1. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte non notifié au requérant - Obligation de demander le texte intégral de l'acte dans un délai raisonnable une fois connue son existence
2. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte non publié et non notifié au requérant - Connaissance exacte du contenu et des motifs - Obligation de demander le texte intégral de l'acte dans un délai raisonnable une fois connue son existence - Demande formulée plus de quatre mois après la prise de connaissance de l'existence de la décision attaquée - Caractère non raisonnable d'un tel délai - Irrecevabilité de la demande
3. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause - Calcul - Inexistence juridique du requérant ou absence d'adhésion à l'Union de son État membre d'établissement à l'expiration du délai de recours - Absence d'incidence - Violation du droit à une protection juridictionnelle effective - Absence
4. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause - Intéressé concerné ultérieurement - Absence d'incidence
5. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause - Acte continuant à produire des effets - Absence d'incidence
6. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication ou de notification - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire
Il découle du libellé même de l’article 230, cinquième alinéa, CE que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte attaqué en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification.
Par conséquent, la prise de connaissance de la décision attaquée par le requérant ne peut être considérée comme le point de départ du délai de recours, lorsque cette décision lui a été notifiée en application de l’article 254, paragraphe 3, CE.
Ainsi, en présence d’une notification au destinataire, pour le calcul du délai de recours prévu par l’article 230, cinquième alinéa, CE, c’est cette date qui est à prendre en considération et non la date de prise de connaissance, qui n’intervient qu’à titre subsidiaire faute de notification.
Arrêt du 22 mars 2011, Access Info Europe / Conseil (T-233/09, Rec._p._II-1073) (cf. point 28)
Dans l’ordonnance Metrans/Commission et INEA (T-262/17), adoptée le 15 mai 2019, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours formé par une société de droit tchèque, active essentiellement dans l’exploitation de terminaux intermodaux en République tchèque, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision d’exécution C(2016) 5047 final de la Commission, du 5 août 2016, établissant la liste des propositions admises à bénéficier d’un concours financier de l’Union européenne dans le domaine du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) - Secteur des transports, à la suite des appels à propositions lancés le 5 novembre 2015 et fondés sur le programme de travail pluriannuel, en tant qu’elle concerne deux propositions intitulées « Terminal multimodal pour conteneurs de Paskov, phase III » et « Terminal intermodal de Mělník, phases 2 et 3 » et, d’autre part, à l’annulation des deux conventions de subvention relatives à ces deux propositions conclues par l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA){1}.
Le 5 novembre 2015, la Commission européenne a lancé deux appels à propositions, un « appel au titre de la cohésion » et un « appel général », dans le cadre du programme de travail pluriannuel pour une assistance financière dans le domaine du transport. La requérante n’a pas soumis de propositions en réponse aux deux appels à propositions. Parmi les participants à l’appel à propositions au titre de la cohésion figuraient les sociétés Advanced World Transport a.s. (ci-après « AWT ») et České přístavy a.s. Le 17 juin 2016, la Commission a dévoilé la liste des 195 propositions de projets de transport qui bénéficieraient d’un financement. Par communiqué de presse du 8 juillet 2016, l’INEA a annoncé l’avis favorable du comité de coordination du MIE à la liste établie par la Commission des propositions de projets de transport qui bénéficieraient d’un financement. Le 5 août 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2016) 5047 final, établissant, en l’annexe, la liste des propositions admises à bénéficier du concours financier en question. La décision d’exécution, ainsi que son annexe, ont été mises en ligne le 30 août 2015 sur le site Internet de la direction générale concernée de la Commission. Les propositions soumises par České přístavy a.s. (« projet Mělník ») et par AWT (« projet Paskov ») figuraient à l’annexe de la décision d’exécution et se sont vu octroyer un financement. L’INEA a conclu des conventions de subvention avec ces deux sociétés, respectivement le 21 octobre et le 7 novembre 2016. Les fiches d’information sur les projets Mělník et Paskov ont été publiées en ligne sur le site Internet de l’INEA respectivement le 7 et le 11 novembre 2016.
Par courriel du 5 décembre 2016 adressé à la Commission, le représentant de la requérante a demandé accès aux actes attaqués, en tant qu’ils étaient relatifs au projet Mělník. Le 22 décembre 2016, il a réitéré sa demande, par le biais du formulaire de contact du site Internet de l’INEA, demandant accès aux actes attaqués en tant qu’ils étaient relatifs aussi au projet Paskov. Le 20 janvier 2017, l’INEA a donné suite à ces demandes en lui transmettant les actes attaqués. La requérante a introduit le présent recours le 30 avril 2017.
Sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission et l’INEA ont demandé au Tribunal de statuer sur l’irrecevabilité du recours, sans engager le débat au fond. Au soutien de leur exception d’irrecevabilité, elles ont notamment soulevé une fin de non-recevoir tirée du caractère tardif du recours.
S’agissant, tout d’abord, du délai de recours en annulation, le Tribunal a rappelé qu’aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ce recours doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Le Tribunal a précisé que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte. Lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication et doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. Le délai de recours est d’ordre public et il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté de celui-ci, au regard du délai fixé, de fournir la preuve de la date à laquelle l’événement faisant courir le délai est survenu.
En l’espèce, le Tribunal a constaté que le critère de la notification des actes attaqués, en tant que critère du point de départ du délai de recours, n’est pas applicable, la requérante n’étant pas destinataire de ces actes.
S’agissant, ensuite, de la publication des actes attaqués, en tant que critère du point de départ du délai de recours au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le Tribunal a rappelé qu’une telle publication doit soit être exigée par une disposition du droit primaire ou dérivé de l’Union, soit, à tout le moins, découler d’une pratique constante que la requérante pouvait légitimement escompter. À cet égard, en premier lieu, il a jugé que la décision d’exécution en cause, étant un acte non législatif qui désigne des destinataires au sens de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, n’est pas soumise à l’obligation de publication au Journal officiel de l’Union européenne en vertu du paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit article. Le Tribunal a constaté, en outre, que la publication des décisions, comme celle en cause, ne revêt pas un caractère impératif selon l’article 13, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001{2}. En effet, ladite publication n’est pas prévue par le règlement intérieur de la Commission ou celui de l’INEA, ni par les dispositions réglementaires en vigueur applicables au MIE. En deuxième lieu, le Tribunal a constaté qu’il n’a pas été prouvé par la requérante qu’une telle publication résultait d’une pratique constante de l’institution concernée. Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue de divulguer la décision d’exécution en cause par le biais d’une publication - cette constatation étant transposable également aux cas des deux conventions de subvention en cause. Par conséquent, le Tribunal a conclu que, en l’espèce, le critère de la publication, en tant que point de départ du délai de recours, ne saurait être retenu comme pertinent aux fins de l’application de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
Enfin, s’agissant de la prise de connaissance des actes attaqués, en tant que critère subsidiaire du point de départ du délai de recours, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, les actes attaqués ont incontestablement été portés, par l’INEA, à la connaissance de la requérante par l’intermédiaire de son représentant le 20 janvier 2017 et que le recours a dès lors été formé en dehors du délai imparti.
{1 Mise en place en 2014 par la décision d’exécution 2013/801/UE de la Commission, du 23 décembre 2013, instituant l’INEA, et abrogeant la [d]écision 2007/60/CE modifiée par la décision 2008/593/CE (JO 2013, L 352, p. 65).}
{2 Règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).}
Ordonnance du 15 mai 2019, Metrans / Commission et INEA (T-262/17) (cf. point 33)
7. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Examen d'office par le juge de l'Union - Notion
Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’il a été respecté.
Ordonnance du 1er avril 2011, Doherty / Commission (T-468/10, Rec._p._II-1497) (cf. points 10, 12)
8. Procédure - Délais de recours - Calcul - Prise en considération de la date et de l'heure du dépôt au greffe
L’heure à prendre en considération pour le dépôt d'une requête devant le Tribunal est l’heure enregistrée au greffe de celui-ci. En effet, dans la mesure où, conformément à l’article 43, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, au regard des délais de procédure, seule la date du dépôt au greffe est prise en considération, il y a lieu de considérer que seule l’heure du dépôt au greffe doit être retenue pour le calcul des délais. La Cour de justice de l’Union européenne ayant son siège à Luxembourg, il convient de prendre en compte l’heure du Luxembourg pour le dépôt d'une requête au greffe.
Ordonnance du 1er avril 2011, Doherty / Commission (T-468/10, Rec._p._II-1497) (cf. point 16)
9. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause
Ordonnance du 13 juillet 2011, Gbagbo / Conseil (T-348/11, Rec._p._II-227*) (cf. point 16)
Ordonnance du 13 juillet 2011, Koné / Conseil (T-349/11, Rec._p._II-228*) (cf. point 16)
Ordonnance du 13 juillet 2011, Boni-Claverie / Conseil (T-350/11, Rec._p._II-230*) (cf. point 16)
Ordonnance du 13 juillet 2011, Djédjé / Conseil (T-351/11, Rec._p._II-231*) (cf. point 14)
Ordonnance du 13 juillet 2011, N'Guessan / Conseil (T-352/11, Rec._p._II-232*) (cf. point 16)
10. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Règlement instituant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban - Règlement continuant à produire des effets jusqu'à son abrogation - Absence d'incidence
11. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Décision de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) identifiant l'acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante - Acte ne faisant l'objet d'une publication que sur Internet - Inapplicabilité de l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal - Forclusion - Irrecevabilité
Si, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, les recours prévus à cet article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance, cette disposition ne donne aucune indication quant au mode de publication qu'elle envisage et ne restreint pas la publication au sens de ladite disposition à certains modes de publication. La publication au sens de cette disposition ne saurait donc seulement constituer une publication au Journal officiel de l’Union européenne.
S'agissant d'un recours formé contre une décision de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) identifiant l'acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante remplissant les critères visés à l'article 57 du règlement nº 1907/2006, concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), et incluant l'acrylamide sur la liste des substances identifiées en vue d'une inclusion à terme dans l'annexe XIV dudit règlement, conformément à l'article 59 de ce règlement, ce délai de deux mois n'est pas à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de ladite décision. L'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, qui prévoit une telle règle, ne s'applique, selon son libellé, qu'aux actes publiés au Journal officiel de l'Union européenne et ne peut être appliqué, au-delà de ce libellé, aux actes publiés d'une autre manière, comme ladite décision de l'ECHA, pour lesquels le règlement nº 1907/2006 ne prévoit qu'une publication sur Internet.
Dès lors que, par conséquent, le délai de recours contre une telle décision est à compter conformément à l'article 101, paragraphe 1, dudit règlement et que, compte tenu du délai de distance de dix jours, le délai prévu par cette disposition était arrivé à expiration à la date de son introduction, le recours doit être qualifié de tardif et être rejeté comme irrecevable.
12. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Règlement concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités ou organismes au regard de la situation en Tunisie - Date de communication des motifs fondant le règlement à ces personnes, entités ou organismes
Ordonnance du 11 janvier 2012, Ben Ali / Conseil (T-301/11) (cf. points 17-20)
13. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Recours contre un règlement adopté en vertu de l'acte d'adhésion de 2003 intenté par un État adhérent - Délai commençant à courir du jour de l'entrée en vigueur du traité et de l'acte d'adhésion de 2003
L’Union est une union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment, avec le traité et les principes généraux du droit.
Ces principes constituent le fondement même de cette union et leur respect implique, ainsi que le prévoit désormais expressément l’article 4, paragraphe 2, TUE, que les nouveaux États membres soient traités à égalité avec les anciens États membres.
Partant, les nouveaux États membres doivent disposer, à l’encontre de tous les actes qui sont arrêtés sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du traité d’adhésion de 2003 et qui les affectent en leur qualité d’États membres, d’un droit de recours en qualité de requérants au titre de l’article 230, deuxième alinéa, CE.
Étant donné que cette qualité n’a été acquise par les nouveaux États membres que le jour de l’entrée en vigueur du traité d’adhésion ainsi que de l’acte d’adhésion de 2003, il convient de retenir que, à l’égard de ces États, le délai de recours énoncé à l’article 230, cinquième alinéa, CE n’a couru, s’agissant de ces actes, qu’à partir de cette date, soit, en l’occurrence, le 1er mai 2004.
Arrêt du 26 juin 2012, Pologne / Commission (C-335/09 P) (cf. points 48-51)
14. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Recours contre un règlement adopté en vertu de l'acte d'adhésion de 2003 intenté par un État adhérant - Délai commençant à courir du jour de l'entrée en vigueur du traité et de l'acte d'adhésion de 2003
L’Union est une union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment, avec le traité et les principes généraux du droit.
Ces principes constituent le fondement même de cette union et leur respect implique, ainsi que le prévoit désormais expressément l’article 4, paragraphe 2, TUE, que les nouveaux États membres soient traités à égalité avec les anciens États membres.
Partant, les nouveaux États membres doivent disposer, à l’encontre de tous les actes qui sont arrêtés sur le fondement de l’article 2, paragraphe 3, du traité d’adhésion de 2003 et qui les affectent en leur qualité d’États membres, d’un droit de recours en qualité de requérants au titre de l’article 230, deuxième alinéa, CE.
Étant donné que cette qualité n’a été acquise par les nouveaux États membres que le jour de l’entrée en vigueur du traité d’adhésion ainsi que de l’acte d’adhésion de 2003, il convient de retenir que, à l’égard de ces États, le délai de recours énoncé à l’article 230, cinquième alinéa, CE n’a couru, s’agissant de ces actes, qu’à partir de cette date, soit, en l’occurrence, le 1er mai 2004.
Arrêt du 26 juin 2012, Pologne / Commission (C-336/09 P) (cf. points 36-39)
15. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Notification
Ordonnance du 4 juillet 2012, ICO Satellite / Commission (T-350/09) (cf. points 26-29, 31)
16. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de la communication au requérant de l'acte attaqué par les autorités nationales - Connaissance exacte du contenu - Recours introduit après l'expiration du délai - Irrecevabilité
17. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte ni publié ni notifié au requérant - Connaissance exacte du contenu et des motifs - Obligation de demander le texte intégral de l'acte dans un délai raisonnable une fois connue son existence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 décembre 2016, IPSO / BCE (T-713/14) (cf. points 69-72)
Ordonnance du 24 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki / Commission (T-442/11) (cf. point 79)
18. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Recours dirigé contre une décision implicite de rejet concernant une demande d'accès à des documents
S'agissant d'une décision implicite de rejet, au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, qui nait de l’absence de réponse de l’institution dans le délai requis à une demande confirmative, au sens de l’article 8, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, le délai du recours en annulation dirigé contre une telle décision en vertu de l'article 263 TFUE doit être compté à partir de la date à laquelle la décision a été juridiquement formée.
Le recours, par l'article 8, paragraphe 3, de ce règlement, à la notion de délai requis, plutôt qu'à celle d'un délai fixe, s'explique par le fait que, en vertu des dispositions de l’article 8, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, la durée de la période de traitement d’une demande confirmative est susceptible de varier entre un minimum de 15 jours ouvrables et un maximum de 30 jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande. Par conséquent, la durée du délai requis, au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001, au terme duquel naît la décision implicite de rejet, doit être calculée au regard du déroulement, dans chaque cas d’espèce, de la procédure de traitement, par l’institution concernée, des demandes confirmatives dont elle est saisie, conformément aux dispositions de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du même règlement.
Ordonnance du 13 novembre 2012, ClientEarth e.a. / Commission (T-278/11) (cf. points 36-38)
19. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause - Calcul
Ordonnance du 15 novembre 2012, Städter / BCE (C-102/12 P) (cf. points 10-12)
Ordonnance du 5 septembre 2019, Fryč / Commission (C-230/19 P) (cf. points 15-18)
Ordonnance du 8 juin 2021, One Voice / ECHA (T-663/20) (cf. points 29, 30, 37, 38)
Ordonnance du 8 juin 2021, One Voice / ECHA (T-664/20) (cf. points 29, 30, 37, 38)
20. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Date de communication des motifs fondant l'acte
21. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de l'événement faisant courir le délai - Envoi d'un courriel - Charge de la preuve
Arrêt du 6 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki / Commission (T-167/10) (cf. points 38-39, 48-49)
22. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication ou de notification - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère tardif du recours - Contestation sur la date de départ du délai - Charge de la preuve incombant au requérant
Ordonnance du 18 décembre 2012, Allemagne / Commission (T-205/11) (cf. points 13-14, 19, 49, 51-52)
23. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de notification de la décision - Décision de la Commission en matière d'aides d'État clôturant la procédure formelle d'examen - Dépôt de la décision à la représentation permanente de l'État membre concerné - Accusé de réception sous forme d'un cachet apposé sur la lettre de transmission de la décision - Cachet ne portant pas de signature ou de paraphe - Notification régulière faisant courir le délai de recours - Absence d'obligation pour la Commission de vérifier l'habilitation de la personne recevant le courrier - Absence de pertinence des règles d'organisation internes de la représentation permanente
Ordonnance du 18 décembre 2012, Allemagne / Commission (T-205/11) (cf. points 15, 25, 32-48)
24. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Notification - Acte publié et notifié le même jour - Absence d'incidence
Ordonnance du 18 décembre 2012, Hongrie / Commission (T-320/11) (cf. points 15-19, 21, 23-24)
25. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte - Communication à l'intéressé au moyen d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne - Admissibilité
S'agissant d'actes du Conseil infligeant des mesures restrictives à l'égard de personnes et entités en Côte d'Ivoire, qui ont été publiés au Journal officiel de l'Union européenne et qui doivent également, en vertu des articles 7, paragraphe 3, de la décision 2010/656, renouvelant les mesures restrictives instaurées à l’encontre de la Côte d’Ivoire, telle que modifiée par la décision 2010/801, et 11 bis, paragraphe 3, du règlement nº 560/2005, infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire, tel que modifié par le règlement nº 25/2011, être communiqués aux intéressés, soit directement si leurs adresses sont connues, soit, dans le cas contraire, par la publication d'un avis dans ledit Journal officiel, le délai pour l'introduction d'un recours en annulation en vertu de l'article 263, quatrième alinéa, TFUE, court, pour chacune des personnes et entités concernées, à compter de la date de la communication qui doit lui être faite.
En effet, dès lors que ces actes, qui s'apparentent à la fois à des actes de portée générale et à un faisceau de décisions individuelles, ont été adoptés sur la base des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, c'est leur nature individuelle qui ouvre, conformément aux termes des articles 275, deuxième alinéa, TFUE et 263, quatrième alinéa, TFUE, l'accès au juge de l'Union. Eu égard à ces particularités et au régime de publication et de communication en résultant, l'article 263, sixième alinéa, TFUE ne serait pas appliqué d'une manière cohérente si, à l'égard des personnes et entités concernées, le point de départ pour le calcul du délai d'introduction d'un recours en annulation était, à l'égard de ces personnes, situé à la date de publication de l'acte en cause et non à la date à laquelle celui-ci leur a été communiqué. En effet, cette communication a précisément pour objet de permettre aux destinataires de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s'il est utile de saisir le juge de l'Union.
Par ailleurs, étant donné que les avis publiés au Journal officiel à l'attention des personnes et entités concernées sont de nature à leur permettre d'identifier la voie de recours dont elles disposent pour contester leur inscription sur les listes ainsi que la date d'expiration du délai de recours, les personnes et entités concernées ne sauraient retarder le point de départ du délai de recours en se prévalant de l'absence d'une communication directe ou de la prise de connaissance effective ultérieure de la décision. Si une telle possibilité était, en l'absence d'un cas de force majeure, ouverte aux requérants, il serait porté atteinte à la finalité même du délai de recours, qui consiste à sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l'Union entraînant des effets de droit.
Arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a. / Conseil (C-478/11 P à C-482/11 P) (cf. points 55-59, 62)
Ordonnance du 20 février 2014, Jannatian / Conseil (T-187/13) (cf. points 25, 28-30, 34-36, 40)
Arrêt du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam / Conseil (T-348/13) (cf. points 25, 27-39)
Ordonnance du 12 décembre 2014, Alsharghawi / Conseil (T-532/14) (cf. points 15, 18-20, 22)
Ordonnance du 20 janvier 2015, NICO / Conseil (T-6/13) (cf. points 14, 15, 24-34, 42)
26. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de prise de connaissance de l'acte - Motivation insuffisante de l'acte - Absence d'incidence - Violation du droit à une protection juridictionnelle effective - Absence
27. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Décision publiée uniquement sur Internet - Applicabilité de l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal
Il ne ressort pas du libellé de l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, aux termes duquel le délai pour l'introduction d'un recours contre un acte d'une institution faisant l'objet d'une publication commence à courir à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l'acte au Journal officiel de l'Union européenne, que cette disposition s'applique aux seuls actes publiés audit Journal.
En effet, la façon dont la première partie de la phrase constituant l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal a été rédigée est de nature à évoquer, à l'instar de l'article 263, sixième alinéa, TFUE, la publication des actes en général. La mention du Journal officiel de l'Union européenne dans la seconde partie de ladite phrase est ainsi susceptible de s'expliquer par le simple fait qu'une publication dans celui-ci était la seule envisageable à l'époque de l'adoption de ce règlement de procédure. Il s'ensuit qu'il n'est pas exclu que la disposition figurant à l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal s'applique à un acte publié uniquement sur Internet, tel qu'une décision de l'Agence européenne des produits chimiques concernant l'inclusion d'une substance sur la liste des substances remplissant les critères visés à l'article 57 du règlement nº 1907/2006, concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) et publiée conformément à l'article 59, paragraphe 10, de ce règlement.
Par ailleurs, lorsque les termes d'une disposition manquent de clarté, il y a lieu de tenir compte du contexte dans lequel s'inscrit cette disposition ainsi que des objectifs poursuivis par celle-ci. À cet égard, il convient de considérer que l'objectif du délai de quatorze jours prévu audit article 102, paragraphe 1, consiste à garantir aux intéressés un laps de temps suffisant pour former un recours à l'encontre des actes publiés et, partant, le respect du droit à une protection juridictionnelle effective, tel que consacré désormais à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Or, dans la mesure où il est possible d'interpréter l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal comme visant tout acte publié, quelle que soit la forme de sa publication, il y a lieu d'interpréter cette disposition en ce sens, afin d'éviter que les intéressés, en se fiant à l'existence d'un laps de temps supplémentaire de quatorze jours pour former un recours, ne soient privés d'une protection juridictionnelle effective.
Arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF / ECHA (C-625/11 P) (cf. points 29-32, 34-36)
28. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Introduction d'un recours avant ladite date - Recevabilité
C'est aux fins d’accorder aux personnes concernées un laps de temps suffisant pour contester un acte publié de l’Union en pleine connaissance de cause, que le délai pour former un recours contre un tel acte ne commence à courir, conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qu’à partir de sa publication. Cette dernière disposition ne fait pas obstacle à ce qu'un requérant introduise sa requête devant la Cour dès que la décision litigieuse est intervenue, sans attendre sa notification ou sa publication, de sorte que le recours ne peut se voir opposer aucune irrecevabilité du fait de son dépôt, au greffe de la Cour, antérieurement à la publication de cette décision. En effet, s'il est vrai que constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, il n'est pas précisé à cet article que l'introduction d'un tel recours est subordonnée à la publication ou à la notification de ces dernières.
Par ailleurs, l'introduction d'un recours contre un acte de l'Union avant sa publication et dès lors que cet acte a été adopté ne porte nullement atteinte à la finalité d'un délai de recours, laquelle consiste à sauvegarder la sécurité juridique en évitant la remise en cause indéfinie des actes de l'Union entraînant des effets de droit. Par conséquent, si la publication d'un acte déclenche les délais de recours à l'expiration desquels cet acte devient définitif, elle ne constitue pas une condition d'ouverture du droit d'exercer un recours contre l'acte en question.
Arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF / ECHA (C-626/11 P) (cf. points 33, 35, 37-39)
Voir texte de la décision.
29. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l'acte en cause - Calcul
Ordonnance du 15 octobre 2013, Espagne / Commission (T-148/13) (cf. points 16, 17, 20, 23)
Ordonnance du 15 octobre 2013, Espagne / Commission (T-149/13) (cf. points 16, 17, 20, 23)
30. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Communication à l'intéressé au moyen d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne - Prise de connaissance de l'acte à la date de la publication - Demande d'adaptation des conclusions considérant cette publication comme point de départ du délai de son introduction - Recevabilité
La question de savoir si l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal doit être interprété en ce sens qu’il s’applique lorsque l’adoption d’un acte contenant des mesures restrictives a été communiquée à l’intéressé par la publication d’un avis est déterminante pour établir si une demande d’adaptation des conclusions a été déposée avant l’expiration du délai d'un recours contre un règlement, calculé à compter de la publication de l’avis en question.
À cet égard, lorsque le Conseil, ne pouvant pas procéder à une communication individuelle, remplace celle-ci par la publication d’un avis, cet avis demeure un acte dont les intéressés ne peuvent prendre connaissance qu’à la lecture du Journal officiel de l’Union européenne. L’objectif du délai de quatorze jours prévu à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure consiste à garantir aux intéressés un laps de temps suffisant pour former un recours à l’encontre des actes publiés et, partant, le respect du droit à une protection juridictionnelle effective, tel que consacré désormais à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dès lors que le règlement de procédure prévoit, à l’article 102, paragraphe 1, un délai supplémentaire de quatorze jours pour former un recours contre les actes publiés au Journal officiel, cette disposition doit être également appliquée, par analogie, lorsque l’événement qui déclenche le délai de recours est un avis portant sur lesdits actes, lequel est lui aussi publié au Journal officiel de l’Union européenne. En effet, les mêmes raisons qui ont justifié l’octroi d’un délai supplémentaire de quatorze jours à l’égard des actes publiés sont valables en ce qui concerne les avis publiés, contrairement aux communications individuelles.
En outre, s’il était considéré que ledit article du règlement de procédure n’était pas applicable dans les circonstances de l’espèce, les justiciables se trouveraient dans une situation moins favorable que celle qui se serait produite en l’absence d’obligation de communication individuelle. En effet, dans cette dernière hypothèse, la simple publication des actes contenant les mesures restrictives aurait suffi pour déclencher le délai de recours, qui aurait inclus les quatorze jours supplémentaires visés à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure.
31. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Notification - Notion - Charge de la preuve de la notification
Saisi d’un recours en annulation qu’il rejette comme manifestement irrecevable pour tardiveté, le Tribunal, d’une part, fait application pour la première fois, dans un domaine autre que celui de la fonction publique, de la jurisprudence issue de l’arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission{1}, relative à la computation du délai de recours contre une décision notifiée par courriel, et, d’autre part, apporte des précisions quant à l’application du principe de l’enregistrement unique, en vertu de l’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire{2}.
Par son recours déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2023, Oil company « Lukoil » PAO, la requérante, établie à Moscou, a demandé l’annulation de la décision du secrétariat du registre de transparence prononçant sa radiation du registre de transparence de l’Union européenne{3}. Ledit secrétariat a, par un courriel du 6 mars 2023, notifié la décision attaquée à la requérante. Cette dernière a admis de façon explicite que ledit courriel était parvenu à cette même date dans les boîtes aux lettres électroniques des deux représentants qu’elle avait désignés lors de son inscription au registre de transparence (ci-après les « représentants »).
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal rappelle tout d’abord que, pour qu’une décision soit valablement notifiée, il faut, non que son destinataire ait effectivement pris connaissance de son contenu, mais qu’il ait été mis en mesure d’en prendre utilement connaissance. À cet égard, la preuve que le destinataire d’une décision l’a non seulement reçue, mais a également pu en prendre utilement connaissance peut résulter de différentes circonstances.
En ce sens, afin d’établir qu’une décision notifiée par courriel a été dûment notifiée à son destinataire à une date précise et que, dès lors, le délai de recours a commencé à courir à partir de cette date, la partie qui se prévaut de la tardiveté doit démontrer non seulement que cette décision a été communiquée à son destinataire, c’est-à-dire qu’elle a été transmise à son adresse électronique et que celui-ci l’a reçue à cette adresse, mais également que ledit destinataire a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de ladite décision à cette date, à savoir qu’il a pu ouvrir le courriel contenant la décision en cause et en prendre ainsi dûment connaissance à ladite date.
Sur ce point, une présomption selon laquelle le destinataire d’une décision notifiée par courriel ne peut, en tout état de cause, avoir été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu qu’à la date à laquelle il a consulté sa boîte aux lettres électronique, tout comme une présomption selon laquelle le destinataire d’une telle décision est mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu, en tout état de cause, dès la réception de celle-ci dans sa boîte aux lettres électronique, ne saurait être conforme aux dispositions fixant les délais de recours.
En l’espèce, le Tribunal objecte que, eu égard à la date d’envoi de la décision attaquée le 6 mars 2023, le délai pour demander son annulation a, en principe, expiré le 16 mai 2023, de sorte que, de prime abord, le présent recours est tardif.
Néanmoins, il examine la série d’arguments dont se prévaut la requérante pour contester le caractère tardif du recours.
En particulier, il rejette, en premier lieu, l’argument tiré de la communication du courriel en dehors des heures de bureau. En effet, en vertu des règles de computation des délais, « [s]i un délai exprimé en jours, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel a lieu cet événement ou s’effectue cet acte n’est pas compté dans le délai »{4}.
Or, d’une part, le Tribunal observe que, par un courrier du 31 mars 2023 adressé au secrétariat du registre de transparence, les conseils de la requérante ont présenté, en réaction à la décision attaquée jointe au courriel du 6 mars 2023, une demande de réouverture de l’enquête, dont l’examen ne peut intervenir que dans un délai maximal de 20 jours ouvrables suivant la notification de la décision aux parties concernées{5}.
D’autre part, il relève que, pour justifier que la demande de réouverture de l’enquête à l’égard de la requérante a été introduite dans ce délai, les conseils de celle-ci ont fait explicitement mention, dans la lettre du 31 mars 2023, du fait que le délai de 20 jours ouvrables avait commencé à courir le 7 mars 2023 et qu’il expirait le 3 avril 2023.
Le Tribunal en déduit qu’une information aussi précise, émanant des propres conseils de la requérante, ne saurait être interprétée autrement que comme la reconnaissance par ceux-ci que le courriel contenant la décision attaquée a bien été communiqué le 6 mars 2023 à ses représentants, que ledit courriel est parvenu dans les boîtes aux lettres électroniques de ces derniers à cette même date et que ceux-ci en ont pris connaissance ou, à tout le moins, ont été en mesure d’en prendre utilement connaissance le jour même de cette communication et de cette réception. Il en conclut que le courriel contenant la décision attaquée a été « dûment notifié » le 6 mars 2023 auxdits représentants.
En second lieu, le Tribunal écarte l’argument tiré de ce que le courriel contenant la décision attaquée n’a été communiqué, le 6 mars 2023, qu’aux seuls représentants de la filiale belge de la requérante et non à la requérante elle-même, et de ce que cette dernière n’a donc pas pu en prendre connaissance ce jour-là.
À ce titre, il rappelle, notamment, que, en vertu des lignes directrices établies par le secrétariat du registre de transparence, relatives audit registre et destinées aux demandeurs d’enregistrement et aux personnes enregistrées pour garantir une application cohérente dudit accord (ci-après les « lignes directrices »), les représentants d’intérêts actifs dans plusieurs pays (comme les multinationales) ne devraient, pour éviter les enregistrements multiples et accélérer le traitement administratif d’une demande ou d’un enregistrement, enregistrer leurs activités dans le registre qu’une seule fois et, ce faisant, couvrir les différentes autres entités d’un réseau, d’un groupe d’entreprises ou autre{6}. Les lignes directrices précisent que, dans la pratique, l’enregistrement incombe en règle générale à la succursale ou au bureau représentant les intérêts de l’entité à l’égard des institutions de l’Union.
Or, le Tribunal constate, d’une part, qu’il ressort de l’extrait du registre de transparence que seule la requérante était inscrite audit registre. En effet, sa filiale belge n’a nullement fait l’objet d’une inscription séparée et n’a été mentionnée qu’en tant que « bureau chargé des relations avec l’Union ». Ainsi, conformément à l’accord interinstitutionnel{7} et dans le sens du principe de l’enregistrement unique posé dans les lignes directrices{8}, l’indication de la requérante comme seule organisation inscrite au registre de transparence a couvert toutes les entreprises du groupe auquel elle appartenait dans tous les pays où ce groupe était présent, y compris la filiale belge.
D’autre part, quelle qu’ait été leur fonction respective dans ladite filiale, en mentionnant dans l’extrait du registre le nom de deux directeurs de cette dernière comme « personne juridiquement responsable de l’entité » et « personne chargée des relations avec l’Union », la requérante a accepté que ces personnes agissent en son nom et en tant que représentants chargés de ses relations avec le secrétariat du registre de transparence{9}.
{1} Arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission (C-447/21 P, non publié, EU:C:2022:612).
{2} Accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur un registre de transparence obligatoire (JO 2021, L 207, p. 1, ci-après l’« accord interinstitutionnel »).
{3} Décision du secrétariat du registre de transparence Ares (2023) 1618717, du 6 mars 2023, prononçant la radiation de la requérante du registre de transparence de l’Union européenne.
{4} Article 3, paragraphe 1, second alinéa, du règlement (CEE, Euratom) no 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes (JO 1971, L 124, p. 1).
{5} En application des points 7.3 et 7.4 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel.
{6} Point 2 des lignes directrices, intitulé « Principe de l’enregistrement unique ».
{7} Article 8, paragraphe 3, sous b), de l’accord interinstitutionnel.
{8} Point 2 des lignes directrices.
{9} Article 6, paragraphe 2, et de l’annexe II, point I, de l’accord interinstitutionnel.
Ordonnance du 25 janvier 2024, Lukoil / Parlement e.a. (T-280/23) (cf. point 7)
Ordonnance du 3 juillet 2014, Allemagne / Commission (C-102/13 P) (cf. points 31-33)
32. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte - Communication à l'intéressé au moyen d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne - Admissibilité - Conditions - Impossibilité pour le Conseil de procéder à une notification
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 juillet 2014, Hassan / Conseil (T-572/11) (cf. points 33, 37, 38)
Arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh / Conseil (T-307/12 et T-408/13) (cf. points 59-66)
Arrêt du 13 novembre 2014, Jaber / Conseil (T-653/11) (cf. points 38-40, 46-50)
À la suite de la guerre en Libye en 2011 et de la chute du régime de Muammar Khadafi, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, le 26 février 2011, la résolution 1970 (2011) instaurant des mesures restrictives à l’encontre de la Libye ainsi que des personnes et des entités ayant participé à la commission de violations graves des droits de l’homme, y compris à des attaques contre des populations civiles{1}. Le Conseil de l’Union européenne a, pour sa part, adopté, les 28 février et 2 mars 2011, des mesures restrictives en raison de la situation en Libye{2}, lesquelles prévoient que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes visées par la résolution 1970 (2011) ainsi que le gel de leurs fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques. Après l’adoption, en 2014 et 2015, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de nouvelles mesures restrictives à l’encontre des personnes et entités qui mettent en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou la réussite de sa transition politique{3}, le Conseil a adopté de nouveaux actes{4} aux fins, notamment, d’étendre les critères de désignation initiaux.
La requérante, ressortissante libyenne, est la fille de l’ancien dirigeant libyen M. Muammar Kadhafi. Elle a été inscrite sur les listes annexées aux actes du Conseil d’abord en raison de son association étroite avec le régime, puis de voyages effectués en violation de la résolution 1970 (2011). Après avoir procédé au réexamen des listes de noms des personnes et entités concernées, le Conseil a, par la décision 2017/497 et le règlement 2017/489{5}, puis, en maintenant les mêmes motifs à l’encontre de la requérante, par la décision 2020/374 et le règlement 2020/371{6}, maintenu l’inscription du nom de la requérante sur ces listes, en application de la résolution 1970 (2011) stipulant l’interdiction de voyager et le gel des avoirs. La requérante a attaqué ces actes.
Le Tribunal annule ces actes en tant qu’ils concernent la requérante, au motif que les actes attaqués sont dépourvus de base factuelle. Concernant la recevabilité du recours, le Tribunal juge notamment qu’il revient au Conseil de communiquer aux personnes concernées les décisions modificatives d’une inscription sur les listes, même en l’absence d’une obligation dérivant directement des actes attaqués en l’espèce.
Appréciation du Tribunal
Concernant la recevabilité du recours, dont la tardiveté était alléguée par le Conseil, le Tribunal rappelle tout d’abord que, si l’entrée en vigueur des actes attaqués a lieu en vertu de leur publication au Journal officiel de l’Union européenne, le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre les actes attaqués en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, court, pour chacune des personnes visées, à compter de la date de communication qui doit lui être faite. Le Tribunal précise à ce sujet que, si la décision 2015/1333 et le règlement 2016/44, sur la base desquels les actes attaqués ont été adoptés, ne prévoient pas l’obligation expresse pour le Conseil de notifier aux personnes concernées les actes par lesquels il a maintenu l’inscription de leur nom sur les listes, l’obligation de notification résulte du principe de protection juridictionnelle effective, y compris dans le cas d’une décision de maintien de l’inscription, et ce indépendamment de la question de savoir si des éléments nouveaux fondaient ladite décision de maintien. En l’espèce, les actes attaqués ne sont pas adoptés à des intervalles réguliers et, compte tenu du défaut de prévisibilité quant à leur adoption, si le délai de recours devait courir à compter de leur seule publication, les personnes concernées devraient vérifier continuellement le Journal officiel, ce qui serait de nature à entraver leur accès au juge de l’Union. Le Tribunal en conclut que le Conseil ne peut pas valablement prétendre que le délai de recours en l’espèce avait commencé à courir, pour la requérante, à partir de la date de publication des actes attaqués au Journal officiel.
S’agissant des modalités selon lesquelles le Conseil était tenu de communiquer les actes à la requérante aux fins d’établir le point de départ du délai de recours, le Tribunal rappelle ensuite que la communication indirecte de tels actes par la publication d’un avis au Journal officiel n’est autorisée que dans les cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une communication individuelle. Les actes attaqués n’ayant pas fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel et le Conseil n’ayant pas été dans l’impossibilité de communiquer lesdits actes à la requérante ou à son avocate, dûment mandatée pour recevoir une telle notification pour le compte de sa cliente, le Tribunal considère, au vu du dossier, que la communication individuelle des actes de 2017 a eu lieu par une lettre du 25 mars 2019 et que la requérante a pu prendre connaissance des actes de 2020, au plus tôt, par une réponse du Conseil du 13 juillet 2020, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal. Le Tribunal en conclut que le recours n’était dès lors pas tardif.
Sur le fond, s’agissant, en premier lieu, du défaut allégué de motivation des actes attaqués, le Tribunal constate que les actes attaqués font état de la raison pour laquelle le Conseil a maintenu le nom de la requérante sur les listes litigieuses en mars 2017 et en mars 2020, qui correspond aux justifications qui avaient été mentionnées pour procéder à l’inscription de son nom sur les listes annexées aux actes de 2011 et ensuite sur lesdites listes litigieuses. Le Tribunal retient que le Conseil a fourni des informations à la requérante en faisant référence, d’une part, aux déclarations que celle-ci aurait effectuées publiquement en 2011 et en 2013, appelant à renverser les autorités libyennes légitimes et à venger la mort de son père, et, d’autre part, à la situation d’instabilité existant encore en Libye, tout en réaffirmant la nécessité d’empêcher des individus associés à l’ancien régime de M. Kadhafi de continuer à fragiliser la situation en Libye. Le Tribunal en conclut que la requérante a pu comprendre que son nom avait été maintenu sur les listes litigieuses en raison de son inscription en vertu de la résolution 1970 (2011), des déclarations qui font partie du contexte dans lequel les actes attaqués s’inséraient et du fait que le Conseil jugeait ces mesures encore nécessaires.
S’agissant, en second lieu, du défaut allégué de base factuelle justifiant le maintien du nom de la requérante sur les listes, le Tribunal constate que les actes attaqués ne font pas état d’autres justifications pour le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses en mars 2017 et en mars 2020 que celles mises en avant pour procéder à l’inscription de son nom sur les listes annexées aux actes de 2011 et à l’application de la résolution 1970 (2011). Il relève que bien que les motifs sur lesquels les actes attaqués s’appuient, à savoir le fait d’être la fille de Muammar Kadhafi et son association étroite avec le régime de ce dernier, n’ont pas été contestés en temps utile devant le juge de l’Union, le Conseil n’était aucunement déchargé de son obligation d’établir que le maintien de son nom sur les listes litigieuses reposait sur une base factuelle suffisamment solide.
En outre, le Tribunal observe que le Conseil se borne à renvoyer aux déclarations que la requérante aurait effectuées publiquement en 2011, immédiatement après la divulgation des rapports concernant la mort de M. Kadhafi et de M. Mutassim Kadhafi, et en 2013. Le Tribunal relève que plusieurs années se sont écoulées depuis que ces déclarations ont été rapportées dans la presse et portées à la connaissance du Conseil, sans que ce dernier avance la moindre indication quant aux raisons pour lesquelles le contenu desdites déclarations aurait attesté que la requérante représentait encore une menace, sanctionnée dans le cadre des objectifs de la résolution 1970 (2011), nonobstant les changements intervenus entre-temps concernant sa situation individuelle. À cet égard, il observe que, depuis les actes d’inscription de 2011 et les actes d’inscription subséquents, la requérante ne résidait plus en Libye et le dossier ne fait état ni d’une quelconque participation de sa part à la vie politique libyenne ni de déclarations autres que celles qui lui ont été attribuées en 2011 et en 2013. Malgré ces changements concernant sa situation individuelle, le Conseil n’explique pas les raisons pour lesquelles celle-ci représentait, en 2017 et en 2020, soit lors de l’adoption des actes attaqués, une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la région. Le Tribunal conclut que, compte tenu de l’ensemble de ces considérations, les critiques de la requérante, tirées du fait que les actes attaqués sont dépourvus de base factuelle justifiant le maintien de son nom sur les listes litigieuses, sont fondées et que le Conseil a commis une erreur d’appréciation de nature à entraîner l’annulation des décisions 2017/497 et 2020/374 et des règlements 2017/489 et 2020/371.
{1} Résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 26 février 2011.
{2} Décision 2011/137/PESC du Conseil, du 28 février 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2011, L 58, p. 53), et règlement (UE) nº 204/2011 du Conseil, du 2 mars 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2011, L 58, p. 1).
{3} Résolution 2174 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 27 août 2014, et résolution 2213 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 27 mars 2015.
{4} Décision (PESC) 2015/818 du Conseil, du 26 mai 2015, modifiant la décision 2011/137 (JO 2015, L 129, p. 13), et règlement (UE) 2015/813 du Conseil, du 26 mai 2015, modifiant le règlement 204/2011 (JO 2015, L 129, p. 1).
{5} Décision d’exécution (PESC) 2017/497 du Conseil, du 21 mars 2017, mettant en œuvre la décision (PESC) 2015/1333 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2017, L 76, p. 25), et règlement d’exécution (UE) 2017/489 du Conseil, du 21 mars 2017, mettant en œuvre l’article 21, paragraphe 5, du règlement (UE) 2016/44 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2017, L 76, p. 3).
{6} Décision (PESC) 2020/374 du Conseil, du 5 mars 2020, mettant en œuvre la décision 2015/1333 (JO 2020, L 71, p. 14), et règlement d’exécution (UE) 2020/371 du Conseil, du 5 mars 2020, mettant en œuvre l’article 21, paragraphe 5, du règlement 2016/44 (JO 2020, L 71, p. 5).
Arrêt du 21 avril 2021, El-Qaddafi / Conseil (T-322/19) (cf. points 52, 55, 58, 61-63)
Arrêt du 3 juillet 2014, Alchaar / Conseil (T-203/12) (cf. points 48-56)
Arrêt du 3 juillet 2014, Sharif University of Technology / Conseil (T-181/13) (cf. points 29-31)
Arrêt du 13 novembre 2014, Kaddour / Conseil (T-654/11) (cf. points 38-40, 46-50)
Arrêt du 4 décembre 2015, Emadi / Conseil (T-274/13) (cf. points 52, 54-57, 60, 61)
33. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte - Communication à l'intéressé au moyen d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne - Délai commençant à courir à partir du quatorzième jour suivant cette publication
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 10 juin 2016, Pshonka / Conseil (T-381/14) (cf. points 36, 40-54)
Ordonnance du 10 juin 2016, Klymenko / Conseil (T-494/14) (cf. points 33, 37-51)
Arrêt du 3 juillet 2014, Zanjani / Conseil (T-155/13) (cf. points 32-47)
Arrêt du 3 juillet 2014, Sorinet Commercial Trust Bankers / Conseil (T-157/13) (cf. points 34-49)
Arrêt du 26 novembre 2015, HK Intertrade / Conseil (T-159/13 et T-372/14) (cf. points 37-44)
Ordonnance du 10 juin 2016, Pshonka / Conseil (T-380/14) (cf. points 36, 40-54)
34. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Date de communication de l'acte
Arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran / Conseil (T-262/12) (cf. points 47, 48)
35. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 décembre 2016, Mohammed Al-Ghabra / Commission (T-248/13) (cf. points 39, 40)
Arrêt du 23 septembre 2014, Mikhalchanka / Conseil (T-196/11 et T-542/12) (cf. points 46-49)
Arrêt du 23 septembre 2014, Ipatau / Conseil (T-646/11) (cf. points 44-47)
Ordonnance du 13 juillet 2015, Neka Novin / Conseil (T-436/14) (cf. points 15, 16)
Arrêt du 16 janvier 2019, Haswani / Conseil (T-477/17) (cf. points 43, 44, 46)
36. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Notification - Calcul
Ordonnance du 27 février 2019, Adis Higiene / EUIPO (C-669/18 P) (cf. point 5)
37. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Notification - Notion - Notification au représentant d'un requérant - Condition
Lorsqu’un acte doit faire l’objet d’une notification pour que le délai de recours commence à courir, celle-ci doit en principe être adressée au destinataire de cet acte, et non aux avocats qui le représentent. En effet, la notification au représentant d’un requérant ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est prévue expressément par une réglementation ou par un accord entre les parties.
Arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh / Conseil (T-307/12 et T-408/13) (cf. point 74)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 23 octobre 2015, Oil Turbo Compressor / Conseil (T-552/13) (cf. point 62)
Ordonnance du 1er septembre 2015, Makhlouf / Conseil (T-441/13) (cf. points 27, 28)
Arrêt du 4 décembre 2015, Emadi / Conseil (T-274/13) (cf. points 63, 64)
Arrêt du 21 janvier 2016, Makhlouf / Conseil (T-443/13) (cf. points 26-30)
Arrêt du 28 mars 2017, El-Qaddafi / Conseil (T-681/14) (cf. point 31)
Arrêt du 16 décembre 2020, Haikal / Conseil (T-189/19) (cf. points 44, 45)
38. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte communiqué à l'avocat représentant du destinataire - Admissibilité
Ordonnance du 22 décembre 2014, Al Assad / Conseil (T-407/13) (cf. point 67)
39. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire
Ordonnance du 28 avril 2015, Dyckerhoff Polska / Commission (T-284/14) (cf. points 14-16)
40. Procédure juridictionnelle - Délais de recours - Délai de distance - Application à l'introduction d'un recours contre un avis publié au Journal officiel concernant l'adoption ou le maintien d'un acte entraînant des mesures restrictives à l'égard du requérant
Ordonnance du 13 juillet 2015, Neka Novin / Conseil (T-436/14) (cf. points 20, 22-24)
41. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire - Actes faisant, selon une pratique constante de l'institution, l'objet d'une publication au Journal officiel - Publication - Notion
Ordonnance du 17 juillet 2015, EEB / Commission (T-565/14) (cf. points 19-22)
Ordonnance du 17 juillet 2015, EEB / Commission (T-685/14) (cf. points 19-22)
42. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Adresse de l'intéressé connue au moment de l'adoption de l'acte - Délai commençant à courir à partir de la date de la communication individuelle
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 octobre 2016, Sina Bank / Conseil (T-418/14) (cf. points 49-52)
À la suite des événements politiques survenus en Tunisie au cours des mois de décembre 2010 et de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2011/72 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie{1}, mise en œuvre par la décision d’exécution 2011/79{2}. Cette décision a pour objet de geler au sein de l’Union les avoirs des personnes et entités responsables de détournement de fonds publics tunisiens et des personnes associées. La désignation du requérant sur la liste des personnes et entités visées par ces mesures, intervenue initialement en 2011, a été maintenue d’année en année au motif qu’il faisait l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour des infractions en lien, selon le Conseil, avec des détournements de fonds publics tunisiens.
Le requérant a introduit un recours en annulation contre, notamment, la décision 2018/141{3} et la décision 2019/135{4}, par lesquelles le Conseil a prolongé l’inscription de son nom sur la liste litigieuse en maintenant les mêmes motifs à son encontre. Le Tribunal annule ces deux décisions en tant qu’elles concernent le requérant.
Appréciation du Tribunal
Avant de statuer sur le fond, le Tribunal se prononce sur la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre la décision 2019/135, et plus particulièrement sur la question de savoir si, pour l’appréciation du respect du délai de recours, il convient de considérer que la suspension des délais de recours, résultant de la demande d’aide juridictionnelle visant la décision 2018/141, s’applique également à l’égard de la décision 2019/135, dans la mesure où le recours tend à l’annulation des deux décisions. À cet égard, il relève que, lorsque le requérant a déposé sa demande d’aide juridictionnelle, il n’était pas en mesure de désigner la décision remplaçant la décision 2018/141 dans la mesure où elle n’avait pas encore été adoptée. En revanche, cette circonstance ne s’opposait pas à ce que, une fois son recours déposé, il adapte celui-ci pour tenir compte de l’adoption de la décision 2019/135. Cependant, le Tribunal observe que, à la date d’expiration des délais de recours contre la décision 2019/135, dans l’hypothèse où ces délais de recours ne seraient pas suspendus, la procédure d’aide juridictionnelle était toujours en cours et le requérant n’avait pas encore été en mesure de déposer son recours contre la décision 2018/141. En outre, la période de huit mois s’étant écoulée entre l’ordonnance admettant le requérant au bénéfice de l’aide juridictionnelle et celle désignant un avocat et mettant fin à la procédure relative à cette aide, n’était pas imputable, pour l’essentiel, à ce dernier. Or, les délais de traitement de la demande d’aide juridictionnelle du requérant ne sauraient avoir pour effet de limiter l’accès au juge de l’Union. Le Tribunal en conclut que la suspension des délais de recours s’applique également aux conclusions dirigées contre la décision 2019/135.
En ce qui concerne le fond, le requérant alléguant notamment une erreur d’appréciation relative au respect, par les autorités tunisiennes, de son droit à être jugé dans un délai raisonnable, le Tribunal souligne, en premier lieu, que, en application des considérations de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil{5}, le Conseil était tenu, d’une part de vérifier que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant avaient été respectés dans le cadre des procédures judiciaires le visant en Tunisie, et, d’autre part, de motiver les raisons pour lesquelles il considérait que ces droits avaient été respectés. L’obligation de vérification incombant au Conseil revêt un caractère inconditionnel.
Certes, dans des arrêts antérieurs{6}, le Tribunal avait relevé que, pour maintenir la désignation d’une personne sur une liste, le Conseil devait seulement réunir des preuves de l’existence d’une procédure judiciaire en cours la concernant. Ainsi, il ne devait procéder à des vérifications supplémentaires qu’en présence d’éléments suscitant des interrogations concernant le respect des droits du requérant dans le cadre de l’enquête judiciaire servant de fondement aux mesures restrictives adoptées. Toutefois, les moyens examinés dans ces arrêts ne soulevaient pas la question de savoir si le Conseil devait, d’office, opérer des vérifications, sans attendre que les personnes concernées aient présenté des observations susceptibles de les justifier, ni celle de savoir s’il devait motiver les conclusions tirées de ces vérifications. Surtout, la Cour n’avait alors pas encore prononcé l’arrêt Azarov/Conseil précité.
En second lieu, le Tribunal rappelle que le droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable est une composante du droit à une protection juridictionnelle effective. Ainsi, selon le Tribunal, il appartient au Conseil, d’une part, de s’assurer qu’il dispose d’éléments suffisants concernant l’état et l’évolution de cette procédure pour évaluer le risque d’une violation de ce droit et, d’autre part, de procéder à une telle évaluation avec soin et impartialité, afin d’en tirer les conséquences appropriées.
En l’espèce, le Tribunal constate, d’une part, que l’enquête judiciaire sur laquelle reposait la désignation du requérant sur la liste litigieuse était ouverte depuis l’année 2011 sans avoir donné lieu à une décision juridictionnelle. D’autre part, les informations fournies par les autorités tunisiennes, en octobre 2017 et en octobre 2018, sur l’état d’avancement de l’affaire ne faisaient mention d’aucun acte de procédure concernant spécifiquement le requérant. En l’absence de telles informations, le Conseil n’était pas en mesure de procéder à une évaluation correcte du respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable. Le Tribunal en conclut, dès lors, que le Conseil a commis une erreur d’appréciation à cet égard, de nature à entraîner l’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135.
{1} Décision 2011/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 28, p. 62).
{2} Décision d’exécution 2011/79/PESC du Conseil, du 4 février 2011, mettant en œuvre la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 31, p. 40).
{3} Décision (PESC) 2018/141 du Conseil, du 29 janvier 2018, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2018, L 25, p. 38).
{4} Décision (PESC) 2019/135 du Conseil, du 28 janvier 2019, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2019, L 25, p. 23).
{6} Arrêt de la Cour du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C-530/17 P, ECLI:EU:C:2018:1031).
{7} À cet égard, voir arrêts du Tribunal du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T-175/15, ECLI:EU:T:2017:694) et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil (T-288/15, ECLI:EU:T:2018:619).
Arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali / Conseil (T-151/18) (cf. points 69, 74, 75)
Ordonnance du 1er septembre 2015, Makhlouf / Conseil (T-441/13) (cf. point 32)
Arrêt du 15 septembre 2015, Iralco / Conseil (T-158/13) (cf. points 28-36)
Ordonnance du 10 décembre 2015, NICO / Conseil (C-153/15 P) (cf. points 47-49)
Arrêt du 21 janvier 2016, Makhlouf / Conseil (T-443/13) (cf. points 20-23, 52)
Arrêt du 8 mai 2024, Ismailova / Conseil (T-234/22) (cf. points 70, 73)
43. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Notification - Calcul
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 9 septembre 2015, SV Capital / ABE (T-660/14) (cf. points 38, 40)
Arrêt du 14 décembre 2016, SV Capital / ABE (C-577/15 P) (cf. point 53)
Ordonnance du 3 septembre 2020, STADA Arzneimittel / EUIPO (C-174/20 P) (cf. points 23-25)
Ordonnance du 11 juin 2020, GMPO / Commission (C-575/19 P) (cf. point 30)
Ordonnance du 31 mai 2024, Good Services / EUIPO (C-152/24 P) (cf. point 9)
Ordonnance du 31 mai 2024, Good Services / EUIPO (C-153/24 P) (cf. point 9)
Ordonnance du 31 mai 2024, Good Services / EUIPO (C-154/24 P) (cf. point 9)
44. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Adresse de l'intéressé connue au moment de l'adoption de l'acte - Délai commençant à courir à partir de la date de la communication individuelle - Charge de la preuve
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 22 septembre 2015, First Islamic Investment Bank / Conseil (T-161/13) (cf. points 23-29)
45. Procédure juridictionnelle - Décision ou règlement remplaçant en cours d'instance l'acte attaqué - Élément nouveau - Extension des conclusions et moyens initiaux - Demande d'adaptation de conclusions en annulation - Délai pour la présentation d'une telle demande - Point de départ - Date de communication du nouvel acte au requérant
Arrêt du 6 octobre 2015, FC Dynamo-Minsk / Conseil (T-275/12) (cf. points 53, 56, 59-64)
Arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a. / Conseil (T-276/12) (cf. points 65, 68, 71-78)
Arrêt du 13 septembre 2018, Almaz-Antey / Conseil (T-515/15) (cf. points 43, 44, 50, 51)
46. Procédure juridictionnelle - Décision ou règlement remplaçant en cours d'instance l'acte attaqué - Élément nouveau - Extension des conclusions et moyens initiaux - Demande d'adaptation de conclusions en annulation - Délai pour la présentation d'une telle demande - Point de départ - Date de communication du nouvel acte au représentant du requérant - Condition - Notification au représentant prévue expressément par une règlementation ou par un accord entre les parties
Arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a. / Conseil (T-276/12) (cf. points 80-83)
47. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte - Communication à l'intéressé au moyen d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne - Admissibilité - Obligation générale d'informer les destinataires des voies de recours et des délais - Absence
S'agissant de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, le Conseil n’est pas libre de choisir arbitrairement le mode de communication de ses décisions aux personnes intéressées. Ce n’est que lorsqu’il est impossible de communiquer individuellement à l’intéressé l’acte par lequel des mesures restrictives sont adoptées ou maintenues à son égard que la publication d’un avis au Journal officiel fait commencer à courir le délai de recours.
À cet égard, le fait qu’un tel avis ne comporte aucune indication quant à la possibilité pour les personnes et entités visées par les mesures restrictives de porter un recours devant le Tribunal conformément aux dispositions de l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE n’est pas de nature à mettre en cause le constat que cette publication a permis à l’intéressé d’être informé de la teneur des motifs de son inscription sur la liste des personnes et entités visées par les mesures restrictives à l'encontre de l'Iran.
En effet, en l’absence de disposition expresse du droit de l’Union, il ne saurait être reconnu, à charge des institutions de l’Union, une obligation générale d’informer les justiciables des voies de recours disponibles ainsi que des conditions dans lesquelles ils peuvent les exercer.
Or, le règlement nº 267/2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement nº 961/2010, ne comporte aucune disposition imposant au Conseil d’indiquer, lors de la communication par la publication d’un avis au Journal officiel, les voies de droit disponibles et les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être exercées. En particulier, l’article 46, paragraphe 3, de ce règlement, lequel porte sur la communication des motifs de l’adoption de mesures restrictives aux personnes et entités concernées, ne contient aucune obligation en ce sens.
Arrêt du 23 octobre 2015, Oil Turbo Compressor / Conseil (T-552/13) (cf. points 43, 67-69)
48. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte - Communication à l'intéressé au moyen d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne - Admissibilité - Conditions - Impossibilité pour le Conseil de procéder à une notification - Diligence du Conseil - Portée
S'agissant de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, le Conseil peut être considéré comme étant dans l’impossibilité de communiquer individuellement à une personne physique ou morale ou à une entité un acte comportant des mesures restrictives la concernant soit lorsque l’adresse de cette personne ou entité n’est pas publique et ne lui a pas été fournie, soit lorsque la communication envoyée à l’adresse dont le Conseil dispose échoue, en dépit des démarches qu’il a entreprises, avec toute la diligence requise, afin d’effectuer une telle communication.
Le Conseil se trouve dans une situation d’impossibilité de procéder à la communication individuelle, analogue à la situation dans laquelle il aurait été si l’adresse de l'entité concernée lui avait été inconnue, lorsqu’il a envoyé, avec accusé de réception, une lettre à une entité afin de l’informer de son inscription sur la liste des personnes et entités visées par les mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et que cette lettre lui est retournée par les services postaux iraniens avec la mention "a déménagé". Cette constatation s’impose, quand bien même l’adresse de l’entité serait correcte.
En effet, d’une part, cette norme d’acheminement d’un courrier postal est connue des services chargés, en Iran, de la distribution du courrier postal. D’autre part, elle constitue un mode approprié de communication individuelle, dès lors que la notification par lettre recommandée avec accusé de réception signé permet de déterminer avec certitude le dies a quo du délai de recours.
Ainsi, le Conseil, qui ne peut disposer, en Iran, que de ressources limitées aux fins de rechercher les adresses privées de toutes les personnes et entités concernées par le régime des mesures restrictives, a fait preuve de la diligence requise quant à son obligation de communiquer à l’entité concernée les mesures restrictives prises à son égard.
Il s’ensuit que le Conseil pouvait légitimement se fier à l’indication, fournie par les services postaux iraniens, selon laquelle l'entité en cause avait déménagé, sans qu’il lui appartienne de réitérer la communication par une nouvelle tentative de notification par voie postale, voire par d’autres mesures.
Arrêt du 23 octobre 2015, Oil Turbo Compressor / Conseil (T-552/13) (cf. points 44, 47-51)
Arrêt du 4 septembre 2024, Kesaev / Conseil (T-290/22 et T-763/22) (cf. points 33-36, 45-48)
Arrêt du 20 novembre 2024, Uss / Conseil (T-571/23) (cf. points 28-31, 44-49)
49. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte non publié et non communiqué au requérant - Date de prise de connaissance de l'acte
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 23 octobre 2015, Oil Turbo Compressor / Conseil (T-552/13) (cf. points 72-76)
50. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire - Publication d'un avis d'attribution de marché contenant des informations succinctes ne permettant pas à un soumissionnaire évincé d'exercer son droit de recours - Absence de déclenchement du délai de recours du fait de cette publication
Il découle du libellé de l’article 263, sixième alinéa, TFUE que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte.
S’agissant d’une décision d’attribution d’un marché public qui n’a pas été publiée au Journal officiel de l’Union européenne ou sur Internet, dans le cas où l’institution concernée se limite à publier un avis d’attribution du marché contenant des informations succinctes qui ne permettent pas à un soumissionnaire évincé d’exercer utilement son droit de recours devant le juge de l’Union, la date de publication dudit avis n’est pas susceptible de constituer le dies a quo du délai pour introduire le recours en annulation. Dans ces conditions, il convient de se référer à la date de prise de connaissance de l’acte attaqué par le requérant, à savoir le moment où ce dernier a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause de manière à pouvoir exercer utilement son droit de recours.
51. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de notification de la décision - Date de prise de connaissance de l'acte - Acte communiqué par courriel
Une décision est dûment notifiée, au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE dès lors qu’elle est communiquée à son destinataire et que celui-ci est mis en mesure d’en prendre connaissance, ce qui permet une notification valable par courriel. Ce même raisonnement peut être appliqué en ce qui concerne une communication d’une institution envoyée par courriel et par lettre recommandée.
Toutefois, l’envoi d’un courriel ne garantit pas nécessairement sa réception effective par son destinataire. Un courriel peut ne pas lui parvenir pour des raisons techniques. En outre, même dans le cas où un courriel parvient effectivement à son destinataire, il est possible que la réception n’ait pas lieu à la date de l’envoi.
Ordonnance du 1er mars 2024, Dakem / Commission (T-341/23) (cf. points 30-40)
52. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Notification - Décision de la Commission écartant du financement par l'Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, du FEAGA et du Feader - Publication ultérieure de la décision au Journal officiel - Absence d'incidence
Ordonnance du 23 novembre 2015, Slovénie / Commission (T-118/15) (cf. points 19, 21-24, 28, 31, 33)
53. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Notification - Notion
Il résulte d’une lecture combinée de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE que, en ce qui concerne les recours en annulation, la date à prendre en compte pour déterminer le point de départ du délai de recours est celle de la publication, lorsque cette publication, qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte, est prévue par ce traité et celle de la notification dans les autres cas mentionnés à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, au nombre desquels figure celui des décisions qui désignent leur destinataire. Il en découle que la notification d’un acte n’a pas un caractère subsidiaire, par rapport à la publication de celui-ci au Journal officiel de l’Union européenne, pour la détermination du point de départ du délai de recours s’appliquant au destinataire de cet acte.
Arrêt du 17 mai 2017, Portugal / Commission (C-337/16 P) (cf. points 36, 38)
Arrêt du 17 mai 2017, Portugal / Commission (C-338/16 P) (cf. points 36, 38)
Arrêt du 17 mai 2017, Portugal / Commission (C-339/16 P) (cf. points 36, 38)
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Roumanie/Commission (T-530/18), rendue le 30 avril 2019, le Tribunal était saisi d’un recours introduit par la Roumanie et tendant à l’annulation partielle d’une décision d’exécution de la Commission, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres, au titre de fonds européens agricoles{1}. Par cette décision, la Commission avait, notamment, appliqué à la Roumaine une correction financière d’un montant de plus de 90 millions d’euros. Cette affaire a permis au Tribunal d’apporter des précisions sur le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation à l’encontre d’un acte de portée individuelle, tel qu’une décision prise au titre de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, lorsque cet acte a été porté à la connaissance de son destinataire de deux façons différentes. En effet, en l’espèce, la décision attaquée a été à la fois notifiée à la représentation permanente de la Roumanie auprès de l’Union européenne, le 14 juin 2018, et publiée au Journal officiel de l’Union européenne, le 15 juin 2018.
Tout d’abord, le Tribunal a rappelé que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. En outre, d’une part, en vertu de l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours et, d’autre part, en vertu de l’article 59 de ce règlement, lorsqu'un délai pour l'introduction d'un recours contre un acte d'une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication.
Ensuite, le Tribunal a indiqué que la date à prendre en compte, pour déterminer le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation, est celle de la publication au Journal officiel, lorsque cette publication, qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte, est prévue par le traité FUE, et celle de la notification dans les autres cas mentionnés à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, au nombre desquels figure celui des décisions qui désignent leur destinataire. Ainsi, s’agissant d’un acte désignant ses destinataires, seul le texte notifié à ces derniers fait foi, quand bien même cet acte aurait été également publié au Journal officiel. En l’espèce, dans la mesure où la décision attaquée désigne explicitement la Roumanie comme destinataire, celle-ci a pris effet, à son égard, par sa notification. En outre, le délai de recours a commencé à courir à compter de cette notification et, l’article 59 du règlement de procédure ne pouvant s’appliquer, ce délai a expiré, délai de distance inclus, le 24 août 2018. Dès lors, le Tribunal a jugé que le recours introduit par la Roumanie le 7 septembre 2018 est tardif et doit être rejeté comme irrecevable.
Enfin, le Tribunal a souligné que cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante.
À cet égard, premièrement, la Roumanie alléguait que, en l’absence de corrélation automatique entre le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation contre un acte d’une institution et le moment de l’entrée en vigueur ou de la production d’effets de droit de cet acte, en l’espèce, la date de publication de la décision attaquée au Journal officiel pourrait être retenue comme point de départ de ce délai, même si cette décision avait déjà produit des effets à son égard, en raison de sa notification antérieure. Le Tribunal a estimé, notamment, que cette argumentation reposait sur une confusion entre les conditions de recevabilité d’un recours en annulation, visées par l’article 263 TFUE, et celles relatives à la validité de l’acte attaqué par un tel recours.
Deuxièmement, la Roumanie se prévalait de l’existence d’une pratique constante adoptée de longue date par la Commission, consistant à publier au Journal officiel des décisions, telles que celle en cause dans la présente affaire, tout en les notifiant à leurs destinataires. Elle soutenait que, dans cette situation atypique, le point de départ du délai de recours devait être la publication desdites décisions. Le Tribunal a indiqué que, à supposer qu’une telle pratique existe, dès lors que la décision a été notifiée antérieurement, il convient de prendre en considération cette date aux fins du calcul du délai de recours, et non la publication au Journal officiel intervenue postérieurement. En outre, l’adoption du seul critère de la notification comme point de départ du délai de recours en annulation contre les actes désignant leurs destinataires garantit la sécurité juridique et la protection juridictionnelle effective, au contraire d’une solution hybride selon laquelle le destinataire d’un acte qui en a dûment reçu la notification devrait encore s’enquérir de son éventuelle et incertaine, puisque non obligatoire, publication au Journal officiel.
Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel il existerait des différences entre le texte publié au Journal officiel et celui notifié, lequel serait incomplet, le Tribunal a rappelé que la notification est l’opération par laquelle l’auteur d’un acte de portée individuelle communique celui-ci à ses destinataires et les met ainsi en mesure de prendre connaissance de son contenu ainsi que des motifs sur lesquels il repose. Or, de par leur caractère mineur, lesdites différences n’étaient pas susceptibles d’empêcher la Roumanie de prendre connaissance du contenu de la décision attaquée avec suffisamment de clarté et de précision, ainsi que de comprendre les motifs sur lesquels elle repose. Dès lors, elles n’ont pas d’incidence sur l’application du délai de recours en annulation.
{1 Décision d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29).}
Ordonnance du 30 avril 2019, Roumanie / Commission (T-530/18) (cf. point 26)
Ordonnance du 23 novembre 2015, Slovénie / Commission (T-118/15) (cf. point 20)
Ordonnance du 19 avril 2016, Portugal / Commission (T-550/15) (cf. point 24)
Ordonnance du 19 avril 2016, Portugal / Commission (T-551/15) (cf. point 24)
Ordonnance du 19 avril 2016, Portugal / Commission (T-556/15) (cf. point 24)
54. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause - Calcul - Requête tardive - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 26 novembre 2015, One of Us e.a. / Commission (T-561/14) (cf. points 21-24)
Ordonnance du 6 décembre 2023, Birių Krovinių Terminalas / Conseil (T-287/23) (cf. points 9-12, 14)
55. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte - Notification au représentant d'un requérant - Conditions
Arrêt du 3 mai 2016, Iran Insurance / Conseil (T-63/14) (cf. points 48-56)
Arrêt du 3 mai 2016, Post Bank Iran / Conseil (T-68/14) (cf. points 49-57)
56. Procédure juridictionnelle - Décision ou règlement remplaçant en cours d'instance l'acte attaqué - Demande d'adaptation de conclusions en annulation - Délai pour la présentation d'une telle demande - Point de départ - Date de communication du nouvel acte au représentant du requérant - Condition - Notification au représentant prévue expressément par une réglementation ou par un accord entre les parties
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 octobre 2016, Sina Bank / Conseil (T-418/14) (cf. points 56, 60)
57. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de notification de la décision - Date de prise de connaissance de l'acte
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 mai 2017, Portugal / Commission (C-337/16 P) (cf. point 47)
Arrêt du 17 mai 2017, Portugal / Commission (C-338/16 P) (cf. point 47)
Arrêt du 17 mai 2017, Portugal / Commission (C-339/16 P) (cf. point 47)
58. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte - Adresse de l'intéressé inconnue au moment de l'adoption de l'acte - Communication indirecte à l'intéressé au moyen d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne - Admissibilité
Arrêt du 5 octobre 2017, Ben Ali / Conseil (T-149/15) (cf. points 44-47)
59. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Publication ou notification - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire
Arrêt du 5 octobre 2017, Ben Ali / Conseil (T-149/15) (cf. point 54)
60. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause - Calcul
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI / Parlement et Conseil (T-75/14) (cf. points 43-54, 57-59)
61. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de notification de la décision - Date de prise de connaissance de l'acte - Charge de la preuve
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 février 2018, LL / Parlement (C-326/16 P) (cf. points 48, 49)
62. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Notification - Absence d'incidence des erreurs purement formelles
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Roumanie/Commission (T-530/18), rendue le 30 avril 2019, le Tribunal était saisi d’un recours introduit par la Roumanie et tendant à l’annulation partielle d’une décision d’exécution de la Commission, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres, au titre de fonds européens agricoles{1}. Par cette décision, la Commission avait, notamment, appliqué à la Roumaine une correction financière d’un montant de plus de 90 millions d’euros. Cette affaire a permis au Tribunal d’apporter des précisions sur le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation à l’encontre d’un acte de portée individuelle, tel qu’une décision prise au titre de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, lorsque cet acte a été porté à la connaissance de son destinataire de deux façons différentes. En effet, en l’espèce, la décision attaquée a été à la fois notifiée à la représentation permanente de la Roumanie auprès de l’Union européenne, le 14 juin 2018, et publiée au Journal officiel de l’Union européenne, le 15 juin 2018.
Tout d’abord, le Tribunal a rappelé que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. En outre, d’une part, en vertu de l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours et, d’autre part, en vertu de l’article 59 de ce règlement, lorsqu'un délai pour l'introduction d'un recours contre un acte d'une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication.
Ensuite, le Tribunal a indiqué que la date à prendre en compte, pour déterminer le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation, est celle de la publication au Journal officiel, lorsque cette publication, qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte, est prévue par le traité FUE, et celle de la notification dans les autres cas mentionnés à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, au nombre desquels figure celui des décisions qui désignent leur destinataire. Ainsi, s’agissant d’un acte désignant ses destinataires, seul le texte notifié à ces derniers fait foi, quand bien même cet acte aurait été également publié au Journal officiel. En l’espèce, dans la mesure où la décision attaquée désigne explicitement la Roumanie comme destinataire, celle-ci a pris effet, à son égard, par sa notification. En outre, le délai de recours a commencé à courir à compter de cette notification et, l’article 59 du règlement de procédure ne pouvant s’appliquer, ce délai a expiré, délai de distance inclus, le 24 août 2018. Dès lors, le Tribunal a jugé que le recours introduit par la Roumanie le 7 septembre 2018 est tardif et doit être rejeté comme irrecevable.
Enfin, le Tribunal a souligné que cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante.
À cet égard, premièrement, la Roumanie alléguait que, en l’absence de corrélation automatique entre le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation contre un acte d’une institution et le moment de l’entrée en vigueur ou de la production d’effets de droit de cet acte, en l’espèce, la date de publication de la décision attaquée au Journal officiel pourrait être retenue comme point de départ de ce délai, même si cette décision avait déjà produit des effets à son égard, en raison de sa notification antérieure. Le Tribunal a estimé, notamment, que cette argumentation reposait sur une confusion entre les conditions de recevabilité d’un recours en annulation, visées par l’article 263 TFUE, et celles relatives à la validité de l’acte attaqué par un tel recours.
Deuxièmement, la Roumanie se prévalait de l’existence d’une pratique constante adoptée de longue date par la Commission, consistant à publier au Journal officiel des décisions, telles que celle en cause dans la présente affaire, tout en les notifiant à leurs destinataires. Elle soutenait que, dans cette situation atypique, le point de départ du délai de recours devait être la publication desdites décisions. Le Tribunal a indiqué que, à supposer qu’une telle pratique existe, dès lors que la décision a été notifiée antérieurement, il convient de prendre en considération cette date aux fins du calcul du délai de recours, et non la publication au Journal officiel intervenue postérieurement. En outre, l’adoption du seul critère de la notification comme point de départ du délai de recours en annulation contre les actes désignant leurs destinataires garantit la sécurité juridique et la protection juridictionnelle effective, au contraire d’une solution hybride selon laquelle le destinataire d’un acte qui en a dûment reçu la notification devrait encore s’enquérir de son éventuelle et incertaine, puisque non obligatoire, publication au Journal officiel.
Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel il existerait des différences entre le texte publié au Journal officiel et celui notifié, lequel serait incomplet, le Tribunal a rappelé que la notification est l’opération par laquelle l’auteur d’un acte de portée individuelle communique celui-ci à ses destinataires et les met ainsi en mesure de prendre connaissance de son contenu ainsi que des motifs sur lesquels il repose. Or, de par leur caractère mineur, lesdites différences n’étaient pas susceptibles d’empêcher la Roumanie de prendre connaissance du contenu de la décision attaquée avec suffisamment de clarté et de précision, ainsi que de comprendre les motifs sur lesquels elle repose. Dès lors, elles n’ont pas d’incidence sur l’application du délai de recours en annulation.
{1 Décision d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29).}
Ordonnance du 30 avril 2019, Roumanie / Commission (T-530/18) (cf. points 48-58)
Ordonnance du 21 mars 2018, Eco-Bat Technologies e.a. / Commission (T-361/17) (cf. points 32-34)
Arrêt du 21 mars 2019, Eco-Bat Technologies e.a. / Commission (C-312/18 P) (cf. points 25-28)
Arrêt du 10 septembre 2020, Roumanie / Commission (C-498/19 P) (cf. point 31)
63. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de notification de la décision - Date de prise de connaissance de l'acte - Requête tardive - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 28 septembre 2018, OPS Újpest / Commission (T-708/17) (cf. points 17, 20-22)
64. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de prise de connaissance de l'acte - Acte ni publié ni notifié au requérant
Ordonnance du 28 septembre 2018, M-Sansz / Commission (T-709/17) (cf. point 14)
Ordonnance du 28 septembre 2018, Lux-Rehab Non-Profit / Commission (T-710/17) (cf. point 14)
Ordonnance du 28 septembre 2018, Motex / Commission (T-713/17) (cf. point 14)
65. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause - Notion - Décision publiée intégralement sur le site Internet d'une institution ainsi que sous forme succincte dans le Journal officiel de l'Union européenne - Inclusion
Arrêt du 9 octobre 2018, Multiconnect / Commission (T-884/16) (cf. points 63-65)
Arrêt du 9 octobre 2018, Mass Response Service / Commission (T-885/16) (cf. points 61-63)
66. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de notification de la décision - Décision de rejet de l'offre d'un soumissionnaire - Obligation du soumissionnaire d'introduire une demande d'obtenir une décision motivée dans un délai raisonnable après avoir pris connaissance du rejet de son offre
Ordonnance du 15 novembre 2018, Intercontact Budapest / CdT (T-809/17) (cf. points 19, 20)
67. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte ni publié ni notifié au requérant - Connaissance exacte du contenu et des motifs - Obligation de demander le texte intégral de l'acte dans un délai raisonnable une fois connue son existence - Respect d'un délai raisonnable - Critères d'appréciation
À défaut de publication ou de notification, le délai de recours ne court qu’à partir du moment où l’intéressé a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause, à condition qu’il demande le texte intégral dans un délai raisonnable. Sous cette réserve, le délai de recours ne saurait courir qu’à partir du moment où le tiers concerné a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause de manière à pouvoir exercer utilement son droit de recours.
Le délai raisonnable pour demander la communication d’une décision après prise de connaissance de son existence n’est pas un délai préfix qui se déduirait automatiquement de la durée du délai de recours en annulation, mais un délai dépendant des circonstances du cas d’espèce. S’agissant de la notion de délai raisonnable, il a été jugé qu’un délai de deux mois, calculé à compter de la date de la connaissance de l’existence d’une décision pour en demander la communication, dépasse le délai raisonnable. Il a également été jugé qu’une demande de communication du texte intégral d’une décision présentée plus de quatre mois après que le requérant avait pris connaissance de l’existence de l’acte doit être considérée comme formulée hors de tout délai raisonnable.
Doit dès lors être considéré comme manifestement tardif et être rejeté comme manifestement irrecevable un recours introduit plus d’un an après que le requérant en a eu connaissance.
Ordonnance du 19 novembre 2018, Iccrea Banca / Commission e.a. (T-494/17) (cf. points 33, 39-41, 47)
Dans son arrêt du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T-377/16, T-645/16 et T-809/16), rendu en chambre élargie, le Tribunal a accueilli le recours dans l’affaire T-377/16, introduit par un établissement de crédit, visant à l’annulation de deux décisions du Conseil de résolution unique (CRU), la première déterminant le montant des contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (FRU) et la seconde procédant à un ajustement de ces contributions. En revanche, le Tribunal a rejeté les recours dans les affaires T-645/16 et T-809/16 comme étant irrecevables pour cause de litispendance.
Cette affaire s’inscrit dans le cadre du second pilier de l’union bancaire, relatif au mécanisme de résolution unique, mis en place par le règlement no 806/2014{1}. Plus spécifiquement, cette affaire concerne le FRU instauré par ce règlement{2}. Le FRU est financé par les contributions des établissements perçues au niveau national sous la forme, notamment, de contributions ex ante{3}.
La requérante, Hypo Vorarlberg Bank AG, est un établissement de crédit établi dans un État membre participant au mécanisme de surveillance unique. Par décision du 15 avril 2016, le CRU a décidé du montant de la contribution ex ante de chaque établissement, dont la requérante, pour l’année 2016. Par avis de perception du 26 avril 2016, l’autorité de résolution nationale (ARN) autrichienne a enjoint à la requérante d’acquitter le montant déterminé. Par décision du 20 mai 2016, accompagnée d’une annexe indiquant les nouveaux montants, le CRU a diminué la contribution de la requérante. Par un second avis de perception du 23 mai 2016, l’ARN autrichienne a indiqué à la requérante que sa contribution avait fait l’objet d’un calcul erroné et qu’elle aurait versé une contribution trop élevée. L’avis précisait en outre que ce montant ne serait remboursé qu’en 2017. La requérante a introduit un recours visant à l’annulation des deux décisions du CRU, en ce qu’elles la concernent.
Tout d’abord, le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par le CRU, tirée du prétendu défaut de qualité pour agir de la requérante ainsi que de la fin de non-recevoir pour cause de forclusion de l’action en annulation. Le Tribunal a en revanche accueilli l’argument de la litispendance invoqué par le CRU.
Examinant la question de la qualité pour agir de la requérante, le Tribunal a jugé que, en dépit du fait que seules les ARN soient destinataires, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, des décisions attaquées, les établissements, dont la requérante, n’en sont pas moins individuellement et directement concernés, puisque, d’une part, les décisions mentionnent nommément chacun des établissements et fixent ou, dans le cas de la seconde décision, ajustent sa contribution individuelle et, d’autre part, les ARN, ne disposent d’aucune marge d’appréciation concernant les montants des contributions individuelles, ni d’aucune possibilité de procéder à une modification de ces montants, qu’elles sont tenues de collecter auprès des établissements concernés.
S’agissant du respect du délai de recours à l’encontre de décisions non publiées et non communiquées à la requérante, le Tribunal a considéré que cette dernière avait, dans un délai raisonnable à partir de la prise de connaissance de l’existence des décisions attaquées, effectué plusieurs demandes visant à en obtenir le texte intégral, ce qui conditionne le point de départ du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qui correspond au moment de la prise de connaissance exacte par la requérante du contenu et des motifs de l’acte en cause. En outre, le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, se distingue du délai raisonnable au cours duquel la communication des actes doit être sollicitée.
En ce qui concerne la litispendance, après avoir rappelé qu’un recours postérieur opposant les mêmes parties, fondé sur les mêmes moyens et tendant à l’annulation du même acte, doit être rejeté comme irrecevable, le Tribunal a relevé que la condition relative à l’identité des parties concerne les parties principales et non les parties intervenantes et que la condition relative à l’identité de l’acte est remplie lorsque que l’objet de l’affaire ultérieure est inclus dans celui de l’affaire antérieure.
Compte tenu de ces considérations, le Tribunal a déclaré recevable le recours dans l’affaire T-377/16 et irrecevables pour cause de litispendance les affaires T-645/16 et T-809/16.
Sur le fond, examinant le moyen d’ordre public tiré de la violation des formes substantielles dans l’adoption des actes, le Tribunal a constaté que, en l’absence de preuve par le CRU de la signature électronique des décisions attaquées, l’exigence d’authentification n’a pas été satisfaite. Il a par conséquent annulé lesdites décisions.
À cet égard, le Tribunal a rappelé la jurisprudence de la Cour selon laquelle, l’élément intellectuel et l’élément formel constituant un tout indissociable, la mise en forme écrite de l’acte est l’expression nécessaire de la volonté de l’autorité qui l’adopte. L’authentification de l’acte a pour but d’assurer la sécurité juridique en figeant le texte adopté par l’auteur. La cour a également jugé que la violation d’une forme substantielle est constituée par le seul défaut d’authentification de l’acte, sans qu’il soit nécessaire d’établir, en outre, que l’acte est affecté d’un autre vice ou que l’absence d’authentification a causé un préjudice à celui qui l’invoque, et que le contrôle du respect de la formalité de l’authentification et, ainsi, du caractère certain de l’acte est un préalable à tout autre contrôle, tel que celui de la compétence de l’auteur de l’acte, du respect du principe de la collégialité ou encore du respect de l’obligation de motiver les actes. Si le juge de l’Union constate, à l’examen de l’acte produit devant lui, que ce dernier n’a pas été régulièrement authentifié, il lui appartient de soulever d’office le moyen tiré de la violation d’une forme substantielle consistant en un défaut d’authentification régulière et d’annuler, en conséquence, l’acte entaché d’un tel vice. Il importe peu, à cet égard, que l’absence d’authentification n’ait causé aucun préjudice à l’une des parties au litige.
En outre, le Tribunal a constaté que la procédure d’adoption de la première décision attaquée a été menée en méconnaissance manifeste d’exigences procédurales relatives à l’approbation de cette décision par les membres de la session exécutive du CRU et au recueil de cette approbation .S’agissant d’une procédure d’adoption par consensus, le Tribunal a observé que la décision ne saurait être adoptée sans qu’il ait été établi, à tout le moins, que l’intégralité des membres de l’organe compétent aient pu prendre connaissance, au préalable, du projet de décision. Cette procédure requiert l’indication d’un délai permettant auxdits membres de prendre position sur le projet. Le Tribunal a constaté que ces règles de procédure, visant à assurer le respect des formes substantielles inhérentes à toute procédure d’adoption par consensus, ont été violées en l’espèce. Il a observé que ces violations ont un impact direct sur la sécurité juridique, puisqu’il n’est pas établi que la décision ainsi adoptée ait fait l’objet d’une approbation par l’organe compétent, voire même d’une prise de connaissance préalable par l’intégralité de ses membres. Selon le Tribunal, le non-respect de telles règles de procédure nécessaires à l’expression du consentement constitue une violation des formes substantielles que le juge de l’Union peut examiner d’office.
Enfin, le Tribunal a jugé que les décisions attaquées encourent l’annulation au titre de plusieurs violations de l’obligation de motivation. Le Tribunal a précisé à cet égard qu’il incombe au CRU, auteur de ces décisions, de les motiver. Cette obligation de motivation ne saurait être déléguée aux ARN, ni sa violation palliée par celles-ci, sauf à méconnaître la qualité du CRU d’auteur desdites décisions et sa responsabilité à ce titre, et à susciter, compte tenu de la diversité des ARN, un risque d’inégalité de traitement des établissements en ce qui concerne la motivation des décisions du CRU.
{1 Règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).}
{2 Article 67, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.}
{3 Article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014.}
Ordonnance du 19 novembre 2018, Credito Fondiario / CRU (T-661/16) (cf. points 36, 42-44, 49)
Ordonnance du 19 novembre 2018, VR-Bank Rhein-Sieg / CRU (T-42/17) (cf. points 35, 44-46, 51)
Arrêt du 26 juin 2019, NRW. Bank / CRU (T-466/16) (cf. points 46-48, 53-56)
Ordonnance du 12 novembre 2020, Lazarus / Commission (C-85/20 P) (cf. points 32-35)
68. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Publication ou notification - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire - Publication - Notion
Ordonnance du 31 janvier 2019, Iordăchescu / Parlement e.a. (C-426/18 P) (cf. points 21-24)
Ordonnance du 8 juillet 2021, Mendes de Almeida / Conseil (T-75/21) (cf. points 44, 54, 57)
Ordonnance du 20 octobre 2022, Mendes de Almeida / Conseil (C-576/21 P) (cf. points 43-48)
69. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de la publication de l'acte en cause - Violation du droit à une protection juridictionnelle effective - Absence
Ordonnance du 8 juillet 2021, Mendes de Almeida / Conseil (T-75/21) (cf. point 67)
70. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Notification - Décision de la Commission écartant du financement par l'Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader - Publication ultérieure de la décision au Journal officiel - Absence d'incidence
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Roumanie/Commission (T-530/18), rendue le 30 avril 2019, le Tribunal était saisi d’un recours introduit par la Roumanie et tendant à l’annulation partielle d’une décision d’exécution de la Commission, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres, au titre de fonds européens agricoles{1}. Par cette décision, la Commission avait, notamment, appliqué à la Roumaine une correction financière d’un montant de plus de 90 millions d’euros. Cette affaire a permis au Tribunal d’apporter des précisions sur le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation à l’encontre d’un acte de portée individuelle, tel qu’une décision prise au titre de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, lorsque cet acte a été porté à la connaissance de son destinataire de deux façons différentes. En effet, en l’espèce, la décision attaquée a été à la fois notifiée à la représentation permanente de la Roumanie auprès de l’Union européenne, le 14 juin 2018, et publiée au Journal officiel de l’Union européenne, le 15 juin 2018.
Tout d’abord, le Tribunal a rappelé que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. En outre, d’une part, en vertu de l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours et, d’autre part, en vertu de l’article 59 de ce règlement, lorsqu'un délai pour l'introduction d'un recours contre un acte d'une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication.
Ensuite, le Tribunal a indiqué que la date à prendre en compte, pour déterminer le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation, est celle de la publication au Journal officiel, lorsque cette publication, qui conditionne l’entrée en vigueur de l’acte, est prévue par le traité FUE, et celle de la notification dans les autres cas mentionnés à l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, au nombre desquels figure celui des décisions qui désignent leur destinataire. Ainsi, s’agissant d’un acte désignant ses destinataires, seul le texte notifié à ces derniers fait foi, quand bien même cet acte aurait été également publié au Journal officiel. En l’espèce, dans la mesure où la décision attaquée désigne explicitement la Roumanie comme destinataire, celle-ci a pris effet, à son égard, par sa notification. En outre, le délai de recours a commencé à courir à compter de cette notification et, l’article 59 du règlement de procédure ne pouvant s’appliquer, ce délai a expiré, délai de distance inclus, le 24 août 2018. Dès lors, le Tribunal a jugé que le recours introduit par la Roumanie le 7 septembre 2018 est tardif et doit être rejeté comme irrecevable.
Enfin, le Tribunal a souligné que cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante.
À cet égard, premièrement, la Roumanie alléguait que, en l’absence de corrélation automatique entre le point de départ du délai d’introduction d’un recours en annulation contre un acte d’une institution et le moment de l’entrée en vigueur ou de la production d’effets de droit de cet acte, en l’espèce, la date de publication de la décision attaquée au Journal officiel pourrait être retenue comme point de départ de ce délai, même si cette décision avait déjà produit des effets à son égard, en raison de sa notification antérieure. Le Tribunal a estimé, notamment, que cette argumentation reposait sur une confusion entre les conditions de recevabilité d’un recours en annulation, visées par l’article 263 TFUE, et celles relatives à la validité de l’acte attaqué par un tel recours.
Deuxièmement, la Roumanie se prévalait de l’existence d’une pratique constante adoptée de longue date par la Commission, consistant à publier au Journal officiel des décisions, telles que celle en cause dans la présente affaire, tout en les notifiant à leurs destinataires. Elle soutenait que, dans cette situation atypique, le point de départ du délai de recours devait être la publication desdites décisions. Le Tribunal a indiqué que, à supposer qu’une telle pratique existe, dès lors que la décision a été notifiée antérieurement, il convient de prendre en considération cette date aux fins du calcul du délai de recours, et non la publication au Journal officiel intervenue postérieurement. En outre, l’adoption du seul critère de la notification comme point de départ du délai de recours en annulation contre les actes désignant leurs destinataires garantit la sécurité juridique et la protection juridictionnelle effective, au contraire d’une solution hybride selon laquelle le destinataire d’un acte qui en a dûment reçu la notification devrait encore s’enquérir de son éventuelle et incertaine, puisque non obligatoire, publication au Journal officiel.
Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel il existerait des différences entre le texte publié au Journal officiel et celui notifié, lequel serait incomplet, le Tribunal a rappelé que la notification est l’opération par laquelle l’auteur d’un acte de portée individuelle communique celui-ci à ses destinataires et les met ainsi en mesure de prendre connaissance de son contenu ainsi que des motifs sur lesquels il repose. Or, de par leur caractère mineur, lesdites différences n’étaient pas susceptibles d’empêcher la Roumanie de prendre connaissance du contenu de la décision attaquée avec suffisamment de clarté et de précision, ainsi que de comprendre les motifs sur lesquels elle repose. Dès lors, elles n’ont pas d’incidence sur l’application du délai de recours en annulation.
{1 Décision d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29).}
71. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de l'événement faisant courir le délai - Charge de la preuve
Dans l’ordonnance Metrans/Commission et INEA (T-262/17), adoptée le 15 mai 2019, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours formé par une société de droit tchèque, active essentiellement dans l’exploitation de terminaux intermodaux en République tchèque, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision d’exécution C(2016) 5047 final de la Commission, du 5 août 2016, établissant la liste des propositions admises à bénéficier d’un concours financier de l’Union européenne dans le domaine du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) - Secteur des transports, à la suite des appels à propositions lancés le 5 novembre 2015 et fondés sur le programme de travail pluriannuel, en tant qu’elle concerne deux propositions intitulées « Terminal multimodal pour conteneurs de Paskov, phase III » et « Terminal intermodal de Mělník, phases 2 et 3 » et, d’autre part, à l’annulation des deux conventions de subvention relatives à ces deux propositions conclues par l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA){1}.
Le 5 novembre 2015, la Commission européenne a lancé deux appels à propositions, un « appel au titre de la cohésion » et un « appel général », dans le cadre du programme de travail pluriannuel pour une assistance financière dans le domaine du transport. La requérante n’a pas soumis de propositions en réponse aux deux appels à propositions. Parmi les participants à l’appel à propositions au titre de la cohésion figuraient les sociétés Advanced World Transport a.s. (ci-après « AWT ») et České přístavy a.s. Le 17 juin 2016, la Commission a dévoilé la liste des 195 propositions de projets de transport qui bénéficieraient d’un financement. Par communiqué de presse du 8 juillet 2016, l’INEA a annoncé l’avis favorable du comité de coordination du MIE à la liste établie par la Commission des propositions de projets de transport qui bénéficieraient d’un financement. Le 5 août 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2016) 5047 final, établissant, en l’annexe, la liste des propositions admises à bénéficier du concours financier en question. La décision d’exécution, ainsi que son annexe, ont été mises en ligne le 30 août 2015 sur le site Internet de la direction générale concernée de la Commission. Les propositions soumises par České přístavy a.s. (« projet Mělník ») et par AWT (« projet Paskov ») figuraient à l’annexe de la décision d’exécution et se sont vu octroyer un financement. L’INEA a conclu des conventions de subvention avec ces deux sociétés, respectivement le 21 octobre et le 7 novembre 2016. Les fiches d’information sur les projets Mělník et Paskov ont été publiées en ligne sur le site Internet de l’INEA respectivement le 7 et le 11 novembre 2016.
Par courriel du 5 décembre 2016 adressé à la Commission, le représentant de la requérante a demandé accès aux actes attaqués, en tant qu’ils étaient relatifs au projet Mělník. Le 22 décembre 2016, il a réitéré sa demande, par le biais du formulaire de contact du site Internet de l’INEA, demandant accès aux actes attaqués en tant qu’ils étaient relatifs aussi au projet Paskov. Le 20 janvier 2017, l’INEA a donné suite à ces demandes en lui transmettant les actes attaqués. La requérante a introduit le présent recours le 30 avril 2017.
Sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission et l’INEA ont demandé au Tribunal de statuer sur l’irrecevabilité du recours, sans engager le débat au fond. Au soutien de leur exception d’irrecevabilité, elles ont notamment soulevé une fin de non-recevoir tirée du caractère tardif du recours.
S’agissant, tout d’abord, du délai de recours en annulation, le Tribunal a rappelé qu’aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ce recours doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Le Tribunal a précisé que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte. Lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication et doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. Le délai de recours est d’ordre public et il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté de celui-ci, au regard du délai fixé, de fournir la preuve de la date à laquelle l’événement faisant courir le délai est survenu.
En l’espèce, le Tribunal a constaté que le critère de la notification des actes attaqués, en tant que critère du point de départ du délai de recours, n’est pas applicable, la requérante n’étant pas destinataire de ces actes.
S’agissant, ensuite, de la publication des actes attaqués, en tant que critère du point de départ du délai de recours au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le Tribunal a rappelé qu’une telle publication doit soit être exigée par une disposition du droit primaire ou dérivé de l’Union, soit, à tout le moins, découler d’une pratique constante que la requérante pouvait légitimement escompter. À cet égard, en premier lieu, il a jugé que la décision d’exécution en cause, étant un acte non législatif qui désigne des destinataires au sens de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, n’est pas soumise à l’obligation de publication au Journal officiel de l’Union européenne en vertu du paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit article. Le Tribunal a constaté, en outre, que la publication des décisions, comme celle en cause, ne revêt pas un caractère impératif selon l’article 13, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001{2}. En effet, ladite publication n’est pas prévue par le règlement intérieur de la Commission ou celui de l’INEA, ni par les dispositions réglementaires en vigueur applicables au MIE. En deuxième lieu, le Tribunal a constaté qu’il n’a pas été prouvé par la requérante qu’une telle publication résultait d’une pratique constante de l’institution concernée. Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue de divulguer la décision d’exécution en cause par le biais d’une publication - cette constatation étant transposable également aux cas des deux conventions de subvention en cause. Par conséquent, le Tribunal a conclu que, en l’espèce, le critère de la publication, en tant que point de départ du délai de recours, ne saurait être retenu comme pertinent aux fins de l’application de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
Enfin, s’agissant de la prise de connaissance des actes attaqués, en tant que critère subsidiaire du point de départ du délai de recours, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, les actes attaqués ont incontestablement été portés, par l’INEA, à la connaissance de la requérante par l’intermédiaire de son représentant le 20 janvier 2017 et que le recours a dès lors été formé en dehors du délai imparti.
{1 Mise en place en 2014 par la décision d’exécution 2013/801/UE de la Commission, du 23 décembre 2013, instituant l’INEA, et abrogeant la [d]écision 2007/60/CE modifiée par la décision 2008/593/CE (JO 2013, L 352, p. 65).}
{2 Règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).}
Ordonnance du 15 mai 2019, Metrans / Commission et INEA (T-262/17) (cf. point 37)
72. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Décision d'exécution de la Commission accordant un financement pour des propositions de projets de transport - Conventions de subvention - Obligation de publication au Journal officiel - Absence
Dans l’ordonnance Metrans/Commission et INEA (T-262/17), adoptée le 15 mai 2019, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours formé par une société de droit tchèque, active essentiellement dans l’exploitation de terminaux intermodaux en République tchèque, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision d’exécution C(2016) 5047 final de la Commission, du 5 août 2016, établissant la liste des propositions admises à bénéficier d’un concours financier de l’Union européenne dans le domaine du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) - Secteur des transports, à la suite des appels à propositions lancés le 5 novembre 2015 et fondés sur le programme de travail pluriannuel, en tant qu’elle concerne deux propositions intitulées « Terminal multimodal pour conteneurs de Paskov, phase III » et « Terminal intermodal de Mělník, phases 2 et 3 » et, d’autre part, à l’annulation des deux conventions de subvention relatives à ces deux propositions conclues par l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA){1}.
Le 5 novembre 2015, la Commission européenne a lancé deux appels à propositions, un « appel au titre de la cohésion » et un « appel général », dans le cadre du programme de travail pluriannuel pour une assistance financière dans le domaine du transport. La requérante n’a pas soumis de propositions en réponse aux deux appels à propositions. Parmi les participants à l’appel à propositions au titre de la cohésion figuraient les sociétés Advanced World Transport a.s. (ci-après « AWT ») et České přístavy a.s. Le 17 juin 2016, la Commission a dévoilé la liste des 195 propositions de projets de transport qui bénéficieraient d’un financement. Par communiqué de presse du 8 juillet 2016, l’INEA a annoncé l’avis favorable du comité de coordination du MIE à la liste établie par la Commission des propositions de projets de transport qui bénéficieraient d’un financement. Le 5 août 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2016) 5047 final, établissant, en l’annexe, la liste des propositions admises à bénéficier du concours financier en question. La décision d’exécution, ainsi que son annexe, ont été mises en ligne le 30 août 2015 sur le site Internet de la direction générale concernée de la Commission. Les propositions soumises par České přístavy a.s. (« projet Mělník ») et par AWT (« projet Paskov ») figuraient à l’annexe de la décision d’exécution et se sont vu octroyer un financement. L’INEA a conclu des conventions de subvention avec ces deux sociétés, respectivement le 21 octobre et le 7 novembre 2016. Les fiches d’information sur les projets Mělník et Paskov ont été publiées en ligne sur le site Internet de l’INEA respectivement le 7 et le 11 novembre 2016.
Par courriel du 5 décembre 2016 adressé à la Commission, le représentant de la requérante a demandé accès aux actes attaqués, en tant qu’ils étaient relatifs au projet Mělník. Le 22 décembre 2016, il a réitéré sa demande, par le biais du formulaire de contact du site Internet de l’INEA, demandant accès aux actes attaqués en tant qu’ils étaient relatifs aussi au projet Paskov. Le 20 janvier 2017, l’INEA a donné suite à ces demandes en lui transmettant les actes attaqués. La requérante a introduit le présent recours le 30 avril 2017.
Sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission et l’INEA ont demandé au Tribunal de statuer sur l’irrecevabilité du recours, sans engager le débat au fond. Au soutien de leur exception d’irrecevabilité, elles ont notamment soulevé une fin de non-recevoir tirée du caractère tardif du recours.
S’agissant, tout d’abord, du délai de recours en annulation, le Tribunal a rappelé qu’aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ce recours doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Le Tribunal a précisé que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte. Lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication et doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. Le délai de recours est d’ordre public et il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté de celui-ci, au regard du délai fixé, de fournir la preuve de la date à laquelle l’événement faisant courir le délai est survenu.
En l’espèce, le Tribunal a constaté que le critère de la notification des actes attaqués, en tant que critère du point de départ du délai de recours, n’est pas applicable, la requérante n’étant pas destinataire de ces actes.
S’agissant, ensuite, de la publication des actes attaqués, en tant que critère du point de départ du délai de recours au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le Tribunal a rappelé qu’une telle publication doit soit être exigée par une disposition du droit primaire ou dérivé de l’Union, soit, à tout le moins, découler d’une pratique constante que la requérante pouvait légitimement escompter. À cet égard, en premier lieu, il a jugé que la décision d’exécution en cause, étant un acte non législatif qui désigne des destinataires au sens de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, n’est pas soumise à l’obligation de publication au Journal officiel de l’Union européenne en vertu du paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit article. Le Tribunal a constaté, en outre, que la publication des décisions, comme celle en cause, ne revêt pas un caractère impératif selon l’article 13, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001{2}. En effet, ladite publication n’est pas prévue par le règlement intérieur de la Commission ou celui de l’INEA, ni par les dispositions réglementaires en vigueur applicables au MIE. En deuxième lieu, le Tribunal a constaté qu’il n’a pas été prouvé par la requérante qu’une telle publication résultait d’une pratique constante de l’institution concernée. Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue de divulguer la décision d’exécution en cause par le biais d’une publication - cette constatation étant transposable également aux cas des deux conventions de subvention en cause. Par conséquent, le Tribunal a conclu que, en l’espèce, le critère de la publication, en tant que point de départ du délai de recours, ne saurait être retenu comme pertinent aux fins de l’application de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
Enfin, s’agissant de la prise de connaissance des actes attaqués, en tant que critère subsidiaire du point de départ du délai de recours, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, les actes attaqués ont incontestablement été portés, par l’INEA, à la connaissance de la requérante par l’intermédiaire de son représentant le 20 janvier 2017 et que le recours a dès lors été formé en dehors du délai imparti.
{1 Mise en place en 2014 par la décision d’exécution 2013/801/UE de la Commission, du 23 décembre 2013, instituant l’INEA, et abrogeant la [d]écision 2007/60/CE modifiée par la décision 2008/593/CE (JO 2013, L 352, p. 65).}
{2 Règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).}
Ordonnance du 15 mai 2019, Metrans / Commission et INEA (T-262/17) (cf. points 39, 41-54)
73. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire - Décision d'exécution de la Commission accordant un financement pour des propositions de projets de transport - Conventions de subvention - Demande d'accès à ces documents déposée par la requérante - Tardiveté du recours - Irrecevabilité
Dans l’ordonnance Metrans/Commission et INEA (T-262/17), adoptée le 15 mai 2019, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours formé par une société de droit tchèque, active essentiellement dans l’exploitation de terminaux intermodaux en République tchèque, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision d’exécution C(2016) 5047 final de la Commission, du 5 août 2016, établissant la liste des propositions admises à bénéficier d’un concours financier de l’Union européenne dans le domaine du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) - Secteur des transports, à la suite des appels à propositions lancés le 5 novembre 2015 et fondés sur le programme de travail pluriannuel, en tant qu’elle concerne deux propositions intitulées « Terminal multimodal pour conteneurs de Paskov, phase III » et « Terminal intermodal de Mělník, phases 2 et 3 » et, d’autre part, à l’annulation des deux conventions de subvention relatives à ces deux propositions conclues par l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA){1}.
Le 5 novembre 2015, la Commission européenne a lancé deux appels à propositions, un « appel au titre de la cohésion » et un « appel général », dans le cadre du programme de travail pluriannuel pour une assistance financière dans le domaine du transport. La requérante n’a pas soumis de propositions en réponse aux deux appels à propositions. Parmi les participants à l’appel à propositions au titre de la cohésion figuraient les sociétés Advanced World Transport a.s. (ci-après « AWT ») et České přístavy a.s. Le 17 juin 2016, la Commission a dévoilé la liste des 195 propositions de projets de transport qui bénéficieraient d’un financement. Par communiqué de presse du 8 juillet 2016, l’INEA a annoncé l’avis favorable du comité de coordination du MIE à la liste établie par la Commission des propositions de projets de transport qui bénéficieraient d’un financement. Le 5 août 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2016) 5047 final, établissant, en l’annexe, la liste des propositions admises à bénéficier du concours financier en question. La décision d’exécution, ainsi que son annexe, ont été mises en ligne le 30 août 2015 sur le site Internet de la direction générale concernée de la Commission. Les propositions soumises par České přístavy a.s. (« projet Mělník ») et par AWT (« projet Paskov ») figuraient à l’annexe de la décision d’exécution et se sont vu octroyer un financement. L’INEA a conclu des conventions de subvention avec ces deux sociétés, respectivement le 21 octobre et le 7 novembre 2016. Les fiches d’information sur les projets Mělník et Paskov ont été publiées en ligne sur le site Internet de l’INEA respectivement le 7 et le 11 novembre 2016.
Par courriel du 5 décembre 2016 adressé à la Commission, le représentant de la requérante a demandé accès aux actes attaqués, en tant qu’ils étaient relatifs au projet Mělník. Le 22 décembre 2016, il a réitéré sa demande, par le biais du formulaire de contact du site Internet de l’INEA, demandant accès aux actes attaqués en tant qu’ils étaient relatifs aussi au projet Paskov. Le 20 janvier 2017, l’INEA a donné suite à ces demandes en lui transmettant les actes attaqués. La requérante a introduit le présent recours le 30 avril 2017.
Sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission et l’INEA ont demandé au Tribunal de statuer sur l’irrecevabilité du recours, sans engager le débat au fond. Au soutien de leur exception d’irrecevabilité, elles ont notamment soulevé une fin de non-recevoir tirée du caractère tardif du recours.
S’agissant, tout d’abord, du délai de recours en annulation, le Tribunal a rappelé qu’aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ce recours doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Le Tribunal a précisé que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte. Lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication et doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. Le délai de recours est d’ordre public et il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté de celui-ci, au regard du délai fixé, de fournir la preuve de la date à laquelle l’événement faisant courir le délai est survenu.
En l’espèce, le Tribunal a constaté que le critère de la notification des actes attaqués, en tant que critère du point de départ du délai de recours, n’est pas applicable, la requérante n’étant pas destinataire de ces actes.
S’agissant, ensuite, de la publication des actes attaqués, en tant que critère du point de départ du délai de recours au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le Tribunal a rappelé qu’une telle publication doit soit être exigée par une disposition du droit primaire ou dérivé de l’Union, soit, à tout le moins, découler d’une pratique constante que la requérante pouvait légitimement escompter. À cet égard, en premier lieu, il a jugé que la décision d’exécution en cause, étant un acte non législatif qui désigne des destinataires au sens de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, n’est pas soumise à l’obligation de publication au Journal officiel de l’Union européenne en vertu du paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit article. Le Tribunal a constaté, en outre, que la publication des décisions, comme celle en cause, ne revêt pas un caractère impératif selon l’article 13, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001{2}. En effet, ladite publication n’est pas prévue par le règlement intérieur de la Commission ou celui de l’INEA, ni par les dispositions réglementaires en vigueur applicables au MIE. En deuxième lieu, le Tribunal a constaté qu’il n’a pas été prouvé par la requérante qu’une telle publication résultait d’une pratique constante de l’institution concernée. Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue de divulguer la décision d’exécution en cause par le biais d’une publication - cette constatation étant transposable également aux cas des deux conventions de subvention en cause. Par conséquent, le Tribunal a conclu que, en l’espèce, le critère de la publication, en tant que point de départ du délai de recours, ne saurait être retenu comme pertinent aux fins de l’application de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
Enfin, s’agissant de la prise de connaissance des actes attaqués, en tant que critère subsidiaire du point de départ du délai de recours, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, les actes attaqués ont incontestablement été portés, par l’INEA, à la connaissance de la requérante par l’intermédiaire de son représentant le 20 janvier 2017 et que le recours a dès lors été formé en dehors du délai imparti.
{1 Mise en place en 2014 par la décision d’exécution 2013/801/UE de la Commission, du 23 décembre 2013, instituant l’INEA, et abrogeant la [d]écision 2007/60/CE modifiée par la décision 2008/593/CE (JO 2013, L 352, p. 65).}
{2 Règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).}
Ordonnance du 15 mai 2019, Metrans / Commission et INEA (T-262/17) (cf. points 55-69)
74. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Réponse de la Commission à une plainte rédigée dans une autre langue que celle de la plainte - Plaignant ayant été en mesure de comprendre la teneur de la réponse - Absence de demande de traduction de la réponse dans un délai raisonnable - Requête tardive - Irrecevabilité
Ordonnance du 19 décembre 2019, OPS Újpest / Commission (C-741/18 P) (cf. points 16, 17, 22-24)
75. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de notification de la décision - Date de prise de connaissance de l'acte - Différences entre la version notifiée et la version publiée de la décision - Différences n'empêchant pas la prise de connaissance du contenu de cette décision ainsi que l'introduction d'un recours
Arrêt du 10 septembre 2020, Roumanie / Commission (C-498/19 P) (cf. points 27, 28, 35)
76. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de prise de connaissance effective ou complète, par sa publication ultérieure, d'une décision préalablement notifiée - Atteinte à la finalité du délai de recours
Arrêt du 10 septembre 2020, Roumanie / Commission (C-498/19 P) (cf. point 36)
77. Recours en annulation - Délais - Caractère d'ordre public - Point de départ - Notification - Violation du droit à un recours effectif - Absence
Arrêt du 10 septembre 2020, Roumanie / Commission (C-498/19 P) (cf. point 53)
78. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de prise de connaissance de l'acte - Ignorance de la qualité pour agir au moment de la prise de connaissance de l'acte - Absence de pertinence
Ordonnance du 12 novembre 2020, Lazarus / Commission (C-85/20 P) (cf. points 23-25)
79. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Acte entraînant des mesures restrictives à l'égard d'une personne ou d'une entité - Acte publié et communiqué aux destinataires - Date de communication de l'acte - Recours tardif - Irrecevabilité
Arrêt du 16 décembre 2020, Haswani / Conseil (T-521/19) (cf. points 91-93)
Arrêt du 10 juillet 2024, Rashevsky / Conseil (T-309/22 et T-739/22) (cf. points 34, 35)
80. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Décision inscrivant une substance extrêmement préoccupante dans la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans la liste de substances soumises à autorisation - Notion de publication - Publication de la décision sur le site Internet de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) - Inclusion
Le 5 août 2019, l’autorité norvégienne compétente a soumis un dossier proposant l’identification de l’acide de perfluorobutanesulfonique (ci-après le « PFBS ») et de ses sels en tant que substance extrêmement préoccupante{1}. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a invité les parties intéressées à soumettre leurs observations relatives à ce dossier, dans le cadre d’une consultation publique. Ainsi, 3M Belgium, représentante exclusive de la société 3M pour toutes les importations d’un additif ignifuge, composé d’un des sels du PFBS, a soumis ses observations.
Par la suite, le dossier a été renvoyé par l’ECHA au comité des États membres. Ce dernier a identifié, à l’unanimité, le PFBS et ses sels en tant que substance pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur la santé humaine et sur l’environnement, qui suscite un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation des substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement REACH.
Le 16 janvier 2020, l’ECHA a adopté une décision (ci-après la « décision attaquée ») par laquelle le PFBS et ses sels ont été identifiés en tant que substance extrêmement préoccupante et ont été inscrits sur la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans la liste de substances soumises à autorisation (ci-après la « liste des substances candidates »).
Belgium a introduit un recours devant le Tribunal afin d’obtenir l’annulation de la décision attaquée. Le Tribunal rejette le recours comme étant irrecevable et, notamment, se prononce, pour la première fois depuis la réforme du règlement de procédure du Tribunal en 2015, sur l’application du délai additionnel de recours de quatorze jours aux actes publiés sur le site Internet de l’ECHA.
Appréciation du Tribunal
S’agissant, tout d’abord, de l’argument selon lequel la décision attaquée aurait dû être publiée au Journal officiel de l’Union européenne, le Tribunal relève que la notion de « publication » dans le contexte de l’introduction d’un recours, figurant à l’article 263{2}TFUE, ne doit pas nécessairement correspondre à la notion de « publication » visée par l’article 297 TFUE{3}. D’une part, ce constat est corroboré par le fait qu’il ressort du libellé de l’article 263 TFUE que la notion de « publication » ne se limite pas à la seule publication au Journal officiel mais concerne la publication des actes en général. D’autre part, si la Cour a, certes, procédé à une lecture combinée des articles 263 et 297 TFUE pour interpréter la notion de « publication » dans le contexte de l’introduction d’un recours, cette jurisprudence portait sur le caractère subsidiaire du critère de la publication par rapport à celui de la notification de l’acte à son destinataire, et non, comme en l’espèce, sur l’interprétation du seul critère de la publication.
Ensuite, le Tribunal note que l’argumentation relative au caractère non vérifiable d’une diffusion sur le site Internet de l’ECHA par rapport à une publication au Journal officiel revient à priver d’utilité toute autre forme de publication qui ne répondrait pas aux exigences applicables à une publication au Journal officiel. Or, le fait que le législateur de l’Union a réglementé la publication électronique du Journal officiel n’implique pas que des exigences analogues doivent régir une diffusion sur le site Internet de l’ECHA. En outre, le Tribunal constate que, au vu du fait que la décision attaquée est dépourvue de destinataire, sa prise d’effet, le 16 janvier 2020, ne dépendait pas de sa notification à un destinataire ou à la requérante. De plus, le Tribunal précise qu’un mode de publication spécifique est prévu pour la liste des substances candidates. En effet, l’ECHA publie et met à jour sur son site Internet la liste des substances candidates dès qu’une décision a été prise concernant l’inclusion d’une substance dans cette liste{4}. Par ailleurs, étant donné que les décisions ordonnant la mise à jour de la liste des substances candidates ne sont publiées que dans cette liste, la date de publication d’une telle décision correspond à celle de la publication de la liste des substances candidates actualisée. Par conséquent, d’une part, l’ECHA pouvait valablement procéder à une publication de la décision attaquée sur son site Internet et, d’autre part, cette publication pouvait faire courir le délai de recours de deux mois.
Par ailleurs, s’agissant du délai pour l’introduction du présent recours, le Tribunal constate, en premier lieu, que celui-ci n’était pas à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de publication de la décision attaquée. En effet, la règle du report du début du délai de recours de quatorze jours ne s’applique qu’aux actes publiés au Journal officiel{5}. À cet égard, le Tribunal précise, premièrement, qu’il existe une différence objective entre les actes publiés au Journal officiel et ceux publiés uniquement sur Internet, et précisément sur le site Internet de l’ECHA, quant à leur forme de publication. Le Tribunal peut ainsi prévoir, dans son règlement de procédure, des règles spécifiques reportant le délai de recours uniquement pour les actes des institutions publiés au Journal officiel. Deuxièmement, la décision attaquée a été publiée uniquement sur le site Internet de l’ECHA, de sorte que toutes les parties requérantes potentielles bénéficiaient du même délai de recours. Troisièmement, la publication au Journal officiel ou sur le site Internet de l’ECHA d’une décision d’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, ainsi que l’application de la règle du report du début du délai de recours de quatorze jours, ne relève pas d’un choix de l’ECHA, mais du fait qu’une telle décision soit adoptée par cette dernière ou par la Commission, selon les cas prévus à l’article 59 du règlement REACH.
En second lieu, le Tribunal note que la Cour avait certes étendu aux publications de l’ECHA sur Internet l’application de la règle, prévue par l’ancien règlement de procédure du Tribunal, selon laquelle le délai de recours contre un acte d’une institution est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de publication de l’acte au Journal officiel{6}. Toutefois, le Tribunal précise que, si une publication dans le Journal officiel était la seule envisageable à l’époque de l’adoption de son ancien règlement de procédure, cette considération ne saurait valoir en ce qui concerne la règle analogue prévue par son règlement de procédure actuel, adopté le 4 mars 2015, à savoir à une date à laquelle une publication sur Internet, distincte d’une publication électronique ou imprimée au Journal officiel, était envisageable. De plus, d’une part, cette dernière règle fait exclusivement référence à la publication au Journal officiel et, d’autre part, le règlement de procédure avait été modifié précisément afin de limiter le champ d’application du délai additionnel de quatorze jours. Par ailleurs, le Tribunal souligne que son règlement de procédure et celui de la Cour sont des actes différents, adoptés par des juridictions différentes, qui gouvernent des procédures différentes devant des juridictions distinctes et qui ne sont donc pas identiques{7}. Par conséquent, aucune discrimination injustifiée ne résulte de la différence entre les articles, figurant dans chacun de ces deux actes, relatifs à la règle du report du délai de recours de quatorze jours prévue.
Eu égard à ce qui précède, le Tribunal conclut au rejet du recours, introduit le 27 mars 2020, comme irrecevable pour cause de tardiveté. En effet, la décision attaquée ayant été publiée le 16 janvier 2020 sur le site Internet de l’ECHA et le délai de recours courant à partir du 17 janvier 2020, le délai de deux mois a donc expiré le 16 mars 2020, dès lors qu’un délai exprimé en mois prend fin à l’expiration du jour qui, dans le dernier mois, porte le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’événement ou a été effectué l’acte à partir duquel le délai est à compter. Compte tenu du délai de distance de dix jours qui doit être ajouté aux délais de procédure, le délai de recours a expiré le 26 mars 2020, à savoir le jour avant le dépôt de la requête.
{1} Au titre de l’article 57, sous f), du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) nº 793/93 du Conseil et le règlement (CE) nº 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3, ci-après le « règlement REACH »).
{2} L’article 263, 6e alinéa, TFUE prévoit que « [l]es recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ».
{3} En vertu de l’article 297, 2d paragraphe, 2e alinéa « [l]es règlements, les directives qui sont adressées à tous les États membres, ainsi que les décisions, lorsqu'elles n'indiquent pas de destinataire, sont publiés dans le Journal officiel de l'Union européenne », et 3e alinéa « [l]es autres directives, ainsi que les décisions qui désignent un destinataire, sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification ».
{4} Article 59, paragraphe 10, du règlement REACH.
{5} Aux termes de l’article 59 du règlement de procédure du Tribunal du 4 mars 2015, « lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter […] à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication ».
{6} Arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA (C-625/11 P, EU:C:2013:594). Règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, article 102, paragraphe 1.
{7} Article 63 du Protocole sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne (JO 2016, C 203, p. 72).
{8} Article 58, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement de procédure du Tribunal.
Ordonnance du 17 mars 2021, 3M Belgium / ECHA (T-160/20) (cf. points 28-35)
81. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Décision de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) publiée uniquement sur son site Internet - Application de la règle du report du début du délai de recours de quatorze jours - Exclusion
Le 5 août 2019, l’autorité norvégienne compétente a soumis un dossier proposant l’identification de l’acide de perfluorobutanesulfonique (ci-après le « PFBS ») et de ses sels en tant que substance extrêmement préoccupante{1}. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a invité les parties intéressées à soumettre leurs observations relatives à ce dossier, dans le cadre d’une consultation publique. Ainsi, 3M Belgium, représentante exclusive de la société 3M pour toutes les importations d’un additif ignifuge, composé d’un des sels du PFBS, a soumis ses observations.
Par la suite, le dossier a été renvoyé par l’ECHA au comité des États membres. Ce dernier a identifié, à l’unanimité, le PFBS et ses sels en tant que substance pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur la santé humaine et sur l’environnement, qui suscite un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation des substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement REACH.
Le 16 janvier 2020, l’ECHA a adopté une décision (ci-après la « décision attaquée ») par laquelle le PFBS et ses sels ont été identifiés en tant que substance extrêmement préoccupante et ont été inscrits sur la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans la liste de substances soumises à autorisation (ci-après la « liste des substances candidates »).
Belgium a introduit un recours devant le Tribunal afin d’obtenir l’annulation de la décision attaquée. Le Tribunal rejette le recours comme étant irrecevable et, notamment, se prononce, pour la première fois depuis la réforme du règlement de procédure du Tribunal en 2015, sur l’application du délai additionnel de recours de quatorze jours aux actes publiés sur le site Internet de l’ECHA.
Appréciation du Tribunal
S’agissant, tout d’abord, de l’argument selon lequel la décision attaquée aurait dû être publiée au Journal officiel de l’Union européenne, le Tribunal relève que la notion de « publication » dans le contexte de l’introduction d’un recours, figurant à l’article 263{2}TFUE, ne doit pas nécessairement correspondre à la notion de « publication » visée par l’article 297 TFUE{3}. D’une part, ce constat est corroboré par le fait qu’il ressort du libellé de l’article 263 TFUE que la notion de « publication » ne se limite pas à la seule publication au Journal officiel mais concerne la publication des actes en général. D’autre part, si la Cour a, certes, procédé à une lecture combinée des articles 263 et 297 TFUE pour interpréter la notion de « publication » dans le contexte de l’introduction d’un recours, cette jurisprudence portait sur le caractère subsidiaire du critère de la publication par rapport à celui de la notification de l’acte à son destinataire, et non, comme en l’espèce, sur l’interprétation du seul critère de la publication.
Ensuite, le Tribunal note que l’argumentation relative au caractère non vérifiable d’une diffusion sur le site Internet de l’ECHA par rapport à une publication au Journal officiel revient à priver d’utilité toute autre forme de publication qui ne répondrait pas aux exigences applicables à une publication au Journal officiel. Or, le fait que le législateur de l’Union a réglementé la publication électronique du Journal officiel n’implique pas que des exigences analogues doivent régir une diffusion sur le site Internet de l’ECHA. En outre, le Tribunal constate que, au vu du fait que la décision attaquée est dépourvue de destinataire, sa prise d’effet, le 16 janvier 2020, ne dépendait pas de sa notification à un destinataire ou à la requérante. De plus, le Tribunal précise qu’un mode de publication spécifique est prévu pour la liste des substances candidates. En effet, l’ECHA publie et met à jour sur son site Internet la liste des substances candidates dès qu’une décision a été prise concernant l’inclusion d’une substance dans cette liste{4}. Par ailleurs, étant donné que les décisions ordonnant la mise à jour de la liste des substances candidates ne sont publiées que dans cette liste, la date de publication d’une telle décision correspond à celle de la publication de la liste des substances candidates actualisée. Par conséquent, d’une part, l’ECHA pouvait valablement procéder à une publication de la décision attaquée sur son site Internet et, d’autre part, cette publication pouvait faire courir le délai de recours de deux mois.
Par ailleurs, s’agissant du délai pour l’introduction du présent recours, le Tribunal constate, en premier lieu, que celui-ci n’était pas à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de publication de la décision attaquée. En effet, la règle du report du début du délai de recours de quatorze jours ne s’applique qu’aux actes publiés au Journal officiel{5}. À cet égard, le Tribunal précise, premièrement, qu’il existe une différence objective entre les actes publiés au Journal officiel et ceux publiés uniquement sur Internet, et précisément sur le site Internet de l’ECHA, quant à leur forme de publication. Le Tribunal peut ainsi prévoir, dans son règlement de procédure, des règles spécifiques reportant le délai de recours uniquement pour les actes des institutions publiés au Journal officiel. Deuxièmement, la décision attaquée a été publiée uniquement sur le site Internet de l’ECHA, de sorte que toutes les parties requérantes potentielles bénéficiaient du même délai de recours. Troisièmement, la publication au Journal officiel ou sur le site Internet de l’ECHA d’une décision d’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, ainsi que l’application de la règle du report du début du délai de recours de quatorze jours, ne relève pas d’un choix de l’ECHA, mais du fait qu’une telle décision soit adoptée par cette dernière ou par la Commission, selon les cas prévus à l’article 59 du règlement REACH.
En second lieu, le Tribunal note que la Cour avait certes étendu aux publications de l’ECHA sur Internet l’application de la règle, prévue par l’ancien règlement de procédure du Tribunal, selon laquelle le délai de recours contre un acte d’une institution est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de publication de l’acte au Journal officiel{6}. Toutefois, le Tribunal précise que, si une publication dans le Journal officiel était la seule envisageable à l’époque de l’adoption de son ancien règlement de procédure, cette considération ne saurait valoir en ce qui concerne la règle analogue prévue par son règlement de procédure actuel, adopté le 4 mars 2015, à savoir à une date à laquelle une publication sur Internet, distincte d’une publication électronique ou imprimée au Journal officiel, était envisageable. De plus, d’une part, cette dernière règle fait exclusivement référence à la publication au Journal officiel et, d’autre part, le règlement de procédure avait été modifié précisément afin de limiter le champ d’application du délai additionnel de quatorze jours. Par ailleurs, le Tribunal souligne que son règlement de procédure et celui de la Cour sont des actes différents, adoptés par des juridictions différentes, qui gouvernent des procédures différentes devant des juridictions distinctes et qui ne sont donc pas identiques{7}. Par conséquent, aucune discrimination injustifiée ne résulte de la différence entre les articles, figurant dans chacun de ces deux actes, relatifs à la règle du report du délai de recours de quatorze jours prévue.
Eu égard à ce qui précède, le Tribunal conclut au rejet du recours, introduit le 27 mars 2020, comme irrecevable pour cause de tardiveté. En effet, la décision attaquée ayant été publiée le 16 janvier 2020 sur le site Internet de l’ECHA et le délai de recours courant à partir du 17 janvier 2020, le délai de deux mois a donc expiré le 16 mars 2020, dès lors qu’un délai exprimé en mois prend fin à l’expiration du jour qui, dans le dernier mois, porte le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’événement ou a été effectué l’acte à partir duquel le délai est à compter. Compte tenu du délai de distance de dix jours qui doit être ajouté aux délais de procédure, le délai de recours a expiré le 26 mars 2020, à savoir le jour avant le dépôt de la requête.
{1} Au titre de l’article 57, sous f), du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) nº 793/93 du Conseil et le règlement (CE) nº 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3, ci-après le « règlement REACH »).
{2} L’article 263, 6e alinéa, TFUE prévoit que « [l]es recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance ».
{3} En vertu de l’article 297, 2d paragraphe, 2e alinéa « [l]es règlements, les directives qui sont adressées à tous les États membres, ainsi que les décisions, lorsqu'elles n'indiquent pas de destinataire, sont publiés dans le Journal officiel de l'Union européenne », et 3e alinéa « [l]es autres directives, ainsi que les décisions qui désignent un destinataire, sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification ».
{4} Article 59, paragraphe 10, du règlement REACH.
{5} Aux termes de l’article 59 du règlement de procédure du Tribunal du 4 mars 2015, « lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter […] à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication ».
{6} Arrêt du 26 septembre 2013, PPG et SNF/ECHA (C-625/11 P, EU:C:2013:594). Règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, article 102, paragraphe 1.
{7} Article 63 du Protocole sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne (JO 2016, C 203, p. 72).
{8} Article 58, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement de procédure du Tribunal.
Ordonnance du 17 mars 2021, 3M Belgium / ECHA (T-160/20) (cf. points 50-54, 57-59)
Ordonnance du 8 juin 2021, One Voice / ECHA (T-663/20) (cf. points 35, 36)
Ordonnance du 8 juin 2021, One Voice / ECHA (T-664/20) (cf. points 35, 36)
82. Recours en annulation - Délais - Décision rendue dans le cadre du contrôle de conformité du dossier d'enregistrement pour la substance homosalate - Notion de publication - Publication de la décision sur le site Internet de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA)
Ordonnance du 8 juin 2021, One Voice / ECHA (T-663/20) (cf. points 23-25)
83. Recours en annulation - Délais - Décision rendue dans le cadre du contrôle de conformité du dossier d'enregistrement pour la substance salicylate de 2-éthylhexyle - Notion de publication - Publication de la décision sur le site Internet de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA)
Ordonnance du 8 juin 2021, One Voice / ECHA (T-664/20) (cf. points 23-25)
84. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication ou de notification - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère tardif du recours
Ordonnance du 8 juillet 2021, Mendes de Almeida / Conseil (T-75/21) (cf. point 58)
85. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Recours dirigé contre une décision explicite de rejet concernant une demande d'accès à des documents
La requérante, AlzChem Group AG, est une entreprise allemande active dans le domaine de la chimie. Elle est intervenue en tant que partie intéressée à la procédure ayant mené à la décision 2015/1826{1}, par laquelle la Commission européenne a notamment estimé que, Novácke chemické závody, a.s. , une entreprise chimique slovaque, avait bénéficié, de la part de la République de Slovaquie, d’une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur et a ordonné sa récupération.
En avril 2019, la requérante a présenté à la Commission une demande d’accès à des documents, en vertu du règlement nº 1049/2001{2}. Cette demande avait trait aux documents pertinents détenus par la Commission contenant des informations relatives à l’état d’avancement de la procédure de récupération et au montant de l’aide d’État récupéré par la République slovaque à la suite de la décision 2015/1826 (ci-après les « documents demandés »). Après le rejet de sa demande, la requérante a adressé à la Commission une demande confirmative.
Par décision du 22 juillet 2019{3}, la Commission a refusé d’accorder à la requérante l’accès aux documents demandés, en estimant qu’ils relevaient, d’une part, de l’exception relative à la protection des activités d’enquête{4} et, d’autre part, de celle relative à la protection des intérêts commerciaux{5}. La requérante a alors introduit un recours en annulation contre cette décision.
Le Tribunal rejette le recours de la requérante et apporte, dans son arrêt, un complément utile à la jurisprudence s’agissant de l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête. Il reconnaît également une présomption générale de confidentialité applicable aux documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État.
Appréciation du Tribunal
En guise d’observations liminaires, le Tribunal procède à une synthèse concernant l’identification des actes susceptibles de recours et le délai de recours applicable à la suite d’une demande d’accès à des documents en vertu du règlement nº 1049/2001.
Ainsi, en premier lieu, en vertu de l’article 8 du règlement nº 1049/2001, la Commission ne peut prolonger le délai initial{6} pour répondre à une demande d’accès qu’une seule fois et, à l’expiration du délai prolongé, une décision implicite de refus d’accès est réputée adoptée. À cet égard, le Tribunal relève que le délai initial a un caractère impératif et ne saurait être prolongé en dehors des circonstances prévues à l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001. Une telle décision implicite de refus d’accès peut faire l’objet d’un recours en annulation{7}, tout comme la décision explicite de refus, constituant la réponse définitive à une demande confirmative d’accès aux documents en cause. Le Tribunal précise encore que, si la décision implicite a fait l’objet d’un recours en annulation, la partie requérante perd son intérêt à agir, du fait de l’adoption de la décision explicite, et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ledit recours. Si la décision explicite a été adoptée avant l’introduction du recours à l’encontre de la décision implicite, un tel recours qui serait introduit ensuite serait alors irrecevable.
En second lieu, le Tribunal rappelle que le délai du recours en annulation à l’encontre de la décision explicite doit être calculé conformément aux dispositions de l’article 263 TFUE et sans qu’il puisse être compté à partir de la date à laquelle a été adoptée la décision implicite de refus.
Sur le fond, le Tribunal examine, tout d’abord, l’existence d’une présomption générale de confidentialité applicable aux documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État. À cet égard, le Tribunal relève que, selon la jurisprudence{8}, la présomption générale de confidentialité qui concerne les documents du dossier administratif afférent à une procédure de contrôle des aides d’État couvre explicitement les documents qui relèvent de l’enquête menée par la Commission pour conclure dans une décision, notamment, à l’existence d’une aide d’État et ordonner sa récupération. En revanche, le juge de l’Union n’a pas eu jusqu’alors à se prononcer sur un refus d’accès à des documents afférents à la phase d’exécution d’une telle décision de la Commission par l’État membre concerné. Partant, si la reconnaissance de la présomption générale de confidentialité dans la jurisprudence concerne certes le dossier administratif dans le cadre d’une procédure de contrôle{9}, elle ne porte de manière certaine que sur les documents relevant de la procédure administrative conduisant à l’adoption d’une décision par la Commission dans laquelle celle-ci conclut notamment à l’existence d’une aide d’État et ordonne sa récupération.
Par ailleurs, s’agissant des documents relatifs à la phase d’exécution d’une décision dans laquelle la Commission ordonne la récupération d’une aide d’État, ils peuvent certes relever formellement du même dossier que celui dont relèvent les documents de l’enquête menée par la Commission et l’ayant conduite à adopter cette décision. L’ensemble des documents sont en effet relatifs à la ou aux mêmes mesures nationales. Toutefois, les exceptions relatives à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit doivent être interprétées et appliquées de façon stricte en ce qu’elles dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents détenus par les institutions de l’Union. Partant, il ne peut pas être considéré que la présomption générale de confidentialité en matière de contrôle des aides d’État, telle que reconnue par la jurisprudence, couvre nécessairement les documents concernant la phase d’exécution de la décision de la Commission, parce qu’ils feraient partie du même dossier administratif.
Dès lors, le Tribunal examine si ces derniers documents peuvent être couverts également par une présomption générale de confidentialité, que ce soit celle en matière de contrôle des aides d’État ou une autre présomption générale de confidentialité. À cet égard, le Tribunal relève que le juge de l’Union a dégagé plusieurs critères pour la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité, lesquels sont relatifs aux documents concernés, d’une part, et à l’atteinte à l’intérêt protégé par l’exception en question, d’autre part.
S’agissant des documents concernés, le Tribunal rappelle que, pour qu’une présomption générale de confidentialité soit valablement opposée à la personne qui demande l’accès à des documents sur le fondement du règlement nº 1049/2001, il est nécessaire que les documents en cause fassent partie d’une même catégorie de documents ou soient d’une même nature.
À cet égard, le Tribunal relève que la Cour a certes jugé que l’ensemble des documents du dossier administratif relatif à une procédure de contrôle des aides d’État formait une catégorie unique. Néanmoins, le juge de l’Union ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si les documents ayant conduit à l’adoption de la décision par laquelle la Commission conclut à l’existence d’une aide d’État et à sa récupération et ceux afférents à la procédure de contrôle de l’exécution de ladite décision appartiennent à une même catégorie de documents. Or, même s’ils peuvent appartenir à un même dossier de la Commission, il n’en demeure pas moins que, stricto sensu, ils relèvent de deux catégories de documents distinctes. En revanche, les documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision de la Commission ordonnant la récupération d’une aide d’État forment une catégorie unique, en ce qu’ils sont clairement circonscrits par leur appartenance commune au dossier afférent à une procédure administrative, postérieure à celle ayant conduit à l’adoption de ladite décision.
En ce qui concerne l’atteinte à l’intérêt protégé par l’exception concernée, à savoir la protection des objectifs des activités d’enquête, le Tribunal considère, au préalable, que la procédure de contrôle de l’exécution de la décision ordonnant la récupération d’une aide d’État correspond bien à des « activités d’enquête », conduites par la Commission{10}. En effet, une telle activité constitue une procédure structurée et formalisée de la Commission dont l’objectif est la collecte et l’analyse d’informations afin que cette institution puisse adopter une position dans le cadre de l’exercice de ses fonctions prévues par les traités UE et FUE. Cette procédure ne doit pas nécessairement viser à détecter ou à poursuivre une infraction ou une irrégularité. La notion d’« enquête » est susceptible de couvrir également l’activité de la Commission visant à constater des faits afin d’évaluer une situation donnée.
Selon le Tribunal, compte tenu de la position particulière de l’État membre concerné dans le cadre de la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État, en principe, la divulgation de documents afférents à cette procédure compromettrait le dialogue et, partant, la collaboration entre la Commission et ledit État membre. Par conséquent, le Tribunal juge que c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a considéré que les documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État étaient couverts par une présomption générale de confidentialité au titre de l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête, telle que prévue par le règlement nº 1049/2001.
{1} Décision (UE) 2015/1826 de la Commission, du 15 octobre 2014, concernant l’aide d’État SA.33797 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2011/CP) mise à exécution par la Slovaquie en faveur de l’entreprise NCHZ (JO 2015, L 269, p. 71).
{2} Règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).
{3} Décision C (2019) 5602 final de la Commission, du 22 juillet 2019.
{4} Exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001.
{5} Exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement nº 1049/2001.
{6} Prévu à l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1049/2001.
{7} Conformément aux dispositions de l’article 263 TFUE.
{8} Voir, notamment, l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C-139/07 P, EU:C:2010:376, point 61).
{9} Ouverte conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
{10} Au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement nº 1049/2001.
Arrêt du 29 septembre 2021, AlzChem Group / Commission (T-569/19) (cf. point 30)
86. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire - Actes faisant, selon une pratique constante de l'institution, l'objet d'une publication au Journal officiel
À partir de 2011, la République fédérale d’Allemagne a accordé à certains grands consommateurs d’énergie une exonération complète des redevances de réseau (ci-après l’« exonération litigieuse »). Les coûts entraînés par cette exonération pesaient sur les gestionnaires de réseau de transport.
Aux fins de compenser la perte de recettes provoquée par l’exonération litigieuse, la Bundesnetzagentur (BNetzA, agence fédérale des réseaux, Allemagne) a, par décision du 14 décembre 2011 (ci-après la « décision BNetzA de 2011 »), mis en place un mécanisme de financement qui est entré en vigueur en 2012. Selon ce mécanisme, les gestionnaires de réseau de distribution percevaient, auprès des consommateurs finals ou des fournisseurs d’électricité, une surtaxe (ci-après la « surtaxe litigieuse »), dont le montant était reversé aux gestionnaires de réseau de transport.
Le montant de la surtaxe était déterminé chaque année sur la base d’une méthode établie par la BNetzA. Le montant relatif à l’année 2012, première année de mise en œuvre du système, a été fixé directement par la BNetzA de manière forfaitaire. En outre, ce mécanisme ne s’appliquant pas aux coûts de l’exonération litigieuse pour l’année 2011, chaque gestionnaire de réseau de transport et de distribution, selon le niveau de réseau auquel les bénéficiaires étaient raccordés, a dû supporter les pertes relatives à ladite exonération pour cette année.
Comme l’exonération litigieuse a, par la suite, été déclarée nulle et non avenue par des décisions juridictionnelles allemandes, celle-ci a été abrogée à partir du 1er janvier 2014.
Par décision du 28 mai 2018{1} (ci-après la « décision attaquée »), la Commission, saisie de plusieurs plaintes, a constaté que, du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la République fédérale d’Allemagne avait octroyé illégalement des aides d’État sous la forme de l’exonération litigieuse permettant ainsi aux grands consommateurs d’énergie d’éviter les redevances de réseau.
Covestro Deutschland AG (ci-après la « requérante ») a introduit un recours en annulation contre la décision attaquée. Le Tribunal, tout en déclarant ce recours recevable, le rejette en confirmant, notamment, le caractère étatique des ressources générées par la surtaxe litigieuse et, partant, l’existence d’une aide octroyée au moyen de ressources d’État.
Appréciation du Tribunal
En premier lieu, le Tribunal rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Commission selon laquelle le recours en annulation aurait été déposé hors délai dans la mesure où la requérante avait eu connaissance de la décision attaquée bien avant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
À cet égard, le Tribunal précise qu’il découle du libellé même de l’article 263, sixième alinéa, TFUE que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte, en tant que point de départ du délai pour introduire le recours en annulation, présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de sa publication ou de sa notification. Même si la publication de la décision attaquée n’est pas une condition de sa prise d’effet, dans la mesure où les décisions de la Commission de clore une procédure d’examen des aides au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE font l’objet d’une publication au Journal officiel, la requérante pouvait légitimement escompter que la décision attaquée ferait l’objet d’une publication et était en droit de prendre la date où la décision attaquée a été publiée comme point de départ du délai de recours.
S’agissant, en second lieu, de la qualification de la surtaxe litigieuse d’aide octroyée au moyen de ressources d’État, le Tribunal relève que, pour apprécier le caractère étatique d’une telle mesure de soutien, la jurisprudence de la Cour{2} s’appuie sur deux éléments principaux : d’une part, l’existence d’une charge obligatoire pesant sur les consommateurs ou clients finals, normalement qualifiée de « taxe », et plus particulièrement de « taxe parafiscale », et, d’autre part, le contrôle étatique sur la gestion du système, par le biais notamment du contrôle étatique sur les fonds ou sur les gestionnaires (tiers) de ces fonds.
À cet égard, le Tribunal précise qu’il s’agit, en substance, de deux éléments qui font partie d’une alternative. En effet, les affaires dans lesquelles l’existence de ressources d’État a été reconnue sont caractérisées par le fait que, d’une manière ou d’une autre, l’État exerçait un contrôle sur les revenus en question.
Au regard de ces précisions, le Tribunal vérifie d’abord si la surtaxe litigieuse était effectivement une charge obligatoire et, partant, assimilable à une taxe parafiscale, et, ensuite, si l’État disposait d’un contrôle sur les fonds collectés ou sur les organismes chargés de les gérer.
Dans le cadre de cet examen, le Tribunal constate que la surtaxe litigieuse est imputable à l’État, constat qui est sans préjudice de la question de savoir si la décision BNetzA de 2011 peut être considérée comme une décision ultra vires selon le droit allemand et de la question de l’annulation de cette décision par les juridictions allemandes, ladite décision ayant été effectivement appliquée pendant la période pertinente.
S’agissant du caractère obligatoire de la surtaxe litigieuse, le Tribunal relève que cette surtaxe, introduite par une autorité administrative par le biais d’une mesure réglementaire, avait un caractère juridiquement contraignant à l’égard de ces débiteurs ultimes, ceux-ci étant les utilisateurs du réseau, c’est-à-dire les fournisseurs eux-mêmes ainsi que les consommateurs finals directement raccordés au réseau, et non les autres consommateurs finals. En effet, la décision BNetzA de 2011 obligeait les gestionnaires de réseau de distribution à répercuter sur lesdits consommateurs les surcoûts liés à la surtaxe litigieuse, de sorte que cette surtaxe constitue une taxe parafiscale et implique donc l’utilisation de ressources d’État.
En ce qui concerne le contrôle étatique sur la gestion du mécanisme de surtaxe, le Tribunal constate, en outre, que, d’une part, il existe une analogie entre la surtaxe litigieuse et les surcoûts générés par l’exonération litigieuse et que, d’autre part, les gestionnaires de réseau agissaient en tant que simples intermédiaires dans l’exécution d’un mécanisme réglé dans sa totalité par des dispositions étatiques. Il y avait, par conséquent, un contrôle étatique sur le mécanisme entier de perception et d’attribution de la surtaxe litigieuse. En effet, les gestionnaires de réseau de distribution ont été obligés de percevoir, auprès des utilisateurs du réseau, y compris les consommateurs finals, la surtaxe, telle que calculée par la BNetzA (pour l’année 2012) ou selon la méthode fixée par cette dernière (pour l’année 2013). En outre, les recettes étaient exclusivement affectées aux objectifs du régime par les dispositions législatives et réglementaires prévoyant que celles-ci soient versées aux gestionnaires de réseau de transport en compensation des surcoûts générés par l’exonération litigieuse.
À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la surtaxe litigieuse constitue une taxe parafiscale ou une charge obligatoire, dont le montant a été fixé par une autorité publique (pour l’année 2012) ou selon une méthode imposée par cette autorité (pour l’année 2013), qui poursuit des objectifs d’intérêt public, qu’elle a été imposée aux gestionnaires de réseau selon des critères objectifs et qu’elle a été prélevée par ces derniers selon les règles imposées par les autorités nationales, de sorte qu’elle constitue une mesure accordée au moyen de ressources d’État.
{1} Décision (UE) 2019/56, relative à l’aide d’État SA.34045 (2013/C) (ex 2012/NN) accordée par l’Allemagne aux consommateurs de charge en continu au sens de l’article 19 du règlement StromNEV [2011] (JO 2019, L 14, p. 1).
{2} Notamment les arrêts de la Cour du 28 mars 2019, Allemagne/Commission (C-405/16 P, EU:C:2019:268), et du 15 mai 2019, Achema e.a. (C-706/17, EU:C:2019:407).
Arrêt du 6 octobre 2021, Covestro Deutschland / Commission (T-745/18) (cf. points 36-44)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 26 septembre 2024, AZ / Commission (C-792/21 P et C-793/21 P) (cf. points 70-86)
87. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication ou de notification - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire - Actes devant faire, en vertu d'une disposition réglementaire, l'objet d'une publication au Journal officiel - Décision de la Commission mettant fin à une procédure formelle d'examen en matière d'aides d'État - Recours introduit par une partie n'étant pas le destinataire de la décision - Délai calculé à partir de la date de publication
Arrêt du 6 octobre 2021, AZ / Commission (T-196/19) (cf. points 35-38, 40)
Arrêt du 6 octobre 2021, Wepa Hygieneprodukte e.a. / Commission (T-238/19) (cf. points 35-38, 40)
Ordonnance du 16 octobre 2023, Grapevine / Commission (C-139/23 P) (cf. points 22-28)
88. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de publication - Date de prise de connaissance de l'acte - Caractère subsidiaire - Actes devant faire, en vertu d'une disposition réglementaire, l'objet d'une publication au Journal officiel - Décision de la Commission mettant fin à une procédure formelle d'examen en matière d'aides d'État - Délai calculé à partir de la date de publication - Sécurité juridique - Principe d'égalité de traitement
Oltchim SA, entreprise roumaine active dans la fabrication de produits pétrochimiques, a vu sa situation financière se détériorer progressivement au cours de la période allant de 2007 à 2012.
En janvier 2013, Oltchim a introduit une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. Dans le cadre de cette procédure, les créanciers d’Oltchim, entités tant publiques que privées, ont procédé à l’approbation d’un plan de réorganisation prévoyant, entre autres, une annulation partielle de sa dette (ci-après le « plan de réorganisation »).
Par décision du 17 décembre 2018{1} (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté que trois mesures distinctes adoptées en faveur d’Oltchim, prises ensemble ou séparément, constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. Les mesures visées par cette décision portaient, premièrement, sur la non-exécution et l’accumulation de dettes par l’Autoritatea pentru Administrarea Activelor Atatului (autorité de gestion des actifs de l’État, Roumanie, ci-après l’« AAAS »), entre septembre 2012 et janvier 2013, deuxièmement, sur la poursuite de livraisons à titre gratuit pendant cette même période par l’entreprise CET Govora, et, troisièmement, sur l’annulation de dette opérée dans le cadre du plan de réorganisation par l’AAAS, l’Administrația Națională Apele Române (administration nationale des eaux roumaines, ci-après l’« ANE ») et les entreprises Salrom SA et Electrica SA (ci-après l’ « annulation partielle de la dette »).
Oltchim a introduit un recours en annulation contre cette décision, qui est partiellement accueilli par la dixième chambre élargie du Tribunal. Dans ce cadre, le Tribunal apporte des précisions concernant, notamment, le calcul du délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre une décision de la Commission mettant fin à une procédure formelle d’examen en matière d’aides d’État, ainsi que l’appréciation de mesures consistant à la non-exécution, l’accumulation et l’annulation de créances au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
Appréciation du Tribunal
En premier lieu, le Tribunal rejette la fin de non-recevoir de la Commission tirée de la prétendue tardivité du recours en annulation introduit par Oltchim.
À cet égard, la Commission avançait que le délai à respecter par Oltchim, en vertu de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, pour l’introduction de son recours en annulation aurait commencé à courir à partir, non pas de la date de publication de la décision attaquée au Journal officiel, mais de celle de sa prise de connaissance de cette décision.
Or, en s’appuyant sur une interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le Tribunal confirme que, contrairement à ce que soutenait la Commission, c’est la publication d’une décision de la Commission mettant fin à une procédure formelle d’examen en matière d’aides d’État au Journal officiel qui constitue le point de départ du délai pour l’introduction d’un recours en annulation par une partie non destinataire de celle-ci, telle qu’Oltchim, même si cette publication ne conditionne pas l’entrée en vigueur ou la prise d’effet de ladite décision et n’est pas prévue par le traité FUE.
S’agissant du libellé de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qui prévoit que les recours en annulation doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance, le Tribunal relève que cette disposition ne laisse aucunement apparaître que les auteurs du traité aient voulu restreindre la notion de publication de l’acte à la seule hypothèse où la publication conditionne l’applicabilité de l’acte en cause et est prévue par le traité FUE. En outre, compte tenu du contexte dans lequel se situe l’article 263, sixième alinéa, TFUE, à savoir celui des règles visant à garantir le droit des justiciables à saisir le juge de l’Union, ce dernier ne saurait donner une interprétation restrictive de la notion de publication de l’acte visé par un recours en annulation. Enfin, la finalité de cette disposition, qui tend à sauvegarder la sécurité juridique, impose de privilégier la date de publication de l’acte, sur celle de la prise de connaissance de l’acte, comme point de départ certain, prévisible et facilement vérifiable du délai de recours en annulation.
Même s’il n’est pas exclu qu’une partie intéressée dans une procédure d’aides d’État reçoive communication d’une décision clôturant la procédure formelle d’examen bien avant la publication de celle-ci au Journal officiel et puisse bénéficier, de ce fait, d’un délai plus long que celui dont dispose l’État membre concerné pour introduire un recours en annulation contre cette décision, la fixation de la date de publication au Journal officiel comme point de départ du délai pour l’introduction de ce recours n’est pas contraire au principe d’égalité des justiciables devant la loi. À cet égard, le Tribunal souligne qu’il appartient à la Commission de veiller au respect du principe d’égalité de traitement en évitant, dans la mesure du possible, un écart dans le temps entre la communication aux parties intéressées d’une décision mettant fin à la procédure formelle d’examen et la publication de celle-ci au Journal officiel.
En deuxième lieu, s’agissant du bien-fondé du recours en annulation introduit par Oltchim, le Tribunal précise, tout d’abord, que, eu égard aux différences d’objet, de nature et de finalité des mesures visées par la décision attaquée, ainsi qu’à leur chronologie, à leur contexte et à la situation d’Oltchim au moment de leur mise en œuvre, et au fait que ces mesures n’étaient pas prévues ou prévisibles au moment de la première intervention et que les dispensateurs de celles-ci sont différents, lesdites mesures doivent être considérées comme trois interventions distinctes aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
En ce qui concerne l’annulation partielle de la dette, le Tribunal relève, ensuite, que celle-ci n’impliquait pas de transfert de ressources d’État pour autant qu’elle avait été concédée par la société Electrica. En effet, le Tribunal constate que la majorité des participations d’Electrica étaient privées et qu’aucun élément du dossier ne permettait de conclure que les ressources de celle-ci sont constamment sous le contrôle de l’État ou à sa disposition. De plus, même si la Commission avait démontré que les votes d’AAAS et d’ANE en faveur du plan de réorganisation étaient imputables à l’État roumain, elle n’avait pas démontré que, compte tenu des règles nationales applicables, lesdits votes représentaient la majorité requise pour approuver ou bloquer l’approbation de ce plan. Ainsi, l’annulation partielle de la dette n’étant pas, dans son ensemble, imputable à l’État, cette mesure n’est donc pas constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE.
S’agissant, enfin, de la non-exécution et de l’accumulation de dettes par l’AAAS ainsi que des livraisons à titre gratuit par l’entreprise CET Govora, le Tribunal constate que la Commission a considéré à tort que le critère du créancier privé n’était pas applicable à ces mesures. En effet, vu leur objet et leur nature essentiellement économiques, et eu égard au contexte et aux objectifs des mesures, ainsi qu’aux règles de droit auxquelles elles sont soumises, lesdites mesures relèvent de la sphère économique et commerciale et ne se rattachent pas à l’exercice par l’État de prérogatives de puissance publique. De plus, s’agissant en particulier de la non-exécution et de l’accumulation de dettes par l’AAAS, il ne pouvait pas être exclu qu’un créancier privé hypothétique se trouvant dans une situation comparable à celle de l’AAAS se serait comporté comme celle-ci. Ainsi, le Tribunal conclut que, en l’absence de preuve de la part de la Commission que ladite mesure conférait un avantage à Oltchim, celle-ci ne peut pas non plus être constitutive d’une aide d’État.
{1} Décision (UE) 2019/1144 concernant l’aide d’État SA.36086 (2016/C) (ex 2016/NN) mise en œuvre par la Roumanie en faveur d’Oltchim SA (JO 2019, L 181, p. 13).
Arrêt du 15 décembre 2021, Oltchim / Commission (T-565/19) (cf. points 33-56, 67)
89. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Procédure d'appel d'offres - Communication des caractéristiques et des avantages de l'offre la mieux classée - Condition - Demande de décision motivée dans un délai raisonnable
Par avis de marché du 20 novembre 2020, la Commission européenne a lancé, selon une procédure ouverte, un appel d’offres relatif à la formation linguistique pour les institutions, les organes et les agences de l’Union européenne. Ce marché était divisé en huit lots, dont le lot no 3, intitulé « apprentissage de l’espagnol (ES) ». Le cahier des charges relatif à l’appel d’offres litigieux indiquait que, pour attribuer le marché, le pouvoir adjudicateur se fonderait sur l’offre économiquement la plus avantageuse. S’agissant des modalités de soumission d’une offre, le cahier des charges prévoyait, notamment, que les offres devaient être soumises au moyen de l’application eSubmission.
Le 19 avril 2021, la Commission a adopté la décision attaquée suivant les recommandations du comité d’évaluation. Ainsi, elle a attribué le lot no 3 (langue espagnole) du marché, au premier rang, au groupement CLL Centre de Langues-Allingua (ci-après le « groupement CLL ») et, au deuxième rang, au requérant, l’Instituto Cervantes.
Dans la procédure de passation du marché, le requérant avait déposé sur la plateforme eSubmission certains éléments illustrant la proposition technique décrite dans son offre, lesquels étaient accessibles uniquement par des liens hypertextes intégrés dans l’offre. Dans la grille d’évaluation des offres, la Commission a informé le requérant du fait qu’elle avait rejeté ces éléments et ne les avait pas évalués, au motif que ces derniers n’étaient pas conformes au cahier des charges et qu’il existait un risque de modification de l’offre par l’entremise desdits liens hypertextes, après la date limite de dépôt des offres. Ainsi, la Commission a considéré que les documents accessibles uniquement par lesdits liens hypertextes faisaient défaut.
Saisi d’un recours en annulation contre la décision attaquée, qu’il rejette dans son intégralité, le Tribunal se prononce sur la question inédite liée à l’utilisation de liens hypertextes par les soumissionnaires afin de soumettre des éléments de leur offre, alors que ce mode de communication n’était pas prévu dans le cahier des charges, et sur les conséquences résultant d’une telle utilisation, au stade de l’évaluation des offres et de l’attribution des points.
Appréciation du Tribunal
En premier lieu, le Tribunal rejette les moyens tirés d’une violation de l’obligation de motivation.
Premièrement, il rejette l’argument tiré de l’impossibilité de connaître les avantages relatifs de l’offre retenue. En effet, il constate que, bien que les évaluations portant sur certains des sous-critères soient succinctes, d’abord, il est possible de comprendre que l’offre du groupement CLL présente plusieurs qualités qui excèdent celles de l’offre du requérant. Ensuite, il est possible de connaître le niveau de qualité de l’offre du requérant, qui est moins élevé. Enfin, il ne peut être ignoré que le défaut documentaire qui concerne un élément important d’un cours de langue, à savoir les exercices, est présenté comme un point faible de l’offre du requérant, entraînant une perte de points. De même, le défaut documentaire n’étant pas le seul défaut justifiant la perte de points dans l’évaluation de l’offre du requérant, le Tribunal rejette l’argument tiré d’une erreur manifeste d’appréciation liée à l’incohérence du lien entre cette appréciation et la note attribuée.
Deuxièmement, il écarte le grief tiré de l’impossibilité de connaître le nombre précis de points qui a été déduit en raison du défaut documentaire. À cet égard, il constate que le cahier des charges n’établissait aucune pondération entre les différents éléments qui faisaient partie de la description de chaque sous-critère, parce qu’il ne s’agissait pas de « sous-sous-critères » destinés à être évalués séparément, mais d’une description du contenu de chaque sous-critère. Partant, il n’était pas nécessaire qu’un poids spécifique fût attaché à chaque commentaire positif ou négatif dans l’évaluation, mais plutôt que le requérant pût comprendre les raisons ayant amené la Commission à attribuer à son offre la note qu’elle a reçue pour chaque sous-critère, ce qu’il a bien été en mesure de faire. Le Tribunal conclut que le comité d’évaluation a indiqué les avantages relatifs de l’offre retenue dans le cadre de chaque sous-critère et qu’il ne saurait être exigé de la Commission, dans le cas d’espèce, qu’elle attache un poids spécifique à chaque commentaire, positif ou négatif, relatif aux différents éléments faisant partie de la description de chaque sous-critère.
En deuxième lieu, le Tribunal écarte le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison du caractère illogique, disproportionné et non transparent du lien entre l’évaluation et la note attribuée dans le cadre de certains sous-critères. C’est ainsi que, s’agissant de la prétendue violation du principe de transparence, en ce que le poids spécifique accordé à un élément du critère affecté par le défaut documentaire n’avait pas été annoncé dans les documents du marché, le Tribunal rappelle que le défaut documentaire n’était pas le seul défaut justifiant la perte de points. Partant, la déduction opérée ne saurait être qualifiée de manifestement incohérente avec les défauts identifiés.
Par ailleurs, l’importance spécifique donnée à un élément de l’offre et l’attribution de points pour chaque sous-sous-critère ou chaque élément d’un sous-critère relèvent de la large marge d’appréciation de la Commission. Ainsi, le Tribunal ne saurait contrôler, en tant que telle, l’importance accordée à certains éléments dans le cadre d’un sous-sous-critère, mais il se limite à contrôler si l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation a été établie. Or, en l’espèce, le requérant n’a pas démontré une telle erreur, dès lors que le défaut documentaire identifié par la Commission concernait un élément important d’un cours de langue et pouvait légitimement entrainer une déduction de points, sans qu’il ait été démontré que ladite déduction de points aurait été manifestement erronée.
En troisième lieu, le Tribunal écarte le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison du rejet des éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte.
En effet, au regard des termes du cahier des charges, l’« offre » devait être téléchargée directement sur la plateforme eSubmission et seuls les documents ayant suivi ce processus faisaient partie de ladite offre. Partant, conformément à l’objectif poursuivi par l’application eSubmission, qui est de faciliter la soumission des offres via une application sécurisée, le requérant ne pouvait pas soumettre certaines parties de son offre en utilisant des liens hypertextes qui conduisaient vers un document accessible sur un site Internet sous le contrôle du soumissionnaire. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en compte les documents obtenus via les liens hypertextes en question.
En outre, le Tribunal observe que la soumission par cette application sécurisée permet d’assurer le respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires en ce qu’elle garantit au pouvoir adjudicateur de garder le contrôle des documents qui lui sont soumis. Elle prévient ainsi tout risque de modification de documents qui ne seraient accessibles que par le biais d’un lien hypertexte et qui n’auraient donc pas été téléchargés directement dans l’application eSubmission. Il en déduit que, dans ce contexte, un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent est en mesure de savoir qu’il a l’obligation de soumettre son offre dans le délai imparti et que, au-delà de ce délai, celle-ci ne peut plus être modifiée. Par conséquent, un tel soumissionnaire ne saurait déduire du cahier des charges en cause qu’il serait permis d’inclure dans son offre des liens hypertextes qui conduisent vers un document accessible sur un site Internet sous son contrôle.
Par ailleurs, dès lors que l’inclusion de liens hypertextes dans l’offre du requérant n’était pas permise, la Commission n’était tenue ni de vérifier si les documents en cause avaient été modifiés, ni de les accepter. En tout état de cause, ces documents se trouvaient sur un site Internet sous le contrôle du soumissionnaire et les éléments de preuve apportés par le requérant visent à démontrer le fait que les documents en cause n’ont pas été modifiés et non pas le fait qu’ils ne pouvaient pas être modifiés.
Enfin, l’argument tiré d’une violation du droit d’être entendu ne peut prospérer, car, si le soumissionnaire doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision, ce droit est assuré au moment du dépôt de son offre, ainsi que par la possibilité du soumissionnaire de demander des clarifications concernant les dispositions du cahier des charges. Partant, le fait que, après l’évaluation des offres, aucune étape ultérieure pour fournir des explications complémentaires n’est prévue ne saurait constituer une violation du droit d’être entendu.
En quatrième lieu, le Tribunal rejette le moyen tiré, en substance, de ce que la Commission aurait méconnu son obligation de comparer la proposition technique du groupement CLL à celle du requérant. En effet, rien ne permet de considérer que la Commission ne se serait pas conformée à l’exigence d’identifier l’offre « économiquement la plus avantageuse » sur la base de critères objectifs qui assurent le respect des principes de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement, dans le but de garantir une comparaison objective de la valeur relative des offres. L’évaluation de l’offre du groupement CLL a été opérée par le comité au regard des critères d’attribution techniques figurant dans le cahier des charges, tout comme l’a été l’évaluation de l’offre du requérant.
En cinquième lieu, le Tribunal écarte le moyen tiré, en substance, de ce que la Commission a abusivement mis en œuvre une pratique qui l’a amenée à méconnaître l’objectif poursuivi par la réglementation sur les marchés publics visant à ouvrir les marchés des institutions de l’Union à la concurrence la plus large, en ayant attribué tous les lots du marché des formations linguistiques à un seul prestataire de services, à savoir au groupement CLL.
En effet, un pouvoir adjudicateur ne saurait être empêché d’attribuer tous les lots d’un marché public au même soumissionnaire, sous condition que ses offres aient été économiquement les plus avantageuses par rapport à tous les autres soumissionnaires et que le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires ait été respecté, afin d’assurer une concurrence saine et effective entre les participants audit marché.
Par ailleurs, le Tribunal rappelle que l’exigence d’impartialité recouvre deux aspects. Il s’agit, d’une part, de l’impartialité subjective des membres d’un organe, en ce sens qu’aucun membre de l’organe concerné ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, cette impartialité étant présumée jusqu’à preuve du contraire et, d’autre part, de l’impartialité objective, en ce sens que cet organe doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime. Or, en l’espèce, d’une part, une partialité subjective des membres du comité n’a pas été invoquée et, d’autre part, il n’est pas démontré que l’absence d’obligation d’effectuer l’évaluation de la qualité de l’offre technique préalablement à l’évaluation du prix a notamment conduit à une violation du principe d’égalité de traitement.
Arrêt du 14 juin 2023, Instituto Cervantes / Commission (T-376/21) (cf. points 32-34)
90. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Décision notifiée par courrier électronique - Présomption de notification - Absence
Saisi d’un recours en annulation qu’il rejette comme manifestement irrecevable pour tardiveté, le Tribunal, d’une part, fait application pour la première fois, dans un domaine autre que celui de la fonction publique, de la jurisprudence issue de l’arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission{1}, relative à la computation du délai de recours contre une décision notifiée par courriel, et, d’autre part, apporte des précisions quant à l’application du principe de l’enregistrement unique, en vertu de l’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire{2}.
Par son recours déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2023, Oil company « Lukoil » PAO, la requérante, établie à Moscou, a demandé l’annulation de la décision du secrétariat du registre de transparence prononçant sa radiation du registre de transparence de l’Union européenne{3}. Ledit secrétariat a, par un courriel du 6 mars 2023, notifié la décision attaquée à la requérante. Cette dernière a admis de façon explicite que ledit courriel était parvenu à cette même date dans les boîtes aux lettres électroniques des deux représentants qu’elle avait désignés lors de son inscription au registre de transparence (ci-après les « représentants »).
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal rappelle tout d’abord que, pour qu’une décision soit valablement notifiée, il faut, non que son destinataire ait effectivement pris connaissance de son contenu, mais qu’il ait été mis en mesure d’en prendre utilement connaissance. À cet égard, la preuve que le destinataire d’une décision l’a non seulement reçue, mais a également pu en prendre utilement connaissance peut résulter de différentes circonstances.
En ce sens, afin d’établir qu’une décision notifiée par courriel a été dûment notifiée à son destinataire à une date précise et que, dès lors, le délai de recours a commencé à courir à partir de cette date, la partie qui se prévaut de la tardiveté doit démontrer non seulement que cette décision a été communiquée à son destinataire, c’est-à-dire qu’elle a été transmise à son adresse électronique et que celui-ci l’a reçue à cette adresse, mais également que ledit destinataire a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de ladite décision à cette date, à savoir qu’il a pu ouvrir le courriel contenant la décision en cause et en prendre ainsi dûment connaissance à ladite date.
Sur ce point, une présomption selon laquelle le destinataire d’une décision notifiée par courriel ne peut, en tout état de cause, avoir été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu qu’à la date à laquelle il a consulté sa boîte aux lettres électronique, tout comme une présomption selon laquelle le destinataire d’une telle décision est mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu, en tout état de cause, dès la réception de celle-ci dans sa boîte aux lettres électronique, ne saurait être conforme aux dispositions fixant les délais de recours.
En l’espèce, le Tribunal objecte que, eu égard à la date d’envoi de la décision attaquée le 6 mars 2023, le délai pour demander son annulation a, en principe, expiré le 16 mai 2023, de sorte que, de prime abord, le présent recours est tardif.
Néanmoins, il examine la série d’arguments dont se prévaut la requérante pour contester le caractère tardif du recours.
En particulier, il rejette, en premier lieu, l’argument tiré de la communication du courriel en dehors des heures de bureau. En effet, en vertu des règles de computation des délais, « [s]i un délai exprimé en jours, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel a lieu cet événement ou s’effectue cet acte n’est pas compté dans le délai »{4}.
Or, d’une part, le Tribunal observe que, par un courrier du 31 mars 2023 adressé au secrétariat du registre de transparence, les conseils de la requérante ont présenté, en réaction à la décision attaquée jointe au courriel du 6 mars 2023, une demande de réouverture de l’enquête, dont l’examen ne peut intervenir que dans un délai maximal de 20 jours ouvrables suivant la notification de la décision aux parties concernées{5}.
D’autre part, il relève que, pour justifier que la demande de réouverture de l’enquête à l’égard de la requérante a été introduite dans ce délai, les conseils de celle-ci ont fait explicitement mention, dans la lettre du 31 mars 2023, du fait que le délai de 20 jours ouvrables avait commencé à courir le 7 mars 2023 et qu’il expirait le 3 avril 2023.
Le Tribunal en déduit qu’une information aussi précise, émanant des propres conseils de la requérante, ne saurait être interprétée autrement que comme la reconnaissance par ceux-ci que le courriel contenant la décision attaquée a bien été communiqué le 6 mars 2023 à ses représentants, que ledit courriel est parvenu dans les boîtes aux lettres électroniques de ces derniers à cette même date et que ceux-ci en ont pris connaissance ou, à tout le moins, ont été en mesure d’en prendre utilement connaissance le jour même de cette communication et de cette réception. Il en conclut que le courriel contenant la décision attaquée a été « dûment notifié » le 6 mars 2023 auxdits représentants.
En second lieu, le Tribunal écarte l’argument tiré de ce que le courriel contenant la décision attaquée n’a été communiqué, le 6 mars 2023, qu’aux seuls représentants de la filiale belge de la requérante et non à la requérante elle-même, et de ce que cette dernière n’a donc pas pu en prendre connaissance ce jour-là.
À ce titre, il rappelle, notamment, que, en vertu des lignes directrices établies par le secrétariat du registre de transparence, relatives audit registre et destinées aux demandeurs d’enregistrement et aux personnes enregistrées pour garantir une application cohérente dudit accord (ci-après les « lignes directrices »), les représentants d’intérêts actifs dans plusieurs pays (comme les multinationales) ne devraient, pour éviter les enregistrements multiples et accélérer le traitement administratif d’une demande ou d’un enregistrement, enregistrer leurs activités dans le registre qu’une seule fois et, ce faisant, couvrir les différentes autres entités d’un réseau, d’un groupe d’entreprises ou autre{6}. Les lignes directrices précisent que, dans la pratique, l’enregistrement incombe en règle générale à la succursale ou au bureau représentant les intérêts de l’entité à l’égard des institutions de l’Union.
Or, le Tribunal constate, d’une part, qu’il ressort de l’extrait du registre de transparence que seule la requérante était inscrite audit registre. En effet, sa filiale belge n’a nullement fait l’objet d’une inscription séparée et n’a été mentionnée qu’en tant que « bureau chargé des relations avec l’Union ». Ainsi, conformément à l’accord interinstitutionnel{7} et dans le sens du principe de l’enregistrement unique posé dans les lignes directrices{8}, l’indication de la requérante comme seule organisation inscrite au registre de transparence a couvert toutes les entreprises du groupe auquel elle appartenait dans tous les pays où ce groupe était présent, y compris la filiale belge.
D’autre part, quelle qu’ait été leur fonction respective dans ladite filiale, en mentionnant dans l’extrait du registre le nom de deux directeurs de cette dernière comme « personne juridiquement responsable de l’entité » et « personne chargée des relations avec l’Union », la requérante a accepté que ces personnes agissent en son nom et en tant que représentants chargés de ses relations avec le secrétariat du registre de transparence{9}.
{1} Arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission (C-447/21 P, non publié, EU:C:2022:612).
{2} Accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur un registre de transparence obligatoire (JO 2021, L 207, p. 1, ci-après l’« accord interinstitutionnel »).
{3} Décision du secrétariat du registre de transparence Ares (2023) 1618717, du 6 mars 2023, prononçant la radiation de la requérante du registre de transparence de l’Union européenne.
{4} Article 3, paragraphe 1, second alinéa, du règlement (CEE, Euratom) no 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes (JO 1971, L 124, p. 1).
{5} En application des points 7.3 et 7.4 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel.
{6} Point 2 des lignes directrices, intitulé « Principe de l’enregistrement unique ».
{7} Article 8, paragraphe 3, sous b), de l’accord interinstitutionnel.
{8} Point 2 des lignes directrices.
{9} Article 6, paragraphe 2, et de l’annexe II, point I, de l’accord interinstitutionnel.
Ordonnance du 25 janvier 2024, Lukoil / Parlement e.a. (T-280/23) (cf. point 10)
91. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Notification - Notion - Condition de validité de la notification de la décision - Mise en mesure du destinataire de la décision de prendre utilement connaissance de son contenu - Inclusion
Saisi d’un recours en annulation qu’il rejette comme manifestement irrecevable pour tardiveté, le Tribunal, d’une part, fait application pour la première fois, dans un domaine autre que celui de la fonction publique, de la jurisprudence issue de l’arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission{1}, relative à la computation du délai de recours contre une décision notifiée par courriel, et, d’autre part, apporte des précisions quant à l’application du principe de l’enregistrement unique, en vertu de l’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire{2}.
Par son recours déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2023, Oil company « Lukoil » PAO, la requérante, établie à Moscou, a demandé l’annulation de la décision du secrétariat du registre de transparence prononçant sa radiation du registre de transparence de l’Union européenne{3}. Ledit secrétariat a, par un courriel du 6 mars 2023, notifié la décision attaquée à la requérante. Cette dernière a admis de façon explicite que ledit courriel était parvenu à cette même date dans les boîtes aux lettres électroniques des deux représentants qu’elle avait désignés lors de son inscription au registre de transparence (ci-après les « représentants »).
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal rappelle tout d’abord que, pour qu’une décision soit valablement notifiée, il faut, non que son destinataire ait effectivement pris connaissance de son contenu, mais qu’il ait été mis en mesure d’en prendre utilement connaissance. À cet égard, la preuve que le destinataire d’une décision l’a non seulement reçue, mais a également pu en prendre utilement connaissance peut résulter de différentes circonstances.
En ce sens, afin d’établir qu’une décision notifiée par courriel a été dûment notifiée à son destinataire à une date précise et que, dès lors, le délai de recours a commencé à courir à partir de cette date, la partie qui se prévaut de la tardiveté doit démontrer non seulement que cette décision a été communiquée à son destinataire, c’est-à-dire qu’elle a été transmise à son adresse électronique et que celui-ci l’a reçue à cette adresse, mais également que ledit destinataire a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de ladite décision à cette date, à savoir qu’il a pu ouvrir le courriel contenant la décision en cause et en prendre ainsi dûment connaissance à ladite date.
Sur ce point, une présomption selon laquelle le destinataire d’une décision notifiée par courriel ne peut, en tout état de cause, avoir été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu qu’à la date à laquelle il a consulté sa boîte aux lettres électronique, tout comme une présomption selon laquelle le destinataire d’une telle décision est mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu, en tout état de cause, dès la réception de celle-ci dans sa boîte aux lettres électronique, ne saurait être conforme aux dispositions fixant les délais de recours.
En l’espèce, le Tribunal objecte que, eu égard à la date d’envoi de la décision attaquée le 6 mars 2023, le délai pour demander son annulation a, en principe, expiré le 16 mai 2023, de sorte que, de prime abord, le présent recours est tardif.
Néanmoins, il examine la série d’arguments dont se prévaut la requérante pour contester le caractère tardif du recours.
En particulier, il rejette, en premier lieu, l’argument tiré de la communication du courriel en dehors des heures de bureau. En effet, en vertu des règles de computation des délais, « [s]i un délai exprimé en jours, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel a lieu cet événement ou s’effectue cet acte n’est pas compté dans le délai »{4}.
Or, d’une part, le Tribunal observe que, par un courrier du 31 mars 2023 adressé au secrétariat du registre de transparence, les conseils de la requérante ont présenté, en réaction à la décision attaquée jointe au courriel du 6 mars 2023, une demande de réouverture de l’enquête, dont l’examen ne peut intervenir que dans un délai maximal de 20 jours ouvrables suivant la notification de la décision aux parties concernées{5}.
D’autre part, il relève que, pour justifier que la demande de réouverture de l’enquête à l’égard de la requérante a été introduite dans ce délai, les conseils de celle-ci ont fait explicitement mention, dans la lettre du 31 mars 2023, du fait que le délai de 20 jours ouvrables avait commencé à courir le 7 mars 2023 et qu’il expirait le 3 avril 2023.
Le Tribunal en déduit qu’une information aussi précise, émanant des propres conseils de la requérante, ne saurait être interprétée autrement que comme la reconnaissance par ceux-ci que le courriel contenant la décision attaquée a bien été communiqué le 6 mars 2023 à ses représentants, que ledit courriel est parvenu dans les boîtes aux lettres électroniques de ces derniers à cette même date et que ceux-ci en ont pris connaissance ou, à tout le moins, ont été en mesure d’en prendre utilement connaissance le jour même de cette communication et de cette réception. Il en conclut que le courriel contenant la décision attaquée a été « dûment notifié » le 6 mars 2023 auxdits représentants.
En second lieu, le Tribunal écarte l’argument tiré de ce que le courriel contenant la décision attaquée n’a été communiqué, le 6 mars 2023, qu’aux seuls représentants de la filiale belge de la requérante et non à la requérante elle-même, et de ce que cette dernière n’a donc pas pu en prendre connaissance ce jour-là.
À ce titre, il rappelle, notamment, que, en vertu des lignes directrices établies par le secrétariat du registre de transparence, relatives audit registre et destinées aux demandeurs d’enregistrement et aux personnes enregistrées pour garantir une application cohérente dudit accord (ci-après les « lignes directrices »), les représentants d’intérêts actifs dans plusieurs pays (comme les multinationales) ne devraient, pour éviter les enregistrements multiples et accélérer le traitement administratif d’une demande ou d’un enregistrement, enregistrer leurs activités dans le registre qu’une seule fois et, ce faisant, couvrir les différentes autres entités d’un réseau, d’un groupe d’entreprises ou autre{6}. Les lignes directrices précisent que, dans la pratique, l’enregistrement incombe en règle générale à la succursale ou au bureau représentant les intérêts de l’entité à l’égard des institutions de l’Union.
Or, le Tribunal constate, d’une part, qu’il ressort de l’extrait du registre de transparence que seule la requérante était inscrite audit registre. En effet, sa filiale belge n’a nullement fait l’objet d’une inscription séparée et n’a été mentionnée qu’en tant que « bureau chargé des relations avec l’Union ». Ainsi, conformément à l’accord interinstitutionnel{7} et dans le sens du principe de l’enregistrement unique posé dans les lignes directrices{8}, l’indication de la requérante comme seule organisation inscrite au registre de transparence a couvert toutes les entreprises du groupe auquel elle appartenait dans tous les pays où ce groupe était présent, y compris la filiale belge.
D’autre part, quelle qu’ait été leur fonction respective dans ladite filiale, en mentionnant dans l’extrait du registre le nom de deux directeurs de cette dernière comme « personne juridiquement responsable de l’entité » et « personne chargée des relations avec l’Union », la requérante a accepté que ces personnes agissent en son nom et en tant que représentants chargés de ses relations avec le secrétariat du registre de transparence{9}.
{1} Arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission (C-447/21 P, non publié, EU:C:2022:612).
{2} Accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur un registre de transparence obligatoire (JO 2021, L 207, p. 1, ci-après l’« accord interinstitutionnel »).
{3} Décision du secrétariat du registre de transparence Ares (2023) 1618717, du 6 mars 2023, prononçant la radiation de la requérante du registre de transparence de l’Union européenne.
{4} Article 3, paragraphe 1, second alinéa, du règlement (CEE, Euratom) no 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes (JO 1971, L 124, p. 1).
{5} En application des points 7.3 et 7.4 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel.
{6} Point 2 des lignes directrices, intitulé « Principe de l’enregistrement unique ».
{7} Article 8, paragraphe 3, sous b), de l’accord interinstitutionnel.
{8} Point 2 des lignes directrices.
{9} Article 6, paragraphe 2, et de l’annexe II, point I, de l’accord interinstitutionnel.
Ordonnance du 25 janvier 2024, Lukoil / Parlement e.a. (T-280/23) (cf. point 8)
92. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Décision notifiée par courrier électronique - Preuve de la notification au destinataire à une date précise - Conditions - Preuves de la communication effective du courrier au destinataire et de la mise en mesure de celui-ci d'une prise de connaissance utile du contenu de la décision - Inclusion
Saisi d’un recours en annulation qu’il rejette comme manifestement irrecevable pour tardiveté, le Tribunal, d’une part, fait application pour la première fois, dans un domaine autre que celui de la fonction publique, de la jurisprudence issue de l’arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission{1}, relative à la computation du délai de recours contre une décision notifiée par courriel, et, d’autre part, apporte des précisions quant à l’application du principe de l’enregistrement unique, en vertu de l’accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire{2}.
Par son recours déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2023, Oil company « Lukoil » PAO, la requérante, établie à Moscou, a demandé l’annulation de la décision du secrétariat du registre de transparence prononçant sa radiation du registre de transparence de l’Union européenne{3}. Ledit secrétariat a, par un courriel du 6 mars 2023, notifié la décision attaquée à la requérante. Cette dernière a admis de façon explicite que ledit courriel était parvenu à cette même date dans les boîtes aux lettres électroniques des deux représentants qu’elle avait désignés lors de son inscription au registre de transparence (ci-après les « représentants »).
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal rappelle tout d’abord que, pour qu’une décision soit valablement notifiée, il faut, non que son destinataire ait effectivement pris connaissance de son contenu, mais qu’il ait été mis en mesure d’en prendre utilement connaissance. À cet égard, la preuve que le destinataire d’une décision l’a non seulement reçue, mais a également pu en prendre utilement connaissance peut résulter de différentes circonstances.
En ce sens, afin d’établir qu’une décision notifiée par courriel a été dûment notifiée à son destinataire à une date précise et que, dès lors, le délai de recours a commencé à courir à partir de cette date, la partie qui se prévaut de la tardiveté doit démontrer non seulement que cette décision a été communiquée à son destinataire, c’est-à-dire qu’elle a été transmise à son adresse électronique et que celui-ci l’a reçue à cette adresse, mais également que ledit destinataire a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de ladite décision à cette date, à savoir qu’il a pu ouvrir le courriel contenant la décision en cause et en prendre ainsi dûment connaissance à ladite date.
Sur ce point, une présomption selon laquelle le destinataire d’une décision notifiée par courriel ne peut, en tout état de cause, avoir été mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu qu’à la date à laquelle il a consulté sa boîte aux lettres électronique, tout comme une présomption selon laquelle le destinataire d’une telle décision est mis en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu, en tout état de cause, dès la réception de celle-ci dans sa boîte aux lettres électronique, ne saurait être conforme aux dispositions fixant les délais de recours.
En l’espèce, le Tribunal objecte que, eu égard à la date d’envoi de la décision attaquée le 6 mars 2023, le délai pour demander son annulation a, en principe, expiré le 16 mai 2023, de sorte que, de prime abord, le présent recours est tardif.
Néanmoins, il examine la série d’arguments dont se prévaut la requérante pour contester le caractère tardif du recours.
En particulier, il rejette, en premier lieu, l’argument tiré de la communication du courriel en dehors des heures de bureau. En effet, en vertu des règles de computation des délais, « [s]i un délai exprimé en jours, en semaines, en mois ou en années est à compter à partir du moment où survient un événement ou s’effectue un acte, le jour au cours duquel a lieu cet événement ou s’effectue cet acte n’est pas compté dans le délai »{4}.
Or, d’une part, le Tribunal observe que, par un courrier du 31 mars 2023 adressé au secrétariat du registre de transparence, les conseils de la requérante ont présenté, en réaction à la décision attaquée jointe au courriel du 6 mars 2023, une demande de réouverture de l’enquête, dont l’examen ne peut intervenir que dans un délai maximal de 20 jours ouvrables suivant la notification de la décision aux parties concernées{5}.
D’autre part, il relève que, pour justifier que la demande de réouverture de l’enquête à l’égard de la requérante a été introduite dans ce délai, les conseils de celle-ci ont fait explicitement mention, dans la lettre du 31 mars 2023, du fait que le délai de 20 jours ouvrables avait commencé à courir le 7 mars 2023 et qu’il expirait le 3 avril 2023.
Le Tribunal en déduit qu’une information aussi précise, émanant des propres conseils de la requérante, ne saurait être interprétée autrement que comme la reconnaissance par ceux-ci que le courriel contenant la décision attaquée a bien été communiqué le 6 mars 2023 à ses représentants, que ledit courriel est parvenu dans les boîtes aux lettres électroniques de ces derniers à cette même date et que ceux-ci en ont pris connaissance ou, à tout le moins, ont été en mesure d’en prendre utilement connaissance le jour même de cette communication et de cette réception. Il en conclut que le courriel contenant la décision attaquée a été « dûment notifié » le 6 mars 2023 auxdits représentants.
En second lieu, le Tribunal écarte l’argument tiré de ce que le courriel contenant la décision attaquée n’a été communiqué, le 6 mars 2023, qu’aux seuls représentants de la filiale belge de la requérante et non à la requérante elle-même, et de ce que cette dernière n’a donc pas pu en prendre connaissance ce jour-là.
À ce titre, il rappelle, notamment, que, en vertu des lignes directrices établies par le secrétariat du registre de transparence, relatives audit registre et destinées aux demandeurs d’enregistrement et aux personnes enregistrées pour garantir une application cohérente dudit accord (ci-après les « lignes directrices »), les représentants d’intérêts actifs dans plusieurs pays (comme les multinationales) ne devraient, pour éviter les enregistrements multiples et accélérer le traitement administratif d’une demande ou d’un enregistrement, enregistrer leurs activités dans le registre qu’une seule fois et, ce faisant, couvrir les différentes autres entités d’un réseau, d’un groupe d’entreprises ou autre{6}. Les lignes directrices précisent que, dans la pratique, l’enregistrement incombe en règle générale à la succursale ou au bureau représentant les intérêts de l’entité à l’égard des institutions de l’Union.
Or, le Tribunal constate, d’une part, qu’il ressort de l’extrait du registre de transparence que seule la requérante était inscrite audit registre. En effet, sa filiale belge n’a nullement fait l’objet d’une inscription séparée et n’a été mentionnée qu’en tant que « bureau chargé des relations avec l’Union ». Ainsi, conformément à l’accord interinstitutionnel{7} et dans le sens du principe de l’enregistrement unique posé dans les lignes directrices{8}, l’indication de la requérante comme seule organisation inscrite au registre de transparence a couvert toutes les entreprises du groupe auquel elle appartenait dans tous les pays où ce groupe était présent, y compris la filiale belge.
D’autre part, quelle qu’ait été leur fonction respective dans ladite filiale, en mentionnant dans l’extrait du registre le nom de deux directeurs de cette dernière comme « personne juridiquement responsable de l’entité » et « personne chargée des relations avec l’Union », la requérante a accepté que ces personnes agissent en son nom et en tant que représentants chargés de ses relations avec le secrétariat du registre de transparence{9}.
{1} Arrêt du 1er août 2022, Kerstens/Commission (C-447/21 P, non publié, EU:C:2022:612).
{2} Accord interinstitutionnel du 20 mai 2021 entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur un registre de transparence obligatoire (JO 2021, L 207, p. 1, ci-après l’« accord interinstitutionnel »).
{3} Décision du secrétariat du registre de transparence Ares (2023) 1618717, du 6 mars 2023, prononçant la radiation de la requérante du registre de transparence de l’Union européenne.
{4} Article 3, paragraphe 1, second alinéa, du règlement (CEE, Euratom) no 1182/71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes (JO 1971, L 124, p. 1).
{5} En application des points 7.3 et 7.4 de l’annexe III de l’accord interinstitutionnel.
{6} Point 2 des lignes directrices, intitulé « Principe de l’enregistrement unique ».
{7} Article 8, paragraphe 3, sous b), de l’accord interinstitutionnel.
{8} Point 2 des lignes directrices.
{9} Article 6, paragraphe 2, et de l’annexe II, point I, de l’accord interinstitutionnel.
Ordonnance du 25 janvier 2024, Lukoil / Parlement e.a. (T-280/23) (cf. point 9)
93. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Date de notification de la décision - Réponse de la Commission à une demande de réexamen interne rédigée dans une autre langue que celle de la demande - Communication ultérieure au demandeur d'une copie de cette réponse dans la langue de la demande - Délai commençant à courir à la date de cette communication ultérieure
Dans le cadre d’un recours en annulation lié au renouvellement de l’approbation de la substance active cyperméthrine, le Tribunal précise les règles de recevabilité d’un tel recours introduit par une organisation non gouvernementale sur la base du règlement nº 1367/2006{1}, ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation de la Commission européenne en tant que gestionnaire des risques au regard du principe de précaution.
La cyperméthrine est un insecticide utilisé au sein de l’Union européenne, dont l’incorporation dans des produits phytopharmaceutiques a été autorisée en 2005{2}.
Dans le cadre de la procédure de renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a identifié, dans ses conclusions scientifiques de juillet 2018, quatre domaines critiques de préoccupation (critical areas of concern) concernant cette substance active. Puis, elle a publié, en septembre 2019, une déclaration sur les mesures de réduction des risques pour la cyperméthrine.
Suite à cette évaluation des risques, la Commission a adopté, le 24 novembre 2021, le règlement d’exécution 2021/2049{3} qui renouvelle l’approbation de la cyperméthrine, assorti d’une série de dispositions spécifiques.
Le 20 janvier 2022, la requérante, l’organisation environnementale Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), a adressé à la Commission une demande de réexamen interne{4} du règlement d’exécution 2021/2049.
Par sa décision du 23 juin 2022, la Commission a rejeté cette demande.
La requérante demande au Tribunal l’annulation de cette décision de rejet. À l’appui de son recours, elle invoque la violation du principe de précaution et de l’obligation pour l’Union d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Elle allègue, entre autres, que, dès lors que l’EFSA avait identifié certains domaines critiques de préoccupation concernant la cyperméthrine, la Commission n’aurait pas dû renouveler l’approbation de cette substance. Dans ce contexte, la Commission ne disposerait plus d’aucun pouvoir d’appréciation et ne saurait se prévaloir de son rôle de gestionnaire de risque à cet égard.
Par son arrêt, le Tribunal rejette le recours dans son intégralité.
Appréciation du Tribunal
Le Tribunal apporte en premier lieu des précisions d’ordre procédural concernant la portée de la règle de concordance entre la demande de réexamen et le recours en annulation introduit contre la décision adoptée en réponse à cette demande.
À cet égard, il rappelle qu’un tel recours en annulation n’est recevable que s’il est dirigé contre la réponse à ladite demande et que les moyens invoqués au soutien de l’annulation visent spécifiquement cette réponse.
Un tel recours ne saurait être fondé sur des motifs nouveaux ou des éléments de preuve qui n’apparaissent pas dans la demande de réexamen, sous peine de priver l’exigence relative à la motivation d’une telle demande de son effet utile et de modifier l’objet de la procédure engagée par cette demande{5}.
Néanmoins, d’une part, une partie requérante au titre du règlement nº 1367/2006 doit pouvoir soulever, au stade du recours devant le Tribunal, des arguments qui visent à critiquer, en droit, le bien-fondé de la réponse à sa demande de réexamen, à condition que ces arguments ne modifient pas l’objet de la procédure engagée par cette demande. D’autre part, un argument qui n’a pas été soulevé au stade de la demande de réexamen ne saurait être considéré comme nouveau s’il ne constitue que l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre de cette demande, c’est-à-dire s’il présente, avec les moyens ou les griefs initialement exposés, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse.
En second lieu, le Tribunal relève que, afin de pouvoir poursuivre efficacement les objectifs qui lui sont assignés par le règlement nº 1107/2009, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission. Cela vaut notamment pour les décisions en matière de gestion du risque qu’elle doit prendre en application dudit règlement{6}.
La gestion du risque correspond à l’ensemble des actions entreprises par une institution qui doit faire face à un risque afin de le ramener à un niveau jugé acceptable pour la société eu égard à son obligation, en vertu du principe de précaution, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement{7}.
Cela implique de procéder à une évaluation préalable des risques qui consiste, d’une part, à apprécier de manière scientifique lesdits risques, en se fondant sur les meilleures données scientifiques disponibles, et, d’autre part, à déterminer s’ils dépassent le niveau de risque jugé acceptable pour la société, ce qui relève du choix politique que constitue la fixation d’un niveau de protection approprié pour ladite société.
Ainsi, si, dans le cadre de la procédure de renouvellement des substances actives, la Commission doit « tenir compte », notamment, des conclusions scientifiques de l’EFSA{8}, elle n’est pas liée, en tant que gestionnaire des risques, par les constats opérés par l’EFSA. Une telle prise en compte ne peut en effet s’interpréter comme une obligation pour la Commission de suivre en tous points les conclusions de l’EFSA.
Cependant, le large pouvoir d’appréciation de la Commission en tant que gestionnaire des risques demeure encadré par le nécessaire respect des dispositions du règlement nº 1107/2009, en particulier son article 4{9}, lu conjointement avec l’annexe II de ce règlement, ainsi que par le principe de précaution qui sous-tend l’ensemble des dispositions de ce règlement.
Dans ces conditions, la Commission ne saurait renouveler l’approbation d’une substance active que s’il est démontré à suffisance que, nonobstant l’identification de domaines critiques de préoccupation, des mesures d’atténuation des risques permettent de conclure que les critères de l’article 4 du règlement nº 1107/2009 sont respectés. Ainsi, le rôle de la Commission est précisément la détermination des risques qui sont acceptables pour la société, avec un seuil de tolérance plus élevé en ce qui concerne la protection de l’environnement qu’en ce qui concerne la santé humaine ou animale, et en prenant en considération des mesures de gestion pour mitiger des risques déterminés.
En l’occurrence, le seul fait que l’EFSA ait identifié quatre domaines critiques de préoccupation dans ses conclusions s’agissant de la cyperméthrine ne permet pas de considérer que la Commission ne disposait plus d’aucune marge d’appréciation, en tant que gestionnaire des risques, sous réserve qu’elle assure que les critères indiqués à l’article 4 du règlement nº 1107/2009 étaient satisfaits. En d’autres termes, il n’est pas exclu pour la Commission de vérifier, dans le respect du principe de précaution, si le risque aurait pu devenir acceptable en imposant certaines mesures.
{1} Règlement nº 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de l’Union européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), notamment sur la base de son article 12.
{2} Ladite substance a été inscrite à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1), par la directive 2005/53/CE de la Commission, du 16 septembre 2005, modifiant la directive 91/414 en vue d’y inscrire les substances actives chlorothalonil, chlorotoluron, cyperméthrine, daminozide et thiophanate-méthyl (JO 2005, L 241, p. 51).
{3} Règlement d’exécution (UE) 2021/2049 de la Commission, du 24 novembre 2021, renouvelant l’approbation de la substance active « cyperméthrine » comme substance dont la substitution est envisagée, conformément au règlement (CE) nº 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) nº 540/2011 de la Commission (JO 2021, L 420, p. 6).
{4} Sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1367/2006.
{5} Arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C-82/17 P, EU:C:2019:719, point 39).
{6} Arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission (T-429/13 et T-451/13, EU:T:2018:280, point 143).
{7} Arrêts du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission (T-31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 148 ; du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission (T-429/13 et T-451/13, EU:T:2018:280, point 125), et du 17 mars 2021, FMC/Commission (T-719/17, EU:T:2021:143, point 78).
{8} Selon les termes de l’article 14, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement d’exécution (UE) nº 844/2012 de la Commission, du 18 septembre 2012, établissant les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement des substances actives, conformément au règlement nº 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 2012, L 252, p. 26).
{9} Selon cet article, l’approbation d’une substance active ne saurait être accordée que s’il est démontré que les conditions d’approbation prévues à ses paragraphes 2 et 3 sont satisfaites, dans des conditions réalistes d’utilisation. Une présomption est instaurée selon laquelle ces conditions d’approbation sont réputées respectées s’il a été établi que tel est le cas pour au moins une utilisation représentative d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant cette substance active.
Arrêt du 21 février 2024, PAN Europe / Commission (T-536/22) (cf. point 24)
94. Recours en annulation - Délais - Point de départ - Notification - Notion - Communication d'une décision de non-autorisation par la Commission par l'intermédiaire du registre des produits biocides - Exclusion
Ordonnance du 1er mars 2024, Dakem / Commission (T-341/23) (cf. points 44, 45)