits de la défense sont violés alors même qu’il a la possibilité de faire valoir sa position lors d’une phase de réclamation administrative ultérieure, si la réglementation nationale ne permet pas aux destinataires de tels avis, en l’absence d’une audition préalable, d’obtenir la suspension de leur exécution jusqu’à leur éventuelle réformation. Tel est le cas, en tout état de cause, si la procédure administrative nationale mettant en œuvre l’article 244, deuxième alinéa, du règlement nº 2913/92, restreint l’octroi d’un tel sursis lorsqu’il existe des raisons de douter de la conformité de la décision contestée à la réglementation douanière ou qu’un dommage irréparable est à craindre pour l’intéressé.

Arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics (C-129/13 et C-130/13) (cf. point 73, disp. 2)

89. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits de la défense - Méconnaissance desdits droits par une décision administrative - Conséquences - Adoption de mesures de droit national - Conditions - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité

Les conditions dans lesquelles doit être assuré le respect des droits de la défense et les conséquences de la méconnaissance de ces droits relèvent du droit national, pour autant que les mesures arrêtées en ce sens soient du même ordre que celles dont bénéficient les particuliers dans des situations de droit national comparables (principe de l’équivalence) et qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité).

Le juge national, ayant l’obligation de garantir le plein effet du droit de l’Union, peut, lorsqu’il évalue les conséquences d’une violation des droits de la défense, en particulier du droit d’être entendu, tenir compte de ce qu’une telle violation n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

Cette solution est applicable à la matière douanière dans la mesure où l’article 245 du code des douanes renvoie expressément au droit national.

Arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics (C-129/13 et C-130/13) (cf. points 76, 82, disp. 3)

90. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Obligation de recouvrement a posteriori des droits à l'importation - Stocks excédentaires de sucre non exportés - Absence de constatation et de mise à disposition sans raisons de force majeure ou d'impossibilité définitive non imputable à l'État membre concerné de procéder au recouvrement - Manquement

Manque aux obligations lui incombant en vertu de l'article 10 CE, de l'article 254 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités, de l'article 7 de la décision 85/257, relative au système des ressources propres des Communautés, des articles 4, 7 et 8 du règlement nº 579/86, établissant les modalités relatives aux stocks de produits du secteur du sucre se trouvant au 1er mars 1986 en Espagne et au Portugal, tel que modifié par le règlement nº 3332/86, ainsi que des articles 2, 11 et 17 du règlement nº 1552/89, portant application de la décision 88/376 relative au système des ressources propres des Communautés, un État membre qui refuse de mettre à la disposition de la Commission européenne une certaine somme en euros, correspondant aux droits relatifs aux quantités excédentaires de sucre non exportées à la suite de son adhésion à la Communauté européenne.

En effet, l’article 8, paragraphe 3, sous c), du règlement nº 3771/85, relatif aux stocks de produits agricoles se trouvant au Portugal, prévoit que les modalités d’application de ce règlement, à fixer selon les procédures prévues par la réglementation portant organisation commune des marchés agricoles, comportent notamment la perception d’une taxe au cas où l’intéressé ne respecterait pas les modalités d’écoulement des produits excédentaires. Ainsi, pour mettre en œuvre l’élimination des stocks excédentaires de sucre dont l’existence a été constatée dans un État membre, le règlement nº 579/86 prévoit, à titre principal, l’exportation de ces stocks dans un délai déterminé et, à défaut d’exportation dans ce délai, en vertu de son article 7, paragraphe 1, le paiement d’un montant qui est égal au prélèvement à l’importation, pour le sucre blanc, en vigueur le 30 juin 1987.

Or, l'imposition prévue aux articles 8, paragraphe 3, sous c), du règlement nº 3771/85 et 7, paragraphe 1, du règlement nº 579/86 constitue un autre droit prévu dans le cadre de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, au sens de l'article 2, sous a), de la décision 85/257 et de l'article 2, sous a), de la décision 88/376.

Il s'ensuit que l'État membre était tenu de mettre le montant à la disposition de la Commission, d'autant qu'en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement nº 1552/89, auquel se réfère la Commission, les États membres ne sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure ou lorsqu’il s’avère qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des raisons qui ne peuvent leur être imputées.

Arrêt du 17 juillet 2014, Commission / Portugal (C-335/12) (cf. points 57, 69, 79, 82)

91. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Prise en compte a posteriori d'un droit antidumping en cas d'acceptation par l'autorité douanière d'une demande d'invalidation d'une déclaration erronée - Admissibilité

Les articles 66 et 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement nº 1791/2006, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une autorité douanière procède à la prise en compte a posteriori d’un droit antidumping lorsque des demandes d’invalidation des déclarations douanières ont été introduites au motif que l’indication du destinataire y figurant était erronée et que cette autorité a accepté lesdites déclarations ou a mis en œuvre un contrôle après la réception desdites demandes.

Arrêt du 17 septembre 2014, Baltic Agro (C-3/13) (cf. point 40, disp. 2)

92. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité aux poursuites engagées par les autorités nationales à l'encontre des bénéficiaires des restitutions à l'exportation après constatation d'irrégularités - Notion d'irrégularité

S'agissant du délai de prescription des poursuites prévu à l’article 3 du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, cet article doit être interprété en ce sens qu’il s’applique aux poursuites engagées par les autorités nationales à l’encontre des bénéficiaires d’aides de l’Union à la suite d’irrégularités constatées par l’organisme national en charge du paiement des restitutions à l’exportation dans le cadre du FEOGA.

À cet égard, l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95 est applicable tant aux irrégularités conduisant à l’imposition d’une sanction administrative, au sens de l’article 5 de celui-ci, qu’à celles faisant l’objet d’une mesure administrative, au sens de l’article 4 dudit règlement, mesure qui a pour objet le retrait de l’avantage indûment obtenu sans toutefois revêtir le caractère d’une sanction.

Arrêt du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia (C-341/13) (cf. points 41, 45, disp. 1)

93. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité aux irrégularités commises avant l'entrée en vigueur dudit règlement - Point de départ - Date de la commission de l'irrégularité

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia (C-341/13) (cf. points 50-52)

94. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité de délais de prescription nationaux plus longs - Condition - Respect du principe de proportionnalité - Délai de vingt ans - Inadmissibilité

L’application d’un délai de prescription national plus long, tel que visé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, en vue de la poursuite d’irrégularités, au sens de ce règlement, ne doit pas aller manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union.

À cet égard, si ledit article 3, paragraphe 3, permet aux États membres d’appliquer des délais de prescription plus longs que ceux de quatre ou trois ans prévus au paragraphe 1, premier alinéa, de cet article, résultant de dispositions de droit commun antérieures à la date d’adoption dudit règlement, l’application d’un délai de prescription de vingt ans va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union.

Arrêt du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia (C-341/13) (cf. points 59, 65, disp. 2)

95. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Intérêts compensatoires - Intérêts moratoires - Distinction - Mesure d'exécution d'un arrêt du Tribunal

Le versement d’intérêts moratoires constitue une mesure d’exécution de l’arrêt d’annulation, au sens de l’article 266, premier alinéa, TFUE, en ce qu’il vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance incombant à la Commission et à inciter le débiteur à exécuter, dans les plus brefs délais, l’arrêt d’annulation. En revanche, l’octroi d’intérêts compensatoires relève non pas de la mesure d’exécution d’un arrêt d’annulation, au sens de l’article 266, premier alinéa, TFUE, mais de l’application du second alinéa de cet article 266, lequel se réfère à l’article 340 TFUE, c’est-à-dire au contentieux de la responsabilité non contractuelle de l’Union. Cette catégorie d’intérêts vise, en effet, à compenser l’écoulement du temps jusqu’à l’évaluation juridictionnelle du montant du préjudice, indépendamment de tout retard imputable au débiteur.

L'obligation faite à la Commission de payer la créance principale assortie d'intérêts trouvant son fondement non dans l'exécution de sa décision mais dans l'exécution d'un arrêt du Tribunal, seuls des intérêts moratoires peuvent être octroyés en application de l'article 266, premier alinéa, TFUE.

Arrêt du 12 février 2015, Commission / IPK International (C-336/13 P) (cf. points 30, 31, 37, 38)



Arrêt du 20 janvier 2021, Commission / Printeos (C-301/19 P) (cf. points 55, 56, 68, 78, 79, 94)



Arrêt du 8 mars 2023, Campine et Campine Recycling / Commission (T-94/20) (cf. points 86, 88)

96. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par les articles 239 du code des douanes communautaire et 905 de son règlement d'application nº 2454/93 - Règle d'exception - Interprétation stricte

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency / Commission (T-576/11) (cf. point 44)

97. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Article 239 du code des douanes communautaire - Existence d'une situation particulière - Notion - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Portée - Limites

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency / Commission (T-576/11) (cf. points 45, 46)

98. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par l'article 905 du règlement nº 2454/93 - Portée - Compétence de la Commission - Limites - Application du droit douanier matériel - Compétence exclusive des autorités nationales

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency / Commission (T-576/11) (cf. points 49-51, 55, 57, 58)

99. Union douanière - Naissance et recouvrement d'une dette douanière - Avis de recouvrement correspondant à des droits antidumping adressés par les autorités douanières nationales - Nature juridique - Communication de la prise en compte a posteriori par ces autorités d'une dette douanière existante

Les avis de recouvrement, correspondant à des droits antidumping relatifs à des importations en provenance de pays tiers, adressés par les autorités douanières nationales aux importateurs et à leurs représentants directs ou indirects, ne constituent que la communication à ceux-ci de la prise en compte a posteriori par ces autorités d’une dette douanière existante qui, en vertu de l’article 201, paragraphe 2, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes, a été encourue lors de l’acceptation des déclarations présentées par les intéressés. En outre, en vertu de l’article 201, paragraphe 3, dudit règlement, un commissionnaire en douane agissant en tant que représentant indirect de l’importateur est débiteur de la totalité de la dette, y compris les droits à l’importation, tels que les droits antidumping qui n’ont pas été perçus du fait d’avoir établi des déclarations indiquant en tant que pays d’origine du produit importé un pays autre que le véritable pays d’origine.

Arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency / Commission (T-576/11) (cf. point 52)

100. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Existence d'une situation particulière - Notion - Contrôle déficient par la Commission de l'application correcte d'un règlement antidumping - Inclusion - Absence de déficience

Dans l’application des droits antidumping imposés par le règlement nº 368/98, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de glyphosate originaire de la République populaire de Chine et portant perception définitive du droit provisoire, règlement dont le contournement est à l’origine des avis de recouvrement émis par des autorités douanières nationales, l’obligation d’appliquer des droits antidumping aux importations concernées incombe principalement aux autorités douanières des États membres.

Toutefois, en tant que gardienne des traités et du droit dérivé de l’Union, en général, et dans son rôle central de contrôle de l’application du droit douanier de l’Union, en particulier, des obligations de coordination et de surveillance, notamment dans le cadre d’enquêtes sur de potentielles infractions, incombent à la Commission. La Commission s’acquitte de ces obligations lorsque des procédures ont été mises en œuvre par celle-ci ou avec son appui au fur et à mesure que des informations relatives à un possible contournement ont été révélées à l’issue des différentes étapes des enquêtes par les autorités nationales et par l’OLAF. En outre, parmi les obligations ainsi imposées à la Commission, ne figure pas celle d’informer les importateurs ou les commissionnaires en douane des éléments d’information dont elle dispose ni de les avertir lorsqu’elle a des doutes quant aux opérations qu’ils exécutent.

Arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency / Commission (T-576/11) (cf. points 72, 76, 77)

101. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Clause d'équité instituée par les articles 239 du code des douanes communautaire et 905 de son règlement d'application nº 2454/93 - Situation particulière - Notion - Agissements déficients des autorités douanières nationales - Inclusion - Absence de déficience

Dans le cadre d’importations soumises à un régime général, auxquelles s’appliquent des droits antidumping, tant la Commission que les autorités douanières nationales ont une obligation de diligence et de surveillance visant à ce que le droit de l’Union soit appliqué. Toutefois, une telle obligation n’implique pas que, en présence d’informations ne révélant pas d’indices suffisamment concrets concernant des sociétés déterminées qui auraient justifié des actions spécifiques et immédiates à leur égard ou à l’encontre des opérations menées par elles, les autorités douanières doivent procéder à des contrôles physiques et systématiques de tous les envois des produits importés par de telles sociétés qui arrivent aux douanes de l’Union. Les autorités douanières ne sont pas tenues non plus d’alerter lesdites sociétés, compte tenu de la nature générale des informations indiquées. En effet, les autorités douanières qui sont informées de l’éventualité d’une fraude n’ont pas l’obligation d’avertir un opérateur du fait qu’il pourrait devenir redevable de droits de douane en raison de cette fraude, alors même que cet opérateur aurait agi de bonne foi.

Arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency / Commission (T-576/11) (cf. points 85-87, 90)

102. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Circonstances n'impliquant "ni manœuvre ni négligence manifeste" de l'intéressé - Notion de négligence manifeste - Interprétation stricte - Critères - Complexité de la réglementation tarifaire - Absence - Expérience professionnelle du commissionnaire en douane - Diligence de l'importateur - Absence

Un commissionnaire en douane, par la nature même de ses fonctions, engage sa responsabilité tant pour le paiement des droits à l’importation que pour la régularité des documents qu’il présente aux autorités douanières. À cet égard, un commissionnaire en douane bien établi doit au moins avoir des doutes concernant l’origine réelle du produit importé dès lors que des factures, des listes de colisage et des déclarations en douane comportent des indications relatives à une telle origine et qu’il existe des incohérences dans les certificats d’origine.

Par ailleurs, si le commissionnaire n’a même pas examiné ou eu accès à de telles factures et déclarations avant de les présenter aux autorités douanières, alors que, en vertu de l’article 199 du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes, il est, en tant que déclarant, responsable de l’exactitude des indications figurant dans ces déclarations, son manque de diligence est d’autant plus significatif. À cet égard, les procédures internes du commissionnaire pour donner suite aux déclarations et établir la documentation pertinente ainsi que les particularités de la structure sociétaire de son groupe ne sauraient constituer des justifications lui permettant de s’affranchir des obligations inhérentes aux fonctions de commissionnaire en douane et d’en faire supporter les conséquences au budget de l’Union.

De même, un commissionnaire en douane ne saurait se retrancher derrière les actions de son client pour justifier la remise des droits à l’importation.

Arrêt du 16 avril 2015, Schenker Customs Agency / Commission (T-576/11) (cf. points 95, 98, 101, 104-107, 109, 110, 112, 115)

103. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Système d'alerte précoce à l'usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives - Absence de communication à une personne inscrite dans le système de la décision d'inscription - Violation des droits de la défense et de l'obligation de motivation

Viole l’obligation de motivation ainsi que les droits de la défense une décision de la Commission d’inscrire une entité dans le système d’alerte précoce institué par la décision 2008/969 relative audit système à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives, sans communiquer ladite décision à la personne concernée, dès lors que cette dernière n’a, de ce fait, pas eu la possibilité de faire ses observations à cet égard et n’a pas eu non plus connaissance des motifs justifiant son inscription dans le système d’alerte.

En effet, les droits de la défense doivent toujours être assurés, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Il en va de même en ce qui concerne l’obligation de motivation. Or, bien que l’objectif poursuivi par la décision 2008/969 soit de protéger le budget de l’Union par des mesures de prudence, cela ne justifie nullement une absence de communication. À cet égard, même à supposer que le système d’alerte précoce ait été construit en tant qu’instrument interne, il n’en demeure pas moins que l’inscription dans ledit système entraîne des conséquences juridiques pour la personne inscrite concernée, impliquant que les droits de la défense, y inclus l’obligation de motivation, doivent être respectés.

Arrêt du 22 avril 2015, Planet / Commission (T-320/09) (cf. points 79, 83, 86, 87)

104. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité tant aux irrégularités punissables par une sanction administrative qu'à celles faisant l'objet d'une mesure administrative

Le délai de prescription établi par l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est applicable tant aux irrégularités conduisant à l’imposition d’une sanction administrative, au sens de l’article 5 dudit règlement, qu’à des irrégularités faisant l’objet d’une mesure administrative consistant en le retrait de l’avantage indûment obtenu, conformément à l’article 4 dudit règlement.

Arrêt du 11 juin 2015, Pfeifer & Langen (C-52/14) (cf. points 21, 23)

105. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Acte interruptif - Acte de l'autorité compétente porté à la connaissance de la personne concernée et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité - Notion

Conformément à l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, la prescription des poursuites peut être interrompue par tout acte porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l’autorité compétente et visant à l’instruction ou à la poursuite de l’irrégularité. S’agissant de la notion d’"autorité compétente", au sens de cette disposition, elle doit s’entendre comme l’autorité ayant compétence, en vertu du droit national, pour adopter les actes d’instruction ou de poursuite en question, cette autorité pouvant être différente de celle attribuant ou recouvrant les sommes indûment perçues au détriment des intérêts financiers de l’Union.

Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que des actes visant à l’instruction ou à la poursuite d’une irrégularité ont été portés à la connaissance de la personne en cause, au sens dudit article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, lorsqu’un ensemble d’éléments factuels permettent de conclure que les actes d’instruction ou de poursuite concernés ont été effectivement portés à la connaissance de la personne en cause. S’agissant d’une personne morale, cette condition est remplie si l’acte concerné a été effectivement porté à la connaissance d’une personne dont le comportement peut être attribué, conformément au droit national, à cette personne morale, ce qu’il appartient au juge national de vérifier. En outre, pour être qualifié d’acte d’instruction ou de poursuite, au sens de cette disposition, un acte doit circonscrire avec suffisamment de précision les opérations sur lesquelles portent les soupçons d’irrégularités. Cette exigence de précision ne requiert cependant pas que ledit acte mentionne la possibilité de l’imposition d’une sanction ou d’une mesure administrative particulière.

Arrêt du 11 juin 2015, Pfeifer & Langen (C-52/14) (cf. points 29, 33, 39, 47, disp. 1 à 3)

En application de l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, une interruption du délai de prescription des poursuites à l’encontre de la personne en cause ne peut s’envisager que par un acte porté à la connaissance de celle-ci. Or, lorsque la personne est informée par courrier qu’elle est considérée comme une personne concernée par une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et qu’elle a eu des contacts avec des représentants de l’OLAF, il y a lieu de considérer que ce courrier a interrompu le délai de prescription et a eu pour effet de faire courir un nouveau délai de quatre ans à compter de la date dudit courrier.

Arrêt du 20 juillet 2016, Oikonomopoulos / Commission (T-483/13) (cf. point 217)

106. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Limite maximale - Communication à la personne concernée d'actes d'instruction ou de poursuite adoptées par l'autorité compétente - Absence d'incidence sur l'écoulement du délai maximal

Il ressort tant du libellé que de l’économie de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, que cette disposition impose, à son quatrième alinéa, une limite absolue s’appliquant à la prescription des poursuites d’une irrégularité, cette prescription étant acquise au plus tard le jour où un délai égal au double de celui prévu au premier alinéa de cette même disposition arrive à expiration sans que l’autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans le cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement.

Il s’ensuit que, hormis cette dernière hypothèse, les actes d’instruction ou de poursuite adoptés par l’autorité compétente et portés à la connaissance de la personne en cause, conformément à l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, dudit règlement, n’ont pas pour effet d’interrompre le délai prévu à l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, de ce même règlement.

Arrêt du 11 juin 2015, Pfeifer & Langen (C-52/14) (cf. points 63, 72, 74, disp. 7)

107. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Irrégularité continue ou répétée - Délai de prescription - Point de départ

L’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, doit être interprété en ce sens que le délai prévu à cet alinéa commence à courir, en cas d’irrégularité continue ou répétée, à compter du jour où celle-ci a pris fin, quelle que soit la date à laquelle l’administration nationale a pris connaissance de cette irrégularité.

À cet égard, la date à laquelle les autorités nationales ont pris connaissance d’une irrégularité est sans influence sur le point de départ dudit délai. En effet, outre le fait que rien dans le libellé de ladite disposition ne permet d’inférer une interprétation contraire, il doit être souligné qu’il incombe à l’administration nationale une obligation générale de diligence dans la vérification de la régularité des paiements qu’elle effectue et qui pèsent sur le budget de l’Union. Cette obligation implique que l'administration nationale doit prendre les mesures destinées à remédier aux irrégularités avec promptitude. Dans ces conditions, admettre que le délai prévu à l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement nº 2988/95 ne commence à courir qu’à compter du moment où l’administration a constaté ces irrégularités pourrait encourager une certaine inertie des autorités nationales à poursuivre lesdites irrégularités tout en exposant les opérateurs, d’une part, à une longue période d’incertitude juridique et, d’autre part, au risque de ne plus être en mesure d’apporter la preuve de la régularité des opérations en cause à l’issue d’une telle période.

Arrêt du 11 juin 2015, Pfeifer & Langen (C-52/14) (cf. points 67-69, disp. 6)

108. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Opérateur bénéficiant indûment du tarif préférentiel pour l'importation de bananes - Inclusion - Conséquences

L’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, doit être interprété en ce sens que le constat d’une pratique abusive implique que l’opérateur qui s’est placé de manière artificielle dans une situation qui lui permet de bénéficier indûment du tarif préférentiel pour l’importation de bananes est tenu d’acquitter les droits afférents aux produits concernés, sans préjudice, le cas échéant, des sanctions administratives, civiles ou pénales prévues par la législation nationale.

Arrêt du 9 juillet 2015, Cimmino e.a. (C-607/13) (cf. point 76, disp. 3)

109. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité tant aux irrégularités punissables par une sanction administrative qu'à celles sanctionnables par une mesure administrative

L’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, doit être interprété en ce sens que la prescription qu’il prévoit est applicable non seulement aux poursuites d’irrégularités conduisant à l’infliction de sanctions administratives au sens de l’article 5 de ce règlement, mais également aux poursuites conduisant à l’adoption de mesures administratives, au sens de l’article 4 dudit règlement. Cette interprétation est sans préjudice de l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2988/95 selon lequel les États membres conservent la possibilité d’appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement aux paragraphes 1 et 2 dudit article 3.

Arrêt du 3 septembre 2015, Sodiaal International (C-383/14) (cf. points 32, 33 et disp.)

110. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Réglementation nationale prévoyant une limitation de la durée totale de la prescription en matière pénale en cas d'interruption et pouvant aboutir à l'impunité dans de nombreux cas - Inadmissibilité - Vérification incombant à la juridiction nationale

Une réglementation nationale en matière de prescription des infractions pénales, qui prévoit qu'un acte interruptif intervenant dans le cadre de poursuites pénales portant sur des fraudes graves en matière de taxe sur la valeur ajoutée a pour effet de prolonger le délai de prescription de seulement un quart de sa durée initiale, est susceptible de porter atteinte aux obligations mises à charge des États membres par l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE, dans l’hypothèse où cette réglementation nationale empêcherait l’infliction de sanctions effectives et dissuasives dans un nombre considérable des cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, ou prévoirait des délais de prescription plus longs pour les cas de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’État membre concerné que pour ceux portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier. Il incombe à la juridiction nationale de donner plein effet à l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE, en laissant au besoin inappliquées les dispositions de droit national qui auraient pour effet d’empêcher l’État membre concerné de respecter les obligations mises à sa charge par l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE.

En effet, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, il découle de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lue en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, que les États membres n’ont pas seulement l’obligation générale de prendre toutes les mesures législatives et administratives propres à garantir la perception de l’intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée due sur leurs territoires respectifs, mais doivent aussi lutter contre la fraude. Ainsi, si les États membres disposent, certes, d’une liberté de choix des sanctions applicables, lesquelles peuvent prendre la forme de sanctions administratives, de sanctions pénales ou d’une combinaison des deux, afin de garantir la perception de l’intégralité des recettes provenant de la taxe sur la valeur ajoutée et, ce faisant, la protection des intérêts financiers de l’Union conformément aux dispositions de la directive 2006/112 et à l’article 325 TFUE, des sanctions pénales peuvent cependant être indispensables pour combattre de manière effective et dissuasive certains cas de fraude grave à la taxe sur la valeur ajoutée.

Arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a. (C-105/14) (cf. points 36, 39, 58, disp. 1)

111. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Appréciation par la juridiction nationale de la conformité d'un régime de prescription comportant une limitation en termes de prolongation à la suite d'une interruption - Incidence des articles 101 TFUE, 107 TFUE et 119 TFUE - Absence

Un régime de prescription applicable à des infractions pénales commises en matière de taxe sur la valeur ajoutée, qui prévoit des délais de prescription absolus ne pouvant être prolongés, en cas d’interruption, de plus d'un quart de leur durée initiale, ne saurait être apprécié à la lumière des articles 101 TFUE, 107 TFUE et 119 TFUE.

En effet, premièrement, une application éventuellement insuffisante des dispositions pénales nationales en matière de taxe sur la valeur ajoutée n’a pas d’incidence nécessaire sur de possibles comportements collusoires entre entreprises, contraires à l’article 101 TFUE, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE. Deuxièmement, si le caractère non effectif et/ou non dissuasif des sanctions prévues en matière de taxe sur la valeur ajoutée peut éventuellement procurer un avantage financier aux entreprises concernées, il ne saurait cependant être question d’application de l’article 107 TFUE, dans la mesure où toutes les transactions sont soumises au régime de taxe sur la valeur ajoutée et toute infraction commise en cette matière est pénalement punie, abstraction faite des cas particuliers dans lesquels le régime de prescription pourrait priver de conséquences pénales certaines infractions. Troisièmement, la question de savoir si des dispositions de droit national pouvant aboutir à l’impunité de certaines infractions en matière de taxe sur la valeur ajoutée sont conformes au principe de finances publiques saines ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 119 TFUE, dans la mesure où elle est très indirectement liée à cette obligation incombant aux États membres.

Arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a. (C-105/14) (cf. points 60, 62, 64, 65, disp. 2)

112. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Lettre de la Commission invitant de manière informelle un État membre à mettre des ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l'Union - Exclusion - Lettre ne produisant pas d'effets juridiques obligatoires - Irrecevabilité du recours

Dans le cadre de recours en annulation introduits par des États membres ou des institutions, sont considérées comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires.

Or, tel n’est pas le cas d’une lettre de la Commission invitant de manière informelle un État membre à mettre des ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l’Union. En effet, l’application des dispositions de l’Union en matière de mise à disposition de ressources propres relève de la responsabilité des États membres. Aucune des dispositions de la décision 2007/436, relative au système des ressources propres des Communautés européennes, et du règlement nº 1150/2000, portant application de la décision 2007/436, adoptées en cette matière, ne confère à la Commission une compétence pour prendre des décisions sur leur interprétation. En outre, la Commission ne saurait porter atteinte à la compétence exclusive de la Cour pour statuer sur la conformité du comportement d’un État membre avec le règlement nº 1150/2000. Ainsi, la Commission n’a que la possibilité, qui lui est toujours offerte, d’exprimer son opinion, qui ne lie en aucun cas les autorités nationales.

Par ailleurs, la phase précontentieuse de la procédure en manquement prévue par l’article 258 TFUE ayant pour unique but de permettre à l’État membre de se conformer volontairement aux exigences du traité ou, le cas échéant, de lui donner l’occasion de justifier sa position, aucun des actes adoptés par la Commission dans ce cadre, y compris une lettre dans laquelle cette institution invite de manière informelle un État membre à mettre des ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l’Union, n’a force obligatoire.

Ordonnance du 14 septembre 2015, Slovénie / Commission (T-585/14) (cf. points 25, 34, 38, 40, 43, 46, 48)

113. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Obligation d'inscription au crédit du compte de la Commission - Inscription tardive - Obligation de payer des intérêts moratoires



Ordonnance du 14 septembre 2015, Espagne / Commission (T-841/14) (cf. points 16-18)

114. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité aux irrégularités découvertes après la réalisation du préjudice - Point de départ - Date à prendre en considération - Date de survenance cumulative de la violation du droit de l'Union et du préjudice en résultant

Les articles 1er, paragraphe 2, et 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, doivent être interprétés en ce sens que, dans des circonstances où la violation d’une disposition du droit de l’Union n’a été détectée qu’après la réalisation d’un préjudice, le délai de prescription commence à courir à partir du moment où tant l’acte ou l’omission d’un opérateur économique constituant une violation du droit de l’Union que le préjudice porté au budget de l’Union ou aux budgets gérés par celle-ci sont survenus.

Une telle conclusion est conforme à l’objectif dudit règlement, qui, en vertu de son article 1er, paragraphe 1, tend à la protection des intérêts financiers de l’Union. En effet, le dies a quo se situe à la date de l’événement, survenant en dernier lieu, à savoir soit à la date de la réalisation du préjudice, lorsque ce préjudice se réalise après l’acte ou l’omission constituant une violation du droit de l’Union, soit à la date de cet acte ou de cette omission, lorsque l’avantage en cause a été octroyé avant ledit acte ou ladite omission. En outre, cette conclusion n'est pas remise en cause par l'argument selon lequel le dies a quo se situerait au jour de la découverte de l’irrégularité, dès lors que la date à laquelle les autorités ont pris connaissance d’une irrégularité est sans influence sur le point de départ du délai de prescription. Au demeurant, l’administration a une obligation générale de diligence dans la vérification de la régularité des paiements effectués par elle-même et qui pèsent sur le budget de l’Union.

Arrêt du 6 octobre 2015, Firma Ernst Kollmer Fleischimport und -export (C-59/14) (cf. points 25-29, disp. 1)

115. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité aux poursuites engagées par les autorités nationales à l'encontre des bénéficiaires des restitutions à l'exportation après constatation d'irrégularités - Point de départ - Réalisation du préjudice au budget de l'Union - Notion - Date de la décision d'octroi des restitutions à l'exportation concernées

L’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, doit être interprété en ce sens qu'un préjudice est réalisé dès que la décision d’octroyer la restitution à l’exportation à l’exportateur concerné a été prise. En effet, c’est à partir de ce moment qu’il existe effectivement un préjudice porté au budget de l’Union. Ce préjudice ne saurait être considéré comme existant avant la date de l’octroi définitif de cet avantage, sous peine d’admettre que le délai de prescription pour récupérer ce même avantage puisse déjà courir à un moment où celui-ci n’a pas encore été accordé.

Arrêt du 6 octobre 2015, Firma Ernst Kollmer Fleischimport und -export (C-59/14) (cf. points 32, 33, disp. 2)

116. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Conditions - Introduction de la demande dans un délai de trois ans - Exception - Force majeure - Notion - Interprétation stricte - Déclaration d'invalidité d'un règlement antidumping - Exclusion

L’article 236, paragraphe 2, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, doit être interprété en ce sens que la circonstance qu’un règlement instituant des droits antidumping soit déclaré totalement ou partiellement invalide par le juge de l’Union ne constitue pas un cas fortuit ou de force majeure, au sens de cette disposition.

Arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International (C-659/13 et C-34/14) (cf. points 190-194, disp. 4)

117. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Importateur du produit soumis aux droits antidumping n'ayant pas introduit dans le délai imparti une demande de remboursement au titre de l'article 11, paragraphe 8, du règlement nº 384/96 - Omission ne faisant pas obstacle à l'introduction d'une demande de remboursement fondée sur l'article 236 du code des douanes

En matière de défense contre les pratiques de dumping, ni le libellé de l’article 11, paragraphe 8, du règlement nº 384/96, ni celui de l’article 236 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, ne fournissent le moindre fondement textuel permettant de considérer que des importateurs qui ne se sont pas prévalus de la procédure prévue par l’article 11, paragraphe 8, du règlement nº 384/96 dans le délai imparti à cet effet ne seraient pas ou ne seraient plus en droit de demander le bénéfice de la procédure instituée par l’article 236 du code des douanes.

Par ailleurs, la procédure instituée à l’article 11, paragraphe 8, du règlement nº 384/96 ne poursuit pas le même objectif que celle prévue à l’article 236 du code des douanes. En effet, celle régie par l’article 11, paragraphe 8, du règlement nº 384/96 vise à permettre aux importateurs qui se sont acquittés de droits antidumping d’en demander le remboursement à la Commission, par l’intermédiaire des autorités nationales compétentes, lorsqu’il est démontré que la marge de dumping sur la base de laquelle ces droits ont été acquittés a été éliminée ou réduite à un niveau inférieur au niveau du droit en vigueur. Dans le cadre de cette procédure, les importateurs ne contestent pas la légalité des droits antidumping qui ont été imposés, mais invoquent une modification de la situation ayant un impact direct sur la marge de dumping initialement déterminée. En revanche, la procédure organisée par l’article 236 du code des douanes permet auxdits importateurs de demander le remboursement des droits à l’importation ou à l’exportation dont ils se sont acquittés, dans l’hypothèse où il est établi que ces droits n’étaient pas légalement dus au moment de leur paiement.

Enfin, l’économie de ces deux procédures est foncièrement différente. En particulier, celle instituée à l’article 11, paragraphe 8, du règlement nº 384/96 relève de la compétence de la Commission et sa mise en œuvre ne peut intervenir que dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le montant définitif des droits à percevoir a été dûment établi par les autorités compétentes, tandis que celle prévue à l’article 236 du code des douanes est du ressort des autorités douanières nationales et qu’il peut y être recouru dans un délai de trois ans à compter de la date de communication desdits droits au débiteur.

Arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International (C-659/13 et C-34/14) (cf. points 68-70)

118. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Violation, par un pouvoir adjudicateur dans le cadre de l'attribution d'un marché public visant la réalisation d'une action subventionnée par des Fonds structurels européens, des dispositions du droit national en matière de passation de marchés publics - Inclusion - Conditions

L’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, et l’article 2, point 7, du règlement nº 1083/2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, doivent être interprétés en ce sens que la méconnaissance de dispositions nationales par un pouvoir adjudicateur, bénéficiant de Fond structurels dans le cadre de la passation d’un marché public ayant une valeur estimée inférieure au seuil prévu à l’article 7, sous a), de la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, telle que modifiée par le règlement nº 1422/2007, est susceptible de constituer, à l’occasion de la passation de ce marché, une irrégularité, au sens dudit article 1er, point 2, ou dudit article 2, point 7, pour autant que cette méconnaissance a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l’Union européenne par l’imputation d’une dépense indue.

En effet, dans la mesure où les opérations en cause bénéficient d’un financement de l’Union, celles-ci sont soumises à l’application du droit de l’Union. Ainsi, la notion d’irrégularité au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 2988/95 et de l’article 2, point 7, du règlement nº 1083/2006 doit être interprétée comme visant non seulement toute violation de ce droit, mais aussi la violation des dispositions du droit national qui contribuent à assurer la bonne application du droit de l’Union relatif à la gestion des projets financés par les fonds de l’Union. Il en va ainsi d’une violation des dispositions du droit national applicables aux opérations soutenues par les Fonds structurels.

Arrêt du 26 mai 2016, Județul Neamț (C-260/14 et C-261/14) (cf. points 37, 43, 46, disp. 1)

119. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Mesures administratives - Notion - Correction financière opérée par un État membre à la suite de la constatation d'une irrégularité dans le cadre d'une procédure de passation d'un marché public visant la réalisation d'une action subventionnée par des Fonds structurels européens - Inclusion

L’article 98, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième phrase, du règlement nº 1083/2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, doit être interprété en ce sens que les corrections financières opérées par les États membres, lorsque celles-ci ont été appliquées à des dépenses cofinancées par les Fonds structurels, pour non-respect des dispositions en matière de passation de marchés publics, sont des mesures administratives au sens de l’article 4 du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes.

En effet, il ressort des termes mêmes de l’article 98, paragraphe 2, du règlement nº 1083/2006, lus en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, premier tiret, du règlement nº 2988/95, que les corrections financières, auxquelles les États membres doivent procéder lorsqu’ils détectent des irrégularités en rapport avec les opérations ou les programmes opérationnels, ont pour but de d’obtenir le retrait d’un avantage indûment perçu par les opérateurs économiques concernés, notamment par l’obligation de rembourser les sommes indûment payées. À cet égard, l’obligation de restituer un avantage indûment perçu au moyen d’une irrégularité ne constitue pas une sanction, mais est la simple conséquence de la constatation que les conditions requises pour l’obtention de l’avantage résultant de la réglementation de l’Union n’ont pas été respectées, rendant indu l’avantage perçu. Le fait que le montant absolu à restituer puisse, dans un cas concret, ne pas coïncider parfaitement avec la perte effectivement subie par les Fonds structurels n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

Arrêt du 26 mai 2016, Județul Neamț (C-260/14 et C-261/14) (cf. points 49-51, disp. 2)

120. Politique commerciale commune - Défense contre les pratiques de dumping - Contournement - Extension du droit antidumping - Champ d'application ratione temporis - Application rétroactive du droit antidumping définitif étendu aux importations mises en libre pratique dans l'Union avant la date d'entrée en vigueur du règlement portant ouverture d'une enquête sur le contournement et soumettant les importations en cause à enregistrement - Limite - Inexactitude des certificats d'origine révélée à la suite d'une vérification a posteriori

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution nº 21/2013, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement d’exécution nº 791/2011 sur les importations de certains tissus de fibre de verre à maille ouverte originaires de la République populaire de Chine aux importations de ces mêmes produits expédiés de Taïwan et de la Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ces pays, doit être interprété en ce sens que le droit antidumping définitif étendu par cette disposition n’est pas applicable rétroactivement à des produits expédiés de Taïwan, mis en libre pratique dans l’Union après la date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution initial nº 791/2011, mais avant celle du règlement nº 437/2012, portant ouverture d’une enquête sur le contournement éventuel des mesures antidumping instituées par le règlement d’exécution nº 791/2011, par des importations en cause expédiées de Taïwan et de la Thaïlande, et soumettant ces importations à enregistrement. Toutefois, le droit antidumping institué par l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution initial nº 791/2011 est applicable à l’importation de tels produits, s’il est établi que, bien qu’expédiés depuis Taïwan et déclarés comme étant originaires de ce pays, ces produits sont en réalité originaires de la République populaire de Chine.

À cet égard, il résulte de l’article 13, paragraphe 3, du règlement antidumping de base nº 1225/2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne, que, dans le cas de l’existence d’un contournement, l’extension des mesures définitives déjà instituées prend effet à compter de la date à laquelle l’enregistrement a été rendu obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement.

En effet, si l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1225/2009 consacre le principe de non-rétroactivité des mesures antidumping, celles-ci ne pouvant en principe être appliquées qu’à des produits mis en libre pratique après la date à laquelle le règlement les instituant est entré en vigueur, plusieurs dispositions dudit règlement dérogent à ce principe.

Par conséquent, le droit antidumping étendu en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’extension nº 21/2013 n’est pas applicable rétroactivement à des importations qui ont été effectuées avant la date d’entrée en vigueur du règlement d’ouverture d’une enquête sur le contournement nº 437/2012 , c’est-à-dire avant que les importations en cause aient pu être enregistrées conformément à ce règlement.

Toutefois, cette interprétation ne fait pas obstacle à ce que le droit antidumping définitif institué par le règlement initial nº 791/2011 soit appliqué à de telles importations s’il est établi, après contrôle a posteriori, que lesdites importations sont en réalité originaires de la République populaire de Chine.

En effet, ainsi qu'il ressort de l’article 26 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, si la réglementation de l’Union prévoit que l’origine des marchandises doit être justifiée par la production d’un document, la production de ce document ne fait pas obstacle à ce que, en cas de doute sérieux, les autorités douanières exigent toutes justifications complémentaires en vue de s’assurer que l’indication d’origine soit bien conforme aux règles établies par la réglementation de l’Union en la matière. La finalité du contrôle a posteriori est de vérifier l’exactitude de l’origine indiquée dans le certificat d’origine.

Il en résulte que le fait que des marchandises soient accompagnées de certificats d’origine n’est pas une circonstance susceptible de s’opposer au recouvrement des droits dus pour l’importation de ces marchandises si, postérieurement à cette importation, ces certificats se sont révélés être inexacts, ce qu'il revient à la juridiction nationale de déterminer.

Arrêt du 30 juin 2016, Selena România (C-416/15) (cf. points 29, 30, 32-34, 36-39 et disp.)

121. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité à une demande de remboursement des participations financières versées par la Commission en vertu d'un contrat conclu dans le cadre d'un programme-cadre de l'Union - Exclusion - Demande introduite à la suite des contrôles effectués par l'Office européen de lutte anti-fraude - Absence d'incidence



Arrêt du 12 juillet 2016, Commission / Thales développement et coopération (T-326/13) (cf. points 52, 55, 58)

122. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Imposition, dans le cadre d'un marché public relatif à un projet soutenu par l'Union, d'une clause contraire au droit de l'Union - Inclusion - Application d'une correction financière - Condition - Risque d'incidence sur le budget du fonds concerné

L’article 98 du règlement nº 1083/2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, lu en combinaison avec l’article 2, point 7, de ce règlement, doit être interprété en ce sens que le fait, pour un pouvoir adjudicateur, d’avoir posé, dans le cadre d’un marché public de travaux relatifs à un projet bénéficiant d’une aide financière de l’Union, une exigence contraire à la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, telle que modifiée par le règlement nº 2083/2005, constitue une irrégularité au sens dudit article 2, point 7, justifiant la nécessité d’appliquer une correction financière en vertu dudit article 98, pour autant que la possibilité que ce manquement ait eu une incidence sur le budget du Fonds concerné ne puisse pas être exclue. Le montant de cette correction doit être déterminé en tenant compte de toutes les circonstances concrètes qui sont pertinentes au regard des critères mentionnés au paragraphe 2, premier alinéa, de l’article 98 dudit règlement, à savoir la nature de l’irrégularité constatée, sa gravité et la perte financière qui en a résulté pour le Fonds concerné.

Arrêt du 14 juillet 2016, Wrocław - Miasto na prawach powiatu (C-406/14) (cf. point 51, disp. 2)

123. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de la Communauté - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité à des mesures ou à des sanctions prises en application du droit de l'Union - Exclusion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 20 juillet 2016, Oikonomopoulos / Commission (T-483/13) (cf. points 213-215)

124. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Critères d'appréciation

L’article 220, paragraphe 2, sous b), deuxième à cinquième alinéas, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, institue des règles particulières au vu desquelles il n’y a pas de prise en compte a posteriori des droits à l’importation dus lorsque le statut préférentiel d’une marchandise est établi sur la base d’un système de coopération administrative impliquant les autorités d’un pays tiers.

À cet égard, l’examen de la demande de non-recouvrement a posteriori des droits à l’importation doit être opéré au regard de l’article 220, paragraphe 2, sous b), deuxième à cinquième alinéa, du code des douanes communautaire.

Néanmoins, ledit examen doit être également opéré en prenant en considération les dispositions de l’article 220, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, dudit code et, donc, les conditions cumulatives qu’il contient et qui doivent être réunies, s’ajoutant à celle relative au caractère raisonnablement décelable de l’erreur commise par les autorités compétentes, à savoir que le redevable soit de bonne foi et qu’il ait observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur.

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-466/14) (cf. points 106, 107)

125. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Bonne foi du redevable - Notion - Lien avec la condition tenant à l'absence de connaissance de l'erreur commise par les autorités douanières

S’agissant de la condition relative à la bonne foi du redevable prévue à l’article 220, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, il ressort du quatrième alinéa de cette disposition que le redevable peut invoquer la bonne foi lorsqu’il peut démontrer que, pendant la période des opérations commerciales concernées, il a fait preuve de diligence pour s’assurer que toutes les conditions pour le traitement préférentiel ont été respectées.

Pour autant, la condition tenant à la bonne foi de l’opérateur et celle tenant à l’absence de connaissance de l’erreur commise par les autorités douanières présentent un certain lien. La question de savoir si l’opérateur a agi de bonne foi implique notamment de déterminer s’il n’avait pas pu raisonnablement déceler l’erreur commise par les autorités compétentes.

À cet égard, le considérant 11 du règlement nº 2700/2000, modifiant le règlement nº 2913/92, doit être interprété comme constituant un indice en ce sens que la bonne foi du redevable doit être examinée lorsque l’erreur commise par les autorités du pays tiers a conduit à l’établissement d’un certificat incorrect, quelle que soit l’origine de cette erreur, qu’elle soit propre à ces autorités ou qu’elle soit provoquée par une présentation incorrecte des faits par l’exportateur.

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-466/14) (cf. points 108, 110, 112, 118, 122)

126. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Respect de la réglementation en vigueur relative à la déclaration en douane - Portée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-466/14) (cf. point 125)

127. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Erreur de l'administration n'ayant pu "raisonnablement être décelée par le redevable" - Critères d'appréciation

L’erreur commise par les autorités compétentes doit être d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable de bonne foi, en dépit de son expérience professionnelle et de la diligence dont il devait faire preuve. Il est certes vrai que l’expérience professionnelle n’exclut pas, par elle-même, la bonne foi de l’opérateur ou le caractère non décelable de l’erreur. Néanmoins, il peut être attendu d’un professionnel expérimenté qu’il porte une attention plus élevée sur des éléments administratifs et factuels dont l’évaluation relève du cadre habituel de ses activités, notamment de sorte à ce qu’il puisse constater plus facilement tout écart par rapport à ce qui constitue une pratique ordinaire correcte. S’agissant de la diligence, il incombe à l’opérateur économique qui a des doutes de s’informer et de rechercher tous les éclaircissements possibles pour ne pas contrevenir aux dispositions visées.

Sur ce point, il est indéniable que la condition tenant au caractère non décelable de l’erreur commise par les autorités compétentes est liée, dans une certaine mesure, à la question de la bonne foi du redevable. Cependant, il n’est pas possible d’admettre que le fait que l’erreur est présumée comme n’étant pas raisonnablement décelable, constatation qui résulte de l’application de la règle de l’article 220, paragraphe 2, sous b), deuxième alinéa, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, introduite par le règlement nº 2700/2000, ait pour conséquence automatique et nécessaire que la bonne foi du redevable soit constatée.

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-466/14) (cf. points 131, 133, 134, 143)

128. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Obligation de fournir aux autorités douanières toutes les informations nécessaires prévues par le droit de l'Union et le droit national

Le déclarant est tenu de fournir aux autorités douanières compétentes toutes les informations nécessaires prévues par les règles de l’Union et les règles nationales qui, le cas échéant, les complètent ou les transposent au regard du traitement douanier demandé pour la marchandise concernée.

Cependant, cette obligation ne peut pas aller au-delà des indications que le déclarant peut raisonnablement connaître et obtenir, de sorte qu’il est suffisant que de telles indications, même si elles sont inexactes, aient été fournies de bonne foi.

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-466/14) (cf. points 176, 177)

129. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits de la défense - Droit d'être entendu - Obligation de respect desdits principes par les administrations nationales dans le cadre d'une procédure de recouvrement des droits de douane - Portée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-466/14) (cf. points 39-42)

130. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Erreur de l'administration n'ayant pu "raisonnablement être décelée par le redevable" - Erreurs figurant dans un certificat d'origine "formule A" - Critères d'appréciation

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-466/14) (cf. points 79-81, 86)

131. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Avis aux importateurs publié au Journal officiel signalant des doutes fondés sur la bonne application d'un régime préférentiel - Nécessité du caractère clair et précis de l'avis

Il résulte du texte même de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaires, que la publication au Journal officiel de l’Union européenne d’un avis aux importateurs signalant des doutes fondés en ce qui concerne la bonne application du régime préférentiel par le pays tiers bénéficiaire interdit aux importateurs, à compter de la publication, de se prévaloir de leur bonne foi, assurant ainsi un niveau de sécurité juridique très élevé, et conduisant les autorités nationales ou la Commission à rejeter la demande de non-recouvrement des droits à l’importation. Au vu de l’importance particulière d’un tel avis, celui-ci doit être particulièrement clair, notamment sur la question de savoir quels sont les pays visés. Il en est d’autant plus ainsi qu’il ressort directement du libellé de l’article 220, paragraphe 2, sous b), cinquième alinéa, du code des douanes communautaires qu’un tel avis doit signaler des doutes fondés en ce qui concerne la bonne application du régime préférentiel "par le pays bénéficiaire". En effet, lorsqu’un avis ne peut être interprété comme visant, avec suffisamment de précision, également les importations en provenance d’un pays tiers, il ne saurait être exigé du redevable qu’il ait modifié son approche à l’égard des importations en provenance de ce pays à la suite de la publication dudit avis. Une approche différente diminuerait la sécurité juridique des opérateurs économiques dans la mesure où ils seraient obligés, en cas de doutes sur la portée d’un avis aux importateurs quelconque, d’appliquer toujours, par précaution, des mesures de protections additionnelles, et ce même pour des importations en provenance de pays non clairement identifiés comme étant ceux sur lesquels portent les doutes de la Commission.

Arrêt du 15 décembre 2016, Espagne / Commission (T-548/14) (cf. points 46, 60, 76)

132. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Sommes indûment payées par le justiciable au titre de droits à l'importation fixés par un règlement antidumping invalide - Obligation de payer au justiciable ayant droit au remboursement des intérêts y afférents

Lorsque des droits à l’importation, y compris des droits antidumping, sont remboursés au motif qu’ils ont été perçus en violation du droit de l’Union, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, il existe une obligation des États membres, découlant du droit de l’Union, de payer aux justiciables ayant droit au remboursement, des intérêts y afférents, qui courent à compter de la date de paiement par ces justiciables des droits remboursés.

À cet égard, il y a certes lieu d’observer que l’article 241, première phrase, du code des douanes énonce que le remboursement par les autorités douanières de montants de droits à l’importation ou de droits à l’exportation ainsi que des intérêts de crédit ou de retard éventuellement perçus à l’occasion de leur paiement ne donne pas lieu au paiement d’intérêts par ces autorités. Cela étant, cette disposition ne saurait, en tant que telle, impliquer que, dans une situation telle que celle en cause au principal, la réglementation nationale pourrait valablement prévoir qu’il n’y a pas lieu de procéder au paiement d’intérêts sur le montant des droits à l’importation remboursés pour la période allant du paiement de ces droits jusqu’à leur remboursement. En effet, il résulte tant de la genèse de l’article 241 du code des douanes que du contexte dans lequel cette disposition s’inscrit qu’elle ne trouve pas à s’appliquer dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal.

À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, il appartient aux autorités nationales de tirer les conséquences, dans leur ordre juridique, de l’annulation ou d’une déclaration d’invalidité d’un règlement imposant des droits antidumping, ce qui aurait pour conséquence que les droits antidumping payés au titre du règlement concerné ne seraient pas légalement dus, au sens de l’article 236, paragraphe 1, du code des douanes, et devraient, en principe, faire l’objet d’un remboursement par les autorités douanières, conformément à cette disposition, si les conditions auxquelles un tel remboursement est assujetti, dont celle prévue à l'article 236, paragraphe 2, de ce code, sont réunies (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C-351/04, EU:C:2007:547, point 67 et du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C-419/08 P, EU:C:2010:147, point 25).

Arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann (C-365/15) (cf. points 24-26, 34, 39 et disp.)

133. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union - Exécution du budget - Obligation de respect du principe de transparence - Portée



Arrêt du 2 février 2017, International Management Group / Commission (T-29/15) (cf. points 147-152)

134. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité au recouvrement de créances d'intérêts afférents à des montants indûment perçus

L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) nº 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, doit être interprété en ce sens que le délai de prescription prévu à cette disposition est applicable au recouvrement de créances d’intérêts, telles que celles en cause dans l’affaire au principal, dues sur le fondement de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CEE) nº 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles, tel que modifié par le règlement (CE) nº 495/97 de la Commission, du 18 mars 1997, et de l’article 5 bis du règlement (CEE) nº 3002/92 de la Commission, du 16 octobre 1992, établissant les modalités communes de contrôle de l’utilisation et/ou de la destination de produits provenant de l’intervention, tel que modifié par le règlement (CE) nº 770/96 de la Commission, du 26 avril 1996.

En l’occurrence, il est constant que les titres de perception en cause au principal, émis par l’autorité administrative compétente en vue de récupérer les aides et les montants indûment perçus par Glencore en raison des irrégularités commises par celle-ci, ont été adoptés sur le fondement de l’article 11, paragraphe 3, du règlement nº 3665/87, s’agissant de l’orge de brasserie en vrac, et de l’article 5 bis du règlement nº 3002/92, s’agissant du blé tendre d’intervention. Il ressort, en outre, du dossier dont dispose la Cour que le titre de perception relatif au recouvrement des intérêts en sus de ces aides et de ces montants a également été adopté sur le fondement de ces dispositions. À cet égard, il y a lieu de relever que lesdites dispositions prévoient expressément que le remboursement des aides et des montants indûment perçus par l’opérateur concerné est augmenté d’intérêts, lesquels sont calculés sur le fondement de ces aides et de ces montants, en fonction du temps qui s’est écoulé entre le moment de leur réception et celui de leur remboursement. L’article 5 bis, paragraphe 1, second alinéa, du règlement nº 3002/92 précise, à cet égard, que la perception par l’autorité compétente du montant ainsi calculé vaut recouvrement de l’avantage économique indûment accordé à l’opérateur concerné. Ainsi, il convient de qualifier les titres de perception en cause au principal de "mesures administratives", au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 2988/95, tant en ce qu’ils portent sur le principal que sur les intérêts, étant donné que ces titres participent, ensemble, du retrait de l’avantage indûment obtenu par l’opérateur concerné. Il s’ensuit que le délai de prescription prévu à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement est applicable dans des circonstances telles que celles du litige au principal.

Arrêt du 2 mars 2017, Glencore Céréales France (C-584/15) (cf. points 28-31, 33, disp. 1)

135. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité continue ou répétée - Notion - Fait pour un opérateur d'être débiteur de créances d'intérêts afférents à des montants indûment perçus - Exclusion

L’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement nº 2988/95 doit être interprété en ce sens que le fait pour un opérateur d’être débiteur de créances d’intérêts, telles que celles en cause au principal, ne constitue pas une "irrégularité continue ou répétée", au sens de cette disposition. De telles créances doivent être considérées comme résultant de la même irrégularité, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95, que celle entraînant le recouvrement des aides et des montants indûment reçus, constitutifs des créances principales.

En effet, il convient de rappeler que la réalisation d’une irrégularité, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 2988/95, suppose la réunion de deux conditions, à savoir un acte ou une omission d’un opérateur économique, constituant une violation du droit de l’Union, ainsi qu’un préjudice, ou un préjudice potentiel, porté au budget de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Firma Ernst Kollmer Fleischimport und -export, C-59/14, EU:C:2015:660, point 24). S’agissant de la condition tenant à l’existence d’une violation du droit de l’Union, il découle de l’article 11, paragraphe 3, du règlement nº 3665/87 et de l’article 5 bis du règlement nº 3002/92 que la même violation d’une disposition du droit de l’Union donne à la fois lieu au recouvrement des sommes indûment perçues en raison de cette violation et à la perception d’intérêts en sus de ces sommes, lesquels participent ensemble du recouvrement de l’avantage économique indûment accordé à l’opérateur concerné. S’agissant de la condition tenant à l’existence d’un préjudice, ou d’un préjudice potentiel, porté au budget de l’Union, il convient d’indiquer, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 51 et 60 de ses conclusions, que les intérêts prévus à l’article 11, paragraphe 3, du règlement nº 3665/87 et à l’article 5 bis du règlement nº 3002/92 constituent des intérêts compensatoires destinés à refléter la valeur actualisée du "préjudice", au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 2988/95, entre la date de sa réalisation et celle du remboursement du montant effectif de celui-ci par l’opérateur concerné.

Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le gouvernement français, s’agissant d’une violation des dispositions des règlements nos 3665/87 et 3002/92, une irrégularité, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 2988/95, donne lieu au recouvrement de l’avantage économique indûment accordé à l’opérateur concerné, lequel est constitué, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement nº 3665/87 et à l’article 5 bis du règlement nº 3002/92, des aides ou des montants indûment perçus par cet opérateur, augmentés des intérêts prévus à ces articles.

Arrêt du 2 mars 2017, Glencore Céréales France (C-584/15) (cf. points 38-42, disp. 2)

136. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité au recouvrement de créances d'intérêts afférents à des montants indûment perçus - Point de départ - Date de la commission de l'irrégularité

L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 2988/95 doit être interprété en ce sens que, s’agissant de poursuites conduisant à l’adoption de mesures administratives tendant à la récupération de créances d’intérêts, telles que celles en cause dans l’affaire au principal, le délai de prescription prévu à cet article 3, paragraphe 1, premier alinéa, court à compter de la date à laquelle a été commise l’irrégularité qui donne lieu au recouvrement des aides et des montants indus sur le fondement desquels ces intérêts sont calculés, c’est-à-dire à la date de l’élément constitutif de cette irrégularité, à savoir soit de l’acte ou de l’omission, soit du préjudice, qui survient en dernier lieu.

Il incombe, en tout état de cause, à la juridiction de renvoi, qui dispose de la pleine connaissance des faits en cause au principal, de déterminer, si, en l’occurrence, l’avantage concerné a été définitivement octroyé antérieurement à l’acte ou à l’omission constituant une violation du droit de l’Union. Si tel est le cas, le délai de prescription des poursuites tendant à la récupération des créances constituées par les intérêts en cause commence à courir à partir de cet acte ou de cette omission. Si, à l’inverse, il apparaît que cet avantage a été octroyé postérieurement audit acte ou à ladite omission, le dies a quo correspond à la date de l’octroi dudit avantage et, partant, au jour correspondant au point de départ du calcul desdits intérêts.

Arrêt du 2 mars 2017, Glencore Céréales France (C-584/15) (cf. points 50, 51, disp. 3)

137. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Limite maximale - Applicabilité au recouvrement de créances d'intérêts afférents à des montants indûment perçus - Absence de décision de la part de l'autorité compétente quant au recouvrement de ces créances dans le délai applicable, nonobstant sa demande dans ce délai de la répétition des montants indûment perçus - Forclusion

L’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement nº 2988/95 doit être interprété en ce sens que, s’agissant de poursuites conduisant à l’adoption de mesures administratives tendant à la récupération d’intérêts, telles que celles en cause dans l’affaire au principal, la prescription est acquise à l’expiration du délai prévu à cet article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, lorsque, dans ce délai, l’autorité compétente, tout en ayant demandé le remboursement des aides ou des montants indûment perçus par l’opérateur concerné, n’a adopté aucune décision en ce qui concerne ces intérêts.

Ainsi, hormis dans l’hypothèse d’une suspension de la procédure administrative, conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95, les actes d’instruction ou de poursuite adoptés par l’autorité compétente et portés à la connaissance de la personne concernée, conformément à l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, de ce règlement, n’ont pas pour effet d’interrompre le délai prévu à l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, Pfeifer & Langen, C-52/14, EU:C:2015:381, point 72). Il s’ensuit que, s’agissant d’irrégularités, telles que celles en cause au principal, l’autorité compétente est tenue d’adopter les mesures administratives tendant au recouvrement de l’avantage économique indûment accordé en tout état de cause dans le délai prévu à l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement nº 2988/95. Partant, dans une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle l’autorité compétente a demandé, dans un premier temps, le remboursement des créances principales, avant de demander, dans un second temps, le remboursement des intérêts, à supposer que des actes interruptifs de prescription aient été adoptés à l’égard de ces intérêts, cette autorité était tenue d’adopter sa décision relative au remboursement desdits intérêts dans le délai prévu à l’article 3, paragraphe 1, quatrième alinéa, du règlement nº 2988/95.

Arrêt du 2 mars 2017, Glencore Céréales France (C-584/15) (cf. points 56, 57, 59, 61, disp. 4)

138. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité de délais de prescription nationaux plus longs - Condition - Respect des principes de sécurité juridique et de proportionnalité - Délai de cinq ans - Admissibilité

L’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2988/95 doit être interprété en ce sens qu’un délai de prescription, prévu par le droit national, plus long que celui prévu à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement, peut être appliqué, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, en ce qui concerne le recouvrement de créances nées avant la date d’entrée en vigueur de ce délai et non encore prescrites en application de cette dernière disposition.

En outre, si, ainsi qu’il ressort du point 64 du présent arrêt, les États membres conservent un large pouvoir d’appréciation quant à la fixation de délais de prescription plus longs, ces États doivent toutefois respecter les principes généraux du droit de l’Union, en particulier les principes de sécurité juridique et de proportionnalité. S’agissant du principe de sécurité juridique, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour en matière pénale, il est, en principe, loisible aux États membres de procéder à un allongement des délais de prescription lorsque les faits reprochés n’ont jamais été prescrits (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a., C-105/14, EU:C:2015:555, point 57). S’agissant du principe de proportionnalité, il convient de relever que l’application d’un délai de prescription national plus long, tel que visé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2988/95, en vue de la poursuite d’irrégularités, au sens de ce règlement, ne doit pas aller manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de protection des intérêts financiers de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia, C-341/13, EU:C:2014:2230, point 59 et jurisprudence citée). S’agissant d’un délai de prescription de cinq ans, tel que celui prévu à l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi nº 2008-561, il y a lieu de relever qu’il n’est supérieur que d’un an à celui prévu à l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95. Dès lors, un tel délai ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour permettre aux autorités nationales de poursuivre les irrégularités portant préjudice au budget de l’Union et respecte l’exigence de proportionnalité.

Arrêt du 2 mars 2017, Glencore Céréales France (C-584/15) (cf. points 72-74, 76, disp. 5)

139. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Caractère cumulatif - Erreur des autorités compétentes elles-mêmes - Obligation de l'importateur d'agir de bonne foi et de vérifier les circonstances de délivrance du certificat d'origine "formule A" en cas de doute - Portée - Obligation de vérifier systématiquement les circonstances de délivrance - Absence

Il convient d’interpréter l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) nº 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, en ce sens qu’un importateur ne peut invoquer une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation, en excipant de sa bonne foi, que si trois conditions cumulatives sont réunies. Il faut, tout d’abord, que ces droits n’aient pas été perçus à la suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes, ensuite, que cette erreur soit d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi et, enfin, que celui-ci ait observé toutes les dispositions en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane. Une telle confiance légitime fait défaut, notamment, lorsque, bien qu’ayant des raisons manifestes de douter de l’exactitude d’un certificat d’origine « formule A », un importateur s’est abstenu de s’enquérir, dans toute la mesure de ses possibilités, des circonstances de la délivrance de ce certificat pour vérifier si ces doutes étaient justifiés. Une telle obligation ne signifie toutefois pas qu’un importateur soit tenu, de manière générale, de vérifier systématiquement les circonstances de la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A ». Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant compte de l’ensemble des éléments concrets du litige au principal, si ces trois conditions sont réunies en l’occurrence.

Arrêt du 16 mars 2017, Veloserviss (C-47/16) (cf. point 43, disp. 1)

140. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Charge de la preuve - Moyens de preuve - Rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Inclusion - Conditions

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle en cause au principal, il peut être déduit des informations contenues dans un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) qu’un importateur n’est pas fondé à se prévaloir d’une confiance légitime, au titre de cette disposition, en vue de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation. Dans la mesure, toutefois, où un tel rapport ne contiendrait qu’une description générale de la situation en cause, ce qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier, il ne saurait, à lui seul, suffire pour démontrer à suffisance de droit que ces conditions sont effectivement remplies à tous égards, notamment en ce qui concerne le comportement pertinent de l’exportateur. Dans de telles circonstances, il appartient, en principe, aux autorités douanières de l’État d’importation d’apporter la preuve, au moyen des éléments de preuve supplémentaires, que la délivrance, par les autorités douanières de l’État d’exportation, d’un certificat d’origine « formule A » incorrect est imputable à la présentation inexacte des faits par l’exportateur. Toutefois, lorsque les autorités douanières de l’État d’importation se trouvent dans l’impossibilité d’apporter ladite preuve, il incombe, le cas échéant, à l’importateur, de prouver que ledit certificat a été établi sur la base d’une présentation correcte des faits par l’exportateur.

Arrêt du 16 mars 2017, Veloserviss (C-47/16) (cf. point 50, disp. 2)

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doit être interprété en ce sens que les informations contenues dans un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) relatives au comportement des autorités douanières de l’État d’exportation et de l’exportateur comptent parmi les éléments de preuve à prendre en compte pour établir si les conditions auxquelles un importateur peut invoquer une confiance légitime, au titre de cette disposition, sont réunies. Dans la mesure, toutefois, où un tel rapport s’avère, au regard des informations qu’il contient, insuffisant pour établir à suffisance de droit si ces conditions sont effectivement réunies à tous égards, ce qu’il incombe à la juridiction nationale d’apprécier, les autorités douanières peuvent être tenues de fournir des éléments de preuve supplémentaires à cette fin, notamment en procédant à des contrôles a posteriori.

Arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro (C-407/16) (cf. point 62, disp. 4)

141. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Programmes pluriannuels - Notion

Un projet, tel que celui en cause au principal, consistant en la création d’un système de gestion des déchets dans une région déterminée et dont la mise en œuvre était envisagée sur plusieurs années et financée par les ressources de l’Union européenne, relève de la notion de "programme pluriannuel", au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, seconde phrase, du règlement (CE, Euratom) nº 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes.

À cet égard, s’agissant, tout d’abord, des termes utilisés, il convient de relever que le terme "programme" a une portée large et que les termes "programme" et "projet" peuvent être utilisés de manière interchangeable au sens de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement. Ainsi, la notion de "programme pluriannuel", au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, seconde phrase, du règlement nº 2988/95, constitue une notion transversale, susceptible de se rencontrer dans tous les domaines couverts par les politiques de l’Union, pour autant qu’il y a utilisation des moyens budgétaires de l’Union.

Arrêt du 15 juin 2017, UAB Alytaus regiono atliekų tvarkymo centras (C-436/15) (cf. points 46, 47, 51, disp. 1)



Ordonnance du 16 novembre 2017, Maxiflor (C-491/16) (cf. points 35, 36 et disp.)

142. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité continue ou répétée - Notion

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 15 juin 2017, UAB Alytaus regiono atliekų tvarkymo centras (C-436/15) (cf. points 54, 55)

143. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité aux programmes pluriannuels - Point de départ

L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 2988/95 doit être interprété en ce sens que le délai de prescription d’une irrégularité commise dans le cadre d’un "programme pluriannuel", tel que le projet en cause au principal, court à partir de la date de la réalisation de l’irrégularité en question, conformément à l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 2988/95, étant précisé que, s’il s’agit d’une irrégularité "continue ou répétée", le délai de prescription court à compter du jour où l’irrégularité a pris fin, conformément à l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement nº 2988/95.

En outre, un "programme pluriannuel" est considéré comme étant "définitivement clôturé", au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, seconde phrase, du règlement nº 2988/95, à la date de fin prévue pour ce programme, selon les règles qui le régissent. En particulier, un programme pluriannuel régi par le règlement (CE) nº 1164/94 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion, tel que modifié par le règlement (CE) nº 1264/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, et par le règlement (CE) nº 1265/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, ainsi que par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République Slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne, doit être considéré comme étant "définitivement clôturé", au sens de ladite disposition, à la date indiquée dans la décision de la Commission européenne approuvant ce projet comme date limite pour l’achèvement des travaux et pour l’exécution des paiements des dépenses éligibles y afférentes, sans préjudice d’une éventuelle prolongation, par une nouvelle décision de la Commission en ce sens.

Arrêt du 15 juin 2017, UAB Alytaus regiono atliekų tvarkymo centras (C-436/15) (cf. point 70, disp. 2)

144. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation - Application du droit douanier matériel - Compétence exclusive des autorités nationales

Voir le texte de la décision.

Ordonnance du 21 juin 2017, Inox Mare / Commission (T-289/16) (cf. points 34, 35)



Ordonnance du 21 juin 2017, Inox Mare / Commission (T-347/16) (cf. points 54, 55)

145. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Conditions - Absence de circonstances impliquant une manœuvre ou une négligence manifeste de l'intéressé - Charge de la preuve

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 19 juillet 2017, Combaro / Commission (T-752/14) (cf. point 100)

146. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Conditions - Absence de circonstances impliquant une manœuvre ou une négligence manifeste de l'intéressé - Notion de négligence manifeste - Interprétation stricte - Critères

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 19 juillet 2017, Combaro / Commission (T-752/14) (cf. point 102)

147. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Conditions - Existence d'une situation particulière - Absence de circonstances impliquant une manœuvre ou une négligence manifeste de l'intéressé - Caractère cumulatif

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 19 juillet 2017, Combaro / Commission (T-752/14) (cf. points 39-41)



Arrêt du 3 février 2021, Rottendorf Pharma (C-92/20) (cf. point 27 et disp.)

148. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Conditions - Existence d'une situation particulière - Notion - Contrôle déficient par la Commission de l'application correcte de l'accord d'association CEE-Lettonie - Inclusion

Le contrôle déficient de la part de la Commission de l’application correcte d’un accord d’association peut constituer une situation particulière n’impliquant ni négligence manifeste ni manœuvre de la part de l’intéressé au sens de l’article 239 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire. Or, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de cette disposition, elle ne saurait faire abstraction de son devoir de mettre effectivement en balance, d’une part, l’intérêt de l’Union au plein respect des dispositions de la réglementation douanière, qu’elle soit de l’Union ou liant cette dernière, et, d’autre part, l’intérêt de l’importateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial normal. En conséquence, lors de l’examen d’une demande de remboursement ou de remise des droits à l’importation, la Commission ne saurait valablement se contenter d’évaluer le comportement et les agissements de l’importateur et de l’exportateur. Elle doit également tenir compte, notamment, de l’incidence de son propre comportement sur la situation concrète de l’espèce, dans le cadre de son devoir de surveillance et de contrôle.

Par ailleurs, la Commission, en tant que gardienne du traité et des accords conclus en vertu de celui-ci, est tenue de s’assurer de la correcte application par un pays tiers des obligations qu’il a contractées en vertu d’un accord conclu avec l’Union par le biais de moyens prévus par l’accord ou par les décisions prises en vertu de celui-ci. Cette obligation résulte également de l’accord d’association conclu entre les Communautés européennes et la République de Lettonie ainsi que des protocoles qui s’y rattachent. À cet égard, il incombe à la Commission de faire pleinement usage des prérogatives dont elle dispose en vertu des dispositions de l’accord d’association et des décisions et des protocoles adoptés pour son application, afin de ne pas manquer à ses obligations de surveillance et de contrôle de l’application correcte dudit accord. Un tel usage s’impose d’autant plus en présence d’indices d’une possible implication des autorités douanières nationales dans la délivrance des certificats de circulation des marchandises attestant de la provenance de celles-ci. Dans de telles circonstances, il incombe à la Commission de demander des précisions quant aux enquêtes qui avaient été effectuées par les autorités nationales concernées afin d’éclaircir les faits de l’espèce.

En outre, l’obligation incombant à la Commission de veiller à ce que ledit accord d’association soit correctement appliqué exige que celle-ci, et par son intermédiaire les autorités douanières des États membres, dispose à chaque instant de tous les éléments susceptibles de lui permettre de procéder à un contrôle efficace, les spécimens d’empreintes des cachets et des signatures utilisés dans les bureaux de douanes concernés constituant incontestablement de tels éléments. À cet égard, il ressort de l’article 32, paragraphe 3, du protocole nº 3 de l’accord d’association, tel que modifié par la décision nº 4/98 du conseil d’association entre les Communautés européennes et la République de Lettonie, que les autorités douanières du pays d’exportation sont habilitées à exiger toutes preuves et à effectuer tous contrôles des comptes de l’exportateur ou tout autre contrôle qu’elles estiment utile. Par conséquent, en l’absence d’informations à cet égard des autorités douanières concernées, la Commission doit, surtout si un examen des empreintes des cachets et des signatures n’est pas possible, demander auxdites autorités si de tels contrôles ont été effectués et, si non, pourquoi.

Il en résulte que la Commission manque à ses obligations de surveillance et de contrôle de l’application correcte de l’accord d’association, dès lors que, si elle avait fait pleinement usage des prérogatives dont elle dispose dans le cadre dudit accord aux fins de l’application correcte de celui-ci, le caractère authentique ou faux des certificats de circulation des marchandises aurait pu être établi avec plus de certitude.

Arrêt du 19 juillet 2017, Combaro / Commission (T-752/14) (cf. points 43-45, 67, 68, 74, 75, 77, 80, 81, 83, 85)

149. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Conditions - Existence d'une situation particulière - Critères d'appréciation

Afin d’évaluer l’existence de manquements de la part des autorités de pays tiers et de la Commission, lesquels seraient susceptibles de constituer des situations particulières au sens de l’article 239 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, il faut examiner, dans chaque cas d’espèce, la nature réelle des obligations mises à la charge de ces autorités et à celle de la Commission, respectivement, par la réglementation applicable.

Arrêt du 19 juillet 2017, Combaro / Commission (T-752/14) (cf. point 48)

150. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Prise en compte et communication au débiteur du montant des droits - Notion de prise en compte

L’article 217, paragraphe 1, et l’article 220, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) nº 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cas d’un recouvrement a posteriori, le montant des droits dus constatés par les autorités est réputé pris en compte lorsque les autorités douanières inscrivent ce montant dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, indépendamment du fait que la décision des autorités relative à la prise en compte ou à la détermination de l’obligation de payer les droits fait l’objet d’un recours administratif ou judiciaire.

Arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro (C-407/16) (cf. point 34, disp. 1)

151. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Décision de l'autorité compétente de prendre en compte a posteriori des droits à l'importation et d'en imposer le paiement à l'importateur - Contestation par l'importateur - Moyens invocables - Confiance légitime - Incidence de la non-présentation par l'importateur d'une demande de remise ou de remboursement des droits en cause - Absence

L’article 220, paragraphe 2, sous b), ainsi que les articles 236, 239 et 243 du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’un recours administratif ou judiciaire, au sens de l’article 243 de ce règlement, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, introduit contre une décision de l’administration fiscale compétente de prendre en compte, a posteriori, un montant de droits à l’importation et d’en imposer le paiement à l’importateur, ce dernier peut invoquer une confiance légitime au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, afin de s’opposer à cette prise en compte, indépendamment du fait de savoir si l’importateur a présenté une demande de remise ou de remboursement de ces droits conformément à la procédure prévue aux articles 236 et 239 de ce même règlement, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000.

À cet égard, force est de constater que, bien que le code des douanes prévoie, notamment à ses articles 236 et 239, une procédure spécifique pour la remise ou le remboursement des droits de douane dans le cas, notamment, d’une prise en compte contraire à l’article 220, paragraphe 2, sous b), de ce code, un redevable peut également se prévaloir de cette disposition afin de s’opposer à une prise en compte a posteriori des droits à l’importation, notamment dans le cadre d’un recours administratif ou judiciaire au sens de l’article 243 dudit code. En effet, aux termes de cette disposition, un redevable a, de manière générale, un droit de recours, administratif ou judiciaire, contre toutes les décisions prises par les autorités qui ont trait à l’application de la réglementation douanière et qui le concernent directement et individuellement.

Arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro (C-407/16) (cf. points 43-45, disp. 2)

152. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Prise en compte et communication au débiteur du montant des droits - Faculté pour les autorités douanières de ne pas prendre en compte a posteriori des droits non perçus - Limites - Obligation, dans certains cas, de saisir la Commission - Possibilité d'écarter cette obligation en cas de satisfaction des conditions énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Exclusion

L’article 869, sous b), du règlement (CEE) nº 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement (CE) nº 1335/2003 de la Commission, du 25 juillet 2003, doit être interprété en ce sens que, en l’absence d’une décision ou d’une procédure de la Commission européenne au sens de l’article 871, paragraphe 2, de ce règlement, tel que modifié par le règlement nº 1335/2003, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, les autorités douanières ne peuvent pas elles-mêmes décider de ne pas prendre en compte a posteriori des droits non perçus en estimant que les conditions pour invoquer une confiance légitime au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, sont remplies, et que ces autorités ont l’obligation de saisir la Commission du dossier, soit lorsque lesdites autorités considèrent que la Commission a commis une erreur au sens de ladite disposition du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, soit lorsque les circonstances de l’affaire au principal sont liées aux résultats d’une enquête de l’Union européenne au sens de l’article 871, paragraphe 1, deuxième tiret, du règlement nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 1335/2003, ou bien lorsque le montant des droits en cause au principal est supérieur ou égal à 500 000 euros.

Arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro (C-407/16) (cf. point 53, disp. 3)

153. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Charge de la preuve - Moyens de preuve - Informations obtenues lors d'un contrôle a posteriori - Primauté de ces informations sur celles contenues dans un rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Absence

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doit être interprété en ce sens qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en fonction de l’ensemble des éléments concrets du litige au principal et, en particulier, des preuves apportées à cette fin par les parties au principal, si les conditions auxquelles un importateur peut invoquer une confiance légitime, au titre de cette disposition, sont réunies. Aux fins de cette appréciation, les informations obtenues lors d’un contrôle a posteriori ne priment pas celles contenues dans un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).

Arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro (C-407/16) (cf. point 66, disp. 5)

154. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Décision de la Commission concluant à la non-prise en compte a posteriori des droits - Caractère contraignant des appréciations opérées pour d'autres États membres dans des cas comparables

L’article 875 du règlement nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 1335/2003, doit être interprété en ce sens qu’un État membre est lié, dans les conditions précisées par la Commission européenne conformément à cet article, par les appréciations opérées par celle-ci dans une décision adoptée, sur le fondement de l’article 873 de ce règlement, tel que modifié par le règlement nº 1335/2003, à l’égard d’un autre État membre, dans des cas dans lesquels des éléments de fait et de droit comparables se présentent, ce qu’il appartient à ses autorités et à ses juridictions d’apprécier en tenant compte, notamment, des informations concernant le comportement de l’exportateur ou celui des autorités douanières de l’État d’exportation telles qu’elles ressortent d’un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) sur lequel ladite décision est fondée.

Arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro (C-407/16) (cf. point 71, disp. 6)

155. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Décision de la Commission concluant à la non-prise en compte a posteriori des droits - Caractère contraignant des appréciations opérées pour d'autres États membres dans des cas comparables - Appréciation de la comparabilité de la situation visée par la décision de la Commission et de celle dans un autre État membre - Réalisation par les autorités douanières de contrôles a posteriori pour obtenir des informations nécessaires à cet égard - Admissibilité

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, et l’article 875 du règlement nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 1335/2003, doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières peuvent procéder à tous les contrôles a posteriori qu’elles jugent nécessaires et utiliser les informations obtenues lors de ces contrôles, tant pour apprécier si les conditions auxquelles un importateur peut invoquer une confiance légitime, au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, sont réunies que pour déterminer si un cas dont elles sont saisies présente des éléments de fait et de droit comparables, au sens de l’article 875 du règlement nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 1335/2003, à un cas faisant l’objet d’une décision de non-prise en compte des droits que la Commission européenne a adoptée conformément à l’article 873 du règlement nº 2454/93, tel que modifié par le règlement nº 1335/2003.

Arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro (C-407/16) (cf. point 75, disp. 7)

156. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Caractère cumulatif - Erreur des autorités compétentes elles-mêmes - Obligation de l'importateur d'agir de bonne foi et de vérifier les circonstances de délivrance du certificat d'origine "formule A" en cas de doute - Portée

L’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92, tel que modifié par le règlement nº 2700/2000, doit être interprété en ce sens que le fait qu’un importateur ait importé des marchandises sur la base d’un accord de distribution n’a pas d’influence sur sa capacité à faire valoir sa confiance légitime, et ce dans les mêmes conditions qu’un importateur qui a importé des marchandises en les achetant directement auprès de l’exportateur, à savoir si trois conditions cumulatives sont réunies. Il faut, tout d’abord, que les droits n’aient pas été perçus à la suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes, ensuite, que cette erreur soit d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi et, enfin, que celui-ci ait observé toutes les dispositions en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane. À cet effet, il incombe à un tel importateur de se prémunir contre les risques d’une action en recouvrement a posteriori, notamment en ce qu’il cherche à obtenir du contractant dudit accord de distribution, à l’occasion ou après la conclusion de celui-ci, tous les éléments de preuve confirmant l’exactitude de la délivrance du certificat d’origine "formule A" pour ces marchandises. Fait ainsi défaut une confiance légitime au sens de ladite disposition, en particulier, lorsque, bien qu’ayant des raisons manifestes de douter de l’exactitude d’un certificat d’origine "formule A", cet importateur s’est abstenu de s’enquérir auprès dudit contractant des circonstances de la délivrance de ce certificat pour vérifier si ces doutes sont justifiés.

Arrêt du 26 octobre 2017, Aqua Pro (C-407/16) (cf. point 87, disp. 8)

157. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité ni continue ni répétée - Délai de prescription - Point de départ



Ordonnance du 16 novembre 2017, da Silva Rodrigues (C-243/17) (cf. points 26, 27, disp. 1)

158. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée

Il incombe aux États membres de garantir un prélèvement efficace des ressources propres de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Degano Trasporti, C-546/14, EU:C:2016:206, point 21). À ce titre, lesdits États membres sont tenus de procéder au recouvrement des sommes correspondant aux ressources propres qui, en raison de fraudes, ont été soustraites au budget de l’Union. Afin de garantir la perception intégrale des recettes provenant de la TVA et, ce faisant, la protection des intérêts financiers de l’Union, les États membres disposent d’une liberté de choix des sanctions applicables, lesquelles peuvent prendre la forme de sanctions administratives, de sanctions pénales ou d’une combinaison des deux (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C-617/10, EU:C:2013:105, point 34, et Taricco, point 39).

À cet égard, il y a cependant lieu de relever, en premier lieu, que des sanctions pénales peuvent être indispensables pour combattre de manière effective et dissuasive certains cas de fraude grave à la TVA (voir, en ce sens, arrêt Taricco, point 39). Ainsi, les États membres, sous peine de méconnaître les obligations que leur impose l’article 325, paragraphe 1, TFUE, doivent veiller à ce que, dans les cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union en matière de TVA, des sanctions pénales revêtant un caractère effectif et dissuasif soient adoptées (voir, en ce sens, arrêt Taricco, points 42 et 43). Partant, il doit être considéré que les États membres méconnaissent les obligations qui leur sont imposées par l’article 325, paragraphe 1, TFUE lorsque les sanctions pénales adoptées afin de réprimer les fraudes graves à la TVA ne permettent pas d’assurer de manière efficace la perception de l’intégralité de cette taxe. À ce titre, ces États doivent également veiller à ce que les règles de prescription prévues par le droit national permettent une répression effective des infractions liées à de telles fraudes.

Arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C-42/17) (cf. points 32-36)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 20 mars 2018, Menci (C-524/15) (cf. points 19, 20)

159. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Fixation des délais de prescription - Compétence des États membres - Limites

Il incombe, au premier chef, au législateur national de prévoir des règles de prescription permettant de satisfaire aux obligations découlant de l’article 325 TFUE, à la lumière des considérations exposées par la Cour au point 58 de l’arrêt Taricco. C’est, en effet, à ce législateur qu’il appartient de garantir que le régime national de prescription en matière pénale ne conduise pas à l’impunité d’un nombre considérable de cas de fraude grave en matière de TVA ou ne soit pas, pour les personnes accusées, plus sévère dans les cas de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’État membre concerné que dans ceux qui portent atteinte aux intérêts financiers de l’Union. À cet égard, il convient de rappeler que le fait, pour un législateur national, d’allonger un délai de prescription avec application immédiate, y compris à des faits reprochés qui ne sont pas encore prescrits, ne porte, en principe, pas atteinte au principe de légalité des délits et des peines (voir, en ce sens, arrêt Taricco, point 57 et jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme citée à ce point).

Cela étant, il convient d’ajouter que le domaine de la protection des intérêts financiers de l’Union par l’édiction de sanctions pénales relève d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres, au sens de l’article 4, paragraphe 2, TFUE. En l’occurrence, à la date des faits au principal, le régime de la prescription applicable aux infractions pénales relatives à la TVA n’avait pas fait l’objet d’une harmonisation par le législateur de l’Union, laquelle n’est depuis intervenue, de manière partielle, que par l’adoption de la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2017, relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (JO 2017, L 198, p. 29). La République italienne était donc libre, à cette date, de prévoir que, dans son ordre juridique, ce régime relève, à l’instar des règles relatives à la définition des infractions et à la détermination des peines, du droit pénal matériel et est, à ce titre, soumis, comme ces dernières règles, au principe de légalité des délits et des peines.

Arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C-42/17) (cf. points 41-45)

160. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Législation nationale faisant obstacle à l'infliction de sanctions pénales effectives et dissuasives - Inadmissibilité - Obligation du juge national de laisser inappliquées les dispositions nationales concernées - Condition - Respect du principe de légalité des délits et des peines

L’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il impose au juge national de laisser inappliquées, dans le cadre d’une procédure pénale concernant des infractions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, des dispositions internes en matière de prescription relevant du droit matériel national qui font obstacle à l’infliction de sanctions pénales effectives et dissuasives dans un nombre considérable de cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ou qui prévoient des délais de prescription plus courts pour les cas de fraude grave portant atteinte auxdits intérêts que pour ceux portant atteinte aux intérêts financiers de l’État membre concerné, à moins qu’une telle inapplication entraîne une violation du principe de légalité des délits et des peines, en raison d’un défaut de précision de la loi applicable, ou au motif de l’application rétroactive d’une législation imposant des conditions d’incrimination plus sévères que celles en vigueur au moment de la commission de l’infraction.

Il en résulte, d’une part, qu’il incombe au juge national de vérifier si le constat requis par le point 58 de l’arrêt Taricco, selon lequel les dispositions du code pénal en cause empêchent l’infliction de sanctions pénales effectives et dissuasives dans un nombre considérable de cas de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, conduit à une situation d’incertitude dans l’ordre juridique italien, quant à la détermination du régime de prescription applicable, qui méconnaîtrait le principe de précision de la loi applicable. Si tel est effectivement le cas, le juge national n’est pas tenu de laisser inappliquées les dispositions du code pénal en cause. D’autre part, les exigences mentionnées au point 58 du présent arrêt font obstacle à ce que, dans des procédures concernant des personnes accusées d’avoir commis des infractions en matière de TVA avant le prononcé de l’arrêt Taricco, le juge national laisse inappliquées les dispositions du code pénal en cause. En effet, la Cour a déjà souligné, au point 53 dudit arrêt, que ces personnes pourraient, en raison de la non-application de ces dispositions, se voir infliger des sanctions auxquelles, selon toute probabilité, elles auraient échappé si lesdites dispositions avaient été appliquées. Ainsi, lesdites personnes pourraient être rétroactivement soumises à des conditions d’incrimination plus sévères que celles en vigueur au moment de la commission de l’infraction.

Arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C-42/17) (cf. points 59, 60, 62 et disp.)

161. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Éligibilité au financement de l'Union - Obligation pour les opérations sélectionnées en vue d'un financement d'être conformes au droit de l'Union - Portée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 décembre 2017, Compania Naţională de Autostrăzi şi Drumuri Naţionale din România (C-408/16) (cf. points 54-59)



Arrêt du 12 septembre 2019, République tchèque / Commission (T-629/17) (cf. point 23)

162. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Recours, dans le cadre d'un marché public relatif à un projet soutenu par l'Union, à des critères de pré-qualification des soumissionnaires plus restrictifs que ceux énoncés dans la directive 2004/18 - Inclusion - Application d'une correction financière - Condition - Risque d'incidence sur le budget du fonds concerné

L’article 9, paragraphe 5, et l’article 60, sous a), du règlement (CE) nº 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) nº 1260/1999, doivent être interprétés en ce sens qu’une procédure de passation de marché public telle que celle en cause au principal, dans laquelle des critères plus restrictifs que ceux énoncés dans la directive 2004/18 ont été appliqués, ne saurait être considérée comme ayant été menée en complète conformité avec le droit de l’Union et n’est pas éligible à un financement européen non remboursable, accordé rétrospectivement.

L’article 2, point 7, du règlement nº 1083/2006 doit être interprété en ce sens que l’emploi de critères de pré-qualification des soumissionnaires plus restrictifs que ceux prévus par la directive 2004/18 constitue une "irrégularité", au sens de cette disposition, justifiant l’application d’une correction financière en vertu de l’article 98 de ce règlement, pour autant qu’il ne peut être exclu qu’un tel emploi ait eu une incidence sur le budget du Fonds en cause, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. À cet effet, le paragraphe 2 de cet article impose à l’autorité nationale compétente de déterminer le montant de la correction à appliquer en tenant compte de trois critères, à savoir la nature de l’irrégularité constatée, sa gravité et la perte financière qui en a résulté pour le Fonds concerné (arrêt du 14 juillet 2016, Wrocław - Miasto na prawach powiatu, C-406/14, EU:C:2016:562, point 47). Lorsqu’il s’agit, comme dans l’affaire au principal, d’une irrégularité ponctuelle, et non systémique, cette dernière exigence implique nécessairement un examen au cas par cas, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes au regard de l’un de ces trois critères.

Arrêt du 6 décembre 2017, Compania Naţională de Autostrăzi şi Drumuri Naţionale din România (C-408/16) (cf. points 65, 66, 68, disp. 2)

163. Droit de l'Union européenne - Principes - Droits de la défense - Droit d'être entendu - Portée - Avis d'imposition rectificatif, adopté par les autorités douanières en l'absence d'une audition préalable - Réglementation nationale se limitant à prévoir la possibilité de demander la suspension de l'exécution de l'avis jusqu'à son éventuelle réformation - Absence de suspension automatique - Absence de restriction de l'octroi du sursis à l'exécution en cas de doutes sur la conformité de l'avis à la réglementation douanière ou en cas de crainte de dommage irréparable - Violation des droits de la défense - Absence

Le droit de toute personne d’être entendue avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts doit être interprété en ce sens que les droits de la défense du destinataire d’un avis d’imposition rectificatif, adopté par les autorités douanières en l’absence d’une audition préalable de l’intéressé, ne sont pas violés si la réglementation nationale qui permet à l’intéressé de contester cet acte dans le cadre d’un recours administratif se limite à prévoir la possibilité de demander la suspension de l’exécution de cet acte jusqu’à son éventuelle réformation en renvoyant à l’article 244 du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) nº 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, sans que l’introduction d’un recours administratif suspende automatiquement l’exécution de l’acte attaqué, dès lors que l’application de l’article 244, deuxième alinéa, dudit règlement par les autorités douanières, ne restreint pas l’octroi du sursis à l’exécution lorsqu’il existe des raisons de douter de la conformité de la décision attaquée à la réglementation douanière ou qu’un dommage irréparable soit à craindre pour l’intéressé.

S’agissant de décisions de recouvrement en matière douanière, c’est en raison de l’intérêt général de l’Union de recouvrir ses recettes propres dans les meilleurs délais que l’article 244, deuxième alinéa, du code des douanes prévoit que l’introduction d’un recours contre un avis d’imposition n’a pour effet de suspendre l’exécution de cet avis que lorsqu’il y a des raisons de douter de la conformité de la décision contestée à la réglementation douanière ou lorsqu’un dommage irréparable est à craindre pour l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C-129/13 et C-130/13, EU:C:2014:2041, point 68).

Les dispositions du droit de l’Union, telles que celles du code des douanes, devant être interprétées à la lumière des droits fondamentaux qui, selon une jurisprudence constante, font partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect, les dispositions nationales de mise en application des conditions prévues à l’article 244, deuxième alinéa, du code des douanes pour l’octroi d’un sursis à l’exécution doivent, en l’absence d’une audition préalable, assurer que ces conditions ne sont pas appliquées ou interprétées de façon restrictive (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C-129/13 et C-130/13, EU:C:2014:2041, points 69 et 70).

Dès lors que le destinataire d’avis d’imposition rectificatifs tels que ceux en cause au principal a la possibilité d’obtenir le sursis à l’exécution desdits actes jusqu’à leur réformation éventuelle et que, dans le cadre de la procédure administrative, les conditions visées à l’article 244 du code des douanes ne sont pas appliquées de façon restrictive, ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier, il n’est pas porté atteinte au respect des droits de la défense du destinataire des avis d’imposition rectificatifs.

Arrêt du 20 décembre 2017, Prequ' Italia (C-276/16) (cf. points 58, 59, 61, 63 et disp.)

164. Ressources propres de l'Union européenne - Aides cofinancées par l'Union indûment versées - Absence de répétition - Admissibilité - Conditions

Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, en l’absence de limitation des effets du présent arrêt dans le temps, il ne s’oppose pas à ce que le principe de sécurité juridique soit pris en considération afin d’exclure la répétition d’une aide indûment versée, à condition que les conditions prévues soient les mêmes que pour la récupération de prestations financières purement nationales, que l’intérêt de l’Union européenne soit pleinement pris en considération et que la bonne foi du bénéficiaire soit établie.

Ainsi, il ne saurait être considéré comme contraire au droit de l’Union que le droit national en matière de répétition de prestations financières indûment versées par l’administration publique prenne en considération, en même temps que le principe de légalité, le principe de sécurité juridique, étant donné que ce dernier fait partie de l’ordre juridique de l’Union (arrêts du 19 septembre 2002, Huber, C-336/00, EU:C:2002:509, point 56 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 juin 2007, ROM-projecten, C-158/06, EU:C:2007:370, point 24).

En particulier, ce principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose. Les justiciables doivent, en effet, pouvoir connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 21 juin 2007, ROM-projecten, C-158/06, EU:C:2007:370, point 25 et jurisprudence citée).

Cela étant, l’intérêt de l’Union à la récupération des aides qui ont été perçues en violation des conditions d’octroi de celles-ci doit être pleinement pris en considération lors de l’appréciation des intérêts en cause, y compris s’il était considéré, nonobstant ce qui a été rappelé au point précédent, que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le bénéficiaire de l’aide soit tenu de rembourser celle-ci (arrêts du 19 septembre 2002, Huber, C-336/00, EU:C:2002:509, point 57 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 juin 2007, ROM-projecten, C-158/06, EU:C:2007:370, point 32).

En outre, ce n’est qu’à la condition que le bénéficiaire de l’aide ait été de bonne foi quant à la régularité de celle-ci qu’il est en mesure d’en contester la répétition (arrêt du 19 septembre 2002, Huber, C-336/00, EU:C:2002:509, point 58 et jurisprudence citée).

Arrêt du 20 décembre 2017, Erzeugerorganisation Tiefkühlgemüse (C-516/16) (cf. points 97, 98, 100, 101, disp. 3)

165. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Notions de fraude et d'autres activités illégales - Omission de versement, dans les délais impartis par la loi, de la taxe sur la valeur ajoutée résultant de la déclaration annuelle - Activité illégale de nature à porter atteinte aux intérêts financiers de l'Union

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 2 mai 2018, Scialdone (C-574/15) (cf. points 37-40, 44, 45)

166. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Omission de versement, dans les délais impartis par la loi, de la taxe sur la valeur ajoutée résultant de la déclaration annuelle - Réglementation nationale prévoyant une peine privative de liberté - Seuil d'incrimination plus élevé que celui relatif à l'omission de versement de l'impôt sur le revenu - Admissibilité

La directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lue en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, et l’article 325, paragraphe 1, TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit que l’omission de versement, dans les délais impartis par la loi, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) résultant de la déclaration annuelle pour un exercice donné constitue une infraction pénale punie d’une peine privative de liberté uniquement lorsque le montant de TVA impayé dépasse un seuil d’incrimination de 250 000 euros, alors qu’un seuil d’incrimination de 150 000 euros est prévu pour l’infraction d’omission de versement des retenues à la source relatives à l’impôt sur le revenu.

Arrêt du 2 mai 2018, Scialdone (C-574/15) (cf. point 61 et disp.)

167. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Obligation du juge national - Portée - Conditions - Respect des droits fondamentaux - Respect du principe du délai raisonnable de la procédure

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a. (C-612/15) (cf. points 64-72)

168. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne en matière douanière - Réglementation nationale obligeant le juge, à défaut de la mise à terme de l'investigation par le procureur dans un certain délai, à clôturer la procédure pénale sur demande de la personne poursuivie - Inadmissibilité - Obligation du juge national de laisser inappliquées les dispositions nationales concernées - Condition - Respect des droits fondamentaux

L’article 325, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale instituant une procédure de clôture de la procédure pénale, telle que celle prévue aux articles 368 et 369 du Nakazatelno protsesualen kodeks (code de procédure pénale), pour autant que cette réglementation s’applique dans des procédures ouvertes à l’égard de cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne en matière douanière. Il appartient au juge national de donner plein effet à l’article 325, paragraphe 1, TFUE, en laissant ladite réglementation, au besoin, inappliquée, tout en veillant à assurer le respect des droits fondamentaux des personnes poursuivies.

Arrêt du 5 juin 2018, Kolev e.a. (C-612/15) (cf. point 76, disp. 1)

169. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Existence d'une situation particulière - Communication, dans le cadre d'une coopération administrative, des résultats du contrôle par les autorités de l'État membre d'exportation à la Commission - Caractère non contraignant de cette communication - Décision de la Commission fondée sur le contrôle a posteriori de l'authenticité de certificats EUR.1 mené par les autorités de l'État d'exportation - Contrôle déficient par la Commission de l'application correcte de l'accord d'association CEE-Lettonie - Absence

Le système de coopération administrative mis en place par un protocole énonçant, dans une annexe d’un accord conclu entre l’Union et un pays tiers, des règles concernant l’origine de produits repose sur une confiance mutuelle entre les autorités des États membres d’importation et celles du pays d’exportation. Par conséquent, s’agissant du contrôle a posteriori des certificats EUR.1 délivrés par le pays d’exportation, les conclusions et les appréciations portées légalement par les autorités de ce dernier s’imposent, en principe, aux autorités de l’État membre d’importation. Ces principes sont pleinement pertinents en ce qui concerne l’application de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Lettonie, d’autre part, et doivent, en outre, être transposés, mutatis mutandis, aux relations entre la Commission et les autorités douanières du pays d’exportation lorsque cette institution se prononce sur l’authenticité de certificats de circulation des marchandises, en vue d’apprécier l’existence d’une situation particulière, au sens de l’article 239 du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire.

La confiance ainsi accordée aux autorités douanières du pays d'exportation n'implique pas que la Commission ne puisse, en aucun cas, être appelée à mener des enquêtes pour apprécier l'authenticité de certificats de circulation des marchandises. Ainsi, la Cour a jugé que la Commission peut être obligée de prendre des mesures concrètes afin de vérifier l'authenticité de ces certificats, une omission à cet égard pouvant dès lors constituer une situation particulière. Cependant, cette solution a été consacrée en présence de circonstances très spécifiques, tenant à ce que les autorités douanières du pays d'exportation ont formulé des appréciations relatives à ces certificats entachées d'ambiguïtés et d'incohérences. En revanche, cette confiance ne saurait être remise en cause sur la base d'une appréciation d'un élément de certificats contestés, tels que les cachets apposés sur lesdits certificats. Par ailleurs, la circonstance que les conclusions des autorités douanières du pays d'exportation se limitent à de brèves affirmations et qu'il ne soit pas établi qu'une confirmation ultérieure était issue de nouvelles vérifications ne saurait priver les positions adoptées par ces autorités de leur valeur, dès lors que ledit accord d'association ne prévoit aucune formalité particulière à cet égard et que les autorités douanières de l'Union sont liées par les résultats d'un contrôle a posteriori, même lorsque ceux-ci sont communiqués sans aucune motivation ou sous la forme d'une signature apposée sur un procès-verbal établi par l'Office européen de lutte antifraude au terme d'une enquête.

Arrêt du 25 juillet 2018, Commission / Combaro (C-574/17 P) (cf. points 50-53, 57 -59, 72, 76)

170. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Système d'alerte précoce à l'usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives - Absence de communication des motifs d'inscription à une personne inscrite dans le système - Violation des droits de la défense et de l'obligation de motivation

L’obligation de motiver un acte faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. Il en résulte que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief et que l’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant le juge de l’Union.

Il en va ainsi s’agissant d’une lettre par laquelle la Commission informe formellement une société qu’elle fait l’objet d’un signalement W3b dans le système d’alerte précoce (SAP), sans l’entendre au préalable, mais tout en se bornant à rappeler les circonstances générales et abstraites, mentionnées à l’article 12, paragraphe 2, de la décision 2008/969, relative au SAP à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives. Ce faisant, la Commission omet de communiquer à ladite société les motifs de son signalement W3b dans le SAP au moment même de celui-ci. Or, une telle motivation est d’autant plus nécessaire qu’aucune action en justice ne concerne cette société et que des procédures nationales visant des personnes auxquelles elle est liée n’en sont qu’à la phase d’instruction, et non à la phase du procès, à savoir la seule phase de la procédure susceptible, dans les États membres concernés, de se conclure par un jugement ayant autorité de chose jugée. En outre, la portée exacte de l’article 12 de la décision 2008/969 est incertaine. En particulier, il n’est pas évident, au vu de l’article 12, paragraphe 3, de cette décision, que les signalements W3b puissent s’appliquer, dans un système inquisitorial, dès la phase de l’instruction.

Arrêt du 14 décembre 2018, East West Consulting / Commission (T-298/16) (cf. points 134, 137)

171. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Système d'alerte précoce à l'usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives - Activation d'un signalement dans le système à l'égard d'une personne ne faisant l'objet d'aucune enquête ou procédure judiciaire - Absence de base légale du signalement - Violation du principe de la présomption d'innocence

Le signalement W3b d’une société dans le système d’alerte précoce (SAP) de la Commission en application des dispositions de la décision 2008/969, relative au SAP à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives, viole le principe de la présomption d’innocence, consacré à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu’aucune base légale existante n’habilite la Commission à adopter de telles dispositions et que, au moment dudit signalement, aucune enquête ni aucune procédure judiciaire ne concernent directement ladite société et les procédures judiciaires visant des personnes qui lui sont liées n’en sont qu’à la phase de l’instruction. Or, cette société a été traitée comme étant coupable de fraudes ou d’erreurs administratives sans que sa culpabilité, directe ou indirecte, pour de tels comportements ait été établie judiciairement.

À cet égard, le principe de présomption d’innocence implique que, si la Commission estimait nécessaire de prendre des mesures préventives, à un stade précoce, elle aurait besoin d’une base légale permettant de créer un tel système d’alerte et de prendre des mesures y afférentes, lequel système devrait respecter les droits de la défense, le principe de proportionnalité ainsi que le principe de sécurité juridique, qui implique que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles pourraient avoir sur les particuliers des conséquences défavorables.

Arrêt du 14 décembre 2018, East West Consulting / Commission (T-298/16) (cf. points 140, 141)

172. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Obligations incombant au législateur national - Adoption de règles écartant le risque systématique d'impunité - Obligations incombant aux juridictions nationales - Non-application des dispositions internes faisant obstacle aux sanctions effectives et dissuasives - Condition - Respect des droits fondamentaux et des principes généraux du droit de l'Union - Limites

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 17 janvier 2019, Dzivev e.a. (C-310/16) (cf. points 25-36)

173. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Procédure pénale - Administration des preuves - Écoutes téléphoniques - Autorisation des écoutes accordée par une autorité judiciaire incompétente - Réglementation nationale interdisant la prise en compte de telles écoutes en tant que preuves - Admissibilité - Preuves susceptibles à elles seules de prouver l'infraction en cause - Absence d'incidence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 17 janvier 2019, Dzivev e.a. (C-310/16) (cf. point 41 et disp.)

174. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Charge de la preuve - Évaluation des conditions d'exportation et de l'application des règles douanières pertinentes - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Contrôle juridictionnel - Limites

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 29 juillet 2019, Prenatal (C-589/17) (cf. points 43-46)

175. Accords internationaux - Accord ACP-CE de Cotonou - Régime tarifaire préférentiel en faveur des produits originaires des membres du groupe des États ACP - Preuve d'origine par le certificat EUR.1 établi par les autorités de l'État d'exportation - Contrôle a posteriori constatant des irrégularités dans le certificat - Obligation d'effectuer les enquêtes nécessaires

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 29 juillet 2019, Prenatal (C-589/17) (cf. points 66-72)

176. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Existence d'une situation particulière - Notion - Contrôle déficient par la Commission de l'application correcte de l'accord ACP-CE de Cotonou - Inclusion - Manquement au devoir d'assistance - Absence - Validité de la décision REM 03/07

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 29 juillet 2019, Prenatal (C-589/17) (cf. points 87-91, 94-97)

177. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Intérêts moratoires - Mesure d'exécution de l'arrêt d'annulation

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne / Guardian Europe (C-447/17 P et C-479/17 P) (cf. points 55-57)



Arrêt du 8 mars 2023, Campine et Campine Recycling / Commission (T-94/20) (cf. points 37, 47, 52, 56, 76, 83, 84)

178. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Conditions de non-prise en compte des droits à l'importation énoncées à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2913/92 - Décision de la Commission concluant à la non-prise en compte a posteriori des droits - Précision des conditions pour la prise de décisions analogues par les États membres dans des cas comparables - Caractère contraignant des appréciations opérées pour tous les organes de l'État membre destinataire de la décision et les organes des autres États membres dans de tels cas - Appréciation de la comparabilité de la situation visée par la décision de la Commission et de celle dans un autre cas

Dans les arrêts Commission/Royaume-Uni (C-391/17) et Commission/Pays-Bas (C-395/17), la Cour a jugé que le Royaume-Uni et le Royaume des Pays-Bas ont manqué aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE en n’ayant pas compensé la perte des ressources propres résultant de la délivrance irrégulière, au regard des décisions relatives à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne/Communauté européenne{1} (ci-après les « décisions PTOM »), respectivement, par les autorités d’Anguilla, de certificats d’exportation EXP en ce qui concerne des importations d’aluminium en provenance de ce PTOM pendant la période 1999/2000, et, par les autorités de Curaçao et d’Aruba, de certificats de circulation des marchandises EUR.1 en ce qui concerne des importations de lait en poudre et de riz en provenance de Curaçao pendant la période 1997/2000 et des importations de gruau et de semoule en provenance d’Aruba pendant la période 2002/2003.

Les deux affaires portent sur des recours introduits par la Commission à la suite de lettres de mise en demeure adressées au Royaume-Uni et au Royaume des Pays-Bas, par lesquelles elle leur demandait de compenser la perte de ressources propres correspondant aux droits de douane résultant d’erreurs commises par les autorités locales des PTOM concernés. Ces deux États membres ayant décliné toute responsabilité pour les actes desdites autorités locales, la Commission a décidé d’introduire les deux recours en manquement devant la Cour.

En ce qui concerne les PTOM, les États membres ont convenu, en vertu du traité CE, d’associer à l’Union les pays et territoires non européens entretenant des relations particulières avec certains États membres, dont le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Royaume des Pays-Bas. En vertu du traité, les PTOM concernés font ainsi l’objet d’un régime spécial d’association défini par celui-ci. Ce régime spécial implique, entre autres, que les importations originaires des PTOM bénéficient, à leur entrée dans les États membres, d’une exemption totale des droits de douane. Cette exemption est précisée par les décisions en question, en ce sens que les produits originaires des PTOM ainsi que, sous certaines conditions, les produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM et réexportés en l’état vers l’Union sont admis à l’importation dans l’Union en exemption de droits de douane et de taxes d’effet équivalent. Il ressort en outre des décisions PTOM que tant les États membres que les autorités compétentes des PTOM sont, avec la Commission, impliqués dans les actions menées par l’Union dans le cadre desdites décisions.

La preuve du respect des dispositions portant sur ladite exemption est établie par un certificat délivré par les autorités douanières du PTOM d’exportation. Ce certificat peut être contrôlé a posteriori par les autorités douanières de l’État d’importation. Cela étant, les différends y relatifs sont soumis à un comité présidé par un représentant de la Commission et composé de représentants des États membres, sans que les autorités locales du PTOM d’exportation y participent.

Dans l’affaire C-391/17, une société établie à Anguilla avait mis en place un régime de transbordement, au cours de l’année 1998, dans le cadre duquel des importations d’aluminium en provenance de pays tiers étaient déclarées en douane à Anguilla puis transportées vers l’Union. Les autorités d’Anguilla avaient délivré des certificats d’exportation pour la réexportation en question, tout en accordant aux importateurs de l’Union une aide au transport.

Dans l’affaire C-395/17, du lait en poudre et du riz en provenance de Curaçao avaient été importés en Allemagne au cours des années 1997 à 2000. En outre, du gruau et de la semoule en provenance d’Aruba avaient été importés aux Pays-Bas pendant les années 2002 et 2003. Les autorités de Curaçao et d’Aruba avaient délivré des certificats de circulation des marchandises pour ces produits, bien que ceux-ci ne remplissaient pas les conditions requises pour être considérés comme produits originaires de ces PTOM, relevant de l’exemption des douanes et taxes d’effet équivalent.

Dans les deux affaires, des enquêtes avaient été effectuées. À la suite de celles-ci, la Commission a adopté des décisions concluant, après avoir constaté l’irrégularité des certificats examinés, qu’il y avait lieu de ne pas prendre en compte a posteriori les droits de douane afférents aux importations réalisées sous présentation de ces certificats. Sur le fondement de ces décisions, les États membres d’importation des produits concernés en provenance d’Anguilla, de Curaçao et d’Aruba se sont abstenus de prendre en compte a posteriori lesdits droits. La Commission avait, par conséquent, demandé au Royaume-Uni et au Royaume des Pays-Bas de compenser la perte des ressources propres de l’Union résultant de l’émission des certificats concernés. Ces États membres ayant décliné toute responsabilité à cet égard, la Commission a décidé d’introduire des recours en manquement à leur encontre.

La Cour examine lesdits recours au regard du principe de coopération loyale, tel que consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE.

Premièrement, la Cour rappelle que, en vertu de l’article 198, premier alinéa, TFUE, les deux États membres concernés figurent parmi ceux qui entretiennent des relations particulières avec des PTOM et que le régime spécial d’association se fondait, à l’époque des délivrances des certificats en question, sur ces relations particulières. Celles-ci sont caractérisées par la circonstance que lesdits PTOM ne constituent pas des États indépendants, mais dépendent d’un État membre, lequel assure notamment leur représentation sur le plan international. Conformément audit article, l’application du régime spécial d’association ne bénéficie qu’à des pays et territoires entretenant des relations particulières avec l’État membre concerné, lequel a demandé que le régime spécial d’association leur soit rendu applicable.

Ensuite, la Cour constate que la délivrance des certificats contestés était régie par les décisions PTOM et, ainsi, par le droit de l’Union, et que les autorités des PTOM étaient donc tenues de respecter les exigences contenues dans ces décisions. Or, les procédures prévues par lesdites décisions pour régler les différends ou les problèmes dans ce contexte reflètent le caractère central que revêtent, pour le régime d’association, les relations particulières entre le PTOM concerné et l’État membre dont il relève. Ces relations particulières sont de nature à faire naître une responsabilité spécifique de l’État membre vis-à-vis de l’Union lorsque les autorités des PTOM délivrent des certificats en méconnaissance desdites décisions. La Cour précise que le caractère préférentiel et dérogatoire du régime douanier dont bénéficient les produits en question dans les deux affaires implique que l’obligation pour les États membres, liée au principe de loyauté, de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union s’impose avec une rigueur particulière dans les présentes affaires. La Cour en conclut que les deux États membres concernés sont responsables, vis-à-vis de l’Union, de toute erreur commise par les autorités de leurs PTOM, dans le contexte de la délivrance des certificats en question.

Enfin, la Cour relève que, dans la mesure où une telle délivrance en méconnaissance des décisions PTOM empêche l’État membre d’importation de percevoir les droits de douane qu’il aurait dû percevoir en l’absence desdits certificats, la perte des ressources propres y afférente constitue la conséquence illicite d’une violation du droit de l’Union. Cette conséquence oblige l’État membre responsable vis-à-vis de l’Union de la délivrance irrégulière de certificats à compenser ladite perte. L’obligation de compensation n’est qu’une expression particulière de l’obligation, découlant du principe de coopération loyale, selon laquelle les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires afin de remédier à une violation du droit de l’Union et d’en effacer les conséquences illicites. Cette perte doit être majorée d’intérêts de retard, calculés à compter de la date à laquelle la Commission a sollicité la compensation des pertes, étant donné que la seule compensation du montant des droits de douane qui n’ont pas pu être perçus ne saurait suffire à effacer les conséquences illicites d’une délivrance irrégulière des certificats en question.

{1 Décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne (JO 1991, L 263, p. 1), et décision 2001/822/CE du Conseil, du 27 novembre 2001, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté européenne (« décision d’association outre-mer ») (JO 2001, L 314, p. 1).}

Arrêt du 31 octobre 2019, Commission / Royaume-Uni (C-391/17) (cf. points 105, 107, 108)

179. Recours en annulation - Recours dirigé contre une lettre de la Commission invitant de manière informelle un État membre à mettre des ressources propres traditionnelles à la disposition du budget de l'Union - Contrôle du bien-fondé de l'obligation de cet État de mettre à disposition ces ressources - Méconnaissance du système des ressources propres de l'Union - Inadmissibilité

Le 30 mai 2008, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a adopté un rapport relatif à une enquête qui portait sur des vérifications concernant l’importation de briquets de poche avec pierre en provenance du Laos. Selon ce rapport, qui portait notamment sur 28 cas d’importation de marchandises en République tchèque, les États membres se devaient de réaliser des audits sur les importateurs concernés et ouvrir une procédure administrative de redressement fiscal. Les autorités tchèques ont pris des mesures pour procéder au redressement et au recouvrement fiscal, en signalant toutefois que, dans certains desdits cas, le recouvrement du montant des ressources propres de l’Union n’avait pas été possible. Par lettre du 20 janvier 2015, la Commission européenne a informé ces autorités que la République tchèque ne pouvait être dispensée de son obligation de mettre à disposition les ressources propres de l’Union, en vertu du règlement nº 1150/2000{1}, et les a invitées à procéder au paiement du montant en cause, en précisant que tout retard donnerait lieu au paiement d’intérêts.

En désaccord avec la position exprimée par la Commission dans cette lettre, la République tchèque a introduit devant le Tribunal un recours tendant à l’annulation de la décision de cette institution prétendument contenue dans ladite lettre. Par une ordonnance{2}, le Tribunal a accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et a, par conséquent, rejeté le recours. Il a, en effet, jugé que celui-ci était dirigé contre un acte non susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en ce qu’il ne produisait pas d’effets de droit obligatoires. La République tchèque a saisi la Cour d’un pourvoi, en faisant valoir, en substance, que l’irrecevabilité de son recours en annulation la privait d’une protection juridictionnelle dès lors qu’elle ne disposait d’aucune voie de recours lui permettant d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la position de la Commission.

Dans son arrêt du 9 juillet 2020, rendu en grande chambre, la Cour s’est prononcée sur les conditions d’accès des États membres à une protection juridictionnelle effective en cas de litige portant sur l’étendue de leur responsabilité financière à l’égard du droit de l’Union en matière de ressources propres de cette dernière.

Tout d’abord, la Cour a constaté que, en l’état actuel du droit de l’Union, les obligations de perception, de constatation et d’inscription au compte des ressources propres de l’Union s’imposent directement aux États membres. Ainsi, la Commission ne dispose d’aucun pouvoir décisionnel lui permettant d’enjoindre à ces derniers de constater et de mettre à sa disposition des montants de ces ressources. La Cour en a conclu que l’ouverture d’un recours en annulation contre une lettre, telle que la lettre litigieuse, aux fins du contrôle du bien-fondé de l’obligation d’un État membre de mettre à la disposition de la Commission de tels montants, reviendrait à méconnaître le système des ressources propres de l’Union, tel que prévu par le droit de l’Union. Or, il n’appartient pas à la Cour de modifier le choix effectué, à cet égard, par le législateur de l’Union.

Ensuite, la Cour a jugé que, en l’état actuel du droit de l’Union, la faculté pour la Commission de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, un différend l’opposant à un État membre, quant à l’obligation de celui-ci de mettre un certain montant de ressources propres de l’Union à la disposition de cette institution, est inhérente au système de ces ressources. Elle a ajouté que, lorsqu’un État membre procède à une mise à disposition d’un montant desdites ressources tout en l’assortissant de réserves quant à son obligation de procéder ainsi, il incombe à la Commission, conformément au principe de coopération loyale, d’engager avec cet État membre un dialogue constructif afin de déterminer les obligations qui incombent à ce dernier. En cas d’échec de ce dialogue, cette institution a la possibilité d’introduire un recours en manquement à l’égard dudit État membre. En effet, le fait d’assortir de réserves la mise à disposition de ressources propres de l’Union justifierait la constatation d’un manquement, dans l’hypothèse où l’État membre concerné serait effectivement tenu de procéder à une telle mise à disposition.

Toutefois, eu égard au pouvoir discrétionnaire dont jouit la Commission quant à l’introduction d’un recours en manquement, la Cour a conclu que la voie de ce recours n’offre aucune garantie à l’État membre concerné de voir trancher par le juge le différend l’opposant à cette institution au sujet de la mise à disposition de ressources propres de l’Union. Elle a toutefois ajouté que, lorsqu’un État membre a mis à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de l’Union tout en formulant des réserves à l’égard du bien-fondé de la position de cette institution et que la procédure de dialogue n’a pas permis de mettre fin au différend entre ladite institution et cet État membre, celui-ci peut demander à être indemnisé en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union et, le cas échéant, saisir le Tribunal d’un recours à cet effet.

À cet égard, la Cour a rappelé que l’action fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union, formée au titre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, requiert la preuve d’un enrichissement sans base légale valable du défendeur ainsi que celle d’un appauvrissement du requérant lié audit enrichissement. Ainsi, dans le cadre de l’examen d’une telle action, il appartiendrait au Tribunal d’apprécier, notamment, si l’appauvrissement de l’État membre requérant, correspondant à la mise à la disposition de la Commission d’un montant de ressources propres de l’Union que cet État membre a contesté, et l’enrichissement corrélatif de cette institution trouvent leur justification dans les obligations qui s’imposent audit État membre en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union ou sont, au contraire, dénués d’une telle justification. Partant, estimant qu’un État membre n’est pas dépourvu de toute protection juridictionnelle effective en cas de désaccord, avec la Commission, quant à ses obligations en matière de ressources propres de l’Union, la Cour a rejeté le pourvoi dans son intégralité.

{1} Règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 2000, L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 352, p. 1) et par le règlement (CE, Euratom) nº 105/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009 (JO 2009, L 36, p. 1). Voir notamment l’article 17, paragraphe 2 de ce règlement.

{2} Ordonnance du Tribunal du 28 juin 2018, République tchèque/Commission (T-147/15, non publiée, EU:T:2018:395).

Arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque / Commission (C-575/18 P) (cf. points 55-64)

180. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Mise à disposition assortie de réserves - Principe de coopération loyale - Obligation de la Commission d'engager avec l'État membre concerné un dialogue constructif - Obligation de cette institution d'introduire un recours en manquement - Absence

Le 30 mai 2008, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a adopté un rapport relatif à une enquête qui portait sur des vérifications concernant l’importation de briquets de poche avec pierre en provenance du Laos. Selon ce rapport, qui portait notamment sur 28 cas d’importation de marchandises en République tchèque, les États membres se devaient de réaliser des audits sur les importateurs concernés et ouvrir une procédure administrative de redressement fiscal. Les autorités tchèques ont pris des mesures pour procéder au redressement et au recouvrement fiscal, en signalant toutefois que, dans certains desdits cas, le recouvrement du montant des ressources propres de l’Union n’avait pas été possible. Par lettre du 20 janvier 2015, la Commission européenne a informé ces autorités que la République tchèque ne pouvait être dispensée de son obligation de mettre à disposition les ressources propres de l’Union, en vertu du règlement nº 1150/2000{1}, et les a invitées à procéder au paiement du montant en cause, en précisant que tout retard donnerait lieu au paiement d’intérêts.

En désaccord avec la position exprimée par la Commission dans cette lettre, la République tchèque a introduit devant le Tribunal un recours tendant à l’annulation de la décision de cette institution prétendument contenue dans ladite lettre. Par une ordonnance{2}, le Tribunal a accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et a, par conséquent, rejeté le recours. Il a, en effet, jugé que celui-ci était dirigé contre un acte non susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en ce qu’il ne produisait pas d’effets de droit obligatoires. La République tchèque a saisi la Cour d’un pourvoi, en faisant valoir, en substance, que l’irrecevabilité de son recours en annulation la privait d’une protection juridictionnelle dès lors qu’elle ne disposait d’aucune voie de recours lui permettant d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la position de la Commission.

Dans son arrêt du 9 juillet 2020, rendu en grande chambre, la Cour s’est prononcée sur les conditions d’accès des États membres à une protection juridictionnelle effective en cas de litige portant sur l’étendue de leur responsabilité financière à l’égard du droit de l’Union en matière de ressources propres de cette dernière.

Tout d’abord, la Cour a constaté que, en l’état actuel du droit de l’Union, les obligations de perception, de constatation et d’inscription au compte des ressources propres de l’Union s’imposent directement aux États membres. Ainsi, la Commission ne dispose d’aucun pouvoir décisionnel lui permettant d’enjoindre à ces derniers de constater et de mettre à sa disposition des montants de ces ressources. La Cour en a conclu que l’ouverture d’un recours en annulation contre une lettre, telle que la lettre litigieuse, aux fins du contrôle du bien-fondé de l’obligation d’un État membre de mettre à la disposition de la Commission de tels montants, reviendrait à méconnaître le système des ressources propres de l’Union, tel que prévu par le droit de l’Union. Or, il n’appartient pas à la Cour de modifier le choix effectué, à cet égard, par le législateur de l’Union.

Ensuite, la Cour a jugé que, en l’état actuel du droit de l’Union, la faculté pour la Commission de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, un différend l’opposant à un État membre, quant à l’obligation de celui-ci de mettre un certain montant de ressources propres de l’Union à la disposition de cette institution, est inhérente au système de ces ressources. Elle a ajouté que, lorsqu’un État membre procède à une mise à disposition d’un montant desdites ressources tout en l’assortissant de réserves quant à son obligation de procéder ainsi, il incombe à la Commission, conformément au principe de coopération loyale, d’engager avec cet État membre un dialogue constructif afin de déterminer les obligations qui incombent à ce dernier. En cas d’échec de ce dialogue, cette institution a la possibilité d’introduire un recours en manquement à l’égard dudit État membre. En effet, le fait d’assortir de réserves la mise à disposition de ressources propres de l’Union justifierait la constatation d’un manquement, dans l’hypothèse où l’État membre concerné serait effectivement tenu de procéder à une telle mise à disposition.

Toutefois, eu égard au pouvoir discrétionnaire dont jouit la Commission quant à l’introduction d’un recours en manquement, la Cour a conclu que la voie de ce recours n’offre aucune garantie à l’État membre concerné de voir trancher par le juge le différend l’opposant à cette institution au sujet de la mise à disposition de ressources propres de l’Union. Elle a toutefois ajouté que, lorsqu’un État membre a mis à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de l’Union tout en formulant des réserves à l’égard du bien-fondé de la position de cette institution et que la procédure de dialogue n’a pas permis de mettre fin au différend entre ladite institution et cet État membre, celui-ci peut demander à être indemnisé en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union et, le cas échéant, saisir le Tribunal d’un recours à cet effet.

À cet égard, la Cour a rappelé que l’action fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union, formée au titre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, requiert la preuve d’un enrichissement sans base légale valable du défendeur ainsi que celle d’un appauvrissement du requérant lié audit enrichissement. Ainsi, dans le cadre de l’examen d’une telle action, il appartiendrait au Tribunal d’apprécier, notamment, si l’appauvrissement de l’État membre requérant, correspondant à la mise à la disposition de la Commission d’un montant de ressources propres de l’Union que cet État membre a contesté, et l’enrichissement corrélatif de cette institution trouvent leur justification dans les obligations qui s’imposent audit État membre en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union ou sont, au contraire, dénués d’une telle justification. Partant, estimant qu’un État membre n’est pas dépourvu de toute protection juridictionnelle effective en cas de désaccord, avec la Commission, quant à ses obligations en matière de ressources propres de l’Union, la Cour a rejeté le pourvoi dans son intégralité.

{1} Règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 2000, L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 352, p. 1) et par le règlement (CE, Euratom) nº 105/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009 (JO 2009, L 36, p. 1). Voir notamment l’article 17, paragraphe 2 de ce règlement.

{2} Ordonnance du Tribunal du 28 juin 2018, République tchèque/Commission (T-147/15, non publiée, EU:T:2018:395).

Arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque / Commission (C-575/18 P) (cf. points 68, 73-75, 77-80)

181. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Mise à disposition assortie de réserves - Recours fondé sur l'enrichissement sans cause de l'Union - Respect du droit à une protection juridictionnelle effective

Le 30 mai 2008, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a adopté un rapport relatif à une enquête qui portait sur des vérifications concernant l’importation de briquets de poche avec pierre en provenance du Laos. Selon ce rapport, qui portait notamment sur 28 cas d’importation de marchandises en République tchèque, les États membres se devaient de réaliser des audits sur les importateurs concernés et ouvrir une procédure administrative de redressement fiscal. Les autorités tchèques ont pris des mesures pour procéder au redressement et au recouvrement fiscal, en signalant toutefois que, dans certains desdits cas, le recouvrement du montant des ressources propres de l’Union n’avait pas été possible. Par lettre du 20 janvier 2015, la Commission européenne a informé ces autorités que la République tchèque ne pouvait être dispensée de son obligation de mettre à disposition les ressources propres de l’Union, en vertu du règlement nº 1150/2000{1}, et les a invitées à procéder au paiement du montant en cause, en précisant que tout retard donnerait lieu au paiement d’intérêts.

En désaccord avec la position exprimée par la Commission dans cette lettre, la République tchèque a introduit devant le Tribunal un recours tendant à l’annulation de la décision de cette institution prétendument contenue dans ladite lettre. Par une ordonnance{2}, le Tribunal a accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et a, par conséquent, rejeté le recours. Il a, en effet, jugé que celui-ci était dirigé contre un acte non susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation en ce qu’il ne produisait pas d’effets de droit obligatoires. La République tchèque a saisi la Cour d’un pourvoi, en faisant valoir, en substance, que l’irrecevabilité de son recours en annulation la privait d’une protection juridictionnelle dès lors qu’elle ne disposait d’aucune voie de recours lui permettant d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la position de la Commission.

Dans son arrêt du 9 juillet 2020, rendu en grande chambre, la Cour s’est prononcée sur les conditions d’accès des États membres à une protection juridictionnelle effective en cas de litige portant sur l’étendue de leur responsabilité financière à l’égard du droit de l’Union en matière de ressources propres de cette dernière.

Tout d’abord, la Cour a constaté que, en l’état actuel du droit de l’Union, les obligations de perception, de constatation et d’inscription au compte des ressources propres de l’Union s’imposent directement aux États membres. Ainsi, la Commission ne dispose d’aucun pouvoir décisionnel lui permettant d’enjoindre à ces derniers de constater et de mettre à sa disposition des montants de ces ressources. La Cour en a conclu que l’ouverture d’un recours en annulation contre une lettre, telle que la lettre litigieuse, aux fins du contrôle du bien-fondé de l’obligation d’un État membre de mettre à la disposition de la Commission de tels montants, reviendrait à méconnaître le système des ressources propres de l’Union, tel que prévu par le droit de l’Union. Or, il n’appartient pas à la Cour de modifier le choix effectué, à cet égard, par le législateur de l’Union.

Ensuite, la Cour a jugé que, en l’état actuel du droit de l’Union, la faculté pour la Commission de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, un différend l’opposant à un État membre, quant à l’obligation de celui-ci de mettre un certain montant de ressources propres de l’Union à la disposition de cette institution, est inhérente au système de ces ressources. Elle a ajouté que, lorsqu’un État membre procède à une mise à disposition d’un montant desdites ressources tout en l’assortissant de réserves quant à son obligation de procéder ainsi, il incombe à la Commission, conformément au principe de coopération loyale, d’engager avec cet État membre un dialogue constructif afin de déterminer les obligations qui incombent à ce dernier. En cas d’échec de ce dialogue, cette institution a la possibilité d’introduire un recours en manquement à l’égard dudit État membre. En effet, le fait d’assortir de réserves la mise à disposition de ressources propres de l’Union justifierait la constatation d’un manquement, dans l’hypothèse où l’État membre concerné serait effectivement tenu de procéder à une telle mise à disposition.

Toutefois, eu égard au pouvoir discrétionnaire dont jouit la Commission quant à l’introduction d’un recours en manquement, la Cour a conclu que la voie de ce recours n’offre aucune garantie à l’État membre concerné de voir trancher par le juge le différend l’opposant à cette institution au sujet de la mise à disposition de ressources propres de l’Union. Elle a toutefois ajouté que, lorsqu’un État membre a mis à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de l’Union tout en formulant des réserves à l’égard du bien-fondé de la position de cette institution et que la procédure de dialogue n’a pas permis de mettre fin au différend entre ladite institution et cet État membre, celui-ci peut demander à être indemnisé en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union et, le cas échéant, saisir le Tribunal d’un recours à cet effet.

À cet égard, la Cour a rappelé que l’action fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union, formée au titre de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, requiert la preuve d’un enrichissement sans base légale valable du défendeur ainsi que celle d’un appauvrissement du requérant lié audit enrichissement. Ainsi, dans le cadre de l’examen d’une telle action, il appartiendrait au Tribunal d’apprécier, notamment, si l’appauvrissement de l’État membre requérant, correspondant à la mise à la disposition de la Commission d’un montant de ressources propres de l’Union que cet État membre a contesté, et l’enrichissement corrélatif de cette institution trouvent leur justification dans les obligations qui s’imposent audit État membre en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union ou sont, au contraire, dénués d’une telle justification. Partant, estimant qu’un État membre n’est pas dépourvu de toute protection juridictionnelle effective en cas de désaccord, avec la Commission, quant à ses obligations en matière de ressources propres de l’Union, la Cour a rejeté le pourvoi dans son intégralité.

{1} Règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 2000, L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 2028/2004 du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 352, p. 1) et par le règlement (CE, Euratom) nº 105/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009 (JO 2009, L 36, p. 1). Voir notamment l’article 17, paragraphe 2 de ce règlement.

{2} Ordonnance du Tribunal du 28 juin 2018, République tchèque/Commission (T-147/15, non publiée, EU:T:2018:395).

Arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque / Commission (C-575/18 P) (cf. points 81-83)

Voir texte de la décision.

Arrêt du 5 septembre 2024, Commission / République tchèque (Briquets de poche) (C-494/22 P) (cf. point 84)

182. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Violation d'une disposition du droit de l'Union résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique ayant, potentiellement, pour effet de porter préjudice au budget général de l'Union européenne - Portée - Omission d'un bénéficiaire d'une subvention au titre du FEDER d'atteindre le chiffre d'affaires prévu initialement en raison de l'insolvabilité ou de l'interruption de l'activité de son unique partenaire commercial - Inclusion - Application d'une correction financière

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 1er octobre 2020, Elme Messer Metalurgs (C-743/18) (cf. points 50-52, 57, 65-68, 72, 73 et disp.)

183. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Infraction de fraude aux subventions financées partiellement au moyen du budget de l'Union - Procédure pénale nationale ne permettant pas à l'État d'agir en réparation du préjudice causé par l'infraction - Admissibilité au regard de l'article 325 TFUE - Condition - Existence en droit national de procédures effectives permettant le recouvrement des contributions du budget de l'Union indûment perçues

L’Úrad špeciálnej prokuratúry Generálnej prokuratúry Slovenskej republiky (bureau du procureur spécial du parquet général de la République slovaque) a engagé une procédure pénale à l’encontre de deux personnes physiques (ci-après les « prévenus ») pour des faits susceptibles de constituer une fraude aux subventions financées partiellement au moyen du budget de l’Union. L’infraction pénale aurait été commise dans le cadre de deux appels d’offres lancés par l’administration slovaque pour la présentation de demandes de subventions visant notamment à soutenir la création d’emplois pour les personnes handicapées.

Les prévenus ont fondé plusieurs sociétés commerciales, dont ils étaient les associés et les gérants, lesquelles ont obtenu des subventions d’un montant de 654 588,34 euros, en ce compris 279 272,18 euros au titre du budget de l’Union. Au terme du versement de ces subventions, les prévenus ont cédé leurs parts dans les sociétés concernées à un tiers, puis lesdites sociétés ont cessé toute activité. Lorsque la procédure pénale a été engagée, les biens sociaux ne se trouvaient plus dans les locaux desdites sociétés, qui auraient été radiées d’office du registre du commerce. Au cours de la période de versement des subventions, des personnes handicapées auraient été employées par les sociétés concernées, mais leur travail aurait été fictif et n’aurait pas contribué aux objectifs présentés dans les demandes de subvention.

Les poursuites pénales ont été engagées auprès de la juridiction de renvoi, à savoir le Špecializovaný trestný súd (cour pénale spécialisée, Slovaquie), contre les prévenus en leur qualité d’associés et de gérants de ces sociétés. Les úrady práce, sociálnych vecí a rodiny (agences de la direction du travail, des affaires sociales et de la famille), qui se sont constituées parties lésées au principal, ont réclamé des dommages-intérêts aux prévenus pendant l’instruction, à hauteur de la subvention effectivement versée.

Toutefois, la juridiction de renvoi estime que, au vu de la jurisprudence du Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque), qui a déjà été appliquée dans des procédures pénales portant sur des infractions d’atteinte aux intérêts financiers de l’Union et de fraude aux subventions, les dispositions nationales ne permettent pas à l’État, dans le cadre d’une procédure pénale, d’agir en réparation du préjudice qui lui est causé. Selon la juridiction de renvoi, l’application de cette jurisprudence dans l’affaire au principal pourrait avoir pour effet d’empêcher l’État d’agir en réparation des préjudices occasionnés par les fraudes. En effet, le recours à une procédure administrative également prévue par le droit slovaque ne permettrait d’exiger le remboursement de la subvention indûment versée qu’à l’égard du bénéficiaire de celle-ci. S’agissant, en l’occurrence, de sociétés commerciales ne détenant plus aucun actif et ayant été radiées du registre du commerce, une telle procédure ne pourrait donc permettre de recouvrer les subventions indûment versées.

La juridiction de renvoi a saisi la Cour de plusieurs questions préjudicielles visant, notamment, l’article 325 TFUE, dont le paragraphe 1 dispose que, aux fins de lutter contre les activités illicites portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, les États membres doivent adopter des mesures dissuasives, effectives et équivalentes à celles prises au niveau national pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts de l’État membre concerné. Plus précisément, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité, avec les obligations découlant de l’article 325 TFUE, de règles de procédure pénale nationales qui ne permettent pas, dans une affaire telle que celle au principal, de reconnaître à l’État un droit à réparation en tant que personne lésée dans le cadre de la procédure pénale.

Dans son arrêt du 1er octobre 2020, la Cour a dit pour droit que l’article 325 TFUE ne s’oppose pas à des dispositions de droit national telles qu’interprétées dans la jurisprudence nationale en vertu desquelles, dans le cadre d’une procédure pénale, l’État ne peut pas agir en réparation du préjudice qui lui est causé par un comportement frauduleux de la personne poursuivie ayant pour effet de détourner des fonds du budget de l’Union, et ne dispose, dans le cadre de cette procédure, d’aucune autre action lui permettant de faire valoir un droit contre la personne poursuivie, dès lors que, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, la législation nationale prévoit des procédures effectives permettant le recouvrement des contributions du budget de l’Union indûment perçues.

À cet égard, la Cour a rappelé que, si les États membres sont tenus de prendre des mesures effectives permettant de recouvrer les sommes indûment versées au bénéficiaire d’une subvention partiellement financée par le budget de l’Union, l’article 325 TFUE ne leur impose toutefois aucune contrainte, autre que celle tenant au caractère effectif des mesures, quant à la procédure qui doit permettre d’aboutir à un tel résultat. Partant, la coexistence de voies de recours distinctes, poursuivant des objectifs différents et propres au droit administratif, au droit civil ou au droit pénal, ne porte pas atteinte, en soi, au caractère effectif de la lutte contre la fraude affectant les intérêts financiers de l’Union, pour autant que la législation nationale, dans son ensemble, permette le recouvrement des contributions du budget de l’Union indûment versées.

Ainsi, la non-reconnaissance, dans le chef de l’État, d’un droit à réparation en tant que personne lésée dans le cadre de la procédure pénale n’est pas, à elle seule, contraire aux obligations découlant de l’article 325 TFUE. En effet, si les sanctions pénales peuvent être indispensables pour permettre aux États de combattre de manière effective et dissuasive certains cas de fraude grave, de telles sanctions n’ont pas pour objet de permettre la répétition de l’indu. L’existence, dans l’ordre juridique national, d’une voie effective de réparation des atteintes aux intérêts financiers de l’Union, que ce soit dans le cadre d’une procédure pénale, administrative ou civile, suffit à satisfaire à l’obligation d’effectivité que pose l’article 325 TFUE, dès lors que celle-ci permet le recouvrement des contributions indûment perçues et que des sanctions pénales permettent de combattre les cas de fraude grave. La Cour a relevé que tel est, en l’occurrence, le cas, dès lors que, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, l’État a, selon le droit national applicable, la possibilité d’engager, d’une part, une procédure administrative lui permettant d’obtenir le recouvrement des contributions indûment versées à la personne morale destinataire de celles-ci et, d’autre part, une procédure civile visant non seulement à engager la responsabilité civile de la personne morale destinataire des contributions indûment perçues, mais aussi à obtenir, subséquemment à une condamnation pénale, la réparation des préjudices subis auprès de la personne physique condamnée.

Arrêt du 1er octobre 2020, Úrad špeciálnej prokuratúry (C-603/19) (cf. points 54-56, 58-62, disp. 2)

184. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Capitalisation des intérêts - Remboursement d'une amende annulée - Obligation pour la Commission de verser des intérêts moratoires sur les intérêts dus sur l'amende payée à titre provisoire - Conditions



Arrêt du 20 janvier 2021, Commission / Printeos (C-301/19 P) (cf. points 122-125)



Arrêt du 8 mars 2023, Campine et Campine Recycling / Commission (T-94/20) (cf. points 106-108)

185. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement d'une amende annulée - Dispense pour la Commission de l'obligation d'assortir ce montant d'intérêts moratoires - Absence



Arrêt du 20 janvier 2021, Commission / Printeos (C-301/19 P) (cf. points 70-77, 81, 93)

186. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement d'une amende annulée - Allocation d'intérêts moratoires à compter de la date du paiement provisoire de l'amende - Objectifs



Arrêt du 20 janvier 2021, Commission / Printeos (C-301/19 P) (cf. points 84-86)

187. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement d'une amende annulée - Compétence de la Commission pour arrêter les conditions d'un éventuel remboursement dans une décision individuelle - Absence



Arrêt du 20 janvier 2021, Commission / Printeos (C-301/19 P) (cf. point 95)

188. Ressources propres de l'Union européenne - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Clause d'équité instituée par l'article 239 du code des douanes communautaire - Conditions - Existence d'une situation particulière - Notion - Réexportation des marchandises vers un pays tiers sans entrer dans le circuit économique de l'Union européenne - Exclusion - Imposition due à une erreur relative aux informations figurant dans le système informatique de l'opérateur économique, celui-ci n'ayant pas tenu compte des conditions figurant dans l'autorisation - Absence d'incidence



Arrêt du 3 février 2021, Rottendorf Pharma (C-92/20) (cf. points 30, 32-38 et disp.)

189. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Notion de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union - Portée - Utilisation de déclarations fausses ou inexactes présentées postérieurement à l'exécution du projet bénéficiant d'un financement - Rétention indue de fonds provenant du budget de l'Union - Inclusion

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Arrêt du 14 octobre 2021, Ministerul Lucrărilor Publice, Dezvoltării şi Administraţiei (C-360/20) (cf. points 29, 31, disp. 1)

190. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Primauté du droit de l'Union - Obligations des juridictions nationales - Obligation d'interprétation conforme au droit de l'Union de la réglementation nationale - Limites - Respect des droits fondamentaux - Principe de légalité des délits et des peines

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Arrêt du 14 octobre 2021, Ministerul Lucrărilor Publice, Dezvoltării şi Administraţiei (C-360/20) (cf. points 33, 34, 36, 38-40, disp. 2)

191. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Notions de fraude et d'autres activités illégales - Corruption - Tentative de corruption - Inclusion

Les présentes affaires s’inscrivent dans le prolongement de la réforme de la justice en matière de lutte contre la corruption en Roumanie, qui a déjà fait l’objet d’un arrêt précédent de la Cour{1}. Cette réforme fait l’objet d’un suivi à l’échelle de l’Union européenne depuis l’année 2007 en vertu du mécanisme de coopération et de vérification institué par la décision 2006/928{2} à l’occasion de l’adhésion de la Roumanie à l’Union (ci-après le « MCV »).

Dans le cadre de ces affaires se pose la question de savoir si l’application de la jurisprudence issue de différentes décisions de la Curtea Constituțională a României (Cour constitutionnelle, Roumanie) relatives aux règles de procédure pénale applicables en matière de fraude et de corruption est susceptible de violer le droit de l’Union, notamment les dispositions de ce droit visant à protéger les intérêts financiers de l’Union, la garantie d’indépendance des juges et la valeur de l’État de droit, de même que le principe de primauté du droit de l’Union.

Dans les affaires C-357/19, C-547/19, C-811/19 et C-840/19, l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie, ci-après la « HCCJ ») avait condamné plusieurs personnes, y compris d’anciens parlementaires et ministres, pour des infractions de fraude à la TVA, ainsi que de corruption et de trafic d’influence, notamment en relation avec la gestion de fonds européens. La Cour constitutionnelle a annulé ces décisions en raison de la composition illégale des formations de jugement, au motif, d’une part, que les affaires sur lesquelles la HCCJ avait statué en première instance auraient dû être jugées par une formation spécialisée en matière de corruption{3} et, d’autre part, que, dans les affaires sur lesquelles la HCCJ avait statué en appel, tous les juges de la formation de jugement auraient dû être désignés par tirage au sort{4}.

Dans l’affaire C-379/19, des poursuites pénales ont été engagées devant le Tribunalul Bihor (tribunal de grande instance de Bihor, Roumanie) à l’encontre de plusieurs personnes accusées d’infractions de corruption et de trafic d’influence. Dans le cadre d’une demande d’exclusion de preuves, ce tribunal est confronté à l’application d’une jurisprudence de la Cour constitutionnelle qui a déclaré inconstitutionnelle la collecte de preuves en matière pénale effectuée avec la participation du service roumain de renseignements, entraînant l’exclusion rétroactive des preuves concernées de la procédure pénale{5}.

Dans ces contextes, la HCCJ et le tribunal de grande instance de Bihor ont interrogé la Cour sur la conformité de ces décisions de la Cour constitutionnelle au droit de l’Union{6}. Tout d’abord, le tribunal de grande instance de Bihor s’interroge sur le caractère obligatoire du MCV et des rapports établis par la Commission dans le cadre de ce mécanisme{7}. Ensuite, la HCCJ soulève la question d’un éventuel risque systémique d’impunité en matière de lutte contre la fraude et la corruption. Enfin, ces juridictions demandent également si les principes de primauté du droit de l’Union et d’indépendance des juges leur permettent de laisser inappliquée une décision de la Cour constitutionnelle, alors qu’en vertu du droit roumain, le non-respect par les magistrats d’une décision de la Cour constitutionnelle constitue une faute disciplinaire.

Appréciation de la Cour

Le caractère contraignant du MCV

La Cour, réunie en grande chambre, a confirmé sa jurisprudence issue d’un arrêt antérieur, selon laquelle le MCV est obligatoire dans tous ses éléments pour la Roumanie{8}. Ainsi, les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions de l’Union lient la Roumanie depuis la date de son adhésion. C’est le cas de la décision 2006/928, qui est obligatoire dans tous ses éléments pour la Roumanie tant qu’elle n’a pas été abrogée. Les objectifs de référence qui visent à assurer le respect de l’État de droit revêtent également un caractère contraignant. La Roumanie est ainsi tenue de prendre les mesures appropriées aux fins de la réalisation de ces objectifs, en tenant compte des recommandations formulées dans les rapports établis par la Commission{9}.

L’obligation de prévoir des sanctions effectives et dissuasives pour des infractions de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou de corruption

Le droit de l’Union s’oppose à l’application d’une jurisprudence de la Cour constitutionnelle conduisant à l’annulation des jugements rendus par des formations de jugement irrégulièrement composées, dans la mesure où celle-ci, combinée avec les dispositions nationales en matière de prescription, crée un risque systémique d’impunité des faits constitutifs d’infractions graves de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou de corruption.

Tout d’abord, même si les règles gouvernant l’organisation de la justice dans les États membres, notamment celle relative à la composition des formations de jugement en matière de fraude et de corruption, relèvent en principe de la compétence de ces États, la Cour rappelle que ceux-ci sont toutefois tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union.

Figure parmi de telles obligations la lutte contre toute activité illégale, laquelle comprend les infractions de corruption, qui porte atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives{10}. S’agissant de la Roumanie, cette obligation est complétée par l’obligation de cet État membre, résultant de la décision 2006/928, de lutter de manière effective contre la corruption et, en particulier, la corruption de haut niveau.

L’exigence d’effectivité en découlant s’étend nécessairement tant aux poursuites et sanctions de ces infractions qu’à l’application des peines infligées dans la mesure où, en l’absence d’exécution effective des sanctions des infractions de fraude portant atteinte à ces intérêts et de corruption en général, celles-ci ne sauraient être effectives et dissuasives. Ensuite, la Cour relève qu’il incombe, au premier chef, au législateur national de prendre les mesures nécessaires aux fins de garantir que le régime procédural applicable auxdites infractions ne présente pas un risque systémique d’impunité. Quant aux juridictions nationales, elles doivent laisser inappliquées les dispositions internes faisant obstacle à l’application de sanctions effectives et dissuasives.

En l’occurrence, l’application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en cause a pour conséquence que les affaires de fraude et de corruption concernées doivent être réexaminées, le cas échéant à plusieurs reprises, en première instance et/ou en appel. Au vu de sa complexité et de sa durée, un tel réexamen a nécessairement pour effet de prolonger la durée des procédures pénales correspondantes. Or, outre le fait que la Roumanie s’était engagée à réduire la durée de la procédure pour les affaires de corruption, la Cour rappelle que, compte tenu des obligations spécifiques incombant à la Roumanie en vertu de la décision 2006/928, la réglementation et la pratique nationales en cette matière ne sauraient avoir pour conséquence de prolonger la durée des enquêtes concernant les infractions de corruption ou d’affaiblir de quelque autre manière que ce soit la lutte contre la corruption{11}. Par ailleurs, compte tenu des règles nationales de prescription, le réexamen des affaires en cause pourrait conduire à la prescription des infractions et empêcher que soient sanctionnées, de manière effective et dissuasive, les personnes occupant les plus hauts postes de l’État roumain et ayant été condamnées pour avoir commis, dans l’exercice de leurs fonctions, des actes de fraude et/ou de corruption graves. Partant, le risque d’impunité deviendrait systémique pour cette catégorie de personnes et remettrait en cause l’objectif de lutte contre la corruption de haut niveau.

Enfin, la Cour rappelle que l’obligation d’assurer que de telles infractions font l’objet de sanctions pénales revêtant un caractère effectif et dissuasif ne dispense pas la juridiction de renvoi de la vérification du respect nécessaire des droits fondamentaux garantis à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sans que cette juridiction puisse appliquer un standard national de protection des droits fondamentaux comportant un tel risque systémique d’impunité. Or, les exigences découlant de cet article ne font pas obstacle à une éventuelle non-application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative à la spécialisation et à la composition des formations des jugements en matière de corruption.

La garantie d’indépendance des juges

Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les décisions de la Cour constitutionnelle lient les juridictions de droit commun, à condition que l’indépendance de cette Cour à l’égard notamment des pouvoirs législatif et exécutif soit garantie. En revanche, ce droit s’oppose à ce que la responsabilité disciplinaire des juges nationaux soit engagée par toute méconnaissance de telles décisions.

Premièrement, dès lors que l’existence d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l’Union est inhérente à un État de droit, toute juridiction appelée à appliquer ou interpréter le droit de l’Union doit satisfaire aux exigences d’une protection juridictionnelle effective. Pour ce faire, l’indépendance des juridictions est primordiale. À cet égard, les juges doivent être à l’abri d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles de mettre en péril leur indépendance. En outre, conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, l’indépendance des juridictions doit notamment être garantie à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif.

Deuxièmement, même si le droit de l’Union n’impose pas aux États membres un modèle constitutionnel précis régissant les rapports entre les différents pouvoirs étatiques, la Cour relève que les États membres n’en doivent pas moins respecter, notamment, les exigences d’indépendance des juridictions qui découlent de ce droit. Dans ces conditions, les décisions de la Cour constitutionnelle peuvent lier les juridictions de droit commun, pourvu que le droit national garantisse l’indépendance de cette juridiction à l’égard, notamment, des pouvoirs législatif et exécutif. En revanche, si le droit national ne garantit pas cette indépendance, le droit de l’Union s’oppose à une telle réglementation ou pratique nationale, une telle cour constitutionnelle n’étant pas à même d’assurer la protection juridictionnelle effective requise par ce droit.

Troisièmement, aux fins de préserver l’indépendance des juridictions, le régime disciplinaire doit présenter les garanties nécessaires afin d’éviter tout risque d’utilisation d’un tel régime en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires. À cet égard, le fait qu’une décision judiciaire comporte une éventuelle erreur dans l’interprétation et l’application des règles de droit national et de l’Union, ou dans l’appréciation des faits et l’évaluation des preuves, ne peut, à lui seul, conduire à engager la responsabilité disciplinaire du juge concerné. En effet, l’engagement de la responsabilité disciplinaire d’un juge du fait d’une décision judiciaire doit être limité à des cas tout à fait exceptionnels et encadré par des garanties visant à éviter tout risque de pressions extérieures sur le contenu des décisions judiciaires. Une réglementation nationale selon laquelle toute méconnaissance des décisions de la Cour constitutionnelle par les juges nationaux de droit commun est de nature à engager leur responsabilité disciplinaire ne respecte pas ces conditions.

La primauté du droit de l’Union Le principe de primauté du droit de l’Union s’oppose à ce que les juridictions nationales ne puissent, sous peine de sanctions disciplinaires, laisser inappliquées les décisions de la Cour constitutionnelle contraires au droit de l’Union. La Cour rappelle que, dans sa jurisprudence relative au traité CEE, elle a posé le principe de la primauté du droit communautaire, compris comme consacrant la prééminence de ce droit sur le droit des États membres. À cet égard, la Cour a constaté que l’institution par le traité CEE d’un ordre juridique propre, accepté par les États membres sur une base de réciprocité, a pour corollaire qu’ils ne sauraient faire prévaloir contre cet ordre juridique une mesure unilatérale ultérieure, ni opposer au droit né du traité CEE des règles de droit national quelles qu’elles soient, sans faire perdre à ce droit son caractère communautaire et sans mettre en cause la base juridique de la Communauté elle-même. En outre, la force exécutive du droit communautaire ne saurait varier d’un État membre à l’autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité CEE, ni provoquer une discrimination en raison de la nationalité interdite par ce traité. La Cour a ainsi considéré que, bien que conclu sous la forme d’un accord international, le traité CEE constitue la charte constitutionnelle d’une communauté de droit et que les caractéristiques essentielles de l’ordre juridique communautaire ainsi constitué sont, en particulier, sa primauté par rapport aux droits des États membres ainsi que l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes. Or, la Cour relève que ces caractéristiques essentielles de l’ordre juridique de l’Union et l’importance du respect qui lui est dû ont été confirmées par la ratification, sans réserve, des traités modifiant le traité CEE et, notamment, du traité de Lisbonne. En effet, lors de l’adoption

de ce traité, la conférence des représentants des gouvernements des États membres a tenu à rappeler expressément, dans sa déclaration nº 17 relative à la primauté, annexée à l’acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment sur le droit des États membres, dans les conditions définies par cette jurisprudence. La Cour ajoute que, l’article 4, paragraphe 2, TUE prévoyant que l’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités, celle-ci ne saurait respecter une telle égalité que si les États membres sont, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, dans l’impossibilité de faire prévaloir, contre l’ordre juridique de l’Union, une mesure unilatérale, quelle qu’elle soit. Dans ce contexte, la Cour relève encore que, dans l’exercice de sa compétence exclusive pour fournir l’interprétation définitive du droit de l’Union, il lui appartient de préciser la portée du principe de primauté du droit de l’Union au regard des dispositions pertinentes de ce droit, cette portée ne pouvant pas dépendre de l’interprétation de dispositions du droit national, ni de l’interprétation de dispositions du droit de l’Union retenue par une juridiction nationale, qui ne correspond pas à celle de la Cour. Selon la Cour, les effets s’attachant au principe de primauté du droit de l’Union s’imposent à l’ensemble des organes d’un État membre, sans que les dispositions internes, y compris d’ordre constitutionnel, puissent y faire obstacle. Les juridictions nationales sont tenues de laisser inappliquée, de leur propre autorité, toute réglementation ou pratique nationale contraire à une disposition du droit de l’Union qui est d’effet direct, sans qu’elles aient à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette réglementation ou pratique nationale par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel. Par a

illeurs, le fait, pour les juges nationaux, de ne pas être exposés à des procédures ou à des sanctions disciplinaires pour avoir exercé la faculté de saisir la Cour au titre de l’article 267 TFUE, laquelle relève de leur compétence exclusive, constitue une garantie inhérente à leur l’indépendance. Ainsi, dans l’hypothèse où un juge national de droit commun considèrerait, à la lumière d’un arrêt de la Cour, que la jurisprudence de la cour constitutionnelle nationale est contraire au droit de l’Union, le fait que ce juge national laisserait inappliquée ladite jurisprudence ne saurait engager sa responsabilité disciplinaire. {1} Arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C-83/19, C-127/19, C-195/19, C-291/19, C-355/19 et C-397/19, EU:C:2021:393). {2} Décision 2006/928/CE de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption (JO 2006, L 354, p. 56). {3} Arrêt du 3 juillet 2019, nº 417/2019. {4} Arrêt du 7 novembre 2018, nº 685/2018. {5} Arrêts du 16 février 2016, nº 51/2016, du 4 mai 2017, nº 302/2017 et du 16 janvier 2019, nº 26/2019. {6} Article 2 et article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, article 325, paragraphe 1, TFUE, article 2 de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Bruxelles le 26 juillet 1995 et annexée à l’acte du Conseil, du 26 juillet 1995 (JO 1995, C 316, p. 48), ainsi que décision 2006/928. {7} D’après l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 6 mars 2018, nº 104/2018, la décision 2006/928 ne saurait constituer une norme de référence dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité. {8} Arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C-83/19,

C-127/19, C-195/19, C-291/19, C-355/19 et C-397/19, EU:C:2021:393). {9} Au titre du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE. {10} Conformément à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. {11} Point I., 5), de l’annexe IX de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203).

Arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a. (C-357/19, C-379/19, C-547/19, C-811/19 et C-840/19) (cf. points 181-189)

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Ordonnance du 7 novembre 2022, FX e.a. (Effet des arrêts d’une Cour constitutionnelle III) (C-859/19, C-926/19 et C-929/19) (cf. points 83-91)

192. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Réglementation ou pratique nationale imposant le réexamen de jugements de condamnation en matière de fraude et de corruption - Risque systémique d'impunité - Inadmissibilité

Les présentes affaires s’inscrivent dans le prolongement de la réforme de la justice en matière de lutte contre la corruption en Roumanie, qui a déjà fait l’objet d’un arrêt précédent de la Cour{1}. Cette réforme fait l’objet d’un suivi à l’échelle de l’Union européenne depuis l’année 2007 en vertu du mécanisme de coopération et de vérification institué par la décision 2006/928{2} à l’occasion de l’adhésion de la Roumanie à l’Union (ci-après le « MCV »).

Dans le cadre de ces affaires se pose la question de savoir si l’application de la jurisprudence issue de différentes décisions de la Curtea Constituțională a României (Cour constitutionnelle, Roumanie) relatives aux règles de procédure pénale applicables en matière de fraude et de corruption est susceptible de violer le droit de l’Union, notamment les dispositions de ce droit visant à protéger les intérêts financiers de l’Union, la garantie d’indépendance des juges et la valeur de l’État de droit, de même que le principe de primauté du droit de l’Union.

Dans les affaires C-357/19, C-547/19, C-811/19 et C-840/19, l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie, ci-après la « HCCJ ») avait condamné plusieurs personnes, y compris d’anciens parlementaires et ministres, pour des infractions de fraude à la TVA, ainsi que de corruption et de trafic d’influence, notamment en relation avec la gestion de fonds européens. La Cour constitutionnelle a annulé ces décisions en raison de la composition illégale des formations de jugement, au motif, d’une part, que les affaires sur lesquelles la HCCJ avait statué en première instance auraient dû être jugées par une formation spécialisée en matière de corruption{3} et, d’autre part, que, dans les affaires sur lesquelles la HCCJ avait statué en appel, tous les juges de la formation de jugement auraient dû être désignés par tirage au sort{4}.

Dans l’affaire C-379/19, des poursuites pénales ont été engagées devant le Tribunalul Bihor (tribunal de grande instance de Bihor, Roumanie) à l’encontre de plusieurs personnes accusées d’infractions de corruption et de trafic d’influence. Dans le cadre d’une demande d’exclusion de preuves, ce tribunal est confronté à l’application d’une jurisprudence de la Cour constitutionnelle qui a déclaré inconstitutionnelle la collecte de preuves en matière pénale effectuée avec la participation du service roumain de renseignements, entraînant l’exclusion rétroactive des preuves concernées de la procédure pénale{5}.

Dans ces contextes, la HCCJ et le tribunal de grande instance de Bihor ont interrogé la Cour sur la conformité de ces décisions de la Cour constitutionnelle au droit de l’Union{6}. Tout d’abord, le tribunal de grande instance de Bihor s’interroge sur le caractère obligatoire du MCV et des rapports établis par la Commission dans le cadre de ce mécanisme{7}. Ensuite, la HCCJ soulève la question d’un éventuel risque systémique d’impunité en matière de lutte contre la fraude et la corruption. Enfin, ces juridictions demandent également si les principes de primauté du droit de l’Union et d’indépendance des juges leur permettent de laisser inappliquée une décision de la Cour constitutionnelle, alors qu’en vertu du droit roumain, le non-respect par les magistrats d’une décision de la Cour constitutionnelle constitue une faute disciplinaire.

Appréciation de la Cour

Le caractère contraignant du MCV

La Cour, réunie en grande chambre, a confirmé sa jurisprudence issue d’un arrêt antérieur, selon laquelle le MCV est obligatoire dans tous ses éléments pour la Roumanie{8}. Ainsi, les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions de l’Union lient la Roumanie depuis la date de son adhésion. C’est le cas de la décision 2006/928, qui est obligatoire dans tous ses éléments pour la Roumanie tant qu’elle n’a pas été abrogée. Les objectifs de référence qui visent à assurer le respect de l’État de droit revêtent également un caractère contraignant. La Roumanie est ainsi tenue de prendre les mesures appropriées aux fins de la réalisation de ces objectifs, en tenant compte des recommandations formulées dans les rapports établis par la Commission{9}.

L’obligation de prévoir des sanctions effectives et dissuasives pour des infractions de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou de corruption

Le droit de l’Union s’oppose à l’application d’une jurisprudence de la Cour constitutionnelle conduisant à l’annulation des jugements rendus par des formations de jugement irrégulièrement composées, dans la mesure où celle-ci, combinée avec les dispositions nationales en matière de prescription, crée un risque systémique d’impunité des faits constitutifs d’infractions graves de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou de corruption.

Tout d’abord, même si les règles gouvernant l’organisation de la justice dans les États membres, notamment celle relative à la composition des formations de jugement en matière de fraude et de corruption, relèvent en principe de la compétence de ces États, la Cour rappelle que ceux-ci sont toutefois tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union.

Figure parmi de telles obligations la lutte contre toute activité illégale, laquelle comprend les infractions de corruption, qui porte atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives{10}. S’agissant de la Roumanie, cette obligation est complétée par l’obligation de cet État membre, résultant de la décision 2006/928, de lutter de manière effective contre la corruption et, en particulier, la corruption de haut niveau.

L’exigence d’effectivité en découlant s’étend nécessairement tant aux poursuites et sanctions de ces infractions qu’à l’application des peines infligées dans la mesure où, en l’absence d’exécution effective des sanctions des infractions de fraude portant atteinte à ces intérêts et de corruption en général, celles-ci ne sauraient être effectives et dissuasives. Ensuite, la Cour relève qu’il incombe, au premier chef, au législateur national de prendre les mesures nécessaires aux fins de garantir que le régime procédural applicable auxdites infractions ne présente pas un risque systémique d’impunité. Quant aux juridictions nationales, elles doivent laisser inappliquées les dispositions internes faisant obstacle à l’application de sanctions effectives et dissuasives.

En l’occurrence, l’application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en cause a pour conséquence que les affaires de fraude et de corruption concernées doivent être réexaminées, le cas échéant à plusieurs reprises, en première instance et/ou en appel. Au vu de sa complexité et de sa durée, un tel réexamen a nécessairement pour effet de prolonger la durée des procédures pénales correspondantes. Or, outre le fait que la Roumanie s’était engagée à réduire la durée de la procédure pour les affaires de corruption, la Cour rappelle que, compte tenu des obligations spécifiques incombant à la Roumanie en vertu de la décision 2006/928, la réglementation et la pratique nationales en cette matière ne sauraient avoir pour conséquence de prolonger la durée des enquêtes concernant les infractions de corruption ou d’affaiblir de quelque autre manière que ce soit la lutte contre la corruption{11}. Par ailleurs, compte tenu des règles nationales de prescription, le réexamen des affaires en cause pourrait conduire à la prescription des infractions et empêcher que soient sanctionnées, de manière effective et dissuasive, les personnes occupant les plus hauts postes de l’État roumain et ayant été condamnées pour avoir commis, dans l’exercice de leurs fonctions, des actes de fraude et/ou de corruption graves. Partant, le risque d’impunité deviendrait systémique pour cette catégorie de personnes et remettrait en cause l’objectif de lutte contre la corruption de haut niveau.

Enfin, la Cour rappelle que l’obligation d’assurer que de telles infractions font l’objet de sanctions pénales revêtant un caractère effectif et dissuasif ne dispense pas la juridiction de renvoi de la vérification du respect nécessaire des droits fondamentaux garantis à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sans que cette juridiction puisse appliquer un standard national de protection des droits fondamentaux comportant un tel risque systémique d’impunité. Or, les exigences découlant de cet article ne font pas obstacle à une éventuelle non-application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative à la spécialisation et à la composition des formations des jugements en matière de corruption.

La garantie d’indépendance des juges

Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les décisions de la Cour constitutionnelle lient les juridictions de droit commun, à condition que l’indépendance de cette Cour à l’égard notamment des pouvoirs législatif et exécutif soit garantie. En revanche, ce droit s’oppose à ce que la responsabilité disciplinaire des juges nationaux soit engagée par toute méconnaissance de telles décisions.

Premièrement, dès lors que l’existence d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l’Union est inhérente à un État de droit, toute juridiction appelée à appliquer ou interpréter le droit de l’Union doit satisfaire aux exigences d’une protection juridictionnelle effective. Pour ce faire, l’indépendance des juridictions est primordiale. À cet égard, les juges doivent être à l’abri d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles de mettre en péril leur indépendance. En outre, conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, l’indépendance des juridictions doit notamment être garantie à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif.

Deuxièmement, même si le droit de l’Union n’impose pas aux États membres un modèle constitutionnel précis régissant les rapports entre les différents pouvoirs étatiques, la Cour relève que les États membres n’en doivent pas moins respecter, notamment, les exigences d’indépendance des juridictions qui découlent de ce droit. Dans ces conditions, les décisions de la Cour constitutionnelle peuvent lier les juridictions de droit commun, pourvu que le droit national garantisse l’indépendance de cette juridiction à l’égard, notamment, des pouvoirs législatif et exécutif. En revanche, si le droit national ne garantit pas cette indépendance, le droit de l’Union s’oppose à une telle réglementation ou pratique nationale, une telle cour constitutionnelle n’étant pas à même d’assurer la protection juridictionnelle effective requise par ce droit.

Troisièmement, aux fins de préserver l’indépendance des juridictions, le régime disciplinaire doit présenter les garanties nécessaires afin d’éviter tout risque d’utilisation d’un tel régime en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires. À cet égard, le fait qu’une décision judiciaire comporte une éventuelle erreur dans l’interprétation et l’application des règles de droit national et de l’Union, ou dans l’appréciation des faits et l’évaluation des preuves, ne peut, à lui seul, conduire à engager la responsabilité disciplinaire du juge concerné. En effet, l’engagement de la responsabilité disciplinaire d’un juge du fait d’une décision judiciaire doit être limité à des cas tout à fait exceptionnels et encadré par des garanties visant à éviter tout risque de pressions extérieures sur le contenu des décisions judiciaires. Une réglementation nationale selon laquelle toute méconnaissance des décisions de la Cour constitutionnelle par les juges nationaux de droit commun est de nature à engager leur responsabilité disciplinaire ne respecte pas ces conditions.

La primauté du droit de l’Union Le principe de primauté du droit de l’Union s’oppose à ce que les juridictions nationales ne puissent, sous peine de sanctions disciplinaires, laisser inappliquées les décisions de la Cour constitutionnelle contraires au droit de l’Union. La Cour rappelle que, dans sa jurisprudence relative au traité CEE, elle a posé le principe de la primauté du droit communautaire, compris comme consacrant la prééminence de ce droit sur le droit des États membres. À cet égard, la Cour a constaté que l’institution par le traité CEE d’un ordre juridique propre, accepté par les États membres sur une base de réciprocité, a pour corollaire qu’ils ne sauraient faire prévaloir contre cet ordre juridique une mesure unilatérale ultérieure, ni opposer au droit né du traité CEE des règles de droit national quelles qu’elles soient, sans faire perdre à ce droit son caractère communautaire et sans mettre en cause la base juridique de la Communauté elle-même. En outre, la force exécutive du droit communautaire ne saurait varier d’un État membre à l’autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité CEE, ni provoquer une discrimination en raison de la nationalité interdite par ce traité. La Cour a ainsi considéré que, bien que conclu sous la forme d’un accord international, le traité CEE constitue la charte constitutionnelle d’une communauté de droit et que les caractéristiques essentielles de l’ordre juridique communautaire ainsi constitué sont, en particulier, sa primauté par rapport aux droits des États membres ainsi que l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes. Or, la Cour relève que ces caractéristiques essentielles de l’ordre juridique de l’Union et l’importance du respect qui lui est dû ont été confirmées par la ratification, sans réserve, des traités modifiant le traité CEE et, notamment, du traité de Lisbonne. En effet, lors de l’adoption

de ce traité, la conférence des représentants des gouvernements des États membres a tenu à rappeler expressément, dans sa déclaration nº 17 relative à la primauté, annexée à l’acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment sur le droit des États membres, dans les conditions définies par cette jurisprudence. La Cour ajoute que, l’article 4, paragraphe 2, TUE prévoyant que l’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités, celle-ci ne saurait respecter une telle égalité que si les États membres sont, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, dans l’impossibilité de faire prévaloir, contre l’ordre juridique de l’Union, une mesure unilatérale, quelle qu’elle soit. Dans ce contexte, la Cour relève encore que, dans l’exercice de sa compétence exclusive pour fournir l’interprétation définitive du droit de l’Union, il lui appartient de préciser la portée du principe de primauté du droit de l’Union au regard des dispositions pertinentes de ce droit, cette portée ne pouvant pas dépendre de l’interprétation de dispositions du droit national, ni de l’interprétation de dispositions du droit de l’Union retenue par une juridiction nationale, qui ne correspond pas à celle de la Cour. Selon la Cour, les effets s’attachant au principe de primauté du droit de l’Union s’imposent à l’ensemble des organes d’un État membre, sans que les dispositions internes, y compris d’ordre constitutionnel, puissent y faire obstacle. Les juridictions nationales sont tenues de laisser inappliquée, de leur propre autorité, toute réglementation ou pratique nationale contraire à une disposition du droit de l’Union qui est d’effet direct, sans qu’elles aient à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette réglementation ou pratique nationale par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel. Par a

illeurs, le fait, pour les juges nationaux, de ne pas être exposés à des procédures ou à des sanctions disciplinaires pour avoir exercé la faculté de saisir la Cour au titre de l’article 267 TFUE, laquelle relève de leur compétence exclusive, constitue une garantie inhérente à leur l’indépendance. Ainsi, dans l’hypothèse où un juge national de droit commun considèrerait, à la lumière d’un arrêt de la Cour, que la jurisprudence de la cour constitutionnelle nationale est contraire au droit de l’Union, le fait que ce juge national laisserait inappliquée ladite jurisprudence ne saurait engager sa responsabilité disciplinaire. {1} Arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C-83/19, C-127/19, C-195/19, C-291/19, C-355/19 et C-397/19, EU:C:2021:393). {2} Décision 2006/928/CE de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption (JO 2006, L 354, p. 56). {3} Arrêt du 3 juillet 2019, nº 417/2019. {4} Arrêt du 7 novembre 2018, nº 685/2018. {5} Arrêts du 16 février 2016, nº 51/2016, du 4 mai 2017, nº 302/2017 et du 16 janvier 2019, nº 26/2019. {6} Article 2 et article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, article 325, paragraphe 1, TFUE, article 2 de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Bruxelles le 26 juillet 1995 et annexée à l’acte du Conseil, du 26 juillet 1995 (JO 1995, C 316, p. 48), ainsi que décision 2006/928. {7} D’après l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 6 mars 2018, nº 104/2018, la décision 2006/928 ne saurait constituer une norme de référence dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité. {8} Arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C-83/19,

C-127/19, C-195/19, C-291/19, C-355/19 et C-397/19, EU:C:2021:393). {9} Au titre du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE. {10} Conformément à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. {11} Point I., 5), de l’annexe IX de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203).

Arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a. (C-357/19, C-379/19, C-547/19, C-811/19 et C-840/19) (cf. points 190-194, 197, 200-203, 213, disp. 2)

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Ordonnance du 7 novembre 2022, FX e.a. (Effet des arrêts d’une Cour constitutionnelle III) (C-859/19, C-926/19 et C-929/19) (cf. points 92-98)

193. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Obligation du juge national - Respect des droits fondamentaux - Droit à une protection juridictionnelle effective - Droit à un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi - Portée - Tirage au sort des juges en matière de corruption - Spécialisation des juges en matière de corruption - Application d'un standard national de protection comportant un risque systémique d'impunité - Inadmissibilité

Les présentes affaires s’inscrivent dans le prolongement de la réforme de la justice en matière de lutte contre la corruption en Roumanie, qui a déjà fait l’objet d’un arrêt précédent de la Cour{1}. Cette réforme fait l’objet d’un suivi à l’échelle de l’Union européenne depuis l’année 2007 en vertu du mécanisme de coopération et de vérification institué par la décision 2006/928{2} à l’occasion de l’adhésion de la Roumanie à l’Union (ci-après le « MCV »).

Dans le cadre de ces affaires se pose la question de savoir si l’application de la jurisprudence issue de différentes décisions de la Curtea Constituțională a României (Cour constitutionnelle, Roumanie) relatives aux règles de procédure pénale applicables en matière de fraude et de corruption est susceptible de violer le droit de l’Union, notamment les dispositions de ce droit visant à protéger les intérêts financiers de l’Union, la garantie d’indépendance des juges et la valeur de l’État de droit, de même que le principe de primauté du droit de l’Union.

Dans les affaires C-357/19, C-547/19, C-811/19 et C-840/19, l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie, ci-après la « HCCJ ») avait condamné plusieurs personnes, y compris d’anciens parlementaires et ministres, pour des infractions de fraude à la TVA, ainsi que de corruption et de trafic d’influence, notamment en relation avec la gestion de fonds européens. La Cour constitutionnelle a annulé ces décisions en raison de la composition illégale des formations de jugement, au motif, d’une part, que les affaires sur lesquelles la HCCJ avait statué en première instance auraient dû être jugées par une formation spécialisée en matière de corruption{3} et, d’autre part, que, dans les affaires sur lesquelles la HCCJ avait statué en appel, tous les juges de la formation de jugement auraient dû être désignés par tirage au sort{4}.

Dans l’affaire C-379/19, des poursuites pénales ont été engagées devant le Tribunalul Bihor (tribunal de grande instance de Bihor, Roumanie) à l’encontre de plusieurs personnes accusées d’infractions de corruption et de trafic d’influence. Dans le cadre d’une demande d’exclusion de preuves, ce tribunal est confronté à l’application d’une jurisprudence de la Cour constitutionnelle qui a déclaré inconstitutionnelle la collecte de preuves en matière pénale effectuée avec la participation du service roumain de renseignements, entraînant l’exclusion rétroactive des preuves concernées de la procédure pénale{5}.

Dans ces contextes, la HCCJ et le tribunal de grande instance de Bihor ont interrogé la Cour sur la conformité de ces décisions de la Cour constitutionnelle au droit de l’Union{6}. Tout d’abord, le tribunal de grande instance de Bihor s’interroge sur le caractère obligatoire du MCV et des rapports établis par la Commission dans le cadre de ce mécanisme{7}. Ensuite, la HCCJ soulève la question d’un éventuel risque systémique d’impunité en matière de lutte contre la fraude et la corruption. Enfin, ces juridictions demandent également si les principes de primauté du droit de l’Union et d’indépendance des juges leur permettent de laisser inappliquée une décision de la Cour constitutionnelle, alors qu’en vertu du droit roumain, le non-respect par les magistrats d’une décision de la Cour constitutionnelle constitue une faute disciplinaire.

Appréciation de la Cour

Le caractère contraignant du MCV

La Cour, réunie en grande chambre, a confirmé sa jurisprudence issue d’un arrêt antérieur, selon laquelle le MCV est obligatoire dans tous ses éléments pour la Roumanie{8}. Ainsi, les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions de l’Union lient la Roumanie depuis la date de son adhésion. C’est le cas de la décision 2006/928, qui est obligatoire dans tous ses éléments pour la Roumanie tant qu’elle n’a pas été abrogée. Les objectifs de référence qui visent à assurer le respect de l’État de droit revêtent également un caractère contraignant. La Roumanie est ainsi tenue de prendre les mesures appropriées aux fins de la réalisation de ces objectifs, en tenant compte des recommandations formulées dans les rapports établis par la Commission{9}.

L’obligation de prévoir des sanctions effectives et dissuasives pour des infractions de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou de corruption

Le droit de l’Union s’oppose à l’application d’une jurisprudence de la Cour constitutionnelle conduisant à l’annulation des jugements rendus par des formations de jugement irrégulièrement composées, dans la mesure où celle-ci, combinée avec les dispositions nationales en matière de prescription, crée un risque systémique d’impunité des faits constitutifs d’infractions graves de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union ou de corruption.

Tout d’abord, même si les règles gouvernant l’organisation de la justice dans les États membres, notamment celle relative à la composition des formations de jugement en matière de fraude et de corruption, relèvent en principe de la compétence de ces États, la Cour rappelle que ceux-ci sont toutefois tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union.

Figure parmi de telles obligations la lutte contre toute activité illégale, laquelle comprend les infractions de corruption, qui porte atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives{10}. S’agissant de la Roumanie, cette obligation est complétée par l’obligation de cet État membre, résultant de la décision 2006/928, de lutter de manière effective contre la corruption et, en particulier, la corruption de haut niveau.

L’exigence d’effectivité en découlant s’étend nécessairement tant aux poursuites et sanctions de ces infractions qu’à l’application des peines infligées dans la mesure où, en l’absence d’exécution effective des sanctions des infractions de fraude portant atteinte à ces intérêts et de corruption en général, celles-ci ne sauraient être effectives et dissuasives. Ensuite, la Cour relève qu’il incombe, au premier chef, au législateur national de prendre les mesures nécessaires aux fins de garantir que le régime procédural applicable auxdites infractions ne présente pas un risque systémique d’impunité. Quant aux juridictions nationales, elles doivent laisser inappliquées les dispositions internes faisant obstacle à l’application de sanctions effectives et dissuasives.

En l’occurrence, l’application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en cause a pour conséquence que les affaires de fraude et de corruption concernées doivent être réexaminées, le cas échéant à plusieurs reprises, en première instance et/ou en appel. Au vu de sa complexité et de sa durée, un tel réexamen a nécessairement pour effet de prolonger la durée des procédures pénales correspondantes. Or, outre le fait que la Roumanie s’était engagée à réduire la durée de la procédure pour les affaires de corruption, la Cour rappelle que, compte tenu des obligations spécifiques incombant à la Roumanie en vertu de la décision 2006/928, la réglementation et la pratique nationales en cette matière ne sauraient avoir pour conséquence de prolonger la durée des enquêtes concernant les infractions de corruption ou d’affaiblir de quelque autre manière que ce soit la lutte contre la corruption{11}. Par ailleurs, compte tenu des règles nationales de prescription, le réexamen des affaires en cause pourrait conduire à la prescription des infractions et empêcher que soient sanctionnées, de manière effective et dissuasive, les personnes occupant les plus hauts postes de l’État roumain et ayant été condamnées pour avoir commis, dans l’exercice de leurs fonctions, des actes de fraude et/ou de corruption graves. Partant, le risque d’impunité deviendrait systémique pour cette catégorie de personnes et remettrait en cause l’objectif de lutte contre la corruption de haut niveau.

Enfin, la Cour rappelle que l’obligation d’assurer que de telles infractions font l’objet de sanctions pénales revêtant un caractère effectif et dissuasif ne dispense pas la juridiction de renvoi de la vérification du respect nécessaire des droits fondamentaux garantis à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sans que cette juridiction puisse appliquer un standard national de protection des droits fondamentaux comportant un tel risque systémique d’impunité. Or, les exigences découlant de cet article ne font pas obstacle à une éventuelle non-application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative à la spécialisation et à la composition des formations des jugements en matière de corruption.

La garantie d’indépendance des juges

Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les décisions de la Cour constitutionnelle lient les juridictions de droit commun, à condition que l’indépendance de cette Cour à l’égard notamment des pouvoirs législatif et exécutif soit garantie. En revanche, ce droit s’oppose à ce que la responsabilité disciplinaire des juges nationaux soit engagée par toute méconnaissance de telles décisions.

Premièrement, dès lors que l’existence d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l’Union est inhérente à un État de droit, toute juridiction appelée à appliquer ou interpréter le droit de l’Union doit satisfaire aux exigences d’une protection juridictionnelle effective. Pour ce faire, l’indépendance des juridictions est primordiale. À cet égard, les juges doivent être à l’abri d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles de mettre en péril leur indépendance. En outre, conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, l’indépendance des juridictions doit notamment être garantie à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif.

Deuxièmement, même si le droit de l’Union n’impose pas aux États membres un modèle constitutionnel précis régissant les rapports entre les différents pouvoirs étatiques, la Cour relève que les États membres n’en doivent pas moins respecter, notamment, les exigences d’indépendance des juridictions qui découlent de ce droit. Dans ces conditions, les décisions de la Cour constitutionnelle peuvent lier les juridictions de droit commun, pourvu que le droit national garantisse l’indépendance de cette juridiction à l’égard, notamment, des pouvoirs législatif et exécutif. En revanche, si le droit national ne garantit pas cette indépendance, le droit de l’Union s’oppose à une telle réglementation ou pratique nationale, une telle cour constitutionnelle n’étant pas à même d’assurer la protection juridictionnelle effective requise par ce droit.

Troisièmement, aux fins de préserver l’indépendance des juridictions, le régime disciplinaire doit présenter les garanties nécessaires afin d’éviter tout risque d’utilisation d’un tel régime en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires. À cet égard, le fait qu’une décision judiciaire comporte une éventuelle erreur dans l’interprétation et l’application des règles de droit national et de l’Union, ou dans l’appréciation des faits et l’évaluation des preuves, ne peut, à lui seul, conduire à engager la responsabilité disciplinaire du juge concerné. En effet, l’engagement de la responsabilité disciplinaire d’un juge du fait d’une décision judiciaire doit être limité à des cas tout à fait exceptionnels et encadré par des garanties visant à éviter tout risque de pressions extérieures sur le contenu des décisions judiciaires. Une réglementation nationale selon laquelle toute méconnaissance des décisions de la Cour constitutionnelle par les juges nationaux de droit commun est de nature à engager leur responsabilité disciplinaire ne respecte pas ces conditions.

La primauté du droit de l’Union Le principe de primauté du droit de l’Union s’oppose à ce que les juridictions nationales ne puissent, sous peine de sanctions disciplinaires, laisser inappliquées les décisions de la Cour constitutionnelle contraires au droit de l’Union. La Cour rappelle que, dans sa jurisprudence relative au traité CEE, elle a posé le principe de la primauté du droit communautaire, compris comme consacrant la prééminence de ce droit sur le droit des États membres. À cet égard, la Cour a constaté que l’institution par le traité CEE d’un ordre juridique propre, accepté par les États membres sur une base de réciprocité, a pour corollaire qu’ils ne sauraient faire prévaloir contre cet ordre juridique une mesure unilatérale ultérieure, ni opposer au droit né du traité CEE des règles de droit national quelles qu’elles soient, sans faire perdre à ce droit son caractère communautaire et sans mettre en cause la base juridique de la Communauté elle-même. En outre, la force exécutive du droit communautaire ne saurait varier d’un État membre à l’autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité CEE, ni provoquer une discrimination en raison de la nationalité interdite par ce traité. La Cour a ainsi considéré que, bien que conclu sous la forme d’un accord international, le traité CEE constitue la charte constitutionnelle d’une communauté de droit et que les caractéristiques essentielles de l’ordre juridique communautaire ainsi constitué sont, en particulier, sa primauté par rapport aux droits des États membres ainsi que l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes. Or, la Cour relève que ces caractéristiques essentielles de l’ordre juridique de l’Union et l’importance du respect qui lui est dû ont été confirmées par la ratification, sans réserve, des traités modifiant le traité CEE et, notamment, du traité de Lisbonne. En effet, lors de l’adoption

de ce traité, la conférence des représentants des gouvernements des États membres a tenu à rappeler expressément, dans sa déclaration nº 17 relative à la primauté, annexée à l’acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment sur le droit des États membres, dans les conditions définies par cette jurisprudence. La Cour ajoute que, l’article 4, paragraphe 2, TUE prévoyant que l’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités, celle-ci ne saurait respecter une telle égalité que si les États membres sont, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, dans l’impossibilité de faire prévaloir, contre l’ordre juridique de l’Union, une mesure unilatérale, quelle qu’elle soit. Dans ce contexte, la Cour relève encore que, dans l’exercice de sa compétence exclusive pour fournir l’interprétation définitive du droit de l’Union, il lui appartient de préciser la portée du principe de primauté du droit de l’Union au regard des dispositions pertinentes de ce droit, cette portée ne pouvant pas dépendre de l’interprétation de dispositions du droit national, ni de l’interprétation de dispositions du droit de l’Union retenue par une juridiction nationale, qui ne correspond pas à celle de la Cour. Selon la Cour, les effets s’attachant au principe de primauté du droit de l’Union s’imposent à l’ensemble des organes d’un État membre, sans que les dispositions internes, y compris d’ordre constitutionnel, puissent y faire obstacle. Les juridictions nationales sont tenues de laisser inappliquée, de leur propre autorité, toute réglementation ou pratique nationale contraire à une disposition du droit de l’Union qui est d’effet direct, sans qu’elles aient à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette réglementation ou pratique nationale par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel. Par a

illeurs, le fait, pour les juges nationaux, de ne pas être exposés à des procédures ou à des sanctions disciplinaires pour avoir exercé la faculté de saisir la Cour au titre de l’article 267 TFUE, laquelle relève de leur compétence exclusive, constitue une garantie inhérente à leur l’indépendance. Ainsi, dans l’hypothèse où un juge national de droit commun considèrerait, à la lumière d’un arrêt de la Cour, que la jurisprudence de la cour constitutionnelle nationale est contraire au droit de l’Union, le fait que ce juge national laisserait inappliquée ladite jurisprudence ne saurait engager sa responsabilité disciplinaire. {1} Arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C-83/19, C-127/19, C-195/19, C-291/19, C-355/19 et C-397/19, EU:C:2021:393). {2} Décision 2006/928/CE de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption (JO 2006, L 354, p. 56). {3} Arrêt du 3 juillet 2019, nº 417/2019. {4} Arrêt du 7 novembre 2018, nº 685/2018. {5} Arrêts du 16 février 2016, nº 51/2016, du 4 mai 2017, nº 302/2017 et du 16 janvier 2019, nº 26/2019. {6} Article 2 et article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, article 325, paragraphe 1, TFUE, article 2 de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Bruxelles le 26 juillet 1995 et annexée à l’acte du Conseil, du 26 juillet 1995 (JO 1995, C 316, p. 48), ainsi que décision 2006/928. {7} D’après l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 6 mars 2018, nº 104/2018, la décision 2006/928 ne saurait constituer une norme de référence dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité. {8} Arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C-83/19,

C-127/19, C-195/19, C-291/19, C-355/19 et C-397/19, EU:C:2021:393). {9} Au titre du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE. {10} Conformément à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. {11} Point I., 5), de l’annexe IX de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203).

Arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a. (C-357/19, C-379/19, C-547/19, C-811/19 et C-840/19) (cf. points 204-206, 211-213, disp. 2)

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Ordonnance du 7 novembre 2022, FX e.a. (Effet des arrêts d’une Cour constitutionnelle III) (C-859/19, C-926/19 et C-929/19) (cf. points 99-101, 104, disp. 1)

194. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Intérêts compensatoires - Intérêts moratoires - Distinction - Mesure d'exécution d'un arrêt du juge de l'Union annulant partiellement une amende et opérant une réduction de son montant

Par décision du 15 octobre 2014{1}, la Commission européenne a infligé à la société Deutsche Telekom AG (ci-après « Deutsche Telekom ») une amende de 31 070 000 euros pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit, en violation de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE.

Deutsche Telekom a introduit un recours en annulation de cette décision, tout en payant l’amende le 16 janvier 2015. Par son arrêt du 13 décembre 2018{2}, le Tribunal a partiellement accueilli le recours de Deutsche Telekom et, en exerçant sa compétence de pleine juridiction, a réduit le montant de l’amende de 12 039 019 euros. Le 19 février 2019, la Commission a remboursé ce montant à Deutsche Telekom.

Par lettre du 28 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, en revanche, refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts moratoires pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue (ci-après la « période en cause »).

Ainsi, Deutsche Telekom a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée ainsi qu’à la condamnation de la Commission à payer une indemnisation pour le manque à gagner en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, du montant principal de la partie de l’amende indûment payée ou, à titre subsidiaire, à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison du refus de la Commission de verser des intérêts moratoires sur ce montant.

Par son arrêt, la septième chambre élargie du Tribunal accueille partiellement le recours en annulation et en indemnité de Deutsche Telekom. Dans ce cadre, il apporte des clarifications quant à l’obligation de la Commission de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant d’une amende qui, à la suite d’un arrêt du juge de l’Union, doit être remboursée à l’entreprise concernée.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal rejette la demande de Deutsche Telekom tendant à l’indemnisation, au titre de la responsabilité non contractuelle de l’Union, de son prétendu manque à gagner qui aurait été subi en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, de la partie de l’amende indûment payée et qui correspondrait au rendement annuel de ses capitaux engagés ou au coût moyen pondéré de son capital.

À cet égard, le Tribunal rappelle que la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonnée à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, la réalité du dommage ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre la violation et le préjudice subi, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver.

Or, en l’espèce, Deutsche Telekom est restée en défaut d’apporter des preuves concluantes du caractère réel et certain du préjudice invoqué. Plus particulièrement, Deutsche Telekom n’a ni démontré qu’elle aurait nécessairement investi le montant de l’amende indûment payé dans ses activités, ni que la privation de la jouissance dudit montant l’a conduite à renoncer à des projets spécifiques et concrets. Dans ce cadre, Deutsche Telekom n’a pas non plus démontré qu’elle n’aurait pas disposé des fonds nécessaires pour saisir une opportunité d’investissement.

En second lieu, le Tribunal se penche sur la demande en indemnité introduite à titre subsidiaire par Deutsche Telekom pour violation de l’article 266 TFUE, dont le premier alinéa prévoit l’obligation pour les institutions dont un acte est annulé par un arrêt du juge de l’Union de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

Le Tribunal observe, d’une part, que, en imposant aux institutions l’obligation de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution des arrêts du juge de l’Union, l’article 266, premier alinéa, TFUE confère des droits aux particuliers ayant obtenu gain de cause devant ce juge. D’autre part, le Tribunal rappelle que les intérêts moratoires représentent une composante indispensable de l’obligation de remise en état qui pèse sur les institutions en vertu de cette disposition. En cas d’annulation et de réduction d’une amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, il découle, par conséquent, de cette disposition une obligation de la Commission de restituer le montant de l’amende indûment payé, majoré des intérêts moratoires.

Le Tribunal précise que, étant donné, d’une part, que la réglementation financière applicable{3} prévoit une créance de restitution au bénéfice de la société ayant payé à titre provisoire une amende ultérieurement annulée et réduite et, d’autre part, que l’annulation et la réduction du montant de l’amende opérée par le juge de l’Union a un effet rétroactif, la créance de Deutsche Telekom existait et était certaine quant à son montant maximal à la date du paiement provisoire de l’amende. La Commission était donc tenue, en application de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant de l’amende jugée indue par le Tribunal, pour toute la période en cause. Cette obligation vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance liée à un retard objectif et à inciter la Commission à faire preuve d’une attention particulière lors de l’adoption d’une décision impliquant le paiement d’une amende.

Le Tribunal ajoute que, contrairement à ce qui a été avancé par la Commission, l’obligation de verser des intérêts moratoires ne se heurte pas à la fonction dissuasive des amendes dans les affaires de concurrence, dans la mesure où cette fonction dissuasive est nécessairement prise en compte par le juge de l’Union lorsqu’il exerce sa compétence de pleine juridiction pour réduire, avec effet rétroactif, le montant d’une amende. Par ailleurs, la fonction dissuasive des amendes doit être conciliée avec le principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dont le respect est assuré au moyen du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende.

Le Tribunal rejette également les autres arguments avancés par la Commission.

D’une part, même si le montant de l’amende payée par la requérante n’a pas produit d’intérêts pendant qu’il était en possession de la Commission, cette dernière était tenue, à la suite de l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2018, de rembourser à la requérante la partie du montant de l’amende jugée indue, assortie d’intérêts moratoires, sans que l’article 90 du règlement délégué nº 1268/2012, qui traite du recouvrement des amendes, y fasse obstacle. En outre, l’obligation de verser des intérêts moratoires découle directement de l’article 266, premier alinéa, TFUE et la Commission n’est pas habilitée à arrêter, par une décision individuelle, les conditions dans lesquelles elle versera des intérêts moratoires en cas d’annulation de la décision ayant infligé une amende et de réduction du montant de celle-ci.

D’autre part, les intérêts dus en l’espèce sont des intérêts moratoires et non des intérêts compensatoires. En effet, la créance principale de Deutsche Telekom était une créance de restitution qui était liée au paiement d’une amende qui avait été effectué à titre provisoire. Cette créance existait et était certaine quant à son montant maximal ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis à la date dudit paiement.

Compte tenu du fait que la Commission était tenue de rembourser à Deutsche Telekom la partie de l’amende payée indûment, assortie d’intérêts moratoires, et qu’elle ne disposait d’aucune marge d’appréciation à cet égard, le Tribunal conclut que le refus de verser lesdits intérêts à Deutsche Telekom constitue une violation caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE, qui fait naître la responsabilité non contractuelle de l’Union. Eu égard à l’existence d’un lien direct entre la violation constatée et le préjudice qui consiste dans la perte, au cours de la période en cause, des intérêts moratoires sur la partie de l’amende payée indûment, le Tribunal accorde à Deutsche Telekom une indemnité de 1 750 522,38 euros, calculée au moyen de l’application, par analogie, du taux prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué nº 1268/2012, à savoir le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en janvier 2015, soit 0,05 %, majoré de trois points et demi de pourcentage.

{1} Décision C(2014) 7465 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 - Slovak Telekom), rectifiée par sa décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par sa décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015.

{2} Arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T-827/14, EU:T:2018:930).

{3} Règlement délégué (UE) nº 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1) et règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

Arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom / Commission (T-610/19) (cf. points 107-110)

195. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement par la Commission d'une amende annulée et réduite par le juge de l'Union - Détermination du taux des intérêts dus - Paiement immédiat de l'amende - Sursis de paiement assorti de la constitution d'une garantie bancaire - Distinction

Par décision du 15 octobre 2014{1}, la Commission européenne a infligé à la société Deutsche Telekom AG (ci-après « Deutsche Telekom ») une amende de 31 070 000 euros pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit, en violation de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE.

Deutsche Telekom a introduit un recours en annulation de cette décision, tout en payant l’amende le 16 janvier 2015. Par son arrêt du 13 décembre 2018{2}, le Tribunal a partiellement accueilli le recours de Deutsche Telekom et, en exerçant sa compétence de pleine juridiction, a réduit le montant de l’amende de 12 039 019 euros. Le 19 février 2019, la Commission a remboursé ce montant à Deutsche Telekom.

Par lettre du 28 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, en revanche, refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts moratoires pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue (ci-après la « période en cause »).

Ainsi, Deutsche Telekom a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée ainsi qu’à la condamnation de la Commission à payer une indemnisation pour le manque à gagner en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, du montant principal de la partie de l’amende indûment payée ou, à titre subsidiaire, à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison du refus de la Commission de verser des intérêts moratoires sur ce montant.

Par son arrêt, la septième chambre élargie du Tribunal accueille partiellement le recours en annulation et en indemnité de Deutsche Telekom. Dans ce cadre, il apporte des clarifications quant à l’obligation de la Commission de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant d’une amende qui, à la suite d’un arrêt du juge de l’Union, doit être remboursée à l’entreprise concernée.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal rejette la demande de Deutsche Telekom tendant à l’indemnisation, au titre de la responsabilité non contractuelle de l’Union, de son prétendu manque à gagner qui aurait été subi en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, de la partie de l’amende indûment payée et qui correspondrait au rendement annuel de ses capitaux engagés ou au coût moyen pondéré de son capital.

À cet égard, le Tribunal rappelle que la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonnée à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, la réalité du dommage ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre la violation et le préjudice subi, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver.

Or, en l’espèce, Deutsche Telekom est restée en défaut d’apporter des preuves concluantes du caractère réel et certain du préjudice invoqué. Plus particulièrement, Deutsche Telekom n’a ni démontré qu’elle aurait nécessairement investi le montant de l’amende indûment payé dans ses activités, ni que la privation de la jouissance dudit montant l’a conduite à renoncer à des projets spécifiques et concrets. Dans ce cadre, Deutsche Telekom n’a pas non plus démontré qu’elle n’aurait pas disposé des fonds nécessaires pour saisir une opportunité d’investissement.

En second lieu, le Tribunal se penche sur la demande en indemnité introduite à titre subsidiaire par Deutsche Telekom pour violation de l’article 266 TFUE, dont le premier alinéa prévoit l’obligation pour les institutions dont un acte est annulé par un arrêt du juge de l’Union de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

Le Tribunal observe, d’une part, que, en imposant aux institutions l’obligation de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution des arrêts du juge de l’Union, l’article 266, premier alinéa, TFUE confère des droits aux particuliers ayant obtenu gain de cause devant ce juge. D’autre part, le Tribunal rappelle que les intérêts moratoires représentent une composante indispensable de l’obligation de remise en état qui pèse sur les institutions en vertu de cette disposition. En cas d’annulation et de réduction d’une amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, il découle, par conséquent, de cette disposition une obligation de la Commission de restituer le montant de l’amende indûment payé, majoré des intérêts moratoires.

Le Tribunal précise que, étant donné, d’une part, que la réglementation financière applicable{3} prévoit une créance de restitution au bénéfice de la société ayant payé à titre provisoire une amende ultérieurement annulée et réduite et, d’autre part, que l’annulation et la réduction du montant de l’amende opérée par le juge de l’Union a un effet rétroactif, la créance de Deutsche Telekom existait et était certaine quant à son montant maximal à la date du paiement provisoire de l’amende. La Commission était donc tenue, en application de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant de l’amende jugée indue par le Tribunal, pour toute la période en cause. Cette obligation vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance liée à un retard objectif et à inciter la Commission à faire preuve d’une attention particulière lors de l’adoption d’une décision impliquant le paiement d’une amende.

Le Tribunal ajoute que, contrairement à ce qui a été avancé par la Commission, l’obligation de verser des intérêts moratoires ne se heurte pas à la fonction dissuasive des amendes dans les affaires de concurrence, dans la mesure où cette fonction dissuasive est nécessairement prise en compte par le juge de l’Union lorsqu’il exerce sa compétence de pleine juridiction pour réduire, avec effet rétroactif, le montant d’une amende. Par ailleurs, la fonction dissuasive des amendes doit être conciliée avec le principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dont le respect est assuré au moyen du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende.

Le Tribunal rejette également les autres arguments avancés par la Commission.

D’une part, même si le montant de l’amende payée par la requérante n’a pas produit d’intérêts pendant qu’il était en possession de la Commission, cette dernière était tenue, à la suite de l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2018, de rembourser à la requérante la partie du montant de l’amende jugée indue, assortie d’intérêts moratoires, sans que l’article 90 du règlement délégué nº 1268/2012, qui traite du recouvrement des amendes, y fasse obstacle. En outre, l’obligation de verser des intérêts moratoires découle directement de l’article 266, premier alinéa, TFUE et la Commission n’est pas habilitée à arrêter, par une décision individuelle, les conditions dans lesquelles elle versera des intérêts moratoires en cas d’annulation de la décision ayant infligé une amende et de réduction du montant de celle-ci.

D’autre part, les intérêts dus en l’espèce sont des intérêts moratoires et non des intérêts compensatoires. En effet, la créance principale de Deutsche Telekom était une créance de restitution qui était liée au paiement d’une amende qui avait été effectué à titre provisoire. Cette créance existait et était certaine quant à son montant maximal ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis à la date dudit paiement.

Compte tenu du fait que la Commission était tenue de rembourser à Deutsche Telekom la partie de l’amende payée indûment, assortie d’intérêts moratoires, et qu’elle ne disposait d’aucune marge d’appréciation à cet égard, le Tribunal conclut que le refus de verser lesdits intérêts à Deutsche Telekom constitue une violation caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE, qui fait naître la responsabilité non contractuelle de l’Union. Eu égard à l’existence d’un lien direct entre la violation constatée et le préjudice qui consiste dans la perte, au cours de la période en cause, des intérêts moratoires sur la partie de l’amende payée indûment, le Tribunal accorde à Deutsche Telekom une indemnité de 1 750 522,38 euros, calculée au moyen de l’application, par analogie, du taux prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué nº 1268/2012, à savoir le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en janvier 2015, soit 0,05 %, majoré de trois points et demi de pourcentage.

{1} Décision C(2014) 7465 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 - Slovak Telekom), rectifiée par sa décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par sa décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015.

{2} Arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T-827/14, EU:T:2018:930).

{3} Règlement délégué (UE) nº 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1) et règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

Arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom / Commission (T-610/19) (cf. points 120-123, 127-137)

196. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement par la Commission d'une amende annulée et réduite par le juge de l'Union - Obligation de payer des intérêts moratoires afférents au montant remboursé à compter de la date du paiement de l'amende - Violation de la fonction dissuasive des amendes - Absence

Par décision du 15 octobre 2014{1}, la Commission européenne a infligé à la société Deutsche Telekom AG (ci-après « Deutsche Telekom ») une amende de 31 070 000 euros pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit, en violation de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE.

Deutsche Telekom a introduit un recours en annulation de cette décision, tout en payant l’amende le 16 janvier 2015. Par son arrêt du 13 décembre 2018{2}, le Tribunal a partiellement accueilli le recours de Deutsche Telekom et, en exerçant sa compétence de pleine juridiction, a réduit le montant de l’amende de 12 039 019 euros. Le 19 février 2019, la Commission a remboursé ce montant à Deutsche Telekom.

Par lettre du 28 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, en revanche, refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts moratoires pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue (ci-après la « période en cause »).

Ainsi, Deutsche Telekom a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée ainsi qu’à la condamnation de la Commission à payer une indemnisation pour le manque à gagner en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, du montant principal de la partie de l’amende indûment payée ou, à titre subsidiaire, à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison du refus de la Commission de verser des intérêts moratoires sur ce montant.

Par son arrêt, la septième chambre élargie du Tribunal accueille partiellement le recours en annulation et en indemnité de Deutsche Telekom. Dans ce cadre, il apporte des clarifications quant à l’obligation de la Commission de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant d’une amende qui, à la suite d’un arrêt du juge de l’Union, doit être remboursée à l’entreprise concernée.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal rejette la demande de Deutsche Telekom tendant à l’indemnisation, au titre de la responsabilité non contractuelle de l’Union, de son prétendu manque à gagner qui aurait été subi en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, de la partie de l’amende indûment payée et qui correspondrait au rendement annuel de ses capitaux engagés ou au coût moyen pondéré de son capital.

À cet égard, le Tribunal rappelle que la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonnée à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, la réalité du dommage ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre la violation et le préjudice subi, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver.

Or, en l’espèce, Deutsche Telekom est restée en défaut d’apporter des preuves concluantes du caractère réel et certain du préjudice invoqué. Plus particulièrement, Deutsche Telekom n’a ni démontré qu’elle aurait nécessairement investi le montant de l’amende indûment payé dans ses activités, ni que la privation de la jouissance dudit montant l’a conduite à renoncer à des projets spécifiques et concrets. Dans ce cadre, Deutsche Telekom n’a pas non plus démontré qu’elle n’aurait pas disposé des fonds nécessaires pour saisir une opportunité d’investissement.

En second lieu, le Tribunal se penche sur la demande en indemnité introduite à titre subsidiaire par Deutsche Telekom pour violation de l’article 266 TFUE, dont le premier alinéa prévoit l’obligation pour les institutions dont un acte est annulé par un arrêt du juge de l’Union de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

Le Tribunal observe, d’une part, que, en imposant aux institutions l’obligation de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution des arrêts du juge de l’Union, l’article 266, premier alinéa, TFUE confère des droits aux particuliers ayant obtenu gain de cause devant ce juge. D’autre part, le Tribunal rappelle que les intérêts moratoires représentent une composante indispensable de l’obligation de remise en état qui pèse sur les institutions en vertu de cette disposition. En cas d’annulation et de réduction d’une amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, il découle, par conséquent, de cette disposition une obligation de la Commission de restituer le montant de l’amende indûment payé, majoré des intérêts moratoires.

Le Tribunal précise que, étant donné, d’une part, que la réglementation financière applicable{3} prévoit une créance de restitution au bénéfice de la société ayant payé à titre provisoire une amende ultérieurement annulée et réduite et, d’autre part, que l’annulation et la réduction du montant de l’amende opérée par le juge de l’Union a un effet rétroactif, la créance de Deutsche Telekom existait et était certaine quant à son montant maximal à la date du paiement provisoire de l’amende. La Commission était donc tenue, en application de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant de l’amende jugée indue par le Tribunal, pour toute la période en cause. Cette obligation vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance liée à un retard objectif et à inciter la Commission à faire preuve d’une attention particulière lors de l’adoption d’une décision impliquant le paiement d’une amende.

Le Tribunal ajoute que, contrairement à ce qui a été avancé par la Commission, l’obligation de verser des intérêts moratoires ne se heurte pas à la fonction dissuasive des amendes dans les affaires de concurrence, dans la mesure où cette fonction dissuasive est nécessairement prise en compte par le juge de l’Union lorsqu’il exerce sa compétence de pleine juridiction pour réduire, avec effet rétroactif, le montant d’une amende. Par ailleurs, la fonction dissuasive des amendes doit être conciliée avec le principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dont le respect est assuré au moyen du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende.

Le Tribunal rejette également les autres arguments avancés par la Commission.

D’une part, même si le montant de l’amende payée par la requérante n’a pas produit d’intérêts pendant qu’il était en possession de la Commission, cette dernière était tenue, à la suite de l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2018, de rembourser à la requérante la partie du montant de l’amende jugée indue, assortie d’intérêts moratoires, sans que l’article 90 du règlement délégué nº 1268/2012, qui traite du recouvrement des amendes, y fasse obstacle. En outre, l’obligation de verser des intérêts moratoires découle directement de l’article 266, premier alinéa, TFUE et la Commission n’est pas habilitée à arrêter, par une décision individuelle, les conditions dans lesquelles elle versera des intérêts moratoires en cas d’annulation de la décision ayant infligé une amende et de réduction du montant de celle-ci.

D’autre part, les intérêts dus en l’espèce sont des intérêts moratoires et non des intérêts compensatoires. En effet, la créance principale de Deutsche Telekom était une créance de restitution qui était liée au paiement d’une amende qui avait été effectué à titre provisoire. Cette créance existait et était certaine quant à son montant maximal ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis à la date dudit paiement.

Compte tenu du fait que la Commission était tenue de rembourser à Deutsche Telekom la partie de l’amende payée indûment, assortie d’intérêts moratoires, et qu’elle ne disposait d’aucune marge d’appréciation à cet égard, le Tribunal conclut que le refus de verser lesdits intérêts à Deutsche Telekom constitue une violation caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE, qui fait naître la responsabilité non contractuelle de l’Union. Eu égard à l’existence d’un lien direct entre la violation constatée et le préjudice qui consiste dans la perte, au cours de la période en cause, des intérêts moratoires sur la partie de l’amende payée indûment, le Tribunal accorde à Deutsche Telekom une indemnité de 1 750 522,38 euros, calculée au moyen de l’application, par analogie, du taux prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué nº 1268/2012, à savoir le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en janvier 2015, soit 0,05 %, majoré de trois points et demi de pourcentage.

{1} Décision C(2014) 7465 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 - Slovak Telekom), rectifiée par sa décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par sa décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015.

{2} Arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T-827/14, EU:T:2018:930).

{3} Règlement délégué (UE) nº 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1) et règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

Arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom / Commission (T-610/19) (cf. points 91-94)

197. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement partiel par la Commission d'une amende réduite par le juge de l'Union - Compétence de la Commission pour arrêter les conditions du remboursement dans une décision individuelle - Absence

Par décision du 15 octobre 2014{1}, la Commission européenne a infligé à la société Deutsche Telekom AG (ci-après « Deutsche Telekom ») une amende de 31 070 000 euros pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit, en violation de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE.

Deutsche Telekom a introduit un recours en annulation de cette décision, tout en payant l’amende le 16 janvier 2015. Par son arrêt du 13 décembre 2018{2}, le Tribunal a partiellement accueilli le recours de Deutsche Telekom et, en exerçant sa compétence de pleine juridiction, a réduit le montant de l’amende de 12 039 019 euros. Le 19 février 2019, la Commission a remboursé ce montant à Deutsche Telekom.

Par lettre du 28 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, en revanche, refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts moratoires pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue (ci-après la « période en cause »).

Ainsi, Deutsche Telekom a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée ainsi qu’à la condamnation de la Commission à payer une indemnisation pour le manque à gagner en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, du montant principal de la partie de l’amende indûment payée ou, à titre subsidiaire, à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison du refus de la Commission de verser des intérêts moratoires sur ce montant.

Par son arrêt, la septième chambre élargie du Tribunal accueille partiellement le recours en annulation et en indemnité de Deutsche Telekom. Dans ce cadre, il apporte des clarifications quant à l’obligation de la Commission de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant d’une amende qui, à la suite d’un arrêt du juge de l’Union, doit être remboursée à l’entreprise concernée.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal rejette la demande de Deutsche Telekom tendant à l’indemnisation, au titre de la responsabilité non contractuelle de l’Union, de son prétendu manque à gagner qui aurait été subi en raison de la privation de jouissance, au cours de la période en cause, de la partie de l’amende indûment payée et qui correspondrait au rendement annuel de ses capitaux engagés ou au coût moyen pondéré de son capital.

À cet égard, le Tribunal rappelle que la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonnée à la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, la réalité du dommage ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre la violation et le préjudice subi, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver.

Or, en l’espèce, Deutsche Telekom est restée en défaut d’apporter des preuves concluantes du caractère réel et certain du préjudice invoqué. Plus particulièrement, Deutsche Telekom n’a ni démontré qu’elle aurait nécessairement investi le montant de l’amende indûment payé dans ses activités, ni que la privation de la jouissance dudit montant l’a conduite à renoncer à des projets spécifiques et concrets. Dans ce cadre, Deutsche Telekom n’a pas non plus démontré qu’elle n’aurait pas disposé des fonds nécessaires pour saisir une opportunité d’investissement.

En second lieu, le Tribunal se penche sur la demande en indemnité introduite à titre subsidiaire par Deutsche Telekom pour violation de l’article 266 TFUE, dont le premier alinéa prévoit l’obligation pour les institutions dont un acte est annulé par un arrêt du juge de l’Union de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

Le Tribunal observe, d’une part, que, en imposant aux institutions l’obligation de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution des arrêts du juge de l’Union, l’article 266, premier alinéa, TFUE confère des droits aux particuliers ayant obtenu gain de cause devant ce juge. D’autre part, le Tribunal rappelle que les intérêts moratoires représentent une composante indispensable de l’obligation de remise en état qui pèse sur les institutions en vertu de cette disposition. En cas d’annulation et de réduction d’une amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, il découle, par conséquent, de cette disposition une obligation de la Commission de restituer le montant de l’amende indûment payé, majoré des intérêts moratoires.

Le Tribunal précise que, étant donné, d’une part, que la réglementation financière applicable{3} prévoit une créance de restitution au bénéfice de la société ayant payé à titre provisoire une amende ultérieurement annulée et réduite et, d’autre part, que l’annulation et la réduction du montant de l’amende opérée par le juge de l’Union a un effet rétroactif, la créance de Deutsche Telekom existait et était certaine quant à son montant maximal à la date du paiement provisoire de l’amende. La Commission était donc tenue, en application de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant de l’amende jugée indue par le Tribunal, pour toute la période en cause. Cette obligation vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance liée à un retard objectif et à inciter la Commission à faire preuve d’une attention particulière lors de l’adoption d’une décision impliquant le paiement d’une amende.

Le Tribunal ajoute que, contrairement à ce qui a été avancé par la Commission, l’obligation de verser des intérêts moratoires ne se heurte pas à la fonction dissuasive des amendes dans les affaires de concurrence, dans la mesure où cette fonction dissuasive est nécessairement prise en compte par le juge de l’Union lorsqu’il exerce sa compétence de pleine juridiction pour réduire, avec effet rétroactif, le montant d’une amende. Par ailleurs, la fonction dissuasive des amendes doit être conciliée avec le principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dont le respect est assuré au moyen du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende.

Le Tribunal rejette également les autres arguments avancés par la Commission.

D’une part, même si le montant de l’amende payée par la requérante n’a pas produit d’intérêts pendant qu’il était en possession de la Commission, cette dernière était tenue, à la suite de l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2018, de rembourser à la requérante la partie du montant de l’amende jugée indue, assortie d’intérêts moratoires, sans que l’article 90 du règlement délégué nº 1268/2012, qui traite du recouvrement des amendes, y fasse obstacle. En outre, l’obligation de verser des intérêts moratoires découle directement de l’article 266, premier alinéa, TFUE et la Commission n’est pas habilitée à arrêter, par une décision individuelle, les conditions dans lesquelles elle versera des intérêts moratoires en cas d’annulation de la décision ayant infligé une amende et de réduction du montant de celle-ci.

D’autre part, les intérêts dus en l’espèce sont des intérêts moratoires et non des intérêts compensatoires. En effet, la créance principale de Deutsche Telekom était une créance de restitution qui était liée au paiement d’une amende qui avait été effectué à titre provisoire. Cette créance existait et était certaine quant à son montant maximal ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis à la date dudit paiement.

Compte tenu du fait que la Commission était tenue de rembourser à Deutsche Telekom la partie de l’amende payée indûment, assortie d’intérêts moratoires, et qu’elle ne disposait d’aucune marge d’appréciation à cet égard, le Tribunal conclut que le refus de verser lesdits intérêts à Deutsche Telekom constitue une violation caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE, qui fait naître la responsabilité non contractuelle de l’Union. Eu égard à l’existence d’un lien direct entre la violation constatée et le préjudice qui consiste dans la perte, au cours de la période en cause, des intérêts moratoires sur la partie de l’amende payée indûment, le Tribunal accorde à Deutsche Telekom une indemnité de 1 750 522,38 euros, calculée au moyen de l’application, par analogie, du taux prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué nº 1268/2012, à savoir le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en janvier 2015, soit 0,05 %, majoré de trois points et demi de pourcentage.

{1} Décision C(2014) 7465 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 - Slovak Telekom), rectifiée par sa décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par sa décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015.

{2} Arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T-827/14, EU:T:2018:930).

{3} Règlement délégué (UE) nº 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1) et règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

Arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom / Commission (T-610/19) (cf. points 96-105)

198. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions et des mesures de contrôle effectives et dissuasives - Portée - Infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne en matière douanière - Lien direct entre la perception des recettes provenant des droits du tarif douanier commun et la mise à disposition des ressources correspondantes - Contrôles douaniers - Obligations de résultat précises - Nature des mesures des contrôles devant être déterminée en fonction des caractéristiques de la fraude ou de l'activité illégale et non de manière abstraite et statique

Depuis le 1er janvier 2005, l’Union européenne a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement en provenance notamment de Chine.

À ces fins, l’OLAF a mis au point un outil d’évaluation des risques reposant sur des données à l’échelle de l’Union. Cet outil, s’appuyant sur le calcul d’une moyenne établie à partir de « prix moyens corrigés », aboutit à un « prix minimal acceptable », utilisé comme profil ou seuil de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, ainsi, les importations présentant un risque important de sous-évaluation.

En 2011 et en 2014, le Royaume-Uni a participé à des opérations de surveillance menées par la Commission et l’OLAF, visant à contrecarrer certains risques de fraude à la sous-évaluation, sans toutefois appliquer les « prix minimaux acceptables » calculés selon la méthode de l’OLAF, voire sans exécuter les avis de paiements supplémentaires émis par ses autorités à l’issue d’une telle application.

Or, lors de plusieurs réunions bilatérales, l’OLAF a recommandé que les autorités compétentes britanniques recourent aux indicateurs de risque à l’échelle de l’Union que constituent les « prix minimaux acceptables ». Selon l’OLAF, les importations frauduleuses augmentaient de manière significative au Royaume-Uni en raison du caractère inapproprié des contrôles effectués par les autorités douanières de cet État, encourageant le déplacement vers ce dernier d’opérations frauduleuses visant d’autres États membres. Cependant, selon l’OLAF, le Royaume-Uni n’aurait pas suivi ses recommandations, mettant au contraire les produits concernés en libre pratique dans le marché intérieur, sans procéder aux contrôles douaniers appropriés, de telle sorte qu’une partie substantielle des droits de douane dus n’auraient été ni perçus ni mis à la disposition de la Commission européenne.

En conséquence, estimant que le Royaume-Uni n’avait ni pris en compte les montants corrects des droits de douane, ni mis à sa disposition les montants corrects de ressources propres traditionnelles et de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine, la Commission a introduit un recours tendant à faire constater que cet État a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la réglementation de l’Union relative au contrôle et à la surveillance en matière de recouvrement des ressources propres, au droit douanier et à la TVA.

Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, accueille en partie le recours de la Commission et dit pour droit, en substance, que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en n’ayant pas appliqué des mesures de contrôle douanier efficaces ni pris en compte les montants corrects des droits de douane et, partant, en n’ayant pas mis à disposition de la Commission le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine{1}, ainsi qu’en n’ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires pour calculer les montants de droits et de ressources propres restant dus{2}.

Appréciation de la Cour

Au préalable, la Cour écarte l’ensemble des fins de non-recevoir avancées par le Royaume-Uni portant notamment sur la violation par la Commission du principe de protection de la confiance légitime en raison de certaines déclarations d’agents de la Commission ou de l’OLAF effectuées lors de réunions avec son administration au sujet des mesures prises par cet État pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

À cet égard, la Cour rappelle que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances ayant fait naître à son égard des espérances fondées. Or, même en présence de telles espérances, ce principe ne saurait être invoqué par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective, par la Cour, du non-respect des obligations que lui impose le traité FUE.

Sur le fond, en premier lieu, pour accueillir le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations du droit douanier de l’Union, la Cour souligne tout d’abord les obligations de résultat précises incombant aux États membres, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Afin de combattre les infractions susceptibles de faire obstacle au prélèvement effectif et intégral des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane et risquant, par conséquent, de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, les États membres doivent prévoir l’application non seulement de sanctions adéquates, et notamment des sanctions pénales en cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave, mais également des mesures de contrôles douaniers efficaces et dissuasives. La nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences de cette disposition ne peut pas être déterminée de manière abstraite et statique, dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent évoluer dans le temps.

Partant, si l’article 325, paragraphe 1, TFUE, accorde aux États membres une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures de contrôles douaniers, en l’espèce, eu égard aux particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause, le dispositif de contrôles douaniers mis en place par le Royaume-Uni pour combattre ladite fraude, en ce qu’il était, à quelques rares exceptions près, limité à des actions de recouvrement de droits a posteriori, ne respectait manifestement pas le principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, la Cour reconnaît que les critères communs recommandés par l’OLAF et la Commission aux États membres en matière de risques qui s’insèrent dans le cadre commun de gestion des risques ne sont pas contraignants. Cependant, l’article 325, paragraphes 1 et 3, TFUE, implique une coopération étroite entre, d’une part, les États membres et l’Union et, d’autre part, les États membres eux-mêmes, ces derniers devant dès lors tenir dûment compte de ces critères, voire les suivre dans le cas où ils n’auraient pas développé des critères nationaux au moins aussi efficaces que ceux recommandés par l’Union.

En vertu de la réglementation douanière de l’Union, lue en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni aurait donc dû, à tout le moins, dans le cadre de la définition, pendant la période d’infraction, de son système d’analyse et de gestion des risques, tenir dûment compte des profils de risque ainsi que des types de contrôles douaniers que l’OLAF et la Commission lui recommandaient. Dans ces circonstances, dans le cadre des contrôles douaniers ayant lieu avant la mise en libre pratique des marchandises, le Royaume-Uni ne pouvait, dans l’attente de la mise en place de ses propres seuils de risque prétendument plus performants, refuser d’appliquer un profil de risque quelconque permettant d’identifier, avant le dédouanement des marchandises en cause, des importations à très bas prix présentant un risque important de sous-évaluation. La Cour précise que, dans un contexte de fraude massive à la sous-évaluation telle que celle en cause, une protection effective des intérêts financiers de l’Union nécessitait, outre la mise en place d’un profil de risque, une demande systématique de constitution de garanties pour ce qui concerne les importations en cause. Or, en l’espèce, le Royaume-Uni n’a exigé la constitution de garanties que de manière très exceptionnelle, ces garanties ayant par ailleurs été remboursées après l’annulation des avis auxquels celles-ci avaient trait. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni, en calculant les montants des droits de douane sur la base de valeurs incorrectes, car manifestement trop basses, puis en prenant en compte ces montants de droits, en violation du droit douanier de l’Union, n’a pas pris en compte de manière effective l’intégralité des droits de douane dus.

En second lieu, pour accueillir partiellement le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, la Cour rappelle tout d’abord que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que leurs autorités sont en mesure de calculer le montant des droits résultant d’une dette douanière et d’en déterminer le redevable, et de mettre ensuite les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission, en prenant toutes les mesures nécessaires à cet égard. La gestion du système des ressources propres de l’Union est donc confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Le lien direct entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes oblige les États membres à protéger les intérêts financiers de l’Union et à prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits.

En l’espèce, la Cour constate une violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union dans la mesure où le Royaume-Uni n’a pas pris, pendant la période d’infraction, de mesures de nature à assurer que soient établies à leur juste niveau les valeurs en douane des importations en cause, telles que des contrôles effectués avant le dédouanement et l’obligation de constituer des garanties pour les importations présentant un risque important de sous-évaluation. Ainsi, les dettes douanières ont été calculées par cet État sur la base de valeurs inexactes et le caractère inapproprié des contrôles opérés a eu pour conséquence que l’intégralité des ressources propres relatives aux importations concernées n’a pas été mise à la disposition de la Commission. En omettant de vérifier l’exactitude des valeurs des marchandises en question, déclarées conformément aux règles du droit de l’Union avant leur mise en libre pratique, le Royaume-Uni a créé une situation irréversible ayant conduit à des pertes considérables de ressources propres de l’Union pour lesquelles celui-ci doit être tenu pour responsable.

Ensuite, la Cour accueille le grief de la Commission selon lequel le Royaume-Uni a violé le droit douanier de l’Union en ne mettant pas à sa disposition les ressources propres traditionnelles qui étaient dues pour ce qui concerne les importations relevant de l’opération douanière conjointe dite « Snake », coordonnée par l’OLAF. En effet, les droits de douane supplémentaires réclamés dans des avis émis par le Royaume-Uni avaient été pris en compte, notifiés à leurs débiteurs et inscrits dans la comptabilité, en conformité avec le droit de l’Union. Cependant, lesdits droits n’avaient pas encore été recouvrés et aucune caution n’avait été fournie pour ceux-ci lorsque le Royaume-Uni a décidé d’annuler ces avis et de retirer l’inscription des montants concernés dans la comptabilité.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu du droit douanier de l’Union, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés soient mis à la disposition de la Commission. Or, en l’espèce, le calcul de ces montants est entaché d’une erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, qui étaient tenues de corriger cette erreur en déterminant à nouveau la valeur en douane, en se basant sur l’une des méthodes prévues à cet égard par le droit douanier de l’Union. Cette conclusion vaut également pour leur décision de ne pas réémettre lesdits avis après les avoir corrigés. À cet égard, l’application du droit douanier de l’Union incombe aux États membres qui en sont exclusivement responsables, et le Royaume-Uni, en décidant d’annuler les avis précités plutôt que de les réémettre après les avoir corrigés par des calculs conformes au droit douanier de l’Union, n’a pas pris, en violation de ce droit, les mesures nécessaires pour que les montants constatés soient mis à la disposition de la Commission. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni n’a pas respecté la procédure prévue par le droit douanier de l’Union pour pouvoir être dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants concernés. En outre, pour rejeter les raisons invoquées par le Royaume-Uni visant à le dispenser de son obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres dérivées des droits de douane constatés dans les avis précités et tenant au fait que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises défaillantes ou insolvables, la Cour relève que si ces droits se sont révélés irrécouvrables auprès des entreprises concernées, cela est dû à une double erreur administrative imputable aux autorités de cet État. Enfin, la Cour constate que cet État n’a pas non plus respecté l’obligation accessoire qui lui incombait de verser les intérêts de retard afférents aux ressour

ces propres non mises à la disposition de la Commission.

S’agissant de la question de savoir si le Royaume-Uni a manqué plus spécifiquement aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres, en n’ayant pas mis à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles à concurrence d’un montant déterminé pour chaque année couverte par la période d’infraction, soit un total de 2 679 637 088,86 euros, la Cour constate qu’il est de la compétence et de la responsabilité exclusive des États membres d’assurer que les valeurs déclarées en douane sont établies dans le respect des règles du droit douanier de l’Union relatives à la détermination de la valeur en douane. Or, en l’occurrence, puisque les autorités douanières du Royaume-Uni avaient omis de prendre les mesures appropriées de manière suffisamment systématique, d’importants volumes de marchandises faisant l’objet d’importations manifestement sous-évaluées ont été mis en libre pratique, sans possibilité de les rappeler à des fins de contrôles physiques. Ces omissions ayant rendu impossible l’établissement de la valeur en douane sur la base de l’une des méthodes prescrites par le droit douanier de l’Union, la Commission a, à bon droit, utilisé d’autres méthodes pour cet établissement. La Cour constate également que c’est à bon droit que la Commission a fait usage de sa faculté, inhérente au système des ressources propres de l’Union, de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, le différend l’opposant au Royaume-Uni en ce qui concerne l’obligation de cet État de mettre un certain montant de ressources propres à sa disposition.

Enfin, concernant la quantification des pertes de ressources propres, la Cour précise que, lorsque l’impossibilité de procéder à des vérifications est la conséquence de l’omission des autorités douanières d’avoir effectué des contrôles visant à vérifier la valeur réelle des marchandises, une méthode fondée sur des données statistiques plutôt qu’une méthode visant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base de preuves directes est permise. L’examen effectué par la Cour dans le cadre de la présente procédure doit essentiellement viser à vérifier, d’une part, que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et, d’autre part, qu’elle était suffisamment précise et fiable. À cet égard, la Cour écarte en partie le calcul effectué par la Commission, en jugeant que, du fait d’une incohérence entre les conclusions de la requête et les motifs de celle-ci ainsi que des importantes incertitudes qui en résultent en ce qui concerne l’exactitude des montants des ressources propres que la Commission réclame, cette institution n’a pas démontré à suffisance de droit l’intégralité de ces montants. Eu égard aux particularités de l’espèce, la Cour approuve cependant la méthode appliquée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour une partie de la période d’infraction, dans la mesure où cette méthode s’avère suffisamment précise, fiable et prudente pour ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant desdites pertes. La Cour précise également qu’il ne lui appartient pas de se substituer à la Commission en calculant elle-même les montants exacts des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni. En effet, elle peut soit accueillir soit rejeter, en tout ou en partie, les demandes figurant dans les conclusions de la requête de la Commission, sans pour autant modifier la portée de ces demandes. Il appartient en revanche à la Commission de procéder à u

n nouveau calcul des pertes de ressources propres de l’Union restant dues en tenant compte des enseignements de l’arrêt de la Cour relatives à la quantité des pertes et de la valeur qui doit leur être imputée.

{1} Ce manquement vise les obligations qui incombaient au Royaume-Uni en vertu, notamment, de l’article 310, paragraphe 6, et de l’article 325 TFUE, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), et de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de [TVA] (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 335, p. 60).

{2} Plus précisément, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE (principe de coopération loyale) en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées.

Arrêt du 8 mars 2022, Commission / Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation) (C-213/19) (cf. points 209-220)

199. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Responsabilité des États membres - Portée - Présence d'un lien direct entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles correspondantes - Obligation des États membres de garantir un prélèvement effectif et intégral des ressources propres

Depuis le 1er janvier 2005, l’Union européenne a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement en provenance notamment de Chine.

À ces fins, l’OLAF a mis au point un outil d’évaluation des risques reposant sur des données à l’échelle de l’Union. Cet outil, s’appuyant sur le calcul d’une moyenne établie à partir de « prix moyens corrigés », aboutit à un « prix minimal acceptable », utilisé comme profil ou seuil de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, ainsi, les importations présentant un risque important de sous-évaluation.

En 2011 et en 2014, le Royaume-Uni a participé à des opérations de surveillance menées par la Commission et l’OLAF, visant à contrecarrer certains risques de fraude à la sous-évaluation, sans toutefois appliquer les « prix minimaux acceptables » calculés selon la méthode de l’OLAF, voire sans exécuter les avis de paiements supplémentaires émis par ses autorités à l’issue d’une telle application.

Or, lors de plusieurs réunions bilatérales, l’OLAF a recommandé que les autorités compétentes britanniques recourent aux indicateurs de risque à l’échelle de l’Union que constituent les « prix minimaux acceptables ». Selon l’OLAF, les importations frauduleuses augmentaient de manière significative au Royaume-Uni en raison du caractère inapproprié des contrôles effectués par les autorités douanières de cet État, encourageant le déplacement vers ce dernier d’opérations frauduleuses visant d’autres États membres. Cependant, selon l’OLAF, le Royaume-Uni n’aurait pas suivi ses recommandations, mettant au contraire les produits concernés en libre pratique dans le marché intérieur, sans procéder aux contrôles douaniers appropriés, de telle sorte qu’une partie substantielle des droits de douane dus n’auraient été ni perçus ni mis à la disposition de la Commission européenne.

En conséquence, estimant que le Royaume-Uni n’avait ni pris en compte les montants corrects des droits de douane, ni mis à sa disposition les montants corrects de ressources propres traditionnelles et de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine, la Commission a introduit un recours tendant à faire constater que cet État a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la réglementation de l’Union relative au contrôle et à la surveillance en matière de recouvrement des ressources propres, au droit douanier et à la TVA.

Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, accueille en partie le recours de la Commission et dit pour droit, en substance, que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en n’ayant pas appliqué des mesures de contrôle douanier efficaces ni pris en compte les montants corrects des droits de douane et, partant, en n’ayant pas mis à disposition de la Commission le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine{1}, ainsi qu’en n’ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires pour calculer les montants de droits et de ressources propres restant dus{2}.

Appréciation de la Cour

Au préalable, la Cour écarte l’ensemble des fins de non-recevoir avancées par le Royaume-Uni portant notamment sur la violation par la Commission du principe de protection de la confiance légitime en raison de certaines déclarations d’agents de la Commission ou de l’OLAF effectuées lors de réunions avec son administration au sujet des mesures prises par cet État pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

À cet égard, la Cour rappelle que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances ayant fait naître à son égard des espérances fondées. Or, même en présence de telles espérances, ce principe ne saurait être invoqué par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective, par la Cour, du non-respect des obligations que lui impose le traité FUE.

Sur le fond, en premier lieu, pour accueillir le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations du droit douanier de l’Union, la Cour souligne tout d’abord les obligations de résultat précises incombant aux États membres, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Afin de combattre les infractions susceptibles de faire obstacle au prélèvement effectif et intégral des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane et risquant, par conséquent, de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, les États membres doivent prévoir l’application non seulement de sanctions adéquates, et notamment des sanctions pénales en cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave, mais également des mesures de contrôles douaniers efficaces et dissuasives. La nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences de cette disposition ne peut pas être déterminée de manière abstraite et statique, dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent évoluer dans le temps.

Partant, si l’article 325, paragraphe 1, TFUE, accorde aux États membres une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures de contrôles douaniers, en l’espèce, eu égard aux particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause, le dispositif de contrôles douaniers mis en place par le Royaume-Uni pour combattre ladite fraude, en ce qu’il était, à quelques rares exceptions près, limité à des actions de recouvrement de droits a posteriori, ne respectait manifestement pas le principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, la Cour reconnaît que les critères communs recommandés par l’OLAF et la Commission aux États membres en matière de risques qui s’insèrent dans le cadre commun de gestion des risques ne sont pas contraignants. Cependant, l’article 325, paragraphes 1 et 3, TFUE, implique une coopération étroite entre, d’une part, les États membres et l’Union et, d’autre part, les États membres eux-mêmes, ces derniers devant dès lors tenir dûment compte de ces critères, voire les suivre dans le cas où ils n’auraient pas développé des critères nationaux au moins aussi efficaces que ceux recommandés par l’Union.

En vertu de la réglementation douanière de l’Union, lue en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni aurait donc dû, à tout le moins, dans le cadre de la définition, pendant la période d’infraction, de son système d’analyse et de gestion des risques, tenir dûment compte des profils de risque ainsi que des types de contrôles douaniers que l’OLAF et la Commission lui recommandaient. Dans ces circonstances, dans le cadre des contrôles douaniers ayant lieu avant la mise en libre pratique des marchandises, le Royaume-Uni ne pouvait, dans l’attente de la mise en place de ses propres seuils de risque prétendument plus performants, refuser d’appliquer un profil de risque quelconque permettant d’identifier, avant le dédouanement des marchandises en cause, des importations à très bas prix présentant un risque important de sous-évaluation. La Cour précise que, dans un contexte de fraude massive à la sous-évaluation telle que celle en cause, une protection effective des intérêts financiers de l’Union nécessitait, outre la mise en place d’un profil de risque, une demande systématique de constitution de garanties pour ce qui concerne les importations en cause. Or, en l’espèce, le Royaume-Uni n’a exigé la constitution de garanties que de manière très exceptionnelle, ces garanties ayant par ailleurs été remboursées après l’annulation des avis auxquels celles-ci avaient trait. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni, en calculant les montants des droits de douane sur la base de valeurs incorrectes, car manifestement trop basses, puis en prenant en compte ces montants de droits, en violation du droit douanier de l’Union, n’a pas pris en compte de manière effective l’intégralité des droits de douane dus.

En second lieu, pour accueillir partiellement le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, la Cour rappelle tout d’abord que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que leurs autorités sont en mesure de calculer le montant des droits résultant d’une dette douanière et d’en déterminer le redevable, et de mettre ensuite les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission, en prenant toutes les mesures nécessaires à cet égard. La gestion du système des ressources propres de l’Union est donc confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Le lien direct entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes oblige les États membres à protéger les intérêts financiers de l’Union et à prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits.

En l’espèce, la Cour constate une violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union dans la mesure où le Royaume-Uni n’a pas pris, pendant la période d’infraction, de mesures de nature à assurer que soient établies à leur juste niveau les valeurs en douane des importations en cause, telles que des contrôles effectués avant le dédouanement et l’obligation de constituer des garanties pour les importations présentant un risque important de sous-évaluation. Ainsi, les dettes douanières ont été calculées par cet État sur la base de valeurs inexactes et le caractère inapproprié des contrôles opérés a eu pour conséquence que l’intégralité des ressources propres relatives aux importations concernées n’a pas été mise à la disposition de la Commission. En omettant de vérifier l’exactitude des valeurs des marchandises en question, déclarées conformément aux règles du droit de l’Union avant leur mise en libre pratique, le Royaume-Uni a créé une situation irréversible ayant conduit à des pertes considérables de ressources propres de l’Union pour lesquelles celui-ci doit être tenu pour responsable.

Ensuite, la Cour accueille le grief de la Commission selon lequel le Royaume-Uni a violé le droit douanier de l’Union en ne mettant pas à sa disposition les ressources propres traditionnelles qui étaient dues pour ce qui concerne les importations relevant de l’opération douanière conjointe dite « Snake », coordonnée par l’OLAF. En effet, les droits de douane supplémentaires réclamés dans des avis émis par le Royaume-Uni avaient été pris en compte, notifiés à leurs débiteurs et inscrits dans la comptabilité, en conformité avec le droit de l’Union. Cependant, lesdits droits n’avaient pas encore été recouvrés et aucune caution n’avait été fournie pour ceux-ci lorsque le Royaume-Uni a décidé d’annuler ces avis et de retirer l’inscription des montants concernés dans la comptabilité.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu du droit douanier de l’Union, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés soient mis à la disposition de la Commission. Or, en l’espèce, le calcul de ces montants est entaché d’une erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, qui étaient tenues de corriger cette erreur en déterminant à nouveau la valeur en douane, en se basant sur l’une des méthodes prévues à cet égard par le droit douanier de l’Union. Cette conclusion vaut également pour leur décision de ne pas réémettre lesdits avis après les avoir corrigés. À cet égard, l’application du droit douanier de l’Union incombe aux États membres qui en sont exclusivement responsables, et le Royaume-Uni, en décidant d’annuler les avis précités plutôt que de les réémettre après les avoir corrigés par des calculs conformes au droit douanier de l’Union, n’a pas pris, en violation de ce droit, les mesures nécessaires pour que les montants constatés soient mis à la disposition de la Commission. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni n’a pas respecté la procédure prévue par le droit douanier de l’Union pour pouvoir être dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants concernés. En outre, pour rejeter les raisons invoquées par le Royaume-Uni visant à le dispenser de son obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres dérivées des droits de douane constatés dans les avis précités et tenant au fait que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises défaillantes ou insolvables, la Cour relève que si ces droits se sont révélés irrécouvrables auprès des entreprises concernées, cela est dû à une double erreur administrative imputable aux autorités de cet État. Enfin, la Cour constate que cet État n’a pas non plus respecté l’obligation accessoire qui lui incombait de verser les intérêts de retard afférents aux ressour

ces propres non mises à la disposition de la Commission.

S’agissant de la question de savoir si le Royaume-Uni a manqué plus spécifiquement aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres, en n’ayant pas mis à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles à concurrence d’un montant déterminé pour chaque année couverte par la période d’infraction, soit un total de 2 679 637 088,86 euros, la Cour constate qu’il est de la compétence et de la responsabilité exclusive des États membres d’assurer que les valeurs déclarées en douane sont établies dans le respect des règles du droit douanier de l’Union relatives à la détermination de la valeur en douane. Or, en l’occurrence, puisque les autorités douanières du Royaume-Uni avaient omis de prendre les mesures appropriées de manière suffisamment systématique, d’importants volumes de marchandises faisant l’objet d’importations manifestement sous-évaluées ont été mis en libre pratique, sans possibilité de les rappeler à des fins de contrôles physiques. Ces omissions ayant rendu impossible l’établissement de la valeur en douane sur la base de l’une des méthodes prescrites par le droit douanier de l’Union, la Commission a, à bon droit, utilisé d’autres méthodes pour cet établissement. La Cour constate également que c’est à bon droit que la Commission a fait usage de sa faculté, inhérente au système des ressources propres de l’Union, de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, le différend l’opposant au Royaume-Uni en ce qui concerne l’obligation de cet État de mettre un certain montant de ressources propres à sa disposition.

Enfin, concernant la quantification des pertes de ressources propres, la Cour précise que, lorsque l’impossibilité de procéder à des vérifications est la conséquence de l’omission des autorités douanières d’avoir effectué des contrôles visant à vérifier la valeur réelle des marchandises, une méthode fondée sur des données statistiques plutôt qu’une méthode visant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base de preuves directes est permise. L’examen effectué par la Cour dans le cadre de la présente procédure doit essentiellement viser à vérifier, d’une part, que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et, d’autre part, qu’elle était suffisamment précise et fiable. À cet égard, la Cour écarte en partie le calcul effectué par la Commission, en jugeant que, du fait d’une incohérence entre les conclusions de la requête et les motifs de celle-ci ainsi que des importantes incertitudes qui en résultent en ce qui concerne l’exactitude des montants des ressources propres que la Commission réclame, cette institution n’a pas démontré à suffisance de droit l’intégralité de ces montants. Eu égard aux particularités de l’espèce, la Cour approuve cependant la méthode appliquée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour une partie de la période d’infraction, dans la mesure où cette méthode s’avère suffisamment précise, fiable et prudente pour ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant desdites pertes. La Cour précise également qu’il ne lui appartient pas de se substituer à la Commission en calculant elle-même les montants exacts des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni. En effet, elle peut soit accueillir soit rejeter, en tout ou en partie, les demandes figurant dans les conclusions de la requête de la Commission, sans pour autant modifier la portée de ces demandes. Il appartient en revanche à la Commission de procéder à u

n nouveau calcul des pertes de ressources propres de l’Union restant dues en tenant compte des enseignements de l’arrêt de la Cour relatives à la quantité des pertes et de la valeur qui doit leur être imputée.

{1} Ce manquement vise les obligations qui incombaient au Royaume-Uni en vertu, notamment, de l’article 310, paragraphe 6, et de l’article 325 TFUE, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), et de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de [TVA] (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 335, p. 60).

{2} Plus précisément, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE (principe de coopération loyale) en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées.

Arrêt du 8 mars 2022, Commission / Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation) (C-213/19) (cf. points 346, 358, 359, 362)

Voir texte de la décision.

Arrêt du 5 septembre 2024, Commission / République tchèque (Briquets de poche) (C-494/22 P) (cf. points 88-90, 138-140, 143, 144)

200. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Dispense - Conditions - Raisons de force majeure ou autres raisons n'étant pas imputables à un État membre - Montants irrécouvrables - Non-respect de la procédure établissant le droit à dispense - Effets

Depuis le 1er janvier 2005, l’Union européenne a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement en provenance notamment de Chine.

À ces fins, l’OLAF a mis au point un outil d’évaluation des risques reposant sur des données à l’échelle de l’Union. Cet outil, s’appuyant sur le calcul d’une moyenne établie à partir de « prix moyens corrigés », aboutit à un « prix minimal acceptable », utilisé comme profil ou seuil de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, ainsi, les importations présentant un risque important de sous-évaluation.

En 2011 et en 2014, le Royaume-Uni a participé à des opérations de surveillance menées par la Commission et l’OLAF, visant à contrecarrer certains risques de fraude à la sous-évaluation, sans toutefois appliquer les « prix minimaux acceptables » calculés selon la méthode de l’OLAF, voire sans exécuter les avis de paiements supplémentaires émis par ses autorités à l’issue d’une telle application.

Or, lors de plusieurs réunions bilatérales, l’OLAF a recommandé que les autorités compétentes britanniques recourent aux indicateurs de risque à l’échelle de l’Union que constituent les « prix minimaux acceptables ». Selon l’OLAF, les importations frauduleuses augmentaient de manière significative au Royaume-Uni en raison du caractère inapproprié des contrôles effectués par les autorités douanières de cet État, encourageant le déplacement vers ce dernier d’opérations frauduleuses visant d’autres États membres. Cependant, selon l’OLAF, le Royaume-Uni n’aurait pas suivi ses recommandations, mettant au contraire les produits concernés en libre pratique dans le marché intérieur, sans procéder aux contrôles douaniers appropriés, de telle sorte qu’une partie substantielle des droits de douane dus n’auraient été ni perçus ni mis à la disposition de la Commission européenne.

En conséquence, estimant que le Royaume-Uni n’avait ni pris en compte les montants corrects des droits de douane, ni mis à sa disposition les montants corrects de ressources propres traditionnelles et de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine, la Commission a introduit un recours tendant à faire constater que cet État a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la réglementation de l’Union relative au contrôle et à la surveillance en matière de recouvrement des ressources propres, au droit douanier et à la TVA.

Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, accueille en partie le recours de la Commission et dit pour droit, en substance, que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en n’ayant pas appliqué des mesures de contrôle douanier efficaces ni pris en compte les montants corrects des droits de douane et, partant, en n’ayant pas mis à disposition de la Commission le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine{1}, ainsi qu’en n’ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires pour calculer les montants de droits et de ressources propres restant dus{2}.

Appréciation de la Cour

Au préalable, la Cour écarte l’ensemble des fins de non-recevoir avancées par le Royaume-Uni portant notamment sur la violation par la Commission du principe de protection de la confiance légitime en raison de certaines déclarations d’agents de la Commission ou de l’OLAF effectuées lors de réunions avec son administration au sujet des mesures prises par cet État pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

À cet égard, la Cour rappelle que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances ayant fait naître à son égard des espérances fondées. Or, même en présence de telles espérances, ce principe ne saurait être invoqué par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective, par la Cour, du non-respect des obligations que lui impose le traité FUE.

Sur le fond, en premier lieu, pour accueillir le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations du droit douanier de l’Union, la Cour souligne tout d’abord les obligations de résultat précises incombant aux États membres, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Afin de combattre les infractions susceptibles de faire obstacle au prélèvement effectif et intégral des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane et risquant, par conséquent, de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, les États membres doivent prévoir l’application non seulement de sanctions adéquates, et notamment des sanctions pénales en cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave, mais également des mesures de contrôles douaniers efficaces et dissuasives. La nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences de cette disposition ne peut pas être déterminée de manière abstraite et statique, dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent évoluer dans le temps.

Partant, si l’article 325, paragraphe 1, TFUE, accorde aux États membres une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures de contrôles douaniers, en l’espèce, eu égard aux particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause, le dispositif de contrôles douaniers mis en place par le Royaume-Uni pour combattre ladite fraude, en ce qu’il était, à quelques rares exceptions près, limité à des actions de recouvrement de droits a posteriori, ne respectait manifestement pas le principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, la Cour reconnaît que les critères communs recommandés par l’OLAF et la Commission aux États membres en matière de risques qui s’insèrent dans le cadre commun de gestion des risques ne sont pas contraignants. Cependant, l’article 325, paragraphes 1 et 3, TFUE, implique une coopération étroite entre, d’une part, les États membres et l’Union et, d’autre part, les États membres eux-mêmes, ces derniers devant dès lors tenir dûment compte de ces critères, voire les suivre dans le cas où ils n’auraient pas développé des critères nationaux au moins aussi efficaces que ceux recommandés par l’Union.

En vertu de la réglementation douanière de l’Union, lue en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni aurait donc dû, à tout le moins, dans le cadre de la définition, pendant la période d’infraction, de son système d’analyse et de gestion des risques, tenir dûment compte des profils de risque ainsi que des types de contrôles douaniers que l’OLAF et la Commission lui recommandaient. Dans ces circonstances, dans le cadre des contrôles douaniers ayant lieu avant la mise en libre pratique des marchandises, le Royaume-Uni ne pouvait, dans l’attente de la mise en place de ses propres seuils de risque prétendument plus performants, refuser d’appliquer un profil de risque quelconque permettant d’identifier, avant le dédouanement des marchandises en cause, des importations à très bas prix présentant un risque important de sous-évaluation. La Cour précise que, dans un contexte de fraude massive à la sous-évaluation telle que celle en cause, une protection effective des intérêts financiers de l’Union nécessitait, outre la mise en place d’un profil de risque, une demande systématique de constitution de garanties pour ce qui concerne les importations en cause. Or, en l’espèce, le Royaume-Uni n’a exigé la constitution de garanties que de manière très exceptionnelle, ces garanties ayant par ailleurs été remboursées après l’annulation des avis auxquels celles-ci avaient trait. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni, en calculant les montants des droits de douane sur la base de valeurs incorrectes, car manifestement trop basses, puis en prenant en compte ces montants de droits, en violation du droit douanier de l’Union, n’a pas pris en compte de manière effective l’intégralité des droits de douane dus.

En second lieu, pour accueillir partiellement le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, la Cour rappelle tout d’abord que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que leurs autorités sont en mesure de calculer le montant des droits résultant d’une dette douanière et d’en déterminer le redevable, et de mettre ensuite les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission, en prenant toutes les mesures nécessaires à cet égard. La gestion du système des ressources propres de l’Union est donc confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Le lien direct entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes oblige les États membres à protéger les intérêts financiers de l’Union et à prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits.

En l’espèce, la Cour constate une violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union dans la mesure où le Royaume-Uni n’a pas pris, pendant la période d’infraction, de mesures de nature à assurer que soient établies à leur juste niveau les valeurs en douane des importations en cause, telles que des contrôles effectués avant le dédouanement et l’obligation de constituer des garanties pour les importations présentant un risque important de sous-évaluation. Ainsi, les dettes douanières ont été calculées par cet État sur la base de valeurs inexactes et le caractère inapproprié des contrôles opérés a eu pour conséquence que l’intégralité des ressources propres relatives aux importations concernées n’a pas été mise à la disposition de la Commission. En omettant de vérifier l’exactitude des valeurs des marchandises en question, déclarées conformément aux règles du droit de l’Union avant leur mise en libre pratique, le Royaume-Uni a créé une situation irréversible ayant conduit à des pertes considérables de ressources propres de l’Union pour lesquelles celui-ci doit être tenu pour responsable.

Ensuite, la Cour accueille le grief de la Commission selon lequel le Royaume-Uni a violé le droit douanier de l’Union en ne mettant pas à sa disposition les ressources propres traditionnelles qui étaient dues pour ce qui concerne les importations relevant de l’opération douanière conjointe dite « Snake », coordonnée par l’OLAF. En effet, les droits de douane supplémentaires réclamés dans des avis émis par le Royaume-Uni avaient été pris en compte, notifiés à leurs débiteurs et inscrits dans la comptabilité, en conformité avec le droit de l’Union. Cependant, lesdits droits n’avaient pas encore été recouvrés et aucune caution n’avait été fournie pour ceux-ci lorsque le Royaume-Uni a décidé d’annuler ces avis et de retirer l’inscription des montants concernés dans la comptabilité.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu du droit douanier de l’Union, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés soient mis à la disposition de la Commission. Or, en l’espèce, le calcul de ces montants est entaché d’une erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, qui étaient tenues de corriger cette erreur en déterminant à nouveau la valeur en douane, en se basant sur l’une des méthodes prévues à cet égard par le droit douanier de l’Union. Cette conclusion vaut également pour leur décision de ne pas réémettre lesdits avis après les avoir corrigés. À cet égard, l’application du droit douanier de l’Union incombe aux États membres qui en sont exclusivement responsables, et le Royaume-Uni, en décidant d’annuler les avis précités plutôt que de les réémettre après les avoir corrigés par des calculs conformes au droit douanier de l’Union, n’a pas pris, en violation de ce droit, les mesures nécessaires pour que les montants constatés soient mis à la disposition de la Commission. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni n’a pas respecté la procédure prévue par le droit douanier de l’Union pour pouvoir être dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants concernés. En outre, pour rejeter les raisons invoquées par le Royaume-Uni visant à le dispenser de son obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres dérivées des droits de douane constatés dans les avis précités et tenant au fait que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises défaillantes ou insolvables, la Cour relève que si ces droits se sont révélés irrécouvrables auprès des entreprises concernées, cela est dû à une double erreur administrative imputable aux autorités de cet État. Enfin, la Cour constate que cet État n’a pas non plus respecté l’obligation accessoire qui lui incombait de verser les intérêts de retard afférents aux ressour

ces propres non mises à la disposition de la Commission.

S’agissant de la question de savoir si le Royaume-Uni a manqué plus spécifiquement aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres, en n’ayant pas mis à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles à concurrence d’un montant déterminé pour chaque année couverte par la période d’infraction, soit un total de 2 679 637 088,86 euros, la Cour constate qu’il est de la compétence et de la responsabilité exclusive des États membres d’assurer que les valeurs déclarées en douane sont établies dans le respect des règles du droit douanier de l’Union relatives à la détermination de la valeur en douane. Or, en l’occurrence, puisque les autorités douanières du Royaume-Uni avaient omis de prendre les mesures appropriées de manière suffisamment systématique, d’importants volumes de marchandises faisant l’objet d’importations manifestement sous-évaluées ont été mis en libre pratique, sans possibilité de les rappeler à des fins de contrôles physiques. Ces omissions ayant rendu impossible l’établissement de la valeur en douane sur la base de l’une des méthodes prescrites par le droit douanier de l’Union, la Commission a, à bon droit, utilisé d’autres méthodes pour cet établissement. La Cour constate également que c’est à bon droit que la Commission a fait usage de sa faculté, inhérente au système des ressources propres de l’Union, de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, le différend l’opposant au Royaume-Uni en ce qui concerne l’obligation de cet État de mettre un certain montant de ressources propres à sa disposition.

Enfin, concernant la quantification des pertes de ressources propres, la Cour précise que, lorsque l’impossibilité de procéder à des vérifications est la conséquence de l’omission des autorités douanières d’avoir effectué des contrôles visant à vérifier la valeur réelle des marchandises, une méthode fondée sur des données statistiques plutôt qu’une méthode visant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base de preuves directes est permise. L’examen effectué par la Cour dans le cadre de la présente procédure doit essentiellement viser à vérifier, d’une part, que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et, d’autre part, qu’elle était suffisamment précise et fiable. À cet égard, la Cour écarte en partie le calcul effectué par la Commission, en jugeant que, du fait d’une incohérence entre les conclusions de la requête et les motifs de celle-ci ainsi que des importantes incertitudes qui en résultent en ce qui concerne l’exactitude des montants des ressources propres que la Commission réclame, cette institution n’a pas démontré à suffisance de droit l’intégralité de ces montants. Eu égard aux particularités de l’espèce, la Cour approuve cependant la méthode appliquée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour une partie de la période d’infraction, dans la mesure où cette méthode s’avère suffisamment précise, fiable et prudente pour ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant desdites pertes. La Cour précise également qu’il ne lui appartient pas de se substituer à la Commission en calculant elle-même les montants exacts des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni. En effet, elle peut soit accueillir soit rejeter, en tout ou en partie, les demandes figurant dans les conclusions de la requête de la Commission, sans pour autant modifier la portée de ces demandes. Il appartient en revanche à la Commission de procéder à u

n nouveau calcul des pertes de ressources propres de l’Union restant dues en tenant compte des enseignements de l’arrêt de la Cour relatives à la quantité des pertes et de la valeur qui doit leur être imputée.

{1} Ce manquement vise les obligations qui incombaient au Royaume-Uni en vertu, notamment, de l’article 310, paragraphe 6, et de l’article 325 TFUE, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), et de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de [TVA] (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 335, p. 60).

{2} Plus précisément, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE (principe de coopération loyale) en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées.

Arrêt du 8 mars 2022, Commission / Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation) (C-213/19) (cf. points 380-395)

201. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Intérêts sur les montants mis à disposition tardivement - Abstention par l'État membre concerné de procéder à la mise à disposition - Constatation d'un manquement par la Cour - Obligation de payer des intérêts de retard - Exception - Mise à disposition assortie de réserves

Depuis le 1er janvier 2005, l’Union européenne a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement en provenance notamment de Chine.

À ces fins, l’OLAF a mis au point un outil d’évaluation des risques reposant sur des données à l’échelle de l’Union. Cet outil, s’appuyant sur le calcul d’une moyenne établie à partir de « prix moyens corrigés », aboutit à un « prix minimal acceptable », utilisé comme profil ou seuil de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, ainsi, les importations présentant un risque important de sous-évaluation.

En 2011 et en 2014, le Royaume-Uni a participé à des opérations de surveillance menées par la Commission et l’OLAF, visant à contrecarrer certains risques de fraude à la sous-évaluation, sans toutefois appliquer les « prix minimaux acceptables » calculés selon la méthode de l’OLAF, voire sans exécuter les avis de paiements supplémentaires émis par ses autorités à l’issue d’une telle application.

Or, lors de plusieurs réunions bilatérales, l’OLAF a recommandé que les autorités compétentes britanniques recourent aux indicateurs de risque à l’échelle de l’Union que constituent les « prix minimaux acceptables ». Selon l’OLAF, les importations frauduleuses augmentaient de manière significative au Royaume-Uni en raison du caractère inapproprié des contrôles effectués par les autorités douanières de cet État, encourageant le déplacement vers ce dernier d’opérations frauduleuses visant d’autres États membres. Cependant, selon l’OLAF, le Royaume-Uni n’aurait pas suivi ses recommandations, mettant au contraire les produits concernés en libre pratique dans le marché intérieur, sans procéder aux contrôles douaniers appropriés, de telle sorte qu’une partie substantielle des droits de douane dus n’auraient été ni perçus ni mis à la disposition de la Commission européenne.

En conséquence, estimant que le Royaume-Uni n’avait ni pris en compte les montants corrects des droits de douane, ni mis à sa disposition les montants corrects de ressources propres traditionnelles et de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine, la Commission a introduit un recours tendant à faire constater que cet État a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la réglementation de l’Union relative au contrôle et à la surveillance en matière de recouvrement des ressources propres, au droit douanier et à la TVA.

Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, accueille en partie le recours de la Commission et dit pour droit, en substance, que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en n’ayant pas appliqué des mesures de contrôle douanier efficaces ni pris en compte les montants corrects des droits de douane et, partant, en n’ayant pas mis à disposition de la Commission le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine{1}, ainsi qu’en n’ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires pour calculer les montants de droits et de ressources propres restant dus{2}.

Appréciation de la Cour

Au préalable, la Cour écarte l’ensemble des fins de non-recevoir avancées par le Royaume-Uni portant notamment sur la violation par la Commission du principe de protection de la confiance légitime en raison de certaines déclarations d’agents de la Commission ou de l’OLAF effectuées lors de réunions avec son administration au sujet des mesures prises par cet État pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

À cet égard, la Cour rappelle que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances ayant fait naître à son égard des espérances fondées. Or, même en présence de telles espérances, ce principe ne saurait être invoqué par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective, par la Cour, du non-respect des obligations que lui impose le traité FUE.

Sur le fond, en premier lieu, pour accueillir le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations du droit douanier de l’Union, la Cour souligne tout d’abord les obligations de résultat précises incombant aux États membres, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Afin de combattre les infractions susceptibles de faire obstacle au prélèvement effectif et intégral des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane et risquant, par conséquent, de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, les États membres doivent prévoir l’application non seulement de sanctions adéquates, et notamment des sanctions pénales en cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave, mais également des mesures de contrôles douaniers efficaces et dissuasives. La nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences de cette disposition ne peut pas être déterminée de manière abstraite et statique, dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent évoluer dans le temps.

Partant, si l’article 325, paragraphe 1, TFUE, accorde aux États membres une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures de contrôles douaniers, en l’espèce, eu égard aux particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause, le dispositif de contrôles douaniers mis en place par le Royaume-Uni pour combattre ladite fraude, en ce qu’il était, à quelques rares exceptions près, limité à des actions de recouvrement de droits a posteriori, ne respectait manifestement pas le principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, la Cour reconnaît que les critères communs recommandés par l’OLAF et la Commission aux États membres en matière de risques qui s’insèrent dans le cadre commun de gestion des risques ne sont pas contraignants. Cependant, l’article 325, paragraphes 1 et 3, TFUE, implique une coopération étroite entre, d’une part, les États membres et l’Union et, d’autre part, les États membres eux-mêmes, ces derniers devant dès lors tenir dûment compte de ces critères, voire les suivre dans le cas où ils n’auraient pas développé des critères nationaux au moins aussi efficaces que ceux recommandés par l’Union.

En vertu de la réglementation douanière de l’Union, lue en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni aurait donc dû, à tout le moins, dans le cadre de la définition, pendant la période d’infraction, de son système d’analyse et de gestion des risques, tenir dûment compte des profils de risque ainsi que des types de contrôles douaniers que l’OLAF et la Commission lui recommandaient. Dans ces circonstances, dans le cadre des contrôles douaniers ayant lieu avant la mise en libre pratique des marchandises, le Royaume-Uni ne pouvait, dans l’attente de la mise en place de ses propres seuils de risque prétendument plus performants, refuser d’appliquer un profil de risque quelconque permettant d’identifier, avant le dédouanement des marchandises en cause, des importations à très bas prix présentant un risque important de sous-évaluation. La Cour précise que, dans un contexte de fraude massive à la sous-évaluation telle que celle en cause, une protection effective des intérêts financiers de l’Union nécessitait, outre la mise en place d’un profil de risque, une demande systématique de constitution de garanties pour ce qui concerne les importations en cause. Or, en l’espèce, le Royaume-Uni n’a exigé la constitution de garanties que de manière très exceptionnelle, ces garanties ayant par ailleurs été remboursées après l’annulation des avis auxquels celles-ci avaient trait. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni, en calculant les montants des droits de douane sur la base de valeurs incorrectes, car manifestement trop basses, puis en prenant en compte ces montants de droits, en violation du droit douanier de l’Union, n’a pas pris en compte de manière effective l’intégralité des droits de douane dus.

En second lieu, pour accueillir partiellement le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, la Cour rappelle tout d’abord que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que leurs autorités sont en mesure de calculer le montant des droits résultant d’une dette douanière et d’en déterminer le redevable, et de mettre ensuite les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission, en prenant toutes les mesures nécessaires à cet égard. La gestion du système des ressources propres de l’Union est donc confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Le lien direct entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes oblige les États membres à protéger les intérêts financiers de l’Union et à prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits.

En l’espèce, la Cour constate une violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union dans la mesure où le Royaume-Uni n’a pas pris, pendant la période d’infraction, de mesures de nature à assurer que soient établies à leur juste niveau les valeurs en douane des importations en cause, telles que des contrôles effectués avant le dédouanement et l’obligation de constituer des garanties pour les importations présentant un risque important de sous-évaluation. Ainsi, les dettes douanières ont été calculées par cet État sur la base de valeurs inexactes et le caractère inapproprié des contrôles opérés a eu pour conséquence que l’intégralité des ressources propres relatives aux importations concernées n’a pas été mise à la disposition de la Commission. En omettant de vérifier l’exactitude des valeurs des marchandises en question, déclarées conformément aux règles du droit de l’Union avant leur mise en libre pratique, le Royaume-Uni a créé une situation irréversible ayant conduit à des pertes considérables de ressources propres de l’Union pour lesquelles celui-ci doit être tenu pour responsable.

Ensuite, la Cour accueille le grief de la Commission selon lequel le Royaume-Uni a violé le droit douanier de l’Union en ne mettant pas à sa disposition les ressources propres traditionnelles qui étaient dues pour ce qui concerne les importations relevant de l’opération douanière conjointe dite « Snake », coordonnée par l’OLAF. En effet, les droits de douane supplémentaires réclamés dans des avis émis par le Royaume-Uni avaient été pris en compte, notifiés à leurs débiteurs et inscrits dans la comptabilité, en conformité avec le droit de l’Union. Cependant, lesdits droits n’avaient pas encore été recouvrés et aucune caution n’avait été fournie pour ceux-ci lorsque le Royaume-Uni a décidé d’annuler ces avis et de retirer l’inscription des montants concernés dans la comptabilité.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu du droit douanier de l’Union, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés soient mis à la disposition de la Commission. Or, en l’espèce, le calcul de ces montants est entaché d’une erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, qui étaient tenues de corriger cette erreur en déterminant à nouveau la valeur en douane, en se basant sur l’une des méthodes prévues à cet égard par le droit douanier de l’Union. Cette conclusion vaut également pour leur décision de ne pas réémettre lesdits avis après les avoir corrigés. À cet égard, l’application du droit douanier de l’Union incombe aux États membres qui en sont exclusivement responsables, et le Royaume-Uni, en décidant d’annuler les avis précités plutôt que de les réémettre après les avoir corrigés par des calculs conformes au droit douanier de l’Union, n’a pas pris, en violation de ce droit, les mesures nécessaires pour que les montants constatés soient mis à la disposition de la Commission. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni n’a pas respecté la procédure prévue par le droit douanier de l’Union pour pouvoir être dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants concernés. En outre, pour rejeter les raisons invoquées par le Royaume-Uni visant à le dispenser de son obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres dérivées des droits de douane constatés dans les avis précités et tenant au fait que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises défaillantes ou insolvables, la Cour relève que si ces droits se sont révélés irrécouvrables auprès des entreprises concernées, cela est dû à une double erreur administrative imputable aux autorités de cet État. Enfin, la Cour constate que cet État n’a pas non plus respecté l’obligation accessoire qui lui incombait de verser les intérêts de retard afférents aux ressour

ces propres non mises à la disposition de la Commission.

S’agissant de la question de savoir si le Royaume-Uni a manqué plus spécifiquement aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres, en n’ayant pas mis à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles à concurrence d’un montant déterminé pour chaque année couverte par la période d’infraction, soit un total de 2 679 637 088,86 euros, la Cour constate qu’il est de la compétence et de la responsabilité exclusive des États membres d’assurer que les valeurs déclarées en douane sont établies dans le respect des règles du droit douanier de l’Union relatives à la détermination de la valeur en douane. Or, en l’occurrence, puisque les autorités douanières du Royaume-Uni avaient omis de prendre les mesures appropriées de manière suffisamment systématique, d’importants volumes de marchandises faisant l’objet d’importations manifestement sous-évaluées ont été mis en libre pratique, sans possibilité de les rappeler à des fins de contrôles physiques. Ces omissions ayant rendu impossible l’établissement de la valeur en douane sur la base de l’une des méthodes prescrites par le droit douanier de l’Union, la Commission a, à bon droit, utilisé d’autres méthodes pour cet établissement. La Cour constate également que c’est à bon droit que la Commission a fait usage de sa faculté, inhérente au système des ressources propres de l’Union, de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, le différend l’opposant au Royaume-Uni en ce qui concerne l’obligation de cet État de mettre un certain montant de ressources propres à sa disposition.

Enfin, concernant la quantification des pertes de ressources propres, la Cour précise que, lorsque l’impossibilité de procéder à des vérifications est la conséquence de l’omission des autorités douanières d’avoir effectué des contrôles visant à vérifier la valeur réelle des marchandises, une méthode fondée sur des données statistiques plutôt qu’une méthode visant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base de preuves directes est permise. L’examen effectué par la Cour dans le cadre de la présente procédure doit essentiellement viser à vérifier, d’une part, que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et, d’autre part, qu’elle était suffisamment précise et fiable. À cet égard, la Cour écarte en partie le calcul effectué par la Commission, en jugeant que, du fait d’une incohérence entre les conclusions de la requête et les motifs de celle-ci ainsi que des importantes incertitudes qui en résultent en ce qui concerne l’exactitude des montants des ressources propres que la Commission réclame, cette institution n’a pas démontré à suffisance de droit l’intégralité de ces montants. Eu égard aux particularités de l’espèce, la Cour approuve cependant la méthode appliquée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour une partie de la période d’infraction, dans la mesure où cette méthode s’avère suffisamment précise, fiable et prudente pour ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant desdites pertes. La Cour précise également qu’il ne lui appartient pas de se substituer à la Commission en calculant elle-même les montants exacts des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni. En effet, elle peut soit accueillir soit rejeter, en tout ou en partie, les demandes figurant dans les conclusions de la requête de la Commission, sans pour autant modifier la portée de ces demandes. Il appartient en revanche à la Commission de procéder à u

n nouveau calcul des pertes de ressources propres de l’Union restant dues en tenant compte des enseignements de l’arrêt de la Cour relatives à la quantité des pertes et de la valeur qui doit leur être imputée.

{1} Ce manquement vise les obligations qui incombaient au Royaume-Uni en vertu, notamment, de l’article 310, paragraphe 6, et de l’article 325 TFUE, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), et de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de [TVA] (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 335, p. 60).

{2} Plus précisément, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE (principe de coopération loyale) en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées.

Arrêt du 8 mars 2022, Commission / Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation) (C-213/19) (cf. points 398-401)

202. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Absence de constatation et de mise à disposition sans raisons de force majeure ou impossibilité définitive non imputable à l'État membre concerné de procéder au recouvrement - Omission des autorités douanières d'effectuer des contrôles visant à vérifier la valeur réelle des marchandises - Impossibilité de procéder à des vérifications - Connaissance par le autorités douanières d'une sous-évaluation des marchandises - Acceptation systématique des valeurs déclarées - Quantification des montants des pertes de ressources propres fondée sur des données statistiques - Admissibilité

Depuis le 1er janvier 2005, l’Union européenne a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement en provenance notamment de Chine.

À ces fins, l’OLAF a mis au point un outil d’évaluation des risques reposant sur des données à l’échelle de l’Union. Cet outil, s’appuyant sur le calcul d’une moyenne établie à partir de « prix moyens corrigés », aboutit à un « prix minimal acceptable », utilisé comme profil ou seuil de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, ainsi, les importations présentant un risque important de sous-évaluation.

En 2011 et en 2014, le Royaume-Uni a participé à des opérations de surveillance menées par la Commission et l’OLAF, visant à contrecarrer certains risques de fraude à la sous-évaluation, sans toutefois appliquer les « prix minimaux acceptables » calculés selon la méthode de l’OLAF, voire sans exécuter les avis de paiements supplémentaires émis par ses autorités à l’issue d’une telle application.

Or, lors de plusieurs réunions bilatérales, l’OLAF a recommandé que les autorités compétentes britanniques recourent aux indicateurs de risque à l’échelle de l’Union que constituent les « prix minimaux acceptables ». Selon l’OLAF, les importations frauduleuses augmentaient de manière significative au Royaume-Uni en raison du caractère inapproprié des contrôles effectués par les autorités douanières de cet État, encourageant le déplacement vers ce dernier d’opérations frauduleuses visant d’autres États membres. Cependant, selon l’OLAF, le Royaume-Uni n’aurait pas suivi ses recommandations, mettant au contraire les produits concernés en libre pratique dans le marché intérieur, sans procéder aux contrôles douaniers appropriés, de telle sorte qu’une partie substantielle des droits de douane dus n’auraient été ni perçus ni mis à la disposition de la Commission européenne.

En conséquence, estimant que le Royaume-Uni n’avait ni pris en compte les montants corrects des droits de douane, ni mis à sa disposition les montants corrects de ressources propres traditionnelles et de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine, la Commission a introduit un recours tendant à faire constater que cet État a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la réglementation de l’Union relative au contrôle et à la surveillance en matière de recouvrement des ressources propres, au droit douanier et à la TVA.

Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, accueille en partie le recours de la Commission et dit pour droit, en substance, que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en n’ayant pas appliqué des mesures de contrôle douanier efficaces ni pris en compte les montants corrects des droits de douane et, partant, en n’ayant pas mis à disposition de la Commission le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine{1}, ainsi qu’en n’ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires pour calculer les montants de droits et de ressources propres restant dus{2}.

Appréciation de la Cour

Au préalable, la Cour écarte l’ensemble des fins de non-recevoir avancées par le Royaume-Uni portant notamment sur la violation par la Commission du principe de protection de la confiance légitime en raison de certaines déclarations d’agents de la Commission ou de l’OLAF effectuées lors de réunions avec son administration au sujet des mesures prises par cet État pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

À cet égard, la Cour rappelle que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances ayant fait naître à son égard des espérances fondées. Or, même en présence de telles espérances, ce principe ne saurait être invoqué par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective, par la Cour, du non-respect des obligations que lui impose le traité FUE.

Sur le fond, en premier lieu, pour accueillir le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations du droit douanier de l’Union, la Cour souligne tout d’abord les obligations de résultat précises incombant aux États membres, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Afin de combattre les infractions susceptibles de faire obstacle au prélèvement effectif et intégral des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane et risquant, par conséquent, de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, les États membres doivent prévoir l’application non seulement de sanctions adéquates, et notamment des sanctions pénales en cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave, mais également des mesures de contrôles douaniers efficaces et dissuasives. La nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences de cette disposition ne peut pas être déterminée de manière abstraite et statique, dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent évoluer dans le temps.

Partant, si l’article 325, paragraphe 1, TFUE, accorde aux États membres une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures de contrôles douaniers, en l’espèce, eu égard aux particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause, le dispositif de contrôles douaniers mis en place par le Royaume-Uni pour combattre ladite fraude, en ce qu’il était, à quelques rares exceptions près, limité à des actions de recouvrement de droits a posteriori, ne respectait manifestement pas le principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, la Cour reconnaît que les critères communs recommandés par l’OLAF et la Commission aux États membres en matière de risques qui s’insèrent dans le cadre commun de gestion des risques ne sont pas contraignants. Cependant, l’article 325, paragraphes 1 et 3, TFUE, implique une coopération étroite entre, d’une part, les États membres et l’Union et, d’autre part, les États membres eux-mêmes, ces derniers devant dès lors tenir dûment compte de ces critères, voire les suivre dans le cas où ils n’auraient pas développé des critères nationaux au moins aussi efficaces que ceux recommandés par l’Union.

En vertu de la réglementation douanière de l’Union, lue en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni aurait donc dû, à tout le moins, dans le cadre de la définition, pendant la période d’infraction, de son système d’analyse et de gestion des risques, tenir dûment compte des profils de risque ainsi que des types de contrôles douaniers que l’OLAF et la Commission lui recommandaient. Dans ces circonstances, dans le cadre des contrôles douaniers ayant lieu avant la mise en libre pratique des marchandises, le Royaume-Uni ne pouvait, dans l’attente de la mise en place de ses propres seuils de risque prétendument plus performants, refuser d’appliquer un profil de risque quelconque permettant d’identifier, avant le dédouanement des marchandises en cause, des importations à très bas prix présentant un risque important de sous-évaluation. La Cour précise que, dans un contexte de fraude massive à la sous-évaluation telle que celle en cause, une protection effective des intérêts financiers de l’Union nécessitait, outre la mise en place d’un profil de risque, une demande systématique de constitution de garanties pour ce qui concerne les importations en cause. Or, en l’espèce, le Royaume-Uni n’a exigé la constitution de garanties que de manière très exceptionnelle, ces garanties ayant par ailleurs été remboursées après l’annulation des avis auxquels celles-ci avaient trait. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni, en calculant les montants des droits de douane sur la base de valeurs incorrectes, car manifestement trop basses, puis en prenant en compte ces montants de droits, en violation du droit douanier de l’Union, n’a pas pris en compte de manière effective l’intégralité des droits de douane dus.

En second lieu, pour accueillir partiellement le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, la Cour rappelle tout d’abord que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que leurs autorités sont en mesure de calculer le montant des droits résultant d’une dette douanière et d’en déterminer le redevable, et de mettre ensuite les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission, en prenant toutes les mesures nécessaires à cet égard. La gestion du système des ressources propres de l’Union est donc confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Le lien direct entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes oblige les États membres à protéger les intérêts financiers de l’Union et à prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits.

En l’espèce, la Cour constate une violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union dans la mesure où le Royaume-Uni n’a pas pris, pendant la période d’infraction, de mesures de nature à assurer que soient établies à leur juste niveau les valeurs en douane des importations en cause, telles que des contrôles effectués avant le dédouanement et l’obligation de constituer des garanties pour les importations présentant un risque important de sous-évaluation. Ainsi, les dettes douanières ont été calculées par cet État sur la base de valeurs inexactes et le caractère inapproprié des contrôles opérés a eu pour conséquence que l’intégralité des ressources propres relatives aux importations concernées n’a pas été mise à la disposition de la Commission. En omettant de vérifier l’exactitude des valeurs des marchandises en question, déclarées conformément aux règles du droit de l’Union avant leur mise en libre pratique, le Royaume-Uni a créé une situation irréversible ayant conduit à des pertes considérables de ressources propres de l’Union pour lesquelles celui-ci doit être tenu pour responsable.

Ensuite, la Cour accueille le grief de la Commission selon lequel le Royaume-Uni a violé le droit douanier de l’Union en ne mettant pas à sa disposition les ressources propres traditionnelles qui étaient dues pour ce qui concerne les importations relevant de l’opération douanière conjointe dite « Snake », coordonnée par l’OLAF. En effet, les droits de douane supplémentaires réclamés dans des avis émis par le Royaume-Uni avaient été pris en compte, notifiés à leurs débiteurs et inscrits dans la comptabilité, en conformité avec le droit de l’Union. Cependant, lesdits droits n’avaient pas encore été recouvrés et aucune caution n’avait été fournie pour ceux-ci lorsque le Royaume-Uni a décidé d’annuler ces avis et de retirer l’inscription des montants concernés dans la comptabilité.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu du droit douanier de l’Union, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés soient mis à la disposition de la Commission. Or, en l’espèce, le calcul de ces montants est entaché d’une erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, qui étaient tenues de corriger cette erreur en déterminant à nouveau la valeur en douane, en se basant sur l’une des méthodes prévues à cet égard par le droit douanier de l’Union. Cette conclusion vaut également pour leur décision de ne pas réémettre lesdits avis après les avoir corrigés. À cet égard, l’application du droit douanier de l’Union incombe aux États membres qui en sont exclusivement responsables, et le Royaume-Uni, en décidant d’annuler les avis précités plutôt que de les réémettre après les avoir corrigés par des calculs conformes au droit douanier de l’Union, n’a pas pris, en violation de ce droit, les mesures nécessaires pour que les montants constatés soient mis à la disposition de la Commission. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni n’a pas respecté la procédure prévue par le droit douanier de l’Union pour pouvoir être dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants concernés. En outre, pour rejeter les raisons invoquées par le Royaume-Uni visant à le dispenser de son obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres dérivées des droits de douane constatés dans les avis précités et tenant au fait que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises défaillantes ou insolvables, la Cour relève que si ces droits se sont révélés irrécouvrables auprès des entreprises concernées, cela est dû à une double erreur administrative imputable aux autorités de cet État. Enfin, la Cour constate que cet État n’a pas non plus respecté l’obligation accessoire qui lui incombait de verser les intérêts de retard afférents aux ressour

ces propres non mises à la disposition de la Commission.

S’agissant de la question de savoir si le Royaume-Uni a manqué plus spécifiquement aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres, en n’ayant pas mis à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles à concurrence d’un montant déterminé pour chaque année couverte par la période d’infraction, soit un total de 2 679 637 088,86 euros, la Cour constate qu’il est de la compétence et de la responsabilité exclusive des États membres d’assurer que les valeurs déclarées en douane sont établies dans le respect des règles du droit douanier de l’Union relatives à la détermination de la valeur en douane. Or, en l’occurrence, puisque les autorités douanières du Royaume-Uni avaient omis de prendre les mesures appropriées de manière suffisamment systématique, d’importants volumes de marchandises faisant l’objet d’importations manifestement sous-évaluées ont été mis en libre pratique, sans possibilité de les rappeler à des fins de contrôles physiques. Ces omissions ayant rendu impossible l’établissement de la valeur en douane sur la base de l’une des méthodes prescrites par le droit douanier de l’Union, la Commission a, à bon droit, utilisé d’autres méthodes pour cet établissement. La Cour constate également que c’est à bon droit que la Commission a fait usage de sa faculté, inhérente au système des ressources propres de l’Union, de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, le différend l’opposant au Royaume-Uni en ce qui concerne l’obligation de cet État de mettre un certain montant de ressources propres à sa disposition.

Enfin, concernant la quantification des pertes de ressources propres, la Cour précise que, lorsque l’impossibilité de procéder à des vérifications est la conséquence de l’omission des autorités douanières d’avoir effectué des contrôles visant à vérifier la valeur réelle des marchandises, une méthode fondée sur des données statistiques plutôt qu’une méthode visant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base de preuves directes est permise. L’examen effectué par la Cour dans le cadre de la présente procédure doit essentiellement viser à vérifier, d’une part, que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et, d’autre part, qu’elle était suffisamment précise et fiable. À cet égard, la Cour écarte en partie le calcul effectué par la Commission, en jugeant que, du fait d’une incohérence entre les conclusions de la requête et les motifs de celle-ci ainsi que des importantes incertitudes qui en résultent en ce qui concerne l’exactitude des montants des ressources propres que la Commission réclame, cette institution n’a pas démontré à suffisance de droit l’intégralité de ces montants. Eu égard aux particularités de l’espèce, la Cour approuve cependant la méthode appliquée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour une partie de la période d’infraction, dans la mesure où cette méthode s’avère suffisamment précise, fiable et prudente pour ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant desdites pertes. La Cour précise également qu’il ne lui appartient pas de se substituer à la Commission en calculant elle-même les montants exacts des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni. En effet, elle peut soit accueillir soit rejeter, en tout ou en partie, les demandes figurant dans les conclusions de la requête de la Commission, sans pour autant modifier la portée de ces demandes. Il appartient en revanche à la Commission de procéder à u

n nouveau calcul des pertes de ressources propres de l’Union restant dues en tenant compte des enseignements de l’arrêt de la Cour relatives à la quantité des pertes et de la valeur qui doit leur être imputée.

{1} Ce manquement vise les obligations qui incombaient au Royaume-Uni en vertu, notamment, de l’article 310, paragraphe 6, et de l’article 325 TFUE, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), et de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de [TVA] (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 335, p. 60).

{2} Plus précisément, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE (principe de coopération loyale) en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées.

Arrêt du 8 mars 2022, Commission / Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation) (C-213/19) (cf. points 445-447)

203. Ressources propres de l'Union européenne - Ressources provenant de la taxe sur la valeur ajoutée - Base de perception - Méthode de calcul - Présence d'un lien direct entre la perception de la taxe et la mise à la disposition de la Commission de ces ressources - Obligation des États membres de garantir un prélèvement effectif et intégral des ressources propres - Portée - Ressources propres soustraites au budget de l'Union en raison de fraudes - Inclusion - Condition - Recettes nettes de la taxe effectivement affectées par la fraude

Depuis le 1er janvier 2005, l’Union européenne a supprimé tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement en provenance notamment de Chine.

À ces fins, l’OLAF a mis au point un outil d’évaluation des risques reposant sur des données à l’échelle de l’Union. Cet outil, s’appuyant sur le calcul d’une moyenne établie à partir de « prix moyens corrigés », aboutit à un « prix minimal acceptable », utilisé comme profil ou seuil de risque permettant aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, ainsi, les importations présentant un risque important de sous-évaluation.

En 2011 et en 2014, le Royaume-Uni a participé à des opérations de surveillance menées par la Commission et l’OLAF, visant à contrecarrer certains risques de fraude à la sous-évaluation, sans toutefois appliquer les « prix minimaux acceptables » calculés selon la méthode de l’OLAF, voire sans exécuter les avis de paiements supplémentaires émis par ses autorités à l’issue d’une telle application.

Or, lors de plusieurs réunions bilatérales, l’OLAF a recommandé que les autorités compétentes britanniques recourent aux indicateurs de risque à l’échelle de l’Union que constituent les « prix minimaux acceptables ». Selon l’OLAF, les importations frauduleuses augmentaient de manière significative au Royaume-Uni en raison du caractère inapproprié des contrôles effectués par les autorités douanières de cet État, encourageant le déplacement vers ce dernier d’opérations frauduleuses visant d’autres États membres. Cependant, selon l’OLAF, le Royaume-Uni n’aurait pas suivi ses recommandations, mettant au contraire les produits concernés en libre pratique dans le marché intérieur, sans procéder aux contrôles douaniers appropriés, de telle sorte qu’une partie substantielle des droits de douane dus n’auraient été ni perçus ni mis à la disposition de la Commission européenne.

En conséquence, estimant que le Royaume-Uni n’avait ni pris en compte les montants corrects des droits de douane, ni mis à sa disposition les montants corrects de ressources propres traditionnelles et de ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine, la Commission a introduit un recours tendant à faire constater que cet État a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la réglementation de l’Union relative au contrôle et à la surveillance en matière de recouvrement des ressources propres, au droit douanier et à la TVA.

Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, accueille en partie le recours de la Commission et dit pour droit, en substance, que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en n’ayant pas appliqué des mesures de contrôle douanier efficaces ni pris en compte les montants corrects des droits de douane et, partant, en n’ayant pas mis à disposition de la Commission le montant correct des ressources propres traditionnelles relatives à certaines importations de produits textiles et de chaussures en provenance de Chine{1}, ainsi qu’en n’ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires pour calculer les montants de droits et de ressources propres restant dus{2}.

Appréciation de la Cour

Au préalable, la Cour écarte l’ensemble des fins de non-recevoir avancées par le Royaume-Uni portant notamment sur la violation par la Commission du principe de protection de la confiance légitime en raison de certaines déclarations d’agents de la Commission ou de l’OLAF effectuées lors de réunions avec son administration au sujet des mesures prises par cet État pour combattre la fraude à la sous-évaluation en cause.

À cet égard, la Cour rappelle que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances ayant fait naître à son égard des espérances fondées. Or, même en présence de telles espérances, ce principe ne saurait être invoqué par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective, par la Cour, du non-respect des obligations que lui impose le traité FUE.

Sur le fond, en premier lieu, pour accueillir le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de protection des intérêts financiers de l’Union et de lutte contre la fraude ainsi qu’aux obligations du droit douanier de l’Union, la Cour souligne tout d’abord les obligations de résultat précises incombant aux États membres, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Afin de combattre les infractions susceptibles de faire obstacle au prélèvement effectif et intégral des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane et risquant, par conséquent, de porter atteinte aux intérêts financiers de l’Union, les États membres doivent prévoir l’application non seulement de sanctions adéquates, et notamment des sanctions pénales en cas de fraude grave ou d’autre activité illégale grave, mais également des mesures de contrôles douaniers efficaces et dissuasives. La nature des mesures de contrôles douaniers devant être prises par les États membres pour se conformer aux exigences de cette disposition ne peut pas être déterminée de manière abstraite et statique, dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de cette fraude ou de cette autre activité illégale, lesquelles peuvent évoluer dans le temps.

Partant, si l’article 325, paragraphe 1, TFUE, accorde aux États membres une certaine latitude et liberté de choix quant aux mesures de contrôles douaniers, en l’espèce, eu égard aux particularités de la fraude à la sous-évaluation en cause, le dispositif de contrôles douaniers mis en place par le Royaume-Uni pour combattre ladite fraude, en ce qu’il était, à quelques rares exceptions près, limité à des actions de recouvrement de droits a posteriori, ne respectait manifestement pas le principe d’effectivité consacré à l’article 325, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, la Cour reconnaît que les critères communs recommandés par l’OLAF et la Commission aux États membres en matière de risques qui s’insèrent dans le cadre commun de gestion des risques ne sont pas contraignants. Cependant, l’article 325, paragraphes 1 et 3, TFUE, implique une coopération étroite entre, d’une part, les États membres et l’Union et, d’autre part, les États membres eux-mêmes, ces derniers devant dès lors tenir dûment compte de ces critères, voire les suivre dans le cas où ils n’auraient pas développé des critères nationaux au moins aussi efficaces que ceux recommandés par l’Union.

En vertu de la réglementation douanière de l’Union, lue en combinaison avec l’article 325 TFUE, le Royaume-Uni aurait donc dû, à tout le moins, dans le cadre de la définition, pendant la période d’infraction, de son système d’analyse et de gestion des risques, tenir dûment compte des profils de risque ainsi que des types de contrôles douaniers que l’OLAF et la Commission lui recommandaient. Dans ces circonstances, dans le cadre des contrôles douaniers ayant lieu avant la mise en libre pratique des marchandises, le Royaume-Uni ne pouvait, dans l’attente de la mise en place de ses propres seuils de risque prétendument plus performants, refuser d’appliquer un profil de risque quelconque permettant d’identifier, avant le dédouanement des marchandises en cause, des importations à très bas prix présentant un risque important de sous-évaluation. La Cour précise que, dans un contexte de fraude massive à la sous-évaluation telle que celle en cause, une protection effective des intérêts financiers de l’Union nécessitait, outre la mise en place d’un profil de risque, une demande systématique de constitution de garanties pour ce qui concerne les importations en cause. Or, en l’espèce, le Royaume-Uni n’a exigé la constitution de garanties que de manière très exceptionnelle, ces garanties ayant par ailleurs été remboursées après l’annulation des avis auxquels celles-ci avaient trait. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni, en calculant les montants des droits de douane sur la base de valeurs incorrectes, car manifestement trop basses, puis en prenant en compte ces montants de droits, en violation du droit douanier de l’Union, n’a pas pris en compte de manière effective l’intégralité des droits de douane dus.

En second lieu, pour accueillir partiellement le moyen relatif au manquement aux obligations imposées par le droit de l’Union en matière de mise à disposition des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, la Cour rappelle tout d’abord que les États membres sont tenus de constater un droit de l’Union sur les ressources propres dès que leurs autorités sont en mesure de calculer le montant des droits résultant d’une dette douanière et d’en déterminer le redevable, et de mettre ensuite les ressources propres de l’Union à la disposition de la Commission, en prenant toutes les mesures nécessaires à cet égard. La gestion du système des ressources propres de l’Union est donc confiée aux États membres et relève de la seule responsabilité de ces derniers. Le lien direct entre la perception des recettes provenant des droits de douane et la mise à disposition de la Commission des ressources correspondantes oblige les États membres à protéger les intérêts financiers de l’Union et à prendre les mesures nécessaires en vue de garantir le prélèvement effectif et intégral de ces droits.

En l’espèce, la Cour constate une violation de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et du droit douanier de l’Union dans la mesure où le Royaume-Uni n’a pas pris, pendant la période d’infraction, de mesures de nature à assurer que soient établies à leur juste niveau les valeurs en douane des importations en cause, telles que des contrôles effectués avant le dédouanement et l’obligation de constituer des garanties pour les importations présentant un risque important de sous-évaluation. Ainsi, les dettes douanières ont été calculées par cet État sur la base de valeurs inexactes et le caractère inapproprié des contrôles opérés a eu pour conséquence que l’intégralité des ressources propres relatives aux importations concernées n’a pas été mise à la disposition de la Commission. En omettant de vérifier l’exactitude des valeurs des marchandises en question, déclarées conformément aux règles du droit de l’Union avant leur mise en libre pratique, le Royaume-Uni a créé une situation irréversible ayant conduit à des pertes considérables de ressources propres de l’Union pour lesquelles celui-ci doit être tenu pour responsable.

Ensuite, la Cour accueille le grief de la Commission selon lequel le Royaume-Uni a violé le droit douanier de l’Union en ne mettant pas à sa disposition les ressources propres traditionnelles qui étaient dues pour ce qui concerne les importations relevant de l’opération douanière conjointe dite « Snake », coordonnée par l’OLAF. En effet, les droits de douane supplémentaires réclamés dans des avis émis par le Royaume-Uni avaient été pris en compte, notifiés à leurs débiteurs et inscrits dans la comptabilité, en conformité avec le droit de l’Union. Cependant, lesdits droits n’avaient pas encore été recouvrés et aucune caution n’avait été fournie pour ceux-ci lorsque le Royaume-Uni a décidé d’annuler ces avis et de retirer l’inscription des montants concernés dans la comptabilité.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu du droit douanier de l’Union, les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés soient mis à la disposition de la Commission. Or, en l’espèce, le calcul de ces montants est entaché d’une erreur administrative commise par les autorités douanières du Royaume-Uni, qui étaient tenues de corriger cette erreur en déterminant à nouveau la valeur en douane, en se basant sur l’une des méthodes prévues à cet égard par le droit douanier de l’Union. Cette conclusion vaut également pour leur décision de ne pas réémettre lesdits avis après les avoir corrigés. À cet égard, l’application du droit douanier de l’Union incombe aux États membres qui en sont exclusivement responsables, et le Royaume-Uni, en décidant d’annuler les avis précités plutôt que de les réémettre après les avoir corrigés par des calculs conformes au droit douanier de l’Union, n’a pas pris, en violation de ce droit, les mesures nécessaires pour que les montants constatés soient mis à la disposition de la Commission. Par ailleurs, la Cour constate que le Royaume-Uni n’a pas respecté la procédure prévue par le droit douanier de l’Union pour pouvoir être dispensé de mettre à la disposition de la Commission les montants concernés. En outre, pour rejeter les raisons invoquées par le Royaume-Uni visant à le dispenser de son obligation de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres dérivées des droits de douane constatés dans les avis précités et tenant au fait que les débiteurs de ces droits étaient des entreprises défaillantes ou insolvables, la Cour relève que si ces droits se sont révélés irrécouvrables auprès des entreprises concernées, cela est dû à une double erreur administrative imputable aux autorités de cet État. Enfin, la Cour constate que cet État n’a pas non plus respecté l’obligation accessoire qui lui incombait de verser les intérêts de retard afférents aux ressour

ces propres non mises à la disposition de la Commission.

S’agissant de la question de savoir si le Royaume-Uni a manqué plus spécifiquement aux obligations qui lui incombaient en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres, en n’ayant pas mis à la disposition de la Commission des ressources propres traditionnelles à concurrence d’un montant déterminé pour chaque année couverte par la période d’infraction, soit un total de 2 679 637 088,86 euros, la Cour constate qu’il est de la compétence et de la responsabilité exclusive des États membres d’assurer que les valeurs déclarées en douane sont établies dans le respect des règles du droit douanier de l’Union relatives à la détermination de la valeur en douane. Or, en l’occurrence, puisque les autorités douanières du Royaume-Uni avaient omis de prendre les mesures appropriées de manière suffisamment systématique, d’importants volumes de marchandises faisant l’objet d’importations manifestement sous-évaluées ont été mis en libre pratique, sans possibilité de les rappeler à des fins de contrôles physiques. Ces omissions ayant rendu impossible l’établissement de la valeur en douane sur la base de l’une des méthodes prescrites par le droit douanier de l’Union, la Commission a, à bon droit, utilisé d’autres méthodes pour cet établissement. La Cour constate également que c’est à bon droit que la Commission a fait usage de sa faculté, inhérente au système des ressources propres de l’Union, de soumettre à l’appréciation de la Cour, dans le cadre d’un recours en manquement, le différend l’opposant au Royaume-Uni en ce qui concerne l’obligation de cet État de mettre un certain montant de ressources propres à sa disposition.

Enfin, concernant la quantification des pertes de ressources propres, la Cour précise que, lorsque l’impossibilité de procéder à des vérifications est la conséquence de l’omission des autorités douanières d’avoir effectué des contrôles visant à vérifier la valeur réelle des marchandises, une méthode fondée sur des données statistiques plutôt qu’une méthode visant à déterminer la valeur en douane des marchandises concernées sur la base de preuves directes est permise. L’examen effectué par la Cour dans le cadre de la présente procédure doit essentiellement viser à vérifier, d’une part, que cette méthode se justifiait eu égard aux particularités des circonstances de l’espèce et, d’autre part, qu’elle était suffisamment précise et fiable. À cet égard, la Cour écarte en partie le calcul effectué par la Commission, en jugeant que, du fait d’une incohérence entre les conclusions de la requête et les motifs de celle-ci ainsi que des importantes incertitudes qui en résultent en ce qui concerne l’exactitude des montants des ressources propres que la Commission réclame, cette institution n’a pas démontré à suffisance de droit l’intégralité de ces montants. Eu égard aux particularités de l’espèce, la Cour approuve cependant la méthode appliquée par la Commission pour estimer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles pour une partie de la période d’infraction, dans la mesure où cette méthode s’avère suffisamment précise, fiable et prudente pour ne pas conduire à une surestimation manifeste du montant desdites pertes. La Cour précise également qu’il ne lui appartient pas de se substituer à la Commission en calculant elle-même les montants exacts des ressources propres traditionnelles dues par le Royaume-Uni. En effet, elle peut soit accueillir soit rejeter, en tout ou en partie, les demandes figurant dans les conclusions de la requête de la Commission, sans pour autant modifier la portée de ces demandes. Il appartient en revanche à la Commission de procéder à u

n nouveau calcul des pertes de ressources propres de l’Union restant dues en tenant compte des enseignements de l’arrêt de la Cour relatives à la quantité des pertes et de la valeur qui doit leur être imputée.

{1} Ce manquement vise les obligations qui incombaient au Royaume-Uni en vertu, notamment, de l’article 310, paragraphe 6, et de l’article 325 TFUE, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), et de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de [TVA] (JO 2006, L 347, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 335, p. 60).

{2} Plus précisément, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE (principe de coopération loyale) en ne communiquant pas toutes les informations nécessaires à la Commission pour déterminer le montant des pertes de ressources propres traditionnelles et en ne fournissant pas, comme demandé, les motifs des décisions annulant les dettes douanières constatées.

Arrêt du 8 mars 2022, Commission / Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation) (C-213/19) (cf. points 567-576)

204. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Mesures de contrôle - Possibilité pour des autorités nationales protégeant les intérêts financiers de l'Union d'apprécier différemment les mêmes circonstances dans une procédure d'attribution d'un marché public - Admissibilité - Respect du principe de proportionnalité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 31 mars 2022, Smetna palata na Republika Bulgaria (C-195/21) (cf. points 64-67, 69, 70, disp.2)

205. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai d'exécution d'une décision adoptée à l'issue de poursuites d'irrégularités - Interruption et suspension - Marge d'appréciation des États membres - Réglementation nationale prévoyant une interruption du délai d'exécution d'une décision imposant le recouvrement des sommes indûment perçues par une citation en recouvrement forcé - Admissibilité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 7 avril 2022, IFAP (C-447/20 et C-448/20) (cf. points 111-113, 118-120, disp. 4)

206. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Décision imposant le recouvrement des sommes indûment perçues adoptée après l'écoulement de ce délai - Contestation - Réglementation nationale obligeant le destinataire de cette décision à en faire valoir l'irrégularité dans un certain délai devant la juridiction administrative compétente, sous peine de forclusion, et l'empêchant d'invoquer cette même irrégularité dans une procédure de recouvrement forcé engagée contre lui - Admissibilité - Condition - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 7 avril 2022, IFAP (C-447/20 et C-448/20) (cf. points 47-53, 60-62, disp. 1)

Ordonnance du 20 octobre 2022, IFAP (C-374/21) (cf. points 24-34, disp. 1)

207. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai d'exécution d'une décision adoptée à l'issue de poursuites d'irrégularités - Applicabilité tant aux décisions prononçant une sanction administrative qu'à celles imposant une mesure administrative

Voir texte de la décision.

Arrêt du 7 avril 2022, IFAP (C-447/20 et C-448/20) (cf. points 67-69, 73, 75, 83)

Ordonnance du 20 octobre 2022, IFAP (C-374/21) (cf. points 36-38)

208. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai d'exécution d'une décision adoptée à l'issue de poursuites d'irrégularités - Effets de l'expiration de ce délai - Impossibilité de procéder à l'exécution forcée d'une décision imposant le recouvrement des sommes indûment perçues - Droit du destinataire de cette décision de s'opposer au recouvrement forcé en raison de l'expiration du délai d'exécution

Voir texte de la décision.

Arrêt du 7 avril 2022, IFAP (C-447/20 et C-448/20) (cf. points 85-87, 90, 91, 93, disp. 2)

209. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai d'exécution d'une décision adoptée à l'issue de poursuites d'irrégularités - Point de départ - Décision définitive - Notion - Portée - Réglementation nationale prévoyant comme point de départ l'adoption d'une décision imposant le recouvrement des sommes indûment perçues - Inadmissibilité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 7 avril 2022, IFAP (C-447/20 et C-448/20) (cf. points 95, 98, 100, 104, 105, disp. 3)

210. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union européenne - Règlement nº 515/97 - Assistance mutuelle entre les États membres et collaboration entre ceux-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole - Missions communautaires de coopération et d'enquête administratives dans des pays tiers - Informations obtenues par les agents des États membres utilisées comme éléments de preuve dans le cadre d'actions administratives ou judiciaires engagées pour non-respect de la réglementation douanière - Admissibilité

En novembre 2007, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a effectué une mission d’inspection au Laos à laquelle a participé une représentante des autorités douanières tchèques. L’enquête portait sur des vérifications concernant l’importation, dans différents pays de l’Union européenne, de briquets de poche en provenance du Laos entre les années 2004 et 2007. Selon le rapport de fin de mission, Baide lighter Industry (LAO) Co., Ltd (ci-après la « société BAIDE ») a importé des briquets de poche originaires de Chine, mais présentés en douane comme provenant du Laos, échappant ainsi au droit antidumping applicable aux briquets de poche d’origine chinoise.

Sur la base des conclusions de ce rapport, qui portait notamment sur 28 cas d’importations par la société BAIDE de briquets de poche en République tchèque réalisées et mises en libre pratique entre les années 2005 et 2007, les bureaux de douane tchèques compétents ont pris des mesures pour procéder au redressement et au recouvrement fiscal dans ces cas. Par lettre du 20 janvier 2015, la Commission européenne a informé la République tchèque, en réponse à la demande de celle-ci d’être dispensée de l’obligation de mettre à disposition les montants correspondant aux droits constatés qui étaient irrécouvrables, que les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000{1}n’étaient réunies dans aucun des cas en cause. La Commission a invité les autorités tchèques à adopter, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires pour que son compte soit crédité du montant de 53 976 340 couronnes tchèques (CZK).

Après avoir procédé au versement de 75 % de ce montant sur le compte de la Commission (ci-après la « somme litigieuse »), la République tchèque a introduit un recours devant le Tribunal tendant à faire condamner la Commission à lui rembourser la somme litigieuse en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union.

Le Tribunal a accueilli le recours pour autant qu’il vise à la restitution par la Commission de la somme de 17 828 399,66 CZK versée au titre des ressources propres de l’Union européenne. Dans ce cadre, il se penche, notamment, sur les conditions d’une action fondée sur un enrichissement sans cause, sur la collaboration entre les États membres et la Commission dans le cadre d’une mission d’enquête dans un pays tiers, ainsi que sur l’obligation de constituer une garantie en recouvrement de ressources propres.

Appréciations du Tribunal

Le Tribunal considère, tout d’abord, que la République tchèque ne saurait établir le bien-fondé de ses prétentions, dans le cadre d’une action fondée sur un enrichissement sans cause de la Commission, en se limitant à réfuter les arguments contenus dans la lettre du 20 janvier 2015. En revanche, elle devait démontrer, d’une part, que l’enrichissement de la Commission, à la suite de la mise à disposition de la somme litigieuse, ne trouve pas sa justification dans les obligations qui s’imposaient à elle en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres et, d’autre part, que son appauvrissement est lié audit enrichissement. Les obligations de la République tchèque en matière de ressources propres ne découlent pas de la lettre du 20 janvier 2015, mais s’imposent directement en vertu de la réglementation applicable en cette matière. Ainsi, cette lettre ne saurait constituer le cadre du litige en tant qu’elle limiterait les arguments de la Commission visant à contester l’existence d’un enrichissement sans cause à ceux contenus dans ladite lettre.

Ensuite, le Tribunal estime qu’il ne saurait être exigé de la République tchèque, dans le cadre de son action fondée sur un enrichissement sans cause, d’établir que l’ensemble du processus lors de la procédure douanière, du recouvrement de la créance et des opérations relatives aux ressources propres a été exécuté conformément à toutes les règles, correctement, en temps utile et dans le respect de la protection des intérêts financiers de l’Union, mais d’établir uniquement, outre son appauvrissement et l’enrichissement corrélatif, que celui-ci était dénué de toute justification.

En outre, après avoir relevé que la collaboration des États membres avec la Commission est une condition essentielle du respect de l’exécution de la législation douanière au sein de l’Union, le Tribunal constate que, à cette fin, des missions communautaires de coopération et d’enquête administratives sont diligentées dans les pays tiers, auxquelles participent des agents désignés par les États membres{2}. Les renseignements obtenus dans le cadre de ces missions peuvent être utilisés pour permettre la poursuite d’opérations contraires à la réglementation douanière, ainsi que dans le cadre d’actions judiciaires ou de poursuite engagées par la suite. En particulier, ils peuvent être invoqués comme éléments de preuve par les autorités compétentes des États membres{3}.

Dans ces conditions, la représentante de l’administration douanière tchèque au sein de la mission d’inspection était pleinement habilitée à demander à l’OLAF les éléments de preuve annexés au procès-verbal et à les communiquer aux autorités compétentes de la République tchèque afin que celles-ci les utilisent comme éléments de preuve à l’encontre de la société BAIDE dans le cadre de la procédure en recouvrement de la dette douanière due par cette société. Or en l’espèce, l’OLAF, qui s’était engagé à communiquer à la République tchèque les éléments de preuve collectés lors de la mission d’inspection dès le début de l’année 2008, avait tardé à communiquer son rapport, auquel étaient joints de tels éléments. Dans ces conditions, il ne pouvait être reproché à la République tchèque de ne pas avoir été en possession des éléments de preuve nécessaires à la constatation des droits antidumping dus par la société BAIDE sur les 28 cas d’importations litigieux dès le retour de la mission d’inspection et d’avoir attendu la communication du rapport de l’OLAF pour constater les droits dus par cette société.

Par ailleurs, s’agissant de l’obligation de constituer une garantie en recouvrement de ressources propres, le Tribunal relève que, si les autorités douanières des États membres estiment que la vérification de la déclaration en douane peut donner lieu à un montant exigible de droits à l’importation plus élevé que celui découlant des énonciations de la déclaration en douane, leur mainlevée sera autorisée après la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir la différence de ces montants{4}. Leur marge d’appréciation, lorsqu’elles décident de la nécessité d’exiger une telle garantie, est limitée par le principe d’effectivité{5}, en vertu duquel une protection effective des intérêts financiers de l’Union doit être assurée contre toute fraude ou toute autre activité illégale susceptible de porter préjudice à ces intérêts. La portée du principe d’effectivité, en ce que ce dernier s’applique à l’obligation spécifique incombant aux États membres de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits de douane, ne peut être déterminée de manière abstraite et statique dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de la fraude ou de l’activité illégale concernées, lesquelles peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps.

À cet égard, le Tribunal considère que la République tchèque était tenue de constituer une garantie en recouvrement des droits antidumping susceptibles d’être dus par la société BAIDE à compter de l’adoption du profil de risque, dont il ressortait, en particulier, qu’il existait un « soupçon raisonnable » de contournement de la législation douanière, soit à partir du 22 mars 2006. En effet, contrairement à ce qu’a soutenu la République tchèque, la constitution d’une garantie en recouvrement de la somme litigieuse n’exigeait pas, lors de la mainlevée des marchandises en cause, la certitude que leur origine était différente de celle déclarée, mais seulement la présence d’indices pouvant conduire, lors du contrôle de ces marchandises, à la détermination d’un montant de droits supérieur à celui résultant des énonciations de la déclaration en douane. De plus, la simple circonstance que les autorités laotiennes ont confirmé l’authenticité des certificats d’origine joints par la société BAIDE dans deux des 28 cas d’importations litigieuses ne pouvait, en tout état de cause, suffire pour lever les doutes que la République tchèque avait elle-même éprouvés sur le fondement des informations communiquées par l’OLAF au regard de l’ensemble des importations de la société BAIDE réalisées depuis le Laos.

Enfin, le Tribunal estime que la cessation d’activité de la société BAIDE, antérieure à la remise du rapport de l’OLAF, lequel permettait effectivement de constater les droits de douane dus par la société BAIDE, a été susceptible de constituer une raison non imputable à la République tchèque{6} pouvant légalement la dispenser de mettre la somme litigieuse à la disposition de l’Union. Toutefois, dans la mesure où cette dernière était tenue de constituer une garantie sur les sommes à recouvrer au titre des droits antidumping dus par la société BAIDE à compter du 22 mars 2006, le Tribunal conclut à l’existence d’un enrichissement sans cause de l’Union à hauteur du montant de la somme litigieuse correspondant aux droits antidumping dus par la société BAIDE sur les douze premières importations de briquets de poche, réalisées avant cette date.

{1} L’article 17, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 130, p. 1), dispose : « Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables : a) soit pour des raisons de force majeure ; b) soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables. […] »

{2} Conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1).

{3} Conformément à l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 515/97.

{4} Voir l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), lu en combinaison avec l’article 248 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1).

{5} Le principe d’effectivité est posé à l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

{6} Conformément à l’article 17, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1150/2000.

Arrêt du 11 mai 2022, République tchèque / Commission (T-151/20) (cf. points 113-118)

211. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Mise à disposition assortie de réserves - Recours fondé sur l'enrichissement sans cause de l'Union - Recours dirigé contre une lettre de la Commission invitant un État membre à mettre des ressources propres à la disposition du budget de l'Union - Objet du recours - Charge de la preuve

En novembre 2007, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a effectué une mission d’inspection au Laos à laquelle a participé une représentante des autorités douanières tchèques. L’enquête portait sur des vérifications concernant l’importation, dans différents pays de l’Union européenne, de briquets de poche en provenance du Laos entre les années 2004 et 2007. Selon le rapport de fin de mission, Baide lighter Industry (LAO) Co., Ltd (ci-après la « société BAIDE ») a importé des briquets de poche originaires de Chine, mais présentés en douane comme provenant du Laos, échappant ainsi au droit antidumping applicable aux briquets de poche d’origine chinoise.

Sur la base des conclusions de ce rapport, qui portait notamment sur 28 cas d’importations par la société BAIDE de briquets de poche en République tchèque réalisées et mises en libre pratique entre les années 2005 et 2007, les bureaux de douane tchèques compétents ont pris des mesures pour procéder au redressement et au recouvrement fiscal dans ces cas. Par lettre du 20 janvier 2015, la Commission européenne a informé la République tchèque, en réponse à la demande de celle-ci d’être dispensée de l’obligation de mettre à disposition les montants correspondant aux droits constatés qui étaient irrécouvrables, que les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000{1}n’étaient réunies dans aucun des cas en cause. La Commission a invité les autorités tchèques à adopter, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires pour que son compte soit crédité du montant de 53 976 340 couronnes tchèques (CZK).

Après avoir procédé au versement de 75 % de ce montant sur le compte de la Commission (ci-après la « somme litigieuse »), la République tchèque a introduit un recours devant le Tribunal tendant à faire condamner la Commission à lui rembourser la somme litigieuse en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union.

Le Tribunal a accueilli le recours pour autant qu’il vise à la restitution par la Commission de la somme de 17 828 399,66 CZK versée au titre des ressources propres de l’Union européenne. Dans ce cadre, il se penche, notamment, sur les conditions d’une action fondée sur un enrichissement sans cause, sur la collaboration entre les États membres et la Commission dans le cadre d’une mission d’enquête dans un pays tiers, ainsi que sur l’obligation de constituer une garantie en recouvrement de ressources propres.

Appréciations du Tribunal

Le Tribunal considère, tout d’abord, que la République tchèque ne saurait établir le bien-fondé de ses prétentions, dans le cadre d’une action fondée sur un enrichissement sans cause de la Commission, en se limitant à réfuter les arguments contenus dans la lettre du 20 janvier 2015. En revanche, elle devait démontrer, d’une part, que l’enrichissement de la Commission, à la suite de la mise à disposition de la somme litigieuse, ne trouve pas sa justification dans les obligations qui s’imposaient à elle en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres et, d’autre part, que son appauvrissement est lié audit enrichissement. Les obligations de la République tchèque en matière de ressources propres ne découlent pas de la lettre du 20 janvier 2015, mais s’imposent directement en vertu de la réglementation applicable en cette matière. Ainsi, cette lettre ne saurait constituer le cadre du litige en tant qu’elle limiterait les arguments de la Commission visant à contester l’existence d’un enrichissement sans cause à ceux contenus dans ladite lettre.

Ensuite, le Tribunal estime qu’il ne saurait être exigé de la République tchèque, dans le cadre de son action fondée sur un enrichissement sans cause, d’établir que l’ensemble du processus lors de la procédure douanière, du recouvrement de la créance et des opérations relatives aux ressources propres a été exécuté conformément à toutes les règles, correctement, en temps utile et dans le respect de la protection des intérêts financiers de l’Union, mais d’établir uniquement, outre son appauvrissement et l’enrichissement corrélatif, que celui-ci était dénué de toute justification.

En outre, après avoir relevé que la collaboration des États membres avec la Commission est une condition essentielle du respect de l’exécution de la législation douanière au sein de l’Union, le Tribunal constate que, à cette fin, des missions communautaires de coopération et d’enquête administratives sont diligentées dans les pays tiers, auxquelles participent des agents désignés par les États membres{2}. Les renseignements obtenus dans le cadre de ces missions peuvent être utilisés pour permettre la poursuite d’opérations contraires à la réglementation douanière, ainsi que dans le cadre d’actions judiciaires ou de poursuite engagées par la suite. En particulier, ils peuvent être invoqués comme éléments de preuve par les autorités compétentes des États membres{3}.

Dans ces conditions, la représentante de l’administration douanière tchèque au sein de la mission d’inspection était pleinement habilitée à demander à l’OLAF les éléments de preuve annexés au procès-verbal et à les communiquer aux autorités compétentes de la République tchèque afin que celles-ci les utilisent comme éléments de preuve à l’encontre de la société BAIDE dans le cadre de la procédure en recouvrement de la dette douanière due par cette société. Or en l’espèce, l’OLAF, qui s’était engagé à communiquer à la République tchèque les éléments de preuve collectés lors de la mission d’inspection dès le début de l’année 2008, avait tardé à communiquer son rapport, auquel étaient joints de tels éléments. Dans ces conditions, il ne pouvait être reproché à la République tchèque de ne pas avoir été en possession des éléments de preuve nécessaires à la constatation des droits antidumping dus par la société BAIDE sur les 28 cas d’importations litigieux dès le retour de la mission d’inspection et d’avoir attendu la communication du rapport de l’OLAF pour constater les droits dus par cette société.

Par ailleurs, s’agissant de l’obligation de constituer une garantie en recouvrement de ressources propres, le Tribunal relève que, si les autorités douanières des États membres estiment que la vérification de la déclaration en douane peut donner lieu à un montant exigible de droits à l’importation plus élevé que celui découlant des énonciations de la déclaration en douane, leur mainlevée sera autorisée après la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir la différence de ces montants{4}. Leur marge d’appréciation, lorsqu’elles décident de la nécessité d’exiger une telle garantie, est limitée par le principe d’effectivité{5}, en vertu duquel une protection effective des intérêts financiers de l’Union doit être assurée contre toute fraude ou toute autre activité illégale susceptible de porter préjudice à ces intérêts. La portée du principe d’effectivité, en ce que ce dernier s’applique à l’obligation spécifique incombant aux États membres de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits de douane, ne peut être déterminée de manière abstraite et statique dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de la fraude ou de l’activité illégale concernées, lesquelles peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps.

À cet égard, le Tribunal considère que la République tchèque était tenue de constituer une garantie en recouvrement des droits antidumping susceptibles d’être dus par la société BAIDE à compter de l’adoption du profil de risque, dont il ressortait, en particulier, qu’il existait un « soupçon raisonnable » de contournement de la législation douanière, soit à partir du 22 mars 2006. En effet, contrairement à ce qu’a soutenu la République tchèque, la constitution d’une garantie en recouvrement de la somme litigieuse n’exigeait pas, lors de la mainlevée des marchandises en cause, la certitude que leur origine était différente de celle déclarée, mais seulement la présence d’indices pouvant conduire, lors du contrôle de ces marchandises, à la détermination d’un montant de droits supérieur à celui résultant des énonciations de la déclaration en douane. De plus, la simple circonstance que les autorités laotiennes ont confirmé l’authenticité des certificats d’origine joints par la société BAIDE dans deux des 28 cas d’importations litigieuses ne pouvait, en tout état de cause, suffire pour lever les doutes que la République tchèque avait elle-même éprouvés sur le fondement des informations communiquées par l’OLAF au regard de l’ensemble des importations de la société BAIDE réalisées depuis le Laos.

Enfin, le Tribunal estime que la cessation d’activité de la société BAIDE, antérieure à la remise du rapport de l’OLAF, lequel permettait effectivement de constater les droits de douane dus par la société BAIDE, a été susceptible de constituer une raison non imputable à la République tchèque{6} pouvant légalement la dispenser de mettre la somme litigieuse à la disposition de l’Union. Toutefois, dans la mesure où cette dernière était tenue de constituer une garantie sur les sommes à recouvrer au titre des droits antidumping dus par la société BAIDE à compter du 22 mars 2006, le Tribunal conclut à l’existence d’un enrichissement sans cause de l’Union à hauteur du montant de la somme litigieuse correspondant aux droits antidumping dus par la société BAIDE sur les douze premières importations de briquets de poche, réalisées avant cette date.

{1} L’article 17, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 130, p. 1), dispose : « Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables : a) soit pour des raisons de force majeure ; b) soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables. […] »

{2} Conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1).

{3} Conformément à l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 515/97.

{4} Voir l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), lu en combinaison avec l’article 248 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1).

{5} Le principe d’effectivité est posé à l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

{6} Conformément à l’article 17, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1150/2000.

Arrêt du 11 mai 2022, République tchèque / Commission (T-151/20) (cf. points 42-48, 87, 88)

212. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Dispense - Conditions - Raisons de force majeure ou autres raisons n'étant pas imputables à un État membre - Régularité de l'inscription des droits constatés dans la comptabilité séparée

En novembre 2007, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a effectué une mission d’inspection au Laos à laquelle a participé une représentante des autorités douanières tchèques. L’enquête portait sur des vérifications concernant l’importation, dans différents pays de l’Union européenne, de briquets de poche en provenance du Laos entre les années 2004 et 2007. Selon le rapport de fin de mission, Baide lighter Industry (LAO) Co., Ltd (ci-après la « société BAIDE ») a importé des briquets de poche originaires de Chine, mais présentés en douane comme provenant du Laos, échappant ainsi au droit antidumping applicable aux briquets de poche d’origine chinoise.

Sur la base des conclusions de ce rapport, qui portait notamment sur 28 cas d’importations par la société BAIDE de briquets de poche en République tchèque réalisées et mises en libre pratique entre les années 2005 et 2007, les bureaux de douane tchèques compétents ont pris des mesures pour procéder au redressement et au recouvrement fiscal dans ces cas. Par lettre du 20 janvier 2015, la Commission européenne a informé la République tchèque, en réponse à la demande de celle-ci d’être dispensée de l’obligation de mettre à disposition les montants correspondant aux droits constatés qui étaient irrécouvrables, que les conditions prévues à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1150/2000{1}n’étaient réunies dans aucun des cas en cause. La Commission a invité les autorités tchèques à adopter, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires pour que son compte soit crédité du montant de 53 976 340 couronnes tchèques (CZK).

Après avoir procédé au versement de 75 % de ce montant sur le compte de la Commission (ci-après la « somme litigieuse »), la République tchèque a introduit un recours devant le Tribunal tendant à faire condamner la Commission à lui rembourser la somme litigieuse en raison d’un enrichissement sans cause de l’Union.

Le Tribunal a accueilli le recours pour autant qu’il vise à la restitution par la Commission de la somme de 17 828 399,66 CZK versée au titre des ressources propres de l’Union européenne. Dans ce cadre, il se penche, notamment, sur les conditions d’une action fondée sur un enrichissement sans cause, sur la collaboration entre les États membres et la Commission dans le cadre d’une mission d’enquête dans un pays tiers, ainsi que sur l’obligation de constituer une garantie en recouvrement de ressources propres.

Appréciations du Tribunal

Le Tribunal considère, tout d’abord, que la République tchèque ne saurait établir le bien-fondé de ses prétentions, dans le cadre d’une action fondée sur un enrichissement sans cause de la Commission, en se limitant à réfuter les arguments contenus dans la lettre du 20 janvier 2015. En revanche, elle devait démontrer, d’une part, que l’enrichissement de la Commission, à la suite de la mise à disposition de la somme litigieuse, ne trouve pas sa justification dans les obligations qui s’imposaient à elle en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres et, d’autre part, que son appauvrissement est lié audit enrichissement. Les obligations de la République tchèque en matière de ressources propres ne découlent pas de la lettre du 20 janvier 2015, mais s’imposent directement en vertu de la réglementation applicable en cette matière. Ainsi, cette lettre ne saurait constituer le cadre du litige en tant qu’elle limiterait les arguments de la Commission visant à contester l’existence d’un enrichissement sans cause à ceux contenus dans ladite lettre.

Ensuite, le Tribunal estime qu’il ne saurait être exigé de la République tchèque, dans le cadre de son action fondée sur un enrichissement sans cause, d’établir que l’ensemble du processus lors de la procédure douanière, du recouvrement de la créance et des opérations relatives aux ressources propres a été exécuté conformément à toutes les règles, correctement, en temps utile et dans le respect de la protection des intérêts financiers de l’Union, mais d’établir uniquement, outre son appauvrissement et l’enrichissement corrélatif, que celui-ci était dénué de toute justification.

En outre, après avoir relevé que la collaboration des États membres avec la Commission est une condition essentielle du respect de l’exécution de la législation douanière au sein de l’Union, le Tribunal constate que, à cette fin, des missions communautaires de coopération et d’enquête administratives sont diligentées dans les pays tiers, auxquelles participent des agents désignés par les États membres{2}. Les renseignements obtenus dans le cadre de ces missions peuvent être utilisés pour permettre la poursuite d’opérations contraires à la réglementation douanière, ainsi que dans le cadre d’actions judiciaires ou de poursuite engagées par la suite. En particulier, ils peuvent être invoqués comme éléments de preuve par les autorités compétentes des États membres{3}.

Dans ces conditions, la représentante de l’administration douanière tchèque au sein de la mission d’inspection était pleinement habilitée à demander à l’OLAF les éléments de preuve annexés au procès-verbal et à les communiquer aux autorités compétentes de la République tchèque afin que celles-ci les utilisent comme éléments de preuve à l’encontre de la société BAIDE dans le cadre de la procédure en recouvrement de la dette douanière due par cette société. Or en l’espèce, l’OLAF, qui s’était engagé à communiquer à la République tchèque les éléments de preuve collectés lors de la mission d’inspection dès le début de l’année 2008, avait tardé à communiquer son rapport, auquel étaient joints de tels éléments. Dans ces conditions, il ne pouvait être reproché à la République tchèque de ne pas avoir été en possession des éléments de preuve nécessaires à la constatation des droits antidumping dus par la société BAIDE sur les 28 cas d’importations litigieux dès le retour de la mission d’inspection et d’avoir attendu la communication du rapport de l’OLAF pour constater les droits dus par cette société.

Par ailleurs, s’agissant de l’obligation de constituer une garantie en recouvrement de ressources propres, le Tribunal relève que, si les autorités douanières des États membres estiment que la vérification de la déclaration en douane peut donner lieu à un montant exigible de droits à l’importation plus élevé que celui découlant des énonciations de la déclaration en douane, leur mainlevée sera autorisée après la constitution d’une garantie suffisante pour couvrir la différence de ces montants{4}. Leur marge d’appréciation, lorsqu’elles décident de la nécessité d’exiger une telle garantie, est limitée par le principe d’effectivité{5}, en vertu duquel une protection effective des intérêts financiers de l’Union doit être assurée contre toute fraude ou toute autre activité illégale susceptible de porter préjudice à ces intérêts. La portée du principe d’effectivité, en ce que ce dernier s’applique à l’obligation spécifique incombant aux États membres de garantir le prélèvement effectif et intégral des ressources propres de l’Union que constituent les droits de douane, ne peut être déterminée de manière abstraite et statique dès lors qu’elle dépend des caractéristiques de la fraude ou de l’activité illégale concernées, lesquelles peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps.

À cet égard, le Tribunal considère que la République tchèque était tenue de constituer une garantie en recouvrement des droits antidumping susceptibles d’être dus par la société BAIDE à compter de l’adoption du profil de risque, dont il ressortait, en particulier, qu’il existait un « soupçon raisonnable » de contournement de la législation douanière, soit à partir du 22 mars 2006. En effet, contrairement à ce qu’a soutenu la République tchèque, la constitution d’une garantie en recouvrement de la somme litigieuse n’exigeait pas, lors de la mainlevée des marchandises en cause, la certitude que leur origine était différente de celle déclarée, mais seulement la présence d’indices pouvant conduire, lors du contrôle de ces marchandises, à la détermination d’un montant de droits supérieur à celui résultant des énonciations de la déclaration en douane. De plus, la simple circonstance que les autorités laotiennes ont confirmé l’authenticité des certificats d’origine joints par la société BAIDE dans deux des 28 cas d’importations litigieuses ne pouvait, en tout état de cause, suffire pour lever les doutes que la République tchèque avait elle-même éprouvés sur le fondement des informations communiquées par l’OLAF au regard de l’ensemble des importations de la société BAIDE réalisées depuis le Laos.

Enfin, le Tribunal estime que la cessation d’activité de la société BAIDE, antérieure à la remise du rapport de l’OLAF, lequel permettait effectivement de constater les droits de douane dus par la société BAIDE, a été susceptible de constituer une raison non imputable à la République tchèque{6} pouvant légalement la dispenser de mettre la somme litigieuse à la disposition de l’Union. Toutefois, dans la mesure où cette dernière était tenue de constituer une garantie sur les sommes à recouvrer au titre des droits antidumping dus par la société BAIDE à compter du 22 mars 2006, le Tribunal conclut à l’existence d’un enrichissement sans cause de l’Union à hauteur du montant de la somme litigieuse correspondant aux droits antidumping dus par la société BAIDE sur les douze premières importations de briquets de poche, réalisées avant cette date.

{1} L’article 17, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 2007/436/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO 2000, L 130, p. 1), dispose : « Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables : a) soit pour des raisons de force majeure ; b) soit pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables. […] »

{2} Conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1).

{3} Conformément à l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 515/97.

{4} Voir l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), lu en combinaison avec l’article 248 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1).

{5} Le principe d’effectivité est posé à l’article 325, paragraphe 1, TFUE.

{6} Conformément à l’article 17, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1150/2000.

Arrêt du 11 mai 2022, République tchèque / Commission (T-151/20) (cf. points 82-84)

213. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Acte interruptif - Acte d'instruction ou de poursuite - Notion - Rapport de contrôle constatant l'existence d'une irrégularité - Inclusion - Condition - Circonscription avec suffisamment de précision des opérations visées par les soupçons d'irrégularités

Voir le texte de la décision.

Ordonnance du 28 juin 2022, IFAP (Acte interruptif de prescription) (C-728/21) (cf. points 19-23, 26, 28 et disp.)

214. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Notion de fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union - Tout acte ou omission intentionnel portant atteinte aux recettes provenant de l'application d'un taux uniforme à l'assiette harmonisée de la taxe sur la valeur ajoutée déterminée selon les règles de l'Union - Inclusion

En septembre 2007, une société lituanienne avait obtenu, pour une activité de développement immobilier, un prêt auprès d’une banque lituanienne. Ce prêt était garanti par une hypothèque constituée sur une parcelle de terrain sise à Vilnius (Lituanie), sur laquelle se trouvait un bâtiment inachevé.

Par un contrat de cession de créance conclu en novembre 2015, la société HA.EN. a repris, à titre onéreux, les créances de sommes découlant de ce prêt ainsi que l’hypothèque conventionnelle. Lors de la conclusion de ce contrat, HA.EN. a confirmé, notamment, qu’elle avait pris connaissance de la situation économique et financière ainsi que du statut juridique de la société vendeuse, et qu’elle savait que celle-ci était insolvable et qu’une procédure de redressement judiciaire la concernant était pendante.

La mise aux enchères, publiée par acte d’huissier au mois de mai 2016, du bien immeuble sur lequel HA.EN. disposait de l’hypothèque ayant été infructueuse, HA.EN. a accepté la proposition qui lui a été faite de reprendre le bien pour le montant de départ de la mise à prix, ce qui a entraîné l’extinction d’une partie de ses créances. Ainsi, la propriété du bien immeuble lui a été transférée pour la somme totale de 5 468 000 euros, soit un montant de 4 519 008,26 euros augmenté d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 948 991,74 euros. La facture de cette opération a été inscrite dans les comptabilités respectives des deux parties au transfert. La société vendeuse ayant ensuite été déclarée en faillite, elle ne s’est jamais acquittée de la TVA en aval auprès du Trésor public.

De son côté, HA.EN. a demandé à l’administration fiscale de lui rembourser l’excédent de TVA résultant de la déduction de la TVA en amont, soit 948 991,74 euros. Toutefois, l’administration fiscale a considéré que, en concluant l’opération d’acquisition du bien immeuble en cause alors qu’elle savait ou devait savoir que le vendeur ne verserait pas au Trésor public la TVA générée par cette opération, HA.EN. avait agi de mauvaise foi et commis un abus de droit. Pour cette raison, l’administration fiscale lui a refusé le droit de déduire cette TVA en amont.

En première instance, les juridictions lituaniennes ont donné raison à l’administration fiscale. Or, saisi en appel par HA.EN., le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) émet des doutes quant à l’admissibilité, du point de vue du droit de l’Union, d’une pratique de l’administration fiscale consistant à refuser la déduction de la TVA dans des cas tels qu’en l’espèce.

Saisie à son tour à titre préjudiciel, la Cour juge, dans son arrêt, que la directive 2006/112{1}, lue à la lumière du principe de neutralité fiscale, s’oppose à une pratique nationale telle que la pratique lituanienne, consistant, dans le cadre de la vente d’un bien immeuble entre assujettis, à refuser à l’acheteur le droit de déduire la TVA acquittée en amont du seul fait que celui-ci savait ou aurait dû savoir que le vendeur était en difficulté financière, voire en situation d’insolvabilité, et que cette circonstance pouvait avoir pour conséquence que ce dernier ne verserait pas ou ne pourrait pas verser la TVA au Trésor public.

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Appréciation de la Cour

À titre liminaire, la Cour rappelle que le droit à la déduction de la TVA en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA, qui garantit la neutralité quant à la charge fiscale de toute activité économique soumise à la TVA, et que ce droit ne peut, en principe, pas être limité. Toutefois, les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union. Ainsi, s’il est établi à suffisance de droit, au vu d’éléments objectifs, que le droit à déduction est invoqué frauduleusement ou abusivement, les autorités et juridictions nationales doivent refuser le bénéfice du droit à déduction.

À cet égard, la Cour relève tout d’abord qu’un assujetti débiteur d’une créance exécutoire confronté à des difficultés financières, qui vend, dans le cadre d’une procédure de vente forcée organisée par la loi, un de ses biens aux fins d’apurer ses dettes, puis déclare la TVA due à ce titre, mais ne peut par la suite, en raison de ces difficultés, s’acquitter, en tout ou en partie, de ladite TVA, ne se rend, de ce seul fait, coupable de fraude à la TVA. Par conséquent, il ne saurait, à plus forte raison, dans de telles circonstances, être reproché à l’acquéreur d’un tel bien qu’il savait ou aurait dû savoir que, en acquérant ce bien, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la TVA.

Ensuite, la Cour rappelle les deux conditions qui, dans le domaine de la TVA, doivent être réunies aux fins de la constatation de l’existence d’une pratique abusive : les opérations en cause doivent avoir pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par la directive TVA, et il doit résulter d’un ensemble d’éléments objectifs que le but essentiel de ces opérations se limite à l’obtention de cet avantage fiscal.

Sur ce point, la Cour constate que l’existence même de la faculté offerte aux États membres par la directive TVA de recourir au mécanisme de l’autoliquidation, lequel permet de reporter la charge de la TVA sur l’assujetti destinataire de l’opération soumise à cette taxe, et ce notamment dans les cas de figure tels qu’en l’espèce, témoigne de ce que le législateur de l’Union n’a pas considéré la déduction de la TVA acquittée par l’acquéreur d’un bien immeuble dans le cadre d’une procédure de vente forcée comme contraire aux objectifs de la directive TVA. En outre, il ne peut pas être déduit des seules difficultés financières du débiteur voyant son bien vendu par voie d’exécution forcée son intention illégale de ne pas s’acquitter de la TVA. Il ne saurait dès lors, sur cette seule base, être considéré que, en réalisant une transaction commerciale avec lui, l’acquéreur de ce bien commet un abus de droit.

Dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, la reprise du bien immeuble par le créancier peut essentiellement être motivée par sa volonté de récupérer tout ou partie de sa créance par des moyens légaux à sa disposition, tels qu’une procédure de vente forcée. Vu l’objectif a priori légitime que cette procédure poursuit, la reprise en question ne saurait être assimilée à un montage purement artificiel, dépourvu de réalité économique et effectué à la seule fin d’obtenir un avantage fiscal.

Enfin, la Cour considère la pratique lituanienne en cause en l’espèce contraire au principe de neutralité fiscale, pour autant qu’elle implique que les acquéreurs de biens immeubles doivent supporter le poids de la TVA payée en amont, et ce d’autant plus que la République de Lituanie a choisi de ne pas exercer la faculté d’instaurer, pour le cas de figure en l’espèce, un mécanisme d’autoliquidation visant justement à pallier le risque d’insolvabilité du débiteur de la TVA. Par ailleurs, une telle pratique est susceptible de restreindre le cercle des acquéreurs potentiels et, partant, va à l’encontre de l’objectif poursuivi par la procédure de vente forcée, à savoir la réalisation optimale des actifs du débiteur en vue de satisfaire au mieux ses créanciers. Elle tend en outre à isoler les opérateurs économiques en difficultés financières et à entraver leur capacité à réaliser des transactions, en violation du principe de neutralité fiscale, celui-ci s’opposant aux distinctions entre assujettis selon leur situation financière.

{1} Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

Arrêt du 15 septembre 2022, HA.EN. (C-227/21) (cf. points 30, 31)

215. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Assujetti ayant dûment rempli ses obligations déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée - Omission de versement de la taxe dûment déclarée - Absence de fraude à la taxe - Caractère intentionnel ou non de l'omission - Absence d'incidence

En septembre 2007, une société lituanienne avait obtenu, pour une activité de développement immobilier, un prêt auprès d’une banque lituanienne. Ce prêt était garanti par une hypothèque constituée sur une parcelle de terrain sise à Vilnius (Lituanie), sur laquelle se trouvait un bâtiment inachevé.

Par un contrat de cession de créance conclu en novembre 2015, la société HA.EN. a repris, à titre onéreux, les créances de sommes découlant de ce prêt ainsi que l’hypothèque conventionnelle. Lors de la conclusion de ce contrat, HA.EN. a confirmé, notamment, qu’elle avait pris connaissance de la situation économique et financière ainsi que du statut juridique de la société vendeuse, et qu’elle savait que celle-ci était insolvable et qu’une procédure de redressement judiciaire la concernant était pendante.

La mise aux enchères, publiée par acte d’huissier au mois de mai 2016, du bien immeuble sur lequel HA.EN. disposait de l’hypothèque ayant été infructueuse, HA.EN. a accepté la proposition qui lui a été faite de reprendre le bien pour le montant de départ de la mise à prix, ce qui a entraîné l’extinction d’une partie de ses créances. Ainsi, la propriété du bien immeuble lui a été transférée pour la somme totale de 5 468 000 euros, soit un montant de 4 519 008,26 euros augmenté d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 948 991,74 euros. La facture de cette opération a été inscrite dans les comptabilités respectives des deux parties au transfert. La société vendeuse ayant ensuite été déclarée en faillite, elle ne s’est jamais acquittée de la TVA en aval auprès du Trésor public.

De son côté, HA.EN. a demandé à l’administration fiscale de lui rembourser l’excédent de TVA résultant de la déduction de la TVA en amont, soit 948 991,74 euros. Toutefois, l’administration fiscale a considéré que, en concluant l’opération d’acquisition du bien immeuble en cause alors qu’elle savait ou devait savoir que le vendeur ne verserait pas au Trésor public la TVA générée par cette opération, HA.EN. avait agi de mauvaise foi et commis un abus de droit. Pour cette raison, l’administration fiscale lui a refusé le droit de déduire cette TVA en amont.

En première instance, les juridictions lituaniennes ont donné raison à l’administration fiscale. Or, saisi en appel par HA.EN., le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) émet des doutes quant à l’admissibilité, du point de vue du droit de l’Union, d’une pratique de l’administration fiscale consistant à refuser la déduction de la TVA dans des cas tels qu’en l’espèce.

Saisie à son tour à titre préjudiciel, la Cour juge, dans son arrêt, que la directive 2006/112{1}, lue à la lumière du principe de neutralité fiscale, s’oppose à une pratique nationale telle que la pratique lituanienne, consistant, dans le cadre de la vente d’un bien immeuble entre assujettis, à refuser à l’acheteur le droit de déduire la TVA acquittée en amont du seul fait que celui-ci savait ou aurait dû savoir que le vendeur était en difficulté financière, voire en situation d’insolvabilité, et que cette circonstance pouvait avoir pour conséquence que ce dernier ne verserait pas ou ne pourrait pas verser la TVA au Trésor public.

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Appréciation de la Cour

À titre liminaire, la Cour rappelle que le droit à la déduction de la TVA en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA, qui garantit la neutralité quant à la charge fiscale de toute activité économique soumise à la TVA, et que ce droit ne peut, en principe, pas être limité. Toutefois, les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union. Ainsi, s’il est établi à suffisance de droit, au vu d’éléments objectifs, que le droit à déduction est invoqué frauduleusement ou abusivement, les autorités et juridictions nationales doivent refuser le bénéfice du droit à déduction.

À cet égard, la Cour relève tout d’abord qu’un assujetti débiteur d’une créance exécutoire confronté à des difficultés financières, qui vend, dans le cadre d’une procédure de vente forcée organisée par la loi, un de ses biens aux fins d’apurer ses dettes, puis déclare la TVA due à ce titre, mais ne peut par la suite, en raison de ces difficultés, s’acquitter, en tout ou en partie, de ladite TVA, ne se rend, de ce seul fait, coupable de fraude à la TVA. Par conséquent, il ne saurait, à plus forte raison, dans de telles circonstances, être reproché à l’acquéreur d’un tel bien qu’il savait ou aurait dû savoir que, en acquérant ce bien, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la TVA.

Ensuite, la Cour rappelle les deux conditions qui, dans le domaine de la TVA, doivent être réunies aux fins de la constatation de l’existence d’une pratique abusive : les opérations en cause doivent avoir pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par la directive TVA, et il doit résulter d’un ensemble d’éléments objectifs que le but essentiel de ces opérations se limite à l’obtention de cet avantage fiscal.

Sur ce point, la Cour constate que l’existence même de la faculté offerte aux États membres par la directive TVA de recourir au mécanisme de l’autoliquidation, lequel permet de reporter la charge de la TVA sur l’assujetti destinataire de l’opération soumise à cette taxe, et ce notamment dans les cas de figure tels qu’en l’espèce, témoigne de ce que le législateur de l’Union n’a pas considéré la déduction de la TVA acquittée par l’acquéreur d’un bien immeuble dans le cadre d’une procédure de vente forcée comme contraire aux objectifs de la directive TVA. En outre, il ne peut pas être déduit des seules difficultés financières du débiteur voyant son bien vendu par voie d’exécution forcée son intention illégale de ne pas s’acquitter de la TVA. Il ne saurait dès lors, sur cette seule base, être considéré que, en réalisant une transaction commerciale avec lui, l’acquéreur de ce bien commet un abus de droit.

Dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, la reprise du bien immeuble par le créancier peut essentiellement être motivée par sa volonté de récupérer tout ou partie de sa créance par des moyens légaux à sa disposition, tels qu’une procédure de vente forcée. Vu l’objectif a priori légitime que cette procédure poursuit, la reprise en question ne saurait être assimilée à un montage purement artificiel, dépourvu de réalité économique et effectué à la seule fin d’obtenir un avantage fiscal.

Enfin, la Cour considère la pratique lituanienne en cause en l’espèce contraire au principe de neutralité fiscale, pour autant qu’elle implique que les acquéreurs de biens immeubles doivent supporter le poids de la TVA payée en amont, et ce d’autant plus que la République de Lituanie a choisi de ne pas exercer la faculté d’instaurer, pour le cas de figure en l’espèce, un mécanisme d’autoliquidation visant justement à pallier le risque d’insolvabilité du débiteur de la TVA. Par ailleurs, une telle pratique est susceptible de restreindre le cercle des acquéreurs potentiels et, partant, va à l’encontre de l’objectif poursuivi par la procédure de vente forcée, à savoir la réalisation optimale des actifs du débiteur en vue de satisfaire au mieux ses créanciers. Elle tend en outre à isoler les opérateurs économiques en difficultés financières et à entraver leur capacité à réaliser des transactions, en violation du principe de neutralité fiscale, celui-ci s’opposant aux distinctions entre assujettis selon leur situation financière.

{1} Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

Arrêt du 15 septembre 2022, HA.EN. (C-227/21) (cf. point 32)

216. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai d'exécution d'une décision adoptée à l'issue de poursuites d'irrégularités - Effets de l'expiration de ce délai - Impossibilité de procéder à l'exécution forcée d'une décision imposant le recouvrement des sommes indûment perçues - Droit des responsables subsidiaires du destinataire de cette décision de s'opposer au recouvrement forcé en raison de l'expiration du délai d'exécution

Voir texte de la décision.

Ordonnance du 20 octobre 2022, IFAP (C-374/21) (cf. points 40-43, 45, disp. 2)

217. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai d'exécution d'une décision adoptée à l'issue de poursuites d'irrégularités - Point de départ - Décision définitive - Notion - Portée

Voir texte de la décision.

Ordonnance du 20 octobre 2022, IFAP (C-374/21) (cf. points 47-52, disp. 3)

218. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union - Liberté d'entreprise - Secret des affaires - Restrictions à l'exercice des droits fondamentaux justifiées par l'intérêt général - Respect, par la Commission, du principe de bonne gestion financière



Arrêt du 21 décembre 2022, Vialto Consulting / Commission (T-537/18) (cf. points 86-89)

219. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement d'une amende annulée ou réduite par le juge de l'Union - Dispense pour la Commission de l'obligation d'assortir ce montant d'intérêts moratoires - Absence



Arrêt du 8 mars 2023, Campine et Campine Recycling / Commission (T-94/20) (cf. points 72, 73)

220. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement d'une amende annulée ou réduite par le juge de l'Union - Allocation d'intérêts moratoires à compter de la date du paiement provisoire de l'amende - Objectifs - Violation de la fonction dissuasive des amendes - Absence



Arrêt du 8 mars 2023, Campine et Campine Recycling / Commission (T-94/20) (cf. points 90-92)

221. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Remboursement d'une amende annulée ou réduite par le juge de l'Union - Allocation d'intérêts moratoires d'un taux réduit afin de couvrir les frais importants - Justification - Constitution d'une garantie bancaire - Distinction



Arrêt du 8 mars 2023, Campine et Campine Recycling / Commission (T-94/20) (cf. points 95-97)

222. Ressources propres de l'Union européenne - Recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation - Exigence de prise en compte du montant des droits préalablement à la communication au débiteur - Garantie du montant de la dette douanière - Obligations de la caution du débiteur d'une dette douanière - Droits correspondant à cette dette n'ayant pas été communiqués régulièrement à son débiteur - Inexigibilité du paiement, par la caution, de la dette concernée jusqu'à la satisfaction de cette condition

Voir texte de la décision.

Arrêt du 9 mars 2023, Bolloré logistics (C-358/22) (cf. points 32-35, 37-44 et disp.)

223. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Interprétation de manière uniforme et large conformément à l'objectif poursuivi par la législation de l'Union

Voir texte de la décision.

Arrêt du 8 juin 2023, ANAS (C-545/21) (cf. points 27, 28)

224. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Réalisation de travaux cofinancés par un fonds structurel de l'UE - Comportements susceptibles d'être qualifiés d'actes de corruption - Inclusion - Incidence réelle sur la procédure de sélection du soumissionnaire n'étant pas prouvée et aucune atteinte effective au budget de l'Union n'étant constatée - Absence d'incidence

Voir texte de la décision.

Arrêt du 8 juin 2023, ANAS (C-545/21) (cf. points 29, 30, 35, 37-40, disp. 1)

225. Rapprochement des législations - Procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services - Directive 2004/18 - Attribution des marchés - Critères d'attribution - Respect du principe d'égalité de traitement des soumissionnaires et de l'obligation de transparence

Voir texte de la décision.

Arrêt du 8 juin 2023, ANAS (C-545/21) (cf. points 31-33)

226. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Corrections financières par les États membres en rapport avec les irrégularités détectées - Obligations - Appréciation au cas par cas en tenant compte de la nature et de la gravité des irrégularités constatées ainsi que de leur incidence financière pour le fonds concerné - Limite - Respect du principe de proportionnalité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 8 juin 2023, ANAS (C-545/21) (cf. points 44-47, 49, disp. 2)

227. Rapprochement des législations - Procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services - Directive 2004/18 - Attribution des marchés - Causes d'exclusion de la participation à un marché - Faute grave en matière professionnelle - Notion - Comportement d'un opérateur économique dénotant une intention fautive ou une négligence d'une certaine gravité constatée avant la clôture des procédures - Inclusion - Jugement ayant autorité de chose jugée - Absence d'incidence

Voir texte de la décision.

Arrêt du 8 juin 2023, ANAS (C-545/21) (cf. points 52, 53)

228. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Règles de prescription en matière de droit de l'administration fiscale d'établir la TVA due - Absence de dispositions du droit de l'Union applicables - Établissement et application des règles de prescription, de suspension et d'interruption de prescription - Obligation des États membres d'exercer cette compétence dans le respect du droit de l'Union

Napfény-Toll Kft., une société de droit hongrois, avait déduit du montant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont elle était redevable le montant de la TVA due au titre de différentes acquisitions de biens effectuées en 2010 et 2011.

À l’issue d’un contrôle fiscal engagé en décembre 2011 par l’autorité administrative fiscale de premier degré, une partie de la déduction a été refusée car les factures invoquées à cette fin, pour certaines d’entre elles, ne correspondaient à aucune opération économique réelle et, pour d’autres, participaient d’une fraude fiscale.

Par une décision du 8 octobre 2015 (ci-après la « décision administrative initiale »), cette autorité administrative a donc exigé de la société le versement d’un arriéré de taxe d’un montant total de 144 785 000 forints hongrois (HUF) (environ 464 581 euros) et lui a infligé une amende d’un montant de 108 588 000 HUF (environ 348 433 euros), ainsi qu’une pénalité de retard de 46 080 000 HUF (environ 147 860 euros).

Saisie de réclamations par Napfény-Toll, l’autorité administrative fiscale de second degré a infirmé la décision administrative initiale en ce qui concerne la pénalité de retard et rejeté la réclamation pour le surplus. Napfény-Toll a introduit un recours contre cette première décision administrative de second degré devant le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie), qui l’a annulée et a ordonné l’ouverture d’une nouvelle procédure.

L’autorité administrative fiscale de second degré a adopté une deuxième décision, confirmant pour l’essentiel la décision administrative initiale. Par arrêt du 5 juillet 2018, le tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, saisi par la société d’un recours contre cette deuxième décision, l’a annulée et a ordonné l’ouverture d’une nouvelle procédure.

Une troisième décision de l’autorité administrative fiscale de second degré ayant confirmé la décision administrative initiale, Napfény-Toll a introduit un recours contre celle-ci devant la Szegedi Törvényszék (cour de Szeged, Hongrie), la juridiction de renvoi.

Celle-ci relève que, selon la réglementation et la pratique administrative nationales, le délai dans lequel se prescrit le droit de l’administration fiscale d’établir la TVA est suspendu pendant toute la durée des contrôles juridictionnels d’une décision de cette administration, indépendamment du nombre de fois où une même procédure fiscale administrative a dû être réitérée à la suite de ces contrôles et sans limitation de la durée cumulée des suspensions de ce délai.

En conséquence, il n’y aurait pas de limitation de la durée de suspension d’un délai de prescription en cas de contrôle juridictionnel, de sorte que le droit de l’autorité fiscale d’établir les montants de TVA à reverser pourrait être prolongé de plusieurs années, voire de dizaines d’années, à l’instar du cas d’espèce.

La juridiction de renvoi a interrogé la Cour à titre préjudiciel sur la compatibilité de ces règles et de la pratique en résultant avec les principes de sécurité juridique et d’effectivité du droit de l’Union.

Par son arrêt, la Cour dit pour droit, en substance, que ces principes ne s’opposent pas à une réglementation nationale ni à une pratique administrative prévoyant que le délai dans lequel se prescrit le droit de l’administration fiscale d’établir la TVA est suspendu pendant toute la durée des contrôles juridictionnels, indépendamment du nombre de fois où la procédure fiscale administrative a dû être réitérée à la suite de ces contrôles et sans limitation de la durée cumulée des suspensions de ce délai.

Appréciation de la Cour

La Cour relève, à titre liminaire, que le droit de l’Union ne fixe pas de délai dans lequel se prescrit le droit de l’administration fiscale d’établir la TVA ni ne précise, à plus forte raison, les hypothèses dans lesquelles un tel délai devrait être suspendu. Certes, le règlement nº 2988/95{1} pose certaines exigences en matière de computation et de suspension des délais de prescription des poursuites des irrégularités visées à ce règlement. Toutefois, les préjudices portés aux recettes provenant de la TVA ne relèvent pas du champ d’application dudit règlement, faute pour cette taxe d’être perçue directement pour le compte de l’Union au sens de ce même règlement.

Dès lors, il appartient aux États membres d’établir et d’appliquer des règles de prescription en matière de droit de l’administration fiscale d’établir la TVA due, y compris celles relatives aux modalités de suspension et/ou d’interruption de cette prescription. Une telle compétence doit toutefois être exercée dans le respect du droit de l’Union, lequel exige la fixation de délais raisonnables qui protègent à la fois l’assujetti et l’administration concernée.

À cet égard, la Cour constate que, même si sa jurisprudence donne déjà certaines indications relatives au délai de prescription du droit de l’administration fiscale d’établir la TVA due, cette jurisprudence ne répond pas à la question de savoir si un tel délai de prescription peut être suspendu pendant toute la durée des contrôles juridictionnels sans violer le droit de l’Union, et notamment ses principes de sécurité juridique et d’effectivité.

Afin de répondre à cette question, la Cour rappelle, tout d’abord, que le principe de sécurité juridique, qui doit être respecté par les États membres dans l’exercice de leurs compétences, vise à garantir la prévisibilité des situations et exige que la situation d’un assujetti concernant ses droits et ses obligations à l’égard de l’administration fiscale ne soit pas indéfiniment susceptible d’être remise en cause. Dès lors, l’assujetti doit pouvoir se prévaloir d’une situation juridique déterminée.

Or, dès lors que, avant l’expiration du délai de prescription prévu à cet effet, l’administration fiscale a notifié à l’assujetti concerné son intention de réexaminer sa situation fiscale et donc, implicitement, de retirer sa décision d’accepter sa déclaration, cet assujetti ne peut plus se prévaloir de la situation qui serait née sur la base de cette déclaration.

Au demeurant, les exigences découlant du principe de sécurité juridique ne sont pas absolues. Les États membres doivent ainsi les mettre en balance avec les autres exigences inhérentes à leur appartenance à l’Union, en particulier celles d’assurer l’exécution des obligations découlant de traités ou d’actes adoptés par les institutions en application de ces derniers. Les règles nationales relatives à la suspension du délai de prescription du droit de l’administration fiscale d’établir la TVA due doivent parvenir à un équilibre entre les exigences découlant du principe de sécurité juridique et celles permettant la mise en œuvre effective et efficace de la directive 2006/112{2}.

À cet égard, si la réglementation et la pratique décrites en l’espèce sont susceptibles d’engendrer un allongement de la durée dudit délai, elles ne sont pas pour autant de nature, en principe, à rendre la situation des assujettis concernés susceptible d’être indéfiniment remise en cause. La suspension qu’elles prévoient permet, en revanche, d’éviter que la mise en œuvre effective et efficace de la directive 2006/112 ne puisse être mise en péril par l’introduction de recours dilatoires et, par suite, que celle-ci ne soit compromise en raison d’un risque systémique d’impunité des faits constitutifs d’infractions à cette directive.

Ensuite, la Cour examine si cette réglementation et cette pratique enfreignent le principe d’effectivité encadrant l’autonomie procédurale dont jouissent les États membres pour définir les modalités de mise en œuvre des droits que l’ordre juridique de l’Union confère aux particuliers, lorsque le droit de l’Union ne comporte pas de réglementation spécifique à cet égard.

Les règles nationales relatives aux délais de prescription des droits et obligations prévus par la directive 2006/112, ainsi qu’aux conditions de suspension de ces délais, constituent des modalités de mise en œuvre des dispositions de cette directive, soumises, à ce titre, au respect des principes d’effectivité et d’équivalence. Ces modalités procédurales ne doivent pas être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union.

Toutefois, les règles de suspension en cause en l’espèce ne sont pas de nature à rendre en pratique impossible ou, à tout le moins, excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union. En effet, elles n’empêchent nullement cet assujetti de se prévaloir des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union et, notamment, par la directive 2006/112, mais visent, au contraire, à permettre audit assujetti de faire utilement valoir les droits qu’il tire du droit de l’Union, tout en préservant ceux de l’administration fiscale.

Or, nonobstant la circonstance que ni le principe de sécurité juridique ni le principe d’effectivité ne s’opposent à la réglementation ou à la pratique administrative en cause, l’assujetti a droit à ce que sa situation soit traitée dans un délai raisonnable, conformément au droit à une bonne administration puis, en cas de recours juridictionnel, à ce que, conformément à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sa cause soit jugée également dans un délai raisonnable.

Par conséquent, une fois rouverte la procédure d’examen de la situation d’un assujetti au regard des règles du système commun de la TVA, les durées d’un tel réexamen et, le cas échéant, des contrôles juridictionnels subséquents ne doivent pas être déraisonnables au regard des circonstances propres à chaque affaire.

Or, tel pourrait être le cas lorsque la procédure administrative a dû être réitérée en raison de la méconnaissance manifeste, par l’administration fiscale, d’un motif décisif d’une décision juridictionnelle portant sur ladite procédure administrative.

Cela étant, la durée excessive d’une procédure, qu’elle soit administrative ou juridictionnelle, n’est susceptible de justifier l’annulation de la décision prise à son terme que dans l’hypothèse où cette durée a eu une incidence sur la capacité de la personne concernée à se défendre.

Étant donné qu’il revient aux assujettis de veiller à conserver toutes les pièces justificatives pertinentes afférentes à leur déclaration jusqu’à ce que les décisions de taxation deviennent définitives et eu égard au rôle prédominant de la déclaration et des preuves documentaires dans le système commun de la TVA aux fins d’établir l’exactitude des déclarations des assujettis, ce n’est donc que dans des circonstances exceptionnelles qu’il pourrait être établi que la durée excessive d’une procédure administrative ou juridictionnelle est susceptible d’avoir eu une incidence sur la capacité de la personne concernée à se défendre.

{1} Règlement (CE, Euratom) nº 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1).

{2} Directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

Arrêt du 13 juillet 2023, Napfény-Toll (C-615/21) (cf. points 34-37)

229. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Obligation du juge national - Respect des droits fondamentaux - Standard national de protection relatif au principe de l'application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior) - Remise en cause de l'interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale dans les affaires relatives à des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union - Standard applicable aux actes de procédure intervenus avant le constat d'invalidité de la disposition nationale régissant les causes d'une telle interruption - Obligation des juridictions nationales de laisser inappliqué ce standard

Au cours de l’année 2010, C.I., C.O., K.A., L.N. et S.P. (ci-après les « intéressés ») ont omis d’indiquer dans leurs documents comptables les opérations commerciales et les revenus afférents à la vente, à des bénéficiaires internes, de gazole acquis en régime de suspension de droits d’accise, portant ainsi préjudice au budget de l’État, notamment en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les droits d’accise sur le gazole.

Par un arrêt publié le 25 juin 2018, la Curtea Constitutională (Cour constitutionnelle, Roumanie) a déclaré inconstitutionnelle une disposition nationale gouvernant l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale au motif qu’elle méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines{1}. Cette même juridiction a ensuite précisé, dans un arrêt publié le 9 juin 2022, que, eu égard à l’absence d’intervention du législateur roumain immédiatement après cet arrêt de 2018, le droit positif roumain ne prévoyait aucune cause d’interruption dudit délai de prescription entre la date de publication de ce dernier arrêt et celle de l’entrée en vigueur, le 30 mai 2022, de la disposition remplaçant la disposition invalidée{2}.

Par un arrêt rendu le 30 juin 2020, la Curtea de Apel Brașov (cour d’appel de Brașov, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi, a ordonné la condamnation des intéressés, ou la confirmation de celle-ci, à des peines d’emprisonnement pour des infractions de fraude fiscale et d’association de malfaiteurs. Les intéressés ont introduit contre cet arrêt des recours extraordinaires en annulation, au motif qu’ils avaient été condamnés alors même que le délai de prescription de leur responsabilité pénale avait déjà expiré. Plus particulièrement, ils ont fait valoir que le fait que, durant la période susmentionnée, le droit positif ne prévoyait aucune possibilité d’interrompre les délais de prescription constituait, en soi, une loi pénale plus favorable qui devrait leur être appliquée conformément au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior). Ils ont invoqué dans ce contexte un arrêt du 25 octobre 2022 de l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), par lequel celle-ci avait jugé qu’une condamnation définitive peut, en principe, faire l’objet d’un recours extraordinaire en annulation fondé sur les effets des arrêts de la Cour constitutionnelle en tant que loi pénale plus favorable (lex mitior){3}.

La juridiction de renvoi constate que, si une telle interprétation devait être retenue, le délai de prescription aurait, en l’occurrence, expiré avant que la décision de condamnation des intéressés ne soit devenue définitive, ce qui entraînerait la clôture de la procédure pénale et l’impossibilité de condamner ces derniers.

Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union de cette interprétation, en ce qu’elle aurait pour effet d’exonérer les intéressés de leur responsabilité pénale pour des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Par ailleurs, elle souligne qu’elle pourrait être amenée, s’il s’avère qu’une interprétation conforme au droit de l’Union n’est pas possible, à devoir laisser inappliqués les arrêts de la Cour constitutionnelle et/ou de la Haute Cour de cassation et de justice. Or, le nouveau régime disciplinaire permet de sanctionner les juges qui auraient, de mauvaise foi ou par négligence grave, méconnu des arrêts de ces juridictions.

Dans le cadre de la procédure préjudicielle d’urgence enclenchée d’office, la Cour, réunie en grande chambre, précise les obligations qui résultent pour les États membres, d’une part, des exigences de lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et, d’autre part, de l’impératif de respect des droits fondamentaux, tels que protégés en droit de l’Union et en droit national.

Appréciation de la Cour

La Cour constate que ni l’article 325, paragraphe 1, TFUE, ni l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF{4} n’obligent les juridictions d’un État membre à laisser inappliqués les arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription en matière pénale, même si ces arrêts impliquent qu’un nombre considérable d’affaires pénales, relatives notamment à des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, seront clôturées en raison de la prescription de la responsabilité pénale.

À cet égard, la Cour précise tout d’abord que, bien que l’adoption des règles gouvernant la prescription de la responsabilité pénale pour infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union relevait, à la date des faits au principal, de la compétence des États membres, ces derniers sont tenus, dans l’exercice de cette compétence, de respecter les obligations découlant du droit de l’Union. Ainsi, ils se doivent de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives ainsi que de prendre les mesures nécessaires pour que les comportements constitutifs d’une fraude portant atteinte à des tels intérêts, y compris les fraudes à la TVA, soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. À ce titre, ces États doivent veiller à ce que les règles de prescription prévues par le droit national permettent une répression effective des infractions liées à de telles fraudes.

Or, l’application des arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale entraînerait la clôture de la procédure pénale et l’impossibilité de condamner les intéressés. Cette application pourrait, en outre, conduire à la suppression de la responsabilité pénale dans un nombre considérable d’autres affaires, entraînant ainsi un risque systémique d’impunité pour les infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Un tel risque est incompatible avec les obligations imposées aux États membres par l’article 325, paragraphe 1, TFUE et l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF.

Ces dispositions étant d’effet direct, en vertu du principe de primauté du droit de l'Union, il incombe, en principe, aux juridictions nationales de donner plein effet aux obligations découlant de celles-ci, en laissant au besoin inappliquées des dispositions internes qui, dans le cadre d’une procédure concernant des fraudes graves portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, font obstacle à l’application de sanctions effectives et dissuasives pour lutter contre de telles infractions. Il apparaît ainsi que, en principe, ces juridictions sont tenues de laisser inappliqués lesdits arrêts.

Cela étant, dès lors que les procédures pénales concernant les infractions en matière de TVA constituent une mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), il est encore nécessaire de vérifier si l’obligation de laisser inappliqués de tels arrêts se heurte à la protection des droits fondamentaux et, en l’occurrence, de ceux consacrés, dans l’ordre juridique de l’Union, à l’article 49, paragraphe 1, de la Charte{5}. Dans la mesure où les règles gouvernant la prescription en matière pénale ne relèvent pas du champ d’application de cette disposition, l’obligation de laisser inappliqués lesdits arrêts n’est pas de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis à ladite disposition.

Toutefois, lorsqu’une juridiction d’un État membre est appelée à contrôler la conformité aux droits fondamentaux d’une disposition ou d’une mesure nationale qui, dans une situation dans laquelle l’action des États membres n’est pas entièrement déterminée par le droit de l’Union, met en œuvre ce droit au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, il reste loisible aux autorités et aux juridictions nationales d’appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, pourvu que cette application ne compromette pas le niveau de protection prévu par la Charte, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union. Dans la mesure où, en droit roumain, les règles relatives à l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale relèvent du droit pénal matériel et, par conséquent, sont soumises au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu’au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior), ces principes doivent être considérés comme des standards nationaux de protection des droits fondamentaux.

À cet égard, la Cour, en premier lieu, rappelle l’importance, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, que revêt le principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité, à la précision et à la non-rétroactivité de la loi pénale. Ces exigences constituent une expression particulière du principe de sécurité juridique qui est un élément essentiel de l’État de droit, lequel est identifié à l’article 2 TUE à la fois en tant que valeur fondatrice de l’Union et en tant que valeur commune aux États membres.

En l’occurrence, la Cour constitutionnelle a fait application d’un standard national de protection du principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité et à la précision de la loi pénale, qui complète la protection contre l’arbitraire en matière pénale telle qu’offerte par le droit de l’Union, au titre du principe de sécurité juridique. Au regard de l’importance de cette protection contre l’arbitraire, un tel standard peut faire obstacle à l’obligation incombant aux juridictions nationales en vertu de l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE de laisser inappliquées des dispositions nationales gouvernant la prescription en matière pénale.

En deuxième lieu, la Cour dit pour droit que, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et de l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, les juridictions d’un État membre sont, en revanche, tenues de laisser inappliqué un standard national de protection relatif au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior) qui permet de remettre en cause, y compris dans le cadre de recours dirigés contre des jugements définitifs, l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale dans les affaires relatives à des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des actes de procédure intervenus avant le constat d’invalidité de la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription en matière pénale.

En effet, contrairement au standard national de protection relatif au principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité et à la précision de la loi pénale, qui se limite à neutraliser l’effet interruptif d’actes de procédure survenus durant la période allant du 25 juin 2018, date de la publication de l'arrêt constatant l’invalidité de la disposition législative nationale en cause, au 30 mai 2022, date de l’entrée en vigueur de la disposition remplaçant cette disposition, le standard national de protection relatif au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior) permettrait de neutraliser l’effet interruptif d’actes de procédure survenus avant même le 25 juin 2018. L’application d’un tel standard national de protection aggrave ainsi le risque systémique d’impunité pour des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, en méconnaissance des exigences établies à l’article 325 TFUE et à l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF.

Dans de telles circonstances, compte tenu de la nécessaire mise en balance de ce dernier standard national de protection avec les dispositions de l’article 325 TFUE et de l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, l’application, par un juge national, dudit standard est de nature à compromettre la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union.

En dernier lieu, la Cour constate que le principe de primauté s’oppose à une réglementation ou à une pratique nationale en vertu de laquelle les juridictions nationales de droit commun d’un État membre sont liées par les décisions de la Cour constitutionnelle et de celles de la juridiction suprême de cet État membre et ne peuvent, pour cette raison, au risque d’engager la responsabilité disciplinaire des juges concernés, laisser inappliquée d’office la jurisprudence résultant de ces décisions, même si elles considèrent, à la lumière d’un arrêt de la Cour, que cette jurisprudence est contraire à des dispositions du droit de l’Union d’effet direct. En effet, le fait, pour une juridiction nationale, d’exercer les missions qui lui sont confiées par les traités et de respecter les obligations qui pèsent sur elle en vertu de ceux-ci, en donnant, conformément au principe de primauté du droit de l’Union, effet à une disposition de ce droit telle que l’article 325, paragraphe 1, TFUE ou l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, et à l’interprétation qu’en a donné la Cour ne saurait, par définition, être érigé en infraction disciplinaire dans le chef des juges siégeant dans une telle juridiction sans que ladite disposition et ce principe s’en trouvent ipso facto enfreints.

{1} Cette disposition, à savoir l’article 155, paragraphe 1, du code pénal roumain, prévoyait l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale par la réalisation de « tout acte de procédure ». Selon la Cour constitutionnelle, cette disposition était dépourvue de prévisibilité et méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines, eu égard au fait que l’expression « tout acte de procédure » visait également les actes qui n’étaient pas communiqués au suspect ou au prévenu, l’empêchant ainsi de prendre connaissance de la circonstance qu’un nouveau délai de prescription de sa responsabilité pénale avait commencé à courir.

{2} L’article 155, paragraphe 1, du code pénal a été modifié en ce sens que le délai de prescription de la responsabilité pénale est interrompu par tout acte de procédure devant être communiqué au suspect ou au prévenu.

{3} Dans cet arrêt du 25 octobre 2022, la Haute Cour de cassation et de justice a précisé que, en droit roumain, les règles relatives à l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale relèvent du droit pénal matériel et que, par conséquent, elles sont soumises au principe de non-rétroactivité de la loi pénale, sans préjudice du principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior).

{4} La convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Bruxelles le 26 juillet 1995 et annexée à l’acte du Conseil du 26 juillet 1995 (JO 1995, C 316, p. 48, ci-après la « convention PIF »).

{5} Cette disposition, qui consacre en droit de l’Union le principe de légalité des délits et des peines et le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior), est libellée comme suit : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée ».

Arrêt du 24 juillet 2023, Lin (C-107/23 PPU) (cf. points 119-125, disp. 1)



Ordonnance du 9 janvier 2024, Parchetul de pe lângă Tribunalul Braşov (C-75/23) (cf. points 80-82, disp. 1)

230. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union - Fixation des délais de prescription - Compétence des États membres - Limites

Au cours de l’année 2010, C.I., C.O., K.A., L.N. et S.P. (ci-après les « intéressés ») ont omis d’indiquer dans leurs documents comptables les opérations commerciales et les revenus afférents à la vente, à des bénéficiaires internes, de gazole acquis en régime de suspension de droits d’accise, portant ainsi préjudice au budget de l’État, notamment en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les droits d’accise sur le gazole.

Par un arrêt publié le 25 juin 2018, la Curtea Constitutională (Cour constitutionnelle, Roumanie) a déclaré inconstitutionnelle une disposition nationale gouvernant l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale au motif qu’elle méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines{1}. Cette même juridiction a ensuite précisé, dans un arrêt publié le 9 juin 2022, que, eu égard à l’absence d’intervention du législateur roumain immédiatement après cet arrêt de 2018, le droit positif roumain ne prévoyait aucune cause d’interruption dudit délai de prescription entre la date de publication de ce dernier arrêt et celle de l’entrée en vigueur, le 30 mai 2022, de la disposition remplaçant la disposition invalidée{2}.

Par un arrêt rendu le 30 juin 2020, la Curtea de Apel Brașov (cour d’appel de Brașov, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi, a ordonné la condamnation des intéressés, ou la confirmation de celle-ci, à des peines d’emprisonnement pour des infractions de fraude fiscale et d’association de malfaiteurs. Les intéressés ont introduit contre cet arrêt des recours extraordinaires en annulation, au motif qu’ils avaient été condamnés alors même que le délai de prescription de leur responsabilité pénale avait déjà expiré. Plus particulièrement, ils ont fait valoir que le fait que, durant la période susmentionnée, le droit positif ne prévoyait aucune possibilité d’interrompre les délais de prescription constituait, en soi, une loi pénale plus favorable qui devrait leur être appliquée conformément au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior). Ils ont invoqué dans ce contexte un arrêt du 25 octobre 2022 de l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), par lequel celle-ci avait jugé qu’une condamnation définitive peut, en principe, faire l’objet d’un recours extraordinaire en annulation fondé sur les effets des arrêts de la Cour constitutionnelle en tant que loi pénale plus favorable (lex mitior){3}.

La juridiction de renvoi constate que, si une telle interprétation devait être retenue, le délai de prescription aurait, en l’occurrence, expiré avant que la décision de condamnation des intéressés ne soit devenue définitive, ce qui entraînerait la clôture de la procédure pénale et l’impossibilité de condamner ces derniers.

Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union de cette interprétation, en ce qu’elle aurait pour effet d’exonérer les intéressés de leur responsabilité pénale pour des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Par ailleurs, elle souligne qu’elle pourrait être amenée, s’il s’avère qu’une interprétation conforme au droit de l’Union n’est pas possible, à devoir laisser inappliqués les arrêts de la Cour constitutionnelle et/ou de la Haute Cour de cassation et de justice. Or, le nouveau régime disciplinaire permet de sanctionner les juges qui auraient, de mauvaise foi ou par négligence grave, méconnu des arrêts de ces juridictions.

Dans le cadre de la procédure préjudicielle d’urgence enclenchée d’office, la Cour, réunie en grande chambre, précise les obligations qui résultent pour les États membres, d’une part, des exigences de lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et, d’autre part, de l’impératif de respect des droits fondamentaux, tels que protégés en droit de l’Union et en droit national.

Appréciation de la Cour

La Cour constate que ni l’article 325, paragraphe 1, TFUE, ni l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF{4} n’obligent les juridictions d’un État membre à laisser inappliqués les arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription en matière pénale, même si ces arrêts impliquent qu’un nombre considérable d’affaires pénales, relatives notamment à des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, seront clôturées en raison de la prescription de la responsabilité pénale.

À cet égard, la Cour précise tout d’abord que, bien que l’adoption des règles gouvernant la prescription de la responsabilité pénale pour infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union relevait, à la date des faits au principal, de la compétence des États membres, ces derniers sont tenus, dans l’exercice de cette compétence, de respecter les obligations découlant du droit de l’Union. Ainsi, ils se doivent de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives ainsi que de prendre les mesures nécessaires pour que les comportements constitutifs d’une fraude portant atteinte à des tels intérêts, y compris les fraudes à la TVA, soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. À ce titre, ces États doivent veiller à ce que les règles de prescription prévues par le droit national permettent une répression effective des infractions liées à de telles fraudes.

Or, l’application des arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale entraînerait la clôture de la procédure pénale et l’impossibilité de condamner les intéressés. Cette application pourrait, en outre, conduire à la suppression de la responsabilité pénale dans un nombre considérable d’autres affaires, entraînant ainsi un risque systémique d’impunité pour les infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Un tel risque est incompatible avec les obligations imposées aux États membres par l’article 325, paragraphe 1, TFUE et l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF.

Ces dispositions étant d’effet direct, en vertu du principe de primauté du droit de l'Union, il incombe, en principe, aux juridictions nationales de donner plein effet aux obligations découlant de celles-ci, en laissant au besoin inappliquées des dispositions internes qui, dans le cadre d’une procédure concernant des fraudes graves portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, font obstacle à l’application de sanctions effectives et dissuasives pour lutter contre de telles infractions. Il apparaît ainsi que, en principe, ces juridictions sont tenues de laisser inappliqués lesdits arrêts.

Cela étant, dès lors que les procédures pénales concernant les infractions en matière de TVA constituent une mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), il est encore nécessaire de vérifier si l’obligation de laisser inappliqués de tels arrêts se heurte à la protection des droits fondamentaux et, en l’occurrence, de ceux consacrés, dans l’ordre juridique de l’Union, à l’article 49, paragraphe 1, de la Charte{5}. Dans la mesure où les règles gouvernant la prescription en matière pénale ne relèvent pas du champ d’application de cette disposition, l’obligation de laisser inappliqués lesdits arrêts n’est pas de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis à ladite disposition.

Toutefois, lorsqu’une juridiction d’un État membre est appelée à contrôler la conformité aux droits fondamentaux d’une disposition ou d’une mesure nationale qui, dans une situation dans laquelle l’action des États membres n’est pas entièrement déterminée par le droit de l’Union, met en œuvre ce droit au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, il reste loisible aux autorités et aux juridictions nationales d’appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, pourvu que cette application ne compromette pas le niveau de protection prévu par la Charte, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union. Dans la mesure où, en droit roumain, les règles relatives à l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale relèvent du droit pénal matériel et, par conséquent, sont soumises au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu’au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior), ces principes doivent être considérés comme des standards nationaux de protection des droits fondamentaux.

À cet égard, la Cour, en premier lieu, rappelle l’importance, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, que revêt le principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité, à la précision et à la non-rétroactivité de la loi pénale. Ces exigences constituent une expression particulière du principe de sécurité juridique qui est un élément essentiel de l’État de droit, lequel est identifié à l’article 2 TUE à la fois en tant que valeur fondatrice de l’Union et en tant que valeur commune aux États membres.

En l’occurrence, la Cour constitutionnelle a fait application d’un standard national de protection du principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité et à la précision de la loi pénale, qui complète la protection contre l’arbitraire en matière pénale telle qu’offerte par le droit de l’Union, au titre du principe de sécurité juridique. Au regard de l’importance de cette protection contre l’arbitraire, un tel standard peut faire obstacle à l’obligation incombant aux juridictions nationales en vertu de l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE de laisser inappliquées des dispositions nationales gouvernant la prescription en matière pénale.

En deuxième lieu, la Cour dit pour droit que, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et de l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, les juridictions d’un État membre sont, en revanche, tenues de laisser inappliqué un standard national de protection relatif au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior) qui permet de remettre en cause, y compris dans le cadre de recours dirigés contre des jugements définitifs, l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale dans les affaires relatives à des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des actes de procédure intervenus avant le constat d’invalidité de la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription en matière pénale.

En effet, contrairement au standard national de protection relatif au principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité et à la précision de la loi pénale, qui se limite à neutraliser l’effet interruptif d’actes de procédure survenus durant la période allant du 25 juin 2018, date de la publication de l'arrêt constatant l’invalidité de la disposition législative nationale en cause, au 30 mai 2022, date de l’entrée en vigueur de la disposition remplaçant cette disposition, le standard national de protection relatif au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior) permettrait de neutraliser l’effet interruptif d’actes de procédure survenus avant même le 25 juin 2018. L’application d’un tel standard national de protection aggrave ainsi le risque systémique d’impunité pour des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, en méconnaissance des exigences établies à l’article 325 TFUE et à l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF.

Dans de telles circonstances, compte tenu de la nécessaire mise en balance de ce dernier standard national de protection avec les dispositions de l’article 325 TFUE et de l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, l’application, par un juge national, dudit standard est de nature à compromettre la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union.

En dernier lieu, la Cour constate que le principe de primauté s’oppose à une réglementation ou à une pratique nationale en vertu de laquelle les juridictions nationales de droit commun d’un État membre sont liées par les décisions de la Cour constitutionnelle et de celles de la juridiction suprême de cet État membre et ne peuvent, pour cette raison, au risque d’engager la responsabilité disciplinaire des juges concernés, laisser inappliquée d’office la jurisprudence résultant de ces décisions, même si elles considèrent, à la lumière d’un arrêt de la Cour, que cette jurisprudence est contraire à des dispositions du droit de l’Union d’effet direct. En effet, le fait, pour une juridiction nationale, d’exercer les missions qui lui sont confiées par les traités et de respecter les obligations qui pèsent sur elle en vertu de ceux-ci, en donnant, conformément au principe de primauté du droit de l’Union, effet à une disposition de ce droit telle que l’article 325, paragraphe 1, TFUE ou l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, et à l’interprétation qu’en a donné la Cour ne saurait, par définition, être érigé en infraction disciplinaire dans le chef des juges siégeant dans une telle juridiction sans que ladite disposition et ce principe s’en trouvent ipso facto enfreints.

{1} Cette disposition, à savoir l’article 155, paragraphe 1, du code pénal roumain, prévoyait l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale par la réalisation de « tout acte de procédure ». Selon la Cour constitutionnelle, cette disposition était dépourvue de prévisibilité et méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines, eu égard au fait que l’expression « tout acte de procédure » visait également les actes qui n’étaient pas communiqués au suspect ou au prévenu, l’empêchant ainsi de prendre connaissance de la circonstance qu’un nouveau délai de prescription de sa responsabilité pénale avait commencé à courir.

{2} L’article 155, paragraphe 1, du code pénal a été modifié en ce sens que le délai de prescription de la responsabilité pénale est interrompu par tout acte de procédure devant être communiqué au suspect ou au prévenu.

{3} Dans cet arrêt du 25 octobre 2022, la Haute Cour de cassation et de justice a précisé que, en droit roumain, les règles relatives à l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale relèvent du droit pénal matériel et que, par conséquent, elles sont soumises au principe de non-rétroactivité de la loi pénale, sans préjudice du principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior).

{4} La convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Bruxelles le 26 juillet 1995 et annexée à l’acte du Conseil du 26 juillet 1995 (JO 1995, C 316, p. 48, ci-après la « convention PIF »).

{5} Cette disposition, qui consacre en droit de l’Union le principe de légalité des délits et des peines et le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior), est libellée comme suit : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée ».

Arrêt du 24 juillet 2023, Lin (C-107/23 PPU) (cf. points 79-86)



Ordonnance du 9 janvier 2024, Parchetul de pe lângă Tribunalul Braşov (C-75/23) (cf. points 58-61)

231. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union - Lutte contre la fraude et autres activités illégales - Obligation des États membres de mettre en place des sanctions effectives et dissuasives - Portée - Obligation du juge national - Respect des droits fondamentaux - Standard national de protection relatif au principe de légalité des délits et des peines - Exigences de prévisibilité et de précision de la loi pénale - Arrêts de la Cour constitutionnelle d'un État membre invalidant une disposition nationale régissant les causes d'interruption du délai de prescription en matière pénale - Conséquence - Clôture d'un nombre considérable d'affaires pénales, y compris des affaires relatives à des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union - Obligation des juridictions nationales de laisser inappliqués ces arrêts - Absence

Au cours de l’année 2010, C.I., C.O., K.A., L.N. et S.P. (ci-après les « intéressés ») ont omis d’indiquer dans leurs documents comptables les opérations commerciales et les revenus afférents à la vente, à des bénéficiaires internes, de gazole acquis en régime de suspension de droits d’accise, portant ainsi préjudice au budget de l’État, notamment en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les droits d’accise sur le gazole.

Par un arrêt publié le 25 juin 2018, la Curtea Constitutională (Cour constitutionnelle, Roumanie) a déclaré inconstitutionnelle une disposition nationale gouvernant l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale au motif qu’elle méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines{1}. Cette même juridiction a ensuite précisé, dans un arrêt publié le 9 juin 2022, que, eu égard à l’absence d’intervention du législateur roumain immédiatement après cet arrêt de 2018, le droit positif roumain ne prévoyait aucune cause d’interruption dudit délai de prescription entre la date de publication de ce dernier arrêt et celle de l’entrée en vigueur, le 30 mai 2022, de la disposition remplaçant la disposition invalidée{2}.

Par un arrêt rendu le 30 juin 2020, la Curtea de Apel Brașov (cour d’appel de Brașov, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi, a ordonné la condamnation des intéressés, ou la confirmation de celle-ci, à des peines d’emprisonnement pour des infractions de fraude fiscale et d’association de malfaiteurs. Les intéressés ont introduit contre cet arrêt des recours extraordinaires en annulation, au motif qu’ils avaient été condamnés alors même que le délai de prescription de leur responsabilité pénale avait déjà expiré. Plus particulièrement, ils ont fait valoir que le fait que, durant la période susmentionnée, le droit positif ne prévoyait aucune possibilité d’interrompre les délais de prescription constituait, en soi, une loi pénale plus favorable qui devrait leur être appliquée conformément au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior). Ils ont invoqué dans ce contexte un arrêt du 25 octobre 2022 de l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), par lequel celle-ci avait jugé qu’une condamnation définitive peut, en principe, faire l’objet d’un recours extraordinaire en annulation fondé sur les effets des arrêts de la Cour constitutionnelle en tant que loi pénale plus favorable (lex mitior){3}.

La juridiction de renvoi constate que, si une telle interprétation devait être retenue, le délai de prescription aurait, en l’occurrence, expiré avant que la décision de condamnation des intéressés ne soit devenue définitive, ce qui entraînerait la clôture de la procédure pénale et l’impossibilité de condamner ces derniers.

Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union de cette interprétation, en ce qu’elle aurait pour effet d’exonérer les intéressés de leur responsabilité pénale pour des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Par ailleurs, elle souligne qu’elle pourrait être amenée, s’il s’avère qu’une interprétation conforme au droit de l’Union n’est pas possible, à devoir laisser inappliqués les arrêts de la Cour constitutionnelle et/ou de la Haute Cour de cassation et de justice. Or, le nouveau régime disciplinaire permet de sanctionner les juges qui auraient, de mauvaise foi ou par négligence grave, méconnu des arrêts de ces juridictions.

Dans le cadre de la procédure préjudicielle d’urgence enclenchée d’office, la Cour, réunie en grande chambre, précise les obligations qui résultent pour les États membres, d’une part, des exigences de lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et, d’autre part, de l’impératif de respect des droits fondamentaux, tels que protégés en droit de l’Union et en droit national.

Appréciation de la Cour

La Cour constate que ni l’article 325, paragraphe 1, TFUE, ni l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF{4} n’obligent les juridictions d’un État membre à laisser inappliqués les arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription en matière pénale, même si ces arrêts impliquent qu’un nombre considérable d’affaires pénales, relatives notamment à des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, seront clôturées en raison de la prescription de la responsabilité pénale.

À cet égard, la Cour précise tout d’abord que, bien que l’adoption des règles gouvernant la prescription de la responsabilité pénale pour infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union relevait, à la date des faits au principal, de la compétence des États membres, ces derniers sont tenus, dans l’exercice de cette compétence, de respecter les obligations découlant du droit de l’Union. Ainsi, ils se doivent de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des mesures dissuasives et effectives ainsi que de prendre les mesures nécessaires pour que les comportements constitutifs d’une fraude portant atteinte à des tels intérêts, y compris les fraudes à la TVA, soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. À ce titre, ces États doivent veiller à ce que les règles de prescription prévues par le droit national permettent une répression effective des infractions liées à de telles fraudes.

Or, l’application des arrêts de la Cour constitutionnelle invalidant la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale entraînerait la clôture de la procédure pénale et l’impossibilité de condamner les intéressés. Cette application pourrait, en outre, conduire à la suppression de la responsabilité pénale dans un nombre considérable d’autres affaires, entraînant ainsi un risque systémique d’impunité pour les infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Un tel risque est incompatible avec les obligations imposées aux États membres par l’article 325, paragraphe 1, TFUE et l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF.

Ces dispositions étant d’effet direct, en vertu du principe de primauté du droit de l'Union, il incombe, en principe, aux juridictions nationales de donner plein effet aux obligations découlant de celles-ci, en laissant au besoin inappliquées des dispositions internes qui, dans le cadre d’une procédure concernant des fraudes graves portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, font obstacle à l’application de sanctions effectives et dissuasives pour lutter contre de telles infractions. Il apparaît ainsi que, en principe, ces juridictions sont tenues de laisser inappliqués lesdits arrêts.

Cela étant, dès lors que les procédures pénales concernant les infractions en matière de TVA constituent une mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), il est encore nécessaire de vérifier si l’obligation de laisser inappliqués de tels arrêts se heurte à la protection des droits fondamentaux et, en l’occurrence, de ceux consacrés, dans l’ordre juridique de l’Union, à l’article 49, paragraphe 1, de la Charte{5}. Dans la mesure où les règles gouvernant la prescription en matière pénale ne relèvent pas du champ d’application de cette disposition, l’obligation de laisser inappliqués lesdits arrêts n’est pas de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis à ladite disposition.

Toutefois, lorsqu’une juridiction d’un État membre est appelée à contrôler la conformité aux droits fondamentaux d’une disposition ou d’une mesure nationale qui, dans une situation dans laquelle l’action des États membres n’est pas entièrement déterminée par le droit de l’Union, met en œuvre ce droit au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, il reste loisible aux autorités et aux juridictions nationales d’appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, pourvu que cette application ne compromette pas le niveau de protection prévu par la Charte, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union. Dans la mesure où, en droit roumain, les règles relatives à l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale relèvent du droit pénal matériel et, par conséquent, sont soumises au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu’au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior), ces principes doivent être considérés comme des standards nationaux de protection des droits fondamentaux.

À cet égard, la Cour, en premier lieu, rappelle l’importance, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, que revêt le principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité, à la précision et à la non-rétroactivité de la loi pénale. Ces exigences constituent une expression particulière du principe de sécurité juridique qui est un élément essentiel de l’État de droit, lequel est identifié à l’article 2 TUE à la fois en tant que valeur fondatrice de l’Union et en tant que valeur commune aux États membres.

En l’occurrence, la Cour constitutionnelle a fait application d’un standard national de protection du principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité et à la précision de la loi pénale, qui complète la protection contre l’arbitraire en matière pénale telle qu’offerte par le droit de l’Union, au titre du principe de sécurité juridique. Au regard de l’importance de cette protection contre l’arbitraire, un tel standard peut faire obstacle à l’obligation incombant aux juridictions nationales en vertu de l’article 325, paragraphes 1 et 2, TFUE de laisser inappliquées des dispositions nationales gouvernant la prescription en matière pénale.

En deuxième lieu, la Cour dit pour droit que, en vertu de l’article 325, paragraphe 1, TFUE et de l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, les juridictions d’un État membre sont, en revanche, tenues de laisser inappliqué un standard national de protection relatif au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior) qui permet de remettre en cause, y compris dans le cadre de recours dirigés contre des jugements définitifs, l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale dans les affaires relatives à des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union par des actes de procédure intervenus avant le constat d’invalidité de la disposition législative nationale qui régit les causes d’interruption du délai de prescription en matière pénale.

En effet, contrairement au standard national de protection relatif au principe de légalité des délits et des peines, dans ses exigences relatives à la prévisibilité et à la précision de la loi pénale, qui se limite à neutraliser l’effet interruptif d’actes de procédure survenus durant la période allant du 25 juin 2018, date de la publication de l'arrêt constatant l’invalidité de la disposition législative nationale en cause, au 30 mai 2022, date de l’entrée en vigueur de la disposition remplaçant cette disposition, le standard national de protection relatif au principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior) permettrait de neutraliser l’effet interruptif d’actes de procédure survenus avant même le 25 juin 2018. L’application d’un tel standard national de protection aggrave ainsi le risque systémique d’impunité pour des infractions de fraude grave portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, en méconnaissance des exigences établies à l’article 325 TFUE et à l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF.

Dans de telles circonstances, compte tenu de la nécessaire mise en balance de ce dernier standard national de protection avec les dispositions de l’article 325 TFUE et de l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, l’application, par un juge national, dudit standard est de nature à compromettre la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union.

En dernier lieu, la Cour constate que le principe de primauté s’oppose à une réglementation ou à une pratique nationale en vertu de laquelle les juridictions nationales de droit commun d’un État membre sont liées par les décisions de la Cour constitutionnelle et de celles de la juridiction suprême de cet État membre et ne peuvent, pour cette raison, au risque d’engager la responsabilité disciplinaire des juges concernés, laisser inappliquée d’office la jurisprudence résultant de ces décisions, même si elles considèrent, à la lumière d’un arrêt de la Cour, que cette jurisprudence est contraire à des dispositions du droit de l’Union d’effet direct. En effet, le fait, pour une juridiction nationale, d’exercer les missions qui lui sont confiées par les traités et de respecter les obligations qui pèsent sur elle en vertu de ceux-ci, en donnant, conformément au principe de primauté du droit de l’Union, effet à une disposition de ce droit telle que l’article 325, paragraphe 1, TFUE ou l’article 2, paragraphe 1, de la convention PIF, et à l’interprétation qu’en a donné la Cour ne saurait, par définition, être érigé en infraction disciplinaire dans le chef des juges siégeant dans une telle juridiction sans que ladite disposition et ce principe s’en trouvent ipso facto enfreints.

{1} Cette disposition, à savoir l’article 155, paragraphe 1, du code pénal roumain, prévoyait l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale par la réalisation de « tout acte de procédure ». Selon la Cour constitutionnelle, cette disposition était dépourvue de prévisibilité et méconnaissait le principe de légalité des délits et des peines, eu égard au fait que l’expression « tout acte de procédure » visait également les actes qui n’étaient pas communiqués au suspect ou au prévenu, l’empêchant ainsi de prendre connaissance de la circonstance qu’un nouveau délai de prescription de sa responsabilité pénale avait commencé à courir.

{2} L’article 155, paragraphe 1, du code pénal a été modifié en ce sens que le délai de prescription de la responsabilité pénale est interrompu par tout acte de procédure devant être communiqué au suspect ou au prévenu.

{3} Dans cet arrêt du 25 octobre 2022, la Haute Cour de cassation et de justice a précisé que, en droit roumain, les règles relatives à l’interruption du délai de prescription de la responsabilité pénale relèvent du droit pénal matériel et que, par conséquent, elles sont soumises au principe de non-rétroactivité de la loi pénale, sans préjudice du principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior).

{4} La convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, signée à Bruxelles le 26 juillet 1995 et annexée à l’acte du Conseil du 26 juillet 1995 (JO 1995, C 316, p. 48, ci-après la « convention PIF »).

{5} Cette disposition, qui consacre en droit de l’Union le principe de légalité des délits et des peines et le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus favorable (lex mitior), est libellée comme suit : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée ».

Arrêt du 24 juillet 2023, Lin (C-107/23 PPU) (cf. points 91-101, 110-118, 125, disp. 1)



Ordonnance du 9 janvier 2024, Parchetul de pe lângă Tribunalul Braşov (C-75/23) (cf. points 66-79, disp. 1)

232. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Notion d'irrégularité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 16 novembre 2023, Regione Lombardia et Provincia di Pavia (Mesures de reboisement) (C-196/22) (cf. points 43, 44, 46)

233. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Corrections financières par la Commission en rapport avec les irrégularités détectées - Décision de la Commission annulant en partie une contribution du Fonds de cohésion de l'Union européenne à un programme opérationnel - Validité au regard du droit de l'Union

Voir texte de la décision.

Arrêt du 30 janvier 2024, Agentsia "Patna infrastruktura" (Financement européen d’infrastructures routières) (C-471/22) (cf. points 24, 27-31, disp. 1)

234. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Corrections financières par les États membres en rapport avec les irrégularités détectées - Constat d'irrégularité par la Commission et application d'une correction financière - Obligations incombant aux autorités nationales compétentes - Recouvrement des sommes indûment perçues - Modalités - Procédure administrative autonome auprès du bénéficiaire des fonds - Respect des principes généraux du droit de l'Union

Voir texte de la décision.

Arrêt du 30 janvier 2024, Agentsia "Patna infrastruktura" (Financement européen d’infrastructures routières) (C-471/22) (cf. points 33-36, 38-40, 44, disp. 2)

235. Droit de l'Union européenne - Principes - Droit à une protection juridictionnelle effective - Portée - Droit d'être entendu et principes d'égalité des armes - Inclusion - Implication - Décision définitive de la Commission annulant en tout ou en partie, en raison d'une irrégularité, la contribution d'un fonds de l'Union européenne - Juridiction nationale saisie d'un recours contre l'acte national appliquant, en exécution de cette décision, une correction financière au bénéficiaire de ce fonds - Juridiction concernée liée par ladite décision - Admissibilité - Conditions

Voir texte de la décision.

Arrêt du 30 janvier 2024, Agentsia "Patna infrastruktura" (Financement européen d’infrastructures routières) (C-471/22) (cf. points 46-51, disp. 3)

236. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Applicabilité du délai général de prescription de quatre ans - Demande de remboursement d'aides cofinancées par l'Union, régie par le droit privé d'un État membre - Admissibilité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 8 mai 2024, Finanzprokuratur (C-734/22) (cf. points 21, 22, 24, 26, disp. 1)

237. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Acte interruptif - Acte d'instruction ou de poursuite - Notion - Rapport d'audit, avis de recouvrement, rappel de paiement, mise en demeure - Inclusion - Condition - Circonscription avec suffisamment de précision des opérations visées par les soupçons d'irrégularités

Voir texte de la décision.

Arrêt du 8 mai 2024, Finanzprokuratur (C-734/22) (cf. points 39-43, disp. 3)

238. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Arrêt réduisant le montant d'une amende infligée par la Commission et provisoirement payée par l'entreprise concernée - Remboursement par la Commission du montant indûment perçu - Obligation de payer des intérêts afférents au montant remboursé à compter de la date du paiement de l'amende - Absence d'intérêts produits par les montants indûment perçus - Absence de pertinence

La Cour, réunie en grande chambre, rejette le pourvoi formé par la Commission européenne contre un arrêt du Tribunal la condamnant à verser une indemnité de 1 750 522 euros à Deutsche Telekom AG en réparation du préjudice causé par son refus de payer des intérêts sur le montant à rembourser à cette entreprise suite à la réduction d’une amende que cette dernière avait provisoirement payée.

Par décision du 15 octobre 2014{1}, la Commission a infligé à Deutsche Telekom une amende de 31 070 000 euros pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit.

Deutsche Telekom a introduit un recours en annulation de cette décision, tout en s’acquittant à titre provisoire de cette amende le 16 janvier 2015. Par arrêt du 13 décembre 2018{2}, le Tribunal a partiellement accueilli ce recours et a réduit le montant de l’amende de 12 039 019 euros. Le 19 février 2019, la Commission a remboursé ce montant à Deutsche Telekom.

Par lettre du 28 juin 2019, la Commission a, en revanche, refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue (ci-après la « période en cause »).

Saisi d’un recours introduit par Deutsche Telekom, le Tribunal{3} a notamment jugé que ce refus de la Commission de payer des intérêts constitue une violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE{4}, qui est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne. Eu égard à l’existence d’un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice qui consiste en la perte, au cours de la période en cause, des intérêts moratoires sur le montant de l’amende indûment perçu, le Tribunal a accordé à Deutsche Telekom une indemnité d’un montant de 1 750 522 euros calculée sur la base d’une application, par analogie, du taux d’intérêt prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012{5}, à savoir le taux de refinancement de la BCE en vigueur en janvier 2015, majoré de 3,5 points de pourcentage.

La Commission a saisi la Cour d’un pourvoi contre cet arrêt.

Appréciation de la Cour

Tout d’abord, la Cour écarte l’exception d’irrecevabilité soulevée par Deutsche Telekom, tirée du fait que le pourvoi serait, en réalité, dirigé non pas contre l’arrêt attaqué, mais contre l’arrêt Printeos{6} de la Cour sur lequel le Tribunal s’est fondé dans son arrêt.

Sur ce point, la Cour observe que la Commission, comme toute autre partie à un pourvoi, doit conserver la possibilité de remettre en question des principes juridiques que le Tribunal a appliqués dans l’arrêt dont l’annulation est demandée, même si ces principes ont été développés dans des arrêts qui ne peuvent pas ou plus faire l’objet d’un pourvoi.

En l’occurrence, la Commission avait elle-même fait valoir que son pourvoi visait à inviter la Cour à réexaminer sa jurisprudence issue de l’arrêt Printeos, telle qu’appliquée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. L’argumentation avancée par la Commission identifiant, en outre, avec suffisamment de précision les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les motifs pour lesquels celui-ci serait, selon elle, entaché d’erreurs de droit, la Cour déclare le pourvoi recevable.

Sur le fond, la Cour rejette en premier lieu le moyen de la Commission tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’interprétation de l’article 266 TFUE.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt déclarant cet acte nul et non avenu avec effet ex tunc. Cela induit, notamment, le paiement des sommes indûment perçues sur la base dudit acte ainsi que le versement d’intérêts. Dans ce contexte, le versement d’intérêts constitue une mesure d’exécution de l’arrêt d’annulation, en ce qu’il vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance et à inciter le débiteur à exécuter ledit arrêt dans les plus brefs délais.

Plus généralement, lorsque des sommes d’argent ont été perçues en violation du droit de l’Union, que ce soit par une autorité nationale ou une institution, un organe ou un organisme de l’Union, ces sommes d’argent doivent être restituées et cette restitution doit être majorée d’intérêts couvrant toute la période allant de la date de paiement de ces sommes d’argent à la date de leur restitution, ce qui constitue l’expression d’un principe général de répétition de l’indu.

Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la Commission a méconnu l’article 266, premier alinéa, TFUE par son refus de verser des intérêts à Deutsche Telekom sur le montant de l’amende indûment perçu au titre de la période en cause.

La validité de cette conclusion n’est pas mise en cause par le fait que le Tribunal a qualifié à plusieurs reprises les intérêts dus par la Commission en l’espèce d’« intérêts moratoires » ou d’« intérêts de retard », notions qui renvoient à l’existence d’un retard de paiement d’un débiteur ainsi qu’à une intention de sanctionner celui-ci. En effet, pour contestable que soit cette qualification eu égard à la finalité des intérêts en cause, il n’en reste pas moins que le Tribunal a considéré que la Commission était tenue d’assortir le remboursement du montant indûment perçu d’intérêts visant à indemniser forfaitairement Deutsche Telekom pour la privation de jouissance de ce montant, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

De même, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant les arguments de la Commission tirés de l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012, aux termes duquel la Commission rembourse les montants indûment perçus au tiers concerné, majorés des « intérêts produits ». En effet, cette obligation éventuelle de payer les intérêts effectivement produits est sans préjudice de celle pesant, en tout état de cause, sur la Commission, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, d’indemniser forfaitairement l’entreprise concernée pour la privation de jouissance résultant du transfert à la Commission de la somme d’argent correspondant au montant de l’amende indûment payé, y compris lorsque l’investissement du montant de l’amende payée par ladite entreprise à titre provisoire n’a pas produit de rendement.

La Cour entérine également l’analyse du Tribunal selon laquelle l’obligation de la Commission de verser des intérêts à compter de la date de la perception provisoire de l’amende ne porte pas atteinte à la fonction dissuasive des amendes, laquelle doit être conciliée avec les exigences tenant à une protection juridictionnelle effective. En tout état de cause, l’effet dissuasif des amendes ne saurait être invoqué dans le contexte d’amendes qui ont été annulées ou réduites par une juridiction de l’Union, la Commission n’étant pas en mesure de se prévaloir d’un acte déclaré illégal à des fins de dissuasion.

En second lieu, la Cour analyse le moyen de la Commission selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le taux des intérêts dus à Deutsche Telekom s’élève au taux de refinancement de la BCE majoré de 3,5 points de pourcentage, par analogie avec l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012.

Elle rappelle à cet égard qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, aux fins de la détermination du montant des intérêts qui doivent être versés à une entreprise ayant payé une amende infligée par la Commission, à la suite de l’annulation ou de la réduction de cette amende, cette institution doit appliquer l’article 83 du règlement délégué no 1268/2012 alors en vigueur, qui prévoyait plusieurs taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date limite.

La Cour relève que le taux prévu au paragraphe 2, sous b), de cet article 83, appliqué par analogie par le Tribunal dans la présente affaire, ne fixe certes pas le taux des intérêts correspondant à une indemnisation forfaitaire telle que celle en cause en l’espèce, mais l’hypothèse distincte d’un retard de paiement. Telle est précisément la raison pour laquelle le Tribunal a procédé à une application par analogie de cette disposition. Or, en appliquant par analogie le taux de refinancement de la BCE majoré de 3,5 points de pourcentage, qui n’apparaît pas déraisonnable ou disproportionné au regard de la finalité des intérêts en cause, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans l’exercice de la compétence qui lui est reconnue dans le cadre des procédures visant à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

La Cour écarte, en outre, l’argumentation subsidiaire de la Commission visant à voir appliquer par analogie le taux de 1,55 % prévu par l’article 83, paragraphe 4, du règlement délégué no 1268/2012 pour l’hypothèse où une garantie financière a été constituée.

À cet égard, la Cour relève qu’une entreprise qui, tout en ayant introduit un recours contre la décision de la Commission de lui infliger une amende, a payé cette amende à titre provisoire n’est pas dans la même situation qu’une entreprise qui constitue une garantie bancaire dans l’attente de l’épuisement des voies de recours. En effet, cette dernière entreprise n’ayant pas transféré la somme d’argent correspondant au montant de l’amende infligée, la Commission ne saurait être tenue de lui restituer un montant indûment perçu. Le seul préjudice financier éventuellement subi par l’entreprise concernée résulte de sa propre décision de constituer une garantie bancaire.

La Cour souligne enfin que, si la Commission devait considérer que les dispositions réglementaires actuelles ne prennent pas adéquatement en compte une situation telle que celle à l’origine de la présente affaire, il reviendrait à elle ou, le cas échéant, au législateur de l’Union de combler cette lacune. Cela étant, eu égard au fait que l’obligation de la Commission d’assortir d’intérêts le remboursement d’une amende totalement ou partiellement annulée par une juridiction de l’Union découle de l’article 266, premier alinéa, TFUE, toute nouvelle méthode ou modalité de calcul de ces intérêts doit respecter les objectifs poursuivis par de tels intérêts. Par conséquent, le taux d’intérêt applicable à ces intérêts ne pourrait se limiter à compenser la dépréciation monétaire, sans couvrir l’indemnisation forfaitaire de la privation temporaire de la jouissance des fonds correspondant au montant indûment perçu par la Commission.

Pour ces motifs, la Cour écarte le second moyen de la Commission et, dès lors, rejette le pourvoi dans son intégralité.

{1} Décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014,, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 - Slovak Telekom), rectifiée par la décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par la décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015.

{2} Arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

{3} Arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom/Commission (T 610/19, EU:T:2022:15, ci-après l’« arrêt attaqué »).

{4} Cette disposition prévoit l’obligation pour les institutions dont un acte est annulé par un arrêt d’une juridiction de l’Union de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

{5} Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1).

{6} Arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39).

Arrêt du 11 juin 2024, Commission / Deutsche Telekom (C-221/22 P) (cf. points 51-61, 64-68)

239. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Arrêt réduisant le montant d'une amende infligée par la Commission et provisoirement payée par l'entreprise concernée - Remboursement par la Commission du montant indûment perçu - Obligation de payer des intérêts afférents au montant remboursé à compter de la date du paiement de l'amende - Détermination du taux des intérêts dus

La Cour, réunie en grande chambre, rejette le pourvoi formé par la Commission européenne contre un arrêt du Tribunal la condamnant à verser une indemnité de 1 750 522 euros à Deutsche Telekom AG en réparation du préjudice causé par son refus de payer des intérêts sur le montant à rembourser à cette entreprise suite à la réduction d’une amende que cette dernière avait provisoirement payée.

Par décision du 15 octobre 2014{1}, la Commission a infligé à Deutsche Telekom une amende de 31 070 000 euros pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit.

Deutsche Telekom a introduit un recours en annulation de cette décision, tout en s’acquittant à titre provisoire de cette amende le 16 janvier 2015. Par arrêt du 13 décembre 2018{2}, le Tribunal a partiellement accueilli ce recours et a réduit le montant de l’amende de 12 039 019 euros. Le 19 février 2019, la Commission a remboursé ce montant à Deutsche Telekom.

Par lettre du 28 juin 2019, la Commission a, en revanche, refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue (ci-après la « période en cause »).

Saisi d’un recours introduit par Deutsche Telekom, le Tribunal{3} a notamment jugé que ce refus de la Commission de payer des intérêts constitue une violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE{4}, qui est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne. Eu égard à l’existence d’un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice qui consiste en la perte, au cours de la période en cause, des intérêts moratoires sur le montant de l’amende indûment perçu, le Tribunal a accordé à Deutsche Telekom une indemnité d’un montant de 1 750 522 euros calculée sur la base d’une application, par analogie, du taux d’intérêt prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012{5}, à savoir le taux de refinancement de la BCE en vigueur en janvier 2015, majoré de 3,5 points de pourcentage.

La Commission a saisi la Cour d’un pourvoi contre cet arrêt.

Appréciation de la Cour

Tout d’abord, la Cour écarte l’exception d’irrecevabilité soulevée par Deutsche Telekom, tirée du fait que le pourvoi serait, en réalité, dirigé non pas contre l’arrêt attaqué, mais contre l’arrêt Printeos{6} de la Cour sur lequel le Tribunal s’est fondé dans son arrêt.

Sur ce point, la Cour observe que la Commission, comme toute autre partie à un pourvoi, doit conserver la possibilité de remettre en question des principes juridiques que le Tribunal a appliqués dans l’arrêt dont l’annulation est demandée, même si ces principes ont été développés dans des arrêts qui ne peuvent pas ou plus faire l’objet d’un pourvoi.

En l’occurrence, la Commission avait elle-même fait valoir que son pourvoi visait à inviter la Cour à réexaminer sa jurisprudence issue de l’arrêt Printeos, telle qu’appliquée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. L’argumentation avancée par la Commission identifiant, en outre, avec suffisamment de précision les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les motifs pour lesquels celui-ci serait, selon elle, entaché d’erreurs de droit, la Cour déclare le pourvoi recevable.

Sur le fond, la Cour rejette en premier lieu le moyen de la Commission tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’interprétation de l’article 266 TFUE.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt déclarant cet acte nul et non avenu avec effet ex tunc. Cela induit, notamment, le paiement des sommes indûment perçues sur la base dudit acte ainsi que le versement d’intérêts. Dans ce contexte, le versement d’intérêts constitue une mesure d’exécution de l’arrêt d’annulation, en ce qu’il vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance et à inciter le débiteur à exécuter ledit arrêt dans les plus brefs délais.

Plus généralement, lorsque des sommes d’argent ont été perçues en violation du droit de l’Union, que ce soit par une autorité nationale ou une institution, un organe ou un organisme de l’Union, ces sommes d’argent doivent être restituées et cette restitution doit être majorée d’intérêts couvrant toute la période allant de la date de paiement de ces sommes d’argent à la date de leur restitution, ce qui constitue l’expression d’un principe général de répétition de l’indu.

Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la Commission a méconnu l’article 266, premier alinéa, TFUE par son refus de verser des intérêts à Deutsche Telekom sur le montant de l’amende indûment perçu au titre de la période en cause.

La validité de cette conclusion n’est pas mise en cause par le fait que le Tribunal a qualifié à plusieurs reprises les intérêts dus par la Commission en l’espèce d’« intérêts moratoires » ou d’« intérêts de retard », notions qui renvoient à l’existence d’un retard de paiement d’un débiteur ainsi qu’à une intention de sanctionner celui-ci. En effet, pour contestable que soit cette qualification eu égard à la finalité des intérêts en cause, il n’en reste pas moins que le Tribunal a considéré que la Commission était tenue d’assortir le remboursement du montant indûment perçu d’intérêts visant à indemniser forfaitairement Deutsche Telekom pour la privation de jouissance de ce montant, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

De même, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant les arguments de la Commission tirés de l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012, aux termes duquel la Commission rembourse les montants indûment perçus au tiers concerné, majorés des « intérêts produits ». En effet, cette obligation éventuelle de payer les intérêts effectivement produits est sans préjudice de celle pesant, en tout état de cause, sur la Commission, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, d’indemniser forfaitairement l’entreprise concernée pour la privation de jouissance résultant du transfert à la Commission de la somme d’argent correspondant au montant de l’amende indûment payé, y compris lorsque l’investissement du montant de l’amende payée par ladite entreprise à titre provisoire n’a pas produit de rendement.

La Cour entérine également l’analyse du Tribunal selon laquelle l’obligation de la Commission de verser des intérêts à compter de la date de la perception provisoire de l’amende ne porte pas atteinte à la fonction dissuasive des amendes, laquelle doit être conciliée avec les exigences tenant à une protection juridictionnelle effective. En tout état de cause, l’effet dissuasif des amendes ne saurait être invoqué dans le contexte d’amendes qui ont été annulées ou réduites par une juridiction de l’Union, la Commission n’étant pas en mesure de se prévaloir d’un acte déclaré illégal à des fins de dissuasion.

En second lieu, la Cour analyse le moyen de la Commission selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le taux des intérêts dus à Deutsche Telekom s’élève au taux de refinancement de la BCE majoré de 3,5 points de pourcentage, par analogie avec l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012.

Elle rappelle à cet égard qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, aux fins de la détermination du montant des intérêts qui doivent être versés à une entreprise ayant payé une amende infligée par la Commission, à la suite de l’annulation ou de la réduction de cette amende, cette institution doit appliquer l’article 83 du règlement délégué no 1268/2012 alors en vigueur, qui prévoyait plusieurs taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date limite.

La Cour relève que le taux prévu au paragraphe 2, sous b), de cet article 83, appliqué par analogie par le Tribunal dans la présente affaire, ne fixe certes pas le taux des intérêts correspondant à une indemnisation forfaitaire telle que celle en cause en l’espèce, mais l’hypothèse distincte d’un retard de paiement. Telle est précisément la raison pour laquelle le Tribunal a procédé à une application par analogie de cette disposition. Or, en appliquant par analogie le taux de refinancement de la BCE majoré de 3,5 points de pourcentage, qui n’apparaît pas déraisonnable ou disproportionné au regard de la finalité des intérêts en cause, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans l’exercice de la compétence qui lui est reconnue dans le cadre des procédures visant à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

La Cour écarte, en outre, l’argumentation subsidiaire de la Commission visant à voir appliquer par analogie le taux de 1,55 % prévu par l’article 83, paragraphe 4, du règlement délégué no 1268/2012 pour l’hypothèse où une garantie financière a été constituée.

À cet égard, la Cour relève qu’une entreprise qui, tout en ayant introduit un recours contre la décision de la Commission de lui infliger une amende, a payé cette amende à titre provisoire n’est pas dans la même situation qu’une entreprise qui constitue une garantie bancaire dans l’attente de l’épuisement des voies de recours. En effet, cette dernière entreprise n’ayant pas transféré la somme d’argent correspondant au montant de l’amende infligée, la Commission ne saurait être tenue de lui restituer un montant indûment perçu. Le seul préjudice financier éventuellement subi par l’entreprise concernée résulte de sa propre décision de constituer une garantie bancaire.

La Cour souligne enfin que, si la Commission devait considérer que les dispositions réglementaires actuelles ne prennent pas adéquatement en compte une situation telle que celle à l’origine de la présente affaire, il reviendrait à elle ou, le cas échéant, au législateur de l’Union de combler cette lacune. Cela étant, eu égard au fait que l’obligation de la Commission d’assortir d’intérêts le remboursement d’une amende totalement ou partiellement annulée par une juridiction de l’Union découle de l’article 266, premier alinéa, TFUE, toute nouvelle méthode ou modalité de calcul de ces intérêts doit respecter les objectifs poursuivis par de tels intérêts. Par conséquent, le taux d’intérêt applicable à ces intérêts ne pourrait se limiter à compenser la dépréciation monétaire, sans couvrir l’indemnisation forfaitaire de la privation temporaire de la jouissance des fonds correspondant au montant indûment perçu par la Commission.

Pour ces motifs, la Cour écarte le second moyen de la Commission et, dès lors, rejette le pourvoi dans son intégralité.

{1} Décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014,, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 - Slovak Telekom), rectifiée par la décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par la décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015.

{2} Arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

{3} Arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom/Commission (T 610/19, EU:T:2022:15, ci-après l’« arrêt attaqué »).

{4} Cette disposition prévoit l’obligation pour les institutions dont un acte est annulé par un arrêt d’une juridiction de l’Union de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

{5} Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1).

{6} Arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39).

Arrêt du 11 juin 2024, Commission / Deutsche Telekom (C-221/22 P) (cf. points 78-87)

240. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Obligation d'inscription au crédit du compte de la Commission - Délais de mise à disposition - Point de départ

Voir texte de la décision.

Arrêt du 5 septembre 2024, Commission / République tchèque (Briquets de poche) (C-494/22 P) (cf. points 91, 94-102)

241. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Dispense - Conditions - Raisons de force majeure ou autres raisons n'étant pas imputables à un État membre - Régularité de l'inscription des droits constatés dans la comptabilité séparée - Charge de la preuve

Voir texte de la décision.

Arrêt du 5 septembre 2024, Commission / République tchèque (Briquets de poche) (C-494/22 P) (cf. points 92, 103, 105, 106)

242. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Mesures administratives visant à la récupération de montants indûment perçus - Conditions d'application - Possibilité d'adopter de telles mesures sur le seul fondement de l'article 4 du règlement nº 2988/95 - Admissibilité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 4 octobre 2024, Commission / PB (C-721/22 P) (cf. points 46-52)

243. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Mesures administratives visant à la récupération de montants indûment perçus - Conditions d'application - Obligation d'adopter une mesure sectorielle pour appliquer les mesures administratives prévues à l'article 4 du règlement nº 2988/95 - Absence

Voir texte de la décision.

Arrêt du 4 octobre 2024, Commission / PB (C-721/22 P) (cf. point 54)

244. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Sanctions administratives - Conditions d'application - Impossibilité d'infliger de telles sanctions sur le seul fondement de l'article 5 du règlement nº 2988/1955 - Obligation d'adopter une règlementation sectorielle pour appliquer lesdites sanctions

Voir texte de la décision.

Arrêt du 4 octobre 2024, Commission / PB (C-721/22 P) (cf. points 54, 55)

245. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Mesures administratives visant à la récupération de montants indûment perçus - Champ d'application ratione personae - Personnes liées au contractant ayant participé à la réalisation d'irrégularités ou tenues de répondre de ces irrégularités ou de veiller à prévenir leur réalisation - Inclusion

Voir texte de la décision.

Arrêt du 4 octobre 2024, Commission / PB (C-721/22 P) (cf. points 58, 59, 62-65)

246. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Notion - Toute violation des règles en matière de passation des marchés publics - Absence de prise en compte des effets d'une telle violation sur le budget de l'Union - Exclusion - Réglementation nationale prévoyant l'application automatique d'une correction financière en présence d'une telle violation - Détermination du montant de cette correction - Barème de taux de correction forfaitaires préétabli - Inadmissibilité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 4 octobre 2024, Obshtina Svishtov (C-175/23) (cf. points 23-27, 30-40 et disp.)

247. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Annulation, avec un effet ex tunc, d'une résiliation d'un contrat de financement au titre du FEDER - Restitution par l'autorité de gestion de dépenses éligibles au titre de ce financement - Obligation de payer des intérêts de retard - Respect du principe de bonne gestion financière

Voir texte de la décision.

Arrêt du 17 octobre 2024, MFE (C-701/22) (cf. points 36, 41, 47, disp. 1)

248. Droit de l'Union européenne - Droits conférés aux particuliers - Droits au remboursement ou au paiement de sommes d'argent perçues ou refusées par un État membre en violation du droit de l'Union - Droit au versement d'intérêts sur ces sommes d'argent - Modalités - Application du droit national - Conditions - Respect des principes d'équivalence et d'effectivité - Exclusion d'intérêts pour la période antérieure à l'expiration du délai de restitution de la somme indûment versée - Inadmissibilité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 17 octobre 2024, MFE (C-701/22) (cf. points 42, 43, 47, disp. 1)

249. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Irrégularité - Autorité nationale n'ayant appliqué aucune correction financière - Irrégularités détectées lors de l'exécution d'un contrat de financement par une juridiction nationale - Restitution par l'autorité nationale de dépenses éligibles au titre de ce financement - Réduction du montant des intérêts de retard dus au bénéficiaire d'un financement - Admissibilité - Condition - Respect du principe de proportionnalité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 17 octobre 2024, MFE (C-701/22) (cf. points 52-54, disp. 2)

250. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Réglementation nationale prévoyant un délai plus long que celui prévu par ce règlement - Délai quinquennal - Admissibilité - Condition - Respect du principe de proportionnalité - Point de départ du délai de prescription - Date de la constatation de l'irrégularité - Inadmissibilité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 6 février 2025, Emporiki Serron - Emporias kai Diathesis Agrotikon Proionton (C-42/24) (cf. points 22-28, 31-35, 37, disp. 1)

251. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Poursuites des irrégularités - Délai de prescription - Réglementation nationale prévoyant un délai plus long que celui prévu par ce règlement - Délai quinquennal - Limite maximale - Calcul effectué sur la base du délai plus long

Voir texte de la décision.

Arrêt du 6 février 2025, Emporiki Serron - Emporias kai Diathesis Agrotikon Proionton (C-42/24) (cf. points 39-42, disp. 2)

252. Ressources propres de l'Union européenne - Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union - Mesures administratives - Dispositions relatives au retrait d'un avantage indûment obtenu - Coopération transfrontalière - Bénéficiaires - Corrections financières - Décision de correction financière adressée à un bénéficiaire autre que le bénéficiaire chef de file - Inadmissibilité

Voir texte de la décision.

Arrêt du 6 mars 2025, NOV ZHIVOT 1919 (C-620/23) (cf. points 29, 31, 34, 36, 38-40 et disp.)

253. Ressources propres de l'Union européenne - Constatation et mise à disposition par les États membres - Mise à disposition assortie de réserves - Recours fondé sur l'enrichissement sans cause de l'Union - Charge de la preuve

Saisi d’un recours en enrichissement sans cause de l’Union européenne, qu’il accueille, le Tribunal se prononce sur une question inédite portant, d’une part, sur l’examen d’un recours introduit par un État membre sur le fondement d’un prétendu enrichissement sans cause de ressources propres dans le domaine douanier et, d’autre part, sur la prise en considération d’une valeur statistique comme base pour le calcul de la valeur en douane des marchandises.

À la suite de la suppression, depuis le 1er janvier 2005, de tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement originaires de pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Union a été exposée à une quantité très élevée d’importations de produits textiles et de chaussures en provenance d’Asie, et notamment de Chine, ainsi qu’à un risque de sous-évaluation de la valeur en douane desdites importations. En réponse à ce risque, l’opération de contrôle prioritaire{1} dite « Discount » (ci-après l’« ACP Discount »), à laquelle tous les États membres avaient souscrit, prévoyait des contrôles douaniers plus approfondis et visait les importations de certains produits textiles, de chaussures et de lunettes de soleil en provenance de Chine, de Thaïlande et du Vietnam présentant une valeur en douane faible. Dans le cadre de cette opération, des seuils de risque avaient été fixés. Ils permettaient aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, par conséquent, les importations présentant un risque important de sous-évaluation de leur valeur en douane. Pour ce faire, vingt codes du tarif intégré de l’Union européenne ont été créés et, pour chacun de ces codes, un « prix moyen corrigé » (ci-après le « PMC ») a été déterminé par la Commission européenne. Ensuite, une moyenne a été calculée pour toute l’Union sur la base de la moyenne arithmétique des PMC constatés dans l’ensemble des États membres, tout en excluant les valeurs anormalement élevées ou faibles. Enfin, le « prix minimal acceptable » (ci-après le « PMA »), correspondant à 50 % des PMC, a été calculé et utilisé comme seuil de risque.

Du 10 au 14 novembre 2014, la Commission a effectué une mission d’inspection en République tchèque, relative à la mise en œuvre par cette dernière de l’ACP Discount. À la suite de cette mission, la Commission a transmis aux autorités tchèques un rapport, dans lequel elle a émis des réserves sur la mise en œuvre de cette opération. Concrètement, elle a conclu qu’il n’y avait pas eu de contrôle efficace de toutes les déclarations en douane concernées et que toutes les marchandises avaient fait l’objet d’une mainlevée sans demande de garantie, malgré des doutes raisonnables sur l’existence d’une sous évaluation de la valeur en douane desdites marchandises. Selon elle, cette situation avait eu pour conséquence une perte de ressources propres traditionnelles de l’Union dont les autorités tchèques étaient responsables, laquelle était égale à la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et celui calculé sur la base du PMA. Au cours d’échanges entre la République tchèque et la Commission, à l’occasion desquels cette dernière n’a pas accepté les éléments de preuve fournis par l’État membre, la Commission a régulièrement insisté pour que celui-ci mette à la disposition du budget de l’Union, dans un premier temps, la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et le droit calculé sur la base du PMA, puis la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et le droit calculé sur la base du PMC (au lieu du PMA). Bien qu’elle s’y soit opposée à plusieurs reprises, la République tchèque a, sous conditions, mis à la disposition du budget de l’Union les montants résultant du calcul des différences évoquées ci-dessus. Le 22 juin 2020, une compensation partielle de la somme versée a été réalisée en faveur de la République tchèque.

C’est dans ce contexte que la République tchèque a introduit le présent recours fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal rappelle les règles de preuve applicables à une action indemnitaire fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union. Selon la jurisprudence de la Cour, dans le cadre d’une action de cette nature, introduite par un État membre ayant mis à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de l’Union en formulant des réserves à l’égard du bien-fondé de la position de cette dernière, il appartient au Tribunal d’apprécier, notamment, si l’appauvrissement de l’État membre ayant la qualité de partie requérante, correspondant à la mise à la disposition de la Commission de ce montant, et l’enrichissement corrélatif de cette dernière trouvent leur justification dans les obligations qui s’imposent audit État membre en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union ou sont, au contraire, dénués d’une telle justification{2}.

Ainsi, il incombe à l’État membre de démontrer qu’il n’était pas tenu, en vertu des règles de l’Union régissant le système des ressources propres, de mettre à la disposition de la Commission le montant de ressources propres faisant l’objet du litige et qu’il s’est conformé à ses obligations. Cette charge de la preuve n’a toutefois pas comme conséquence que la Commission peut se limiter à énoncer, de façon générale et sans éléments de preuve à l’appui, que les éléments soulevés par l’État membre ne suffisent pas.

En deuxième lieu, s’agissant de la pertinence de la valeur statistique comme base pour estimer la valeur en douane, le Tribunal constate que la Commission fait valoir, en substance, que, tant que la valeur en douane déclarée est inférieure au PMA, elle ne saurait être acceptée et, par conséquent, que la constitution d’une garantie doit être demandée par les autorités nationales avant la mainlevée. Or, il considère que l’hypothèse selon laquelle toute valeur en douane inférieure au PMA doit en principe être rejetée, quelle que soit l’ampleur des doutes subsistant, ou non, après des vérifications et contrôles effectués par les autorités douanières, méconnaîtrait la marge de manœuvre dont jouissent les États membres en effectuant des contrôles douaniers et la réglementation douanière qui prévoit une procédure spécifique en cas de remise en cause de la valeur en douane déclarée.

Partant, le Tribunal considère qu’une valeur statistique, telle que le PMA, peut uniquement être utilisée comme un outil d’analyse de risque, c’est-à-dire un outil permettant de détecter sur la base de profils de risque les importations susceptibles d’être sous-évaluées et pour lesquelles des vérifications sont nécessaires, et non pour déterminer leur valeur en douane.

En troisième et dernier lieu, dans le cadre d’une évaluation des possibilités réelles des autorités douanières tchèques de déterminer une valeur en douane plus élevée, le Tribunal examine si, par l’application des méthodes secondaires{3} pour déterminer la valeur en douane, ces autorités auraient pu arriver à une valeur douanière plus élevée que la valeur transactionnelle{4} et si, par conséquent, la constitution d’une garantie avant la mainlevée des marchandises concernées aurait contribué à la protection des intérêts financiers de l’Union.

À cet égard, il rappelle que l’objectif d’une garantie est de permettre aux autorités douanières, d’une part, d’autoriser la mainlevée des marchandises tout en continuant l’examen de ces dernières et de la documentation les accompagnant et, d’autre part, d’éviter qu’une dette douanière potentielle résultant d’un tel examen ne soit plus recouvrée. Dès lors, il s’ensuit que c’est seulement dans l’hypothèse où les autorités douanières d’un État membre disposent des éléments leur permettant de calculer un montant de droits en douane supérieur à celui perçu sur la base de la valeur en douane déclarée et de constater un droit supplémentaire de ressources propres au bénéfice de l’Union que la constitution d’une garantie contribue à la protection des intérêts financiers de l’Union. Par ailleurs, le Tribunal rappelle qu’une valeur statistique, telle que le PMA, ne sert pas à déterminer la valeur en douane des marchandises, pas même dans le cadre de la détermination de la valeur selon la méthode résiduelle.

Ainsi, étant donné que l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives était exclue par le code des douanes communautaire{5} et par la jurisprudence, le Tribunal constate que le dossier ne comporte pas d’éléments permettant de conclure que l’application de la méthode résiduelle{6} aurait abouti à la perception d’un montant supplémentaire de droits de douane et ainsi de ressources propres de l’Union.

Par conséquent, le Tribunal conclut que la République tchèque n’était pas tenue, en vertu des règles de l’Union régissant le système des ressources propres, de mettre à la disposition de la Commission le montant des ressources propres faisant l’objet du litige, condamnant cette dernière à le restituer à l’État membre concerné.

{1} En vertu de l’article 13, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes communautaire »).

{2} Voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission (C-575/18 P, EU:C:2020:530, point 83).

{3} Prévues aux articles 30 et 31 du code des douanes communautaire.

{4} En vertu de l’article 29 du code des douanes communautaire.

{5} Article 30, paragraphe 2, du code des douanes communautaire.

{6} Au sens de l’article 31 du code des douanes communautaire.

Arrêt du 9 avril 2025, République tchèque / Commission (T-329/23) (cf. points 38, 39)

254. Ressources propres de l'Union européenne - Protection des intérêts financiers de l'Union européenne - Obligation des États membres - Constitution d'une garantie sur des importations susceptibles de présenter une valeur en douane sous-évaluée - Condition - Éléments permettant de calculer un montant de douane supérieur à celui déterminé sur la base de la valeur en douane déclarée

Saisi d’un recours en enrichissement sans cause de l’Union européenne, qu’il accueille, le Tribunal se prononce sur une question inédite portant, d’une part, sur l’examen d’un recours introduit par un État membre sur le fondement d’un prétendu enrichissement sans cause de ressources propres dans le domaine douanier et, d’autre part, sur la prise en considération d’une valeur statistique comme base pour le calcul de la valeur en douane des marchandises.

À la suite de la suppression, depuis le 1er janvier 2005, de tous les contingents applicables aux importations de produits textiles et d’habillement originaires de pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Union a été exposée à une quantité très élevée d’importations de produits textiles et de chaussures en provenance d’Asie, et notamment de Chine, ainsi qu’à un risque de sous-évaluation de la valeur en douane desdites importations. En réponse à ce risque, l’opération de contrôle prioritaire{1} dite « Discount » (ci-après l’« ACP Discount »), à laquelle tous les États membres avaient souscrit, prévoyait des contrôles douaniers plus approfondis et visait les importations de certains produits textiles, de chaussures et de lunettes de soleil en provenance de Chine, de Thaïlande et du Vietnam présentant une valeur en douane faible. Dans le cadre de cette opération, des seuils de risque avaient été fixés. Ils permettaient aux autorités douanières des États membres de détecter les valeurs particulièrement faibles déclarées à l’importation et, par conséquent, les importations présentant un risque important de sous-évaluation de leur valeur en douane. Pour ce faire, vingt codes du tarif intégré de l’Union européenne ont été créés et, pour chacun de ces codes, un « prix moyen corrigé » (ci-après le « PMC ») a été déterminé par la Commission européenne. Ensuite, une moyenne a été calculée pour toute l’Union sur la base de la moyenne arithmétique des PMC constatés dans l’ensemble des États membres, tout en excluant les valeurs anormalement élevées ou faibles. Enfin, le « prix minimal acceptable » (ci-après le « PMA »), correspondant à 50 % des PMC, a été calculé et utilisé comme seuil de risque.

Du 10 au 14 novembre 2014, la Commission a effectué une mission d’inspection en République tchèque, relative à la mise en œuvre par cette dernière de l’ACP Discount. À la suite de cette mission, la Commission a transmis aux autorités tchèques un rapport, dans lequel elle a émis des réserves sur la mise en œuvre de cette opération. Concrètement, elle a conclu qu’il n’y avait pas eu de contrôle efficace de toutes les déclarations en douane concernées et que toutes les marchandises avaient fait l’objet d’une mainlevée sans demande de garantie, malgré des doutes raisonnables sur l’existence d’une sous évaluation de la valeur en douane desdites marchandises. Selon elle, cette situation avait eu pour conséquence une perte de ressources propres traditionnelles de l’Union dont les autorités tchèques étaient responsables, laquelle était égale à la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et celui calculé sur la base du PMA. Au cours d’échanges entre la République tchèque et la Commission, à l’occasion desquels cette dernière n’a pas accepté les éléments de preuve fournis par l’État membre, la Commission a régulièrement insisté pour que celui-ci mette à la disposition du budget de l’Union, dans un premier temps, la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et le droit calculé sur la base du PMA, puis la différence entre le droit en douane calculé sur la base de la valeur en douane déclarée et le droit calculé sur la base du PMC (au lieu du PMA). Bien qu’elle s’y soit opposée à plusieurs reprises, la République tchèque a, sous conditions, mis à la disposition du budget de l’Union les montants résultant du calcul des différences évoquées ci-dessus. Le 22 juin 2020, une compensation partielle de la somme versée a été réalisée en faveur de la République tchèque.

C’est dans ce contexte que la République tchèque a introduit le présent recours fondé sur un enrichissement sans cause de l’Union.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal rappelle les règles de preuve applicables à une action indemnitaire fondée sur l’enrichissement sans cause de l’Union. Selon la jurisprudence de la Cour, dans le cadre d’une action de cette nature, introduite par un État membre ayant mis à la disposition de la Commission un montant de ressources propres de l’Union en formulant des réserves à l’égard du bien-fondé de la position de cette dernière, il appartient au Tribunal d’apprécier, notamment, si l’appauvrissement de l’État membre ayant la qualité de partie requérante, correspondant à la mise à la disposition de la Commission de ce montant, et l’enrichissement corrélatif de cette dernière trouvent leur justification dans les obligations qui s’imposent audit État membre en vertu du droit de l’Union en matière de ressources propres de l’Union ou sont, au contraire, dénués d’une telle justification{2}.

Ainsi, il incombe à l’État membre de démontrer qu’il n’était pas tenu, en vertu des règles de l’Union régissant le système des ressources propres, de mettre à la disposition de la Commission le montant de ressources propres faisant l’objet du litige et qu’il s’est conformé à ses obligations. Cette charge de la preuve n’a toutefois pas comme conséquence que la Commission peut se limiter à énoncer, de façon générale et sans éléments de preuve à l’appui, que les éléments soulevés par l’État membre ne suffisent pas.

En deuxième lieu, s’agissant de la pertinence de la valeur statistique comme base pour estimer la valeur en douane, le Tribunal constate que la Commission fait valoir, en substance, que, tant que la valeur en douane déclarée est inférieure au PMA, elle ne saurait être acceptée et, par conséquent, que la constitution d’une garantie doit être demandée par les autorités nationales avant la mainlevée. Or, il considère que l’hypothèse selon laquelle toute valeur en douane inférieure au PMA doit en principe être rejetée, quelle que soit l’ampleur des doutes subsistant, ou non, après des vérifications et contrôles effectués par les autorités douanières, méconnaîtrait la marge de manœuvre dont jouissent les États membres en effectuant des contrôles douaniers et la réglementation douanière qui prévoit une procédure spécifique en cas de remise en cause de la valeur en douane déclarée.

Partant, le Tribunal considère qu’une valeur statistique, telle que le PMA, peut uniquement être utilisée comme un outil d’analyse de risque, c’est-à-dire un outil permettant de détecter sur la base de profils de risque les importations susceptibles d’être sous-évaluées et pour lesquelles des vérifications sont nécessaires, et non pour déterminer leur valeur en douane.

En troisième et dernier lieu, dans le cadre d’une évaluation des possibilités réelles des autorités douanières tchèques de déterminer une valeur en douane plus élevée, le Tribunal examine si, par l’application des méthodes secondaires{3} pour déterminer la valeur en douane, ces autorités auraient pu arriver à une valeur douanière plus élevée que la valeur transactionnelle{4} et si, par conséquent, la constitution d’une garantie avant la mainlevée des marchandises concernées aurait contribué à la protection des intérêts financiers de l’Union.

À cet égard, il rappelle que l’objectif d’une garantie est de permettre aux autorités douanières, d’une part, d’autoriser la mainlevée des marchandises tout en continuant l’examen de ces dernières et de la documentation les accompagnant et, d’autre part, d’éviter qu’une dette douanière potentielle résultant d’un tel examen ne soit plus recouvrée. Dès lors, il s’ensuit que c’est seulement dans l’hypothèse où les autorités douanières d’un État membre disposent des éléments leur permettant de calculer un montant de droits en douane supérieur à celui perçu sur la base de la valeur en douane déclarée et de constater un droit supplémentaire de ressources propres au bénéfice de l’Union que la constitution d’une garantie contribue à la protection des intérêts financiers de l’Union. Par ailleurs, le Tribunal rappelle qu’une valeur statistique, telle que le PMA, ne sert pas à déterminer la valeur en douane des marchandises, pas même dans le cadre de la détermination de la valeur selon la méthode résiduelle.

Ainsi, étant donné que l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives était exclue par le code des douanes communautaire{5} et par la jurisprudence, le Tribunal constate que le dossier ne comporte pas d’éléments permettant de conclure que l’application de la méthode résiduelle{6} aurait abouti à la perception d’un montant supplémentaire de droits de douane et ainsi de ressources propres de l’Union.

Par conséquent, le Tribunal conclut que la République tchèque n’était pas tenue, en vertu des règles de l’Union régissant le système des ressources propres, de mettre à la disposition de la Commission le montant des ressources propres faisant l’objet du litige, condamnant cette dernière à le restituer à l’État membre concerné.

{1} En vertu de l’article 13, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes communautaire »).

{2} Voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, République tchèque/Commission (C-575/18 P, EU:C:2020:530, point 83).

{3} Prévues aux articles 30 et 31 du code des douanes communautaire.

{4} En vertu de l’article 29 du code des douanes communautaire.

{5} Article 30, paragraphe 2, du code des douanes communautaire.

{6} Au sens de l’article 31 du code des douanes communautaire.

Arrêt du 9 avril 2025, République tchèque / Commission (T-329/23) (cf. points 85-87, 94, 95)