1. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Rétroactivité de l'annulation

En cas d’annulation par le juge communautaire d’un acte d’une institution, il incombe à cette dernière, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures appropriées que comporte l’exécution de l’arrêt. Pour se conformer à l'arrêt d'annulation et lui donner pleine exécution, l'institution dont émane l'acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l'arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu'ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d'une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d'autre part, font apparaître les raisons exactes de l'illégalité constatée dans le dispositif et que l'institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l'acte annulé. Quant aux effets de l’annulation d’un acte prononcée par le juge communautaire, il convient également de rappeler que celle-ci opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique. L’institution défenderesse est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, implique de replacer le requérant dans la situation juridique dans laquelle il se trouvait antérieurement à cet acte.

Arrêt du 15 avril 2010, Angelidis / Parlement (F-104/08) (cf. points 35-36)

Un arrêt d’annulation opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique.

Pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont mené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé

Arrêt du 8 février 2018, Sony Interactive Entertainment Europe / EUIPO - Marpefa (Vieta) (T-879/16) (cf. points 37, 38)

Dans l’arrêt Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO - Vieta Audio (Vita) (T-690/18), rendu le 19 décembre 2019, le Tribunal s’est prononcé sur la portée de l’autorité de la chose jugée en ce qui concerne son arrêt Sony Computer Entertainment Europe/EUIPO - Vieta Audio (Vita), (ci-après l’« arrêt T-35/16 »){1}. Par le présent arrêt, le Tribunal a annulé la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), relative à la procédure de déchéance{2} de la marque de l’Union européenne Vita et prise à la suite de l’annulation par le Tribunal, dans son arrêt T-35/16, d’une décision antérieure de la cinquième chambre de recours (ci-après la « décision antérieure »).

Par l’arrêt T-35/16, le Tribunal avait annulé la décision antérieure au motif d’un défaut de motivation, soulevé d’office , tout en observant également que certains éléments de cette décision antérieure n’étaient pas entachés d’un défaut de motivation. S’agissant de ces éléments, la quatrième chambre de recours était d’avis qu’elle était liée par les conclusions de la cinquième chambre de recours dès lors que le Tribunal les aurait entérinés .

En l’espèce, le Tribunal a accueilli le moyen de la requérante selon lequel la quatrième chambre de recours ne s’est pas conformée à son obligation de prendre les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt T-35/16{3}. D’une part, selon le Tribunal, il ressort de son arrêt T-35/16 que celui-ci ne s’est pas prononcé sur la légalité au fond de la décision antérieure et que l’autorité de la chose jugée concerne donc uniquement la motivation, en tant que formalité substantielle, de la décision antérieure et non sa légalité au fond . D’autre part, le Tribunal a relevé que l’autorité de la chose jugée s’étend seulement aux motifs d’un arrêt qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif et en sont, de ce fait, indissociables. Par conséquent, les éléments de la décision antérieure dont le Tribunal avait observé qu’ils n’étaient pas entachés d’un défaut de motivation ne sauraient être considérés comme ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal a conclu que la quatrième chambre de recours n’était pas liée par les conclusions de la cinquième chambre de recours et était dès lors obligée de statuer à nouveau sur toutes les questions pertinentes relatives à la déchéance de la marque contestée.

{1 Arrêt du Tribunal du 12 décembre 2017, Sony Computer Entertainment Europe/EUIPO - Vieta Audio (Vita), (T-35/16, non publié, EU:T:2017:886).}

{2 Au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).}

{3 Moyen tiré d’une violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009.}

Arrêt du 19 décembre 2019, Sony Interactive Entertainment Europe / EUIPO - Vieta Audio (Vita) (T-690/18) (cf. points 45, 54)

Gruppe Nymphenburg Consult AG a présenté une demande d’enregistrement, auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), de la marque de l’Union européenne verbale Limbic® Types pour des produits et des services appartenant notamment aux domaines du conseil aux entreprises et du conseil en gestion de ressources humaines. Le 23 juin 2015, la première chambre de recours de l’EUIPO a considéré que le signe était descriptif et a rejeté la demande sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009{1}.

Par son arrêt du 16 février 2017, Gruppe Nymphenburg Consult/EUIPO (Limbic® Types) (ci-après l’« arrêt T-516/15 »){2}, le Tribunal avait annulé la décision de la chambre de recours au motif que celle-ci avait apprécié de manière erronée le caractère descriptif de la marque demandée.

Par décision du présidium des chambres de recours de l’EUIPO, l’affaire a été renvoyée devant la grande chambre de recours pour qu’il soit statué de nouveau. Le 2 décembre 2019, la grande chambre de recours a rejeté le recours de Gruppe Nymphenburg Consult et a considéré que la marque était descriptive des produits et des services en cause et qu’elle était dépourvue de caractère distinctif.

Le Tribunal, statuant en formation élargie, annule la décision de la grande chambre de recours, aux motifs que celle-ci a violé, d’une part, l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt T-516/15 et, d’autre part, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009. En outre, il précise que les griefs dirigés contre la décision du présidium des chambres de recours sont irrecevables. Par ailleurs, il juge que la composition de la grande chambre de recours pouvait inclure l’unique membre de la chambre de recours ayant adopté la décision annulée par l’arrêt T-516/15.

Appréciation du Tribunal

Tout d’abord, le Tribunal rappelle que le recours devant le juge de l’Union ne peut être dirigé que contre les décisions des chambres de recours{3}. Ainsi, les griefs tirés de l’absence de communication et de l’insuffisance de motivation de la décision de renvoi devant la grande chambre de recours concernent des irrégularités qui peuvent affecter la décision du présidium des chambres de recours, mais non la décision de la grande chambre de recours. Dès lors, ces griefs sont irrecevables.

Ensuite, s’agissant du grief tiré de la prétendue irrégularité de la composition de la grande chambre de recours en ce que l’unique membre de la chambre de recours ayant adopté la décision annulée par le Tribunal dans l’arrêt T-516/15 siégeait également dans la grande chambre de recours{4}, le Tribunal rappelle qu’un arrêt en annulation a pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique. Étant donné que la décision de la chambre de recours a été annulée par l’arrêt T-516/15, devenu définitif, la décision faisant l’objet du recours devant la grande chambre de recours n’est pas la décision annulée de la chambre de recours mais celle de l’examinateur de l’EUIPO. Partant, dans la mesure où l’affaire a été renvoyée à la grande chambre de recours, celle-ci pouvait inclure l’unique membre de la chambre de recours ayant adopté la décision annulée.

Enfin, le Tribunal souligne que, s’il est vrai que la chambre de recours a le droit de reprendre de sa propre initiative, à tout moment avant l’enregistrement, l’examen des motifs absolus de refus, si elle le juge opportun{5}, elle est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais également les motifs qui ont mené à celui-ci. En l’espèce, le Tribunal constate que la question du caractère descriptif de la marque demandée a été tranchée par l’arrêt T-516/15 et, partant, que les motifs de l’arrêt relatifs à l’absence d’un tel caractère sont couverts par l’autorité de la chose jugée. À cet égard, le Tribunal explique que le fait que la grande chambre de recours ait fondé son examen du caractère descriptif sur des éléments de fait dont la première chambre de recours n’avait pas tenu compte n’a pas d’effet sur l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt T-516/15. Par conséquent, la grande chambre de recours a violé l’autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt.

Par ailleurs, le Tribunal considère que la grande chambre de recours a également commis une erreur de droit dans l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée et annule donc la décision dans son ensemble.

{1} Règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

{2} Arrêt du 16 février 2017, Gruppe Nymphenburg Consult/EUIPO (Limbic® Types) (T-516/15, non publié, EU:T:2017:83).

{3} Conformément à l’article 72, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

{4} Elle invoquait l’article 169, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, selon lequel les membres des chambres de recours ne peuvent prendre part à une procédure de recours s’ils ont pris part à la décision qui fait l’objet du recours.

{5} Voir article 45, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 et article 27, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l'Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

Arrêt du 1er septembre 2021, Gruppe Nymphenburg Consult / EUIPO (Limbic® Types) (T-96/20) (cf. points 42-44)



Arrêt du 3 juillet 2013, Cytochroma Development / OHMI - Teva Pharmaceutical Industries (ALPHAREN) (T-106/12) (cf. points 37, 38)

Arrêt du 16 février 2017, Tubes Radiatori / EUIPO - Antrax It (Radiateurs) (T-98/15) (cf. points 24, 25)

Arrêt du 8 juin 2017, Bundesverband Deutsche Tafel / EUIPO - Tiertafel Deutschland (Tafel) (T-326/16) (cf. points 18, 19)

Ordonnance du 11 juin 2020, Perfect Bar / EUIPO (PERFECT BAR) (T-553/19) (cf. points 25, 26)

Ordonnance du 11 juin 2020, Perfect Bar / EUIPO (PERFECT Bar) (T-563/19) (cf. points 25, 26)

Ordonnance du 9 septembre 2020, IMG / Commission (T-645/19) (cf. points 55, 56, 58, 59, 67)



Arrêt du 5 octobre 2022, Puma / EUIPO - CMS (CMS Italy) (T-711/20) (cf. point 131)



Arrêt du 6 novembre 2024, CFA Institute / EUIPO - Global Chartered Controller Institute (CCA CHARTERED CONTROLLER ANALYST CERTIFICATE) (T-561/22) (cf. points 35, 36, 39)

2. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée

Afin de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause.

L'autorité de la chose jugée s’attachant à un arrêt est susceptible de faire obstacle à la recevabilité d’un recours si celui ayant donné lieu à l’arrêt en cause a opposé les mêmes parties, a porté sur le même objet et a été fondé sur la même cause, ces conditions ayant nécessairement un caractère cumulatif. L’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire en cause.

Arrêt du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries / Commission (T-66/01, Rec._p._II-2631) (cf. points 196-198)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a. / Conseil (T-14/14 et T-87/14) (cf. points 183-185)

Arrêt du 18 octobre 2018, GEA Group / Commission (T-640/16) (cf. point 70)



Ordonnance du 22 décembre 2014, Al Assad / Conseil (T-407/13) (cf. points 49, 50)

Ordonnance du 1er septembre 2015, Makhlouf / Conseil (T-441/13) (cf. points 21-24)

Arrêt du 5 mars 2019, Eurosupport - Fineurop support / EIGE (T-450/17) (cf. point 26)

Arrêt du 7 mars 2019, Commission / Brouillard (C-728/17 P) (cf. point 50)

3. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Décision de la Commission constatant une infraction - Annulation pour vice de procédure - Adoption d'une nouvelle décision sur le fondement d'analyses effectuées en vue de la première décision - Admissibilité - Conditions

L’institution dont émane un acte annulé n’est tenue que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue.

Lorsqu'une décision de la Commission sanctionnant une entreprise en raison d'un abus de position dominante est annulée au motif que l’authentification de ladite décision a été effectuée après sa notification, ce qui constitue une violation d’une forme substantielle au sens de l’article 230 CE, la Commission peut reprendre son analyse au stade de l’authentification, sans devoir examiner si les conclusions relatives au marché en cause qu’elle a tirées lors de l’adoption de la première décision sont toujours valables à la lumière des circonstances de fait et de droit existant au moment de l’adoption de la seconde décision. La considération selon laquelle la constatation de l’existence d’une position dominante résulte d’une analyse de la structure du marché et de la concurrence qui y règne au moment de l’adoption par la Commission de chaque décision n’implique pas que la Commission doive procéder dans tous les cas à une nouvelle analyse du marché en cause au moment de l’adoption de la décision attaquée. La Commission n'est notamment pas tenue de procéder à une telle analyse dès lors que ce n'est pas nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt annulant la décision.

Arrêt du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries / Commission (T-66/01, Rec._p._II-2631) (cf. points 243-245)

4. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Conséquences de l'annulation d'un acte mettant un terme à une procédure administrative - Annulation automatique de l'ensemble de la procédure précédant l'adoption de l'acte annulé - Absence

L’annulation par le juge de l’Union d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de l’ensemble de la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué, indépendamment des motifs de fond ou de procédure retenus par l’arrêt d’annulation.

Arrêt du 14 septembre 2010, Rossi Ferreras / Commission (F-85/09) (cf. point 49)

5. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt

Pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l'acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé.

Par ailleurs, l’article 233 CE impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d'annulation. Ces principes s'appliquent à plus forte raison lorsque l'arrêt d’annulation a acquis l'autorité de la chose jugée.

La finalité du recours en annulation et l’effet utile de l’article 233, premier alinéa, CE se verraient fortement compromis, voire détournés, si l’institution dont émane l’acte annulé, plutôt que de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal et de corriger l’illégalité commise, était autorisée à modifier, avec effet rétroactif, le fondement légal dudit acte pour atteindre un résultat correspondant à celui qui a été sanctionné par le juge de l’Union.

Arrêt du 10 novembre 2010, OHMI / Simões Dos Santos (T-260/09 P) (cf. points 70, 72)

Même si le dispositif de l’arrêt sur pourvoi déclare et arrête que l’arrêt du Tribunal est annulé sans spécifier la portée de cette annulation, il n’empêche que le dispositif de l’arrêt sur pourvoi doit être lu en relation avec les motifs contenus dans ledit arrêt. En effet, pour se conformer à l’arrêt et lui donner pleine exécution, l’institution est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé.

Arrêt du 24 novembre 2015, riha WeserGold Getränke (anciennement Wesergold Getränkeindustrie) / OHMI - Lidl Stiftung (WESTERN GOLD) (T-278/10 RENV) (cf. points 36, 37)

En vertu de l’article 266, paragraphe 1, TFUE, il incombe à la Commission de tirer les conséquences nécessaires de l’annulation de la décision attaquée en tenant compte non seulement du dispositif du présent arrêt, mais également des motifs qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif.

Arrêt du 14 juillet 2016, Lettonie / Commission (T-661/14) (cf. point 90)



Arrêt du 27 juin 2013, Beifa Group / OHMI - Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instruments d'écriture) (T-608/11) (cf. point 33)

Arrêt du 3 février 2017, Kessel medintim / EUIPO - Janssen-Cilag (Premeno) (T-509/15) (cf. point 32)

Arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat / Conseil (T-346/15) (cf. point 35)

Arrêt du 13 décembre 2018, Schubert e.a. / Commission (T-530/16) (cf. points 115, 118)

Arrêt du 13 décembre 2018, Carpenito / Conseil (T-543/16 et T-544/16) (cf. points 109, 110)

Arrêt du 13 décembre 2018, Haeberlen / ENISA (T-632/16) (cf. points 126, 127)

Arrêt du 10 octobre 2019, Société des produits Nestlé / EUIPO - European Food (FITNESS) (T-536/18) (cf. point 35)

Ordonnance du 5 août 2020, Malacalza Investimenti / BCE (T-552/19 OP) (cf. point 24)



Arrêt du 14 juillet 2021, Veronese / EUIPO - Veronese Design Company (VERONESE) (T-749/20) (cf. points 29, 30)



Arrêt du 17 novembre 2021, Société des produits Nestlé / EUIPO - Amigüitos pets & life (THE ONLY ONE by alphaspirit wild and perfect) (T-616/20) (cf. points 36, 37)



Arrêt du 11 octobre 2023, Chypre / EUIPO - Fontana Food (GRILLOUMI) (T-415/22) (cf. point 27)

6. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Point de droit constituant un obiter dictum prononcé au-delà des limites du litige porté devant le juge de l'Union - Exclusion

Le principe de l’autorité de la chose jugée revêt une importance fondamentale, tant dans l’ordre juridique de l'Union que dans les ordres juridiques nationaux. L'autorité de chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause.

Lorsque le juge de l'Union doit se limiter à déterminer le contenu d'une déclaration faite par une entreprise, pour constater que ladite déclaration vise à opérer un transfert de responsabilité du comportement infractionnel d'une entreprise à une autre, juger de la légalité de cette opération constitue un obiter dictum prononcé au-delà des limites du litige porté devant le juge de l'Union, ne tranchant ni effectivement ni nécessairement un point de droit. Il est, dès lors, insusceptible d’être revêtu de l’autorité de la chose jugée.

Arrêt du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta / Commission (C-352/09 P, Rec._p._I-2359) (cf. points 123, 131-132)

7. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Annulation partielle du règlement nº 983/2008

Afin d'éviter que l'effet rétroactif de l'annulation partielle du règlement nº 983/2008, relatif à l'adoption d'un plan portant attribution aux États membres de ressources imputables à l'exercice 2009 pour la fourniture de denrées alimentaires provenant des stocks d'intervention au bénéfice des personnes les plus démunies de la Communauté, annulation qui ne concerne que l'article 2 et l'annexe II dudit règlement, seules dispositions prévoyant le versement d'allocations aux États membres pour l'achat de produits sur le marché, ne crée une obligation de remboursement pour les États membres ayant bénéficié de telles allocations, il y a lieu de décider que cette annulation partielle n'affecte pas la validité des allocations déjà effectuées.

Arrêt du 13 avril 2011, Allemagne / Commission (T-576/08, Rec._p._II-1578) (cf. points 141-143)

8. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire et d'une décision renouvelant ces mesures - Prise d'effet de la décision d'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci - Application par analogie de ce délai à la prise d'effet de l'annulation de la décision

En vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Le Conseil dispose donc d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification d'un arrêt du Tribunal annulant, pour autant qu'il concerne un requérant, un règlement infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire, pour remédier à la violation constatée en adoptant, le cas échéant, une nouvelle mesure restrictive à l’égard dudit requérant.

Par ailleurs, l’article 264, second alinéa, TFUE, en vertu duquel le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs, est susceptible de s’appliquer, par analogie, également à une décision lorsqu’il existe d’importants motifs de sécurité juridique, comparables à ceux qui interviennent en cas d’annulation de certains règlements, justifiant que le juge de l’Union exerce le pouvoir que lui confère, dans ce contexte, l’article 264, second alinéa, TFUE.

Or, l'existence d'une différence entre la date d'effet de l'annulation du règlement nº 25/2011, modifiant le règlement nº 560/2005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire, et celle de la décision 2011/18, modifiant la décision 2010/656 renouvelant les mesures restrictives instaurées à l'encontre de la Côte d'Ivoire, annulée, pour autant qu'elle concerne le même requérant, par le même arrêt du Tribunal, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant audit requérant des mesures identiques. Les effets de la décision 2011/18 doivent donc être maintenus en ce qui concerne ledit requérant jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement nº 25/2011.

Arrêt du 8 juin 2011, Bamba / Conseil (T-86/11, Rec._p._II-2749) (cf. points 58-59)

9. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire et d'une décision renouvelant ces mesures - Prise d'effet de la décision d'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci - Application de ce délai à la prise d'effet de l'annulation de la décision



Arrêt du 16 septembre 2011, Kadio Morokro / Conseil (T-316/11, Rec._p._II-293*) (cf. points 38-39)

10. Recours en annulation - Compétence du juge de l'Union - Conclusions tendant à obtenir une injonction adressée à une institution - Accès aux documents - Irrecevabilité

Le Tribunal ne peut adresser une injonction aux institutions ou se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce. Cette limitation du contrôle de légalité s’applique dans tous les domaines contentieux que le Tribunal est susceptible de connaître, y compris celui de l’accès aux documents.

Arrêt du 26 octobre 2011, Dufour / BCE (T-436/09, Rec._p._II-7727) (cf. point 39)

11. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de concurrence - Effets à l'égard des destinataires n'ayant pas introduit de recours - Absence



Arrêt du 16 novembre 2011, Kendrion / Commission (T-54/06, Rec._p._II-393*) (cf. point 119)

Arrêt du 16 novembre 2011, Groupe Gascogne / Commission (T-72/06, Rec._p._II-400*) (cf. point 20)

Arrêt du 16 septembre 2013, Galp Energia España e.a. / Commission (T-462/07) (cf. point 90)

Arrêt du 8 mai 2019, Lucchini / Commission (T-185/18) (cf. points 33, 34)

12. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Règlement instituant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Annulation partielle pour violation de l'obligation de motivation - Nécessité de sauvegarder une éventuelle justification desdites mesures quant au fond - Maintien des effets dudit règlement pendant une période permettant l'éventuel remplacement de ce dernier

Dans la mesure où le règlement nº 961/2010, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement nº 423/2007, doit être annulé pour autant qu'il concerne une entité visée par une décision de gel des fonds prise conformément à l'article 16, paragraphe 2, dudit règlement, en raison d'une violation de l'obligation de motivation, il ne saurait être exclu que, sur le fond, l'imposition des mesures restrictives à ladite entité puisse tout de même s'avérer justifiée.

Ainsi, l'annulation du règlement nº 961/2010, pour autant qu'il concerne cette entité, avec effet immédiat est susceptible de porter une atteinte sérieuse et irréversible à l'effícacité des mesures restrictives qu'impose ce règlement, dès lors que, dans l'intervalle précédant son éventuel remplacement par un nouvel acte, ladite entité pourrait adopter des comportements visant à contourner l'effet des mesures restrictives ultérieures.

Dès lors, il y a lieu, en vertu de l'article 264 TFUE et de l'article 41 du statut de la Cour de justice, de maintenir les effets du règlement nº 961/2010 en ce qu'il inclut le nom de cette entité dans la liste constituant l'annexe VIII de celui-ci pendant une période ne pouvant excéder deux mois à compter de la date du prononcé de l'arrêt.

Arrêt du 7 décembre 2011, HTTS / Conseil (T-562/10, Rec._p._II-8087) (cf. points 41-43)

13. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement et d'une décision concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Prise d'effet de l'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci - Application de ce délai à la prise d'effet de l'annulation de la décision

En vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Le Conseil dispose donc d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification de l'arrêt, pour remédier à la violation constatée en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard des entités concernées. Or, le risque d’une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose le règlement nº 961/2010, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement nº 423/2007, n’apparaît pas suffisamment élevé, compte tenu de l’importante incidence de ces mesures sur les droits et les libertés des entités concernées, pour justifier le maintien des effets dudit règlement à l’égard de ces dernières pendant une période allant au-delà de celle prévue à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour.

Par ailleurs, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Or, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation du règlement nº 961/2010 et celle de la décision 2010/413, concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, telle que modifiée par la décision 2010/644, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant aux requérants des mesures identiques. Les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée, doivent donc être maintenus en ce qui concerne les requérants jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement nº 961/2010.

Arrêt du 21 mars 2012, Fulmen / Conseil (T-439/10 et T-440/10) (cf. points 106-107)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 11 décembre 2012, Sina Bank / Conseil (T-15/11) (cf. points 84-89)

Arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran / Conseil (T-494/10) (cf. points 118-119, 125-126)

Arrêt du 6 septembre 2013, Bank Refah Kargaran / Conseil (T-24/11) (cf. points 87, 88)

Voir le texte de la décision

Arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a. / Conseil (T-489/10) (cf. point 82)



Arrêt du 6 septembre 2013, Export Development Bank of Iran / Conseil (T-4/11 et T-5/11) (cf. points 127, 128)

Arrêt du 22 janvier 2015, Ocean Capital Administration e.a. / Conseil (T-420/11 et T-56/12) (cf. points 75-77)

Arrêt du 15 septembre 2015, Iralco / Conseil (T-158/13) (cf. points 56-59)

Arrêt du 8 juillet 2020, Neda Industrial Group / Conseil (T-490/18) (cf. points 136, 138)

14. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Maintien des effets de la décision jusqu'au remplacement de cette dernière dans un délai raisonnable - Justification tirée de motifs de sécurité juridique

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 5 septembre 2012, Parlement / Conseil (C-355/10) (cf. points 88-90)

15. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Maintien des effets de l'acte attaqué jusqu'au remplacement de ce dernier dans un délai raisonnable - Justification tirée de motifs de sécurité juridique

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 septembre 2012, Parlement / Conseil (C-490/10) (cf. points 89, 91-93, disp. 2)

Arrêt du 22 octobre 2013, Commission / Conseil (C-137/12) (cf. points 78-81)

Arrêt du 6 mai 2014, Commission / Parlement et Conseil (C-43/12) (cf. points 53-56)

Arrêt du 28 juillet 2016, Conseil / Commission (C-660/13) (cf. points 50, 51)

Arrêt du 25 octobre 2017, Commission / Conseil (Arrangement de Lisbonne révisé) (C-389/15) (cf. points 80, 81)

La décision 2012/19, relative à l’approbation, au nom de l’Union européenne, de la déclaration relative à l’attribution de possibilités de pêche dans les eaux de l’Union européenne à des navires de pêche battant pavillon de la République bolivarienne du Venezuela, dans la zone économique exclusive située au large des côtes de la Guyane française, autorisant la République bolivarienne du Venezuela à exploiter le reliquat du volume admissible des captures dans la zone économique exclusive de la Guyane, vise à assurer la continuité des débarquements effectuées par les navires battant pavillon vénézuélien en Guyane, puisque l’industrie de transformation installée dans ce département est tributaire de ces débarquements. L’annulation avec effet immédiat de ladite décision serait susceptible d’affecter une telle continuité en entraînant ainsi des conséquences négatives graves pour les opérateurs économiques concernés. Par conséquent, eu égard à l’existence d’importants motifs de sécurité juridique, il y a lieu de maintenir les effets de cette décision jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable, d’une nouvelle décision fondée sur la base juridique appropriée.

Arrêt du 26 novembre 2014, Parlement et Commission / Conseil (C-103/12 et C-165/12) (cf. points 91-93, disp. 2)

Les effets d’un acte attaqué dans le cadre d’un recours devant la Cour de justice peuvent être maintenus pour des motifs de sécurité juridique, notamment lorsque les effets immédiats de l’annulation de cet acte entraîneraient des conséquences négatives graves et que la légalité d’un tel acte est contestée non pas en raison de son but ou de son objet, mais pour des motifs d’incompétence de son auteur ou de violation des formes substantielles.

Il en va ainsi de la décision 2011/708, concernant la signature, au nom de l’Union, et l’application provisoire de l’accord de transport aérien conclu entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, l’Union européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement, dont l’annulation avec effet immédiat serait susceptible d’entraîner de graves conséquences sur les relations de l’Union avec les États tiers concernés ainsi que sur les opérateurs économiques qui exercent leur activité sur le marché du transport aérien et qui ont pu bénéficier de l’application provisoire dudit accord.

Arrêt du 28 avril 2015, Commission / Conseil (C-28/12) (cf. points 60, 61)

Eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un acte annulé peuvent être maintenus notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves pour les personnes concernées et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs d’incompétence de son auteur ou de violation des formes substantielles. Ces motifs incluent, en particulier, l’erreur commise quant à la base juridique de l’acte contesté.

Or, dans la mesure où le règlement nº 1243/2012, modifiant le règlement nº 1342/2008 établissant un plan à long terme pour les stocks de cabillaud et les pêcheries exploitant ces stocks, poursuit l’objectif d’assurer la conservation et l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche, son annulation avec effet immédiat serait susceptible d’avoir de graves conséquences pour la réalisation de cette politique et pour les opérateurs économiques concernés.

Il y a lieu, par conséquent, de maintenir les effets de ce règlement jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait excéder douze mois à compter du 1er janvier de l’année suivant la date du prononcé du présent arrêt, d’un nouveau règlement fondé sur la base juridique appropriée.

Arrêt du 1er décembre 2015, Parlement / Conseil (C-124/13 et C-125/13) (cf. points 86, 88, 90)

Eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un acte annulé par la Cour peuvent être maintenus notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves pour les personnes concernées et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs d’incompétence de son auteur ou de violation des formes substantielles. Ces motifs incluent, en particulier, l’erreur commise quant à la base juridique de l’acte contesté.

À cet égard, dans la mesure où les articles 7 du règlement nº 1308/2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles, et 2 du règlement nº 1370/2013, établissant les mesures relatives à la fixation de certaines aides et restitutions liées à l'organisation commune des marchés des produits agricoles, fixent les prix auxquels l’intervention publique doit être effectuée et où cette dernière vise à garantir la stabilité des marchés et à assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, leur annulation avec effet immédiat serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour les personnes concernées. Dans ces conditions, il existe d’importants motifs de sécurité juridique justifiant que la Cour accède à une demande tendant au maintien des effets de l’article 7 du règlement nº 1308/2013 et de l’article 2 du règlement nº 1370/2013.

Arrêt du 7 septembre 2016, Allemagne / Parlement et Conseil (C-113/14) (cf. points 81, 83, 84)

Dans l’arrêt Suède/Commission (T-837/16), rendu le 7 mars 2019, le Tribunal a annulé une décision par laquelle la Commission avait autorisé certaines utilisations du jaune de sulfochromate de plomb (C. I. Pigment Yellow 34) et du rouge de chromate, de molybdate et de sulfate de plomb (C. I. Pigment Red 104) conformément au règlement nº 1907/2006{1}. Cette autorisation avait été demandée par DDC Maastricht BV en vue notamment de l’utilisation de ces deux pigments dans des peintures pour les surfaces métalliques et pour le marquage routier. La décision d’autorisation de la Commission européenne, qui constatait entre autres l’indisponibilité de solutions de remplacement pour ces deux pigments, a été contestée devant le Tribunal par le Royaume de Suède, soutenu par le Royaume de Danemark, la République de Finlande et le Parlement européen.

En premier lieu, le Tribunal a constaté que, s’agissant des chromates de plomb en cause en l’espèce, il était constant qu’il n’était pas possible de déterminer un niveau dérivé sans effet pour les propriétés cancérogènes ou pour les propriétés toxiques pour la reproduction et que, par conséquent, la base juridique susceptible de permettre l’autorisation de ces substances extrêmement préoccupantes ne pouvait être que l’article 60, paragraphe 4, du règlement nº 1907/2006. La décision attaquée est fondée sur cette disposition.

En deuxième lieu, le Tribunal a apporté quelques précisions quant à la répartition des tâches qui incombent aux acteurs impliqués dans le cadre de la procédure d’autorisation visée à l’article 60, paragraphe 4, du règlement nº 1907/2006. Ainsi, il incombe à la seule Commission de vérifier si les conditions prévues à cette disposition sont remplies. Dans le cadre de l’analyse socio-économique et de l’analyse des solutions de remplacement appropriées, la Commission est tenue de prendre en compte les avis des comités de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) tels que visés à l’article 64, paragraphe 1, du règlement nº 1907/2006. Même si elle n’est pas liée par avis, Dans le cas où elle décide de s’écarter de manière substantielle d’un point de vue technique ou économique exprimé dans un tel avis, la Commission est tenue de motiver spécifiquement son appréciation.

En troisième lieu, le Tribunal a clarifié davantage la notion de « solutions de remplacement ». Il résulte de l’article 64, paragraphe 4, de l’article 60, paragraphe 5, et du considérant 69 du règlement nº 1907/2006 qu’une « solution de remplacement » constitue une « substance » ou une « technologie de remplacement » qui n’est pertinente aux fins de la procédure d’autorisation prévue dans le règlement nº 1907/2006 que dans la mesure où elle est « appropriée ». S’agissant de ce terme, il tend à circonscrire le nombre de solutions de remplacement pertinentes aux solutions les « plus sûres », à savoir les substances ou les technologies dont l’utilisation entraîne un risque moindre par rapport au risque qu’entraîne l’utilisation de la substance extrêmement préoccupante concernée. De plus, ce terme signifie qu’il ne doit pas uniquement s’agir d’une solution de remplacement in abstracto ou réalisée dans des conditions de laboratoire ou encore dans des conditions qui ne revêtent qu’un caractère exceptionnel. En outre, dans le contexte d’une procédure socio-économique, il doit également être déterminé si les solutions de remplacement, qui ont été démontrées lors de la procédure d’autorisation, sont techniquement et économiquement faisables « pour le demandeur » de l’autorisation. Enfin, s’il est démontré que les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance en cause pour la santé humaine ou l’environnement, une autorisation peut être accordée si le demandeur présente un plan de remplacement au sens de l’article 60, paragraphe 4, sous c), de ce règlement.

En quatrième lieu, s’agissant de la charge de la preuve, le Tribunal a considéré que, s’il appartient certes au demandeur de l’autorisation de démontrer qu’aucune solution de remplacement n’est disponible, il incombe à la Commission d’établir si l’ensemble des faits pertinents et des appréciations techniques et économiques s’y rapportant permettent de conclure que les conditions prévues à cette disposition sont effectivement remplies. Par conséquent, il appartient à la Commission, conformément à son devoir de diligence, d’examiner la condition concernant l’indisponibilité de solutions de remplacement de manière approfondie. Si, au terme de l’examen concernant la condition liée à l’indisponibilité de solutions de remplacement, il demeure encore des incertitudes liées à l’évaluation scientifique, il y a lieu de conclure que, en principe, ladite condition n’est pas remplie et que la Commission n’est, partant, pas en droit d’octroyer une autorisation, même conditionnelle.

En l’espèce, le Tribunal a constaté que les informations fournies par des tiers lors de la procédure d’adoption de la décision attaquée démontraient que, à tout le moins, en ce qui concerne certaines utilisations, il n’était pas justifié de constater l'indisponibilité des solutions de remplacement. En effet, selon le Tribunal, à la date de l’adoption de la décision attaquée, l’examen, par la Commission, de la condition liée à l’indisponibilité de solutions de remplacement, telle que prévue à l’article 60, paragraphe 4, du règlement nº 1907/2006, n’avait pas été dûment achevé. Dès lors, à cette même date, l’autorisation en cause en l’espèce ne pouvait pas encore être octroyée.

{1 Règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) nº 793/93 du Conseil et le règlement (CE) nº 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1 et rectificatif JO 2007, L 136, p. 3).}

Arrêt du 7 mars 2019, Suède / Commission (T-837/16) (cf. points 109-112)

L’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part (ci-après l'« accord de partenariat avec l’Arménie »), a été signé le 24 novembre 2017{1}. Cet accord prévoit la création d’un conseil de partenariat et d’un comité de partenariat, ainsi que la possibilité de créer des sous-comités et d’autres organes. Il prévoit également que le conseil de partenariat arrête son règlement intérieur et définit dans celui-ci la mission et le fonctionnement du comité de partenariat.

La Commission européenne et la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont conjointement adopté le 29 novembre 2018, conformément à l’article 218, paragraphe 9, TFUE, une proposition de décision du Conseil de l’Union européenne relative à la position à prendre au nom de l’Union au sein du conseil de partenariat concernant l’adoption des décisions relatives aux règlements intérieurs de ce conseil de partenariat, ainsi que du comité de partenariat, des sous-comités et de tout autre organe spécialisé. Dans sa proposition modifiée du 19 juillet 2019, la Commission a supprimé la référence à l’article 37 TUE, ayant trait à la conclusion d’accords dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), en tant que base juridique matérielle. Le Conseil a scindé ladite proposition de décision en deux décisions distinctes. Il a ainsi adopté, d’une part, la décision 2020/245, destinée à assurer l’application de l’accord de partenariat, à l’exception de son titre II, et s’appuyant sur les bases juridiques matérielles constituées par les articles 91, 207 et 209 TFUE, en matière de transports, de commerce et de développement. D’autre part, il a adopté la décision 2020/246, destinée à assurer l’application du titre II de cet accord, portant sur la coopération dans le domaine de la PESC, fondée sur une base juridique matérielle constituée du seul article 37 TUE. Alors que la décision 2020/245 a été adoptée à la majorité qualifiée, la décision 2020/246 l’a été à l’unanimité. La Commission a contesté, devant la Cour, la scission en deux décisions de l’acte du Conseil, le choix de l’article 37 TUE comme base juridique de la décision 2020/246, ainsi que de la règle de vote qui en avait découlé, et a demandé, en conséquence, l’annulation des deux décisions du Conseil.

La Cour, en formation de grande chambre, annule les décisions du Conseil 2020/245 et 2020/246. Elle juge que, si l’accord de partenariat présente certains liens avec la PESC, les éléments ou déclarations d’intention qu’il inclut et qui se rattachent à celle-ci ne suffisent cependant pas à constituer une composante autonome de cet accord susceptible de justifier que la décision 2020/246 soit fondée sur l’article 37 TUE en tant que base juridique matérielle et sur l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE en tant que base juridique procédurale. Elle juge également que, dans ces circonstances, rien ne justifiait de scinder en deux décisions l’acte relatif à la position à prendre par l’Union au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat avec l’Arménie.

Appréciation de la Cour

À titre liminaire, la Cour rappelle que, en vertu de l’article 218, paragraphe 8, TFUE, le Conseil statue, en règle générale, à la majorité qualifiée et que c’est uniquement dans les cas exposés au second alinéa de cette disposition qu’il statue à l’unanimité. Dans ces conditions, la règle de vote applicable doit, dans chaque cas d’espèce, être déterminée selon qu’elle relève ou non des cas prévus au second alinéa du paragraphe 8 de l’article 218 TFUE, le choix de la base juridique matérielle de la décision concernée devant se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte.

La Cour rappelle à cet égard que, si l’examen d’un acte de l’Union démontre que ce dernier poursuit une double finalité ou a une double composante et si l’une de celles-ci est identifiable comme étant principale ou prépondérante, tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante. En l’espèce, si les décisions attaquées concernent formellement des titres différents de l’accord de partenariat, la Cour observe que le domaine dont elles relèvent et, ainsi, la base juridique de l’action externe de l’Union en cause doivent être appréciés au regard de l’accord dans son ensemble, ces décisions concernant, de manière générale, le fonctionnement des instances internationales créées sur le fondement de l’accord de partenariat avec l’Arménie. Au demeurant, l’adoption de deux décisions distinctes du Conseil, fondées sur des bases juridiques différentes, mais qui visent à établir la position unique à prendre au nom de l’Union sur le fonctionnement des organes établis par cet accord, ne saurait se justifier que si l’accord, considéré dans son ensemble, comporte des composantes distinctes correspondant aux différentes bases juridiques utilisées pour l’adoption desdites décisions.

À cet égard, la Cour souligne que la qualification d’un accord en tant qu’accord de coopération au développement doit être faite en considération de l’objet essentiel de celui-ci et non en fonction de ses clauses particulières. Or, si certaines dispositions du titre II de l’accord de partenariat avec l’Arménie portent sur des sujets susceptibles de relever de la PESC et réaffirment la volonté des parties de collaborer entre elles en la matière, ces dispositions sont néanmoins peu nombreuses dans l’accord et se limitent, pour l’essentiel, à des déclarations de nature programmatique décrivant seulement les relations existant entre les parties contractantes et leurs intentions communes pour l’avenir.

La Cour constate ensuite, s’agissant des finalités de l’accord, que celui-ci vise principalement à établir le cadre de la coopération en matière de transports, de commerce et de développement avec l’Arménie. Dans ce contexte, la Cour relève qu’exiger qu’un accord de coopération au développement soit également fondé sur une disposition autre que celle relative à cette politique chaque fois qu’il affecterait une matière spécifique serait de nature à vider de leur substance la compétence et la procédure prévues à l’article 208 TFUE. En l’occurrence, si certains des buts spécifiques visant à renforcer le dialogue politique sont certes susceptibles d’être rattachés à la PESC, la Cour observe que l’énumération de ces buts spécifiques n’est assortie d’aucun programme d’action ou de modalités concrètes de coopération qui seraient de nature à établir que la PESC constitue l’une des composantes distinctes de ce même accord, en marge des aspects liés au commerce et à la coopération au développement.

Enfin, si un élément de contexte dans lequel un acte s’insère, tel que, en l’espèce, le conflit du Haut-Karabakh, peut également être pris en compte afin de déterminer la base juridique dudit acte, la Cour constate que l’accord de partenariat avec l’Arménie n’envisage aucune mesure concrète ou spécifique en vue de faire face à cette situation mettant en jeu la sécurité internationale.

Au vu de qui précède, la Cour annule la décision 2020/246, dès lors que celle-ci a été erronément fondée sur une base juridique matérielle composée de l’article 37 TUE. S’agissant de la décision 2020/245, la Cour l’annule également. En effet, il ressort de son considérant 10 et de son article 1er que cette décision ne concerne pas la position à prendre au nom de l’Union au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat avec l’Arménie en tant que cette position a trait à l’application du titre II de cet accord. Or, les dispositions que comprend ce titre ne constituent pas une composante distincte dudit accord, qui imposait au Conseil de se fonder, entre autres, sur l’article 37 TUE et sur l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE en vue d’établir cette même position. Dès lors rien ne justifiait que le Conseil exclue de l’objet de la décision 2020/245 la position en question, en ce qu’elle a trait à l’application du titre II du même accord, et adopte une décision distincte au titre de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, ayant pour objet d’établir ladite position en ce qu’elle a trait à cette même application.

La Cour décide néanmoins, dans un objectif de sécurité juridique, de maintenir les effets des décisions annulées, en attendant l’adoption par le Conseil d’une nouvelle décision conforme à l’arrêt.

{1} Décision (UE) 2018/104 relative à la signature, au nom de l’Union, et à l’application provisoire de l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part (JO 2018, L 23, p. 1).

Arrêt du 2 septembre 2021, Commission / Conseil (Accord avec l’Arménie) (C-180/20) (cf. points 61-64)

Saisie d’une demande en annulation, par la Commission européenne, de l’article 2 de la décision 2021/1117, relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire du protocole de mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République gabonaise et la Communauté européenne{1}, ainsi que de la désignation, par le Conseil de l’Union européenne, de la personne habilitée à signer ce protocole, la Cour, réunie en grande chambre, annule tant cette disposition que la désignation effectuée sur la base de cette dernière. Elle relève que l’article 218, paragraphe 5, TFUE, fait mention d’une compétence du Conseil pour autoriser la signature et l’application provisoire d’un accord international, mais pas pour désigner le signataire de celui-ci, la Commission étant compétente pour assurer la signature de cet accord, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE{2}.

Le 22 octobre 2015, le Conseil a adopté, sur recommandation de la Commission, une décision autorisant celle-ci à conduire, au nom de l’Union, des négociations avec la République gabonaise en vue d’un renouvellement, pour la période 2021-2026, du protocole de mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l’Union européenne et la République gabonaise. Il était précisé, à l’article 2 de la proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l’application provisoire du protocole de mise en œuvre de l’accord, présentée par la Commission, que le secrétariat général du Conseil établissait « l’instrument de pleins pouvoirs autorisant la personne indiquée par la Commission à signer ledit protocole, sous réserve de sa conclusion ». L’article 2 de la décision 2021/1117 dispose que « [l]e président du Conseil est autorisé à désigner la ou les personnes habilitées à signer le protocole au nom de l’Union. » La République du Portugal exerçant alors la présidence tournante du Conseil, ce dernier désigna finalement le représentant permanent de cet État membre auprès de l’Union comme personne habilitée à signer le protocole au nom de l’Union{3}.

La Commission demande à la Cour l’annulation de l’article 2 de la décision 2021/1117 au motif, notamment, d’une violation de l’article 17, paragraphe 1, TUE, lu en combinaison avec l’article 13, paragraphes 1 et 2, TUE{4}.

Appréciation de la Cour

La Cour rappelle, en premier lieu, que, conformément à la répartition des compétences prévue à l’article 17, paragraphe 1, TUE, ainsi qu’à l’article 218, paragraphes 2 et 5, TFUE, il appartient au Conseil, sur proposition du négociateur, d’autoriser la signature d’un accord international au nom de l’Union, acte qui participe de la définition des politiques de l’Union et d’élaboration de l’action extérieure de celle-ci, au sens de l’article 16, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 6, troisième alinéa, TUE. Cependant, la décision autorisant la signature d’un accord international n’inclut pas l’acte ultérieur consistant en la signature même de cet accord. En effet, cette signature doit, à la suite de l’autorisation, être apposée après qu’ont été effectuées toutes les démarches nécessaires à cette fin, notamment à l’égard du pays tiers concerné. Parmi ces démarches figure l’émission des pleins pouvoirs portant désignation de la personne habilitée à signer l’accord au nom de l’Union. À cet égard, la Cour souligne que cette désignation n’exige pas une appréciation qui relève de la « définition des politiques » de l’Union ou des fonctions de « coordination » ou de l’« élabor[ation] de l’action extérieure » de celle-ci, au sens de l’article 16, paragraphes 1 et 6, TUE et ne participe, dès lors, pas de l’appréciation politique sous-tendant une telle décision, au terme de laquelle cette institution a consenti aux effets juridiques qui seront produits par la signature selon les règles pertinentes du droit international.

En deuxième lieu, quant au point de savoir si la désignation du signataire est un acte qui « assure la représentation extérieure de l’Union », au sens de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE, la Cour relève que, selon son sens habituel, la notion juridique de « représentation » implique une action au nom d’un sujet auprès d’un tiers, une telle action pouvant être une manifestation de volonté de ce sujet à l’égard de ce tiers. Or, l’apposition, par la personne désignée à cette fin, de sa signature sur un accord international au nom de l’Union exprime justement la manifestation de la volonté de l’Union, telle que définie par le Conseil, à l’égard du pays tiers avec lequel cet accord a été négocié. Ainsi, le libellé de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE, selon lequel la Commission « assure la représentation extérieure de l’Union », tend à établir que cette disposition confère à la Commission le pouvoir de prendre, en dehors de la politique étrangère de sécurité commune (PESC) et à moins que les traités ne prévoient, sur ce point, une répartition différente des compétences, toute action qui, à la suite de la décision du Conseil portant autorisation de la signature d’un accord international au nom de l’Union, assure que cette signature soit apposée.

La Cour constate, en troisième lieu, que cette interprétation littérale de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE s’inscrit dans la ligne du droit international coutumier{5}, selon lequel toute personne désignée dans un document émanant de l’autorité compétente d’un État ou de l’organe compétent d’une organisation internationale pour accomplir l’acte de signature doit être considérée, en vertu de ces pleins pouvoirs, comme représentant cet État ou cette organisation internationale. Dès lors, l’apposition, par une telle personne, de sa signature sur un accord international au nom de l’Union relève, sous l’angle des règles du droit international coutumier, de la « représentation » de cette dernière. De ce fait, il y a lieu de considérer, au regard de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE, que les démarches nécessaires aux fins de la signature d’un accord international, dont celle consistant à désigner le signataire, après que cette signature a été autorisée par le Conseil, relèvent, en dehors de la PESC, de la compétence de la Commission d’« assurer la représentation extérieure de l’Union », à moins que le traité UE ou le traité FUE n’attribue la compétence d’organiser cette signature à une autre institution de l’Union.

La Cour précise à cet égard que, contrairement à l’article 218, paragraphe 3, TFUE, lequel confère au Conseil, en ce qui concerne la négociation d’accords internationaux, la compétence non seulement pour autoriser l’ouverture des négociations mais également pour désigner le négociateur ou le chef de l’équipe de négociation de l’Union, l’article 218, paragraphe 5, TFUE fait mention d’une compétence du Conseil pour autoriser la signature et l’application provisoire de l’accord international et non d’une compétence pour désigner le signataire de celui-ci, de sorte que cette dernière disposition ne comporte pas de dérogation à l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE. Il s’ensuit que, dans le cas où le Conseil a autorisé la signature d’un accord international qui ne relève pas de la PESC ou d’« autres cas prévus par les traités », il appartient à la Commission, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE, d’assurer la signature même de cet accord. La Cour observe à ce sujet que, bien que le Conseil ait continué, après l’entrée en vigueur des traités UE et FUE, à désigner les signataires des accords internationaux, une pratique, même constante, ne saurait modifier les règles des traités que les institutions sont tenues de respecter.

En quatrième et dernier lieu, la Cour rappelle que la Commission doit également, conformément à l’article 17, paragraphe 1, première phrase, TUE, exercer sa compétence relative à la signature des accords internationaux dans l’intérêt général de l’Union et qu’elle est tenue de respecter l’obligation de coopération loyale énoncée à l’article 13, paragraphe 2, TUE.

{1} Décision (UE) 2021/1117 du Conseil, du 28 juin 2021, relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire du protocole de mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République gabonaise et la Communauté européenne (2021-2026) (JO 2021, L 242, p. 3).

{2} L’article 17, paragraphe 1, TUE prévoit : « La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des fonctions de coordination, d’exécution et de gestion conformément aux conditions prévues par les traités. À l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par les traités, elle assure la représentation extérieure de l’Union. Elle prend les initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de l’Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels. »

{3} Le 29 juin 2021, ce représentant permanent a signé le protocole au nom de l’Union. Le 30 juin 2021, la Commission et les États membres ont été informés de cette signature et de l’application provisoire du protocole à compter du 29 juin 2021.

{4} L’article 13, paragraphe 2, TUE, prévoit : « Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. Les institutions pratiquent entre elles une coopération loyale. »

{5} Tel que codifié à l’article 2, paragraphe 1, sous c), et à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331).

Arrêt du 9 avril 2024, Commission / Conseil (Signature d’accords internationaux) (C-551/21) (cf. points 86-89)



Ordonnance du 11 mars 2016, Binca Seafoods / Commission (T-94/15) (cf. point 78)

16. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif - Décision de la Commission adoptée postérieurement à l'annulation d'une première décision pour défaut de motivation



Arrêt du 27 septembre 2012, Italie / Commission (T-257/10) (cf. points 104, 111, 114)

17. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Adoption d'un nouvel acte sur le fondement des actes préparatoires antérieurs - Admissibilité

Par décision du 17 décembre 2002, la Commission européenne a constaté que huit entreprises et une association d’entreprises avaient violé l’article 65, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ci-après « CA »), en participant, entre décembre 1989 et juillet 2000, à une entente sur le marché italien des ronds à béton ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation et le contrôle de la production (ci-après la « première décision »){1}.

Le Tribunal a annulé cette décision, au motif que sa base juridique, à savoir l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de son adoption, le traité CA ayant expiré le 23 juillet 2002{2}. En conséquence, la Commission a adopté une nouvelle décision, les 30 septembre et 8 décembre 2009, constatant la même infraction mais basée sur le traité CE et le règlement (CE) no 1/2003{3} (ci-après la « deuxième décision »){4}.

Cette deuxième décision, confirmée par le Tribunal par arrêts du 9 décembre 2014 (ci-après les « arrêts du 9 décembre 2014 »){5}, a été annulée par la Cour. Selon cette dernière, le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas tenue d’organiser une nouvelle audition dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la deuxième décision{6}, l’omission d’une telle audition constituant une violation des formes substantielles. Ainsi, la Cour a considéré que la première audition organisée en vue de l’adoption de la première décision n’était pas conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, dans la mesure où les autorités de concurrence des États membres n’y avaient pas participé. La Cour avait donc intégralement annulé les arrêts du 9 décembre 2014.

En reprenant la procédure au point où l’illégalité avait été constatée par la Cour, la Commission a organisé une nouvelle audition et constaté, par décision du 4 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »){7}, à nouveau l’infraction faisant l’objet de la deuxième décision. Toutefois, en raison de la durée de la procédure , une réduction de 50 % de toutes les amendes infligées aux entreprises destinataires a été octroyée.

Quatre des huit entreprises concernées, à savoir Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holdings SpA et Ferriere Nord SpA (ci-après les « requérantes »), ont introduit des recours en annulation de la décision attaquée, qui leur imposait des sanctions allant de 2,2 à 5,1 millions d’euros{8}. Ces recours sont tous rejetés par la quatrième chambre élargie du Tribunal , qui, dans ce cadre, clarifie les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque trente ans après le début des faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable. Le Tribunal se prononce également sur la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription en matière d’imposition d’amendes ainsi que sur les conditions de prise en compte de la récidive dans le calcul des amendes .

Appréciation du Tribunal

Dans les affaires T 655/19, T 656/19, T 657/19 et T 667/19, le Tribunal rejette le moyen tiré d’irrégularités dans l’organisation de la nouvelle audition par la Commission.

En rappelant que l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs ayant justifié l’annulation, le Tribunal confirme, en l’espèce, qu’il était loisible à la Commission de reprendre la procédure à partir de l’étape de l’audition.

Dans ce cadre, le Tribunal écarte, en premier lieu, l’argumentation des requérantes selon lesquelles l’impartialité des représentants des autorités de concurrence des États membres siégeant dans le comité consultatif n’était pas garantie lors de la nouvelle audition, dans la mesure où ces représentants connaissaient les première et deuxième décisions de la Commission ainsi que la position adoptée par le Tribunal dans les arrêts du 9 décembre 2014.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé. De même, les arrêts du Tribunal disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi . Par conséquent, tant les décisions de la Commission que les arrêts du 9 décembre 2014 avaient disparu, avec effet rétroactif, de l’ordre juridique de l’Union au moment où le comité consultatif a rendu son avis . En outre, la connaissance de la solution jurisprudentielle adoptée par la Cour dans son arrêt d’annulation étant inhérente à l’obligation de tirer les conséquences de cet arrêt, il ne saurait en être déduit un manque d’impartialité des autorités de concurrence concernées.

Le Tribunal rejette, en deuxième lieu, le grief selon lequel, en omettant d’inviter à l’audition diverses entités qui avaient joué un rôle important dans le cadre de l’instruction du dossier , la Commission avait affecté les droits de la défense des requérantes.

S’agissant plus particulièrement de l’absence des entités ayant renoncé à un stade antérieur de la procédure à contester la première ou la deuxième décision qui leur avait été adressée{9}, le Tribunal considère que, ladite décision étant devenue définitive à leur égard, la Commission n’a pas commis d’erreur en excluant ces entités de la nouvelle audition . En ce qui concerne l’absence d’une entité tierce dont le droit de participer à la procédure administrative avait été reconnu en 2002, le Tribunal estime que la Commission a correctement constaté que, dès lors que cette entité avait participé à la première audition mais ne s’était pas présentée à la deuxième organisée à l’occasion de l’adoption de la première décision , elle avait perdu son intérêt à intervenir une nouvelle fois.

En troisième lieu, le Tribunal écarte l’argumentation selon laquelle les changements intervenus, en raison du délai écoulé, dans l’identité des acteurs et la structure du marché empêchaient l’organisation d’une nouvelle audition dans des conditions équivalentes à celles qui prévalaient en 2002 . Selon le Tribunal, la Commission avait effectué une évaluation correcte en concluant, au vu des circonstances existantes au moment de la reprise de la procédure, que la poursuite de cette dernière constituait encore une solution appropriée.

Les moyens mettant en cause une violation du principe du délai raisonnable sont, quant à eux, rejetés. D’une part, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir examiné si l’adoption de la décision attaquée était encore compatible avec le principe du délai raisonnable . D’autre part, elles contestaient la durée de la procédure ayant conduit à l’adoption de celle-ci.

À cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que la Commission avait analysé la longueur de la procédure administrative avant d’adopter la décision attaquée, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées . Ainsi, elle avait respecté son obligation de prendre en compte les exigences découlant du principe du délai raisonnable lors de son appréciation de l’opportunité d’engager des poursuites et d’adopter une décision en application des règles de concurrence.

S’agissant de la durée de la procédure, le Tribunal relève, en second lieu, que le dépassement du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’une décision qu’à la double condition que la longueur de la procédure a été déraisonnable et que ce dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense .

Or, au regard de l’enjeu du litige pour les intéressés, de la complexité de l’affaire, du comportement des parties requérantes et de celui des autorités compétentes , la durée des phases administratives de la procédure n’avait pas été déraisonnable en l’espèce. Par ailleurs, la durée globale de la procédure était en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel liées au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur les différents aspects de l’affaire . En outre, dans la mesure où les requérantes avaient eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer leur point de vue et d’avancer leurs arguments au cours de l’entière procédure , leurs droits de la défense n’avaient pas été entravés.

Selon le Tribunal, la Commission avait également satisfait à son obligation de motivation au regard de la prise en compte de la durée de la procédure . Elle avait précisément justifié l’adoption d’une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées pour satisfaire à l’objectif de ne pas laisser impunies ces dernières et de les dissuader de la commission d’une infraction similaire à l’avenir.

Dans les affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal écarte également les moyens tirés de la violation du principe non bis in idem ainsi que ceux mettant en cause la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription énoncé à l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003.

Pour rappel, le principe non bis in idem interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours . En revanche, lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, ce principe ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel dès lors que les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.

À ce propos, le Tribunal note que tant la première que la deuxième décision avaient été annulées sans adoption d’une position définitive sur le fond. De plus, même si, dans ses arrêts du 9 décembre 2014, le Tribunal s’était prononcé sur les moyens de fond soulevés par les requérantes, ces arrêts avaient été intégralement annulés par la Cour. Par ailleurs, les sanctions infligées par la décision attaquée s’étaient substituées à celles imposées par la deuxième décision qui, elles-mêmes, avaient remplacé les sanctions infligées par la première décision . Le Tribunal en conclut que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’avait pas violé le principe non bis in idem.

En soulevant une exception d’illégalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription applicable, les requérantes contestaient, de plus, l’absence d’un délai maximal absolu, déterminé par le législateur de l’Union, au-delà duquel toute poursuite par la Commission serait exclue, nonobstant les éventuelles suspensions ou interruptions du délai de prescription initial.

Conformément à l’article 25 du règlement no 1/2003, le délai de prescription de cinq ans en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension . Selon le Tribunal, ce système résulte d’une conciliation réalisée par le législateur de l’Union entre deux objectifs distincts, à savoir, la nécessité d’assurer la sécurité juridique et l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, établissant et sanctionnant les infractions au droit de l’Union . Or, en effectuant cette mise en balance, le législateur de l’Union n’a pas dépassé la marge d’appréciation qui doit lui être reconnue dans ce cadre.

Pour le Tribunal, si le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union, il n’en reste pas moins que cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Dès lors, le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai . Par ailleurs, les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure à condition que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense. Lorsque ce dépassement ne donne pas lieu à une violation de tels droits, les justiciables peuvent alors introduire un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

Dans le cadre des affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal, exerçant sa compétence de pleine juridiction, estime qu’il convient de prendre en compte, aux fins de la détermination du montant des amendes infligées aux requérantes, l’atténuation de leur effet dissuasif du fait de la période de près de vingt ans écoulée entre la fin de l’infraction et l’adoption de la décision attaquée, confirmant ainsi, par substitution de motifs, la nécessité de prononcer une amende à l’encontre desdites requérantes. Il considère à cet égard que la réduction de 50 % dudit montant, telle qu’octroyée par la Commission, était appropriée à cette fin.

Dans l’affaire T 667/19, enfin, le Tribunal rejette le moyen de Ferriere Nord SpA tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende infligée au titre de la récidive.

S’agissant du respect des droits de la défense de Ferriere Nord SpA, le Tribunal observe que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage, dans ce cadre, de retenir contre elle la récidive en tant que circonstance aggravante, la communication des griefs adressée à cette personne doit contenir tous les éléments lui permettant d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies.

Or, à la lumière d’un examen portant sur l’ensemble des circonstances ayant entouré le dossier, le Tribunal constate que l’intention de la Commission de prendre en compte, au titre de la récidive, la décision de sanction antérieurement adressée à Ferriere Nord SpA était suffisamment prévisible. Cette dernière avait d’ailleurs eu l’occasion de présenter ses observations sur ce point lors de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée.

Quant aux griefs tirés du laps de temps écoulé entre les deux infractions prises en compte au titre de la récidive , le Tribunal précise que même si aucun délai de prescription ne s’oppose à la constatation d’un état de récidive, il n’en demeure pas moins que, pour respecter le principe de proportionnalité, la Commission ne saurait prendre en considération des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps . Cela étant, vu la brièveté du délai qui s’était écoulé entre les deux infractions en cause, à savoir trois ans et huit mois, la Commission a estimé à juste titre qu’une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive se justifiait, eu égard à la propension de Ferriere Nord SpA à violer les règles de concurrence, et ce malgré le fait que l’enquête ait duré un certain temps.

Au regard de ce qui précède, les recours des requérantes sont rejetés dans leur intégralité.

{1} Décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 - Ronds à béton).

{2} Arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T 27/03, T 46/03, T 58/03, T 79/03, T 80/03, T 97/03 et T 98/03, EU:T:2007:317), du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T 94/03, non publié, EU:T:2007:320), du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T 77/03, non publié, EU:T:2007:319), et du 25 octobre 2007, Riva Acciaio/Commission (T 45/03, non publié, EU:T:2007:318).

{3} Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

{4} Décision C(2009) 7492 final, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 - Ronds à béton, réadoption), telle que modifiée par décision de la Commission du 8 décembre 2009.

{5} Arrêts du 9 décembre 2014, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T 92/10, non publié, EU:T:2014:1032), du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T-85/10, non publié, EU:T:2014:1037), du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T 70/10, non publié, EU:T:2014:1031), du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T 90/10, non publié, EU:T:2014:1035), du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T 83/10, non publié, EU:T:2014:1034), du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T 91/10, EU:T:2014:1033), du 9 décembre 2014, SP/Commission (T 472/09 et T 55/10, EU:T:2014:1040), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T 69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T 489/09, T 490/09 et T 56/10, non publié, EU:T:2014:1039).

{6} Arrêts du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C 86/15 P et C 87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C 85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C 88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C 89/15 P, EU:C:2017:713).

{7} Décision C(2019) 4969 final, du 4 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 - Ronds à béton).

{8} L’amende infligée à Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA s’élève à 5,125 millions d’euros, celle infligée à Alfa Acciai SpA à 3,587 millions d’euros, celle infligée à Feralpi Holdings SpA à 5,125 millions d’euros et celle infligée à Ferriere Nord SpA à 2,237 millions d’euros.

{9} L’une de ces entités n’avait pas déposé de recours en annulation contre la première décision. Trois autres, ayant contesté cette première décision, avaient été destinataires de la deuxième, qu’ils avaient contestée devant le Tribunal. Elles n’avaient en revanche pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014 les concernant.

Arrêt du 9 novembre 2022, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti / Commission (T-655/19) (cf. points 45-49, 103, 104)

Par décision du 17 décembre 2002, la Commission européenne a constaté que huit entreprises et une association d’entreprises avaient violé l’article 65, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ci-après « CA »), en participant, entre décembre 1989 et juillet 2000, à une entente sur le marché italien des ronds à béton ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation et le contrôle de la production (ci-après la « première décision »){1}.

Le Tribunal a annulé cette décision, au motif que sa base juridique, à savoir l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de son adoption, le traité CA ayant expiré le 23 juillet 2002{2}. En conséquence, la Commission a adopté une nouvelle décision, les 30 septembre et 8 décembre 2009, constatant la même infraction mais basée sur le traité CE et le règlement (CE) no 1/2003{3} (ci-après la « deuxième décision »){4}.

Cette deuxième décision, confirmée par le Tribunal par arrêts du 9 décembre 2014 (ci-après les « arrêts du 9 décembre 2014 »){5}, a été annulée par la Cour. Selon cette dernière, le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas tenue d’organiser une nouvelle audition dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la deuxième décision{6}, l’omission d’une telle audition constituant une violation des formes substantielles. Ainsi, la Cour a considéré que la première audition organisée en vue de l’adoption de la première décision n’était pas conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, dans la mesure où les autorités de concurrence des États membres n’y avaient pas participé. La Cour avait donc intégralement annulé les arrêts du 9 décembre 2014.

En reprenant la procédure au point où l’illégalité avait été constatée par la Cour, la Commission a organisé une nouvelle audition et constaté, par décision du 4 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »){7}, à nouveau l’infraction faisant l’objet de la deuxième décision. Toutefois, en raison de la durée de la procédure , une réduction de 50 % de toutes les amendes infligées aux entreprises destinataires a été octroyée.

Quatre des huit entreprises concernées, à savoir Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holdings SpA et Ferriere Nord SpA (ci-après les « requérantes »), ont introduit des recours en annulation de la décision attaquée, qui leur imposait des sanctions allant de 2,2 à 5,1 millions d’euros{8}. Ces recours sont tous rejetés par la quatrième chambre élargie du Tribunal , qui, dans ce cadre, clarifie les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque trente ans après le début des faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable. Le Tribunal se prononce également sur la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription en matière d’imposition d’amendes ainsi que sur les conditions de prise en compte de la récidive dans le calcul des amendes .

Appréciation du Tribunal

Dans les affaires T 655/19, T 656/19, T 657/19 et T 667/19, le Tribunal rejette le moyen tiré d’irrégularités dans l’organisation de la nouvelle audition par la Commission.

En rappelant que l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs ayant justifié l’annulation, le Tribunal confirme, en l’espèce, qu’il était loisible à la Commission de reprendre la procédure à partir de l’étape de l’audition.

Dans ce cadre, le Tribunal écarte, en premier lieu, l’argumentation des requérantes selon lesquelles l’impartialité des représentants des autorités de concurrence des États membres siégeant dans le comité consultatif n’était pas garantie lors de la nouvelle audition, dans la mesure où ces représentants connaissaient les première et deuxième décisions de la Commission ainsi que la position adoptée par le Tribunal dans les arrêts du 9 décembre 2014.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé. De même, les arrêts du Tribunal disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi . Par conséquent, tant les décisions de la Commission que les arrêts du 9 décembre 2014 avaient disparu, avec effet rétroactif, de l’ordre juridique de l’Union au moment où le comité consultatif a rendu son avis . En outre, la connaissance de la solution jurisprudentielle adoptée par la Cour dans son arrêt d’annulation étant inhérente à l’obligation de tirer les conséquences de cet arrêt, il ne saurait en être déduit un manque d’impartialité des autorités de concurrence concernées.

Le Tribunal rejette, en deuxième lieu, le grief selon lequel, en omettant d’inviter à l’audition diverses entités qui avaient joué un rôle important dans le cadre de l’instruction du dossier , la Commission avait affecté les droits de la défense des requérantes.

S’agissant plus particulièrement de l’absence des entités ayant renoncé à un stade antérieur de la procédure à contester la première ou la deuxième décision qui leur avait été adressée{9}, le Tribunal considère que, ladite décision étant devenue définitive à leur égard, la Commission n’a pas commis d’erreur en excluant ces entités de la nouvelle audition . En ce qui concerne l’absence d’une entité tierce dont le droit de participer à la procédure administrative avait été reconnu en 2002, le Tribunal estime que la Commission a correctement constaté que, dès lors que cette entité avait participé à la première audition mais ne s’était pas présentée à la deuxième organisée à l’occasion de l’adoption de la première décision , elle avait perdu son intérêt à intervenir une nouvelle fois.

En troisième lieu, le Tribunal écarte l’argumentation selon laquelle les changements intervenus, en raison du délai écoulé, dans l’identité des acteurs et la structure du marché empêchaient l’organisation d’une nouvelle audition dans des conditions équivalentes à celles qui prévalaient en 2002 . Selon le Tribunal, la Commission avait effectué une évaluation correcte en concluant, au vu des circonstances existantes au moment de la reprise de la procédure, que la poursuite de cette dernière constituait encore une solution appropriée.

Les moyens mettant en cause une violation du principe du délai raisonnable sont, quant à eux, rejetés. D’une part, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir examiné si l’adoption de la décision attaquée était encore compatible avec le principe du délai raisonnable . D’autre part, elles contestaient la durée de la procédure ayant conduit à l’adoption de celle-ci.

À cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que la Commission avait analysé la longueur de la procédure administrative avant d’adopter la décision attaquée, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées . Ainsi, elle avait respecté son obligation de prendre en compte les exigences découlant du principe du délai raisonnable lors de son appréciation de l’opportunité d’engager des poursuites et d’adopter une décision en application des règles de concurrence.

S’agissant de la durée de la procédure, le Tribunal relève, en second lieu, que le dépassement du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’une décision qu’à la double condition que la longueur de la procédure a été déraisonnable et que ce dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense.

Or, au regard de l’enjeu du litige pour les intéressés, de la complexité de l’affaire, du comportement des parties requérantes et de celui des autorités compétentes , la durée des phases administratives de la procédure n’avait pas été déraisonnable en l’espèce. Par ailleurs, la durée globale de la procédure était en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel liées au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur les différents aspects de l’affaire . En outre, dans la mesure où les requérantes avaient eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer leur point de vue et d’avancer leurs arguments au cours de l’entière procédure , leurs droits de la défense n’avaient pas été entravés.

Selon le Tribunal, la Commission avait également satisfait à son obligation de motivation au regard de la prise en compte de la durée de la procédure . Elle avait précisément justifié l’adoption d’une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées pour satisfaire à l’objectif de ne pas laisser impunies ces dernières et de les dissuader de la commission d’une infraction similaire à l’avenir.

Dans les affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal écarte également les moyens tirés de la violation du principe non bis in idem ainsi que ceux mettant en cause la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription énoncé à l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003.

Pour rappel, le principe non bis in idem interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours . En revanche, lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, ce principe ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel dès lors que les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles .

À ce propos, le Tribunal note que tant la première que la deuxième décision avaient été annulées sans adoption d’une position définitive sur le fond. De plus, même si, dans ses arrêts du 9 décembre 2014, le Tribunal s’était prononcé sur les moyens de fond soulevés par les requérantes, ces arrêts avaient été intégralement annulés par la Cour. Par ailleurs, les sanctions infligées par la décision attaquée s’étaient substituées à celles imposées par la deuxième décision qui, elles-mêmes, avaient remplacé les sanctions infligées par la première décision . Le Tribunal en conclut que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’avait pas violé le principe non bis in idem.

En soulevant une exception d’illégalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription applicable, les requérantes contestaient, de plus, l’absence d’un délai maximal absolu, déterminé par le législateur de l’Union, au-delà duquel toute poursuite par la Commission serait exclue, nonobstant les éventuelles suspensions ou interruptions du délai de prescription initial.

Conformément à l’article 25 du règlement no 1/2003, le délai de prescription de cinq ans en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension . Selon le Tribunal, ce système résulte d’une conciliation réalisée par le législateur de l’Union entre deux objectifs distincts, à savoir, la nécessité d’assurer la sécurité juridique et l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, établissant et sanctionnant les infractions au droit de l’Union . Or, en effectuant cette mise en balance, le législateur de l’Union n’a pas dépassé la marge d’appréciation qui doit lui être reconnue dans ce cadre.

Pour le Tribunal, si le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union, il n’en reste pas moins que cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Dès lors, le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai . Par ailleurs, les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure à condition que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense. Lorsque ce dépassement ne donne pas lieu à une violation de tels droits, les justiciables peuvent alors introduire un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

Dans le cadre des affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal, exerçant sa compétence de pleine juridiction, estime qu’il convient de prendre en compte, aux fins de la détermination du montant des amendes infligées aux requérantes, l’atténuation de leur effet dissuasif du fait de la période de près de vingt ans écoulée entre la fin de l’infraction et l’adoption de la décision attaquée, confirmant ainsi, par substitution de motifs, la nécessité de prononcer une amende à l’encontre desdites requérantes. Il considère à cet égard que la réduction de 50 % dudit montant, telle qu’octroyée par la Commission, était appropriée à cette fin.

Dans l’affaire T 667/19, enfin, le Tribunal rejette le moyen de Ferriere Nord SpA tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende infligée au titre de la récidive.

S’agissant du respect des droits de la défense de Ferriere Nord SpA, le Tribunal observe que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage, dans ce cadre, de retenir contre elle la récidive en tant que circonstance aggravante, la communication des griefs adressée à cette personne doit contenir tous les éléments lui permettant d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies.

Or, à la lumière d’un examen portant sur l’ensemble des circonstances ayant entouré le dossier, le Tribunal constate que l’intention de la Commission de prendre en compte, au titre de la récidive, la décision de sanction antérieurement adressée à Ferriere Nord SpA était suffisamment prévisible. Cette dernière avait d’ailleurs eu l’occasion de présenter ses observations sur ce point lors de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée.

Quant aux griefs tirés du laps de temps écoulé entre les deux infractions prises en compte au titre de la récidive , le Tribunal précise que même si aucun délai de prescription ne s’oppose à la constatation d’un état de récidive, il n’en demeure pas moins que, pour respecter le principe de proportionnalité, la Commission ne saurait prendre en considération des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps . Cela étant, vu la brièveté du délai qui s’était écoulé entre les deux infractions en cause, à savoir trois ans et huit mois, la Commission a estimé à juste titre qu’une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive se justifiait, eu égard à la propension de Ferriere Nord SpA à violer les règles de concurrence, et ce malgré le fait que l’enquête ait duré un certain temps.

Au regard de ce qui précède, les recours des requérantes sont rejetés dans leur intégralité.

{1} Décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 - Ronds à béton).

{2} Arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T 27/03, T 46/03, T 58/03, T 79/03, T 80/03, T 97/03 et T 98/03, EU:T:2007:317), du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T 94/03, non publié, EU:T:2007:320), du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T 77/03, non publié, EU:T:2007:319), et du 25 octobre 2007, Riva Acciaio/Commission (T 45/03, non publié, EU:T:2007:318).

{3} Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

{4} Décision C(2009) 7492 final, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 - Ronds à béton, réadoption), telle que modifiée par décision de la Commission du 8 décembre 2009.

{5} Arrêts du 9 décembre 2014, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T 92/10, non publié, EU:T:2014:1032), du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T-85/10, non publié, EU:T:2014:1037), du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T 70/10, non publié, EU:T:2014:1031), du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T 90/10, non publié, EU:T:2014:1035), du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T 83/10, non publié, EU:T:2014:1034), du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T 91/10, EU:T:2014:1033), du 9 décembre 2014, SP/Commission (T 472/09 et T 55/10, EU:T:2014:1040), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T 69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T 489/09, T 490/09 et T 56/10, non publié, EU:T:2014:1039).

{6} Arrêts du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C 86/15 P et C 87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C 85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C 88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C 89/15 P, EU:C:2017:713).

{7} Décision C(2019) 4969 final, du 4 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 - Ronds à béton).

{8} L’amende infligée à Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA s’élève à 5,125 millions d’euros, celle infligée à Alfa Acciai SpA à 3,587 millions d’euros, celle infligée à Feralpi Holdings SpA à 5,125 millions d’euros et celle infligée à Ferriere Nord SpA à 2,237 millions d’euros.

{9} L’une de ces entités n’avait pas déposé de recours en annulation contre la première décision. Trois autres, ayant contesté cette première décision, avaient été destinataires de la deuxième, qu’ils avaient contestée devant le Tribunal. Elles n’avaient en revanche pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014 les concernant.

L’amende infligée à Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA s’élève à 5,125 millions d’euros, celle infligée à Alfa Acciai SpA à 3,587 millions d’euros, celle infligée à Feralpi Holdings SpA à 5,125 millions d’euros et celle infligée à Ferriere Nord SpA à 2,237 millions d’euros.

Arrêt du 9 novembre 2022, Feralpi / Commission (T-657/19) (cf. points 48-50, 106, 107)

Par décision du 17 décembre 2002, la Commission européenne a constaté que huit entreprises et une association d’entreprises avaient violé l’article 65, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ci-après « CA »), en participant, entre décembre 1989 et juillet 2000, à une entente sur le marché italien des ronds à béton ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation et le contrôle de la production (ci-après la « première décision »){1}.

Le Tribunal a annulé cette décision, au motif que sa base juridique, à savoir l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de son adoption, le traité CA ayant expiré le 23 juillet 2002{2}. En conséquence, la Commission a adopté une nouvelle décision, les 30 septembre et 8 décembre 2009, constatant la même infraction mais basée sur le traité CE et le règlement (CE) no 1/2003{3} (ci-après la « deuxième décision »){4}.

Cette deuxième décision, confirmée par le Tribunal par arrêts du 9 décembre 2014 (ci-après les « arrêts du 9 décembre 2014 »){5}, a été annulée par la Cour. Selon cette dernière, le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas tenue d’organiser une nouvelle audition dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la deuxième décision{6}, l’omission d’une telle audition constituant une violation des formes substantielles. Ainsi, la Cour a considéré que la première audition organisée en vue de l’adoption de la première décision n’était pas conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, dans la mesure où les autorités de concurrence des États membres n’y avaient pas participé. La Cour avait donc intégralement annulé les arrêts du 9 décembre 2014.

En reprenant la procédure au point où l’illégalité avait été constatée par la Cour, la Commission a organisé une nouvelle audition et constaté, par décision du 4 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »){7}, à nouveau l’infraction faisant l’objet de la deuxième décision. Toutefois, en raison de la durée de la procédure , une réduction de 50 % de toutes les amendes infligées aux entreprises destinataires a été octroyée.

Quatre des huit entreprises concernées, à savoir Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holdings SpA et Ferriere Nord SpA (ci-après les « requérantes »), ont introduit des recours en annulation de la décision attaquée, qui leur imposait des sanctions allant de 2,2 à 5,1 millions d’euros{8}. Ces recours sont tous rejetés par la quatrième chambre élargie du Tribunal , qui, dans ce cadre, clarifie les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque trente ans après le début des faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable. Le Tribunal se prononce également sur la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription en matière d’imposition d’amendes ainsi que sur les conditions de prise en compte de la récidive dans le calcul des amendes.

Appréciation du Tribunal

Dans les affaires T 655/19, T 656/19, T 657/19 et T 667/19, le Tribunal rejette le moyen tiré d’irrégularités dans l’organisation de la nouvelle audition par la Commission.

En rappelant que l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs ayant justifié l’annulation, le Tribunal confirme, en l’espèce, qu’il était loisible à la Commission de reprendre la procédure à partir de l’étape de l’audition.

Dans ce cadre, le Tribunal écarte, en premier lieu, l’argumentation des requérantes selon lesquelles l’impartialité des représentants des autorités de concurrence des États membres siégeant dans le comité consultatif n’était pas garantie lors de la nouvelle audition, dans la mesure où ces représentants connaissaient les première et deuxième décisions de la Commission ainsi que la position adoptée par le Tribunal dans les arrêts du 9 décembre 2014.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé. De même, les arrêts du Tribunal disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi . Par conséquent, tant les décisions de la Commission que les arrêts du 9 décembre 2014 avaient disparu, avec effet rétroactif, de l’ordre juridique de l’Union au moment où le comité consultatif a rendu son avis . En outre, la connaissance de la solution jurisprudentielle adoptée par la Cour dans son arrêt d’annulation étant inhérente à l’obligation de tirer les conséquences de cet arrêt, il ne saurait en être déduit un manque d’impartialité des autorités de concurrence concernées.

Le Tribunal rejette, en deuxième lieu, le grief selon lequel, en omettant d’inviter à l’audition diverses entités qui avaient joué un rôle important dans le cadre de l’instruction du dossier , la Commission avait affecté les droits de la défense des requérantes.

S’agissant plus particulièrement de l’absence des entités ayant renoncé à un stade antérieur de la procédure à contester la première ou la deuxième décision qui leur avait été adressée{9}, le Tribunal considère que, ladite décision étant devenue définitive à leur égard, la Commission n’a pas commis d’erreur en excluant ces entités de la nouvelle audition . En ce qui concerne l’absence d’une entité tierce dont le droit de participer à la procédure administrative avait été reconnu en 2002, le Tribunal estime que la Commission a correctement constaté que, dès lors que cette entité avait participé à la première audition mais ne s’était pas présentée à la deuxième organisée à l’occasion de l’adoption de la première décision , elle avait perdu son intérêt à intervenir une nouvelle fois.

En troisième lieu, le Tribunal écarte l’argumentation selon laquelle les changements intervenus, en raison du délai écoulé, dans l’identité des acteurs et la structure du marché empêchaient l’organisation d’une nouvelle audition dans des conditions équivalentes à celles qui prévalaient en 2002 . Selon le Tribunal, la Commission avait effectué une évaluation correcte en concluant, au vu des circonstances existantes au moment de la reprise de la procédure, que la poursuite de cette dernière constituait encore une solution appropriée.

Les moyens mettant en cause une violation du principe du délai raisonnable sont, quant à eux, rejetés. D’une part, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir examiné si l’adoption de la décision attaquée était encore compatible avec le principe du délai raisonnable . D’autre part, elles contestaient la durée de la procédure ayant conduit à l’adoption de celle-ci.

À cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que la Commission avait analysé la longueur de la procédure administrative avant d’adopter la décision attaquée, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées . Ainsi, elle avait respecté son obligation de prendre en compte les exigences découlant du principe du délai raisonnable lors de son appréciation de l’opportunité d’engager des poursuites et d’adopter une décision en application des règles de concurrence.

S’agissant de la durée de la procédure, le Tribunal relève, en second lieu, que le dépassement du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’une décision qu’à la double condition que la longueur de la procédure a été déraisonnable et que ce dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense.

Or, au regard de l’enjeu du litige pour les intéressés, de la complexité de l’affaire, du comportement des parties requérantes et de celui des autorités compétentes , la durée des phases administratives de la procédure n’avait pas été déraisonnable en l’espèce. Par ailleurs, la durée globale de la procédure était en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel liées au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur les différents aspects de l’affaire . En outre, dans la mesure où les requérantes avaient eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer leur point de vue et d’avancer leurs arguments au cours de l’entière procédure , leurs droits de la défense n’avaient pas été entravés.

Selon le Tribunal, la Commission avait également satisfait à son obligation de motivation au regard de la prise en compte de la durée de la procédure . Elle avait précisément justifié l’adoption d’une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées pour satisfaire à l’objectif de ne pas laisser impunies ces dernières et de les dissuader de la commission d’une infraction similaire à l’avenir.

Dans les affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal écarte également les moyens tirés de la violation du principe non bis in idem ainsi que ceux mettant en cause la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription énoncé à l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003.

Pour rappel, le principe non bis in idem interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours . En revanche, lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, ce principe ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel dès lors que les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.

À ce propos, le Tribunal note que tant la première que la deuxième décision avaient été annulées sans adoption d’une position définitive sur le fond. De plus, même si, dans ses arrêts du 9 décembre 2014, le Tribunal s’était prononcé sur les moyens de fond soulevés par les requérantes, ces arrêts avaient été intégralement annulés par la Cour. Par ailleurs, les sanctions infligées par la décision attaquée s’étaient substituées à celles imposées par la deuxième décision qui, elles-mêmes, avaient remplacé les sanctions infligées par la première décision . Le Tribunal en conclut que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’avait pas violé le principe non bis in idem.

En soulevant une exception d’illégalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription applicable, les requérantes contestaient, de plus, l’absence d’un délai maximal absolu, déterminé par le législateur de l’Union, au-delà duquel toute poursuite par la Commission serait exclue, nonobstant les éventuelles suspensions ou interruptions du délai de prescription initial.

Conformément à l’article 25 du règlement no 1/2003, le délai de prescription de cinq ans en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension . Selon le Tribunal, ce système résulte d’une conciliation réalisée par le législateur de l’Union entre deux objectifs distincts, à savoir, la nécessité d’assurer la sécurité juridique et l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, établissant et sanctionnant les infractions au droit de l’Union . Or, en effectuant cette mise en balance, le législateur de l’Union n’a pas dépassé la marge d’appréciation qui doit lui être reconnue dans ce cadre.

Pour le Tribunal, si le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union, il n’en reste pas moins que cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Dès lors, le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai . Par ailleurs, les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure à condition que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense. Lorsque ce dépassement ne donne pas lieu à une violation de tels droits, les justiciables peuvent alors introduire un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

Dans le cadre des affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal, exerçant sa compétence de pleine juridiction, estime qu’il convient de prendre en compte, aux fins de la détermination du montant des amendes infligées aux requérantes, l’atténuation de leur effet dissuasif du fait de la période de près de vingt ans écoulée entre la fin de l’infraction et l’adoption de la décision attaquée, confirmant ainsi, par substitution de motifs, la nécessité de prononcer une amende à l’encontre desdites requérantes. Il considère à cet égard que la réduction de 50 % dudit montant, telle qu’octroyée par la Commission, était appropriée à cette fin.

Dans l’affaire T 667/19, enfin, le Tribunal rejette le moyen de Ferriere Nord SpA tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende infligée au titre de la récidive.

S’agissant du respect des droits de la défense de Ferriere Nord SpA, le Tribunal observe que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage, dans ce cadre, de retenir contre elle la récidive en tant que circonstance aggravante, la communication des griefs adressée à cette personne doit contenir tous les éléments lui permettant d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies.

Or, à la lumière d’un examen portant sur l’ensemble des circonstances ayant entouré le dossier, le Tribunal constate que l’intention de la Commission de prendre en compte, au titre de la récidive, la décision de sanction antérieurement adressée à Ferriere Nord SpA était suffisamment prévisible. Cette dernière avait d’ailleurs eu l’occasion de présenter ses observations sur ce point lors de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée.

Quant aux griefs tirés du laps de temps écoulé entre les deux infractions prises en compte au titre de la récidive , le Tribunal précise que même si aucun délai de prescription ne s’oppose à la constatation d’un état de récidive, il n’en demeure pas moins que, pour respecter le principe de proportionnalité, la Commission ne saurait prendre en considération des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps . Cela étant, vu la brièveté du délai qui s’était écoulé entre les deux infractions en cause, à savoir trois ans et huit mois, la Commission a estimé à juste titre qu’une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive se justifiait, eu égard à la propension de Ferriere Nord SpA à violer les règles de concurrence, et ce malgré le fait que l’enquête ait duré un certain temps.

Au regard de ce qui précède, les recours des requérantes sont rejetés dans leur intégralité.

{1} Décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 - Ronds à béton).

{2} Arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T 27/03, T 46/03, T 58/03, T 79/03, T 80/03, T 97/03 et T 98/03, EU:T:2007:317), du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T 94/03, non publié, EU:T:2007:320), du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T 77/03, non publié, EU:T:2007:319), et du 25 octobre 2007, Riva Acciaio/Commission (T 45/03, non publié, EU:T:2007:318).

{3} Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

{4} Décision C(2009) 7492 final, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 - Ronds à béton, réadoption), telle que modifiée par décision de la Commission du 8 décembre 2009.

{5} Arrêts du 9 décembre 2014, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T 92/10, non publié, EU:T:2014:1032), du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T-85/10, non publié, EU:T:2014:1037), du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T 70/10, non publié, EU:T:2014:1031), du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T 90/10, non publié, EU:T:2014:1035), du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T 83/10, non publié, EU:T:2014:1034), du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T 91/10, EU:T:2014:1033), du 9 décembre 2014, SP/Commission (T 472/09 et T 55/10, EU:T:2014:1040), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T 69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T 489/09, T 490/09 et T 56/10, non publié, EU:T:2014:1039).

{6} Arrêts du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C 86/15 P et C 87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C 85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C 88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C 89/15 P, EU:C:2017:713).

{7} Décision C(2019) 4969 final, du 4 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 - Ronds à béton).

{8} L’amende infligée à Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA s’élève à 5,125 millions d’euros, celle infligée à Alfa Acciai SpA à 3,587 millions d’euros, celle infligée à Feralpi Holdings SpA à 5,125 millions d’euros et celle infligée à Ferriere Nord SpA à 2,237 millions d’euros.

{9} L’une de ces entités n’avait pas déposé de recours en annulation contre la première décision. Trois autres, ayant contesté cette première décision, avaient été destinataires de la deuxième, qu’ils avaient contestée devant le Tribunal. Elles n’avaient en revanche pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014 les concernant.

Arrêt du 9 novembre 2022, Ferriere Nord / Commission (T-667/19) (cf. points 51-55, 106, 107)



Arrêt du 27 septembre 2012, Italie / Commission (T-257/10) (cf. points 44-47)

Arrêt du 7 novembre 2013, Italie / Commission (C-587/12 P) (cf. points 12, 13)



Arrêt du 9 novembre 2022, Alfa Acciai / Commission (T-656/19) (cf. points 45-49, 103, 104)

18. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et ordonnant sa restitution - Annulation pour défaut de motivation - Adoption d'un nouvel acte sur le fondement des actes d'instruction antérieurs valides - Admissibilité



Arrêt du 27 septembre 2012, Wam Industriale / Commission (T-303/10) (cf. points 180-182)

19. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'un règlement concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Prise d'effet de l'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci

En vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

Or, le règlement nº 267/2012, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, en ce compris son annexe IX, a la nature d’un règlement, dès lors que son article 51, second alinéa, prévoit qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, ce qui correspond aux effets d’un règlement tels que prévus à l’article 288 TFUE. Il s'ensuit que ce règlement ne peut pas être annulé avec effet immédiat.

Arrêt du 26 octobre 2012, CF Sharp Shipping Agencies / Conseil (T-53/12) (cf. points 48-50)

20. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Arrêt annulant un règlement imposant des droits antidumping définitifs - Implications financières pour le budget de l'Union découlant, en réalité, de l'interprétation rétroactive du règlement de base dans un arrêt précédent - Limitation des effets dans le temps de l'arrêt d'annulation - Absence



Arrêt du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes / Conseil (C-247/10 P) (cf. points 38-40)

21. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle de deux règlements et d'une décision concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Prise d'effet de l'annulation des règlements à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci - Application de ce délai à la prise d'effet de l'annulation de la décision



Arrêt du 5 décembre 2012, Qualitest / Conseil (T-421/11) (cf. points 68-69)

22. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Annulation, dans son intégralité, d'une décision de la Commission qualifiant une entente globale d'infraction unique et continue et infligeant une amende, malgré la reconnaissance de la responsabilité de l'entreprise requérante pour une partie des comportements anticoncurrentiels - Inadmissibilité

Le seul fait que le Tribunal considère qu’un moyen invoqué par la partie requérante au soutien de son recours en annulation est fondé ne lui permet pas d’annuler automatiquement l’acte attaqué dans son intégralité. En effet, une annulation intégrale ne saurait être retenue lorsqu’il apparaît de toute évidence que ledit moyen, visant uniquement un aspect spécifique de l’acte contesté, n’est susceptible d’asseoir qu’une annulation partielle. Toutefois, l’annulation partielle d’un acte du droit de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée sont séparables du reste de l’acte. Il n’est pas satisfait à cette exigence lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci, ce qui doit être apprécié sur le fondement d’un critère objectif et non d’un critère subjectif lié à la volonté politique de l’autorité qui a adopté l’acte en cause.

S'agissant d'une décision de la Commission qualifiant une entente globale d’infraction unique et continue, il n’est possible de diviser une telle décision que si, d’une part, l'entreprise requérante a été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de comprendre qu’il lui était également reproché chacun des comportements la composant, et donc de se défendre sur ce point, et si, d’autre part, ladite décision est suffisamment claire à cet égard. Il s’ensuit que, si le juge de l’Union constate que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit qu’une entreprise, lors de sa participation à l’un des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, avait connaissance des autres comportements anticoncurrentiels adoptés par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, il doit en tirer comme seule conséquence que cette entreprise ne peut se voir imputer la responsabilité de ces autres comportements et, partant, de l’infraction unique et continue dans son ensemble et que la décision attaquée doit être considérée comme non fondée dans cette seule mesure.

Dans de telles conditions, le Tribunal commet une erreur de droit lorsqu'il prononce l’annulation, dans son intégralité, d'une décision de la Commission qualifiant une entente globale d’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne une entreprise, alors que la participation de cette dernière à une partie de l'entente et le fait que cette participation peut en elle-même constituer une violation de l’article 81 CE ne sont pas remis en cause par le Tribunal.

Arrêt du 6 décembre 2012, Commission / Verhuizingen Coppens (C-441/11 P) (cf. points 37-38, 46-47, 54)

23. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Obligation limitée au strict nécessaire pour assurer l'exécution de l'arrêt d'annulation - Adoption d'un nouvel acte sur le fondement des actes préparatoires antérieurs valides - Admissibilité - Décision relative à l'apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA - Imposition d'une correction financière analogue à celle imposée par une décision préalable annulée par un arrêt de la Cour - Conformité à l'arrêt d'annulation



Arrêt du 13 décembre 2012, Grèce / Commission (T-588/10) (cf. points 476-482, 486-488)

24. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Adoption de mesures d'exécution - Délai raisonnable - Critères d'appréciation

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys / Commission (T-125/16) (cf. point 51)



Arrêt du 13 décembre 2012, Grèce / Commission (T-588/10) (cf. points 496-499)

25. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri / EFSA (T-339/10 et T-532/10) (cf. points 26, 77)



Arrêt du 28 mars 2019, River Kwai International Food Industry / AETMD (C-144/18 P) (cf. points 45-47)

Ordonnance du 2 avril 2020, Gerber / Parlement et Conseil (T-326/19) (cf. point 77)

26. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Application à une décision modifiant l'annexe d'une directive



Arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a. / Commission (T-31/07) (cf. points 93-97)

27. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'une décision concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Absence de recours en annulation introduit contre le règlement d'exécution mettant en oeuvre le règlement concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Maintien des effets de ladite décision pendant une période ne pouvant excéder deux mois et dix jours à compter de la date du prononcé de l'arrêt - Justification tirée de motifs de sécurité juridique



Arrêt du 17 avril 2013, TCMFG / Conseil (T-404/11) (cf. points 42-44, disp. 2)

28. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'une décision de gel de fonds n'affectant pas un règlement appliquant une mesure identique - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets de la décision attaquée pendant une période maximale à compter du prononcé



Arrêt du 16 mai 2013, Iran Transfo / Conseil (T-392/11) (cf. points 54-56)

29. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie - Gel des fonds des personnes impliquées dans des détournements de fonds publics et des personnes physiques ou morales, entités ou organismes leur étant associés - Annulation entraînant celle d'un règlement et privant de base légale toute mesure restrictive - Risque d'atteinte sérieuse et irréversible pour l'efficacité de tout gel d'avoirs susceptible d'être, à l'avenir, décidé par le Conseil à l'encontre des personnes visées par l'acte annulé - Maintien des effets de la décision annulée jusqu'à l'expiration du délai pour le pourvoi ou à son rejet

Les arrêts par lesquels le Tribunal annule une décision prise par une institution ou un organe de l’Union ont, en principe, un effet immédiat, en ce sens que l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique et censé n’avoir jamais existé. Il n’en reste pas moins que, sur le fondement de l’article 264 TFUE, second alinéa, le Tribunal peut maintenir provisoirement les effets d’une décision annulée.

Par analogie avec les dispositions de l'article 60, deuxième alinéa, du statut de la Cour, visant les règlements annulés, il y a lieu de maintenir les effets de la décision annulée jusqu'à l'expiration du délai de pourvoi ou, jusqu'au rejet de celui-ci dès lors que la prise d'effet immédiate de l'arrêt du Tribunal rendrait le règlement concernant des mesures restrictives de gel de fonds visant le requérant dépourvu de base légale et que, en application de l'article 266 TFUE, le Conseil serait tenu de l'abroger à son égard. Le requérant serait ainsi en mesure de transférer tout ou partie de ses actifs hors de l'Union européenne, de sorte qu’une atteinte sérieuse et irréversible risquerait d’être causée à l’efficacité de tout gel d’avoirs susceptible d’être, à l’avenir, décidé par le Conseil à son encontre, alors qu'il ne saurait être exclu que, pour des raisons autres que celles mentionnées dans la décision, il soit justifié d'inscrire ladite personne sur la liste annexée à cette décision.

Arrêt du 28 mai 2013, Trabelsi e.a. / Conseil (T-187/11) (cf. points 118, 121-123)

30. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie - Annulation à deux moments différents de deux actes comportant des mesures restrictives identiques - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets du premier de ces actes jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du second



Arrêt du 28 mai 2013, Chiboub / Conseil (T-188/11) (cf. points 92-95)

Arrêt du 28 mai 2013, Al Matri / Conseil (T-200/11) (cf. points 86-89)

31. Recours en annulation - Compétence du juge de l'Union - Conclusions tendant à obtenir une injonction adressée à une institution - Irrecevabilité

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 février 2014, CEEES et Asociación de Gestores de Estaciones de Servicio / Commission (T-342/11) (cf. point 43)



Arrêt du 30 mai 2013, Omnis Group / Commission (T-74/11) (cf. point 26)

Ordonnance du 18 septembre 2018, eSlovensko / Commission (T-664/17) (cf. point 25)

Ordonnance du 19 novembre 2020, Buxadé Villalba e.a. / Parlement (T-32/20) (cf. point 68)

32. Recours en annulation - Compétence du juge de l'Union - Pouvoir de réformation - Exclusion



Arrêt du 30 mai 2013, Omnis Group / Commission (T-74/11) (cf. point 27)

33. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Annulation partielle à deux moments différents de deux actes comportant des mesures restrictives identiques - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets du premier de ces actes jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du second

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a. / Conseil (T-489/10) (cf. points 81, 83)

Arrêt du 24 mai 2016, Good Luck Shipping / Conseil (T-423/13 et T-64/14) (cf. points 101-106)



Arrêt du 12 juin 2013, HTTS / Conseil (T-128/12 et T-182/12) (cf. points 74, 75, 77-79)

Arrêt du 6 septembre 2013, Bateni / Conseil (T-42/12 et T-181/12) (cf. points 86-87)

Arrêt du 12 décembre 2013, Nabipour e.a. / Conseil (T-58/12) (cf. points 245-251)

Arrêt du 22 janvier 2015, Bank Tejarat / Conseil (T-176/12) (cf. points 65-69, 72-74)

34. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Annulation à deux moments différents de deux actes comportant des mesures restrictives identiques - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets du premier de ces actes jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du second

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 septembre 2013, Bank Refah Kargaran / Conseil (T-24/11) (cf. points 86, 89, 90)



Arrêt du 6 septembre 2013, Export Development Bank of Iran / Conseil (T-4/11 et T-5/11) (cf. points 129, 130)

Arrêt du 6 septembre 2013, Good Luck Shipping / Conseil (T-57/12) (cf. points 74-76)

Arrêt du 12 novembre 2013, North Drilling / Conseil (T-552/12) (cf. points 32-35)

35. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Gel des fonds de personnes, entités ou organismes participant ou appuyant la prolifération nucléaire - Annulation à deux moments différents de deux actes comportant des mesures restrictives identiques - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets du premier de ces actes jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du second

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 6 septembre 2013, Iranian Offshore Engineering & Construction / Conseil (T-110/12) (cf. points 74-78)



Arrêt du 6 septembre 2013, Iran Insurance / Conseil (T-12/11) (cf. points 133, 134, 136)

Arrêt du 6 septembre 2013, Post Bank Iran / Conseil (T-13/11) (cf. points 137, 138, 140)

36. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Indication des mesures à adopter en conséquence de l'annulation - Incompétence du juge de l'Union



Arrêt du 12 septembre 2013, Besselink / Conseil (T-331/11) (cf. points 109, 110)

37. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué

L’annulation partielle d’un acte du droit de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée sont séparables du reste de l’acte. Il n’est pas satisfait à cette exigence lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci, ce qui doit être apprécié sur le fondement d’un critère objectif, et non d’un critère subjectif lié à la volonté politique de l’autorité qui a adopté l’acte en cause.

La procédure visant à remplacer un acte annulé doit être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue, l’annulation d’un acte n’affectant pas nécessairement les actes préparatoires. L’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation. L’auteur de l’acte doit ainsi se placer à la date à laquelle il avait adopté l’acte annulé pour adopter l’acte de remplacement. Il peut toutefois invoquer, dans sa nouvelle décision, des motifs autres que ceux sur lesquels il avait fondé sa première décision. En outre, il n’est pas tenu de se prononcer à nouveau sur des aspects de la décision initiale qui n’ont pas été remis en cause par l’arrêt d’annulation.

Arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC / Commission (T-574/14) (cf. points 51, 52)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 13 décembre 2018, Ville de Paris / Commission (T-339/16, T-352/16 et T-391/16) (cf. points 154-158)

Soupçonnant un comportement anticoncurrentiel du groupe Facebook dans son utilisation de données et dans la gestion de sa plateforme de réseau social, la Commission européenne a adressé, par décision du 4 mai 2020{1}, une demande de renseignements à Meta Platforms Ireland Ltd, anciennement Facebook Ireland Ltd. Cette décision, adoptée au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 1/2003{2}, obligeait Meta Platforms Ireland à fournir à la Commission tous les documents préparés ou reçus par trois de ses responsables dans la période visée qui contenaient un ou plusieurs termes de recherche définis dans les annexes. En cas de non-communication des renseignements demandés, ladite décision prévoyait une astreinte journalière potentielle de 8 millions d’euros{3}.

La décision du 4 mai 2020 remplaçait une décision similaire antérieure, qui prévoyait des critères de recherche plus larges. Cette nouvelle décision, prise après des échanges entre la Commission et Meta Platforms Ireland, a réduit le nombre de documents demandés par un affinement des termes de recherche et en limitant le nombre de responsables concernés.

Le 15 juillet 2020, Meta Platforms Ireland a introduit, d’une part, un recours en annulation de la décision du 4 mai 2020 et, d’autre part, une demande en référé.

Par ordonnance en référé du 29 octobre 2020{4}, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision du 4 mai 2020 jusqu’à la mise en place d’une procédure spécifique pour la production des documents demandés qui ne présentent pas de lien avec les activités commerciales de Meta Platforms Ireland et qui contiennent, en outre, des données à caractère personnel sensibles. Faisant suite à cette ordonnance, la Commission a adopté une décision modificative{5} prévoyant que lesdits documents pourront être versés au dossier de l’enquête uniquement après avoir été examinés dans une salle de données virtuelle selon les modalités précisées dans l’ordonnance en référé.

Meta Platforms Ireland ayant adapté sa requête en annulation pour tenir compte de cette décision modificative, la cinquième chambre élargie du Tribunal rejette son recours dans son intégralité. Dans ce cadre, le Tribunal examine, pour la première fois, la légalité d’une demande de renseignements par termes de recherche au titre du règlement no 1/2003 ainsi que la légalité d’une procédure de salle de données virtuelle pour le traitement de documents contenant des données à caractère personnel sensibles.

Appréciation du Tribunal

Au soutien de son recours en annulation, Meta Platforms Ireland avançait notamment que l’application des termes de recherche précisés dans la demande de renseignements aboutirait inévitablement au recensement d’un grand nombre de documents dénués de pertinence pour l’enquête menée par la Commission, ce qui serait contraire au principe de nécessité énoncé à l’article 18 du règlement nº 1/2003.

Sur ce point, le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 18, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003, la Commission peut, par simple demande ou par voie de décision, demander aux entreprises de fournir « tous les renseignements nécessaires » en vue de contrôler le respect des règles de concurrence de l’Union. Il en découle que seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infractions qui justifient la conduite de son enquête. Eu égard au large pouvoir d’investigation conféré à la Commission par le règlement nº 1/2003, cette exigence de nécessité est satisfaite si la Commission peut raisonnablement supposer, à la date de la demande, que les renseignements sont de nature à l’aider à déterminer l’existence d’une infraction aux règles de concurrence.

À l’appui de ses griefs mettant en cause le respect du principe de nécessité, Meta Platforms Ireland avait contesté certains termes de recherche figurant dans la demande de renseignements, tout en faisant valoir que ces critiques spécifiques devaient être comprises comme des exemples non exhaustifs, destinés à illustrer son argumentation plus générale. Selon elle, il aurait été déraisonnable, voire impossible, de viser chaque terme de recherche séparément.

Cette approche est néanmoins rejetée par le Tribunal, qui considère qu’une appréciation globale du respect du principe de nécessité énoncé à l’article 18 du règlement nº 1/2003 n’est pas appropriée en l’espèce, à la supposer possible. En effet, la circonstance que certains termes de recherche puissent être, comme le fait valoir Meta Platforms Ireland, trop vagues, est sans influence sur le fait que d’autres termes de recherche puissent être suffisamment précis ou ciblés pour permettre de constater qu’ils sont de nature à aider la Commission à déterminer l’existence d’une infraction aux règles de concurrence.

Eu égard à la présomption de légalité dont les actes des institutions de l’Union bénéficient, le Tribunal conclut, ainsi, que seuls les termes de recherche spécifiquement contestés par Meta Platforms Ireland peuvent faire l’objet d’un contrôle du respect du principe de nécessité. Les autres termes de recherche doivent, en revanche, être considérés comme ayant été définis conformément à ce principe.

En outre, après avoir relevé que les arguments visant les termes de recherche évoqués pour la première fois au stade de la réplique sont irrecevables, le Tribunal procède au contrôle des seuls termes de recherche visés dans la requête. En estimant que Meta Platforms Ireland n’a pas réussi à établir que ces termes étaient contraires au principe de nécessité, le Tribunal rejette les différents arguments avancés à cet égard comme étant non fondés.

Dans le cadre de son recours en annulation, Meta Platforms Ireland faisait également valoir que, en exigeant la production de nombreux documents privés et dénués de pertinence, la décision du 4 mai 2020, telle que modifiée (ci-après « la décision attaquée »), violerait le droit fondamental au respect de la vie privée consacré à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et à l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »).

À cet égard, le Tribunal rappelle que, conformément à l’article 7 de la Charte, qui contient des droits correspondant à ceux garantis par l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications.

S’agissant des entraves audit droit, l’article 52, paragraphe 1, de la Charte prévoit que toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter leur contenu essentiel. En outre, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

Au regard de ces précisions, le Tribunal examine si l’entrave à l’article 7 de la Charte causée par la décision attaquée remplit les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci.

Après avoir relevé que le règlement nº 1/2003 confère à la Commission le pouvoir d’adopter la décision attaquée, si bien que l’ingérence dans la vie privée causée par celle-ci est prévue par la loi, que cette décision répond à des objectifs d’intérêt général de l’Union et que Meta Platforms Ireland n’avait pas soutenu qu’elle porte atteinte au contenu essentiel du droit au respect de la vie privée, le Tribunal examine si la décision attaquée cause une entrave disproportionnée à ce droit.

Sur ce point, le Tribunal confirme, en premier lieu, qu’une demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement nº 1/2003 constitue une mesure appropriée pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivis par la Commission, à savoir le maintien du régime concurrentiel voulu par les traités.

S’agissant, en deuxième lieu, de la question de savoir si la décision attaquée excède ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs d’intérêt général, le Tribunal note que, à la suite du prononcé de l’ordonnance en référé du 29 octobre 2020, la Commission a adopté une procédure particulière pour le traitement des documents devant être produits par Meta Platforms Ireland, mais qui, à première vue, n’avaient pas de lien avec les activités commerciales de celle-ci et qui contenaient des données à caractère personnel sensibles (ci-après les « documents protégés »).

Conformément à cette procédure, les documents protégés devaient être transmis à la Commission sur un support électronique séparé et placés dans une salle de données virtuelle accessible à un nombre restreint de membres de l’équipe chargée de l’enquête, en présence des avocats de Meta Platforms Ireland, en vue de la sélection des documents à verser au dossier. En cas de désaccord persistant sur la qualification d’un document, la décision modificative prévoit, en outre, un système d’arbitrage. Selon cette décision, les documents protégés peuvent, de plus, être transmis à la Commission sous une forme expurgée des noms des personnes concernées et de toute information permettant leur identification. À la demande de la Commission, justifiée par les besoins de l’enquête, ces documents doivent néanmoins lui être transmis dans leur version intégrale.

Le Tribunal observe, par ailleurs, qu’il n’est pas contesté que certains documents demandés par la Commission contenaient des données à caractère personnel sensibles susceptibles de relever de celles visées à l’article 9 du règlement 2016/679{6} et à l’article 10 du règlement 2018/1725{7}, dont la possibilité de traitement est subordonnée aux trois conditions suivantes :

- le traitement doit poursuivre un intérêt public important, qui trouve son fondement dans le droit de l’Union ;

- le traitement doit être nécessaire à la réalisation de cet intérêt public ;

- le droit de l’Union doit être proportionné à l’objectif poursuivi, respecter l’essence du droit à la protection des données et prévoir des mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des intérêts de la personne concernée.

Ces conditions étant également pertinentes pour apprécier si, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, la décision attaquée ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt général qu’elle poursuit, le Tribunal rappelle, d’une part, qu’une demande de renseignements telle que la décision attaquée constitue une mesure appropriée pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivis par la Commission (première condition) et, d’autre part, que le traitement de données à caractère personnel qu’implique la décision attaquée est nécessaire à la réalisation de l’intérêt public important poursuivi (deuxième condition).

En se référant aux modalités de transmission, de consultation, d’évaluation et d’anonymisation des documents protégés, le Tribunal estime que la troisième condition précitée est également remplie en l’espèce.

Après avoir ainsi établi que la décision attaquée, en tant qu’elle prévoit la procédure de la salle de données virtuelle, n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivi, le Tribunal constate, en troisième lieu, que les inconvénients de cette procédure n’étaient pas non plus démesurés par rapport aux buts visés.

Au regard de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que l’entrave au droit au respect de la vie privée causée par la décision attaquée remplit les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et rejette, par conséquent, les griefs tirés d’une violation de l’article 7 de celle-ci.

Les autres moyens soulevés par Meta Platforms Ireland s’étant également révélés non fondés, le Tribunal rejette le recours dans son intégralité.

{1} Décision C(2020) 3011 final de la Commission, du 4 mai 2020, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, et de l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil (affaire AT.40628 - Pratiques de Facebook liées aux données).

{2} Règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

{3} À la même date, la Commission a adopté à l’égard de Meta Platforms Ireland Ltd une demande de renseignements au titre de l’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1/2003 dans le cadre de son enquête parallèle sur certaines pratiques relatives au produit Marketplace. Le recours en annulation introduit par Meta Platforms Ireland Ltd contre cette décision est rejeté par le Tribunal dans son arrêt du même jour dans l’affaire Meta Platforms Ireland/Commission (T-452/20).

{4} Ordonnance du 29 octobre 2020, Facebook Ireland/Commission (T-451/20 R, non publiée, EU:T:2020:515).

{5} Décision C(2020) 9231 final de la Commission, du 11 décembre 2020.

{6} Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, et rectificatif JO 2018, L 127, p. 2).

{7} Règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) nº 45/2001 et la décision nº 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).

Arrêt du 24 mai 2023, Meta Platforms Ireland / Commission (T-451/20) (cf. points 117, 118)

PostNord Logistics A/S est une entreprise de transport routier de marchandises au Danemark intégralement détenue par PostNord Group AB. Cette dernière est quant à elle une filiale à 100 % de PostNord AB, dont le capital social est détenu à 40 % par le Royaume de Danemark et à 60 % par le Royaume de Suède.

Fin 2018, PostNord Group a décidé de procéder à une augmentation du capital au profit de PostNord Logistics à hauteur de 115 millions de couronnes danoises (environ 15,4 millions d’euros), dont une première tranche a été versée le 20 décembre 2018 (ci-après l’« augmentation de capital »). Eu égard au montant en jeu, PostNord Group a soumis cette augmentation de capital à l’approbation préalable du conseil d’administration de PostNord.

C’est dans ces circonstances que ITD{1}, une association professionnelle regroupant des sociétés de transport et de logistique danoises, a introduit une plainte auprès de la Commission européenne, en alléguant notamment que l’augmentation de capital constituait une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur.

Estimant notamment que, faute d’imputabilité aux États danois et suédois, l’augmentation de capital ne constituait pas une aide d’État la Commission a rejeté cette plainte sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE{2}.

Saisi d’un recours en annulation introduit par ITD et par une société concurrente de PostNord Logistics, le Tribunal annule partiellement cette décision de la Commission, au motif que celle-ci a commis une erreur de droit en omettant d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit des difficultés sérieuses soulevées par l’appréciation de l’augmentation de capital au regard de l’article 107 TFUE.

Appréciation du Tribunal

Le dépôt d’une plainte informant la Commission d’une aide présumée illégale a pour effet de déclencher l’ouverture de la phase préliminaire d’examen prévue par l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Si la Commission constate, à l’issue de cet examen préliminaire, que la mesure en question, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle adopte une décision de ne pas soulever d’objections. En revanche, en présence de difficultés sérieuses rencontrées lors de l’examen du caractère d’aide de la mesure en cause ou de sa compatibilité avec le marché intérieur, l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE s’impose. À ce dernier égard, il résulte de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de telles difficultés.

À la lumière de ces principes, les requérantes ont, en substance, fait valoir que la conclusion de la Commission selon laquelle l’augmentation de capital n’était pas imputable aux États danois et suédois était contredite par les circonstances de l’espèce, ce qui démontrerait l’existence de difficultés sérieuses nécessitant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

À cet égard, le Tribunal relève que, si l’imputabilité de l’augmentation de capital aux États danois et suédois ne pouvait certes pas être déduite de la seule circonstance que PostNord Group, laquelle était tenue d’approuver ladite augmentation de capital, est une entreprise publique, il était encore nécessaire pour la Commission d’examiner si les autorités publiques devaient être considérées comme ayant été impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans l’adoption de cette mesure.

Or, tout en constatant que la Commission a examiné l’implication des autorités danoises et suédoises dans l’augmentation de capital au regard de douze facteurs différents, le Tribunal estime que cet examen et la conclusion d’absence d’implication à laquelle la Commission est parvenue sont révélateurs de difficultés sérieuses, de nature à l’obliger à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

Sur ce point, le Tribunal considère, en premier lieu, que les arguments avancés par les requérantes, selon lesquels le conseil d’administration de PostNord était composé de huit membres sur onze dont la nomination relevait de ministres des États danois et suédois, parmi lesquels deux en étaient par ailleurs de hauts fonctionnaires, tendent à établir que, au moment de l’augmentation de capital, PostNord jouissait d’une marge d’indépendance limitée à l’égard de ces États membres. La circonstance que ces éléments organiques, susceptibles de constituer un indice non négligeable de l’imputabilité de l’augmentation de capital aux États danois et suédois, n’avaient pas été dûment pris en considération par la Commission, démontre le caractère incomplet et insuffisant de son examen et constitue dès lors une première indication de l’existence de difficultés sérieuses.

Étant donné que les liens organiques entre une entreprise publique et l’État qui la détient ne suffisent, en principe, pas à établir l’imputabilité à l’État d’une mesure prise par cette entreprise, le Tribunal s’attarde, en second lieu, sur d’autres signes d’implication des pouvoirs publics danois et suédois dont la Commission pouvait disposer, qui confirment le caractère incomplet et insuffisant de son examen.

À cet égard, le Tribunal relève tout d’abord que la Commission a omis d’examiner si l’existence d’un dialogue sur la restructuration de l’activité au Danemark de PostNord, qui avait eu lieu entre cette dernière et les États danois et suédois, était susceptible de concerner l’activité de PostNord Logistics, alors même que cet élément avait été avancé par ITD dans sa plainte, en tant qu’indice du rôle de supervision et de contrôle exercé par lesdits États sur l’augmentation de capital, approuvée par PostNord.

Ensuite, le Tribunal souligne que PostNord, qui assure, à titre principal, des services postaux à l’échelle nationale au Danemark et en Suède et dont des filiales sont, par ailleurs, chargées du service postal universel dans ces États membres, poursuit des objectifs d’intérêt général relevant de la compétence desdits États. Or, alors que cette circonstance tend à établir, selon la jurisprudence, que les pouvoirs publics danois et suédois accordent une attention particulière aux décisions prises par PostNord, la Commission a omis de prendre en compte cet élément lors de son analyse de l’imputabilité auxdits États membres de l’augmentation de capital, telle qu’approuvée par PostNord.

Enfin, le Tribunal constate que l’appréciation de la Commission, selon laquelle le montant de l’augmentation de capital en valeur absolue n’était pas de nature à éveiller des soupçons quant à l’implication des États danois et suédois dans l’adoption de cette mesure, démontre une fois de plus le caractère incomplet et insuffisant de son examen, d’autant plus que ce montant, d’environ 15,4 millions d’euros, dépassait le seuil au-delà duquel les injections de capital internes au groupe devaient recueillir l’approbation de PostNord, dont le conseil d’administration présentait des liens étroits avec ces États.

Les requérantes ayant dès lors rapporté la preuve de l’existence de difficultés sérieuses que la Commission n’a pas surmontées lors de son examen de l’augmentation de capital au regard de l’article 107 TFUE, le Tribunal accueille leur recours dans la mesure où il est dirigé contre la partie de la décision attaquée dans laquelle la Commission a, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, conclu que cette augmentation de capital n’était pas imputable aux États danois et suédois et, par conséquent, ne constituait pas une aide d’État.

{1} ITD, Brancheorganisation for den danske vejgodstransport A/S (ci-après « ITD »).

{2} Décision C(2020) 3006 final de la Commission, du 12 mai 2020, concernant les aides d’État SA.52489 (2018/FC) - Danemark et SA.52658 - Suède (ci-après la « décision attaquée »).

Arrêt du 13 septembre 2023, ITD et Danske Fragtmænd / Commission (T-525/20) (cf. points 128-131)

Statuant en formation élargie à cinq juges, le Tribunal rejette partiellement le recours introduit par différentes autorités portuaires italiennes tendant à l’annulation de la décision de la Commission européenne du 4 décembre 2020, concernant le régime d’aides{1} dont bénéficient les autorità di sistema portuale (autorités de système portuaires, Italie, ci-après les « AdSPs »). Par cet arrêt, le Tribunal précise, en particulier, selon quels critères il y a lieu d’apprécier le caractère économique des activités exercées par une entité publique sans but lucratif chargée de la gestion d’infrastructures portuaires.

Adoptée à la suite d’une enquête menée en 2013 dans l’ensemble des États membres, afin d’obtenir une vue d’ensemble sur le fonctionnement et la fiscalité de leurs ports, la décision attaquée constate que la mesure portant exonération de l’impôt sur les sociétés des opérateurs actifs dans le secteur portuaire constitue un régime d’aides d’État existant incompatible avec le marché intérieur. Elle ordonne par conséquent la suppression de cette mesure et la soumission des revenus des activités économiques de ses bénéficiaires à l’impôt sur les sociétés à partir du début de l’année fiscale suivant la date de son adoption.

Plus spécifiquement, la législation italienne relative à l’impôt sur le revenu des sociétés (ci-après l’« IRES ») exonère de celui-ci une multitude d’entités étatiques et d’organismes publics, dont les organismes gestionnaires du domaine collectif. Parmi ces derniers, figurent, selon les autorités italiennes, les AdSPs.

Les AdSPs sont des personnes morales de droit public établies par la loi afin d’assurer, de manière autonome, la gestion des infrastructures portuaires dont elles ont la charge. À ces fins, les AdSPs disposent de diverses ressources financières, dont le produit des redevances qu’elles sont habilitées à percevoir en contrepartie de l’octroi d’accès aux ports (ci-après les « redevances portuaires »), de l’octroi d’autorisations pour les opérations portuaires (ci-après les « redevances d’autorisation ») ainsi que de l’attribution de concessions de zones domaniales et de quais (ci-après les « redevances de concession »).

Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les AdSPs exercent des activités non économiques et des activités économiques, ces dernières correspondant aux trois catégories d’activités donnant lieu aux redevances susvisées. Dans ces circonstances, la Commission a conclu que l’exonération de l’IRES constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, pour autant que les AdSPs exercent des activités économiques.

Appréciation du Tribunal

Dans un premier temps, le Tribunal examine le moyen tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, par lequel les requérantes font, en substance, grief à la Commission d’avoir retenu à tort la nature économique de certaines des activités exercées par les AdSPs.

À cet égard, le Tribunal souligne, tout d’abord, que l’appréciation de la Commission ne saurait être critiquée, pour autant qu’elle n’aurait pas tenu compte du statut juridique des entités en question. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence constante, l’article 107, paragraphe 1, TFUE est applicable à toute entreprise, entendue comme entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement.

Ensuite, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait être retenue, au regard de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission invoquée par les requérantes sur ce point. À cet égard, le Tribunal considère que la Commission a traité de manière égale des situations comparables, en ce qui concerne les activités soumises aux redevances de concession et aux redevances portuaires, puisqu’elle avait retenu la nature économique d‘activités équivalentes exercées par les autorités portuaires belges et françaises visées dans les décisions antérieures. S’agissant, en revanche, des redevances d’autorisation, il y a lieu de constater que ces redevances n’ont pas encore fait l’objet d’un examen par la Commission.

Enfin, le Tribunal examine successivement les griefs relatifs à l’appréciation du caractère économique des activités exercées par les AdSPs et leur qualification en tant qu’entreprises, tirés de l’absence de marché sur lequel les AdSPs offriraient leurs services et de la nature des redevances perçues par les AdSPs. À cet égard, il convient de rappeler que relève de la notion d’entreprise toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique et du mode de financement de celle-ci, étant entendu que toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné constitue une activité économique.

En l’occurrence, en ce qui concerne, d’une part, la prétendue absence de marché sur lequel les AdSPs offriraient leurs services, le Tribunal relève d’emblée que c’est à tort que les requérantes soutiennent que les AdSPs ne sont exposées à aucune concurrence, compte tenu de leur monopole légal. En effet, ainsi que la Commission l’a, au contraire, relevé à juste titre, il existe une concurrence entre certains ports italiens et certains ports situés dans d’autres États membres, de sorte qu’elle a pu conclure, à bon droit, que l’octroi d’accès aux ports et l’attribution de concessions de zones domaniales et de quais constituaient des services fournis sur un marché donné. En revanche, en ce qui concerne l’octroi d’autorisations pour les opérations portuaires, le Tribunal estime, au vu des éléments exposés dans la décision attaquée à cet égard, que les tâches exercées à ce titre semblent correspondre à une mission de contrôle ayant pour objet de vérifier le respect d’exigences légales qui relève, en tant que telle, d’une prérogative de puissance publique de nature non économique. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission est restée en défaut d’établir que l’octroi d’autorisations constituait un service fourni sur un marché.

D’autre part, pour autant qu’il est reproché à la Commission d’avoir méconnu le fait que les redevances perçues par les AdSPs constituaient des taxes et non des rémunérations pour des services de nature économique, le Tribunal constate que la Commission a démontré à suffisance de droit que les redevances de concession et les redevances portuaires constituaient la contrepartie pour des activités de nature économiques rendues par les AdSPs. En revanche, quant aux redevances d’autorisation, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, le fait qu’un organisme public fournit un produit ou un service qui se rattache à l’exercice de ses prérogatives de puissance publique contre une rémunération prévue par la loi ne suffit pas à faire qualifier l’activité exercée d’activité économique et l’entité qui l’exerce d’entreprise. Or, en l’occurrence, étant donné que la Commission n’a examiné ni la méthode de calcul, ni le montant des redevances d’autorisation, ni le niveau de contrôle exercé par l’État à cet égard, il s’ensuit que celle-ci n’a pas démontré à suffisance de droit que les redevances d’autorisation représentent une contrepartie pour un service de nature économique.

Compte tenu des considérations qui précèdent, le Tribunal accueille le premier moyen en ce qui concerne l’octroi d’autorisations, le rejetant pour le surplus, et n’examine les deuxième au quatrième moyens que pour autant qu’ils portent sur les redevances de concession et les redevances portuaires.

Dans un second temps, dans la mesure où ils portent sur les redevances de concession et les redevances portuaires, le Tribunal examine successivement les moyens tirés d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, visant, en substance, à contester les constats de la Commission selon lesquels l’exonération de l’IRES donnait lieu à un transfert de ressources d’État et conférait un avantage sélectif aux AdSPs, susceptible, en outre, de distordre la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres.

À cet égard, le Tribunal conclut, en premier lieu, que la Commission a considéré, à juste titre, qu’en exonérant les AdSPs de l’IRES en dépit du fait qu’elles exercent une activité économique, l’administration fiscale italienne renonce à des recettes qui constituent des ressources d’État, donnant lieu, en conséquence, à un transfert de ressources étatiques au sens de l’article 107 TFUE. Dans ce contexte, il est sans incidence que les AdSPs sont des entreprises publiques et que l’avantage accordé reste dans la sphère économique de l’État au sens large. En effet, s’il en allait différemment, une telle approche risquerait de compromettre l’effet utile des règles en matière d’aide d’État et d’introduire une discrimination injustifiée entre les bénéficiaires publics et les bénéficiaires privés, en violation du principe de neutralité visée à l’article 345 TFUE.

En deuxième lieu, le Tribunal valide l’analyse de la Commission selon laquelle l’exonération de l’IRES confère un avantage de nature sélective aux entités qui en bénéficient.

À cet égard, le Tribunal considère, d’une part, que la Commission a correctement déterminé le système de référence en retenant, à ce titre, les dispositions de la législation italienne énonçant le principe selon lequel tous les revenus sont soumis à l’IRES, notamment les revenus de sociétés commerciales ainsi que d’autres organismes publics ou privés qui ont, ou non, pour objet exclusif ou principal la poursuite d’activités commerciales. En effet, en l’absence d’un tel principe, l’exonération des entités étatiques et publiques en cause serait dépourvue de toute utilité.

D’autre part, le Tribunal constate que l’exonération de l’IRES déroge au système de référence au bénéfice des AdSPs, sans aucune justification valable. En effet, à la lumière du principe qui sous-tend le système de référence susvisé, la situation factuelle et juridique des AdSPs, pour autant qu’elles exercent des activités économiques, est comparable, sinon identique, à celle d’autres entités soumises à l’IRES.

En troisième lieu, c’est également à bon droit que la Commission a considéré que l’exonération de l’IRES est susceptible de fausser la concurrence en affectant les échanges entre États membres, compte tenu de l’existence, précédemment évoquée, d’une concurrence entre certains ports italiens et certains ports d’autres États membres. Le Tribunal précise, dans ce contexte, que l’appréciation de la distorsion de la concurrence par la Commission ne se limite pas nécessairement aux entreprises ou aux productions de l’État membre concerné, même en l’absence d’une harmonisation en matière de fiscalité directe. Ainsi, le fait que le secteur portuaire se caractérise par des échanges transfrontaliers est suffisant pour que la Commission puisse inclure la concurrence de certains ports d’autres États membres dans son analyse.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal annule la décision attaquée en ce qu’elle qualifie l’octroi d’autorisations pour les opérations portuaires d’activité économique, rejetant le recours pour le surplus.

{1} Régime d’aides SA.38399 - 2019/C (ex 2018/E) mis à exécution par l’Italie - Impôt sur les sociétés applicable aux ports en Italie (JO 2021, L 354, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

Arrêt du 20 décembre 2023, Autorità di sistema portuale del Mar Ligure occidentale e.a. / Commission (T-166/21) (cf. points 199, 200)



Arrêt du 16 septembre 2013, Galp Energia España e.a. / Commission (T-462/07) (cf. points 522-539)

Arrêt du 12 décembre 2018, Deutsche Umwelthilfe / Commission (T-498/14) (cf. point 43)

Arrêt du 2 avril 2020, Hansol Paper / Commission (T-383/17) (cf. points 44-47)

Arrêt du 14 mai 2020, NKT Verwaltung et NKT / Commission (C-607/18 P) (cf. points 290-295, 298-301)



Arrêt du 24 mai 2023, Meta Platforms Ireland / Commission (T-452/20) (cf. points 73, 74)

38. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif



Arrêt du 16 septembre 2013, PROAS / Commission (T-495/07) (cf. points 457, 458, 463-465, 467)

Arrêt du 16 septembre 2013, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a. / Commission (T-496/07) (cf. points 445, 446, 451-453, 455)

Arrêt du 16 septembre 2013, CEPSA / Commission (T-497/07) (cf. points 356, 357, 362-364, 366)

Arrêt du 14 septembre 2016, National Iranian Tanker Company / Conseil (T-207/15) (cf. points 45-55)

Arrêt du 4 mai 2017, Haw Par / EUIPO - Cosmowell (GELENKGOLD) (T-25/16) (cf. points 29, 33, 34, 42-46)

Arrêt du 13 décembre 2018, Kakol / Commission (T-641/16 RENV et T-137/17) (cf. points 74-77)



Arrêt du 2 mars 2022, Fabryki Mebli "Forte" / EUIPO - Bog-Fran (Meuble) (T-1/21) (cf. points 26, 27)

39. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de concurrence - Effets à l'égard des destinataires n'ayant pas introduit de recours - Prise en compte, par le Tribunal, dans le cadre du recours de la société mère, du résultat du recours introduit par la filiale



Arrêt du 16 septembre 2013, PROAS / Commission (T-495/07) (cf. points 459, 460)

Arrêt du 16 septembre 2013, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a. / Commission (T-496/07) (cf. points 447, 448)

Arrêt du 16 septembre 2013, CEPSA / Commission (T-497/07) (cf. points 358, 359)

40. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement et d'une décision concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Prise d'effet de l'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci



Arrêt du 12 novembre 2013, North Drilling / Conseil (T-552/12) (cf. points 30, 31)

41. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie - Gel des fonds des personnes impliquées dans des détournements de fonds publics et des personnes physiques ou morales, entités ou organismes leur étant associés - Risque d'atteinte sérieuse et irréversible pour l'efficacité de tout gel d'avoirs susceptible d'être, à l'avenir, décidé par le Conseil à l'encontre des personnes visées par l'acte annulé - Maintien des effets de la décision annulée jusqu'à l'expiration du délai pour le pourvoi ou à son rejet



Arrêt du 2 avril 2014, Ben Ali / Conseil (T-133/12) (cf. points 83, 87-89)

42. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Maintien des effets de l'acte attaqué

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 24 juin 2014, Parlement / Conseil (C-658/11) (cf. points 89-91)

43. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement et d'une décision concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Prise d'effet de cette annulation à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci

Le programme nucléaire mis en œuvre par la République islamique d’Iran est une source de préoccupations vives tant sur le plan international que sur le plan européen. C’est dans ce contexte que le Conseil a graduellement élargi le nombre de mesures restrictives prises à l’encontre de cet État, en vue de faire obstacle au développement d’activités mettant en péril la paix et la sécurité internationale, dans le cadre de la mise en œuvre de résolutions du Conseil de sécurité.

Dès lors, la modulation des effets dans le temps de l’annulation d’une mesure restrictive peut se justifier par la nécessité d’assurer l’efficacité des mesures restrictives et, en définitive, par des considérations impérieuses touchant à la sûreté ou à la conduite des relations internationales de l’Union et de ses États membres. En effet, l’annulation avec effet immédiat des actes portant gel d'avoirs dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire permettrait à la partie requérante de transférer tout ou partie de ses actifs hors de l’Union de sorte qu’une atteinte sérieuse et irréversible risquerait d’être causée à l’efficacité de tout gel d’avoirs susceptible d’être, à l’avenir, décidé par le Conseil à l’égard de la partie requérante.

Arrêt du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company / Conseil (T-565/12) (cf. points 74-77, disp. 3)

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 octobre 2016, Sina Bank / Conseil (T-418/14) (cf. points 161-163)



Arrêt du 3 juillet 2014, Zanjani / Conseil (T-155/13) (cf. points 80-86)

Arrêt du 3 juillet 2014, Sorinet Commercial Trust Bankers / Conseil (T-157/13) (cf. points 80-86)

Arrêt du 18 septembre 2015, Iran Liquefied Natural Gas / Conseil (T-5/13) (cf. points 64-69, disp. 3)

Arrêt du 18 septembre 2015, Oil Pension Fund Investment Company / Conseil (T-121/13) (cf. points 44, 45, 47-50)

Arrêt du 19 novembre 2015, North Drilling / Conseil (T-539/14) (cf. points 67-70)

44. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement et d'une décision concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Maintien des effets de ces actes pendant une période de deux mois à compter de la date du prononcé de l'arrêt



Arrêt du 3 juillet 2014, Sharif University of Technology / Conseil (T-181/13) (cf. points 77-83, disp. 3)

45. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement et d'une décision concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Prise d'effet de l'annulation de ces actes à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci



Arrêt du 10 juillet 2014, Moallem Insurance / Conseil (T-182/13) (cf. points 54-60, disp. 3)

46. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Syrie - Risque d'atteinte sérieuse et irréversible pour l'efficacité de tout gel d'avoirs susceptible d'être, à l'avenir, décidé par le Conseil à l'encontre des personnes visées par l'acte annulé - Maintien des effets des décisions et règlements annulés jusqu'à l'expiration du délai pour le pourvoi ou au rejet de celui-ci

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 juillet 2014, Hassan / Conseil (T-572/11) (cf. points 96, 98, 99, 101)

Arrêt du 13 novembre 2014, Jaber / Conseil (T-653/11) (cf. points 88-94)



Arrêt du 13 novembre 2014, Kaddour / Conseil (T-654/11) (cf. points 88-94)

Arrêt du 13 novembre 2014, Hamcho et Hamcho International / Conseil (T-43/12) (cf. points 103-109)

Arrêt du 26 février 2015, Sabbagh / Conseil (T-652/11) (cf. points 52-58)

47. Recours en annulation - Arrêt rejetant un recours en annulation - Effets - Autorité relative de la chose jugée - Maintien de la présomption de légalité de l'acte attaqué - Irrecevabilité d'un nouveau recours ayant le même objet, opposant les mêmes parties et fondé sur la même cause

Les arrêts de rejet d'un recours en annulation d'un acte pris par une institution de l'Union sont revêtus d’une autorité relative de chose jugée, qui a pour seule conséquence de rendre irrecevable tout nouveau recours ayant le même objet, opposant les mêmes parties et fondé sur la même cause. Un tel arrêt ne signifie donc pas que l’acte attaqué est valide, mais uniquement qu’aucun des moyens soulevés par le requérant n’était fondé et qu’il en allait de même des moyens d’ordre public que le juge est tenu de relever d’office. Dès lors, l’acte attaqué continue de bénéficier d’une présomption de légalité, qui implique également, pour tous les sujets du droit de l’Union, l’obligation de reconnaître la pleine efficacité de cet acte tant que son illégalité n’a pas été établie.

Arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob / Commission (T-471/11) (cf. points 117, 144)

48. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Annulation d'une décision d'agrément de l'acquéreur d'actifs rétrocédés dans le cadre d'une opération de concentration - Décision ne devant pas nécessairement reprendre les mêmes motifs que ceux figurant dans l'acte annulé - Prise en considération de données relatives à la période postérieure à la date d'adoption de l'acte annulé - Admissibilité

À la suite de l’annulation d’un acte administratif, son auteur doit adopter un nouvel acte de remplacement en se plaçant à la date à laquelle celui-ci avait été pris, en fonction des dispositions alors en vigueur, et des éléments de fait alors pertinents. Il peut toutefois invoquer, dans sa nouvelle décision, des motifs autres que ceux sur lesquels il avait fondé sa première décision.

Le contrôle des opérations de concentration nécessite une analyse prospective de la situation de la concurrence susceptible de découler à l’avenir de l’opération de concentration, notamment s’agissant de l’évaluation de la viabilité d’un repreneur et de sa capacité à maintenir et à développer une concurrence effective sur les marchés concernés.

Ainsi, lorsque la Commission doit effectuer a posteriori une analyse de la situation de la concurrence ayant découlé de l’opération de concentration, elle peut examiner à bon droit si son analyse effectuée à partir des éléments dont elle avait connaissance à la date de l’adoption de la décision annulée est corroborée par des données relatives à la période postérieure à cette date.

Arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob / Commission (T-471/11) (cf. points 125, 127, 128, 134)

49. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif - Point de droit constituant un obiter dictum prononcé au-delà des limites du litige porté devant le juge de l'Union - Exclusion - Effets de l'arrêt d'annulation - Obligation de l'auteur de la nouvelle décision de se placer à la date de l'adoption de l'acte annulé et de prendre en compte les dispositions alors en vigueur

Les arrêts d’annulation prononcés par les juridictions de l’Union jouissent, dès qu’ils sont devenus définitifs, de l’autorité absolue de la chose jugée. Celle-ci recouvre non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais aussi les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif et en sont, de ce fait, indissociables.

L’autorité de la chose jugée d’un arrêt ne s’attache cependant qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés. De plus, un obiter dictum figurant dans un arrêt d’annulation ne bénéficie pas de l’autorité absolue de la chose jugée. Ainsi, l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation.

La procédure visant à remplacer un acte annulé doit être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue. L’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n’entraîne pas nécessairement l’annulation de toute la procédure précédant l’adoption de l’acte attaqué indépendamment des motifs, de fond ou de procédure, de l’arrêt d’annulation. L’auteur de l’acte doit ainsi se placer à la date à laquelle il avait adopté l’acte annulé pour adopter l’acte de remplacement, en fonction des dispositions alors en vigueur, et des éléments de fait alors pertinents. Il peut toutefois invoquer, dans sa nouvelle décision, des motifs autres que ceux sur lesquels il avait fondé sa première décision. En outre, il n’est pas tenu de se prononcer à nouveau sur des aspects de la décision initiale qui n’ont pas été remis en cause par l’arrêt d’annulation.

Arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob / Commission (T-471/11) (cf. points 56-59, 63, 66, 67, 125)

50. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Mesures d'exécution - Refus d'arrêter des mesures allant au-delà du remplacement de l'acte annulé - Contestation relative à la portée de l'obligation d'exécution - Voie procédurale - Recours en carence - Contestation de la légalité de l'acte adopté en remplacement de l'acte annulé - Voie procédurale - Recours en annulation

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob / Commission (T-471/11) (cf. point 71)

51. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives en raison de la situation en Libye - Risque d'atteinte sérieuse et irréversible pour l'efficacité de tout gel d'avoirs susceptible d'être, à l'avenir, décidé par le Conseil à l'encontre des personnes visées par les actes annulés - Maintien des effets des actes annulés jusqu'à l'expiration du délai pour le pourvoi ou à son rejet



Arrêt du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam / Conseil (T-348/13) (cf. points 106-109)

52. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Conditions - Annulation, dans son intégralité, d'une décision de la Commission qualifiant une entente globale d'infraction unique et continue et infligeant une amende, malgré la participation de l'entreprise requérante à certains contacts de nature anticoncurrentielle - Décision ne permettant pas à ladite entreprise de comprendre les reproches retenus contre elle concernant lesdits contacts, indépendamment de sa participation à l'infraction unique et continue

L’article 264, premier alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens que l’acte qui fait l’objet d’un recours en annulation ne doit être déclaré nul et non avenu que dans la mesure où le recours est fondé. Ainsi, le seul fait que le Tribunal considère qu’un moyen invoqué par la partie requérante au soutien de son recours en annulation est fondé ne lui permet pas d’annuler automatiquement l’acte attaqué dans son intégralité. En effet, une annulation intégrale ne saurait être retenue lorsqu’il apparaît de toute évidence que ledit moyen, visant uniquement un aspect spécifique de l’acte contesté, n’est susceptible d’asseoir qu’une annulation partielle.

Dès lors, si une entreprise a directement pris part à un ou plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer que la responsabilité des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque. Cela ne saurait néanmoins conduire à exonérer cette entreprise de sa responsabilité pour les comportements dont il est constant qu’elle y a pris part ou dont elle peut effectivement être tenue pour responsable.

Il n’est cependant envisageable de diviser ainsi une décision de la Commission qualifiant une entente globale d’infraction unique et continue que si, d’une part, l’entreprise en cause a été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de comprendre qu’il lui était reproché non seulement une participation à ladite infraction, mais également à certains comportements la composant, et donc de se défendre sur ce point, et si, d’autre part, ladite décision est suffisamment claire à cet égard.

Tel n'est pas le cas lorsque la décision en cause ne qualifie pas de manière autonome lesdits comportements d'infraction à l'article 101 TFUE, le juge de l'Union ne pouvant, dans de telles circonstances, procéder lui-même à une telle qualification sans empiéter sur les compétences attribuées à la Commission par l'article 105 TFUE.

Arrêt du 10 octobre 2014, Soliver / Commission (T-68/09) (cf. points 108-113)

53. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives prises à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme - Prise d'effet de la décision d'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci - Application de ce délai à la prise d'effet de l'annulation de la décision

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 octobre 2014, LTTE / Conseil (T-208/11 et T-508/11) (cf. points 228, 229)

54. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué - Décision de la Commission relative à l'apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA, le FEAGA et le Feader - Caractère détachable d'une correction financière indûment appliquée au titre de l'octroi des droits de la réserve nationale à certains agriculteurs - Annulation partielle



Arrêt du 6 novembre 2014, Grèce / Commission (T-632/11) (cf. points 111, 113, 114)

55. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Décision ne devant pas nécessairement reprendre les mêmes motifs que ceux figurant dans l'acte annulé

L’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. En ce sens, cette disposition impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans ledit arrêt. Toutefois, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à mettre en œuvre afin de tirer les conséquences d’un arrêt d’annulation ou d’invalidation, étant entendu que ces moyens doivent être compatibles avec le dispositif de l’arrêt en cause et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire.

En effet, l’institution concernée est libre de retenir le motif qu’elle estime le plus pertinent pour motiver sa décision, sans qu’une éventuelle erreur commise dans le choix de ce motif puisse l’empêcher de retenir ultérieurement un motif qu’elle aurait pu invoquer lors de l’acte annulé. À cet égard, le fait qu’un motif n’a pas été invoqué dans le cadre de l’acte annulé n’empêche nullement l’institution de l’invoquer dans la décision destinée à remplacer cet acte dès lors que l’auteur d’un acte annulé peut invoquer, dans sa nouvelle décision, des motifs autres que ceux sur lesquels il avait fondé sa première décision.

Arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys / Commission (T-125/16) (cf. points 49, 59, 60)



Ordonnance du 26 novembre 2014, Léon Van Parys / Commission (T-171/14) (cf. points 32-34)

Ordonnance du 9 septembre 2020, IMG / Commission (T-645/19) (cf. point 57)

56. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme - Risque d'atteinte sérieuse et irréversible pour l'efficacité des mesures restrictives - Maintien des effets de la décision annulée pour une période de trois mois ou jusqu'à l'expiration du délai pour le pourvoi ou à son rejet

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 17 décembre 2014, Hamas / Conseil (T-400/10) (cf. points 144, 145)

57. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif, y compris en cas d'annulation partielle



Arrêt du 22 janvier 2015, Ocean Capital Administration e.a. / Conseil (T-420/11 et T-56/12) (cf. points 44-46)

58. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Décision 2013/129 mettant la 4-méthylamphétamine sous contrôle - Décision d'exécution 2013/496 soumettant le 5-(2-aminopropyl)indole à des mesures de contrôle - Risque d'atteinte à l'efficacité du contrôle des substances psychoactives concernées et à la protection de la santé publique - Maintien des effets des décisions annulées jusqu'à l'entrée en vigueur de nouveaux actes appelés à les remplacer

Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

À cet égard, prononcer l’annulation de la décision 2013/129, mettant la 4-méthylamphétamine sous contrôle, ainsi que de la décision d’exécution 2013/496, soumettant le 5-(2-aminopropyl)indole à des mesures de contrôle, sans prévoir le maintien de leurs effets serait susceptible de porter atteinte à l’efficacité du contrôle des substances psychoactives concernées par ces décisions et, partant, à la protection de la santé publique.

Il y a lieu, par conséquent, de maintenir les effets desdites décisions jusqu’à l’entrée en vigueur de nouveaux actes appelés à les remplacer.

Arrêt du 16 avril 2015, Parlement / Conseil (C-317/13 et C-679/13) (cf. points 72-74)

59. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Décision 2013/392 fixant la date de prise d'effet de la décision 2008/633 concernant l'accès en consultation au système d'information sur les visas par les autorités désignées des États membres et par l'Office européen de police aux fins de la prévention et de la détection des infractions terroristes et des autres infractions pénales graves, ainsi qu'aux fins des enquêtes en la matière - Risque d'entrave à l'accès au système précité et d'atteinte au maintien de l'ordre public - Maintien des effets de la décision annulée jusqu'à l'entrée en vigueur d'un nouvel acte appelé à la remplacer

Aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

À cet égard, prononcer l’annulation de la décision 2013/392, fixant la date de prise d’effet de la décision 2008/633 concernant l’accès en consultation au système d’information sur les visas par les autorités désignées des États membres et par l’Office européen de police aux fins de la prévention et de la détection des infractions terroristes et des autres infractions pénales graves, ainsi qu’aux fins des enquêtes en la matière, sans prévoir le maintien de ses effets serait de nature à entraver l’accès audit système et, partant, à porter atteinte au maintien de l’ordre public.

Il y a lieu, par conséquent, de maintenir les effets de la décision 2013/392 jusqu'à l'entrée en vigueur d'un nouvel acte appelé à la remplacer.

Arrêt du 16 avril 2015, Parlement / Conseil (C-540/13) (cf. points 62-64)

60. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Annulation partielle de deux actes comportant des mesures restrictives - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets des actes annulés jusqu'à l'expiration du délai pour le pourvoi ou à son rejet

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 5 mai 2015, Petropars Iran e.a. / Conseil (T-433/13) (cf. points 128-134)

61. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée

M. Carreras Sequeros et les autres personnes parties à la procédure devant la Cour (ci-après « Carreras Sequeros e.a. ») sont des fonctionnaires ou agents contractuels de la Commission ayant été affectés dans des pays tiers avant le 1er janvier 2014. Lors de la mise à jour de leurs dossiers personnels, afin de tenir compte du nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »){1}, ils se sont vu allouer 36 jours ouvrables de congé annuel pour l’année 2014 contre 42 l’année précédente. Carreras Sequeros e.a ont introduit des réclamations qui ont été rejetées, selon les cas, par l’autorité investie du pouvoir de nomination ou par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement.

Dans leur recours introduit devant le Tribunal, Carreras Sequeros e.a. ont demandé de déclarer illégal le nouvel article 6 de l’annexe X du statut et d’annuler les décisions de la Commission, portant réduction de leurs congés annuels à compter de l’année 2014 (ci-après les « décisions litigieuses »). Le Tribunal a accueilli le recours{2} et a annulé ces décisions au motif que la Commission ne pouvait pas valablement se fonder sur le nouvel article 6 de l’annexe X du statut pour adopter les décisions litigieuses, dans la mesure où cet article, en réduisant de manière significative la durée du congé des fonctionnaires et des agents affectés dans des pays tiers, ne saurait être regardé comme étant compatible avec la nature et la finalité du droit à un congé annuel, telles qu’elles ressortent de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), lu à la lumière de la directive 2003/88{3}.

Saisie de pourvois formés par la Commission (affaire C-119/19 P) et par le Conseil (C-126/19 P), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal par un arrêt de la grande chambre du 8 septembre 2020. Dans ce même arrêt, après avoir statué elle-même définitivement sur le litige, la Cour a rejeté le recours introduit par Carreras Sequeros e.a. dans l’affaire T-518/16.

Tout d’abord, la Cour a considéré que c’est à bon droit que le Tribunal avait jugé recevable l’exception d’illégalité invoquée par Carreras Sequeros e.a., laquelle visait l’ensemble du régime de congé annuel prévu au nouvel article 6 de l’annexe X du statut, y compris sa phase définitive applicable à partir de l’année 2016. La Cour a jugé, à cet égard, que, la nature même d’une période transitoire étant d’organiser le passage progressif d’un régime à un autre, la période transitoire, prévue au nouvel article 6, second alinéa, de l’annexe X du statut, ne tire sa justification que de l’adoption du régime définitif instauré par le premier alinéa dudit article. Dans ces conditions, les décisions litigieuses constituent des mesures d’application du régime mis en place, à compter du 1er janvier 2014, par ce nouvel article 6 de l’annexe X du statut et entretiennent un lien juridique direct avec ce régime dans son ensemble.

Ensuite, la Cour s’est prononcée sur la nature et la finalité du droit au congé annuel, tel que consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte. À cet égard, la Cour a relevé qu’il découle des explications afférentes à cette disposition que la référence faite par celles-ci à la directive 2003/88 renvoie aux dispositions de cette directive qui reflètent et précisent le droit fondamental à une période annuelle de congés payés. Tel est le cas de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, qui prévoit un droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines et qui doit, sous réserve des dispositions plus favorables contenues dans le statut, être appliqué aux fonctionnaires et aux agents des institutions de l’Union. Par conséquent, et contrairement à ce que le Tribunal a jugé, ne saurait être considérée comme constituant une atteinte au droit fondamental au congé annuel payé une disposition du droit de l’Union qui, à l’instar du nouvel article 6, de l’annexe X du statut, et même si elle prive graduellement les personnes concernées d’un certain nombre de jours de congé annuel payé, leur assure toujours un droit à ce congé d’une durée supérieure aux quatre semaines minimales. La Cour a ajouté que, dans ces conditions, une disposition telle que le nouvel article 6 de l’annexe X du statut est de nature à garantir la satisfaction de la double finalité du droit au congé annuel, à savoir, permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches qui lui incombent et disposer d’une période de détente et de loisir. La Cour a donc accueilli les pourvois et annulé l’arrêt du Tribunal.

Enfin, statuant définitivement sur le litige en première instance, la Cour a rejeté comme étant non fondés l’ensemble des moyens présentés devant le Tribunal par Carreras Sequeros e.a, dont ceux tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime ainsi que du droit au respect de la vie privée.

S’agissant du principe d’égalité de traitement, qui est applicable au droit de la fonction publique de l’Union, la Cour a relevé que le législateur de l’Union a bien tenu compte de la situation particulière qui distingue les fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers du personnel affecté dans l’Union. En effet, il a maintenu, en faveur de ces fonctionnaires et agents, la possibilité de solliciter un congé spécial de détente qui s’ajoute au droit au congé annuel payé reconnu par le statut à tout fonctionnaire ou agent de l’Union.

Quant au principe de protection de la confiance légitime, la Cour a rappelé que, d’une part, le lien juridique entre les fonctionnaires et l’administration de l’Union est de nature statutaire et non contractuelle. Dès lors, les droits et les obligations de ces fonctionnaires peuvent être modifiés à tout moment par le législateur de l’Union. D’autre part, le droit de se prévaloir dudit principe suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies aux intéressés par les autorités compétentes de l’Union. Or, dans le cas d’espèce, il n’a pas été établi qu’une quelconque assurance ait été donnée par les autorités compétentes de l’Union quant au fait que l’article 6 de l’annexe X du statut ne serait jamais modifié.

S’agissant du droit au respect de la vie privée et de la vie familiale, la Cour a essentiellement souligné l’existence, dans le statut, d’une série de dispositions tenant spécifiquement compte de la situation familiale particulière des fonctionnaires et agents affectés dans un pays tiers. Elle a ajouté que l’appréciation de la légalité d’un acte de l’Union au regard des droits fondamentaux ne saurait reposer sur des allégations tirées des conséquences de cet acte dans le cas particulier d’un requérant.

{1} Depuis la prise d’effet, le 1er janvier 2014, de l’article 1er, point 70, sous a), du règlement (UE, Euratom) nº 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15), l’article 6 de l’annexe X du statut prévoit, en ce qui concerne les fonctionnaires affectés dans un pays tiers :

« Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de deux jours ouvrables [contre trois jours et demi ouvrables précédemment] par mois de service.

Nonobstant le premier alinéa du présent article, les fonctionnaires déjà affectés dans un pays tiers au 1er janvier 2014 ont droit :

- à trois jours ouvrables du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;

- à deux jours ouvrables et demi du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015. »

Le nouvel article 6, second alinéa, premier tiret, de l’annexe X du statut constitue ainsi une disposition transitoire organisant le passage progressif vers le régime définitif du congé annuel mis en place par le premier alinéa de cet article, afin, notamment, d’éviter ou d’atténuer les effets d’une modification abrupte du régime antérieur pour les membres du personnel concernés, déjà affectés dans un pays tiers au 1er janvier 2014, tels que Carreras Sequeros e.a.

{2} Arrêt du 4 décembre 2018, Carreras Sequeros e.a./Commission (T-518/16, EU:T:2018:873).

{3} Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

Arrêt du 8 septembre 2020, Commission / Carreras Sequeros e.a. (C-119/19 P et C-126/19 P) (cf. points 56, 57)

Voir texte de la décision.

Arrêt du 15 mars 2023, Basaglia / Commission (T-597/21) (cf. points 101, 104)



Arrêt du 11 juin 2015, McCullough / Cedefop (T-496/13) (cf. points 23, 27)

Arrêt du 14 décembre 2017, AETMD / Conseil (T-460/14) (cf. point 86)



Arrêt du 16 décembre 2020, Haswani / Conseil (T-521/19) (cf. point 57)

62. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Annulation d'une décision constatant une aide d'État incompatible avec le marché intérieur - Nullité subséquente de la déclaration de non-récupération de ladite aide

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 2 juillet 2015, France et Orange / Commission (T-425/04 RENV et T-444/04 RENV) (cf. points 268, 269)

63. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué - Décision du Conseil autorisant l'ouverture des négociations d'un accord international - Chefs d'annulation ne modifiant pas la substance des obligations de la Commission relatives à la conduite des négociations - Caractère détachable

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 16 juillet 2015, Commission / Conseil (C-425/13) (cf. points 94, 95)

64. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement et d'une décision inscrivant une certaine entité sur la liste des personnes et entités visées par les mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Effet rétroactif - Annulation entraînant celle d'une décision et d'un règlement inscrivant une personne et une entité sur la même liste sur le fondement des actes précités annulés



Arrêt du 18 septembre 2015, HTTS et Bateni / Conseil (T-45/14) (cf. points 40-56)

65. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Annulation partielle à deux moments différents de deux actes comportant des mesures restrictives identiques - Maintien des effets du premier de ces actes jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du second - Absence - Comportement du Conseil ne démontrant pas un risque d'atteinte sérieuse et irréversible pour l'efficacité des mesures restrictives précitées



Arrêt du 18 septembre 2015, HTTS et Bateni / Conseil (T-45/14) (cf. points 58-67)

66. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Mesures d'exécution - Refus d'arrêter des mesures allant au-delà du remplacement de l'acte annulé - Contestation relative à la portée de l'obligation d'exécution - Voie procédurale - Recours en carence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 23 octobre 2015, Oil Turbo Compressor / Conseil (T-552/13) (cf. point 81)

67. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Annulation partielle d'une décision refusant partiellement le remboursement de droits antidumping indûment acquittés - Nécessité de maintenir provisoirement les effets de la décision pour éviter l'obligation de reverser la totalité des sommes remboursées - Absence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a. / Commission (T-73/12) (cf. points 162-164)

Arrêt du 18 novembre 2015, Mecafer / Commission (T-74/12) (cf. points 162-164)



Arrêt du 18 novembre 2015, Nu Air Polska / Commission (T-75/12) (cf. points 162-164)

Arrêt du 18 novembre 2015, Nu Air Compressors and Tools / Commission (T-76/12) (cf. points 162-164)

68. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué - Décision de la Commission relative à l'apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA, le FEAGA et le Feader - Caractère non détachable des éléments de l'acte attaqué



Arrêt du 19 novembre 2015, Grèce / Commission (T-107/14) (cf. points 99-101)

69. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Annulation de la décision 2014/688 soumettant certaines substances psychoactives à des mesures de contrôle - Risque d'atteinte à l'efficacité du contrôle des substances concernées et à la protection de la santé publique - Maintien des effets de la décision annulée

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 23 décembre 2015, Parlement / Conseil (C-595/14) (cf. points 46-49)

70. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation intégrale d'une décision de la Commission qualifiant une entente globale d'infraction unique et continue et infligeant une amende malgré la responsabilité de l'entreprise requérante pour une partie seulement des comportements anticoncurrentiels - Inadmissibilité

Le constat effectué par le Tribunal d’un défaut de preuve quant à la participation intégrale de certaines entreprises à une infraction aux règles de concurrence n’est pas de nature, conformément à l’article 264, premier alinéa, TFUE, à entraîner l’annulation, dans son ensemble, de la décision les ayant condamnées, dès lors que ces éléments présentent le caractère de composantes accessoires à l’infraction concernée. En effet, la circonstance selon laquelle la Commission n’a pas rapporté la preuve d’une telle participation desdites entreprises ne modifie pas la substance de sa décision, dans la mesure où l’infraction unique et continue, constatée par la Commission, est composée essentiellement de deux ensembles infractionnels principaux, à savoir le partage de marché et la coordination des prix.

Arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energia España e.a. / Commission (C-603/13 P) (cf. point 86)

71. Recours en annulation - Arrêt rejetant un recours en annulation - Effets - Autorité relative de la chose jugée - Maintien de la présomption de légalité de l'acte attaqué



Arrêt du 28 janvier 2016, Éditions Odile Jacob / Commission (C-514/14 P) (cf. point 40)

72. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation d'un règlement antidumping dans la partie imposant un droit antidumping aux produits de certaines sociétés - Effet de l'annulation sur la validité d'un droit antidumping applicable aux produits d'autres sociétés - Absence - Présomption de validité des actes des institutions de l'Union

Les juridictions des États membres ne peuvent pas se fonder sur des arrêts dans lesquels le juge de l’Union a annulé un règlement ayant institué des droits antidumping, en tant qu’il concernait certains producteurs-exportateurs visés par ce règlement, pour considérer que les droits imposés sur les produits d’autres producteurs-exportateurs visés par ledit règlement, et se trouvant dans la même situation que les producteurs-exportateurs à l’égard desquels un tel règlement a été annulé, ne sont pas légalement dus, au sens de l’article 236, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92, établissant le code des douanes communautaire. Un tel règlement n’ayant pas été retiré par l’institution qui l’a adopté, annulé par le juge de l’Union ou invalidé par la Cour en tant qu’il impose des droits sur les produits de ces autres producteurs-exportateurs, lesdits droits demeurent légalement dus, au sens de cette disposition.

En effet, lorsque, dans le cadre d’un recours en annulation introduit par une personne directement et individuellement concernée par un règlement ayant imposé des droits antidumping, le juge de l’Union annule ce règlement en tant qu’il concerne cette personne, une telle annulation partielle n’affecte pas la légalité des autres dispositions de cet acte, et notamment des dispositions ayant institué des droits antidumping sur des produits autres que ceux fabriqués, exportés ou importés par ladite personne.

Au contraire, dès lors que de telles dispositions n’ont pas été attaquées dans le délai prévu à l’article 263 TFUE, par les personnes qui auraient eu qualité pour en demander l’annulation, elles sont définitives à leur égard. Par ailleurs, aussi longtemps qu’elles n’ont pas été retirées ou déclarées invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité, ces dispositions jouissent d’une présomption de légalité, ce qui implique qu’elles produisent leur plein effet juridique à l’égard de toute autre personne.

Arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International (C-659/13 et C-34/14) (cf. points 183-185, disp. 3)

73. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Annulation du règlement nº 275/2014 modifiant l'annexe I du règlement nº 1316/2013 établissant le mécanisme pour l'interconnexion en Europe - Risque d'atteinte à la sécurité juridique du fait de la remise en cause des programmes de travail fondés sur le règlement nº 1316/2013 - Maintien des effets de l'acte annulé

Eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un acte annulé peuvent être maintenus notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves pour les personnes concernées et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs d’incompétence de son auteur ou de violation des formes substantielles.

Il en va ainsi s’agissant du règlement nº 275/2014, modifiant l’annexe I du règlement nº 1316/2013 établissant le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ce règlement servant de base juridique pour les programmes de travail visés à l’article 17 du règlement nº 1316/2013, qui, quant à eux, servent de fondement pour les appels à propositions pour la sélection des projets d’intérêt commun qui sont financés par ledit mécanisme. Or, la simple annulation du règlement nº 275/2014 remettrait en cause tant les programmes de travail annuels et pluriannuels fondés sur ce règlement que les appels à propositions pour la sélection des projets d’intérêt commun lancés sur la base de ces programmes, qui à leur tour seraient automatiquement invalidés. Une telle invalidation compromettrait la mise en œuvre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe et causerait un préjudice significatif à tous les acteurs concernés.

Arrêt du 17 mars 2016, Parlement / Commission (C-286/14) (cf. points 67-69)

74. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Prise d'effet de l'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci

Il résulte de l’article 60, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le pourvoi n’a pas d’effet suspensif. Le second alinéa de cet article prévoit, cependant, que, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai pendant lequel un pourvoi peut être introduit ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

Ainsi, les règlements imposant le gel de fonds de personnes et d’entités désignées s’apparentent, à la fois, à des actes de portée générale dans la mesure où ils interdisent à une catégorie de destinataires déterminés de manière générale et abstraite, notamment, de mettre des fonds et des ressources économiques à la disposition des personnes et des entités dont les noms figurent sur les listes contenues dans leurs annexes, et à un faisceau de décisions individuelles à l’égard de ces personnes et entités.

La nature individuelle de ces actes ouvre, conformément aux termes des articles 275, deuxième alinéa, et 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès des personnes physiques et morales au juge de l’Union.

Toutefois, la circonstance que les personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives qu’impose le règlement litigieux sont nommément désignées, de sorte qu’elles apparaissent comme étant directement et individuellement concernées par celui-ci, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, n’implique pas que cet acte n’aurait pas une portée générale au sens de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE et qu’il ne saurait être qualifié de règlement.

Or, le règlement nº 267/2012, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, en ce compris son annexe IX, a la nature d’un règlement, dès lors que son article 51, second alinéa, prévoit qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, ce qui correspond aux effets d’un règlement tels que prévus à l’article 288 TFUE.

Arrêt du 21 avril 2016, Conseil / Bank Saderat Iran (C-200/13 P) (cf. points 118-121)

75. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Conséquences découlant d'un arrêt d'annulation disposant de l'autorité de la chose jugée - Moyen d'ordre public pouvant être relevé d'office par le juge de l'Union

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 24 mai 2016, Good Luck Shipping / Conseil (T-423/13 et T-64/14) (cf. point 76)

76. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Recours d'une association professionnelle de défense et de représentation de ses membres - Effets de l'annulation vis-à-vis de ses membres - Portée

Les effets de l’annulation d'un règlement ne peuvent se produire que vis-à-vis de tous les membres d'une association professionnelle de défense et de représentation de ses membres qui a introduit un recours en annulation, dans la mesure où les recours desdits membres auraient été recevables.

En effet, s’il en était autrement, une association professionnelle pourrait invoquer la qualité pour agir de certains de ses membres pour obtenir l’annulation d’un règlement au profit de tous ses membres, y compris ceux qui ne remplissent pas, à titre individuel, les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Cela reviendrait à contourner les règles relatives aux conditions de recevabilité des recours en annulation.

Arrêt du 9 juin 2016, Growth Energy et Renewable Fuels Association / Conseil (T-276/13) (cf. points 60, 61)

77. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Mesures d'exécution - Abrogation de la base juridique permettant l'adoption d'un nouvel acte en remplacement de l'acte annulé - Possibilité d'adoption sur la base de l'article 266 TFUE - Absence - Nécessité d'une base juridique en vigueur à la date d'adoption

En vertu de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane un acte annulé par le juge de l’Union est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant prononcé l’annulation de cet acte. Cependant, préalablement à l’adoption de telles mesures par l’institution dont émane l’acte annulé, se pose la question de la compétence de cette institution, dès lors que les institutions de l’Union ne peuvent agir que dans les limites de leur compétence d’attribution. À cet égard, l’obligation d’agir qui résulte de l’article 266 TFUE ne constitue pas une source de compétence pour l’institution concernée ni ne permet à cette dernière de se fonder sur une base juridique qui a entretemps été abrogée.

En outre, si le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps ainsi que les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent l’application des règles matérielles en vigueur à la date des faits en cause quand bien même ces règles ne sont plus en vigueur à la date de l’adoption d’un acte par l’institution de l’Union, en revanche, la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution de l’Union à adopter l’acte en cause doit être en vigueur à la date de l’adoption de celui-ci. De même, la procédure d’adoption de cet acte doit être conduite conformément aux règles en vigueur à la date de cette adoption. À cet égard, ne saurait être permise, par l’intermédiaire de l’application de principes généraux du droit de l’Union, l’utilisation par une institution d’une base juridique ayant expiré, aux fins de l’habiliter à appliquer une règle matérielle, pour fonder une décision, à la suite de l’annulation par le juge de l’Union de la décision initiale.

Arrêt du 14 juin 2016, Commission / McBride e.a. (C-361/14 P) (cf. points 35, 36, 38, 40, 45)

78. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Annulation de décisions concernant le lancement de l'échange automatisé de données relatives à l'immatriculation des véhicules et aux données dactyloscopiques - Risque d'atteinte à l'ordre public et à la sécurité publique - Maintien des effets de la décision annulée jusqu'à l'entrée en vigueur d'un nouvel acte appelé à la remplacer

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 22 septembre 2016, Parlement / Conseil (C-14/15 et C-116/15) (cf. points 76-78)

79. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'un règlement à un moment différent de l'expiration d'une décision comportant des mesures restrictives identiques - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets de la décision jusqu'à la prise d'effet de l'arrêt d'annulation

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 octobre 2016, Sina Bank / Conseil (T-418/14) (cf. point 164)

80. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement et d'une décision inscrivant une certaine entité sur la liste des personnes et entités visées par les mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Obligation de prendre une nouvelle décision - Portée - Décision ne devant pas nécessairement reprendre les mêmes motifs que ceux figurant dans l'acte annulé



Arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat / Conseil (T-346/15) (cf. points 23-25)

81. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle de deux règlements et de deux décisions concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la Syrie - Prise d'effet de l'annulation des règlements à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci - Inapplication de ce délai à la prise d'effet de l'annulation des décisions



Arrêt du 22 mars 2017, Haswani / Conseil (T-231/15) (cf. points 77-80)

82. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement et d'une décision concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la Syrie - Prise d'effet de l'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci - Inapplication de ce délai à la prise d'effet de l'annulation de la décision



Arrêt du 6 avril 2017, Alkarim for Trade and Industry / Conseil (T-35/15) (cf. points 62-66)

83. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de la Syrie - Prise d'effet de l'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci - Inapplication de ce délai à la prise d'effet de l'annulation de la décision



Arrêt du 11 mai 2017, Barqawi / Conseil (T-303/15) (cf. points 64-68)

Arrêt du 11 mai 2017, Abdulkarim / Conseil (T-304/15) (cf. points 63-67)

84. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Rétroactivité de l'annulation - Décision ne devant pas nécessairement reprendre les mêmes motifs que ceux figurant dans l'acte annulé



Arrêt du 17 mai 2017, PG / Frontex (T-583/16) (cf. points 41-45, 47, 48, 53)

Arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström / Frontex (T-591/16) (cf. points 80-83, 85, 89, 90)

85. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché intérieur et ordonnant sa restitution - Annulation pour erreur de droit et erreurs manifestes d'appréciation - Nouvelle analyse requise par l'arrêt d'annulation pouvant être effectuée par la Commission sans reprendre l'instruction de l'affaire - Droit d'être entendu ayant été respecté lors de l'adoption de la décision annulée - Adoption d'une nouvelle décision sans réouverture de la procédure formelle d'examen - Admissibilité



Arrêt du 6 juillet 2017, France / Commission (T-74/14) (cf. points 44-60)

Arrêt du 6 juillet 2017, SNCM / Commission (T-1/15) (cf. points 63-79, 85, 86)

86. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Maintien des effets de l'acte attaqué jusqu'à l'entrée en vigueur d'un nouvel acte - Justification tirée de motifs de sécurité juridique

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 20 septembre 2017, Tilly-Sabco / Commission (C-183/16 P) (cf. points 122-125)

87. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Rétroactivité de l'annulation - Obligation d'éviter le remplacement de l'acte annulé par un acte entaché du même vice

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 18 octobre 2018, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a. / Commission (T-364/16) (cf. points 33, 61, 64-66)

Arrêt du 23 octobre 2018, McCoy / Comité des régions (T-567/16) (cf. points 152-154, 156)



Arrêt du 26 septembre 2017, Hanschmann / Europol (T-562/16) (cf. points 33-35)

Arrêt du 26 septembre 2017, Knöll / Europol (T-563/16) (cf. points 33-35)

Ordonnance du 16 mai 2018, Argus Security Projects / Commission (T-206/17) (cf. points 30, 31)



Arrêt du 8 juin 2022, Darment / Commission (T-92/21) (cf. points 48, 49, 56-58)

88. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Adoption d'un nouvel acte sur le fondement des actes préparatoires antérieurs - Admissibilité

Par l’arrêt Deutsche Post/Commission (T-388/11, EU:T:2019:237), rendu le 10 avril 2019, en formation élargie à cinq juges, le Tribunal a annulé, pour défaut de motivation, une décision de la Commission européenne par laquelle celle-ci avait étendu une procédure formelle d’examen, concernant les aides d’État accordées à Deutsche Post à titre de compensation de ses obligations de service universel, aux subventions versées par les autorités allemandes en vue de couvrir le coût des pensions des salariés ayant le statut de fonctionnaires.

La présente affaire s’inscrit dans une série de décisions de la Commission concernant certaines mesures en faveur de Deutsche Post et d’arrêts successifs du Tribunal et de la Cour annulant ces décisions. En vertu de ses obligations prévues à l’article 266 TFUE, la Commission était tenue de prendre les mesures que comportait l’exécution de ces arrêts ayant acquis autorité de la chose jugée.

Dans ce contexte, le Tribunal a, tout d’abord, estimé que la Commission disposait toujours de la possibilité de reprendre la procédure au stade de l’adoption de la décision attaquée et que Deutsche Post demeurait, par conséquent, exposée au risque de récupération des aides alléguées par la Commission qui découlait de cette décision. En outre, Deutsche Post conservait un intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée et à voir cette décision disparaître de l’ordre juridique, dans la mesure où, en cas d’annulation de celle-ci, la Commission se verrait contrainte, dans l’hypothèse où elle déciderait, aux fins de l’adoption des mesures d’exécution des arrêts d’annulation, de prendre une nouvelle décision de réouverture de la procédure formelle d’examen, de s’assurer que cette nouvelle décision n’est pas entachée des mêmes irrégularités que l’ensemble des décisions l’ayant précédée. De plus, eu égard à la complexité procédurale exceptionnelle liée à l’existence de plusieurs décisions administratives et juridictionnelles concernant les mêmes mesures d’aide, Deutsche Post se trouvait dans une situation d’incertitude juridique particulière que seul l’examen au fond de la présente affaire et l’éventuelle annulation de la décision attaquée pourraient clarifier, ce qui renforçait son intérêt à agir contre cette décision.

Eu égard au contexte procédural particulier de l’affaire, à savoir l’enchevêtrement de plusieurs procédures formelles d’examen ouvertes par la Commission, le Tribunal a considéré que la Commission était soumise, lorsqu’elle avait adopté la décision attaquée, à une obligation de motivation spécifique au sens de l’article 296, paragraphe 2, TFUE.

Le Tribunal a précisé que l’obligation de motivation relative à l’existence d’un avantage économique sélectif à l’égard de Deutsche Post, au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, s’imposait déjà à la Commission lors de l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, et non uniquement aux fins de la décision prise à l’issue d’une telle procédure.

Arrêt du 10 avril 2019, Deutsche Post / Commission (T-388/11) (cf. point 53)



Arrêt du 25 octobre 2017, Lucaccioni / Commission (T-551/16) (cf. point 52)

89. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Réouverture de la procédure au stade de l'irrégularité constatée - Admissibilité

Sauf à ce que l’irrégularité constatée ait entaché de nullité l’ensemble de la procédure, les institutions concernées peuvent, afin d’adopter un acte visant à remplacer un précédent acte annulé ou invalidé, rouvrir la procédure au stade où cette irrégularité a été commise.

Arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys / Commission (T-125/16) (cf. point 52)



Ordonnance du 16 mai 2018, Argus Security Projects / Commission (T-206/17) (cf. point 29)

90. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'une décision de la Commission concernant une demande de remise de droits à l'importation - Obligation de prendre une nouvelle décision - Portée

À la suite de l’annulation partielle par le juge de l’Union d’une décision de la Commission statuant sur une demande de remise de droits à l’importation, la Commission est obligée de réexaminer les éléments du dossier et de prendre une nouvelle décision sur ladite demande pour remédier à l’irrégularité constatée. Ce faisant, elle est tenue de prendre en considération tous les éléments de fait et de droit disponibles au moment de l’adoption de l’acte. L’obligation de la Commission de préparer une décision avec toute la diligence requise et de prendre sa décision sur la base de toutes les données pouvant avoir une incidence sur le résultat découle notamment du principe de bonne administration, du principe de légalité et du principe d’égalité de traitement. Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’estimer qu’il convient de reprendre son enquête et de compléter le dossier.

Par ailleurs, il ne saurait être valablement soutenu que, à la suite de l’annulation partielle de la première décision avec effet ex tunc, la Commission n’a plus que cinq jours pour adopter une décision quant à la demande de remise, pour respecter le délai de forclusion de neuf mois prévu à l’article 907 du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d'application du règlement nº 2913/92 établissant le code des douanes communautaire. En effet, le délai de neuf mois prévu par cette disposition ne saurait être applicable dans le cadre d’une procédure rouverte en vertu de l’article 266 TFUE.

Arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys / Commission (T-125/16) (cf. points 54-56, 62)

91. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Adoption de mesures d'exécution - Délai raisonnable - Annulation partielle d'une décision de la Commission concernant une demande de remise de droits à l'importation - Adoption tardive d'une nouvelle décision - Violation du principe du délai raisonnable - Conséquences

La violation du principe du respect du délai raisonnable ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. En effet, ce n’est que lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative que le non-respect du principe du délai raisonnable affecte la validité de la procédure administrative.

À cet égard, il est certes vrai que le système mis en place, et en particulier le délai de neuf mois prévu par l’article 907 du règlement nº 2454/93, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92 établissant le code des douanes communautaire, ne s’impose plus à la Commission dans le cadre de la procédure ouverte en vertu de l’article 266 TFUE. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, en adoptant la décision destinée à remplacer la décision annulée sans observer un délai raisonnable, la Commission s’affranchit des garanties prévues par le règlement nº 2454/93 et prive la personne intéressée de l’effet utile de ce règlement, de la possibilité d’obtenir une décision dans les délais prévus ainsi que de la garantie de bénéficier d’une décision favorable en l’absence de réponse dans ces délais.

Dès lors, en adoptant la décision destinée à remplacer la décision annulée 34 mois après le prononcé de l’arrêt d’annulation, la Commission viole le principe du délai raisonnable, ce qui constitue un motif d’annulation de la seconde décision.

Arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys / Commission (T-125/16) (cf. points 82, 91-93)

92. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Conséquences de l'annulation d'un règlement instituant des droits antidumping - Maintien des droits antidumping jusqu'à la prise de mesures comportant l'exécution de l'arrêt d'annulation

Lorsque le recours ne vise pas à la suppression du droit antidumping résultant du règlement attaqué, mais à son remplacement par une mesure de portée plus sévère comportant un droit antidumping plus élevé en application d’une méthodologie de calcul de la valeur normale éventuellement différente et lorsque les conséquences de la seule annulation du règlement attaqué pourraient avoir pour effet de porter atteinte à l’intérêt général de la politique de l’Union en matière d’antidumping, il convient, afin d’assurer l’efficacité de telles mesures et contrairement aux objections du Conseil, de maintenir le droit antidumping résultant du règlement attaqué jusqu’à ce que les institutions aient pris les mesures que comporte l’exécution de l'arrêt en annulation, conformément à l’article 264, second alinéa, TFUE.

Arrêt du 3 mai 2018, Distillerie Bonollo e.a. / Conseil (T-431/12) (cf. point 147)

93. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en compte tant de la motivation que du dispositif - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Décision ne devant pas nécessairement reprendre les mêmes motifs que ceux figurant dans l'acte annulé

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 31 mai 2018, Kaddour / Conseil (T-461/16) (cf. points 67, 68)

94. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Maintien des effets de l'acte attaqué - Justification tirée de motifs de sécurité juridique

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 4 septembre 2018, Commission / Conseil (Accord avec le Kazakhstan) (C-244/17) (cf. points 50-52)

La décision 2020/470 du Conseil (ci-après la « décision attaquée »){1} a prolongé, jusqu’au 30 juin 2023, la période d’application du droit accordé aux coproductions audiovisuelles en vertu du protocole relatif à la coopération dans le domaine culturel{2}, annexé à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part{3}.

Ce protocole prévoit le droit, pour ces coproductions, de bénéficier des régimes respectifs de promotion du contenu culturel régional ou local (ci-après le « droit en cause »), qui est, après la période initiale de trois ans, rouvert pour trois ans et ensuite reconduit automatiquement pour de nouvelles périodes successives de la même durée, à moins qu’une partie n’y mette un terme moyennant un préavis écrit d’au moins trois mois avant l’expiration de la période initiale ou de toute période ultérieure{4}.

La décision attaquée a été adoptée au visa de l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/2169, par laquelle a été conclu l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part{5}. En vertu de cette disposition, la Commission européenne avise la République de Corée de l’intention de l’Union de ne pas prolonger la période d’application du droit en cause, à moins que, sur proposition de la Commission et quatre mois avant l’expiration de cette période d’application, le Conseil de l’Union ne décide, à l’unanimité, de poursuivre l’application de ce droit.

La Commission a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée. Elle soulève un moyen unique, tiré de ce que le Conseil, en fondant la décision attaquée sur l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/2169, a utilisé illégalement une « base juridique dérivée ».

Statuant en grande chambre, la Cour se prononce, pour la première fois, sur la procédure et la règle de vote applicables à la procédure simplifiée en vue de la modification d’un accord conclu par l’Union, établie à l’article 218, paragraphe 7, TFUE{6}. Elle annule la décision attaquée en constatant que la procédure instituée à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/2169, mise en œuvre par la décision attaquée, n’est pas conforme à l’article 218 TFUE en ce qu’elle exige un vote à l’unanimité au sein du Conseil alors même que, pour l’adoption d’une règle interne dans la matière couverte par cette décision, la règle du vote à la majorité qualifiée trouverait à s’appliquer.

Appréciation de la Cour

À titre liminaire, la Cour observe qu’il ressort du considérant 6 de la décision 2015/2169{7} que la procédure décisionnelle prévue à l’article 3, paragraphe 1, de cette décision a pour base juridique l’article 218, paragraphe 7, TFUE. Elle procède alors à l’examen de la question de savoir si cette procédure décisionnelle, mise en œuvre par la décision attaquée, entre dans le champ d’application de l’article 218, paragraphe 7, TFUE et si elle est conforme à l’article 218 TFUE.

En premier lieu, la Cour relève, d’une part, qu’il ressort de l’article 5, paragraphe 8, sous a) et b), du protocole que les parties à l’accord et, par extension, au protocole, doivent, tous les trois ans, à la suite d’une évaluation menée par le comité « Coopération culturelle », apprécier si elles entendent ou non reconduire le droit en cause pour une nouvelle période de trois ans. L’article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/2169 prévoit à cet égard une procédure interne à l’Union en ce qu’il donne à la Commission le pouvoir de mettre fin au droit en cause au terme de chaque période de trois ans ou, si elle estime que ce droit doit être reconduit, de faire une proposition en ce sens au Conseil avant l’expiration de chaque période. Or, l’absence de reconduction dudit droit revient à supprimer un droit instauré par le protocole et, en principe, reconduit tacitement et automatiquement tous les trois ans. Ainsi, cette procédure habilite la Commission à adopter des décisions relatives à la modification de ce protocole. Par conséquent, l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/2169 constitue une habilitation, donnée à la Commission par le Conseil, lors de la conclusion de l’accord et, par extension, du protocole, à approuver, au nom de l’Union, des « modifications de l’accord », au sens de l’article 218, paragraphe 7, TFUE.

D’autre part, l’article 5, paragraphe 8, sous a) et b), du protocole prévoit une procédure simplifiée en ce sens qu’il suffit, pour mettre un terme au droit en cause, qu’une partie à l’accord le fasse moyennant un préavis écrit notifié trois mois avant l’expiration de la période concernée, ledit droit étant, à défaut, reconduit automatiquement.

Par ailleurs, les règles prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/2169 peuvent être considérées comme faisant application de la possibilité, prévue à l’article 218, paragraphe 7, TFUE, pour le Conseil, d’assortir l’habilitation donnée à la Commission de conditions spécifiques, puisque cette disposition de la décision 2015/2169 impose à la Commission, si elle estime qu’il convient de reconduire le droit en cause pour une durée de trois ans, de faire une proposition au Conseil en ce sens quatre mois avant l’expiration de la période en cours.

Il s’ensuit que la procédure instituée à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/2169, mise en œuvre par la décision attaquée, entre dans le champ d’application de l’article 218, paragraphe 7, TFUE, de telle sorte que cette décision n’avait pas à être adoptée suivant la procédure ordinaire prévue à l’article 218, paragraphe 6, sous a), TFUE.

En second lieu, la Cour constate que, l’article 218, paragraphe 7, TFUE ne prévoyant aucune règle de vote en vue de l’adoption par le Conseil des décisions pour lesquelles celui-ci a, dans le cadre de l’habilitation qu’il a donnée à la Commission sur le fondement de cette disposition, retenu sa compétence, c’est par référence à l’article 218, paragraphe 8, TFUE{8} que la règle de vote applicable doit, dans chaque cas d’espèce, être déterminée. Il ressort de cette disposition que, en règle générale, le Conseil statue à la majorité qualifiée et que c’est uniquement dans les cas exposés à son second alinéa qu’il statue à l’unanimité. Le premier cas de figure dans lequel l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE requiert que le Conseil statue à l’unanimité, qui est le seul pertinent en l’espèce, concerne l’hypothèse dans laquelle l’accord porte sur un domaine pour lequel l’unanimité est requise pour l’adoption d’un acte de l’Union. Le droit en cause ne relevant pas d’un tel domaine, la procédure instituée à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2015/2169 n’est pas conforme à l’article 218 TFUE, en ce qu’elle exige un vote à l’unanimité. En effet, la règle de vote applicable pour l’adoption de décisions telles que la décision attaquée doit, dans ces conditions, être celle prévue à l’article 218, paragraphe 8, premier alinéa, TFUE, à savoir un vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil.

Partant, la Cour annule la décision attaquée. Elle décide néanmoins, pour des motifs de sécurité juridique, de maintenir ses effets jusqu’à ce qu’il ait été remédié aux motifs d’annulation constatés.

{1} Décision (UE) 2020/470 du Conseil, du 25 mars 2020, concernant la prolongation de la période d’application du droit accordé aux coproductions audiovisuelles en vertu de l’article 5 du protocole relatif à la coopération dans le domaine culturel annexé à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (JO 2020, L 101, p. 1).

{2} En vertu de l’article 5 du protocole relatif à la coopération dans le domaine culturel (JO 2011, L 127, p. 1418, ci-après le « protocole »).

{3} Accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part (JO 2011, L 127, p. 6, ci-après l’« accord »).

{4} Article 5, paragraphe 8, sous a) et b), du protocole.

{5} Décision (UE) 2015/2169 du Conseil, du 1er octobre 2015(JO 2015, L 307, p. 2).

{6} L’article 218, paragraphe 7, TFUE prévoit que, par dérogation aux paragraphes 5, 6 et 9 de cet article, le Conseil peut, lors de la conclusion d’un accord, habiliter le négociateur à approuver, au nom de l’Union, les modifications de l’accord, lorsque celui-ci prévoit que ces modifications doivent être adoptées selon une procédure simplifiée ou par une instance créée par cet accord. Le Conseil peut assortir cette habilitation de conditions spécifiques.

{7} Le considérant 6 de la décision 2015/2169 indique que, conformément à l’article 218, paragraphe 7, TFUE, le Conseil peut habiliter la Commission à approuver certaines modifications limitées de l’accord et qu’il y a lieu d’autoriser la Commission à prononcer l’expiration du droit en cause, à moins qu’elle ne décide de prolonger l’applicabilité de ce droit et que cela soit approuvé par le Conseil conformément à une procédure spéciale, compte tenu à la fois du caractère sensible de cet élément de l’accord et du fait que celui-ci doit être conclu par l’Union et ses États membres.

{8} L’article 218, paragraphe 8, TFUE prévoit en son premier alinéa : « Tout au long de la procédure, le Conseil statue à la majorité qualifiée ». Le second alinéa dispose : « Toutefois, il statue à l’unanimité lorsque l’accord porte sur un domaine pour lequel l’unanimité est requise pour l’adoption d'un acte de l’Union ainsi que pour les accords d’association et les accords visés à l’article 212 avec les États candidats à l'adhésion. […] ».

Arrêt du 1er mars 2022, Commission / Conseil (Accord avec la République de Corée) (C-275/20) (cf. points 54-56)

95. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué - Décision de la Commission relative à l'apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA, le FEAGA et le Feader - Caractère détachable des motifs et du dispositif d'une décision appliquant une correction financière - Annulation partielle - Conséquences

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 25 septembre 2018, Suède / Commission (T-260/16) (cf. points 103, 104)

96. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en compte tant de la motivation que du dispositif

L'article 266 TFUE prévoit une répartition des compétences entre l’autorité judiciaire et l’autorité administrative, selon laquelle il appartient à l’institution dont émane l’acte annulé de déterminer quelles sont les mesures requises pour exécuter un arrêt d’annulation.

Les arrêts d’annulation prononcés par les juridictions de l’Union jouissent, dès qu’ils sont devenus définitifs, de l’autorité absolue de la chose jugée. Celle-ci recouvre non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais aussi les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif et en sont, de ce fait, indissociables.

L’autorité de la chose jugée d’un arrêt ne s’attache cependant qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés. Ainsi, l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation.

Arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC / Commission (T-574/14) (cf. points 48-50)

97. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'une décision de la Commission relative à une demande d'exemption - Obligation de reprendre une décision sur l'accord notifié au titre du règlement nº 17 en se plaçant à la date de la notification - Entrée en vigueur du règlement nº 1/2003 ne prévoyant plus de procédure de notification - Absence d'incidence

Sous le régime antérieur de l’autorisation administrative du règlement nº 17, seule la Commission pouvait adopter une décision à la suite d’une demande d’exemption individuelle au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, cette institution ne disposant pas d’un pouvoir discrétionnaire pour décider de l’examen ou non de la demande d’exemption. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence, la circonstance que le règlement nº 1/2003, qui régit depuis le 1er mai 2004 la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 TFUE, a supprimé la procédure de notification qui existait auparavant est sans conséquence sur l’exécution d’un arrêt faisant droit à une demande d’annulation.

Selon l'arrêt d'annulation, la Commission n’était tenue de se prononcer sur la demande d’exemption que "pour autant qu’elle en demeur[ait] saisie". En d’autres termes, elle n’était déchargée de cette obligation que si le demandeur décidait de retirer sa demande.

Arrêt du 26 septembre 2018, EAEPC / Commission (T-574/14) (cf. points 57, 58)

98. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'un règlement concernant l'adoption de mesures restrictives ayant acquis la force de chose jugée - Obligations du Conseil d'examiner l'incidence d'un tel arrêt sur la décision de maintien de mesures restrictives - Portée



Ordonnance du 28 novembre 2018, Klyuyev / Conseil (T-305/18 R) (cf. points 104-106)

99. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'actes concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Décision de réinscription d'un requérant sur la base d'autres motifs que ceux justifiant l'inscription initiale, ou sur la base d'un motif identique, fondé sur d'autres éléments de preuve - Contrôle juridictionnel - Violation du principe de l'autorité de la chose jugée - Absence

Les arrêts d’annulation prononcés par les juridictions de l’Union jouissent, dès qu’ils sont devenus définitifs, de l’autorité de la chose jugée. Celle-ci recouvre non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais aussi les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif et en sont, de ce fait, indissociables. Or, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par une décision juridictionnelle.

S'agissant d'un arrêt par lequel le juge de l'Union a annulé des actes prévoyant l'inscription initiale d'un requérant sur une liste de personnes visées par des mesures restrictives en raison de l'insuffisance des éléments fournis par le Conseil afin d'étayer leur base factuelle, il ne saurait être inféré de la constatation de l'insuffisance des éléments produits par le Conseil, à laquelle s’attache l’autorité de la chose jugée, que le Conseil ne pouvait, par la suite, retenir d’autres éléments de preuve destinés à attester la véracité des motifs invoqués, en particulier l’existence d’un soutien financier au gouvernement en cause, ou se fonder sur un type d’appui, d’une autre nature, à ce gouvernement.

Le grief selon lequel le Conseil avait l'obligation d'épuiser l'ensemble des éléments à sa disposition et des qualifications juridiques susceptibles de justifier l'imposition de mesures restrictives à l'occasion de la première inscription de ce requérant, annulée par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne peut aboutir à constater une violation du principe de l'autorité de la chose jugée dès lors que, par hypothèse, lesdits éléments et qualifications juridiques n’ayant pas été pris en compte par cette décision, ils ne peuvent constituer des points de droit ou de fait effectivement ou nécessairement tranchés par ladite décision.

Arrêt du 29 novembre 2018, National Iranian Tanker Company / Conseil (C-600/16 P) (cf. points 42, 43, 45, 48)

100. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'actes concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Adoption d'un acte consistant à réinscrire un requérant sur la base d'autres motifs que ceux figurant dans les actes annulés - Pouvoir d'appréciation des institutions - Portée - Contrôle juridictionnel - Violation des principes de l'autorité de la chose jugée et de protection juridictionnelle effective - Absence

La règle en vertu de laquelle, aux termes de l’article 266 TFUE, dans l’hypothèse où un acte est annulé ou invalidé, les institutions dont émane cet acte sont uniquement tenues de prendre les mesures qu’implique l’exécution de cet arrêt implique que ces institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à mettre en œuvre pour remédier à l’illégalité constatée, étant entendu que ces moyens doivent être compatibles avec le dispositif de l’arrêt en cause et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire.

S'agissant d'un arrêt par lequel le juge de l'Union a annulé des actes prévoyant l'inscription initiale d'un requérant sur une liste de personnes visées par des mesures restrictives en raison de l'insuffisance des éléments fournis par le Conseil afin d'étayer leur base factuelle, la question de savoir s’il reste loisible au Conseil de procéder à une réinscription sur la base de motifs autres que ceux figurant dans les actes annulés, qui nécessite de déterminer si l’arrêt d’annulation limite la faculté du Conseil d’adopter des actes de réinscription, peut être appréciée à l’aune du principe de l’autorité de la chose jugée. En vertu de ce principe, les arrêts d’annulation prononcés par les juridictions de l’Union jouissent, dès qu’ils sont devenus définitifs, de l’autorité de la chose jugée. Celle-ci recouvre non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais aussi les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif et en sont, de ce fait, indissociables. Or, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par une décision juridictionnelle. Il ne saurait à cet égard être inféré de la constatation de l'insuffisance des éléments produits par le Conseil, à laquelle s’attache l’autorité de la chose jugée, que le Conseil ne pouvait, par la suite, retenir d’autres éléments de preuve destinés à attester la véracité des motifs invoqués, ou qu’il ne pourrait jamais démontrer que le requérant apporte un appui à la prolifération nucléaire ou aide d’autres personnes et entités à enfreindre les mesures restrictives les visant ou à s’y soustraire.

En outre, le principe de protection juridictionnelle effective, qui constitue un principe général du droit, à présent affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne saurait non plus empêcher le Conseil de réinscrire une personne ou une entité sur les listes de personnes et d’entités dont les avoirs sont gelés, sur la base d’autres motifs que ceux sur lesquels reposait l’inscription initiale de cette personne ou de cette entité. En effet, ce principe vise à garantir qu’un acte faisant grief puisse être attaqué devant le juge et non à ce qu’un nouvel acte faisant grief, fondé sur des motifs différents, ne puisse être adopté. Par conséquent, lorsqu'une décision d’une institution de l’Union faisant l’objet d’un recours est annulée, celle-ci est censée n’avoir jamais existé et cette institution, qui entend prendre une nouvelle décision, peut procéder à un réexamen complet et invoquer des motifs autres que ceux sur lesquels était fondée la décision annulée.

Arrêt du 29 novembre 2018, Bank Tejarat / Conseil (C-248/17 P) (cf. points 68-71, 73, 79-81)

101. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Risque d'atteinte aux intérêts économiques du secteur automobile, aux intérêts des consommateurs et aux politiques pour l'environnement et la santé publique - Maintien des effets de l'acte attaqué jusqu'au remplacement de ce dernier dans un délai raisonnable

L’article 264, second alinéa, TFUE permet, pour des motifs de sécurité juridique, mais aussi pour des motifs visant à éviter une discontinuité ou une régression dans la mise en œuvre de politiques conduites ou soutenues par l’Union, comme en matière de protection de l’environnement ou de la santé publique, de maintenir pour un délai raisonnable les effets d’un acte annulé.

S'agissant de l'annulation partielle du règlement 2016/646, portant modification du règlement nº 692/2008 en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 6), il y a lieu de faire application de cette disposition dans la mesure où l’absence de modulation dans le temps de l’annulation pourrait tout à la fois porter atteinte à des intérêts économiques légitimes du secteur automobile qui s’est conformé à la réglementation applicable, le cas échéant à ceux de consommateurs qui ont acquis des véhicules ayant satisfait à cette réglementation et aux politiques de l’Union pour l’environnement et la santé.

Arrêt du 13 décembre 2018, Ville de Paris / Commission (T-339/16, T-352/16 et T-391/16) (cf. points 160, 163)

102. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de la Syrie - Annulation de deux règlements et de deux décisions concernant des mesures restrictives - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets des décisions jusqu'à la date d'expiration du délai de pourvoi ou jusqu'au rejet éventuel du pourvoi



Arrêt du 31 janvier 2019, Abdulkarim / Conseil (T-559/17) (cf. points 63-69)

Arrêt du 31 janvier 2019, Alkarim for Trade and Industry / Conseil (T-667/17) (cf. points 47-53)

103. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant des motifs de l'arrêt que du droit de l'Union - Rétroactivité de l'annulation - Obligation d'éviter le remplacement de l'acte annulé par un acte entaché du même vice

Par l’arrêt Deutsche Post/Commission (T-388/11, EU:T:2019:237), rendu le 10 avril 2019, en formation élargie à cinq juges, le Tribunal a annulé, pour défaut de motivation, une décision de la Commission européenne par laquelle celle-ci avait étendu une procédure formelle d’examen, concernant les aides d’État accordées à Deutsche Post à titre de compensation de ses obligations de service universel, aux subventions versées par les autorités allemandes en vue de couvrir le coût des pensions des salariés ayant le statut de fonctionnaires.

La présente affaire s’inscrit dans une série de décisions de la Commission concernant certaines mesures en faveur de Deutsche Post et d’arrêts successifs du Tribunal et de la Cour annulant ces décisions. En vertu de ses obligations prévues à l’article 266 TFUE, la Commission était tenue de prendre les mesures que comportait l’exécution de ces arrêts ayant acquis autorité de la chose jugée.

Dans ce contexte, le Tribunal a, tout d’abord, estimé que la Commission disposait toujours de la possibilité de reprendre la procédure au stade de l’adoption de la décision attaquée et que Deutsche Post demeurait, par conséquent, exposée au risque de récupération des aides alléguées par la Commission qui découlait de cette décision. En outre, Deutsche Post conservait un intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée et à voir cette décision disparaître de l’ordre juridique, dans la mesure où, en cas d’annulation de celle-ci, la Commission se verrait contrainte, dans l’hypothèse où elle déciderait, aux fins de l’adoption des mesures d’exécution des arrêts d’annulation, de prendre une nouvelle décision de réouverture de la procédure formelle d’examen, de s’assurer que cette nouvelle décision n’est pas entachée des mêmes irrégularités que l’ensemble des décisions l’ayant précédée. De plus, eu égard à la complexité procédurale exceptionnelle liée à l’existence de plusieurs décisions administratives et juridictionnelles concernant les mêmes mesures d’aide, Deutsche Post se trouvait dans une situation d’incertitude juridique particulière que seul l’examen au fond de la présente affaire et l’éventuelle annulation de la décision attaquée pourraient clarifier, ce qui renforçait son intérêt à agir contre cette décision.

Eu égard au contexte procédural particulier de l’affaire, à savoir l’enchevêtrement de plusieurs procédures formelles d’examen ouvertes par la Commission, le Tribunal a considéré que la Commission était soumise, lorsqu’elle avait adopté la décision attaquée, à une obligation de motivation spécifique au sens de l’article 296, paragraphe 2, TFUE.

Le Tribunal a précisé que l’obligation de motivation relative à l’existence d’un avantage économique sélectif à l’égard de Deutsche Post, au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, s’imposait déjà à la Commission lors de l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, et non uniquement aux fins de la décision prise à l’issue d’une telle procédure.

Arrêt du 10 avril 2019, Deutsche Post / Commission (T-388/11) (cf. points 55-57)

104. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif - Absence d'effets erga omnes des arrêts d'annulation



Arrêt du 8 mai 2019, Lucchini / Commission (T-185/18) (cf. points 35, 36)

105. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets

Par son arrêt du 22 mai 2019, Ertico - ITS Europe/Commission (T-604/15), le Tribunal a rejeté la demande de la requérante, European Road Transport Telematics Implementation Coordination Organisation - Intelligent Transport Systems & Services Europe (Ertico - ITS Europe) tendant à l’annulation de la décision du 18 août 2015 (ci-après la « décision attaquée ») du panel de validation en vertu des points 1.2.6 et 1.2.7 de la décision 2012/838, dans la mesure où cette décision conclut que la requérante ne peut pas être qualifiée de micro, petite ou moyenne entreprise au sens de la recommandation 2003/361 . En outre, eu égard aux circonstances particulières dans cette affaire, la Commission a été condamnée à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par Ertico - ITS Europe.

La requérante est une société coopérative fournissant une plate-forme multisectorielle aux acteurs, tant privés que publics, du secteur des systèmes et des services de transport intelligents.

Depuis le 31 décembre 2006, la requérante était considérée comme étant une micro, petite ou moyenne entreprise (ci-après une « PME ») au sens de la recommandation 2003/361. Ce statut lui a permis de bénéficier, pendant plusieurs années, de subventions supplémentaires de la part de l’Union européenne, notamment dans le cadre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007 - 2013).

En décembre 2013, dans le cadre d’une révision du statut de PME des participants aux programmes de recherche existants, l’Agence exécutive pour la recherche (REA), en tant que service de validation du statut de PME des participants, a demandé à la requérante des informations permettant de justifier qu’elle pouvait continuer à bénéficier du statut de PME. Après un échange de courriels, la REA a décidé, le 27 janvier 2014, que la requérante ne pouvait pas être considérée comme étant une PME.

La requérante a contesté cette décision devant le panel de validation en vertu des points 1.2.6 et 1.2.7 de l’annexe de la décision 2012/838/UE. Ce recours a été rejeté par décision du 15 avril 2014 (ci-après, la « première décision négative). Cette décision a été ensuite retirée et le panel de validation a adopté la décision attaquée.

Tout d’abord, le Tribunal a jugé que les points 1.2.6 et 1.2.7 de l’annexe de la décision 2012/838 et l’article 22 du règlement nº 58/2003 ne concernent pas une seule et même procédure de contrôle. En l’espèce, cette dernière disposition n’était pas applicable. Partant, en l’espèce, le recours de la requérante a été formé en vertu des points 1.2.6 et 1.2.7 de l’annexe de la décision 2012/838.

S’agissant du critère d’indépendance dans le cadre de la recommandation 2003/361, le Tribunal a conclu que le critère appliqué par le panel de validation dans la décision attaquée ne viole pas la recommandation 2003/361, étant donné qu’il faut interpréter le critère d’indépendance à la lumière de l’objectif d’assurer que les mesures destinées aux PME profitent véritablement aux entreprises pour lesquelles la taille constitue un handicap et non à celles qui appartiennent à un grand groupe et qui ont donc accès aux moyens et aux soutiens dont ne disposent pas leurs concurrentes de taille équivalente. Dans ces conditions, afin de ne retenir que les entreprises qui constituent effectivement des PME indépendantes, il y a lieu d’examiner la structure de PME qui forment un groupe économique dont la puissance dépasse celle d’une telle entreprise et de veiller à ce que la définition des PME ne soit pas contournée pour des motifs purement formels.

Après avoir jugé que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation en ce qu’il a été conclu que la requérante n’était pas une entreprise au sens de l’article 1er de l’annexe de la recommandation 2003/361, notamment en raison du fait que les cotisations annuelles versées à la requérante par ses membres, ces derniers n’étant pas des PME, étaient la contrepartie des services fournis par celle-ci, le Tribunal a néanmoins souligné qu’il y avait lieu d’examiner si, compte tenu des éléments de l’espèce, le panel de validation pouvait conclure à l’absence d’indépendance de la requérante. Il a conclu que le panel de validation n’a pas fait une mauvaise application de la recommandation 2003/361 dans la mesure où il a considéré que la requérante ne faisait pas face aux handicaps que les PME subissaient habituellement, notamment du fait que les montants desdites cotisations annuelles étaient fixés en fonction des dépenses de la requérante, de sorte que la requérante ne pouvait pas être qualifiée de PME au sens de ladite recommandation, en dépit du fait qu’elle est une entreprise.

En outre, la requérante n’étant pas considérée comme satisfaisant au critère d’indépendance, elle ne saurait prétendre qu’elle satisfait aux critères d’effectifs et de seuils financiers prévus à l’article 2 de l’annexe de la recommandation 2003/361. Ainsi, conformément à l’article 6 de l’annexe de la recommandation 2003/361, lesdits critères d’effectifs et de seuils financiers ne saurait être déterminés sur la base des données isolées de la requérante puisque celle-ci n’était pas une entreprise indépendante et que ses membres étaient des entreprises qui ne sont pas des PME.

Enfin, la Commission a été condamnée à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par Ertico - ITS Europe. En effet, d’une part, l’interaction entre les procédures de recours régies par les points 1.2.6 et 1.2.7 de l’annexe de la décision 2012/838 et par l’article 22 du règlement nº 58/2003 ne ressortait pas clairement des dispositions de la décision 2012/838, ce qui avait été confirmé par la Commission au cours de l’audience. D’autre part, la description de la procédure applicable devant le panel de validation, contenue aux points 1.2.6 et 1.2.7 de l’annexe de la décision 2012/838, présentait des lacunes considérables, notamment l’absence d’indication des délais procéduraux, ce qui compliquait davantage la bonne compréhension des règles applicables. Par conséquent, le Tribunal a fait application de l’article 135, paragraphe 2, de son règlement de procédure.

Arrêt du 22 mai 2019, Ertico - ITS Europe / Commission (T-604/15) (cf. point 176)

106. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Possibilité d'adoption sur la base de l'article 266 TFUE - Absence - Nécessité d'une base juridique en vigueur à la date d'adoption



Arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C-612/16) (cf. points 35-38)

107. Politique commerciale commune - Défense contre les pratiques de dumping - Procédure antidumping - Arrêt déclarant des règlements instituant des droits antidumping invalides - Adoption d'un règlement visant à exécuter l'arrêt d'invalidation - Adoption dudit règlement sur la base du règlement antidumping de base 2016/1036 - Admissibilité



Arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C-612/16) (cf. points 39-42)



Arrêt du 9 juin 2021, Puma e.a. / Commission (T-781/16) (cf. points 66-71, 76)



Arrêt du 9 juin 2021, Roland / Commission (T-132/18) (cf. points 73-77)

108. Recours des fonctionnaires - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Arrêt annulant une décision de non-renouvellement d'un contrat d'agent contractuel - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Rétroactivité de l'annulation - Portée



Arrêt du 11 juillet 2019, BP / FRA (T-888/16) (cf. points 130-134, 189-195)

109. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Annulation partielle d'une décision de la Commission qualifiant différents comportements anticoncurrentiels d'infraction unique et continue et infligeant une amende - Caractérisation insuffisante de l'objet restrictif de la concurrence des contacts - Insuffisance des éléments permettant d'imputer à l'entreprise des comportements déterminés - Absence d'incidence sur la légalité du constat de l'infraction

Dans son arrêt HSBC Holdings e.a./Commission (T-105/17), prononcé le 24 septembre 2019, le Tribunal a partiellement annulé la décision de la Commission constatant que HSBC Holdings ainsi que d’autres entreprises actives sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros (Euro Interest Rate Derivative, ci-après les « EIRD ») avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en ayant pris part à une infraction unique et continue{1}. Selon la Commission, cette infraction était constituée d’un ensemble d’accords et/ou pratiques consistant en des échanges entre leurs traders portant, premièrement, sur la manipulation des soumissions à l’Euribor, deuxièmement, sur des positions de trading en ce qui concerne les EIRD et, troisièmement, sur des informations détaillées non accessibles au public sur leurs intentions et stratégie en matière de prix des EIRD. La Commission leur a infligé en conséquence une amende.

Les requérantes ont saisi le Tribunal d’un recours fondé sur l’article 263 TFUE tendant, à titre principal, à l’annulation partielle de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, à la réformation de l’amende.

Le Tribunal a, tout d’abord, examiné la qualification de restriction par objet appliquée aux différentes catégories de comportements dénoncés par la Commission. Il a relevé, en premier lieu, que le raisonnement de la Commission ne contient aucune erreur de droit ou d’appréciation en ce qui concerne les comportements liés à la manipulation des soumissions à l’Euribor. La même conclusion valait, en deuxième lieu, pour les échanges portant sur les intentions et stratégie en matière de prix des EIRD.

En revanche, le Tribunal a relevé, en troisième lieu, que certaines discussions au cours desquelles les traders ont échangé des informations sur leurs positions de trading ne disposaient pas de l’objet restrictif de concurrence admis par la Commission, dès lors que de telles discussions n’avaient pas atténué ou supprimé le degré d’incertitude sur le marché d’une manière telle que la Commission pouvait en déduire une incidence sur le cours normal des composantes des prix dans le secteur des EIRD, sans avoir à examiner leurs effets. Le Tribunal a retenu, en conséquence, que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit sur ce point.

À cet égard, le Tribunal a, toutefois, précisé que ladite erreur est sans incidence sur la légalité du constat de la participation des requérantes à l’infraction en cause, tel qu’il est rédigé dans la décision attaquée. En revanche, le Tribunal a souligné que le nombre et l’intensité des comportements infractionnels caractérisent, parmi d’autres facteurs, la gravité de l’infraction dont dépend le montant de l’amende.

Dans le cadre de l’appréciation du montant de l’amende, le Tribunal était appelé à se prononcer sur le choix, opéré par la Commission, d’adapter la méthodologie figurant dans les lignes directrices de 2006{2} quant à la détermination du montant de base par référence à la valeur des ventes, dès lors que les EIRD ne génèrent pas de ventes au sens usuel du terme. Dans le cadre de son examen, le Tribunal a constaté que la Commission s’est fondée sur une valeur de remplacement calculée sur la base des recettes en numéraire perçues au titre des EIRD auxquelles a été appliqué un facteur de réduction de 98,849 %, destiné à prendre en compte la compensation inhérente au secteur des EIRD liée aux paiements réalisés. Or, le Tribunal a souligné que le facteur de réduction joue un rôle essentiel en raison du montant particulièrement élevé des recettes en numéraire auquel il a vocation à s’appliquer. Le Tribunal en a déduit que, eu égard au rôle essentiel que joue le facteur de réduction dans le cadre de la méthode suivie par la Commission, la motivation de la décision attaquée doit permettre aux entreprises concernées de comprendre comment la Commission avait abouti à un facteur de réduction fixé précisément à 98,849 % et au Tribunal d’exercer un contrôle approfondi, en droit comme en fait, sur cet élément de la décision attaquée. Or, les différentes justifications avancées par la Commission dans la décision attaquée ne satisfaisaient pas à ces exigences. Le Tribunal a donc annulé la décision attaquée, dans la mesure où elle imposait une amende de 33 606 000 euros aux requérantes, pour insuffisance de motivation.

{1 Décision C(2016) 8530 final, du 7 décembre 2016, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord [EEE] [(Affaire AT.39914 - Produits dérivés de taux d’intérêt en euro (EIRD)].}

{2 Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).}

Arrêt du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a. / Commission (T-105/17) (cf. points 294-296)

110. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Décision adoptée par la Commission au terme d'une procédure de transaction et constatant une infraction aux règles de concurrence - Annulation pour insuffisance de motivation - Annulation partielle circonscrite à la partie infligeant l'amende - Adoption d'une nouvelle décision infligeant une amende de même montant - Principe ne bis in idem - Inapplicabilité - Violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime - Absence

Par son arrêt Printeos e.a./Commission (T-466/17), du 24 septembre 2019, le Tribunal a rejeté le recours de plusieurs sociétés actives dans la vente d’enveloppes standard sur catalogue et d’enveloppes spéciales imprimées (ci-après les « requérantes »), tendant, à titre principal, à l’annulation partielle d’une décision de la Commission européenne{1} leur infligeant une amende pour infraction à l’article 101 TFUE (ci-après la « décision attaquée »). Cette infraction a pris la forme d’accords ou de pratiques concertées entre les requérantes et quatre autres groupes d’entreprises sur les territoires de plusieurs pays européens.

La décision attaquée a été adoptée à la suite de l’annulation partielle{2}, pour insuffisance de motivation, d’une décision antérieure de la Commission{3} infligeant aux requérantes une amende de 4 729 000 euros, adoptée aux termes d’une procédure de transaction (ci-après la « décision initiale »). À la suite de cet arrêt, la Commission a adopté la décision attaquée, modifiant la décision initiale tout en infligeant une amende du même montant.

Le Tribunal a jugé, en premier lieu, que la Commission pouvait, lorsque l’annulation d’un acte de l’Union reposait sur un vice procédural, tel que l’insuffisance de motivation, et que le juge de l’Union n’avait pas fait usage de son pouvoir de pleine juridiction pour réformer l’amende infligée, adopter une nouvelle décision infligeant une amende à l’égard des requérantes sans encourir les griefs du moyen tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de ne bis in idem. À cet égard, le Tribunal a précisé que l’application du principe ne bis in idem supposait qu’il eût été statué sur la matérialité de l’infraction ou que la légalité de l’appréciation portée sur celle-ci eût été contrôlée. Dès lors, le principe ne bis in idem ne s’opposait pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision avait été annulée pour des motifs de forme sans qu’il eût été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors « acquittement » au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Le Tribunal a considéré que cette approche valait également en cas d’annulation, pour insuffisance de motivation, d’une décision infligeant une amende, lorsque cette décision avait été adoptée aux termes d’une procédure de transaction.

S’agissant, en deuxième lieu, du moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement dans la détermination du montant de l’amende, le Tribunal a considéré que, aux fins du contrôle du respect de ce principe, il y avait lieu d’opérer une distinction entre, d’une part, la détermination obligatoirement égalitaire du montant de base des amendes à infliger aux entreprises concernées et, d’autre part, l’application à l’égard desdites entreprises du plafond de 10 %, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003{4}, qui est susceptible de varier en fonction de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs. En effet, si la Commission pouvait valablement choisir une méthode de calcul du montant de base qui était fondée sur la valeur des ventes effectuées au cours d’une année entière couverte par l’infraction pour caractériser l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise qui y avait participé, elle était tenue de respecter, dans ce contexte, le principe d’égalité de traitement. En revanche, l’application du plafond de 10 % pour déterminer le montant final des amendes n’était, en principe, tributaire ni de cette importance économique de l’infraction, ni du poids relatif de chaque entreprise participante, ni de la gravité ou de la durée de ladite infraction commise par celle-ci, mais revêtait un caractère purement automatique qui était lié exclusivement à son chiffre d’affaires global, de sorte que ladite application était ipso facto conforme au principe d’égalité de traitement.

Toutefois, le Tribunal a jugé erronée l’analyse de la Commission selon laquelle le résultat de l’application du plafond de 10 % à un stade intermédiaire du calcul des amendes à infliger produisait ipso facto des résultats conformes au principe d’égalité de traitement. À cet égard, le Tribunal a relevé que, en suivant une telle approche, qui ne relevait pas du champ d’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, la Commission faisait usage de son pouvoir d’appréciation au titre du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003{5}. À l’issue d’un examen de l’adaptation des montants de base réalisée en application de cette approche à l’égard des différents groupes d’entreprises destinataires de la décision attaquée, le Tribunal a considéré qu’un de ces groupes avait bénéficié, sans justification objective, d’un traitement plus favorable. Pour autant, le Tribunal a jugé que les requérantes ne sauraient invoquer, à leur profit, l’illégalité résultant d’une telle inégalité de traitement.

En ce qui concerne l’application parallèle de l’article 101 TFUE et le droit national de la concurrence, en l’occurrence au sujet des effets sur le territoire espagnol du comportement des requérantes, qui faisait l’objet du troisième moyen tiré d’une violation du principe d’équité, le Tribunal a constaté d’emblée que la décision attaquée ne portait pas sur ce territoire et que l’autorité espagnole de la concurrence avait sanctionné des comportements intervenus durant une période différente. Le Tribunal a retenu que, dans de telles circonstances, une sanction complète et suffisamment dissuasive du comportement anticoncurrentiel des requérantes exigeait précisément de tenir compte de l’ensemble de ses effets sur ces différents territoires, y compris dans le temps, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir pas réduit, pour ces mêmes motifs, l’amende infligée aux requérantes dans les décisions initiale et attaquée.

{1 Décision C(2017) 4112 final de la Commission, du 16 juin 2017, modifiant la décision C(2014) 9295 final, du 10 décembre 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (AT.39780 - Enveloppes).}

{2 Arrêt du Tribunal du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T-95/15, EU:T:2016:722).}

{3 Décision C(2014) 9295 final de la Commission, du 10 décembre 2014, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (AT.39780 - Enveloppes).}

{4 Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).}

{5 JO 2006, C 210, p. 2.}

Arrêt du 24 septembre 2019, Printeos e.a. / Commission (T-466/17) (cf. points 56-69)

111. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Décision du Conseil de résolution unique (CRU) établissant les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) - Annulation entraînant la remise en cause de la perception de sommes d'argent effectuée sur le fondement de l'acte annulé - Risque d'atteinte à la sécurité juridique des intérêts en cause - Absence

Dans son arrêt du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T-377/16, T-645/16 et T-809/16), rendu en chambre élargie, le Tribunal a accueilli le recours dans l’affaire T-377/16, introduit par un établissement de crédit, visant à l’annulation de deux décisions du Conseil de résolution unique (CRU), la première déterminant le montant des contributions ex ante pour 2016 au Fonds de résolution unique (FRU) et la seconde procédant à un ajustement de ces contributions. En revanche, le Tribunal a rejeté les recours dans les affaires T-645/16 et T-809/16 comme étant irrecevables pour cause de litispendance.

Cette affaire s’inscrit dans le cadre du second pilier de l’union bancaire, relatif au mécanisme de résolution unique, mis en place par le règlement no 806/2014{1}. Plus spécifiquement, cette affaire concerne le FRU instauré par ce règlement{2}. Le FRU est financé par les contributions des établissements perçues au niveau national sous la forme, notamment, de contributions ex ante{3}.

La requérante, Hypo Vorarlberg Bank AG, est un établissement de crédit établi dans un État membre participant au mécanisme de surveillance unique. Par décision du 15 avril 2016, le CRU a décidé du montant de la contribution ex ante de chaque établissement, dont la requérante, pour l’année 2016. Par avis de perception du 26 avril 2016, l’autorité de résolution nationale (ARN) autrichienne a enjoint à la requérante d’acquitter le montant déterminé. Par décision du 20 mai 2016, accompagnée d’une annexe indiquant les nouveaux montants, le CRU a diminué la contribution de la requérante. Par un second avis de perception du 23 mai 2016, l’ARN autrichienne a indiqué à la requérante que sa contribution avait fait l’objet d’un calcul erroné et qu’elle aurait versé une contribution trop élevée. L’avis précisait en outre que ce montant ne serait remboursé qu’en 2017. La requérante a introduit un recours visant à l’annulation des deux décisions du CRU, en ce qu’elles la concernent.

Tout d’abord, le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par le CRU, tirée du prétendu défaut de qualité pour agir de la requérante ainsi que de la fin de non-recevoir pour cause de forclusion de l’action en annulation. Le Tribunal a en revanche accueilli l’argument de la litispendance invoqué par le CRU.

Examinant la question de la qualité pour agir de la requérante, le Tribunal a jugé que, en dépit du fait que seules les ARN soient destinataires, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, des décisions attaquées, les établissements, dont la requérante, n’en sont pas moins individuellement et directement concernés, puisque, d’une part, les décisions mentionnent nommément chacun des établissements et fixent ou, dans le cas de la seconde décision, ajustent sa contribution individuelle et, d’autre part, les ARN, ne disposent d’aucune marge d’appréciation concernant les montants des contributions individuelles, ni d’aucune possibilité de procéder à une modification de ces montants, qu’elles sont tenues de collecter auprès des établissements concernés.

S’agissant du respect du délai de recours à l’encontre de décisions non publiées et non communiquées à la requérante, le Tribunal a considéré que cette dernière avait, dans un délai raisonnable à partir de la prise de connaissance de l’existence des décisions attaquées, effectué plusieurs demandes visant à en obtenir le texte intégral, ce qui conditionne le point de départ du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, qui correspond au moment de la prise de connaissance exacte par la requérante du contenu et des motifs de l’acte en cause. En outre, le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, se distingue du délai raisonnable au cours duquel la communication des actes doit être sollicitée.

En ce qui concerne la litispendance, après avoir rappelé qu’un recours postérieur opposant les mêmes parties, fondé sur les mêmes moyens et tendant à l’annulation du même acte, doit être rejeté comme irrecevable, le Tribunal a relevé que la condition relative à l’identité des parties concerne les parties principales et non les parties intervenantes et que la condition relative à l’identité de l’acte est remplie lorsque que l’objet de l’affaire ultérieure est inclus dans celui de l’affaire antérieure.

Compte tenu de ces considérations, le Tribunal a déclaré recevable le recours dans l’affaire T-377/16 et irrecevables pour cause de litispendance les affaires T-645/16 et T-809/16.

Sur le fond, examinant le moyen d’ordre public tiré de la violation des formes substantielles dans l’adoption des actes, le Tribunal a constaté que, en l’absence de preuve par le CRU de la signature électronique des décisions attaquées, l’exigence d’authentification n’a pas été satisfaite. Il a par conséquent annulé lesdites décisions.

À cet égard, le Tribunal a rappelé la jurisprudence de la Cour selon laquelle, l’élément intellectuel et l’élément formel constituant un tout indissociable, la mise en forme écrite de l’acte est l’expression nécessaire de la volonté de l’autorité qui l’adopte. L’authentification de l’acte a pour but d’assurer la sécurité juridique en figeant le texte adopté par l’auteur. La cour a également jugé que la violation d’une forme substantielle est constituée par le seul défaut d’authentification de l’acte, sans qu’il soit nécessaire d’établir, en outre, que l’acte est affecté d’un autre vice ou que l’absence d’authentification a causé un préjudice à celui qui l’invoque, et que le contrôle du respect de la formalité de l’authentification et, ainsi, du caractère certain de l’acte est un préalable à tout autre contrôle, tel que celui de la compétence de l’auteur de l’acte, du respect du principe de la collégialité ou encore du respect de l’obligation de motiver les actes. Si le juge de l’Union constate, à l’examen de l’acte produit devant lui, que ce dernier n’a pas été régulièrement authentifié, il lui appartient de soulever d’office le moyen tiré de la violation d’une forme substantielle consistant en un défaut d’authentification régulière et d’annuler, en conséquence, l’acte entaché d’un tel vice. Il importe peu, à cet égard, que l’absence d’authentification n’ait causé aucun préjudice à l’une des parties au litige.

En outre, le Tribunal a constaté que la procédure d’adoption de la première décision attaquée a été menée en méconnaissance manifeste d’exigences procédurales relatives à l’approbation de cette décision par les membres de la session exécutive du CRU et au recueil de cette approbation .S’agissant d’une procédure d’adoption par consensus, le Tribunal a observé que la décision ne saurait être adoptée sans qu’il ait été établi, à tout le moins, que l’intégralité des membres de l’organe compétent aient pu prendre connaissance, au préalable, du projet de décision. Cette procédure requiert l’indication d’un délai permettant auxdits membres de prendre position sur le projet. Le Tribunal a constaté que ces règles de procédure, visant à assurer le respect des formes substantielles inhérentes à toute procédure d’adoption par consensus, ont été violées en l’espèce. Il a observé que ces violations ont un impact direct sur la sécurité juridique, puisqu’il n’est pas établi que la décision ainsi adoptée ait fait l’objet d’une approbation par l’organe compétent, voire même d’une prise de connaissance préalable par l’intégralité de ses membres. Selon le Tribunal, le non-respect de telles règles de procédure nécessaires à l’expression du consentement constitue une violation des formes substantielles que le juge de l’Union peut examiner d’office.

Enfin, le Tribunal a jugé que les décisions attaquées encourent l’annulation au titre de plusieurs violations de l’obligation de motivation. Le Tribunal a précisé à cet égard qu’il incombe au CRU, auteur de ces décisions, de les motiver. Cette obligation de motivation ne saurait être déléguée aux ARN, ni sa violation palliée par celles-ci, sauf à méconnaître la qualité du CRU d’auteur desdites décisions et sa responsabilité à ce titre, et à susciter, compte tenu de la diversité des ARN, un risque d’inégalité de traitement des établissements en ce qui concerne la motivation des décisions du CRU.

{1 Règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).}

{2 Article 67, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.}

{3 Article 67, paragraphe 4, du règlement no 806/2014.}

Arrêt du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank / CRU (T-377/16, T-645/16 et T-809/16) (cf. points 220-222)



Arrêt du 23 septembre 2020, Portigon / CRU (T-420/17) (cf. points 134-137)

112. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Institution compétente - Abrogation de la base juridique permettant l'adoption d'un nouvel acte par la même institution en remplacement de l'acte annulé - Possibilité d'adoption sur la base de l'article 266 TFUE - Absence



Arrêt du 29 avril 2020, Tilly-Sabco / Conseil et Commission (T-707/18) (cf. points 42-44, 66, 70)

113. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Adoption de mesures d'exécution - Délai raisonnable - Critères d'appréciation - Lettre de la Commission demandant de produire certains documents - Acte préparatoire - Demande d'annulation de ladite lettre - Irrecevabilité



Ordonnance du 9 septembre 2020, IMG / Commission (T-645/19) (cf. points 72-76)

114. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Décision du Conseil de résolution unique (CRU) établissant les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) - Nécessité d'une modification du cadre juridique avant l'adoption de la nouvelle décision - Maintien des effets de la décision attaquée

Par son arrêt du 23 septembre 2020, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T-411/17), rendu en chambre élargie, le Tribunal a annulé la décision du Conseil de résolution unique (CRU){1}, déterminant le montant des contributions ex ante pour l’année 2017 au Fonds de résolution unique (FRU), dans la mesure où cette décision concerne la requérante, Landesbank Baden-Württemberg, un établissement de crédit allemand.

Cette affaire s’inscrit dans le cadre du second pilier de l’union bancaire, relatif au mécanisme de résolution unique, mis en place par le règlement nº 806/2014{2}. Plus spécifiquement, elle concerne le FRU instauré par ce règlement{3}. Le FRU est financé par les contributions des établissements perçues au niveau national sous la forme, notamment, de contributions ex ante{4}. Par décision du 11 avril 2017, le CRU, sur le fondement du règlement nº 806/2014, a adopté la décision attaquée, fixant, pour l’année 2017, le montant des contributions ex ante des établissements, y compris de la requérante, devant être transférées au FRU. Par avis de perception du 21 avril 2017, l’autorité de résolution allemande a informé la requérante de cette décision et lui a indiqué le montant à payer. Contestant ladite décision à plusieurs égards, la requérante a introduit le présent recours devant le Tribunal.

Tout d’abord, s’agissant de la qualité pour agir, le Tribunal a constaté que, bien que les destinataires des décisions du CRU sur le calcul des contributions ex ante au FRU sont, conformément à la réglementation applicable, les autorités de résolution nationales, les établissements débiteurs de ces contributions sont, sans aucun doute, directement et individuellement concernés par ces décisions. Il s’ensuit que la requérante a qualité pour agir en annulation de la décision du CRU.

Ensuite, après avoir rappelé que le juge de l’Union est tenu de relever d’office le moyen d’ordre public tiré de la violation des formes substantielles et qu’une telle violation recouvre, notamment, le défaut d’authentification de l’acte attaqué et l’absence ou l’insuffisance de la motivation, le Tribunal a procédé à l’examen de la violation de l’exigence d’authentification de la décision attaquée.

À cet égard, il a constaté que, en l’espèce, cette exigence n’est pas satisfaite, car le CRU n’a apporté aucune preuve de l’authentification de l’annexe de la décision attaquée, qui comporte les montants des contributions ex ante et constitue donc un élément essentiel de cette décision. Plus particulièrement, le Tribunal a notamment souligné que, ladite annexe étant un document électronique, sa signature ne pouvait être qu’électronique. Toutefois, le CRU n’a produit aucune version de l’annexe comportant une telle signature, alors même que l’annexe n’est nullement liée de manière indissociable au texte de la décision attaquée que la présidente du CRU a signé à la main. Le Tribunal a également rejeté les autres arguments du CRU tendant à démontrer l’authentification de l’annexe par d’autres moyens.

Après avoir accueilli le moyen tiré de la violation de l’exigence d’authentification, le Tribunal a estimé opportun de se prononcer sur les moyens invoqués par la requérante, tirés de la violation de l’obligation de motivation, de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective et d’une exception d’illégalité de certaines dispositions du règlement délégué 2015/63{5}, moyens qu’il a examinés ensemble.

Le Tribunal a relevé que la décision attaquée ne contenait, au-delà des explications générales figurant dans son texte, quasi aucun élément du calcul de la contribution de la requérante. Quant à l’autre document référencé, portant sur les détails du calcul des contributions ex ante, à supposer qu’il émanât effectivement du CRU, il ne comportait aucun élément suffisant pour vérifier l’exactitude de la contribution de la requérante. Le Tribunal n’a pas contesté la nature confidentielle, invoquée par le CRU, des données relatives aux autres établissements prises en compte pour calculer cette contribution. Mais il a relevé que, dans la mesure où le calcul de celle-ci reposait de manière interdépendante sur ces données, ce calcul s’avérait intrinsèquement opaque. Le Tribunal a conclu que la méthode de calcul appliquée porte atteinte à la possibilité de la requérante de contester utilement la décision attaquée.

En l’occurrence, après avoir rappelé la jurisprudence selon laquelle l’obligation de motivation s’applique à tout acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation , selon laquelle un défaut de motivation ne saurait être justifié par l’obligation de respecter le secret professionnel et selon laquelle l’obligation de respecter les secrets d’affaires ne saurait être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’exigence de motivation de son contenu essentiel, le Tribunal a constaté que la motivation fournie à la requérante ne lui permet pas de vérifier le montant de sa contribution, lequel constitue pourtant l’élément essentiel de la décision attaquée en ce qu’elle la concerne. Cette dernière place la requérante dans une position où elle n’est pas en mesure de savoir si ce montant a été calculé correctement ou si elle doit le contester devant le Tribunal, sans toutefois pouvoir, comme il lui incombe pourtant dans un recours juridictionnel, identifier, s’agissant dudit montant, les éléments contestés de la décision attaquée, formuler des griefs à cet égard et apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés.

Enfin, en ce qui concerne l’exception d’illégalité soulevée par la requérante à l’égard du règlement délégué 2015/63, le Tribunal, au vu de l’argument de la Commission selon lequel la légalité de la décision attaquée ne saurait être ainsi contestée dès lors que la méthode de calcul découlait du règlement nº 806/2014 et de la directive 2014/59{6} à l’encontre desquels n’a pas été soulevée d’exception d’illégalité, a examiné la méthode de calcul. Il a conclu que le fait que le calcul de la contribution ex ante de la requérante soit opaque et, partant, que cette dernière ne soit pas en mesure d’en vérifier l’exactitude résulte, à tout le moins en partie, de la méthode de calcul définie dans le règlement délégué 2015/63 par la Commission elle-même, sans que cela lui ait été imposé par le législateur. Le Tribunal a jugé que la violation de l’obligation de motivation trouvait sa cause, pour la partie du calcul de la contribution ex ante relative à l’adaptation en fonction du profil de risque, dans l’illégalité de certaines dispositions{7} dudit règlement.

Le Tribunal a ajouté que, en tout état de cause, dès lors que l’exigence d’une motivation suffisamment précise des actes, consacrée par l’article 296 TFUE, constitue l’un des principes fondamentaux du droit de l’Union, dont il appartient au juge d’assurer le respect, au besoin en soulevant d’office un moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation et que, en violation de cette obligation, la requérante ne dispose pas des éléments suffisants pour vérifier l’exactitude de sa contribution, le CRU ne saurait pallier une telle violation par l’invocation d’une réglementation de droit dérivé.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le Tribunal a conclu que la décision attaquée doit également être annulée sur le fondement de la violation de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective.

{1} Décision du Conseil de résolution unique (CRU), du 11 avril 2017, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2017/05).

{2} Règlement (UE) nº 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) nº 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

{3} Article 67, paragraphe 1, du règlement nº 806/2014.

{4} Article 67, paragraphe 4, du règlement nº 806/2014.

{5} Règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

{6} Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil nº 1093/2010 et (UE) nº 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).

{7} Articles 4 à 7 et 9, ainsi qu’annexe I du règlement délégué 2015/63.

Arrêt du 23 septembre 2020, Landesbank Baden-Württemberg / CRU (T-411/17) (cf. points 146-148)

115. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie - Annulation des actes attaqués n'entraînant pas la suppression du nom du requérant de la liste litigieuse - Décision subséquente ayant remplacé ladite liste - Maintien des effets des actes annulés jusqu'à l'expiration du délai pour le pourvoi ou à son rejet - Absence - Absence de preuve de l'existence d'un risque d'atteinte sérieuse et irréversible pour l'efficacité des mesures restrictives précitées

À la suite des événements politiques survenus en Tunisie au cours des mois de décembre 2010 et de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2011/72 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie{1}, mise en œuvre par la décision d’exécution 2011/79{2}. Cette décision a pour objet de geler au sein de l’Union les avoirs des personnes et entités responsables de détournement de fonds publics tunisiens et des personnes associées. La désignation du requérant sur la liste des personnes et entités visées par ces mesures, intervenue initialement en 2011, a été maintenue d’année en année au motif qu’il faisait l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour des infractions en lien, selon le Conseil, avec des détournements de fonds publics tunisiens.

Le requérant a introduit un recours en annulation contre, notamment, la décision 2018/141{3} et la décision 2019/135{4}, par lesquelles le Conseil a prolongé l’inscription de son nom sur la liste litigieuse en maintenant les mêmes motifs à son encontre. Le Tribunal annule ces deux décisions en tant qu’elles concernent le requérant.

Appréciation du Tribunal

Avant de statuer sur le fond, le Tribunal se prononce sur la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre la décision 2019/135, et plus particulièrement sur la question de savoir si, pour l’appréciation du respect du délai de recours, il convient de considérer que la suspension des délais de recours, résultant de la demande d’aide juridictionnelle visant la décision 2018/141, s’applique également à l’égard de la décision 2019/135, dans la mesure où le recours tend à l’annulation des deux décisions. À cet égard, il relève que, lorsque le requérant a déposé sa demande d’aide juridictionnelle, il n’était pas en mesure de désigner la décision remplaçant la décision 2018/141 dans la mesure où elle n’avait pas encore été adoptée. En revanche, cette circonstance ne s’opposait pas à ce que, une fois son recours déposé, il adapte celui-ci pour tenir compte de l’adoption de la décision 2019/135. Cependant, le Tribunal observe que, à la date d’expiration des délais de recours contre la décision 2019/135, dans l’hypothèse où ces délais de recours ne seraient pas suspendus, la procédure d’aide juridictionnelle était toujours en cours et le requérant n’avait pas encore été en mesure de déposer son recours contre la décision 2018/141. En outre, la période de huit mois s’étant écoulée entre l’ordonnance admettant le requérant au bénéfice de l’aide juridictionnelle et celle désignant un avocat et mettant fin à la procédure relative à cette aide, n’était pas imputable, pour l’essentiel, à ce dernier. Or, les délais de traitement de la demande d’aide juridictionnelle du requérant ne sauraient avoir pour effet de limiter l’accès au juge de l’Union. Le Tribunal en conclut que la suspension des délais de recours s’applique également aux conclusions dirigées contre la décision 2019/135.

En ce qui concerne le fond, le requérant alléguant notamment une erreur d’appréciation relative au respect, par les autorités tunisiennes, de son droit à être jugé dans un délai raisonnable, le Tribunal souligne, en premier lieu, que, en application des considérations de l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil{5}, le Conseil était tenu, d’une part de vérifier que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant avaient été respectés dans le cadre des procédures judiciaires le visant en Tunisie, et, d’autre part, de motiver les raisons pour lesquelles il considérait que ces droits avaient été respectés. L’obligation de vérification incombant au Conseil revêt un caractère inconditionnel.

Certes, dans des arrêts antérieurs{6}, le Tribunal avait relevé que, pour maintenir la désignation d’une personne sur une liste, le Conseil devait seulement réunir des preuves de l’existence d’une procédure judiciaire en cours la concernant. Ainsi, il ne devait procéder à des vérifications supplémentaires qu’en présence d’éléments suscitant des interrogations concernant le respect des droits du requérant dans le cadre de l’enquête judiciaire servant de fondement aux mesures restrictives adoptées. Toutefois, les moyens examinés dans ces arrêts ne soulevaient pas la question de savoir si le Conseil devait, d’office, opérer des vérifications, sans attendre que les personnes concernées aient présenté des observations susceptibles de les justifier, ni celle de savoir s’il devait motiver les conclusions tirées de ces vérifications. Surtout, la Cour n’avait alors pas encore prononcé l’arrêt Azarov/Conseil précité.

En second lieu, le Tribunal rappelle que le droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable est une composante du droit à une protection juridictionnelle effective. Ainsi, selon le Tribunal, il appartient au Conseil, d’une part, de s’assurer qu’il dispose d’éléments suffisants concernant l’état et l’évolution de cette procédure pour évaluer le risque d’une violation de ce droit et, d’autre part, de procéder à une telle évaluation avec soin et impartialité, afin d’en tirer les conséquences appropriées.

En l’espèce, le Tribunal constate, d’une part, que l’enquête judiciaire sur laquelle reposait la désignation du requérant sur la liste litigieuse était ouverte depuis l’année 2011 sans avoir donné lieu à une décision juridictionnelle. D’autre part, les informations fournies par les autorités tunisiennes, en octobre 2017 et en octobre 2018, sur l’état d’avancement de l’affaire ne faisaient mention d’aucun acte de procédure concernant spécifiquement le requérant. En l’absence de telles informations, le Conseil n’était pas en mesure de procéder à une évaluation correcte du respect, par les autorités tunisiennes, du droit du requérant à être jugé dans un délai raisonnable. Le Tribunal en conclut, dès lors, que le Conseil a commis une erreur d’appréciation à cet égard, de nature à entraîner l’annulation des décisions 2018/141 et 2019/135.

{1} Décision 2011/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 28, p. 62).

{2} Décision d’exécution 2011/79/PESC du Conseil, du 4 février 2011, mettant en œuvre la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 31, p. 40).

{3} Décision (PESC) 2018/141 du Conseil, du 29 janvier 2018, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2018, L 25, p. 38).

{4} Décision (PESC) 2019/135 du Conseil, du 28 janvier 2019, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2019, L 25, p. 23).

{6} Arrêt de la Cour du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C-530/17 P, ECLI:EU:C:2018:1031).

{7} À cet égard, voir arrêts du Tribunal du 5 octobre 2017, Mabrouk/Conseil (T-175/15, ECLI:EU:T:2017:694) et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil (T-288/15, ECLI:EU:T:2018:619).

Arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali / Conseil (T-151/18) (cf. points 164-169)

116. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Obligation de réexaminer les aspects non mis en cause par l'arrêt - Absence



Arrêt du 28 octobre 2020, Dehousse / Cour de justice de l'Union européenne (T-857/19) (cf. points 31, 32, 38, 65)

117. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Arrêt du Tribunal maintenant en vigueur un règlement antidumping jusqu'à la prise, par le Conseil et la Commission, de mesures comportant l'exécution de l'arrêt d'annulation - Inadmissibilité - Compétence pour l'adoption des mesures réservée à la seule Commission

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering / Distillerie Bonollo e.a. (C-461/18 P) (cf. points 96-103)

118. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Conditions - Identité d'objet et de cause



Arrêt du 16 décembre 2020, Haswani / Conseil (T-521/19) (cf. points 69, 70, 72, 77-79, 82, 86, 87)

119. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Maintien des effets de l'acte attaqué jusqu'au remplacement de ce dernier dans un délai raisonnable - Justification - Sécurité juridique - Prévention d'une discontinuité ou d'une régression dans la mise en œuvre des politiques conduites par l'Union

Le 9 mars 2017, la Commission a présenté au comité établi par la directive relative aux émissions industrielles{1} (ci-après le « comité ») un projet de décision d’exécution fixant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles (ci-après « MTD ») pour les grandes installations de combustion. Conformément à ladite directive{2}, ses conclusions sur les MTD servent de référence pour la fixation des conditions d’autorisation d’exploitation des grandes installations de combustion délivrées par les autorités des États membres.

À cet égard, la directive relative aux émissions industrielles prévoit que les conclusions sur les MTD sont adoptées en deux étapes{3}. La première étape consiste à établir un document technique de référence sur les MTD. Dans la seconde étape, la Commission présente un projet de décision d’exécution concernant les conclusions sur les MTD au comité, qui est composé de représentants des États membres. Lorsque ce comité émet un avis favorable, la Commission adopte une décision d’exécution fixant les conclusions sur les MTD.

Concernant, plus particulièrement, l’adoption du projet présenté par la Commission dont il est ici question, le règlement sur la comitologie{4} exigeait, en outre, que l’avis du comité soit émis à la majorité qualifiée définie à l’article 16, paragraphes 4 et 5, TUE.

Dans ce contexte, la République de Pologne a demandé, le 30 mars 2017, que le comité adopte son avis selon les règles de vote à la majorité qualifiée prévues à l’article 3, paragraphe 3, du protocole (nº 36) sur les dispositions transitoires{5} (ci-après le « protocole nº 36 »), qui correspondent à celles applicables avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, conformément à l’article 3, paragraphe 2, dudit protocole. Cette dernière disposition prévoit que, entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, lorsqu’une délibération doit être prise à la majorité qualifiée, un membre du Conseil peut demander que cette délibération soit prise à la majorité qualifiée prévue à l’article 3, paragraphe 3, du protocole nº 36.

Cette demande polonaise a, néanmoins, été rejetée et le comité a émis un avis favorable à la majorité qualifiée selon les nouvelles règles prévues par l’article 16, paragraphe 4, TUE. Faisant suite à cet avis, la Commission a adopté la décision d’exécution établissant les conclusions sur les MTD pour les grandes installations de combustion{6}.

La République de Pologne a introduit un recours en annulation contre cette décision d’exécution, en invoquant, notamment, une violation des dispositions applicables en matière de majorité qualifiée.

Ce recours est accueilli par la troisième chambre élargie du Tribunal. Dans son arrêt, celui-ci examine la question inédite de savoir si, afin de bénéficier des règles de vote à la majorité qualifiée prévues à l’article 3, paragraphe 3, du protocole nº 36, correspondant à celles applicables avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il suffit pour un État membre d’en faire la demande entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, ou s’il est nécessaire que la décision soit également prise au cours de cette période.

Appréciation du Tribunal

En se basant sur une interprétation littérale, systématique, historique et téléologique de l’article 3, paragraphe 2, du protocole nº 36, le Tribunal juge que, pour voir un projet d’acte adopté selon les règles de la majorité qualifiée prévues à l’article 3, paragraphe 3, du protocole nº 36, il suffit que l’application de ces règles soit demandée par un État membre entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, sans qu’il soit nécessaire que le vote du projet d’acte en question intervienne également entre ces dates.

En effet, le droit conféré aux États membres de demander, durant la période comprise entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, le vote à la majorité qualifiée selon les règles prévues à l’article 3, paragraphe 3, du protocole nº 36, implique nécessairement que, à la suite de l’introduction d’une telle demande par un État membre, le vote soit pris selon ces mêmes règles, et ce même lorsque ce vote a lieu après le 31 mars 2017. Selon le Tribunal, seule une telle interprétation est susceptible d’assurer qu’un État membre puisse utilement exercer, durant toute cette période, et ce jusqu’au dernier jour du délai prévu, ledit droit.

À cet égard, le tribunal précise, en outre, que l’article 3, paragraphe 2, du protocole nº 36 constitue une disposition transitoire, régissant une des trois étapes transitoires en matière de l’application des règles sur les votes à la majorité qualifiée après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, et non pas une exception à la règle fixée à cet égard à l’article 16, paragraphe 4, TUE.

Cette interprétation est également corroborée par le principe de sécurité juridique, qui exige notamment qu’une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence.

Comme le non-respect des modalités de vote constitue une violation des formes substantielles au sens de l’article 263 TFUE, le tribunal accueille le recours en annulation de la décision d’exécution établissant les conclusions sur les MTD pour les grandes installations de combustion.

Toutefois, comme l’annulation de cette décision d’exécution avec effet immédiat serait susceptible de mettre en péril des conditions d’autorisation uniformes pour les grandes installations de combustion dans l’Union, risquerait de causer une insécurité juridique pour les parties intéressées et irait à l’encontre des objectifs d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement et d’améliorer la qualité de l’environnement, le Tribunal maintient les effets de cette décision jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable, d’un nouvel acte appelé à la remplacer et adopté selon les règles de la majorité qualifiée prévues à l’article 3, paragraphe 3, du protocole nº 36.

{1} Article 75 de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17) (ci-après la « directive relative aux émissions industrielles »).

{2} Article 14, paragraphe 3, de la directive relative aux émissions industrielles.

{3} Article 13 de la directive relative aux émissions industrielles et annexe de la décision d’exécution 2012/119/UE de la Commission, du 10 février 2012, établissant les lignes directrices sur la collecte de données, sur l’élaboration de documents de référence MTD et sur leur assurance qualité, visées par la directive 2010/75 (JO 2012, L 63, p. 1).

{4} Article 5 du règlement (UE) nº 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et les principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13).

{5} Protocole (nº 36) sur les dispositions transitoires (JO 2016, C 202, p. 321).

{6} Décision d’exécution (UE) 2017/1442 de la Commission, du 31 juillet 2017, établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles (MTD), au titre de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, pour les grandes installations de combustion (JO 2017, L 212, p. 1).

Arrêt du 27 janvier 2021, Pologne / Commission (T-699/17) (cf. points 61-65)

120. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine - Annulation à deux moments différents de deux actes comportant des mesures restrictives identiques - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets du premier de ces actes jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du second

À la suite de la répression des manifestations de la place de l’Indépendance à Kiev (Ukraine) en février 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 5 mars 2014, la décision 2014/119/PESC{1} et le règlement nº 208/2014{2}, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine. Ces actes ont notamment pour objet le gel des fonds des personnes identifiées comme étant responsables de faits de détournement de fonds publics. Le requérant avait été inscrit sur la liste des personnes et des entités visées par ces mesures le 14 avril 2014, au motif qu’il faisait l’objet d’enquêtes préliminaires en Ukraine pour des infractions liées au détournement de fonds publics et à leur transfert illégal hors d’Ukraine. Le Conseil avait ensuite prorogé cette inscription à plusieurs reprises{3}, au motif que le requérant faisait l’objet de procédures pénales par les autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics.

À la suite de l’adoption de la décision 2020/373{4} et du règlement 2020/370{5}, par lesquels le Conseil avait prolongé l’inscription de son nom sur la liste litigieuse en maintenant les mêmes motifs à son encontre, le requérant a introduit un recours en annulation contre ces actes.

Le Tribunal annule ces deux actes en tant qu’ils concernent le requérant et rappelle qu’il revient au Conseil, lorsqu’il fonde des mesures restrictives sur des décisions d’un État tiers, de s’assurer lui-même du respect, lors de l’adoption desdites décisions par les autorités de l’État tiers en question, des droits fondamentaux reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal rappelle tout d’abord que les juridictions de l’Union européenne doivent contrôler la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux. Le juge de l’Union doit s’assurer notamment que l’acte attaqué repose sur une base factuelle suffisamment solide. À cet égard, si le Conseil peut fonder l’adoption ou le maintien de mesures restrictives sur une décision d’un État tiers, il doit vérifier que cette décision a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le Tribunal précise, par ailleurs, que, si la circonstance que l’État tiers a adhéré à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») implique un contrôle, par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), des droits fondamentaux garantis par la CEDH, une telle circonstance ne rend pas superflue l’exigence de vérification incombant au Conseil.

En l’espèce, bien que le Conseil ait mentionné, au titre de son obligation de motivation, les raisons pour lesquelles il a considéré que la décision des autorités ukrainiennes d’engager et de mener une procédure pénale pour détournement de fonds publics avait été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le Tribunal rappelle toutefois que l’obligation de motivation se distingue de l’examen du bien-fondé de la motivation, qui relève de la légalité au fond des actes attaqués et dont le Tribunal assure le contrôle.

À cet égard, le Tribunal observe, en premier lieu, que le Conseil reste en défaut de démontrer dans quelle mesure les décisions judiciaires mentionnées dans les actes attaqués témoignaient du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant au cours des procédures pénales. S’agissant, tout d’abord, de la décision du juge d’instruction du 19 août 2019, le Tribunal relève que le Conseil aurait dû solliciter des éclaircissements auprès des autorités ukrainiennes quant aux informations sur lesquelles s’était fondé le juge d’instruction pour considérer que le requérant était inscrit sur une « liste internationale des personnes recherchées », conformément au code de procédure pénale ukrainien. S’agissant, par ailleurs, des décisions du juge d’instruction du 1er mars 2017 et du 5 octobre 2018 ainsi que de la décision du juge d’instruction du 8 février 2017, le Tribunal les écarte et relève que celles-ci ont, notamment, été prises avant l’adoption des actes attaqués. Le Tribunal relève, enfin et en tout état de cause, que toutes les décisions mentionnées ne sont pas susceptibles, à elles seules, d’établir que la décision des autorités ukrainiennes de mener les procédures pénales, sur laquelle repose le maintien des mesures restrictives, a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, toutes les décisions judiciaires mentionnées par le Conseil, lesquelles s’insèrent dans le cadre des procédures pénales ayant justifié l’inscription et le maintien des noms des requérants sur la liste, ne sont qu’incidentes au regard de celles-ci, dans la mesure où elles sont de nature procédurale.

Le Tribunal estime, en second lieu, que le Conseil reste également en défaut de démontrer dans quelle mesure les informations dont il disposait s’agissant, notamment, du processus de familiarisation de la défense dans les procédures pénales et des décisions judiciaires y afférant lui ont permis de considérer que la protection des droits en question a été garantie, alors que les procédures pénales ukrainiennes se trouvaient encore au stade de l’enquête préliminaire et que les affaires en cause, concernant des faits prétendument commis entre 2011 et 2014, n’avaient pas encore été soumises à un tribunal sur le fond. À cet égard, le Tribunal se réfère à la CEDH{6} et à la Charte{7}, dont il résulte que le principe du droit à une protection juridictionnelle effective inclut notamment le droit à être jugé dans un délai raisonnable. Le Tribunal soulève que la Cour EDH a déjà considéré que la violation de ce principe peut être constatée notamment lorsque la phase d’instruction d’une procédure pénale se caractérise par un certain nombre de phases d’inactivité imputables aux autorités compétentes pour cette instruction. À ce sujet, le Tribunal rappelle que, lorsqu’une personne fait l’objet de mesures restrictives depuis plusieurs années, et ce en raison de l’existence de la même procédure pénale menée dans l’État tiers concerné, le Conseil est tenu d’approfondir la question de la violation éventuelle des droits fondamentaux de cette personne par les autorités. Dès lors, le Conseil aurait, à tout le moins, dû indiquer les raisons pour lesquelles il pouvait considérer que ces droits avaient été respectés en ce qui concerne la question de savoir si la cause du requérant avait été entendue dans un délai raisonnable.

Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’est pas établi que le Conseil s’est assuré du respect, par les autorités ukrainiennes, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant dans le cadre des procédures pénales sur lesquelles il s’est fondé. Il en déduit, dès lors, que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en maintenant le nom du requérant sur la liste litigieuse de nature à entraîner l’annulation de la décision 2020/373 et du règlement 2020/370.

Toutefois, le Tribunal décide, au regard des prévisions de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 264 TFUE, de maintenir, en ce qui concerne le requérant, les effets de la décision 2020/373 jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement d’exécution 2020/370. Dans la mesure où ces deux actes infligent des mesures identiques au requérant, l’existence d’une différence entre la date d’annulation du règlement d’exécution et de celle de la décision risquerait, dans le cas contraire, d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique.

{1} Décision 2014/119/PESC du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26) X

{2} Règlement (UE) nº 208/2014 du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1).

{3} Voir ordonnance du 10 juin 2016, Klymenko/Conseil (T-494/14, EU:T:2016:360) ; arrêts du 8 novembre 2017, Klymenko/Conseil (T-245/15, non publié, EU:T:2017:792), du 11 juillet 2019, Klymenko/Conseil (T-274/18, EU:T:2019:509), du 26 septembre 2019, Klymenko/Conseil (C-11/18 P, non publié, EU:C:2019:786) et du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil (T-295/19, EU:T:2020:287).

{4} Décision (PESC) 2020/373 du Conseil, du 5 mars 2020, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2020, L 71, p. 10).

{5} Règlement d’exécution (UE) 2020/370 du Conseil, du 5 mars 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) nº 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2020, L 71, p. 1).

{6} Article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

{7} Article 47 de la Charte.

Arrêt du 3 février 2021, Klymenko / Conseil (T-258/20) (cf. points 108-112)



Arrêt du 6 septembre 2023, Shulgin / Conseil (T-364/22) (cf. points 158-162)

121. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation d'un règlement antidumping dans la partie imposant un droit antidumping aux produits de certaines sociétés - Effet de l'annulation sur la validité d'un droit antidumping applicable aux produits d'autres sociétés - Absence

Voir le texte de la décision.

Arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems (C-324/19) (cf. point 31)

122. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Obligation d'éviter le remplacement de l'acte annulé par un acte entaché du même vice

La requérante, Crédit lyonnais, est une société anonyme de droit français agréée en tant qu’établissement de crédit. Elle constitue une filiale de Crédit agricole SA. À ce titre elle relève de la surveillance prudentielle directe de la Banque centrale européenne (BCE).

Le 5 mai 2015, la société Crédit agricole a sollicité de la BCE l’autorisation, en son nom et en celui des entités du groupe Crédit agricole, dont la requérante, d’exclure du calcul du ratio de levier les expositions (investissements) constituées par les sommes relevant de plusieurs livrets d'épargne souscrits auprès d’elle [livret A, livret de développement durable et solidaire (LDD) et livret d’épargne populaire (LEP)] et transférées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), un établissement public français.

Par décision du 24 août 2016, la BCE a refusé d’exclure du calcul du ratio de levier les expositions sur la CDC constituées par la partie des sommes déposées au titre des trois livrets précités.

Par l’arrêt Crédit agricole/BCE, du 13 juillet 2018{1}, le Tribunal a annulé la décision de la BCE. Il a confirmé que la BCE disposait d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou non cette exclusion prévue par le règlement sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit{2}. Toutefois, il a relevé que la BCE avait commis des erreurs de droit en prenant en considération l’obligation contractuelle de Crédit agricole de rembourser les dépôts des clients, sans tenir compte du reversement des fonds transférés à la CDC. Il a par ailleurs estimé que la BCE avait commis une erreur manifeste d’appréciation relative à l’existence d’un délai entre le reversement des fonds par la CDC à la société Crédit agricole, laquelle pourrait être contrainte de recourir à des ventes en catastrophe d’actifs.

Le 26 juillet 2018, la société Crédit agricole a, en son nom ainsi qu’en celui de différentes entités du groupe Crédit agricole, dont la requérante, de nouveau sollicité l’autorisation d’exclure du calcul du ratio de levier les sommes qu’elle était tenue de transférer à la CDC. Le 3 mai 2019, la BCE a autorisé cette exclusion par la société Crédit agricole et lesdites entités du groupe, à l’exception de la requérante, pour laquelle la dérogation n’a été accordée qu’à hauteur de 66 %. La décision attaquée a été adoptée par la BCE qui a fait application d’une méthodologie prenant en considération, premièrement, la qualité de crédit de l’administration centrale française, deuxièmement, le risque de vente en catastrophe et, troisièmement, l’évaluation de la concentration des expositions en cause.

Par son arrêt, le Tribunal annule la décision de la BCE, dans la mesure où elle a refusé à Crédit lyonnais l’autorisation d’exclure du calcul de son ratio de levier 34 % de ses expositions sur la CDC. Pour la première fois dans le contentieux de la surveillance prudentielle, il explicite les conditions de légalité de méthodologies de limitation du pouvoir discrétionnaire.

Appréciation du Tribunal

Après avoir contrôlé si la BCE avait adopté des mesures d’exécution de l’arrêt d’annulation Crédit agricole/BCE, le Tribunal examine la méthodologie que la BCE s’est imposée en se limitant à énoncer une règle de conduite indicative. Il précise qu’une telle méthodologie ne s’apparente pas à l’adoption d’un acte normatif dépassant le cadre des pouvoirs qui sont délégués à la BCE et ne dispense pas celle-ci d’un examen particulier de chaque situation individuelle, lequel peut la conduire à ne pas faire application de cette méthodologie.

En réponse au troisième moyen, le Tribunal examine les motifs pour lesquels la BCE a refusé de faire entièrement droit à la demande de Crédit lyonnais. Il rappelle que la BCE se devait d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce et de procéder à une analyse approfondie des caractéristiques de l’épargne réglementée.

En premier lieu, le Tribunal relève que la BCE n’a pas contesté la qualité de « valeur refuge » de l’épargne réglementée, qualité démontrée à suffisance de droit par la requérante qui a présenté des éléments de preuve. Par ailleurs, il souligne que c’est à juste titre que la requérante a relevé, en substance, que cette épargne est peu susceptible de contribuer à la constitution d’un levier excessif puisque les sommes transférées à la CDC ne peuvent pas être investies en actifs risqués ou non liquides. En outre, ces sommes transférées à la CDC bénéficient d’une double garantie de la République française.

En deuxième lieu, le Tribunal considère que, eu égard à ces éléments, le caractère liquide de l’épargne réglementée ne permet pas, à elle seule, de démontrer le risque de vente en catastrophe. Or, la BCE a justifié sa décision par l’expérience des crises bancaires récentes sans tenir compte du fait que, en l’espèce, l’épargne réglementée a une « valeur refuge » dans les situations de crise.

En troisième lieu, le Tribunal relève que la BCE s’est fondée sur un seul exemple de retraits massifs lors des crises bancaires récentes, alors que les dépôts mentionnés dans l’exemple ne présentaient pas de caractéristiques suffisamment proches de ceux effectués au titre de l’épargne réglementée.

Le Tribunal conclut que la BCE n’a pas pris en compte toutes les caractéristiques de l’épargne réglementée et, ce faisant, n’a pas procédé à une application correcte de l’arrêt Crédit agricole/BCE.

{1} Arrêt du 13 juillet 2018, Crédit agricole/BCE (T-758/16, EU:T:2018:472).

{2} Article 429, paragraphe 14, du règlement (UE) nº 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) nº 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1, rectificatifs JO 2013, L 208, p. 68, et JO 2013, L 321, p. 6).

Arrêt du 14 avril 2021, Crédit lyonnais / BCE (T-504/19) (cf. points 35-38, 124)

123. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la Libye - Prise d'effet de l'annulation du règlement à compter de l'expiration du délai de pourvoi ou du rejet de celui-ci

À la suite de la guerre en Libye en 2011 et de la chute du régime de Muammar Khadafi, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, le 26 février 2011, la résolution 1970 (2011) instaurant des mesures restrictives à l’encontre de la Libye ainsi que des personnes et des entités ayant participé à la commission de violations graves des droits de l’homme, y compris à des attaques contre des populations civiles{1}. Le Conseil de l’Union européenne a, pour sa part, adopté, les 28 février et 2 mars 2011, des mesures restrictives en raison de la situation en Libye{2}, lesquelles prévoient que les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes visées par la résolution 1970 (2011) ainsi que le gel de leurs fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques. Après l’adoption, en 2014 et 2015, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de nouvelles mesures restrictives à l’encontre des personnes et entités qui mettent en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou la réussite de sa transition politique{3}, le Conseil a adopté de nouveaux actes{4} aux fins, notamment, d’étendre les critères de désignation initiaux.

La requérante, ressortissante libyenne, est la fille de l’ancien dirigeant libyen M. Muammar Kadhafi. Elle a été inscrite sur les listes annexées aux actes du Conseil d’abord en raison de son association étroite avec le régime, puis de voyages effectués en violation de la résolution 1970 (2011). Après avoir procédé au réexamen des listes de noms des personnes et entités concernées, le Conseil a, par la décision 2017/497 et le règlement 2017/489{5}, puis, en maintenant les mêmes motifs à l’encontre de la requérante, par la décision 2020/374 et le règlement 2020/371{6}, maintenu l’inscription du nom de la requérante sur ces listes, en application de la résolution 1970 (2011) stipulant l’interdiction de voyager et le gel des avoirs. La requérante a attaqué ces actes.

Le Tribunal annule ces actes en tant qu’ils concernent la requérante, au motif que les actes attaqués sont dépourvus de base factuelle. Concernant la recevabilité du recours, le Tribunal juge notamment qu’il revient au Conseil de communiquer aux personnes concernées les décisions modificatives d’une inscription sur les listes, même en l’absence d’une obligation dérivant directement des actes attaqués en l’espèce.

Appréciation du Tribunal

Concernant la recevabilité du recours, dont la tardiveté était alléguée par le Conseil, le Tribunal rappelle tout d’abord que, si l’entrée en vigueur des actes attaqués a lieu en vertu de leur publication au Journal officiel de l’Union européenne, le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre les actes attaqués en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, court, pour chacune des personnes visées, à compter de la date de communication qui doit lui être faite. Le Tribunal précise à ce sujet que, si la décision 2015/1333 et le règlement 2016/44, sur la base desquels les actes attaqués ont été adoptés, ne prévoient pas l’obligation expresse pour le Conseil de notifier aux personnes concernées les actes par lesquels il a maintenu l’inscription de leur nom sur les listes, l’obligation de notification résulte du principe de protection juridictionnelle effective, y compris dans le cas d’une décision de maintien de l’inscription, et ce indépendamment de la question de savoir si des éléments nouveaux fondaient ladite décision de maintien. En l’espèce, les actes attaqués ne sont pas adoptés à des intervalles réguliers et, compte tenu du défaut de prévisibilité quant à leur adoption, si le délai de recours devait courir à compter de leur seule publication, les personnes concernées devraient vérifier continuellement le Journal officiel, ce qui serait de nature à entraver leur accès au juge de l’Union. Le Tribunal en conclut que le Conseil ne peut pas valablement prétendre que le délai de recours en l’espèce avait commencé à courir, pour la requérante, à partir de la date de publication des actes attaqués au Journal officiel.

S’agissant des modalités selon lesquelles le Conseil était tenu de communiquer les actes à la requérante aux fins d’établir le point de départ du délai de recours, le Tribunal rappelle ensuite que la communication indirecte de tels actes par la publication d’un avis au Journal officiel n’est autorisée que dans les cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une communication individuelle. Les actes attaqués n’ayant pas fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel et le Conseil n’ayant pas été dans l’impossibilité de communiquer lesdits actes à la requérante ou à son avocate, dûment mandatée pour recevoir une telle notification pour le compte de sa cliente, le Tribunal considère, au vu du dossier, que la communication individuelle des actes de 2017 a eu lieu par une lettre du 25 mars 2019 et que la requérante a pu prendre connaissance des actes de 2020, au plus tôt, par une réponse du Conseil du 13 juillet 2020, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal. Le Tribunal en conclut que le recours n’était dès lors pas tardif.

Sur le fond, s’agissant, en premier lieu, du défaut allégué de motivation des actes attaqués, le Tribunal constate que les actes attaqués font état de la raison pour laquelle le Conseil a maintenu le nom de la requérante sur les listes litigieuses en mars 2017 et en mars 2020, qui correspond aux justifications qui avaient été mentionnées pour procéder à l’inscription de son nom sur les listes annexées aux actes de 2011 et ensuite sur lesdites listes litigieuses. Le Tribunal retient que le Conseil a fourni des informations à la requérante en faisant référence, d’une part, aux déclarations que celle-ci aurait effectuées publiquement en 2011 et en 2013, appelant à renverser les autorités libyennes légitimes et à venger la mort de son père, et, d’autre part, à la situation d’instabilité existant encore en Libye, tout en réaffirmant la nécessité d’empêcher des individus associés à l’ancien régime de M. Kadhafi de continuer à fragiliser la situation en Libye. Le Tribunal en conclut que la requérante a pu comprendre que son nom avait été maintenu sur les listes litigieuses en raison de son inscription en vertu de la résolution 1970 (2011), des déclarations qui font partie du contexte dans lequel les actes attaqués s’inséraient et du fait que le Conseil jugeait ces mesures encore nécessaires.

S’agissant, en second lieu, du défaut allégué de base factuelle justifiant le maintien du nom de la requérante sur les listes, le Tribunal constate que les actes attaqués ne font pas état d’autres justifications pour le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses en mars 2017 et en mars 2020 que celles mises en avant pour procéder à l’inscription de son nom sur les listes annexées aux actes de 2011 et à l’application de la résolution 1970 (2011). Il relève que bien que les motifs sur lesquels les actes attaqués s’appuient, à savoir le fait d’être la fille de Muammar Kadhafi et son association étroite avec le régime de ce dernier, n’ont pas été contestés en temps utile devant le juge de l’Union, le Conseil n’était aucunement déchargé de son obligation d’établir que le maintien de son nom sur les listes litigieuses reposait sur une base factuelle suffisamment solide.

En outre, le Tribunal observe que le Conseil se borne à renvoyer aux déclarations que la requérante aurait effectuées publiquement en 2011, immédiatement après la divulgation des rapports concernant la mort de M. Kadhafi et de M. Mutassim Kadhafi, et en 2013. Le Tribunal relève que plusieurs années se sont écoulées depuis que ces déclarations ont été rapportées dans la presse et portées à la connaissance du Conseil, sans que ce dernier avance la moindre indication quant aux raisons pour lesquelles le contenu desdites déclarations aurait attesté que la requérante représentait encore une menace, sanctionnée dans le cadre des objectifs de la résolution 1970 (2011), nonobstant les changements intervenus entre-temps concernant sa situation individuelle. À cet égard, il observe que, depuis les actes d’inscription de 2011 et les actes d’inscription subséquents, la requérante ne résidait plus en Libye et le dossier ne fait état ni d’une quelconque participation de sa part à la vie politique libyenne ni de déclarations autres que celles qui lui ont été attribuées en 2011 et en 2013. Malgré ces changements concernant sa situation individuelle, le Conseil n’explique pas les raisons pour lesquelles celle-ci représentait, en 2017 et en 2020, soit lors de l’adoption des actes attaqués, une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la région. Le Tribunal conclut que, compte tenu de l’ensemble de ces considérations, les critiques de la requérante, tirées du fait que les actes attaqués sont dépourvus de base factuelle justifiant le maintien de son nom sur les listes litigieuses, sont fondées et que le Conseil a commis une erreur d’appréciation de nature à entraîner l’annulation des décisions 2017/497 et 2020/374 et des règlements 2017/489 et 2020/371.

{1} Résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 26 février 2011.

{2} Décision 2011/137/PESC du Conseil, du 28 février 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2011, L 58, p. 53), et règlement (UE) nº 204/2011 du Conseil, du 2 mars 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2011, L 58, p. 1).

{3} Résolution 2174 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 27 août 2014, et résolution 2213 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 27 mars 2015.

{4} Décision (PESC) 2015/818 du Conseil, du 26 mai 2015, modifiant la décision 2011/137 (JO 2015, L 129, p. 13), et règlement (UE) 2015/813 du Conseil, du 26 mai 2015, modifiant le règlement 204/2011 (JO 2015, L 129, p. 1).

{5} Décision d’exécution (PESC) 2017/497 du Conseil, du 21 mars 2017, mettant en œuvre la décision (PESC) 2015/1333 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2017, L 76, p. 25), et règlement d’exécution (UE) 2017/489 du Conseil, du 21 mars 2017, mettant en œuvre l’article 21, paragraphe 5, du règlement (UE) 2016/44 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (JO 2017, L 76, p. 3).

{6} Décision (PESC) 2020/374 du Conseil, du 5 mars 2020, mettant en œuvre la décision 2015/1333 (JO 2020, L 71, p. 14), et règlement d’exécution (UE) 2020/371 du Conseil, du 5 mars 2020, mettant en œuvre l’article 21, paragraphe 5, du règlement 2016/44 (JO 2020, L 71, p. 5).

Arrêt du 21 avril 2021, El-Qaddafi / Conseil (T-322/19) (cf. point 123)

124. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation d'un règlement antidumping imposant un droit antidumping aux produits de certaines sociétés - Effet de l'annulation sur la validité d'un droit antidumping applicable aux produits d'autres sociétés - Absence

Après une plainte déposée par des producteurs de l’Union européenne auprès de la Commission européenne, cette dernière a adopté, à l’issue d’une enquête ouverte le 10 décembre 2016, le règlement d’exécution 2017/1480{1}, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine (ci-après « le produit concerné »). S’agissant des importations de produits identiques en provenance de la République de l’Inde, la Commission n’a, en revanche, provisoirement constaté aucune pratique de dumping. À l’issue de la procédure antidumping, la Commission a adopté le règlement d’exécution 2018/140{2}, instituant un droit antidumping définitif sur les produits concernés originaires de la République populaire de Chine et clôturant l’enquête sur les importations des mêmes produits en provenance de l’Inde.

L’association de droit chinois China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products (ci-après la « CCCME »), qui compte parmi ses membres des producteurs-exportateurs chinois du produit concerné, ainsi que d’autres producteurs-exportateurs chinois, ont introduit un recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution 2018/140.

En rejetant ce recours, le Tribunal précise les conditions de recevabilité d’un recours en annulation introduit par une association au nom de ses membres. Il clarifie, en outre, les modalités d’accès de celle-ci à certaines informations recueillies par la Commission au cours de l’enquête antidumping et apporte des précisions sur l’évaluation des différents indicateurs de préjudice causé à l’industrie de l’Union ainsi que sur la possibilité pour la Commission d’ajuster la valeur normale du prix, telle que déterminée en application de la méthode du pays analogue.

Appréciation du Tribunal

S’agissant de la recevabilité du recours en annulation introduit par la CCCME, le Tribunal relève, tout d’abord, que la possibilité pour une association d’agir au nom de ses membres repose sur l’avantage significatif que procure cette façon de procéder, en permettant d’éviter l’introduction d’un nombre élevé de recours dirigés contre les mêmes actes par les membres de l’association qui représente leurs intérêts. Pour que cet avantage se concrétise, il faut et il suffit, premièrement, que l’association en cause agisse au nom de ses membres et, deuxièmement, que l’introduction du recours soit permise par les pouvoirs qui lui sont conférés dans ses statuts. Ces deux exigences étant satisfaites en l’espèce, le Tribunal rejette l’argument avancé par la Commission qu’une troisième condition de recevabilité, liée au caractère représentatif de l’association en cause au sens de la tradition juridique commune des États membres, aurait été reconnue par la Cour dans son arrêt Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association{3}. Par ailleurs, la CCCME ne doit pas non plus disposer d’un mandat ou d’une procuration spécifiques, établis par les membres dont elle défend les intérêts, afin de se voir reconnaître la qualité pour agir devant les juridictions de l’Union.

En ce qui concerne la première condition de recevabilité, selon laquelle la CCCME doit agir au nom de ses membres, le Tribunal rejette également l’argument de la Commission que seule une représentation couvrant l’ensemble de la procédure, y compris la phase administrative, permettrait à une association d’introduire un recours au nom de ses membres. Au regard des arguments pouvant être invoqués par la CCCME au soutien du recours en annulation, le Tribunal relève, en outre, qu’une association dont les missions statutaires incluent la défense des intérêts de ses membres peut soulever tout moyen de nature à mettre en cause la légalité des mesures de défense commerciale adoptées à leur égard.

Sur le fond, le Tribunal rejette, notamment, le moyen tiré du fait que la Commission aurait refusé de communiquer à la CCCME des informations utiles à la détermination du dumping et du préjudice, telles que le détail des calculs de la valeur normale, des marges de dumping, des effets des importations chinoises sur les prix, du préjudice et du niveau d’élimination du préjudice. Tout en rappelant que l’impératif tenant au respect des informations confidentielles ne peut vider de leur contenu essentiel les droits de la défense, le Tribunal relève que le règlement de base{4} prévoit un système de garanties poursuivant deux objectifs, à savoir, d’une part, permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts et, d’autre part, préserver la confidentialité des informations recueillies au cours de l’enquête. Pour articuler ces deux objectifs, le règlement de base exige, d’un côté, la communication, par la partie demandant la confidentialité des informations communiquées, d’un résumé non confidentiel qui soit suffisamment détaillé pour permettre aux parties intéressées de comprendre raisonnablement la substance desdites informations{5} et, d’un autre côté, la divulgation, par les institutions, des informations générales, notamment les motifs sur lesquels les décisions prises dans le cadre du règlement de base sont fondées{6}. Or, en l’occurrence, l’ensemble des calculs demandés par la CCCME présentant un caractère confidentiel de nature à mériter une protection, le Tribunal constate que, au vu des informations qui lui ont été communiquées, cette association a été mise en mesure de fournir des indications utiles à sa défense.

En ce qui concerne le calcul du volume des importations, le Tribunal juge, en outre, que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en limitant son appréciation aux données issues de la base de données Eurostat. À cet égard, bien que des ajustements ont dû être effectués pour résoudre certaines difficultés, le Tribunal relève que la fiabilité des données utilisées par la Commission ne peut être mise en cause que par des éléments de nature à jeter un doute, d’une manière concrète, sur la crédibilité de la méthode ou des données utilisées par cette institution. Or, la production de chiffres alternatifs, tels que les chiffres obtenus sur la base de données émanant des autorités douanières des pays dont proviennent les importations litigieuses, ne suffit pas pour que la partie requérante obtienne gain de cause. Par ailleurs, le Tribunal rappelle que la Commission jouit d’une large marge d’appréciation dans l’analyse des données, y compris celles fournies par Eurostat.

Quant à la nécessité d’effectuer une analyse par segment du préjudice causé à l'industrie de l'Union afin d’évaluer les différents indicateurs de préjudice, le Tribunal précise qu’une telle analyse peut être justifiée lorsque les produits visés par l’enquête ne sont pas interchangeables et lorsqu’un ou plusieurs segments sont davantage susceptibles d’être concernés que d’autres par les importations faisant l’objet d’un dumping. L’appartenance de produits à des gammes différentes ne suffit néanmoins pas pour établir, en soi, leur absence d’interchangeabilité et donc l’opportunité d’effectuer une analyse par segment, dès lors que des produits appartenant à des gammes distinctes peuvent avoir des fonctions identiques ou répondre aux mêmes besoins. Par ailleurs, le Tribunal constate l’absence d’éléments de preuve portant sur les éventuels besoins spécifiques et distincts des clients auxquels chacune de ces catégories de produits répondrait. Quant à la segmentation de l’Europe orientale du reste de l’Union, en raison des conditions concurrentielles prétendument moins développées dans cette partie de l’Union, le Tribunal met en exergue l’absence d’une démonstration selon laquelle des circonstances de ce type justifieraient, en l’espèce, d’appréhender séparément le préjudice causé à l’industrie de l’Europe occidentale et celui causé à l’industrie de l’Europe orientale.

Le Tribunal rejette également le grief tiré d’erreurs dans l’évaluation de la sous-cotation du prix des importations par rapport au prix du produit similaire de l’industrie de l’Union. À cet égard, les requérantes reprochaient à la Commission, d’une part, le manque de représentativité des échantillons et, d’autre part, la non-prise en compte de certains types de produits vendus par les producteurs de l’Union échantillonnés, en l’absence de type de produit importé comparable. Le Tribunal relève, tout d’abord, que la Commission est autorisée par le règlement de base à fonder son enquête, dans les affaires de taille importante, sur un nombre de parties déterminé en ayant recours à une méthode d’échantillonnage{7}. Or, en l’espèce, la Commission ayant constitué l’échantillon conformément aux modalités prévues par le règlement de base, la sous-cotation des prix constatée pour les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon doit être retenue comme représentative pour toute l’industrie de l’Union. Le Tribunal précise, en outre, qu’une analyse de chaque type de produit vendu par les producteurs de l’Union échantillonnés n’est pas exigée dans des cas, comme en l’espèce, où le produit concerné englobe une variété de types de produits qui demeurent interchangeables. Ce principe a, au demeurant, également été confirmé par l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC){8}, selon lequel l’autorité chargée de l’enquête n’est pas tenue d’établir l’existence d’une sous-cotation pour chacun des types de produits visés par l’enquête ou en ce qui concerne toute la gamme des marchandises constituant le produit national similaire. Dans ces conditions, le Tribunal retient que l’existence d’une marge de sous-cotation s’établissant dans une fourchette de 31,6 à 39,2 %, portant sur 62,6 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, apparaît suffisante, en l’espèce, pour conclure à l’existence d’une sous-cotation notable du prix par rappor

t au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union.

En dernier lieu, s’agissant de la possibilité d’opérer un ajustement à la valeur normale du produit concerné au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) lorsque la Commission a recours à la méthode du pays analogue, le Tribunal rappelle que le recours à cette méthode vise à éviter la prise en considération des prix et des coûts en vigueur dans les pays n’ayant pas une économie de marché, dans la mesure où ces paramètres n’y sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché. Cela ne signifie, toutefois, pas que la valeur normale ainsi déterminée ne peut faire l’objet d’aucun ajustement{9}. En effet, rien, dans le règlement de base, n’indique que le recours à la méthode du pays analogue donne lieu à une dérogation générale à l’exigence d’opérer des ajustements à des fins de comparabilité. Cependant, dans le cas où des ajustements de la valeur normale sont envisagés, ceux-ci ne doivent pas réintégrer, dans l’analyse des institutions, des éléments liés aux paramètres qui, dans ce pays, ne sont pas la résultante normale des forces qui s’exercent sur le marché. Or, en l’espèce, le Tribunal conclut que l’application à la valeur normale du taux de TVA applicable en République populaire de Chine ne revient pas à introduire ou à réintroduire un élément de distorsion du régime chinois dans le calcul de la valeur normale déterminée sur la base de la méthode du pays analogue.

{1} Règlement d’exécution (UE) 2017/1480 de la Commission, du 16 août 2017, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine (JO 2017, L 211, p. 14).

{2} Règlement d’exécution (UE) 2018/140 de la Commission, du 29 janvier 2018, instituant un droit antidumping définitif, portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine et clôturant l’enquête sur les importations de certains articles en fonte originaires de l’Inde (JO 2018, L 25, p. 6).

{3} Arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association (C-465/16 P, EU:C:2019:155).

{4} Règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »).

{5} Article 19, paragraphe 2, du règlement de base.

{6} Article 19, paragraphe 4, du règlement de base.

{7} Article 17 du règlement de base.

{8} Rapport de l’organe d’appel de l’OMC dans le différend « Chine - Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance "HP-SSST" en provenance du Japon » (WT/DS 454/AB/R et WT/DS 460/AB/R, rapport du 14 octobre 2015).

{9} Article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

Arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a. / Commission (T-254/18) (cf. points 109-112)

Rejetant le recours en annulation contre le règlement d’exécution 2022/191 de la Commission européenne{1}, qui institue un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (ci-après le « produit concerné »), le Tribunal apporte des précisions quant à la recevabilité d’un recours introduit par une association représentative d’exportateurs. En outre, il se prononce sur les modalités de calcul de la valeur normale du produit concerné, lorsque celle-ci est établie à partir des données d’un pays représentatif approprié, en présence de distorsions significatives du marché du pays exportateur.

En l’espèce, la Commission, saisie d’une plainte déposée par European Industrial Fasteners Institute, au nom de l’industrie de l’Union européenne, a ouvert une enquête antidumping à l’issue de laquelle elle a adopté le règlement attaqué.

C’est dans ce contexte que l’association de droit chinois, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products (ci-après la « CCCME »), et différents producteurs-exportateurs chinois ont introduit un recours tendant à l’annulation du règlement attaqué.

Appréciation du Tribunal

S’agissant de la recevabilité du recours en annulation introduit par la CCCME au nom de ses membres, le Tribunal rappelle que, pour qu’une association puisse valablement agir au nom de ces derniers, il importe, premièrement, que les personnes physiques ou morales au nom desquelles elle agit fassent partie de ses membres, deuxièmement, qu’elle ait le pouvoir d’agir en justice en leur nom, troisièmement, que ce recours soit introduit en leur nom, quatrièmement, qu’au moins un des membres au nom desquels elle agit aurait pu lui-même introduire un recours recevable et, cinquièmement, que les membres au nom desquels elle agit n’aient pas introduit de recours en parallèle devant les juridictions de l’Union. Ces exigences étant satisfaites en l’espèce, le recours est recevable en ce qu’il a été introduit par la CCCME au nom de ses membres qui sont des producteurs-exportateurs du produit concerné ayant coopéré avec la Commission, bien que non retenus dans l’échantillon de cette dernière, dans le cadre de l’enquête amenant à l’adoption du règlement attaqué.

Sur le fond, le Tribunal écarte, premièrement, le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base{2} dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit concerné. Cet article prévoit que, lorsqu’il est jugé inapproprié de se fonder sur les prix et les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur du fait de l’existence de distorsions significatives sur ce marché, la valeur normale du produit concerné est calculée exclusivement sur la base de coûts de production et de vente représentant des prix ou des valeurs de référence non faussés. À cette fin, la Commission peut utiliser comme sources d’information, notamment, les coûts de production et de vente correspondants dans un pays représentatif approprié, qui a un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur, pour autant que les données pertinentes soient aisément disponibles.

À cet égard, le Tribunal relève, en premier lieu, que la Commission n’a pas commis d’erreur en choisissant la Thaïlande en tant que pays représentatif approprié pour construire la valeur normale du produit concerné.

La juridiction rejette, tout d’abord, l’argumentation des requérantes selon laquelle les coûts de production pour la fabrication du produit concerné en Thaïlande ne correspondraient pas à ceux des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, la Thaïlande utilisant, parmi les matières premières nécessaires à la fabrication de ce produit, un fil machine de haute qualité importé du Japon. Ainsi, dans la mesure où cette matière première ne serait utilisée que pour la production d’éléments de fixation non standard, alors que les producteurs chinois n’exporteraient dans l’Union que des éléments de fixation standard, le prix des importations du fil machine en Thaïlande provenant du Japon aurait dû être écarté des données utilisées par la Commission aux fins de la détermination de la valeur normale.

S’agissant du caractère correspondant des coûts thaïlandais aux coûts des producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, le Tribunal note que la Commission a constaté que l’industrie chinoise bénéficiait des orientations et des interventions des pouvoirs publics chinois concernant l’acier, qui constituait la principale matière première utilisée dans la fabrication des éléments de fixation, et en a conclu que les coûts de production exposés par les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon étaient affectés par des distorsions significatives. Dans ce cas, bien que cette institution doive calculer la valeur normale du produit soumis à l’enquête tel qu’il l’aurait été pour les producteurs-exportateurs du pays concerné en l’absence de distorsions, il ressort de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base que la valeur normale est calculée exclusivement sur la base des données du pays représentatif choisi. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a déterminé la valeur normale en prenant en compte les coûts des matières premières pour les producteurs thaïlandais d’éléments de fixation. Dans ce contexte, la Commission peut, dans le cadre de sa large marge d’appréciation, procéder à certaines approximations pour le calcul de la valeur normale, pour autant que lesdites approximations soient justifiées par les données qu’elle a à sa disposition.

Quant à la nécessité d’écarter les données japonaises du calcul de la valeur normale, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en utilisant lesdites données aux fins de ce calcul compte tenu, d’une part, de l’existence d’une demande adéquate de matières premières pour la production d’éléments de fixation standard et non standard en Thaïlande et, d’autre part, de l’absence de données étayées sur la part des matières premières importées du Japon qui seraient destinées à des éléments de fixation non standard et sur la manière de distinguer ces matières premières au sein des codes SH{3}, un même code pouvant couvrir plusieurs qualités d’une matière première.

Ensuite, le Tribunal écarte le grief tiré de l’absence de caractère représentatif des données des producteurs thaïlandais utilisées par la Commission aux fins du calcul des frais de vente, des dépenses administratives et des autres frais généraux (frais VAG) et des bénéfices, ces producteurs ne produisant pas exactement le même produit que les producteurs chinois retenus dans l’échantillon.

À ce propos, le Tribunal constate que tous les éléments de fixation ont été considérés comme un seul et même produit aux fins de l’enquête. Partant, l’argumentation selon laquelle il conviendrait d’écarter les données d’un producteur thaïlandais qui produirait des éléments de fixation soumis à l’enquête, mais qui ne correspondraient pas exactement à ceux produits par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon ne saurait prospérer. Par ailleurs, dans le cadre d’enquêtes où la valeur normale est déterminée sur la base de données d’un pays représentatif approprié, il est difficile d’avoir des données qualitatives et disponibles entièrement calibrées à l’échantillon des producteurs-exportateurs.

Enfin, concernant la nécessité de calculer la valeur normale conformément à une pratique décisionnelle de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Tribunal précise que la Commission n’était pas tenue de procéder à une interprétation conforme de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base au regard des règles de l’OMC. En effet, même si les textes de l’Union doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international, en particulier lorsqu’ils visent à mettre en œuvre un accord international conclu par l’Union, il n’en reste pas moins que cette disposition ne saurait être considérée comme une disposition visant à mettre en œuvre des obligations spécifiques des accords conclus dans le cadre de l’OMC, le droit de l’OMC ne contenant pas de règles spécifiques destinées au calcul de la valeur normale dans les situations visées par la disposition en cause.

En second lieu, le Tribunal juge que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans le calcul des frais liés au fret{4}, aux consommables{5} et aux frais généraux dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit concerné. En effet, dans la mesure où le coût de transport supporté par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon pour l’approvisionnement en matières premières, les consommables et les frais généraux étaient affectés par des distorsions significatives, ceux-ci ne peuvent pas servir de référence pour le calcul des frais accessoires. En l’espèce, la Commission a exprimé le coût du transport supporté par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon pour l’approvisionnement en matières premières en pourcentage du coût réel de ces matières premières et a ensuite appliqué le même pourcentage au coût non faussé des mêmes matières premières en Thaïlande afin d’obtenir un coût de transport non faussé. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a calculé le coût de ces frais en appliquant un pourcentage sur le coût des matières premières nécessaires à la fabrication du produit concerné, tout en respectant la structure des coûts producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon.

Deuxièmement, les requérantes font valoir que, en appliquant des ajustements uniquement sur les prix à l’exportation et non sur la valeur normale, la Commission n’aurait pas procédé à une comparaison équitable des prix, violant ainsi l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base. À cet égard, le Tribunal souligne que, en vertu de cette disposition, lorsqu’une partie demande des ajustements aux fins d’une comparaison équitable des prix en vue de la détermination de la marge de dumping, cette partie doit apporter la preuve que sa demande est justifiée. Ainsi, il incombait aux requérantes d’apporter la preuve de la nécessité de l’ajustement sollicité, ce qu’elles n’ont nullement apporté en l’espèce.

Troisièmement, les requérantes contestent le calcul du coût de la main-d’œuvre nécessaire à la fabrication du produit concerné à partir des données d’un seul des trois producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit concerné. Ce faisant, la Commission n’aurait pas tenu compte des différences entre les procédés de fabrication des produits soumis à l’enquête, alors que ceux-ci auraient une influence sur les heures de travail nécessaires à la fabrication du produit. Le Tribunal constate cependant que, dans la mesure où aucun des trois producteurs-exportateurs échantillonnés n’a été en mesure d’apporter de documentation précise définissant les exigences en matière de coût de la main-d’œuvre sur la base de la méthode de fabrication du produit, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, se fonder sur les données vérifiées d’un seul des trois producteurs-exportateurs, celles-ci étant les meilleures données disponibles au sens de l’article 18 du règlement de base.

Quatrièmement, sur la nécessité d’effectuer une analyse par segment du préjudice causé à l’industrie de l’Union, le Tribunal précise qu’une telle analyse peut être justifiée, notamment, lorsque des éléments de preuve démontrent une segmentation particulièrement caractérisée des importations concernées, sous réserve toutefois, que le produit similaire sur le marché de l’Union dans son ensemble soit dûment pris en compte. L’appartenance de produits à des gammes différentes ne suffit pas pour établir, en soi, leur absence d’interchangeabilité et donc l’opportunité d’effectuer une analyse par segment, dès lors que des produits appartenant à des gammes distinctes peuvent avoir des fonctions identiques ou répondre aux mêmes besoins. Or, les requérantes n’ayant pas apporté d’éléments de preuve portant, d’une part, sur la distinction entre les éléments de fixation standard et non standard par rapport aux différents types d’industrie et, d’autre part, sur l’absence de concurrence entre ces deux types de produits, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant les éléments de fixation standard et non standard comme des produits similaires pour l’analyse du préjudice.

Cinquièmement, en ce qui concerne la prétendue absence de comparaison équitable entre les prix de l’Union et ceux des producteurs-exportateurs chinois, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir pas clarifié à quel stade commercial les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon étaient effectuées. Cette question ayant été clarifiée par la Commission, le Tribunal conclut à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de cette dernière quant à l’analyse de la sous-cotation de prix, les requérantes n’ayant pas non plus allégué la nécessité d’un quelconque ajustement afin d’assurer une comparaison équitable des prix au même stade commercial.

Sixièmement, le Tribunal déclare irrecevable le moyen tiré de la violation des droits procéduraux des requérantes pendant l’enquête administrative. Il rappelle que les droits procéduraux sont des droits propres à la personne à laquelle ils sont conférés et qu’ils ont un caractère subjectif, si bien que ce sont les parties concernées elles-mêmes qui doivent être en mesure de les exercer effectivement, indépendamment de la nature de la procédure dont elles font l’objet. Or, la possibilité pour une association d’exercer les droits procéduraux de ses membres ne saurait conduire à contourner les conditions que les entreprises en cause auraient dû respecter si elles avaient voulu exercer elles-mêmes leurs droits procéduraux. Ainsi, un producteur-exportateur membre de la CCCME ne saurait se contenter des demandes de cette dernière s’il n’a pas expressément fait valoir ses droits de la défense pendant l’enquête administrative. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le moyen de communication choisi par la Commission aux fins de la procédure administrative, à savoir une plateforme électronique, la qualité de partie intéressée au titre du règlement de base et les droits qui y sont attachés ne pouvant en tout état de cause dépendre du moyen de communication de la Commission avec ces parties.

À la lumière de l’ensemble de ces considérations, le Tribunal rejette, en conséquence, le recours dans son intégralité.

{1} Règlement d’exécution (UE) 2022/191 de la Commission, du 16 février 2022, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO 2022, L 36, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

{2} Règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »).

{3} Codes du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Ces codes déterminent les matières premières nécessaires à la fabrication du produit concerné.

{4} Il s’agit, en l’espèce, des coûts de transport supportés par le producteur pour une matière première livrée à l’entrée de l’usine.

{5} Les consommables sont des matières premières mineures consommées dans le processus de production.

Arrêt du 2 octobre 2024, CCCME e.a. / Commission (T-263/22) (cf. point 36)

125. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par le juge de l'Union - Maintien des effets de l'acte attaqué jusqu'au remplacement de ce dernier - Justification tirée de motifs de sécurité juridique

En juin 2020, la République portugaise a notifié à la Commission une aide d’État en faveur de la compagnie aérienne Transportes Aéreos Portugueses SGPS SA (ci-après le « bénéficiaire »), société mère et actionnaire à 100 % de TAP Air Portugal. L’aide notifiée, dont le budget maximal s’élève à 1,2 milliard d’euros, concerne un contrat de prêt conclu entre, notamment, la République portugaise en tant que prêteur, TAP Air Portugal en tant qu’emprunteur et le bénéficiaire en tant que garant. Par cette intervention, la République portugaise entendait maintenir le bénéficiaire en activité pendant six mois, entre juillet 2020 et décembre 2020.

Estimant que le régime notifié est constitutif d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission l’a évalué à la lumière de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE{1} et de ses lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers{2}. Par décision du 10 juin 2020, la Commission a déclaré la mesure en cause compatible avec le marché intérieur{3}.

La dixième chambre élargie du Tribunal a accueilli le recours introduit par la compagnie aérienne Ryanair tendant à l’annulation de cette décision, tout en suspendant les effets de l’annulation jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission. Dans son arrêt, le Tribunal apporte des précisions quant à la portée de l’obligation de motivation de la Commission lorsque celle-ci déclare, en application des lignes directrices concernant les aides aux entreprises en difficulté, une aide octroyée à une société faisant partie d’un groupe compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

Appréciation du Tribunal

Au soutien de son recours en annulation, Ryanair invoquait notamment une violation de l’obligation de motivation par la Commission, en ce que celle-ci aurait omis d’exposer les raisons permettant de considérer la mesure notifiée comme compatible avec le marché intérieur.

À cet égard, le Tribunal précise, tout d’abord, que le point 22 des lignes directrices concernant les aides aux entreprises en difficulté{4} énonce trois conditions cumulatives qui doivent être remplies pour qu’une aide au sauvetage accordée à une société faisant partie d’un groupe puisse être qualifiée de compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, point c), TFUE. Conformément à ce point, il incombe à la Commission d’examiner, premièrement, si le bénéficiaire de l’aide fait partie d’un groupe, deuxièmement, si les difficultés auxquelles le bénéficiaire fait face lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe et, troisièmement, si ces difficultés sont trop graves pour être résolues par ledit groupe lui-même. Ces conditions visent à empêcher qu’un groupe d’entreprises puisse faire supporter à l’État le coût d’une opération de sauvetage d’une des entreprises qui le composent, lorsque cette entreprise est en difficulté et que le groupe est lui-même à l’origine de ces difficultés ou qu’il a les moyens de faire face à celles-ci.

Au regard de ces précisions, le Tribunal relève que, dans la décision attaquée, la Commission n’a ni constaté, ni précisé si le bénéficiaire faisait partie d’un groupe au sens du point 22 des lignes directrices précitées. Elle a omis d’effectuer une quelconque analyse à cet égard et de préciser le rapport entre ledit bénéficiaire et ses sociétés actionnaires{5}.

En outre, dans l’hypothèse où le bénéficiaire faisait partie d’un groupe, au sens du point 22 des lignes directrices concernant les aides aux entreprises en difficulté, avec ses sociétés actionnaires, le Tribunal constate que la Commission n’avait étayé de quelque manière que ce soit ses affirmations selon lesquelles, d’une part, les difficultés du bénéficiaire lui étaient spécifiques et ne résultaient pas d’une répartition arbitraire des coûts au profit de ses actionnaires ou d’autres filiales et, d’autre part, que lesdites difficultés étaient trop graves pour être résolues par ses actionnaires de contrôle ou par les autres actionnaires. La Commission s’était bornée, en fait, à fournir des précisions sur la situation financière du bénéficiaire et sur les difficultés engendrées par la pandémie de COVID-19.

Eu égard à ces lacunes dans la motivation de la décision attaquée, le Tribunal n’est ni en mesure de vérifier si les conditions posées au point 22 des lignes directrices concernant les aides aux entreprises en difficulté étaient réunies en l’espèce, ni si la Commission pouvait conclure à l’absence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et était dans son droit de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

Partant, le Tribunal statue que la Commission a omis de motiver à suffisance de droit la décision attaquée et que ladite insuffisance de motivation entraîne son annulation.

Le tribunal considère, en appliquant l’article 264, second alinéa, TFUE, qu’il existe des considérations impérieuses de sécurité juridique justifiant de limiter dans le temps l’effet de l’annulation de la décision attaquée. Le Tribunal relève, premièrement, que l’application de la mesure d’aide en cause fait partie d’un processus encore en cours composé de différentes phases successives{6} et, deuxièmement, que la remise en cause immédiate de la perception des sommes d’argent prévues par la mesure d’aide aurait des conséquences particulièrement préjudiciables pour l’économie et la desserte aérienne du Portugal, dans un contexte économique et social déjà marqué par la perturbation grave de l’économie provoquée par la pandémie de COVID-19. Dans ces conditions, le Tribunal décide de tenir en suspens les effets de l’annulation de la décision attaquée jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission. À cet égard, le Tribunal précise toutefois que, si la Commission décide d’adopter cette nouvelle décision sans ouvrir la procédure formelle d’examen au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, cette suspension des effets de l’annulation ne peut excéder deux mois à compter de la date du prononcé de l’arrêt. Si la Commission décide, en revanche, d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la suspension sera maintenue pendant une période supplémentaire raisonnable.

{1} En vertu de cette disposition, les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

{2} JO 2014, C 249, p.1, ci-après les « lignes directrices concernant les aides aux entreprises en difficulté ».

{3} Décision C(2020) 3989 final de la Commission, du 10 juin 2020, relative à l’aide d’État SA.57369 (2020/N) - COVID-19 - Portugal - Aide apportée à TAP (JO 2020, C 228, p. 1 ; ci-après la « décision attaquée »).

{4} Selon le point 22 des lignes directrices concernant les aides aux entreprises en difficulté, « [u]ne société qui fait partie d’un groupe ou est reprise par un groupe ne peut en principe pas bénéficier d’aides au titre des présentes lignes directrices, sauf s’il peut être démontré que ses difficultés lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe, et que ces difficultés sont trop graves pour être résolues par le groupe lui-même ».

{5} À la date d’adoption de la décision attaquée, la moitié des actions du bénéficiaire étaient détenues par Participações Públicas SGPS SA qui gérait les participations de l’État portugais. Atlantic Gateway SGPS Lda détenait 45 % des actions du bénéficiaire et 5 % des actions étaient détenues par d’autres actionnaires.

{6} Le Tribunal constate, à cet égard, que la mesure en cause a été octroyée pour une période initiale de six mois déjà écoulée, après laquelle la République portugaise devait transmettre à la Commission, conformément au point 55, sous d), des lignes directrices concernant les aides aux entreprises en difficulté, soit la preuve que le crédit avait été intégralement remboursé, soit un plan de restructuration, soit un plan de liquidation.

Arrêt du 19 mai 2021, Ryanair / Commission (TAP; Covid-19) (T-465/20) (cf. points 56-62)

En juin 2020, le Royaume des Pays-Bas a notifié à la Commission européenne une aide d’État en faveur de la compagnie aérienne KLM, filiale de la société holding Air France-KLM. L’aide notifiée, dont le budget total s’élevait à 3,4 milliards d’euros, consistait, d’une part, en une garantie d’État pour un prêt à accorder par un consortium de banques et, d’autre part, en un prêt d’État. Par cette intervention, le Royaume des Pays-Bas entendait apporter temporairement les liquidités dont KLM avait besoin pour faire face aux répercussion négatives de la pandémie de COVID-19. En effet, compte tenu de l’importance de KLM pour son économie et pour sa desserte aérienne, le Royaume des Pays-Bas considérait que sa faillite aurait exacerbé davantage la perturbation grave de son économie causée par cette pandémie.

Le 4 mai 2020, la Commission avait déjà déclaré compatible avec le marché intérieur une aide individuelle octroyée par la République française à Air France, autre filiale de la société holding Air France-KLM, sous forme d’une garantie d’État et d’un prêt d’actionnaire, d’un montant total de 7 milliards d’euros{1}. Cette mesure d’aide visait à financer les besoins immédiats en liquidité d’Air France.

Estimant que l’aide notifiée en faveur de KLM est constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission l’a évaluée à la lumière de sa communication du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 »{2}. Par décision du 13 juillet 2020, la Commission a déclaré cette aide compatible avec le marché intérieur conformément à l’article l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE{3}. En vertu de cette disposition, les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre peuvent, sous certaines conditions, être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

La compagnie aérienne Ryanair a introduit un recours tendant à l’annulation de cette décision, qui est accueilli par la dixième chambre élargie du Tribunal, à la suite d’une procédure accélérée, tout en suspendant les effets de l’annulation jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission. Dans son arrêt, le Tribunal apporte des précisions quant à la portée de l’obligation de motivation de la Commission lorsque celle-ci déclare une aide octroyée à une filiale d’une société holding compatible avec le marché intérieur, alors qu’une autre filiale de la même société holding a déjà bénéficié d’une aide similaire.

Appréciation du Tribunal

Au soutien de son recours en annulation, Ryanair invoquait notamment une violation de l’obligation de motivation par la Commission, en ce que celle-ci aurait omis d’exposer les raisons pour lesquelles l’aide précédemment accordée à Air France n’avait pas d’impact sur l’évaluation de la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide adoptée en faveur de KLM, alors qu’Air France et KLM sont deux filiales de la même société holding.

À cet égard, le Tribunal précise, tout d’abord, que la décision adoptée auparavant concernant l’aide accordée à Air France constitue un élément de contexte devant être pris en considération aux fins d’examiner si la motivation de la décision attaquée satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE. En outre, lorsqu’il y a lieu de craindre les effets sur la concurrence d’un cumul d’aides d’État au sein du même groupe, il incombe à la Commission d’examiner avec une vigilance particulière les liens entre les sociétés appartenant audit groupe, afin de vérifier si ces dernières peuvent être considérées comme formant une seule unité économique, et, donc, un seul bénéficiaire, aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État{4}.

Au regard de ces précisions, le Tribunal relève que la décision attaquée ne contient ni éléments concernant la composition de l’actionnariat d’Air France et de KLM, ni informations quant aux liens fonctionnels, économiques et organiques entre la société holding Air France-KLM et ses filiales, alors qu’elle fait apparaître que la société holding est impliquée dans l’octroi et l’administration des aides prévues tant en faveur de KLM que d’Air France. La décision attaquée n’expose pas non plus l’existence éventuelle d’un quelconque mécanisme qui empêcherait que l’aide octroyée à Air France par le biais de la société holding Air France-KLM bénéficie, par l’intermédiaire précisément de la société holding, à KLM et inversement.

Dans ce cadre, le Tribunal rejette comme irrecevables les explications présentées par la Commission pour la première fois lors de l’audience afin de démontrer que l’aide précédemment accordée à Air France ne pouvait pas bénéficier à KLM. De plus, si la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si des sociétés faisant partie d’un groupe doivent être considérées comme une unité économique aux fins de l’application du régime des aides d’État, elle a toutefois manqué d’exposer de manière suffisamment claire et précise, dans la décision attaquée, l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents devant être pris en considération pour apprécier une situation complexe, caractérisée par l’octroi parallèle de deux aides d’État à deux filiales d’une même société holding, laquelle est, de surcroît, impliquée dans l’octroi et l’administration desdites aides.

En outre, eu égard à l’insuffisance de motivation dont est entachée la décision attaquée, le Tribunal n’était en mesure de vérifier ni la nécessité et la proportionnalité de l’aide, ni le respect des conditions de cumul et les plafonds fixés au paragraphe 25, sous d), et au paragraphe 27, sous d), de l’encadrement temporaire{5}. Pour les mêmes raisons, le Tribunal se trouvait dans l’impossibilité de contrôler si la Commission était confrontée à des difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur.

Partant, le Tribunal juge que la Commission, en se limitant à constater, d’une part, que KLM était le bénéficiaire de la mesure en cause, et, d’autre part, que les autorités néerlandaises avaient confirmé que le financement accordé à KLM ne serait pas utilisé par Air France, a omis de motiver à suffisance de droit la décision attaquée et que cette insuffisance de motivation entraîne son annulation.

Cependant, eu égard au fait que cette annulation résulte de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée et que la remise en cause immédiate de la perception des sommes d’argent prévues par la mesure d’aide notifiée aurait eu des conséquences particulièrement préjudiciables pour l’économie et la desserte aérienne des Pays-Bas dans un contexte économique et social déjà marqué par la perturbation grave de l’économie provoquée par la pandémie de COVID-19, le Tribunal décide de tenir en suspens les effets de l’annulation de la décision attaquée jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission.

{1} Décision C(2020)2983 final de la Commission, du 04 mai 2020, relative à l’aide d’État SA.57082 (2020/N) - France - COVID-19 : encadrement temporaire, [article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE] - Garantie et prêt d’actionnaire au bénéfice d’Air France (ci-après la « décision Air France »).

{2} Communication de la Commission sur l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 (JO 2020, C 91 I, p. 1), modifiée le 3 avril 2020 (JO 2020, C 112 I, p. 1), le 13 mai 2020 (JO 2020, C 164, p. 3) et le 29 juin 2020 (JO 2020, C 218, p. 3) (ci-après l’« encadrement temporaire »).

{3} Décision C(2020) 4871 final de la Commission, du 13 juillet 2020, relative à l’aide d’État SA.57116 (2020/N) - Pays-Bas - COVID-19 : Garantie d’État et prêt d’État en faveur de KLM (JO 2020, C 355, p 1 ; ci-après la « décision attaquée »).

{4} Conformément au point 11 de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2016, C 262, p. 1), plusieurs entités juridiques distinctes peuvent être considérées comme formant une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État. À cette fin, il convient de prendre en considération l’existence de participations de contrôle de l’une des entités dans l’autre ainsi que l’existence d’autres liens fonctionnels, économiques et organiques entre elles.

{5} Conformément au paragraphe 25, sous d), i), de l’encadrement temporaire, les aides d’État sous forme de nouvelles garanties publiques sur les prêts sont considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, pour autant que, pour les prêts arrivant à échéance après le 31 décembre 2020, le montant global des prêts par bénéficiaire n’excède pas le double de la masse salariale annuelle du bénéficiaire pour 2019 ou pour la dernière année disponible. Le même seuil s’applique aux aides d’État sous forme de subventions aux prêts publics, conformément au paragraphe 27, sous d), i), dudit encadrement.

Arrêt du 19 mai 2021, Ryanair / Commission (KLM; Covid-19) (T-643/20) (cf. points 79-84)

En avril 2020, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission une aide individuelle en faveur de la compagnie aérienne Condor Flugdienst GmbH (ci-après « Condor »), sous la forme de deux prêts d’un montant de 550 millions d’euros, garantis par l’État et assortis d’intérêts subventionnés. Cette mesure visait à indemniser Condor pour les dommages directement subis à cause de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions de voyages dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Condor est une compagnie aérienne qui était auparavant détenue par Thomas Cook Group plc. Suite à la mise en liquidation judiciaire dudit groupe, Condor a été confrontée à des difficultés financières et a dû demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en septembre 2019{1}. Cette procédure d’insolvabilité, qui aurait dû être close suite à la vente de Condor à un investisseur intéressé, a été prolongée en avril 2020, l’investisseur ayant retiré son offre d’achat.

Par décision du 26 avril 2020, la Commission a déclaré l’aide notifiée compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE{2}. Conformément à cette disposition, les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires sont compatibles avec le marché intérieur.

Pour évaluer le montant des dommages subis par Condor à cause de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions de voyages dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la Commission a d’abord calculé la différence entre les prévisions des bénéfices avant impôt pour la période allant de mars à décembre 2020, effectuées avant et après l’annonce des restrictions de voyages et des mesures de confinement. Le montant de cette différence a ensuite été augmenté des coûts liés à la prolongation de la période d’insolvabilité de Condor à la suite de l’échec de sa vente à l’investisseur intéressé.

La compagnie aérienne Ryanair a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission, qui est accueilli par la dixième chambre élargie du Tribunal, tout en suspendant les effets de l’annulation jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision. Dans son arrêt, le Tribunal apporte des précisions quant à la portée de l’obligation de motivation de la Commission lorsque celle-ci affirme l’existence d’un lien de causalité direct entre les dommages qu’une mesure d’aide vise à indemniser et des événements extraordinaires au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

Appréciation du Tribunal

Au soutien de son recours en annulation, Ryanair invoquait notamment une violation de l’obligation de motivation par la Commission, en ce que celle-ci n’aurait fourni aucune explication des raisons l’ayant amenée à inclure, dans le calcul des dommages susceptibles d’être indemnisés par la mesure d’aide en cause, les coûts liés à la prolongation de la période d’insolvabilité de Condor suite à l’échec de la vente de celle-ci à un investisseur potentiel. À cet égard, le Tribunal précise que, conformément à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, seuls peuvent être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires. Un lien direct entre les dommages causés par l’événement extraordinaire et l’aide étatique doit donc exister et une évaluation aussi précise que possible des dommages subis est nécessaire. Ainsi, la Commission doit vérifier si les mesures d’aide en cause se prêtent ou non à être utilisées pour remédier aux dommages causés par des événements extraordinaires, étant précisé que l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE bannit des mesures de nature générale et indépendante des dommages prétendument provoqués par de tels événements. La Commission doit, en outre, contrôler que le montant de la compensation octroyée par l’État membre concerné est limité à ce qui est nécessaire pour remédier aux dommages subis par les bénéficiaires de la mesure en cause.

Au regard de ces précisions, le Tribunal analyse, en premier lieu, l’objectif déclaré de la mesure d’aide et constate que, selon les termes mêmes de la décision attaquée, la mesure d’aide visait à indemniser Condor uniquement pour les dommages directement causés par l’annulation et la reprogrammation de ses vols en raison des restrictions de voyages imposées dans le contexte de la pandémie de COVID-19, à l’exclusion de toutes autres sources de dommages liés plus généralement à ladite pandémie.

En deuxième lieu, le Tribunal examine les raisons ayant amené la Commission à considérer que les coûts supplémentaires encourus par Condor en raison de la prolongation de la procédure d’insolvabilité étaient directement causés par ladite annulation et reprogrammation des vols. À cet égard, le Tribunal constate que la Commission s’est limitée à indiquer qu’il était « légitime » d’ajouter les coûts supplémentaires engendrés dans le cadre de la prolongation de la procédure d’insolvabilité de Condor aux dommages réclamés, sans expliquer, de manière suffisamment claire et précise, les raisons pour lesquelles elle a considéré que la cause déterminante de ceux-ci résidait dans l’annulation et la reprogrammation des vols de Condor imposées dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

En troisième lieu, le Tribunal relève qu’aucun élément dans la décision attaquée n’indique que la vente de Condor aurait échoué à cause de l’annulation et de la reprogrammation desdits vols. Il ressort plutôt de la décision attaquée que la procédure d’insolvabilité, déclenchée avant la survenance de la pandémie de COVID-19, avait été engagée en raison des difficultés financières auxquelles était confrontée Condor à la suite de la liquidation de sa société mère. Dans ces circonstances, il incombait à la Commission de s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir si l’annulation et la reprogrammation des vols de Condor en raison des restrictions de voyages imposées dans le cadre de la pandémie étaient véritablement la cause déterminante des coûts supplémentaires encourus par Condor en raison de la prolongation de la procédure d’insolvabilité, et de motiver sa décision sur ce point à suffisance de droit.

En quatrième lieu, le Tribunal observe que la Commission n’a ni expliqué la manière dont les coûts supplémentaires engendrés par la prolongation de la procédure d’insolvabilité ont été évalués, ni le type de coûts concernés. La Commission n’a pas non plus répondu à la question de savoir si la totalité de ceux-ci ou uniquement une partie a été considérée comme étant directement causée par l’annulation et la reprogrammation des vols de Condor.

Dans ces circonstances, le Tribunal constate une insuffisance de motivation de la décision attaquée quant au lien de causalité direct entre les coûts occasionnés par la prolongation de la période d’insolvabilité et l’annulation et la reprogrammation des vols de Condor en raison des restrictions de voyages imposées dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Partant, le Tribunal annule la décision attaquée.

Cependant, ayant égard au fait que cette annulation résulte de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée et que la remise en cause immédiate de la perception des sommes d’argent prévues par la mesure d’aide notifiée aurait des conséquences particulièrement préjudiciables pour l’économie de l’Allemagne dans un contexte économique et social déjà marqué par la perturbation grave de l’économie provoquée par la pandémie de COVID-19, le Tribunal décide de tenir en suspens les effets de l’annulation de la décision attaquée jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission.

{1} En parallèle au lancement de la procédure d’insolvabilité, la République fédérale d’Allemagne a accordé à Condor une aide sous la forme d’un prêt au sauvetage de 380 millions d’euros afin de lui permettre de poursuivre ses activités suite à la mise en liquidation judiciaire du groupe dont elle faisait partie. Par décision du 14 octobre 2019, C(2019) 7429 final, relative à l’aide d’État SA.55394 (2019/N) - Allemagne - Aide au sauvetage à Condor, la Commission a approuvé cette aide.

{2} Décision C(2020) 2795 final relative à l’aide d’État SA.56867 (2020/N, ex 2020/PN) - Allemagne - Indemnisation des dommages causés par la pandémie de COVID-19 à Condor, ci-après la « décision attaquée ».

Arrêt du 9 juin 2021, Ryanair / Commission (Condor ; Covid-19) (T-665/20) (cf. points 68-73)

126. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'un règlement concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran - Rétroactivité de l'annulation - Obligation pour le Conseil d'éliminer des décisions de gel de fonds adoptées le même jour les motifs d'inscription identiques à ceux jugés illégaux - Portée

En 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté des mesures restrictives{1} en vue de contraindre la République islamique d’Iran à mettre fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération ou contribuant à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, en prévoyant le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités concourant audit programme nucléaire. Le requérant, M. Borborudi, avait été inscrit le 1er décembre 2011 sur la liste des personnes et entités visées par ces mesures aux motifs qu’il occupait les fonctions de chef adjoint de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) et, notamment, qu’il participait au programme nucléaire iranien depuis au moins 2002. Le Conseil avait, par la suite, prorogé cette inscription à plusieurs reprises.

À la suite de l’adoption de la décision 2019/870{2} et du règlement 2019/855{3}, par lesquels le Conseil a prorogé son inscription sur la liste en cause en maintenant les mêmes motifs à son encontre, le requérant a introduit un recours en annulation contre ce règlement. Il reprochait notamment au Conseil d’avoir commis une erreur d’appréciation et de ne pas avoir établi le bien-fondé des mesures restrictives.

Le Tribunal annule le règlement 2019/855 en tant qu’il concerne le requérant et examine les conséquences de l’annulation de ce règlement, adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE, sur la décision 2019/870, adoptée sur le fondement de l’article 29 TUE.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal considère que la circonstance que l’objet du recours soit limité à une demande d’annulation du règlement 2019/855, en ce qu’il concerne le requérant, et qu’il ne vise pas, également, la décision 2019/870, ne fait pas obstacle à son examen. Il rappelle à cet égard que les décisions adoptées sur le fondement de l’article 29 TUE et les règlements adoptés sur le fondement de l’article 215 TFUE sont deux types d’actes, le premier arrêtant la position de l’Union en ce qui concerne les mesures restrictives à adopter et le second constituant l’instrument pour donner effet à ces mesures à l’échelle de l’Union. Malgré leur étroite connexion, le Tribunal juge que ces actes sont distincts et indépendants, de sorte que rien n’empêche une partie requérante d’attaquer uniquement un règlement d’exécution.

En deuxième lieu, le Tribunal estime que le premier motif d’inscription sur la liste en cause n’est pas fondé dans la mesure où le Conseil n’a pas établi que le requérant, à la date d’adoption de l’acte attaqué, était un chef adjoint de l’OIEA. Le Tribunal relève à cet égard que le Conseil ne pouvait reprocher au requérant, sans renverser la charge de la preuve, de ne pas avoir établi qu’il avait cessé toute activité au sein de l’OIEA, en exigeant qu’il l’informe d’une telle circonstance et qu’il soumette au Conseil des éléments de preuve à ce sujet. Au contraire, le Conseil était tenu d’examiner avec soin, dans le cadre du réexamen annuel des mesures restrictives{4}, les éléments étayant l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause, et ce nonobstant la faculté que détient le requérant de présenter, à tout moment, des observations ou de nouveaux éléments de preuve{5}. Le Tribunal observe, en l’espèce, qu’aucun élément n’étaye le motif selon lequel, ainsi que l’exposait l’extrait non confidentiel de la proposition d’inscription, le requérant était un chef adjoint de l’OIEA à la date d’adoption du règlement.

En troisième lieu, le Tribunal estime que le Conseil procède à une substitution des motifs fondant l’acte attaqué en prétendant que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause serait justifié par ses activités passées. Le Tribunal rappelle que le critère d’inscription relatif à la fourniture d’un appui aux activités nucléaires iraniennes posant un risque de prolifération implique que soit établie l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre les activités de la personne concernée et la prolifération nucléaire. Il précise sur ce point que l'adoption de mesures restrictives à l’égard d’une personne ne présuppose pas nécessairement que celle-ci ait préalablement adopté un comportement répréhensible effectif, le risque que cette personne adopte un tel comportement dans le futur pouvant être suffisant en lui-même. Cependant, l’existence d’un lien, direct ou indirect, entre les activités d’une personne et la prolifération nucléaire est, par contre, une condition nécessaire pour l’inscription du nom de cette personne sur la liste en cause. Le Conseil ne pouvait, dès lors, se fonder, à la date de l’adoption de l’acte attaqué, sur les anciennes fonctions du requérant au sein de l’OIEA et son ancienne participation au programme nucléaire iranien, sans avancer des indices sérieux et concordants permettant de considérer que le requérant maintenait des liens avec l’OIEA et ledit programme, ou, plus généralement, avec des activités posant un risque de prolifération nucléaire.

En dernier lieu, le Tribunal examine les conséquences de l’annulation du règlement 2019/855, en tant qu’il concerne le requérant, sur la décision 2019/870, qui n’a pas été contestée par ce dernier. Il relève, tout d’abord, que le présent arrêt n’entraîne pas de manière automatique l’annulation de la décision 2019/870. Toutefois, dans la mesure où ces deux actes infligent des mesures identiques au requérant, la circonstance que la décision 2019/870 demeure applicable malgré l’annulation de l’acte attaqué risquerait d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique. Le Tribunal rappelle ensuite que, pour se conformer à l’arrêt d’annulation, le Conseil est tenu de respecter tant le dispositif de l’arrêt que ses motifs. Ces derniers identifient, en effet, les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause comme étant illégaux et font apparaître les raisons exactes de leur illégalité. Dès lors, le Conseil doit veiller à ce que les éventuelles décisions subséquentes de gel de fonds susceptibles d’intervenir après l’arrêt ne soient pas entachées des mêmes vices. À cet effet, le Tribunal précise, eu égard à l’effet rétroactif des arrêts d’annulation, que la constatation d’illégalité remonte à la date de prise d’effet de l’acte annulé. Dans la mesure où la date de prise d’effet de la décision 2019/870 est la même que celle de l’acte attaqué, le Tribunal en déduit que le Conseil pourrait avoir l’obligation d’éliminer de cette décision les motifs d’inscription du nom du requérant ayant le même contenu que ceux jugés illégaux dans le présent arrêt, si ces motifs sont étayés par les mêmes éléments de preuve.

{1} Décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39) et règlement (UE) nº 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran et abrogeant le règlement (CE) nº 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1).

{2} Décision (PESC) 2019/870 du Conseil, du 27 mai 2019, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran (JO 2019, L 140, p. 90).

{3} Règlement d'exécution (UE) 2019/855 du Conseil, du 27 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) nº 267/2012 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran (JO 2019, L 140, p. 1).

{4} Article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et article 46, paragraphe 7, du règlement nº 267/2012.

{5} Article 24, paragraphe 4, de la décision 2010/413 et article 46, paragraphe 5, du règlement nº 267/2012.

Arrêt du 9 juin 2021, Borborudi / Conseil (T-580/19) (cf. points 93-98)

127. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Décision du Conseil de résolution unique (CRU) établissant les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) - Maintien des effets de cette décision jusqu'au remplacement de cette dernière dans un délai raisonnable - Justification tirée de motifs de sécurité juridique

Le 11 avril 2017, le Conseil de résolution unique (CRU) a adopté, dans le cadre du financement du Fonds de résolution unique (FRU), une décision fixant le montant des contributions ex ante dues au FRU par chaque établissement de crédit pour l’année 2017{1}. Parmi ces établissements figurait Landesbank Baden-Württemberg, un établissement de crédit allemand.

Saisi d’un recours en annulation introduit par Landesbank Baden-Württemberg, le Tribunal a annulé la décision litigieuse en ce qu’elle concernait cet établissement{2}. Il a estimé que cette décision ne satisfaisait pas à l’exigence d’authentification et, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, a constaté au surplus que cette décision avait été prise par le CRU en violation de l’obligation de motivation. À cet égard, il a notamment jugé que la décision litigieuse ne contenait presque aucun élément servant au calcul de la contribution ex ante au FRU et que son annexe ne comportait pas d’éléments suffisants pour vérifier l’exactitude de cette contribution.

Saisie de pourvois formés par la Commission (affaire C-584/20 P) et par le CRU (affaire C-621/20 P), la Cour, statuant en grande chambre, annule l’arrêt du Tribunal. En statuant définitivement sur le litige, elle annule la décision litigieuse à l’égard de Landesbank Baden-Württemberg pour insuffisance de motivation, tout en retenant néanmoins une approche différente de celle du Tribunal concernant la portée de l’exigence de motivation d’une telle décision.

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour conclut que le Tribunal a violé le principe du contradictoire dans la mesure où il n’a pas accordé au CRU la possibilité de prendre utilement position sur le moyen, soulevé d’office par le Tribunal, tiré du défaut de preuve suffisante de l’authentification de l’annexe de la décision litigieuse.

À cet égard elle rappelle que, afin de garantir le respect effectif du principe du contradictoire, une invitation préalable aux parties à présenter leurs observations sur le moyen que la juridiction de l’Union envisage de relever d’office doit leur être adressée dans des conditions qui permettent à celles-ci de prendre position de manière utile et effective sur ce moyen, y compris, le cas échéant, en présentant à cette juridiction les éléments de preuve nécessaires pour lui permettre de statuer sur ledit moyen en étant pleinement informée. Partant, il incombait au Tribunal d’informer les parties qu’il envisageait de fonder sa décision sur le moyen tiré du défaut d’authentification de la décision litigieuse et de les inviter, en conséquence, à lui présenter les arguments qu’elles jugeaient utiles afin qu’il puisse statuer sur ce moyen. Or, en l’espèce, ni avant ni lors de l’audience, le Tribunal n’a mis effectivement le CRU en mesure de prendre position de manière utile et effective sur ce moyen, notamment en présentant des éléments de preuve se rapportant à l’authentification de la décision litigieuse.

Ayant ainsi constaté que le Tribunal avait violé le principe du contradictoire, la Cour juge que le CRU a assuré, à suffisance, l’authentification de la décision litigieuse dans son ensemble, tant en ce qui concerne son corps que son annexe, notamment en utilisant le système informatique « ARES ».

En second lieu, la Cour se prononce sur l’obligation de motivation pesant sur le CRU pour l’adoption d’une décision telle que la décision litigieuse.

Tout d’abord, elle relève que le Tribunal n’a pas correctement apprécié la portée de cette obligation dans la mesure où il a jugé que le CRU était tenu de faire figurer dans la motivation de la décision litigieuse les éléments permettant à Landesbank Baden-Württemberg de vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante au FRU pour l’année 2017, sans que puisse avoir une incidence sur cette obligation le caractère confidentiel de certains de ces éléments.

D’une part, la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent ne doit pas nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme. D’autre part, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, en tant que principe général du droit de l’Union, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci.

Compte tenu de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul des contributions ex ante au FRU, basé notamment sur l’utilisation des données confidentielles relatives à la situation financière des établissements concernés par ce calcul, l’obligation de motivation de la décision litigieuse doit être mise en balance avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires de ces établissements. Toutefois, cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance. En ce sens, motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent ne porte pas nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation.

Ainsi, la Cour conclut qu’en l’espèce, l’obligation de motivation est respectée lorsque les destinataires d’une décision fixant des contributions ex ante au FRU tout en ne se voyant pas transmettre des données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante au FRU, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.

Ensuite, la Cour n’entérine pas le constat du Tribunal selon lequel la violation de l’obligation de motivation du CRU trouvait sa cause, pour la partie du calcul des contributions ex ante au FRU relative à l’adaptation en fonction du profil de risque des établissement concernés, dans l’illégalité de certaines dispositions du règlement délégué 2015/63{3}.

Après avoir détaillé le mécanisme d’adaptation des contributions ex ante au FRU au profil de risque, assurée essentiellement par l’affectation des établissements concernés sur la base de certaines valeurs à des « bins », permettant, in fine, de déterminer le multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque, la Cour précise que le CRU peut, sans méconnaître son obligation de respecter le secret des affaires, divulguer les valeurs limites des « bins » et les indicateurs s’y rapportant. Cette divulgation vise à permettre à l’établissement concerné de s’assurer, notamment, que le classement qui lui a été attribué lors de la discrétisation des indicateurs correspond effectivement à sa situation économique, que cette discrétisation a été opérée de manière conforme à la méthode définie par le règlement délégué 2015/63 sur la base de données plausibles et que l’ensemble des facteurs de risque ont été pris en considération.

De plus, les autres étapes de la méthode de calcul des contributions ex ante au FRU reposent sur des données agrégées des établissements concernés, lesquelles peuvent être divulguées sous une forme agrégée sans porter atteinte à l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires.

Partant, la Cour conclut que le règlement délégué 2015/63 n’empêche pas le CRU de divulguer, sous une forme agrégée et anonymisée, des informations suffisantes pour permettre à un établissement de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante au FRU, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés. Certes, une motivation fondée sur la divulgation des informations pertinentes sous une forme agrégée et anonymisée ne permet pas à chaque établissement de déceler systématiquement une éventuelle erreur commise par le CRU dans le recueil et l’agrégation des données pertinentes. En revanche, elle suffit pour permettre à cet établissement de s’assurer que les informations qu’il a fournies aux autorités compétentes ont bien été intégrées dans le calcul de sa contribution ex ante au FRU, en conformité avec les règles du droit de l’Union pertinentes, et pour identifier, sur la base de sa connaissance générale du secteur financier, une utilisation éventuelle d’informations dépourvues de plausibilité ou manifestement incorrectes, ainsi que pour déterminer s’il y a lieu d’introduire un recours en annulation contre une décision du CRU fixant sa contribution ex ante au FRU. La Cour précise toutefois que cette approche concernant la motivation d’une décision telle que la décision litigieuse est sans préjudice de la possibilité pour les juridictions de l’Union, afin d’exercer un contrôle juridictionnel effectif conforme aux exigences de l’article 47 de la Charte, de solliciter du CRU la production de données susceptibles de justifier les calculs dont l’exactitude est contestée devant elles, en assurant, en tant que de besoin, la confidentialité de ces données.

Enfin, la Cour juge que la décision litigieuse n’est pas suffisamment motivée car les éléments y figurant ainsi que ceux accessibles sur le site Internet du CRU à la date de cette décision ne couvraient qu’une partie des informations pertinentes que le CRU aurait pu communiquer sans porter atteinte au secret des affaires. En particulier, ni l’annexe de cette décision ni le site Internet du CRU ne comportaient de données relatives aux valeurs limites de chaque « bin » et aux valeurs des indicateurs s’y rapportant. Par conséquent, la décision litigieuse est annulée en ce qu’elle concerne Landesbank Baden-Württemberg.

{1} Décision du CRU, du 11 avril 2017, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (SRB/ES/SRF/2017/05) (ci-après, la « décision litigieuse »).

{2} Arrêt du 23 septembre 2020, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T-411/17, EU:T:2020:435).

{3} Règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44). Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté l’illégalité des articles 4 à 7 et 9 et de l’annexe I de ce règlement, visant la méthode de calcul des contributions ex ante au FRU.

Arrêt du 15 juillet 2021, Commission / Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C-584/20 P et C-621/20 P) (cf. points 175-178, disp. 3)



Ordonnance du 3 mars 2022, CRU / Hypo Vorarlberg Bank (C-663/20 P) (cf. points 109-112, disp. 3)



Ordonnance du 3 mars 2022, CRU / Portigon et Commission (C-664/20 P) (cf. points 112-115, disp. 3)

128. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué - Caractère non détachable d'une correction financière indûment appliquée - Annulation



Arrêt du 15 décembre 2021, République tchèque / Commission (T-627/16 RENV) (cf. points 122, 125, 127)

129. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué - Décision de la Commission relative à l'apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEAGA - Caractère détachable d'une correction financière indûment appliquée



Arrêt du 15 décembre 2021, République tchèque / Commission (T-627/16 RENV) (cf. points 88, 89)

130. Aides accordées par les États - Procédure administrative - Obligations de la Commission - Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché intérieur et ordonnant sa restitution - Annulation pour erreur de droit et erreurs manifestes d'appréciation - Nouvelle analyse requise par l'arrêt d'annulation pouvant être effectuée par la Commission sans reprendre l'instruction de l'affaire - Droit d'être entendu ayant été respecté lors de l'adoption de la décision annulée - Adoption d'une nouvelle décision sans réouverture de la procédure formelle d'examen - Admissibilité



Arrêt du 19 janvier 2022, Koinopraxia Touristiki Loutrakiou / Commission (T-757/18) (cf. points 66-72, 79-89, 91-101)

131. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation partielle d'une décision de la Commission constatant une infraction unique et continue aux règles de concurrence - Incidence sur l'appréciation de l'amende globale infligée

Par décision du 13 mai 2009{1}, la Commission européenne a infligé au producteur de microprocesseurs Intel une amende de 1,06 milliard d’euros pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché mondial des processeurs{2} x86{3}, entre octobre 2002 et décembre 2007, en mettant en œuvre une stratégie destinée à exclure du marché ses concurrents.

Selon la Commission, cet abus était caractérisé par deux types de comportements commerciaux adoptés par Intel à l’égard de ses partenaires commerciaux, à savoir des restrictions non déguisées et des rabais conditionnels. En ce qui concerne plus particulièrement ces derniers, Intel aurait accordé des rabais à quatre équipementiers informatiques stratégiques [Dell, Lenovo, Hewlett-Packard (HP) et NEC], sous réserve qu’ils achètent auprès d’elle la totalité ou la quasi-totalité de leurs processeurs x86. De même, Intel aurait accordé des paiements à un distributeur européen d’appareils microélectroniques (Media-Saturn-Holding) à condition que ce dernier vende exclusivement des ordinateurs équipés de processeurs x86 d’Intel. Ces rabais et paiements (ci-après les « rabais litigieux ») auraient assuré la fidélité des quatre équipementiers et de Media-Saturn et ainsi sensiblement réduit la capacité des concurrents d’Intel à se livrer à une concurrence fondée sur les mérites de leurs processeurs x86. Le comportement anticoncurrentiel d’Intel aurait ainsi contribué à réduire le choix offert aux consommateurs ainsi que les incitations à l’innovation.

Le recours introduit par Intel contre cette décision a été rejeté dans son intégralité par le Tribunal par arrêt du 12 juin 2014{4}. Par arrêt du 6 septembre 2017, rendu sur pourvoi d’Intel, la Cour a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant le Tribunal{5}.

Au soutien de ses conclusions en annulation de l’arrêt initial, Intel reprochait, en particulier, au Tribunal une erreur de droit en raison de l’absence d’examen des rabais litigieux au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce. À cet égard, la Cour a constaté que le Tribunal s’était fondé, à l’instar de la Commission, sur la prémisse selon laquelle les rabais de fidélité accordés par une entreprise en position dominante auraient, par leur nature même, la capacité de restreindre la concurrence de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’analyser l’ensemble des circonstances de l’espèce ni, en particulier, de mener un test AEC (connu en anglais sous le nom de « as efficient competitor test »){6}. Néanmoins, la Commission n’en a pas moins opéré, dans sa décision, un examen approfondi de ces circonstances, ce qui l’a conduite à conclure qu’un concurrent aussi efficace aurait dû pratiquer des prix qui n’auraient pas été viables et que, partant, la pratique des rabais litigieux était susceptible d’évincer un tel concurrent. La Cour en a conclu que le test AEC avait revêtu une importance réelle dans l’appréciation, par la Commission, de la capacité des pratiques en cause à produire un effet d’éviction des concurrents, de sorte que le Tribunal était tenu d’examiner l’ensemble des arguments d’Intel formulés au sujet de ce test et de sa mise en œuvre par la Commission. Le Tribunal s’étant abstenu de procéder à un tel examen, la Cour a annulé l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il puisse examiner, à la lumière des arguments avancés par Intel, la capacité des rabais litigieux de restreindre la concurrence.

Par son arrêt du 26 janvier 2022, le Tribunal, statuant sur renvoi, annule pour partie la décision attaquée en ce qu’elle qualifie les rabais litigieux d’abus, au sens de l’article 102 TFUE, et inflige une amende à Intel au titre de l’ensemble de ses agissements qualifiés d’abusifs.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal précise, à titre liminaire, l’étendue du litige après renvoi. À cet égard, il observe que l’annulation de l’arrêt initial n’était justifiée que par une seule erreur, tenant à l’absence de prise en considération, dans l’arrêt initial, de l’argumentation d’Intel visant à contester l’analyse AEC présentée par la Commission. Dans ces circonstances, le Tribunal estime pouvoir reprendre à son compte, aux fins de son examen, l’ensemble des considérations non viciées par l’erreur ainsi retenue par la Cour. Il s’agit, en l’occurrence, d’une part, des constatations de l’arrêt initial concernant les restrictions non déguisées et leur caractère illégal au regard de l’article 102 TFUE. En effet, selon le Tribunal, la Cour n’a pas invalidé, dans son principe même, la distinction établie dans la décision attaquée entre les pratiques constitutives de telles restrictions et les autres agissements d’Intel seuls visés par l’analyse AEC en question. D’autre part, le Tribunal a repris à son compte les considérations figurant dans l’arrêt initial selon lesquelles la Commission, dans la décision attaquée, a établi l’existence des rabais litigieux.

Cela ayant été précisé, le Tribunal entame, en premier lieu, l’examen des conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée par une présentation de la méthode définie par la Cour pour apprécier la capacité d’un système de rabais de restreindre la concurrence. À ce titre, il rappelle que, si un système de rabais d’exclusivité instauré par une entreprise en position dominante sur le marché peut être qualifié de restriction de concurrence, dès lors que, compte tenu de sa nature, ses effets restrictifs sur la concurrence peuvent être présumés, il ne s’agit, en l’occurrence, que d’une présomption simple qui ne saurait dispenser la Commission en toute hypothèse d’en examiner les effets anticoncurrentiels. Ainsi, dans l’hypothèse où une entreprise en position dominante soutient, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l’appui, que son comportement n’a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction qui lui sont reprochés, la Commission doit analyser la capacité d’éviction du système de rabais. Dans le cadre d’une telle analyse, il appartient à cette dernière non seulement d’analyser, d’une part, l’importance de la position dominante de l’entreprise sur le marché pertinent et, d’autre part, le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d’octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais également d’apprécier l’existence éventuelle d’une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces. En outre, lorsqu’un test AEC a été effectué par la Commission, il fait partie des éléments dont elle doit tenir compte pour apprécier la capacité du système de rabais de restreindre la concurrence.

En deuxième lieu, le Tribunal vérifie, tout d’abord, si l’appréciation par la Commission de la capacité des rabais litigieux de restreindre la concurrence se fonde sur la méthode ainsi définie. À cet égard, il relève d’emblée que la Commission a commis une erreur de droit, dans la décision attaquée, en considérant que le test AEC, qu’elle a néanmoins réalisé, n’était pas nécessaire pour lui permettre d’établir le caractère abusif des rabais litigieux d’Intel. Cela étant, le Tribunal estime ne pas pouvoir s’en tenir à ce constat. Dès lors que l’arrêt sur pourvoi indique que le test AEC a revêtu une importance réelle dans l’appréciation par la Commission de la capacité de la pratique de rabais en cause de produire un effet d’éviction, le Tribunal était tenu d’examiner les arguments avancés par Intel au sujet dudit test.

En troisième lieu, étant donné que l’analyse de la capacité des rabais litigieux de restreindre la concurrence s’inscrit dans le cadre de la démonstration de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence, en l’occurrence d’un abus de position dominante, le Tribunal rappelle les règles relatives à la répartition de la charge de la preuve ainsi qu’au niveau de preuve requis. Ainsi, le principe de la présomption d’innocence, applicable en la matière également, impose à la Commission d’établir l’existence d’une telle infraction, au besoin par un faisceau d’indices précis et concordants, de manière à ne laisser subsister aucun doute à cet égard. Lorsque cette dernière soutient que des faits établis ne peuvent s’expliquer que par un comportement anticoncurrentiel, l’existence de l’infraction en cause doit être considérée comme insuffisamment démontrée si les entreprises concernées parviennent à avancer une autre explication plausible des faits. En revanche, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve, en principe, propres à démontrer l’existence de l’infraction, c’est aux entreprises concernées qu’il appartient de démontrer l’insuffisance de leur valeur probante.

En quatrième lieu, c’est à la lumière de ces règles que le Tribunal examine les arguments concernant les erreurs prétendument commises par la Commission dans son analyse AEC. À cet égard, il juge que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit la capacité de chacun des rabais litigieux de produire un effet d’éviction, au vu des arguments avancés par Intel quant à l’évaluation par la Commission des critères d’analyse pertinents.

En effet, premièrement, en ce qui concerne l’application du test AEC à Dell, le Tribunal estime que, dans les circonstances du cas d’espèce, la Commission pouvait, certes, valablement s’appuyer, aux fins de l’évaluation de la « part disputable »{7}, sur des données connues d’opérateurs économiques autres que l’entreprise dominante. Cependant, après avoir examiné les éléments avancés par Intel à cet égard, le Tribunal conclut que ces derniers sont à même de faire naître un doute dans l’esprit du juge sur le résultat de cette évaluation, jugeant, par conséquent insuffisants les éléments retenus par la Commission pour conclure à la capacité des rabais accordés à Dell de produire un effet d’éviction durant toute la période pertinente. Deuxièmement, il en va de même, selon le Tribunal, pour l’analyse du rabais accordé à HP, l’effet d’éviction retenu n’ayant notamment pas été démontré pour l’intégralité de la période infractionnelle. Troisièmement, en ce qui concerne les rabais accordés, sous différentes conditions, à des sociétés intégrées du groupe NEC, le Tribunal constate deux erreurs viciant l’analyse de la Commission, l’une affectant la valeur des rabais conditionnels, l’autre tenant à l’extrapolation insuffisamment justifiée de résultats valant pour un seul trimestre à l’ensemble de la période infractionnelle. Quatrièmement, le Tribunal conclut également à une insuffisance de preuve, s’agissant de la capacité des rabais accordés à Lenovo de produire un effet d’éviction, en raison d’erreurs commises par la Commission dans l’appréciation chiffrée des avantages en nature en cause. Cinquièmement, le Tribunal conclut dans le même sens quant à l’analyse AEC concernant Media-Saturn, estimant, notamment, que la Commission ne s’était nullement expliquée au sujet des raisons l’ayant conduite à extrapoler, dans l’analyse des paiements octroyés à ce distributeur, les résultats obtenus, aux fins de l’analyse des rabais accordés à NEC, pour une période d’un trimestre pour toutel

a période infractionnelle.

En cinquième et dernier lieu, le Tribunal vérifie si la décision attaquée a dûment tenu compte de tous les critères permettant d’établir la capacité de pratiques tarifaires de produire un effet d’éviction, en vertu de la jurisprudence de la Cour. Or, à cet égard, il constate que la Commission n’a pas dûment examiné le critère relatif au taux de couverture du marché par la pratique contestée et n’a pas davantage procédé à une analyse correcte de la durée des rabais.

Il ressort, en conséquence, de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’analyse réalisée par la Commission est incomplète et, en tout état de cause, ne permet pas d’établir à suffisance de droit, que les rabais litigieux étaient capables ou susceptibles d’avoir des effets anticoncurrentiels, ce pour quoi le Tribunal annule la décision, en ce qu’elle considère ces pratiques comme constitutives d’un abus au sens de l’article 102 TFUE.

Enfin, en ce qui concerne l’incidence d’une telle annulation partielle de la décision attaquée sur le montant de l’amende infligée par la Commission à Intel, le Tribunal estime ne pas être en mesure d’identifier le montant de l’amende afférent uniquement aux restrictions non déguisées. En conséquence, il annule dans son intégralité l’article de la décision attaquée infligeant à Intel une amende d’un montant de 1,06 milliard d’euros au titre de l’infraction constatée.

{1} Décision C(2009) 3726 final de la Commission, du 13 mai 2009, relative à une procédure d’application de l’article [102 TFUE] et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire COMP/C-3/37.990 - Intel).

{2} Le processeur est un composant essentiel de tout ordinateur, tant pour les performances générales du système que pour le coût global de l’appareil.

{3} Les microprocesseurs utilisés dans les ordinateurs peuvent être regroupés en deux catégories, à savoir les processeurs x86 et les processeurs fondés sur une autre architecture. L’architecture x86 est une norme conçue par Intel qui permet le fonctionnement des systèmes d’exploitation Windows et Linux.

{4} Arrêt du 12 juin 2014, Intel/Commission (T-286/09, EU:T:2014:547, ci-après l’« arrêt initial »).

{5} Arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C-413/14 P, EU:C:2017:632, ci-après l’« arrêt sur pourvoi »).

{6} L’analyse économique ainsi réalisée portait, en l’occurrence, sur la capacité des rabais litigieux d’évincer un concurrent qui serait aussi efficace qu’Intel sans occuper pour autant une position dominante. Concrètement, l’analyse visait à établir le prix auquel un concurrent aussi efficace qu’Intel et subissant les mêmes coûts que cette dernière aurait dû proposer ses processeurs afin d’indemniser un équipementier informatique ou un distributeur d’appareils microélectroniques pour la perte des rabais en cause, afin de déterminer si, dans un tel cas, ce concurrent peut toujours couvrir ses coûts.

{7} Cette expression désigne, en l’occurrence, la part du marché que les clients d’Intel étaient disposés et en mesure de reporter leur approvisionnement sur un autre fournisseur, nécessairement limitée compte tenu, notamment, de la nature du produit ainsi que de l’image de marque et du profil d’Intel.

Arrêt du 26 janvier 2022, Intel Corporation / Commission (T-286/09 RENV) (cf. points 522-531)

132. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Annulation d'une décision de la Commission modifiant une décision imposant une amende - Décision annulée n'affectant ni l'imposition ni le montant de l'amende prévus par la décision initiale - Obligation pour la Commission de rembourser l'amende payée - Absence - Paiement de l'amende effectué sur la base de références à une décision annulée - Absence d'incidence - Violation du principe de protection de la confiance légitime - Absence



Arrêt du 9 février 2022, GEA Group / Commission (T-195/19) (cf. points 75-80, 85-91, 98-103)

133. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué - Règlement 2020/2092 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union - Caractère non détachable d'une disposition du règlement précisant les conditions d'adoption des mesures de protection du budget de l'Union pouvant être adoptées

Le règlement 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020{1}, a établi un « mécanisme de conditionnalité horizontale » visant à protéger le budget de l’Union européenne en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre. À cette fin, ce règlement permet au Conseil de l'Union européenne, sur proposition de la Commission européenne, d’adopter, dans les conditions qu’il définit, des mesures de protection appropriées telles que la suspension des paiements à la charge du budget de l’Union ou la suspension de l’approbation d’un ou de plusieurs programmes à la charge de ce budget. Le règlement attaqué subordonne l’adoption de telles mesures à la production d’éléments concrets propres à établir non seulement l’existence d’une violation des principes de l’État de droit, mais également l’incidence de cette dernière sur l’exécution du budget de l’Union.

Le règlement attaqué s’inscrit dans le prolongement d’une série d’initiatives portant, plus généralement, sur la protection de l’État de droit dans les États membres{2} et qui visaient à apporter des réponses, au niveau de l’Union, aux préoccupations croissantes relatives au respect par plusieurs États membres des valeurs communes de l’Union telles qu’énoncées à l’article 2 TUE{3}.

La Hongrie, soutenue par la République de Pologne{4}, a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation du règlement attaqué, et, à titre subsidiaire, à l’annulation de certaines de ses dispositions. Au soutien de ses conclusions, elle faisait valoir, pour l’essentiel, que ce règlement, bien que formellement présenté comme un acte relevant des règles financières visées à l’article 322, paragraphe 1, sous a), TFUE, viserait, en réalité, à sanctionner, en tant que telle, toute atteinte par un État membre aux principes de l’État de droit, dont les exigences seraient, en tout état de cause, insuffisamment précises. La Hongrie fonde donc son recours, notamment, sur l’incompétence de l’Union pour adopter un tel règlement, tant en raison d’un défaut de base juridique, qu’en raison du contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE, ainsi que sur la méconnaissance des exigences du principe de sécurité juridique.

Ainsi appelée à se prononcer sur les compétences de l’Union pour défendre son budget et ses intérêts financiers contre des atteintes pouvant découler de violations de valeurs énoncées à l’article 2 TUE, la Cour a estimé que cette affaire présente une importance fondamentale justifiant son attribution à l’assemblée plénière. Pour ces mêmes raisons, il a été fait droit à la demande du Parlement européen de traiter cette affaire selon la procédure accélérée. Dans ces conditions, la Cour rejette dans son intégralité le recours en annulation introduit par la Hongrie.

Appréciation de la Cour

Préalablement à l’examen au fond du recours, la Cour se prononce sur la demande du Conseil de ne pas prendre en compte différents passages de la requête de la Hongrie, en ce qu’ils se fondent sur des éléments tirés d’un avis confidentiel du service juridique du Conseil ainsi divulgué sans l’autorisation requise. À cet égard, la Cour confirme qu’il est, en principe, loisible à l’institution concernée de subordonner la production en justice d’un tel document interne à une autorisation préalable. Pour autant, dans l’hypothèse où l’avis juridique en cause se rapporte à une procédure législative, comme en l’espèce, il convient de tenir compte du principe de transparence, dès lors que la divulgation d’un tel avis est de nature à accroître la transparence et l’ouverture du processus législatif. Ainsi, l’intérêt public supérieur attaché à la transparence et à l’ouverture du processus législatif prévaut, en principe, sur l’intérêt des institutions, en ce qui concerne la divulgation d’un avis juridique interne. En l’occurrence, étant donné que le Conseil n’a pas justifié du caractère particulièrement sensible de l’avis concerné ou d’une portée particulièrement large allant au-delà du cadre du processus législatif en cause, la Cour rejette, en conséquence, la demande du Conseil.

Quant au fond, la Cour procède, en premier lieu, à l’examen des moyens invoqués à l’appui des conclusions principales tendant à l’annulation totale du règlement attaqué, tirés, d’une part, de l’incompétence de l’Union pour adopter ce règlement et, d’autre part, de la violation du principe de sécurité juridique.

En ce qui concerne, d’une part, la base juridique du règlement attaqué, la Cour relève que la procédure prévue par ce règlement ne peut être engagée que dans le cas où il existe des motifs raisonnables de considérer non seulement que des violations des principes de l’État de droit ont lieu dans un État membre, mais surtout que ces violations portent atteinte ou présentent un risque sérieux de porter atteinte, d’une manière suffisamment directe, à la bonne gestion financière du budget de l’Union ou à la protection de ses intérêts financiers. En outre, les mesures pouvant être adoptées au titre du règlement attaqué se rapportent exclusivement à l’exécution du budget de l’Union et sont toutes de nature à limiter les financements issus de ce budget en fonction de l’incidence sur celui-ci d’une telle atteinte ou d’un tel risque sérieux. Dès lors, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union contre des atteintes découlant de manière suffisamment directe de violations des principes de l’État de droit, et non pas à sanctionner, en soi, de telles violations.

En réponse à l’argumentation de la Hongrie, selon laquelle une règle financière ne saurait avoir pour objet de préciser l’étendue des exigences inhérentes aux valeurs visées à l’article 2 TUE, la Cour rappelle que le respect par les États membres des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, qui ont été identifiées et sont partagées par ceux-ci et qui définissent l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun à ces États, dont l’État de droit et la solidarité, justifie la confiance mutuelle entre ces États. Ce respect constituant ainsi une condition pour la jouissance de tous les droits découlant de l’application des traités à l’État membre concerné, l’Union doit être en mesure, dans les limites de ses attributions, de défendre ces valeurs.

La Cour précise sur ce point, d’une part, que le respect de ces valeurs ne saurait être réduit à une obligation à laquelle un État candidat est tenu en vue d’adhérer à l’Union et dont il pourrait s’affranchir après son adhésion. D’autre part, elle souligne que le budget de l’Union est l’un des principaux instruments permettant de concrétiser, dans les politiques et actions de l’Union, le principe fondamental de solidarité entre États membres et que la mise en œuvre de ce principe, au moyen de ce budget, repose sur la confiance mutuelle que ces derniers ont dans l’utilisation responsable des ressources communes inscrites audit budget.

Or, la bonne gestion financière du budget de l’Union et les intérêts financiers de l’Union peuvent être gravement compromis par des violations des principes de l’État de droit commises dans un État membre. En effet, ces violations peuvent avoir pour conséquence, notamment, l’absence de garantie que des dépenses couvertes par le budget de l’Union satisfont à l’ensemble des conditions de financement prévues par le droit de l’Union et, partant, répondent aux objectifs poursuivis par l’Union lorsqu’elle finance de telles dépenses.

Partant, un « mécanisme de conditionnalité horizontale », tel que celui institué par le règlement attaqué, qui subordonne le bénéfice de financements issus du budget de l’Union au respect par un État membre des principes de l’État de droit, peut relever de la compétence conférée par les traités à l’Union d’établir des « règles financières » relatives à l’exécution du budget de l’Union. La Cour précise que font partie intégrante d’un tel mécanisme, en tant qu’éléments constitutifs de celui-ci, les dispositions du règlement attaqué qui identifient ces principes, qui fournissent une énumération de cas qui peuvent être indicatifs de la violation desdits principes, qui précisent les situations ou comportements qui doivent être concernés par de telles violations et qui définissent la nature et l’étendue des mesures de protection pouvant, le cas échéant, être adoptées.

Ensuite, en ce qui concerne le grief tiré d’un prétendu contournement de la procédure prévue à l’article 7 TUE ainsi que des dispositions de l’article 269 TFUE, la Cour écarte l’argumentation de la Hongrie selon laquelle seule la procédure prévue à l’article 7 TUE confère aux institutions de l’Union la compétence pour examiner, constater et, le cas échéant, sanctionner les violations des valeurs que contient l’article 2 TUE dans un État membre. En effet, outre la procédure prévue à l’article 7 TUE, de nombreuses dispositions des traités, fréquemment concrétisées par divers actes de droit dérivé, confèrent aux institutions de l’Union la compétence d’examiner, de constater et, le cas échéant, de faire sanctionner des violations des valeurs que contient l’article 2 TUE commises dans un État membre.

Par ailleurs, la Cour observe que la procédure prévue à l’article 7 TUE a pour finalité de permettre au Conseil de sanctionner des violations graves et persistantes de chacune des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée et qui définissent son identité, en vue, notamment, d’enjoindre à l’État membre concerné de mettre un terme à ces violations. En revanche, le règlement attaqué vise à protéger le budget de l’Union, et cela uniquement en cas de violation des principes de l’État de droit dans un État membre qui porte atteinte ou présente un risque sérieux de porter atteinte à la bonne exécution de ce budget. En outre, la procédure prévue à l’article 7 TUE et celle instituée par le règlement attaqué se distinguent à l’égard de leur objet, des conditions de leur engagement, des conditions pour l’adoption et pour la levée des mesures prévues ainsi que de la nature de ces dernières. Par conséquent, ces deux procédures poursuivent des buts différents et ont chacune un objet nettement distinct. Il s’ensuit, par ailleurs, que la procédure instituée par le règlement attaqué ne saurait pas davantage être considérée comme visant à contourner la limitation de la compétence générale de la Cour, prévue par l’article 269 TFUE, dès lors que son libellé ne vise que le contrôle de légalité d’un acte adopté par le Conseil européen ou par le Conseil en vertu de l’article 7 TUE.

Enfin, étant donné que le règlement attaqué ne permet à la Commission et au Conseil d’examiner que des situations ou des comportements qui sont imputables aux autorités d’un État membre et qui apparaissent pertinents pour la bonne exécution du budget de l’Union, les pouvoirs conférés à ces institutions par ce règlement n’excèdent pas les limites des compétences attribuées à l’Union.

D’autre part, dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique, la Cour juge dépourvue de tout fondement l’argumentation développée par la Hongrie, au sujet du manque de précision dont serait entaché le règlement attaqué, tant en ce qui concerne les critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure qu’en ce qui concerne le choix et la portée des mesures à adopter. À cet égard, la Cour observe d’emblée que les principes figurant dans le règlement attaqué, en tant qu’éléments constitutifs de la notion d’« État de droit »{5}, ont amplement été développés dans sa jurisprudence, que ces principes trouvent leur source dans des valeurs communes reconnues et appliquées également par les États membres dans leurs propres ordres juridiques et qu’ils découlent d’une notion d’« État de droit » que les États membres partagent et à laquelle ils adhèrent, en tant que valeur commune à leurs traditions constitutionnelles. Par conséquent, la Cour considère que les États membres sont à même de déterminer avec suffisamment de précision le contenu essentiel ainsi que les exigences découlant de chacun de ces principes.

S’agissant, plus particulièrement, des critères relatifs aux conditions d’engagement de la procédure et du choix et de la portée des mesures à adopter, la Cour précise que le règlement attaqué requiert, pour l’adoption des mesures de protection qu’il prévoit, qu’un lien réel soit établi entre une violation d’un principe de l’État de droit et une atteinte ou un risque sérieux d’atteinte à la bonne gestion financière de l’Union ou à ses intérêts financiers et qu’une telle violation doit concerner une situation ou un comportement imputable à une autorité d’un État membre et pertinent pour la bonne exécution du budget de l’Union. En outre, elle observe que la notion de « risque sérieux » est précisée dans la réglementation financière de l’Union et rappelle que les mesures de protection pouvant être adoptées doivent être strictement proportionnées à l’incidence de la violation constatée sur le budget de l’Union. En particulier, selon la Cour, ce n’est que dans la stricte mesure du nécessaire pour atteindre l’objectif de protéger ce budget dans son ensemble que ces mesures peuvent viser des actions et programmes autres que ceux affectés par une telle violation. Enfin, constatant que la Commission doit respecter, sous le contrôle du juge de l’Union, des exigences procédurales strictes qui impliquent notamment plusieurs consultations de l’État membre concerné, la Cour conclut que le règlement attaqué satisfait aux exigences du principe de sécurité juridique.

La Cour examine, en second lieu, les conclusions subsidiaires tendant à l’annulation partielle du règlement attaqué. À cet égard, la Cour décide, d’une part, que l’annulation de l’article 4, paragraphe 1, du règlement attaqué aurait pour effet de modifier la substance de ce règlement, dès lors que cette disposition précise les conditions exigées pour permettre l’adoption des mesures de protection prévues par ce règlement, de sorte que les conclusions tendant à l’annulation de cette seule disposition doivent être considérées comme irrecevables. D’autre part, la Cour juge non fondés les griefs visant une série d’autres dispositions du règlement attaqué, tirés d’un défaut de base juridique ainsi que de violations tant des dispositions du droit de l’Union relatives aux déficits publics que des principes de sécurité juridique, de proportionnalité et d’égalité des États membres devant les traités. Elle rejette dès lors les conclusions subsidiaires dans leur intégralité, de même que l’ensemble du recours formé par la Hongrie.

{1} Règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433I, p. 1, et rectificatif JO 2021, L 373, p. 94, ci-après le « règlement attaqué »).

{2} Voir, en particulier, communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 juillet 2019, « Renforcement de l’état de droit au sein de l’Union - Plan d’action », COM (2019) 343 final, consécutive à la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 11 mars 2014, « Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’état de droit », COM (2014) 158 final.

{3} Les valeurs fondatrices de l’Union et communes aux États membres, énoncées à l’article 2 TUE, comprennent celles de respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.

{4} La République de Pologne a, elle aussi, introduit un recours tendant à l’annulation du règlement 2020/2092 (affaire C-157/21).

{5} Aux termes de l’article 2, sous a), du règlement attaqué, la notion d’« État de droit » recouvre « le principe de légalité, qui suppose l’existence d’un processus législatif transparent, responsable, démocratique et pluraliste, ainsi que les principes de sécurité juridique, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, de protection juridictionnelle effective, y compris l’accès à la justice, assurée par des juridictions indépendantes et impartiales, également en ce qui concerne les droits fondamentaux, de séparation des pouvoirs, de non-discrimination et d’égalité devant la loi. ».

Arrêt du 16 février 2022, Hongrie / Parlement et Conseil (C-156/21) (cf. points 293-295)

134. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Annulation partielle d'une décision de la Commission qualifiant différents comportements anticoncurrentiels d'infraction unique et continue et infligeant une amende - Insuffisance des éléments retenus pour établir la participation des entreprises incriminées à l'une des composantes de l'infraction unique et continue - Absence d'incidence sur la légalité du constat de la participation de ces entreprises à l'infraction globale

Les requérantes, SAS Cargo Group A/S (ci-après « SAS Cargo »), Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») et SAS AB (ci-après « SAS »), sont actives sur le marché des services de fret aérien.

Elles comptent parmi les 19 destinataires de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 - Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Par cette décision, la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à ces dispositions, par laquelle les entreprises en cause avaient coordonné, au cours de périodes comprises entre 1999 et 2006, leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier. Elle a infligé aux requérantes des amendes{1} pour leur participation à cette infraction.

Le 7 décembre 2005, la Commission avait reçu, au titre de sa communication sur la clémence de 2002{2}, une demande d’immunité introduite par Lufthansa et deux de ses filiales. Cette demande faisait état de l’existence de contacts anticoncurrentiels entre plusieurs entreprises actives sur le marché du fret aérien (ci-après les « transporteurs »), portant sur plusieurs éléments constitutifs du prix des services fournis dans le cadre de ce marché, à savoir l’instauration de surtaxes « carburant » et « sécurité » ainsi que, en substance, le refus d’accorder aux transitaires une ristourne sur ces surtaxes. Les éléments recueillis par la Commission et ses investigations l’ont conduite à adresser, le 19 décembre 2007, une communication des griefs à 27 transporteurs, puis à adopter, le 9 novembre 2010, à l’encontre de 21 transporteurs, dont les requérantes, une première décision{3}. Celle-ci a toutefois été annulée par le Tribunal, par arrêts du 16 décembre 2015{4}, dans la limite des conclusions en annulation respectives à cette fin, en raison de contradictions entachant la motivation de ladite décision.

Dans son arrêt, le Tribunal accueille partiellement les conclusions en annulation de la décision attaquée, de même que les conclusions tendant à la réduction des amendes infligées aux requérantes. Si, par cet arrêt, le Tribunal valide, dans son principe, l’analyse suivie par la Commission en vue d’établir l’existence d’une infraction unique et continue affectant plusieurs types de liaisons aériennes, il juge néanmoins insuffisamment étayés plusieurs éléments relatifs à l’étendue précise de la responsabilité imputée aux requérantes au titre de leur participation aux différentes composantes de cette infraction. En outre, cet arrêt permet au Tribunal d’apporter des précisions, notamment sur l’étendue de la compétence de la Commission pour l’application de l’article 101 TFUE en présence de comportements anticoncurrentiels adoptés dans des pays tiers, ainsi que sur la portée de l’exigence de respect du droit d’être entendu en matière d’accès aux éléments fournis par les entreprises en réponse à la communication des griefs.

Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne, en premier lieu, les droits de la défense, le Tribunal juge que c’est à tort que la Commission a refusé aux requérantes l’accès à différents passages des réponses à la communication des griefs évoqués dans la décision attaquée, pour autant qu’il s’agisse d’éléments à charge. Cependant, une telle irrégularité n’est susceptible d’aboutir à l’annulation d’un acte qu’à condition d’établir que le résultat auquel la Commission est parvenue aurait pu être différent en l’absence des éléments à charge en cause. C’est dans le cadre de l’examen du bien-fondé des appréciations de la Commission concernant la participation des requérantes à l’infraction litigieuse que le Tribunal estime qu’il lui appartiendra, s’il y a lieu, de tirer les conséquences de cette non-divulgation.

En deuxième lieu, le Tribunal examine deux griefs ayant trait à la délimitation du champ d’application territorial des règles de l’Union, au vu de l’étendue géographique de l’infraction litigieuse. Ainsi, le Tribunal juge que c’est sans outrepasser les limites de sa propre compétence territoriale que la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, affectant les vols sur les liaisons aériennes dites « entrantes », entendues comme les liaisons au départ d’aéroports situés dans des pays tiers et à destination de ceux situés dans des États membres de l’Union ou des autres États parties à l’Espace économique européen (EEE) qui ne sont pas membres de l’Union, dans les limites temporelles décrites dans la décision attaquée. En effet, il rappelle que la Commission est compétente pour constater et sanctionner un comportement adopté en dehors du territoire de l’Union ou de l’EEE, pour autant qu’il ait été mis en œuvre sur ce territoire ou qu’il fût prévisible qu’il y produise un effet immédiat et substantiel. En l’occurrence, la Commission était fondée à se reconnaître compétente au regard des effets qualifiés de l’infraction litigieuse. Plus particulièrement, la nocivité inhérente à un accord ou à une pratique horizontale en matière de prix, telle l’infraction litigieuse, dont découle sa qualification de restriction de concurrence par « objet », la dispensait d’en rechercher les effets concrets au sein de l’EEE. Par ailleurs, c’est sans encourir la censure du Tribunal que la Commission a pu admettre le caractère prévisible, immédiat et substantiel des effets du comportement litigieux au sein de l’EEE, lequel résulte de la répercussion, que le fonctionnement normal du marché permet de raisonnablement escompter, par les transitaires appelés à s’acquitter du coût majoré des services de fret aérien sur les liaisons concernées, du surcoût correspondant sur les expéditeurs. Cette répercussion est elle

-même susceptible de contribuer à une hausse du prix des marchandises importées dans l’EEE.

De même, le Tribunal considère que c’est en vain que les requérantes font valoir un défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entre la Suisse, d’une part, et la Norvège et l’Islande d’autre part. En effet, ce moyen n’est pas fondé, dès lors qu’il ressort du dispositif de la décision attaquée que la Commission n’a constaté aucune violation de cette disposition sur lesdites liaisons.

En troisième lieu, le Tribunal constate que, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, l’analyse suivie par la Commission afin d’établir l’existence de l’infraction litigieuse, envisagée en tant qu’infraction unique et continue, au vu des comportements décrits dans la décision attaquée, n’est entachée d’aucune erreur de droit ou d’appréciation. En effet, d’une part, le Tribunal observe que les facteurs retenus par la Commission aux fins de son analyse, tenant notamment à l’existence d’un objectif anti-concurrentiel unique et à l’identité des entreprises et des services en cause, étaient propres à permettre à la Commission de qualifier les comportements litigieux d’infraction unique. D’autre part, le Tribunal considère que les éléments retenus par la Commission à l’appui de sa conclusion sont suffisants et exempts de toute erreur d’appréciation.

En quatrième lieu, le Tribunal examine les griefs visant, en substance, à contester l’étendue de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue.

En ce qui concerne, premièrement, l’appréciation des éléments retenus par la Commission en relation avec des comportements mis en œuvre dans des pays tiers, le Tribunal juge, tout d’abord, que les principes régissant le moyen de défense tiré de la contrainte étatique s’appliquent tant aux réglementations d’États membres qu’à celles de pays tiers et que la charge de la preuve incombe à la partie qui se prévaut de ce moyen. Ensuite, le Tribunal observe que, pour conclure à l’inexistence d’une telle contrainte dans les différents pays tiers concernés, la Commission s’était appuyée sur des éléments auxquels elle avait, à tort, refusé l’accès aux requérantes. Le Tribunal constate, néanmoins, que les conclusions à l’appui desquelles ces éléments étaient invoqués demeurent fondées, y compris en l’absence desdits éléments. Enfin, le Tribunal juge que, contrairement à ce qu’a retenu la Commission, les autorités thaïlandaises avaient créé un cadre juridique éliminant toute possibilité de concurrence entre les transporteurs s’agissant de la détermination du montant de la surtaxe « carburant » applicable aux vols au départ de la Thaïlande et à destination de l’EEE entre juillet 2005 et février 2006.

Deuxièmement, le Tribunal examine les griefs des requérantes visant à contester le constat de leur participation à l’infraction unique et continue et juge notamment insuffisamment étayé le constat selon lequel elles avaient la connaissance requise pour se voir imputer la composante tenant au refus d’octroyer des ristournes.

Le Tribunal en conclut, que, bien que la décision attaquée doive être annulée, en ce qu’elle retient la participation des requérantes à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus d’octroyer des ristournes ainsi qu’à celle tenant à la surtaxe « carburant », en ce qui concerne les liaisons au départ de la Thaïlande et à destination de l’EEE entre juillet 2005 et février 2006, il n’en demeure pas moins que la Commission disposait d’un faisceau d’indices précis et concordants, même après l’exclusion de quelques indices insuffisamment étayés, pour conclure à la participation des requérantes à l’infraction unique et continue décrite dans la décision attaquée.

En cinquième lieu, le Tribunal examine les griefs des requérantes à l’encontre de la détermination du montant des amendes qui leur ont été infligées. À cet égard, le Tribunal considère que la Commission n’encourt aucune critique pour avoir déterminé la valeur des ventes par référence au chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret sur les liaisons entrantes, avant application d’une réduction de 50 % du montant de base de l’amende, justifiée par les particularités du marché considéré. Par ailleurs, le choix d’un coefficient de gravité de 16 %, sur une échelle de 0 à 30 %, est jugé exempt d’erreur. En effet, d’une part, un tel coefficient de gravité est très favorable aux requérantes au vu de la gravité inhérente aux pratiques litigieuses. D’autre part, les requérantes n’avaient contesté aucun des trois facteurs supplémentaires sur lesquels s’était fondée la Commission pour déterminer le coefficient de gravité, à savoir les parts de marchés cumulées des transporteurs incriminés, la portée géographique de l’entente litigieuse et la mise en œuvre des pratiques en cause. Enfin, la majoration de 50 % du montant de base qui a été appliquée aux requérantes pour cause de récidive n’encourt aucun des griefs exposés par ces dernières. En particulier, le Tribunal juge que l’infraction litigieuse et la précédente infraction de partage de marchés au titre de laquelle les requérantes avaient précédemment été sanctionnées sont similaires, dans la mesure où elles concernent toutes deux une entente horizontale dont la Commission a considéré qu’elle violait l’article 101 TFUE.

En dernier lieu, le Tribunal fait usage de sa compétence de pleine juridiction pour statuer sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée. Appliquant la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée, il estime, contrairement à la Commission, qu’il est nécessaire d’inclure le chiffre d’affaires réalisé par les requérantes sur les liaisons desservies exclusivement à l’intérieur, respectivement, du Danemark, de la Suède et de la Norvège. En effet, ces liaisons relevaient du champ de l’infraction en cause et l’inclusion du chiffre d’affaires réalisé sur celles-ci était nécessaire pour assurer une égalité de traitement avec les autres transporteurs incriminés et pour faire une juste appréciation de l’importance économique de l’infraction en cause et du rôle joué par chaque transporteur incriminé dans cette dernière. Le Tribunal juge aussi que, la participation de la requérante à l’infraction unique et continue ayant été plus limitée que ne l’avait retenu la Commission, il convient de lui accorder une réduction supplémentaire au titre des circonstances atténuantes. En conséquence, il recalcule le montant des amendes respectives infligées aux requérantes, fixant le montant de l’amende infligée à SAS Consortium à 7 030 618 euros, celui de l’amende infligée conjointement et solidairement à cette dernière et SAS Cargo à 5 937 909 euros, celui de l’amende infligée à SAS Cargo à 21 687 090 euros, celui de l’amende infligée conjointement et solidairement à cette dernière et SAS à 29 045 427 euros et celui de l’amende infligée conjointement et solidairement à ces trois sociétés à 6 314 572 euros.

{1} En l’occurrence, SAS Consortium s’est vu infliger une amende de 5 355 000 euros ainsi que, conjointement et solidairement avec SAS Cargo, une amende de 4 254 250 euros, SAS Cargo une amende de 22 308 250 euros ainsi que, conjointement et solidairement avec SAS une amende de 32 984 250 euros ; enfin, les trois sociétés se sont vu infliger, conjointement et solidairement, une amende de 5 265 750 euros.

{2} Communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

{3} Décision C(2010) 7694 final de la Commission, du 9 novembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire COMP/39258 - Fret aérien) (ci-après la « décision initiale »).

{4} Arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T-9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T-28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T-36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T-38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T-39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T-40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T-43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T-46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T-48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T-56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France KLM/Commission (T-62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T-63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T-67/11, non publié, EU:T:2015:984).

Arrêt du 30 mars 2022, SAS Cargo Group e.a. / Commission (T-324/17) (cf. points 728, 907, 908)



Arrêt du 30 mars 2022, Air Canada / Commission (T-326/17) (cf. points 543, 556, 557)

135. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Décision de la Commission constatant une infraction - Annulation pour vice de motivation relevé d'office dans les limites des conclusions de la requérante - Adoption d'une nouvelle décision tenant compte des constats d'infraction non remis en cause par le dispositif de l'arrêt d'annulation ainsi que de nouveaux constats - Admissibilité - Obligation de motivation - Portée

La requérante, British Airways plc, est une compagnie de transport aérien active sur le marché des services de fret aérien.

Elle compte parmi les 19 destinataires de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 - Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Par cette décision, la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à ces dispositions, par laquelle les entreprises en cause avaient coordonné, au cours de périodes comprises entre 1999 et 2006, leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier. Elle a infligé à la requérante une amende d’un montant fixé à 104 040 000 euros pour sa participation à cette infraction.

Le 7 décembre 2005, la Commission avait reçu, au titre de sa communication sur la clémence de 2002{1}, une demande d’immunité introduite par Lufthansa et deux de ses filiales. Cette demande faisait état de l’existence de contacts anticoncurrentiels entre plusieurs entreprises actives sur le marché du fret aérien (ci-après les « transporteurs »), portant sur plusieurs éléments constitutifs du prix des services fournis dans le cadre de ce marché, à savoir l’instauration de surtaxes « carburant » et « sécurité » ainsi que, en substance, le refus d’accorder aux transitaires une ristourne sur ces surtaxes. Les éléments recueillis par la Commission et ses investigations l’ont conduite à adresser, le 19 décembre 2007, une communication des griefs à 27 transporteurs, puis à adopter, le 9 novembre 2010, à l’encontre de 21 transporteurs, dont la requérante, une première décision{2}. Celle-ci a toutefois été annulée par le Tribunal, par arrêts du 16 décembre 2015{3}, dans la limite des conclusions en annulation respectives à cette fin, en raison de contradictions entachant la motivation de ladite décision.

Considérant, en substance, que le Tribunal avait commis une erreur de droit en se retranchant derrière l’interdiction de statuer ultra petita pour limiter la portée de l’annulation qu’il avait ainsi prononcée après avoir constaté d’office un vice de motivation entachant la décision initiale dans son ensemble, la requérante a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt rendu à son égard. Par arrêt du 14 novembre 2017{4}, la Cour, réunie en grande chambre, a rejeté ce pourvoi comme non-fondé dans son intégralité.

Statuant sur le recours introduit par la requérante contre la décision attaquée en tant que cette dernière la concerne, le Tribunal accueille partiellement les conclusions en annulation de la décision attaquée, de même que les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante. Plus spécifiquement, il annule la décision attaquée pour ce qui est du constat de la participation de la requérante à la composante de l’infraction tenant au refus de paiement, jugeant cette conclusion insuffisamment étayée, et réduit en conséquence le montant de l’amende au regard du caractère limité de la participation de la requérante à l’infraction. En revanche, appelé à se prononcer sur les exigences découlant de l’obligation d’adopter les mesures d’exécution requises suite à l’annulation d’une décision constatant une infraction aux règles de concurrence de l’Union, le Tribunal juge que la Commission a pu, sans encourir les critiques de la requérante, infliger à cette dernière une amende en se fondant également sur les constats d’infraction faits dans le dispositif de la décision initiale, pour autant qu’ils n’avaient pas été contestés et étaient, dès lors, devenus définitifs.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal juge que c’est sans outrepasser les limites de sa propre compétence territoriale que la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, affectant les vols sur les liaisons aériennes dites « entrantes », entendues comme les liaisons au départ d’aéroports situés dans des pays tiers et à destination de ceux situés dans des États membres de l’Union ou des autres États parties à l’Espace économique européen qui ne sont pas membres de l’Union, dans les limites temporelles décrites dans la décision attaquée.

En deuxième lieu, le Tribunal écarte le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entre la Suisse, d’une part, et la Norvège et l’Islande, d’autre part. En effet, ce moyen n’est pas fondé, dès lors qu’il ressort du dispositif de la décision attaquée que la Commission n’a constaté aucune violation de cette disposition sur lesdites liaisons.

En troisième lieu, le Tribunal examine les griefs de la requérante visant à contester les modalités d’exécution de l’arrêt d’annulation la concernant. À cet égard, le Tribunal rappelle, en particulier, que la portée d’un arrêt d’annulation s’apprécie au regard des limites fixées au litige par la requérante dans ses conclusions. Dans ces conditions, le Tribunal considère que la Commission a pu retenir, sans se contredire, ni manquer à son obligation d’adopter les mesures d’exécution requises, à l’égard de la requérante, qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur des constats d’infractions qui n’avaient pas été contestés par la requérante et qu’elle pouvait, dès lors, tenir pour définitifs à l’égard de cette dernière, quand bien même les coauteurs des infractions en cause ne seraient pas strictement les mêmes. C’est donc en vain que la requérante critique l’approche retenue par la Commission qui a conduit cette dernière à lui infliger une amende n’ayant pas exclusivement trait aux constats d’infractions faits dans la décision attaquée. À cet égard, le Tribunal précise encore que, contrairement à ce que soutient la requérante, le pourvoi qu’elle avait formé en vue de contester la limitation, à son égard, de l’annulation de la décision attaquée n’affecte en rien la validité de l’approche ainsi retenue par la Commission, dès lors que ce pourvoi était dépourvu d’effet suspensif et qu’en tout état de cause, il n’était pas susceptible d’élargir la portée des conclusions délimitant l’objet du litige

En quatrième lieu, le Tribunal examine encore les griefs visant, en substance, à contester les conclusions tirées par la Commission de l’examen des régimes réglementaires de différents pays tiers ainsi que le caractère suffisant des motifs exposés à cet égard, concluant à leur absence de bien-fondé. En effet, tout d’abord, le Tribunal juge que les principes régissant le moyen de défense tiré de la contrainte étatique s’appliquent tant aux réglementations d’États membres qu’à celles de pays tiers et que la charge de la preuve incombe à la partie qui se prévaut de ce moyen. Ensuite, la Commission a pu valablement considérer que la requérante était restée en défaut de prouver qu’elle avait agi sous la contrainte des régimes concernés. Enfin, pour autant que l’examen desdits régimes l’a conduite à admettre qu’ils aient pu avoir un effet incitatif sur les comportements infractionnels de la requérante, justifiant de lui reconnaître le bénéfice de circonstances atténuantes par application d’une réduction générale, la Commission s’est dûment expliquée quant au choix du taux de 15 % retenu à cet effet.

En cinquième lieu, pour autant que la Commission a conclu à la participation de la requérante à une infraction concernant le refus d’octroyer des ristournes, le Tribunal juge, en revanche, insuffisants les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est appuyée pour fonder cette conclusion et, en conséquence, annule la décision attaquée, dans la mesure où elle constate la participation de la requérante à ce volet de l’infraction.

En sixième lieu, le Tribunal examine les griefs de la requérante à l’encontre de la détermination du montant de l’amende que la Commission lui a infligée, plus particulièrement ceux concernant le calcul de la réduction octroyée en vertu du programme de clémence. À cet égard, il rappelle que la communication sur la clémence de 2002 subordonne le bénéfice d’une réduction d’amende, notamment, à la production d’éléments probants apportant une valeur ajoutée significative, aux fins de l’établissement des faits en question, par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission. À l’issue d’un examen approfondi des éléments produits par la requérante dont la valeur aurait, selon elle, été méconnue par la Commission, le Tribunal constate, au contraire, que c’est par une juste appréciation de leur valeur respective que la Commission a pu conclure à l’insuffisance de leur valeur ajoutée. En tout état de cause, la requérante ne saurait invoquer utilement le principe d’égalité de traitement pour contester le traitement plus défavorable auquel elle dit avoir été soumise par rapport à celui appliqué à d’autres transporteurs destinataires de la décision attaquée, étant donné que ces derniers ne se trouvaient pas dans une situation comparable à la sienne.

En septième et dernier lieu, le Tribunal fait usage de sa compétence de pleine juridiction pour statuer sur les conclusions tendant à la réduction du montant des amendes infligées. Sans s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée, il tire, à ce titre, les conséquences de l’annulation partielle de la décision attaquée, en tant qu’elle retenait la participation de la requérante au volet de l’infraction tenant au refus d’octroyer des ristournes. En conséquence, le montant de l’amende infligée à la requérante, fixé à 104 040 000 euros par la Commission, est réduit à 84 456 000 euros.

{1} Communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

{2} Décision C(2010) 7694 final de la Commission, du 9 novembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire COMP/39258 - Fret aérien) (ci-après la « décision initiale »).

{3} Arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T-9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T-28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T-36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T-38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T-39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T-40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T-43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T-46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T-48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T-56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France KLM/Commission (T-62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T-63/11, non publié, EU:T:2015:993) et Martinair Holland/Commission (T-67/11, non publié, EU:T:2015:984).

{4} Arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission (C-122/16 P, EU:C:2017:861).

Arrêt du 30 mars 2022, British Airways / Commission (T-341/17) (cf. points 204-209, 222, 232-236, 239-246, 254)

136. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation d'une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de concurrence - Portée circonscrite selon les limites fixées au litige par la requérante dans ses conclusions - Conséquence - Limitation de la portée de l'obligation d'adopter des mesures d'exécution - Exclusion des constats étrangers à l'objet du litige

La requérante, British Airways plc, est une compagnie de transport aérien active sur le marché des services de fret aérien.

Elle compte parmi les 19 destinataires de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 - Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Par cette décision, la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à ces dispositions, par laquelle les entreprises en cause avaient coordonné, au cours de périodes comprises entre 1999 et 2006, leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier. Elle a infligé à la requérante une amende d’un montant fixé à 104 040 000 euros pour sa participation à cette infraction.

Le 7 décembre 2005, la Commission avait reçu, au titre de sa communication sur la clémence de 2002{1}, une demande d’immunité introduite par Lufthansa et deux de ses filiales. Cette demande faisait état de l’existence de contacts anticoncurrentiels entre plusieurs entreprises actives sur le marché du fret aérien (ci-après les « transporteurs »), portant sur plusieurs éléments constitutifs du prix des services fournis dans le cadre de ce marché, à savoir l’instauration de surtaxes « carburant » et « sécurité » ainsi que, en substance, le refus d’accorder aux transitaires une ristourne sur ces surtaxes. Les éléments recueillis par la Commission et ses investigations l’ont conduite à adresser, le 19 décembre 2007, une communication des griefs à 27 transporteurs, puis à adopter, le 9 novembre 2010, à l’encontre de 21 transporteurs, dont la requérante, une première décision{2}. Celle-ci a toutefois été annulée par le Tribunal, par arrêts du 16 décembre 2015{3}, dans la limite des conclusions en annulation respectives à cette fin, en raison de contradictions entachant la motivation de ladite décision.

Considérant, en substance, que le Tribunal avait commis une erreur de droit en se retranchant derrière l’interdiction de statuer ultra petita pour limiter la portée de l’annulation qu’il avait ainsi prononcée après avoir constaté d’office un vice de motivation entachant la décision initiale dans son ensemble, la requérante a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt rendu à son égard. Par arrêt du 14 novembre 2017{4}, la Cour, réunie en grande chambre, a rejeté ce pourvoi comme non-fondé dans son intégralité.

Statuant sur le recours introduit par la requérante contre la décision attaquée en tant que cette dernière la concerne, le Tribunal accueille partiellement les conclusions en annulation de la décision attaquée, de même que les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante. Plus spécifiquement, il annule la décision attaquée pour ce qui est du constat de la participation de la requérante à la composante de l’infraction tenant au refus de paiement, jugeant cette conclusion insuffisamment étayée, et réduit en conséquence le montant de l’amende au regard du caractère limité de la participation de la requérante à l’infraction. En revanche, appelé à se prononcer sur les exigences découlant de l’obligation d’adopter les mesures d’exécution requises suite à l’annulation d’une décision constatant une infraction aux règles de concurrence de l’Union, le Tribunal juge que la Commission a pu, sans encourir les critiques de la requérante, infliger à cette dernière une amende en se fondant également sur les constats d’infraction faits dans le dispositif de la décision initiale, pour autant qu’ils n’avaient pas été contestés et étaient, dès lors, devenus définitifs.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal juge que c’est sans outrepasser les limites de sa propre compétence territoriale que la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, affectant les vols sur les liaisons aériennes dites « entrantes », entendues comme les liaisons au départ d’aéroports situés dans des pays tiers et à destination de ceux situés dans des États membres de l’Union ou des autres États parties à l’Espace économique européen qui ne sont pas membres de l’Union, dans les limites temporelles décrites dans la décision attaquée.

En deuxième lieu, le Tribunal écarte le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entre la Suisse, d’une part, et la Norvège et l’Islande, d’autre part. En effet, ce moyen n’est pas fondé, dès lors qu’il ressort du dispositif de la décision attaquée que la Commission n’a constaté aucune violation de cette disposition sur lesdites liaisons.

En troisième lieu, le Tribunal examine les griefs de la requérante visant à contester les modalités d’exécution de l’arrêt d’annulation la concernant. À cet égard, le Tribunal rappelle, en particulier, que la portée d’un arrêt d’annulation s’apprécie au regard des limites fixées au litige par la requérante dans ses conclusions. Dans ces conditions, le Tribunal considère que la Commission a pu retenir, sans se contredire, ni manquer à son obligation d’adopter les mesures d’exécution requises, à l’égard de la requérante, qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur des constats d’infractions qui n’avaient pas été contestés par la requérante et qu’elle pouvait, dès lors, tenir pour définitifs à l’égard de cette dernière, quand bien même les coauteurs des infractions en cause ne seraient pas strictement les mêmes. C’est donc en vain que la requérante critique l’approche retenue par la Commission qui a conduit cette dernière à lui infliger une amende n’ayant pas exclusivement trait aux constats d’infractions faits dans la décision attaquée. À cet égard, le Tribunal précise encore que, contrairement à ce que soutient la requérante, le pourvoi qu’elle avait formé en vue de contester la limitation, à son égard, de l’annulation de la décision attaquée n’affecte en rien la validité de l’approche ainsi retenue par la Commission, dès lors que ce pourvoi était dépourvu d’effet suspensif et qu’en tout état de cause, il n’était pas susceptible d’élargir la portée des conclusions délimitant l’objet du litige

En quatrième lieu, le Tribunal examine encore les griefs visant, en substance, à contester les conclusions tirées par la Commission de l’examen des régimes réglementaires de différents pays tiers ainsi que le caractère suffisant des motifs exposés à cet égard, concluant à leur absence de bien-fondé. En effet, tout d’abord, le Tribunal juge que les principes régissant le moyen de défense tiré de la contrainte étatique s’appliquent tant aux réglementations d’États membres qu’à celles de pays tiers et que la charge de la preuve incombe à la partie qui se prévaut de ce moyen. Ensuite, la Commission a pu valablement considérer que la requérante était restée en défaut de prouver qu’elle avait agi sous la contrainte des régimes concernés. Enfin, pour autant que l’examen desdits régimes l’a conduite à admettre qu’ils aient pu avoir un effet incitatif sur les comportements infractionnels de la requérante, justifiant de lui reconnaître le bénéfice de circonstances atténuantes par application d’une réduction générale, la Commission s’est dûment expliquée quant au choix du taux de 15 % retenu à cet effet.

En cinquième lieu, pour autant que la Commission a conclu à la participation de la requérante à une infraction concernant le refus d’octroyer des ristournes, le Tribunal juge, en revanche, insuffisants les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est appuyée pour fonder cette conclusion et, en conséquence, annule la décision attaquée, dans la mesure où elle constate la participation de la requérante à ce volet de l’infraction.

En sixième lieu, le Tribunal examine les griefs de la requérante à l’encontre de la détermination du montant de l’amende que la Commission lui a infligée, plus particulièrement ceux concernant le calcul de la réduction octroyée en vertu du programme de clémence. À cet égard, il rappelle que la communication sur la clémence de 2002 subordonne le bénéfice d’une réduction d’amende, notamment, à la production d’éléments probants apportant une valeur ajoutée significative, aux fins de l’établissement des faits en question, par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission. À l’issue d’un examen approfondi des éléments produits par la requérante dont la valeur aurait, selon elle, été méconnue par la Commission, le Tribunal constate, au contraire, que c’est par une juste appréciation de leur valeur respective que la Commission a pu conclure à l’insuffisance de leur valeur ajoutée. En tout état de cause, la requérante ne saurait invoquer utilement le principe d’égalité de traitement pour contester le traitement plus défavorable auquel elle dit avoir été soumise par rapport à celui appliqué à d’autres transporteurs destinataires de la décision attaquée, étant donné que ces derniers ne se trouvaient pas dans une situation comparable à la sienne.

En septième et dernier lieu, le Tribunal fait usage de sa compétence de pleine juridiction pour statuer sur les conclusions tendant à la réduction du montant des amendes infligées. Sans s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée, il tire, à ce titre, les conséquences de l’annulation partielle de la décision attaquée, en tant qu’elle retenait la participation de la requérante au volet de l’infraction tenant au refus d’octroyer des ristournes. En conséquence, le montant de l’amende infligée à la requérante, fixé à 104 040 000 euros par la Commission, est réduit à 84 456 000 euros.

{1} Communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

{2} Décision C(2010) 7694 final de la Commission, du 9 novembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire COMP/39258 - Fret aérien) (ci-après la « décision initiale »).

{3} Arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T-9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T-28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T-36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T-38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T-39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T-40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T-43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T-46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T-48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T-56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France KLM/Commission (T-62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T-63/11, non publié, EU:T:2015:993) et Martinair Holland/Commission (T-67/11, non publié, EU:T:2015:984).

{4} Arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission (C-122/16 P, EU:C:2017:861).

Arrêt du 30 mars 2022, British Airways / Commission (T-341/17) (cf. points 215-222)

137. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Annulation partielle d'une décision de la Commission qualifiant différents comportements anticoncurrentiels d'infraction unique et continue et infligeant une amende - Insuffisance des éléments retenus pour établir la responsabilité de l'entreprise requérante d'une des composantes de l'infraction unique et continue - Absence d'incidence sur la légalité du constat de la participation de cette entreprise à l'infraction globale

La requérante, British Airways plc, est une compagnie de transport aérien active sur le marché des services de fret aérien.

Elle compte parmi les 19 destinataires de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 - Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Par cette décision, la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à ces dispositions, par laquelle les entreprises en cause avaient coordonné, au cours de périodes comprises entre 1999 et 2006, leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier. Elle a infligé à la requérante une amende d’un montant fixé à 104 040 000 euros pour sa participation à cette infraction.

Le 7 décembre 2005, la Commission avait reçu, au titre de sa communication sur la clémence de 2002{1}, une demande d’immunité introduite par Lufthansa et deux de ses filiales. Cette demande faisait état de l’existence de contacts anticoncurrentiels entre plusieurs entreprises actives sur le marché du fret aérien (ci-après les « transporteurs »), portant sur plusieurs éléments constitutifs du prix des services fournis dans le cadre de ce marché, à savoir l’instauration de surtaxes « carburant » et « sécurité » ainsi que, en substance, le refus d’accorder aux transitaires une ristourne sur ces surtaxes. Les éléments recueillis par la Commission et ses investigations l’ont conduite à adresser, le 19 décembre 2007, une communication des griefs à 27 transporteurs, puis à adopter, le 9 novembre 2010, à l’encontre de 21 transporteurs, dont la requérante, une première décision{2}. Celle-ci a toutefois été annulée par le Tribunal, par arrêts du 16 décembre 2015{3}, dans la limite des conclusions en annulation respectives à cette fin, en raison de contradictions entachant la motivation de ladite décision.

Considérant, en substance, que le Tribunal avait commis une erreur de droit en se retranchant derrière l’interdiction de statuer ultra petita pour limiter la portée de l’annulation qu’il avait ainsi prononcée après avoir constaté d’office un vice de motivation entachant la décision initiale dans son ensemble, la requérante a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt rendu à son égard. Par arrêt du 14 novembre 2017{4}, la Cour, réunie en grande chambre, a rejeté ce pourvoi comme non-fondé dans son intégralité.

Statuant sur le recours introduit par la requérante contre la décision attaquée en tant que cette dernière la concerne, le Tribunal accueille partiellement les conclusions en annulation de la décision attaquée, de même que les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante. Plus spécifiquement, il annule la décision attaquée pour ce qui est du constat de la participation de la requérante à la composante de l’infraction tenant au refus de paiement, jugeant cette conclusion insuffisamment étayée, et réduit en conséquence le montant de l’amende au regard du caractère limité de la participation de la requérante à l’infraction. En revanche, appelé à se prononcer sur les exigences découlant de l’obligation d’adopter les mesures d’exécution requises suite à l’annulation d’une décision constatant une infraction aux règles de concurrence de l’Union, le Tribunal juge que la Commission a pu, sans encourir les critiques de la requérante, infliger à cette dernière une amende en se fondant également sur les constats d’infraction faits dans le dispositif de la décision initiale, pour autant qu’ils n’avaient pas été contestés et étaient, dès lors, devenus définitifs.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal juge que c’est sans outrepasser les limites de sa propre compétence territoriale que la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, affectant les vols sur les liaisons aériennes dites « entrantes », entendues comme les liaisons au départ d’aéroports situés dans des pays tiers et à destination de ceux situés dans des États membres de l’Union ou des autres États parties à l’Espace économique européen qui ne sont pas membres de l’Union, dans les limites temporelles décrites dans la décision attaquée.

En deuxième lieu, le Tribunal écarte le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entre la Suisse, d’une part, et la Norvège et l’Islande, d’autre part. En effet, ce moyen n’est pas fondé, dès lors qu’il ressort du dispositif de la décision attaquée que la Commission n’a constaté aucune violation de cette disposition sur lesdites liaisons.

En troisième lieu, le Tribunal examine les griefs de la requérante visant à contester les modalités d’exécution de l’arrêt d’annulation la concernant. À cet égard, le Tribunal rappelle, en particulier, que la portée d’un arrêt d’annulation s’apprécie au regard des limites fixées au litige par la requérante dans ses conclusions. Dans ces conditions, le Tribunal considère que la Commission a pu retenir, sans se contredire, ni manquer à son obligation d’adopter les mesures d’exécution requises, à l’égard de la requérante, qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur des constats d’infractions qui n’avaient pas été contestés par la requérante et qu’elle pouvait, dès lors, tenir pour définitifs à l’égard de cette dernière, quand bien même les coauteurs des infractions en cause ne seraient pas strictement les mêmes. C’est donc en vain que la requérante critique l’approche retenue par la Commission qui a conduit cette dernière à lui infliger une amende n’ayant pas exclusivement trait aux constats d’infractions faits dans la décision attaquée. À cet égard, le Tribunal précise encore que, contrairement à ce que soutient la requérante, le pourvoi qu’elle avait formé en vue de contester la limitation, à son égard, de l’annulation de la décision attaquée n’affecte en rien la validité de l’approche ainsi retenue par la Commission, dès lors que ce pourvoi était dépourvu d’effet suspensif et qu’en tout état de cause, il n’était pas susceptible d’élargir la portée des conclusions délimitant l’objet du litige

En quatrième lieu, le Tribunal examine encore les griefs visant, en substance, à contester les conclusions tirées par la Commission de l’examen des régimes réglementaires de différents pays tiers ainsi que le caractère suffisant des motifs exposés à cet égard, concluant à leur absence de bien-fondé. En effet, tout d’abord, le Tribunal juge que les principes régissant le moyen de défense tiré de la contrainte étatique s’appliquent tant aux réglementations d’États membres qu’à celles de pays tiers et que la charge de la preuve incombe à la partie qui se prévaut de ce moyen. Ensuite, la Commission a pu valablement considérer que la requérante était restée en défaut de prouver qu’elle avait agi sous la contrainte des régimes concernés. Enfin, pour autant que l’examen desdits régimes l’a conduite à admettre qu’ils aient pu avoir un effet incitatif sur les comportements infractionnels de la requérante, justifiant de lui reconnaître le bénéfice de circonstances atténuantes par application d’une réduction générale, la Commission s’est dûment expliquée quant au choix du taux de 15 % retenu à cet effet.

En cinquième lieu, pour autant que la Commission a conclu à la participation de la requérante à une infraction concernant le refus d’octroyer des ristournes, le Tribunal juge, en revanche, insuffisants les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est appuyée pour fonder cette conclusion et, en conséquence, annule la décision attaquée, dans la mesure où elle constate la participation de la requérante à ce volet de l’infraction.

En sixième lieu, le Tribunal examine les griefs de la requérante à l’encontre de la détermination du montant de l’amende que la Commission lui a infligée, plus particulièrement ceux concernant le calcul de la réduction octroyée en vertu du programme de clémence. À cet égard, il rappelle que la communication sur la clémence de 2002 subordonne le bénéfice d’une réduction d’amende, notamment, à la production d’éléments probants apportant une valeur ajoutée significative, aux fins de l’établissement des faits en question, par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission. À l’issue d’un examen approfondi des éléments produits par la requérante dont la valeur aurait, selon elle, été méconnue par la Commission, le Tribunal constate, au contraire, que c’est par une juste appréciation de leur valeur respective que la Commission a pu conclure à l’insuffisance de leur valeur ajoutée. En tout état de cause, la requérante ne saurait invoquer utilement le principe d’égalité de traitement pour contester le traitement plus défavorable auquel elle dit avoir été soumise par rapport à celui appliqué à d’autres transporteurs destinataires de la décision attaquée, étant donné que ces derniers ne se trouvaient pas dans une situation comparable à la sienne.

En septième et dernier lieu, le Tribunal fait usage de sa compétence de pleine juridiction pour statuer sur les conclusions tendant à la réduction du montant des amendes infligées. Sans s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée, il tire, à ce titre, les conséquences de l’annulation partielle de la décision attaquée, en tant qu’elle retenait la participation de la requérante au volet de l’infraction tenant au refus d’octroyer des ristournes. En conséquence, le montant de l’amende infligée à la requérante, fixé à 104 040 000 euros par la Commission, est réduit à 84 456 000 euros.

{1} Communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3).

{2} Décision C(2010) 7694 final de la Commission, du 9 novembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire COMP/39258 - Fret aérien) (ci-après la « décision initiale »).

{3} Arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T-9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T-28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T-36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T-38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T-39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T-40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T-43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T-46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T-48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T-56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France KLM/Commission (T-62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T-63/11, non publié, EU:T:2015:993) et Martinair Holland/Commission (T-67/11, non publié, EU:T:2015:984).

{4} Arrêt du 14 novembre 2017, British Airways/Commission (C-122/16 P, EU:C:2017:861).

Arrêt du 30 mars 2022, British Airways / Commission (T-341/17) (cf. points 387, 467, 468)



Arrêt du 30 mars 2022, Latam Airlines Group et Lan Cargo / Commission (T-344/17) (cf. points 580-582, 615, 630-632)

138. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives en raison de la situation en Égypte - Annulation des actes attaqués n'entraînant pas la suppression du nom du requérant de la liste litigieuse - Décision subséquente ayant remplacé ladite liste - Maintien des effets des actes annulés jusqu'à l'expiration du délai pour le pourvoi ou à son rejet - Absence



Arrêt du 6 avril 2022, Mubarak e.a. / Conseil (T-335/18, T-338/18 et T-327/19) (cf. point 179)

139. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives en raison de la situation en Libye - Annulation à deux moments différents de deux actes comportant des mesures restrictives identiques - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets du premier de ces actes jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du second



Arrêt du 28 septembre 2022, LAICO / Conseil (T-627/20) (cf. points 102-106)

140. Concurrence - Procédure administrative - Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes - Obligation de consultation - Annulation de la décision constatant une infraction - Réouverture de la procédure au stade de l'irrégularité constatée - Nouvelle consultation du comité consultatif - Impartialité des représentants des autorités de concurrence siégeant dans le comité consultatif

Par décision du 17 décembre 2002, la Commission européenne a constaté que huit entreprises et une association d’entreprises avaient violé l’article 65, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ci-après « CA »), en participant, entre décembre 1989 et juillet 2000, à une entente sur le marché italien des ronds à béton ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation et le contrôle de la production (ci-après la « première décision »){1}.

Le Tribunal a annulé cette décision, au motif que sa base juridique, à savoir l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de son adoption, le traité CA ayant expiré le 23 juillet 2002{2}. En conséquence, la Commission a adopté une nouvelle décision, les 30 septembre et 8 décembre 2009, constatant la même infraction mais basée sur le traité CE et le règlement (CE) no 1/2003{3} (ci-après la « deuxième décision »){4}.

Cette deuxième décision, confirmée par le Tribunal par arrêts du 9 décembre 2014 (ci-après les « arrêts du 9 décembre 2014 »){5}, a été annulée par la Cour. Selon cette dernière, le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas tenue d’organiser une nouvelle audition dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la deuxième décision{6}, l’omission d’une telle audition constituant une violation des formes substantielles. Ainsi, la Cour a considéré que la première audition organisée en vue de l’adoption de la première décision n’était pas conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, dans la mesure où les autorités de concurrence des États membres n’y avaient pas participé. La Cour avait donc intégralement annulé les arrêts du 9 décembre 2014.

En reprenant la procédure au point où l’illégalité avait été constatée par la Cour, la Commission a organisé une nouvelle audition et constaté, par décision du 4 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »){7}, à nouveau l’infraction faisant l’objet de la deuxième décision. Toutefois, en raison de la durée de la procédure , une réduction de 50 % de toutes les amendes infligées aux entreprises destinataires a été octroyée.

Quatre des huit entreprises concernées, à savoir Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holdings SpA et Ferriere Nord SpA (ci-après les « requérantes »), ont introduit des recours en annulation de la décision attaquée, qui leur imposait des sanctions allant de 2,2 à 5,1 millions d’euros{8}. Ces recours sont tous rejetés par la quatrième chambre élargie du Tribunal , qui, dans ce cadre, clarifie les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque trente ans après le début des faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable. Le Tribunal se prononce également sur la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription en matière d’imposition d’amendes ainsi que sur les conditions de prise en compte de la récidive dans le calcul des amendes .

Appréciation du Tribunal

Dans les affaires T 655/19, T 656/19, T 657/19 et T 667/19, le Tribunal rejette le moyen tiré d’irrégularités dans l’organisation de la nouvelle audition par la Commission.

En rappelant que l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs ayant justifié l’annulation, le Tribunal confirme, en l’espèce, qu’il était loisible à la Commission de reprendre la procédure à partir de l’étape de l’audition.

Dans ce cadre, le Tribunal écarte, en premier lieu, l’argumentation des requérantes selon lesquelles l’impartialité des représentants des autorités de concurrence des États membres siégeant dans le comité consultatif n’était pas garantie lors de la nouvelle audition, dans la mesure où ces représentants connaissaient les première et deuxième décisions de la Commission ainsi que la position adoptée par le Tribunal dans les arrêts du 9 décembre 2014.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé. De même, les arrêts du Tribunal disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi . Par conséquent, tant les décisions de la Commission que les arrêts du 9 décembre 2014 avaient disparu, avec effet rétroactif, de l’ordre juridique de l’Union au moment où le comité consultatif a rendu son avis . En outre, la connaissance de la solution jurisprudentielle adoptée par la Cour dans son arrêt d’annulation étant inhérente à l’obligation de tirer les conséquences de cet arrêt, il ne saurait en être déduit un manque d’impartialité des autorités de concurrence concernées.

Le Tribunal rejette, en deuxième lieu, le grief selon lequel, en omettant d’inviter à l’audition diverses entités qui avaient joué un rôle important dans le cadre de l’instruction du dossier , la Commission avait affecté les droits de la défense des requérantes.

S’agissant plus particulièrement de l’absence des entités ayant renoncé à un stade antérieur de la procédure à contester la première ou la deuxième décision qui leur avait été adressée{9}, le Tribunal considère que, ladite décision étant devenue définitive à leur égard, la Commission n’a pas commis d’erreur en excluant ces entités de la nouvelle audition . En ce qui concerne l’absence d’une entité tierce dont le droit de participer à la procédure administrative avait été reconnu en 2002, le Tribunal estime que la Commission a correctement constaté que, dès lors que cette entité avait participé à la première audition mais ne s’était pas présentée à la deuxième organisée à l’occasion de l’adoption de la première décision , elle avait perdu son intérêt à intervenir une nouvelle fois.

En troisième lieu, le Tribunal écarte l’argumentation selon laquelle les changements intervenus, en raison du délai écoulé, dans l’identité des acteurs et la structure du marché empêchaient l’organisation d’une nouvelle audition dans des conditions équivalentes à celles qui prévalaient en 2002 . Selon le Tribunal, la Commission avait effectué une évaluation correcte en concluant, au vu des circonstances existantes au moment de la reprise de la procédure, que la poursuite de cette dernière constituait encore une solution appropriée.

Les moyens mettant en cause une violation du principe du délai raisonnable sont, quant à eux, rejetés. D’une part, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir examiné si l’adoption de la décision attaquée était encore compatible avec le principe du délai raisonnable . D’autre part, elles contestaient la durée de la procédure ayant conduit à l’adoption de celle-ci.

À cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que la Commission avait analysé la longueur de la procédure administrative avant d’adopter la décision attaquée, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées . Ainsi, elle avait respecté son obligation de prendre en compte les exigences découlant du principe du délai raisonnable lors de son appréciation de l’opportunité d’engager des poursuites et d’adopter une décision en application des règles de concurrence.

S’agissant de la durée de la procédure, le Tribunal relève, en second lieu, que le dépassement du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’une décision qu’à la double condition que la longueur de la procédure a été déraisonnable et que ce dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense .

Or, au regard de l’enjeu du litige pour les intéressés, de la complexité de l’affaire, du comportement des parties requérantes et de celui des autorités compétentes , la durée des phases administratives de la procédure n’avait pas été déraisonnable en l’espèce. Par ailleurs, la durée globale de la procédure était en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel liées au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur les différents aspects de l’affaire . En outre, dans la mesure où les requérantes avaient eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer leur point de vue et d’avancer leurs arguments au cours de l’entière procédure , leurs droits de la défense n’avaient pas été entravés.

Selon le Tribunal, la Commission avait également satisfait à son obligation de motivation au regard de la prise en compte de la durée de la procédure . Elle avait précisément justifié l’adoption d’une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées pour satisfaire à l’objectif de ne pas laisser impunies ces dernières et de les dissuader de la commission d’une infraction similaire à l’avenir.

Dans les affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal écarte également les moyens tirés de la violation du principe non bis in idem ainsi que ceux mettant en cause la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription énoncé à l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003.

Pour rappel, le principe non bis in idem interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours . En revanche, lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, ce principe ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel dès lors que les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.

À ce propos, le Tribunal note que tant la première que la deuxième décision avaient été annulées sans adoption d’une position définitive sur le fond. De plus, même si, dans ses arrêts du 9 décembre 2014, le Tribunal s’était prononcé sur les moyens de fond soulevés par les requérantes, ces arrêts avaient été intégralement annulés par la Cour. Par ailleurs, les sanctions infligées par la décision attaquée s’étaient substituées à celles imposées par la deuxième décision qui, elles-mêmes, avaient remplacé les sanctions infligées par la première décision . Le Tribunal en conclut que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’avait pas violé le principe non bis in idem.

En soulevant une exception d’illégalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription applicable, les requérantes contestaient, de plus, l’absence d’un délai maximal absolu, déterminé par le législateur de l’Union, au-delà duquel toute poursuite par la Commission serait exclue, nonobstant les éventuelles suspensions ou interruptions du délai de prescription initial.

Conformément à l’article 25 du règlement no 1/2003, le délai de prescription de cinq ans en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension . Selon le Tribunal, ce système résulte d’une conciliation réalisée par le législateur de l’Union entre deux objectifs distincts, à savoir, la nécessité d’assurer la sécurité juridique et l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, établissant et sanctionnant les infractions au droit de l’Union . Or, en effectuant cette mise en balance, le législateur de l’Union n’a pas dépassé la marge d’appréciation qui doit lui être reconnue dans ce cadre.

Pour le Tribunal, si le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union, il n’en reste pas moins que cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Dès lors, le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai . Par ailleurs, les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure à condition que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense. Lorsque ce dépassement ne donne pas lieu à une violation de tels droits, les justiciables peuvent alors introduire un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

Dans le cadre des affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal, exerçant sa compétence de pleine juridiction, estime qu’il convient de prendre en compte, aux fins de la détermination du montant des amendes infligées aux requérantes, l’atténuation de leur effet dissuasif du fait de la période de près de vingt ans écoulée entre la fin de l’infraction et l’adoption de la décision attaquée, confirmant ainsi, par substitution de motifs, la nécessité de prononcer une amende à l’encontre desdites requérantes. Il considère à cet égard que la réduction de 50 % dudit montant, telle qu’octroyée par la Commission, était appropriée à cette fin.

Dans l’affaire T 667/19, enfin, le Tribunal rejette le moyen de Ferriere Nord SpA tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende infligée au titre de la récidive.

S’agissant du respect des droits de la défense de Ferriere Nord SpA, le Tribunal observe que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage, dans ce cadre, de retenir contre elle la récidive en tant que circonstance aggravante, la communication des griefs adressée à cette personne doit contenir tous les éléments lui permettant d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies.

Or, à la lumière d’un examen portant sur l’ensemble des circonstances ayant entouré le dossier, le Tribunal constate que l’intention de la Commission de prendre en compte, au titre de la récidive, la décision de sanction antérieurement adressée à Ferriere Nord SpA était suffisamment prévisible. Cette dernière avait d’ailleurs eu l’occasion de présenter ses observations sur ce point lors de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée.

Quant aux griefs tirés du laps de temps écoulé entre les deux infractions prises en compte au titre de la récidive , le Tribunal précise que même si aucun délai de prescription ne s’oppose à la constatation d’un état de récidive, il n’en demeure pas moins que, pour respecter le principe de proportionnalité, la Commission ne saurait prendre en considération des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps . Cela étant, vu la brièveté du délai qui s’était écoulé entre les deux infractions en cause, à savoir trois ans et huit mois, la Commission a estimé à juste titre qu’une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive se justifiait, eu égard à la propension de Ferriere Nord SpA à violer les règles de concurrence, et ce malgré le fait que l’enquête ait duré un certain temps.

Au regard de ce qui précède, les recours des requérantes sont rejetés dans leur intégralité.

{1} Décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 - Ronds à béton).

{2} Arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T 27/03, T 46/03, T 58/03, T 79/03, T 80/03, T 97/03 et T 98/03, EU:T:2007:317), du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T 94/03, non publié, EU:T:2007:320), du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T 77/03, non publié, EU:T:2007:319), et du 25 octobre 2007, Riva Acciaio/Commission (T 45/03, non publié, EU:T:2007:318).

{3} Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

{4} Décision C(2009) 7492 final, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 - Ronds à béton, réadoption), telle que modifiée par décision de la Commission du 8 décembre 2009.

{5} Arrêts du 9 décembre 2014, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T 92/10, non publié, EU:T:2014:1032), du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T-85/10, non publié, EU:T:2014:1037), du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T 70/10, non publié, EU:T:2014:1031), du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T 90/10, non publié, EU:T:2014:1035), du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T 83/10, non publié, EU:T:2014:1034), du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T 91/10, EU:T:2014:1033), du 9 décembre 2014, SP/Commission (T 472/09 et T 55/10, EU:T:2014:1040), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T 69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T 489/09, T 490/09 et T 56/10, non publié, EU:T:2014:1039).

{6} Arrêts du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C 86/15 P et C 87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C 85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C 88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C 89/15 P, EU:C:2017:713).

{7} Décision C(2019) 4969 final, du 4 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 - Ronds à béton).

{8} L’amende infligée à Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA s’élève à 5,125 millions d’euros, celle infligée à Alfa Acciai SpA à 3,587 millions d’euros, celle infligée à Feralpi Holdings SpA à 5,125 millions d’euros et celle infligée à Ferriere Nord SpA à 2,237 millions d’euros.

{9} L’une de ces entités n’avait pas déposé de recours en annulation contre la première décision. Trois autres, ayant contesté cette première décision, avaient été destinataires de la deuxième, qu’ils avaient contestée devant le Tribunal. Elles n’avaient en revanche pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014 les concernant.

Arrêt du 9 novembre 2022, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti / Commission (T-655/19) (cf. points 56-59, 61-64)

Par décision du 17 décembre 2002, la Commission européenne a constaté que huit entreprises et une association d’entreprises avaient violé l’article 65, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ci-après « CA »), en participant, entre décembre 1989 et juillet 2000, à une entente sur le marché italien des ronds à béton ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation et le contrôle de la production (ci-après la « première décision »){1}.

Le Tribunal a annulé cette décision, au motif que sa base juridique, à savoir l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de son adoption, le traité CA ayant expiré le 23 juillet 2002{2}. En conséquence, la Commission a adopté une nouvelle décision, les 30 septembre et 8 décembre 2009, constatant la même infraction mais basée sur le traité CE et le règlement (CE) no 1/2003{3} (ci-après la « deuxième décision »){4}.

Cette deuxième décision, confirmée par le Tribunal par arrêts du 9 décembre 2014 (ci-après les « arrêts du 9 décembre 2014 »){5}, a été annulée par la Cour. Selon cette dernière, le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas tenue d’organiser une nouvelle audition dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la deuxième décision{6}, l’omission d’une telle audition constituant une violation des formes substantielles. Ainsi, la Cour a considéré que la première audition organisée en vue de l’adoption de la première décision n’était pas conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, dans la mesure où les autorités de concurrence des États membres n’y avaient pas participé. La Cour avait donc intégralement annulé les arrêts du 9 décembre 2014.

En reprenant la procédure au point où l’illégalité avait été constatée par la Cour, la Commission a organisé une nouvelle audition et constaté, par décision du 4 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »){7}, à nouveau l’infraction faisant l’objet de la deuxième décision. Toutefois, en raison de la durée de la procédure , une réduction de 50 % de toutes les amendes infligées aux entreprises destinataires a été octroyée.

Quatre des huit entreprises concernées, à savoir Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holdings SpA et Ferriere Nord SpA (ci-après les « requérantes »), ont introduit des recours en annulation de la décision attaquée, qui leur imposait des sanctions allant de 2,2 à 5,1 millions d’euros{8}. Ces recours sont tous rejetés par la quatrième chambre élargie du Tribunal , qui, dans ce cadre, clarifie les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque trente ans après le début des faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable. Le Tribunal se prononce également sur la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription en matière d’imposition d’amendes ainsi que sur les conditions de prise en compte de la récidive dans le calcul des amendes .

Appréciation du Tribunal

Dans les affaires T 655/19, T 656/19, T 657/19 et T 667/19, le Tribunal rejette le moyen tiré d’irrégularités dans l’organisation de la nouvelle audition par la Commission.

En rappelant que l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs ayant justifié l’annulation, le Tribunal confirme, en l’espèce, qu’il était loisible à la Commission de reprendre la procédure à partir de l’étape de l’audition.

Dans ce cadre, le Tribunal écarte, en premier lieu, l’argumentation des requérantes selon lesquelles l’impartialité des représentants des autorités de concurrence des États membres siégeant dans le comité consultatif n’était pas garantie lors de la nouvelle audition, dans la mesure où ces représentants connaissaient les première et deuxième décisions de la Commission ainsi que la position adoptée par le Tribunal dans les arrêts du 9 décembre 2014.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé. De même, les arrêts du Tribunal disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi . Par conséquent, tant les décisions de la Commission que les arrêts du 9 décembre 2014 avaient disparu, avec effet rétroactif, de l’ordre juridique de l’Union au moment où le comité consultatif a rendu son avis . En outre, la connaissance de la solution jurisprudentielle adoptée par la Cour dans son arrêt d’annulation étant inhérente à l’obligation de tirer les conséquences de cet arrêt, il ne saurait en être déduit un manque d’impartialité des autorités de concurrence concernées.

Le Tribunal rejette, en deuxième lieu, le grief selon lequel, en omettant d’inviter à l’audition diverses entités qui avaient joué un rôle important dans le cadre de l’instruction du dossier , la Commission avait affecté les droits de la défense des requérantes.

S’agissant plus particulièrement de l’absence des entités ayant renoncé à un stade antérieur de la procédure à contester la première ou la deuxième décision qui leur avait été adressée{9}, le Tribunal considère que, ladite décision étant devenue définitive à leur égard, la Commission n’a pas commis d’erreur en excluant ces entités de la nouvelle audition . En ce qui concerne l’absence d’une entité tierce dont le droit de participer à la procédure administrative avait été reconnu en 2002, le Tribunal estime que la Commission a correctement constaté que, dès lors que cette entité avait participé à la première audition mais ne s’était pas présentée à la deuxième organisée à l’occasion de l’adoption de la première décision , elle avait perdu son intérêt à intervenir une nouvelle fois.

En troisième lieu, le Tribunal écarte l’argumentation selon laquelle les changements intervenus, en raison du délai écoulé, dans l’identité des acteurs et la structure du marché empêchaient l’organisation d’une nouvelle audition dans des conditions équivalentes à celles qui prévalaient en 2002 . Selon le Tribunal, la Commission avait effectué une évaluation correcte en concluant, au vu des circonstances existantes au moment de la reprise de la procédure, que la poursuite de cette dernière constituait encore une solution appropriée.

Les moyens mettant en cause une violation du principe du délai raisonnable sont, quant à eux, rejetés. D’une part, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir examiné si l’adoption de la décision attaquée était encore compatible avec le principe du délai raisonnable . D’autre part, elles contestaient la durée de la procédure ayant conduit à l’adoption de celle-ci.

À cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que la Commission avait analysé la longueur de la procédure administrative avant d’adopter la décision attaquée, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées . Ainsi, elle avait respecté son obligation de prendre en compte les exigences découlant du principe du délai raisonnable lors de son appréciation de l’opportunité d’engager des poursuites et d’adopter une décision en application des règles de concurrence.

S’agissant de la durée de la procédure, le Tribunal relève, en second lieu, que le dépassement du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’une décision qu’à la double condition que la longueur de la procédure a été déraisonnable et que ce dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense.

Or, au regard de l’enjeu du litige pour les intéressés, de la complexité de l’affaire, du comportement des parties requérantes et de celui des autorités compétentes , la durée des phases administratives de la procédure n’avait pas été déraisonnable en l’espèce. Par ailleurs, la durée globale de la procédure était en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel liées au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur les différents aspects de l’affaire . En outre, dans la mesure où les requérantes avaient eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer leur point de vue et d’avancer leurs arguments au cours de l’entière procédure , leurs droits de la défense n’avaient pas été entravés.

Selon le Tribunal, la Commission avait également satisfait à son obligation de motivation au regard de la prise en compte de la durée de la procédure . Elle avait précisément justifié l’adoption d’une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées pour satisfaire à l’objectif de ne pas laisser impunies ces dernières et de les dissuader de la commission d’une infraction similaire à l’avenir.

Dans les affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal écarte également les moyens tirés de la violation du principe non bis in idem ainsi que ceux mettant en cause la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription énoncé à l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003.

Pour rappel, le principe non bis in idem interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours . En revanche, lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, ce principe ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel dès lors que les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles .

À ce propos, le Tribunal note que tant la première que la deuxième décision avaient été annulées sans adoption d’une position définitive sur le fond. De plus, même si, dans ses arrêts du 9 décembre 2014, le Tribunal s’était prononcé sur les moyens de fond soulevés par les requérantes, ces arrêts avaient été intégralement annulés par la Cour. Par ailleurs, les sanctions infligées par la décision attaquée s’étaient substituées à celles imposées par la deuxième décision qui, elles-mêmes, avaient remplacé les sanctions infligées par la première décision . Le Tribunal en conclut que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’avait pas violé le principe non bis in idem.

En soulevant une exception d’illégalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription applicable, les requérantes contestaient, de plus, l’absence d’un délai maximal absolu, déterminé par le législateur de l’Union, au-delà duquel toute poursuite par la Commission serait exclue, nonobstant les éventuelles suspensions ou interruptions du délai de prescription initial.

Conformément à l’article 25 du règlement no 1/2003, le délai de prescription de cinq ans en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension . Selon le Tribunal, ce système résulte d’une conciliation réalisée par le législateur de l’Union entre deux objectifs distincts, à savoir, la nécessité d’assurer la sécurité juridique et l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, établissant et sanctionnant les infractions au droit de l’Union . Or, en effectuant cette mise en balance, le législateur de l’Union n’a pas dépassé la marge d’appréciation qui doit lui être reconnue dans ce cadre.

Pour le Tribunal, si le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union, il n’en reste pas moins que cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Dès lors, le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai . Par ailleurs, les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure à condition que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense. Lorsque ce dépassement ne donne pas lieu à une violation de tels droits, les justiciables peuvent alors introduire un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

Dans le cadre des affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal, exerçant sa compétence de pleine juridiction, estime qu’il convient de prendre en compte, aux fins de la détermination du montant des amendes infligées aux requérantes, l’atténuation de leur effet dissuasif du fait de la période de près de vingt ans écoulée entre la fin de l’infraction et l’adoption de la décision attaquée, confirmant ainsi, par substitution de motifs, la nécessité de prononcer une amende à l’encontre desdites requérantes. Il considère à cet égard que la réduction de 50 % dudit montant, telle qu’octroyée par la Commission, était appropriée à cette fin.

Dans l’affaire T 667/19, enfin, le Tribunal rejette le moyen de Ferriere Nord SpA tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende infligée au titre de la récidive.

S’agissant du respect des droits de la défense de Ferriere Nord SpA, le Tribunal observe que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage, dans ce cadre, de retenir contre elle la récidive en tant que circonstance aggravante, la communication des griefs adressée à cette personne doit contenir tous les éléments lui permettant d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies.

Or, à la lumière d’un examen portant sur l’ensemble des circonstances ayant entouré le dossier, le Tribunal constate que l’intention de la Commission de prendre en compte, au titre de la récidive, la décision de sanction antérieurement adressée à Ferriere Nord SpA était suffisamment prévisible. Cette dernière avait d’ailleurs eu l’occasion de présenter ses observations sur ce point lors de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée.

Quant aux griefs tirés du laps de temps écoulé entre les deux infractions prises en compte au titre de la récidive , le Tribunal précise que même si aucun délai de prescription ne s’oppose à la constatation d’un état de récidive, il n’en demeure pas moins que, pour respecter le principe de proportionnalité, la Commission ne saurait prendre en considération des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps . Cela étant, vu la brièveté du délai qui s’était écoulé entre les deux infractions en cause, à savoir trois ans et huit mois, la Commission a estimé à juste titre qu’une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive se justifiait, eu égard à la propension de Ferriere Nord SpA à violer les règles de concurrence, et ce malgré le fait que l’enquête ait duré un certain temps.

Au regard de ce qui précède, les recours des requérantes sont rejetés dans leur intégralité.

{1} Décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 - Ronds à béton).

{2} Arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T 27/03, T 46/03, T 58/03, T 79/03, T 80/03, T 97/03 et T 98/03, EU:T:2007:317), du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T 94/03, non publié, EU:T:2007:320), du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T 77/03, non publié, EU:T:2007:319), et du 25 octobre 2007, Riva Acciaio/Commission (T 45/03, non publié, EU:T:2007:318).

{3} Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

{4} Décision C(2009) 7492 final, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 - Ronds à béton, réadoption), telle que modifiée par décision de la Commission du 8 décembre 2009.

{5} Arrêts du 9 décembre 2014, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T 92/10, non publié, EU:T:2014:1032), du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T-85/10, non publié, EU:T:2014:1037), du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T 70/10, non publié, EU:T:2014:1031), du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T 90/10, non publié, EU:T:2014:1035), du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T 83/10, non publié, EU:T:2014:1034), du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T 91/10, EU:T:2014:1033), du 9 décembre 2014, SP/Commission (T 472/09 et T 55/10, EU:T:2014:1040), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T 69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T 489/09, T 490/09 et T 56/10, non publié, EU:T:2014:1039).

{6} Arrêts du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C 86/15 P et C 87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C 85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C 88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C 89/15 P, EU:C:2017:713).

{7} Décision C(2019) 4969 final, du 4 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 - Ronds à béton).

{8} L’amende infligée à Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA s’élève à 5,125 millions d’euros, celle infligée à Alfa Acciai SpA à 3,587 millions d’euros, celle infligée à Feralpi Holdings SpA à 5,125 millions d’euros et celle infligée à Ferriere Nord SpA à 2,237 millions d’euros.

{9} L’une de ces entités n’avait pas déposé de recours en annulation contre la première décision. Trois autres, ayant contesté cette première décision, avaient été destinataires de la deuxième, qu’ils avaient contestée devant le Tribunal. Elles n’avaient en revanche pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014 les concernant.

L’amende infligée à Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA s’élève à 5,125 millions d’euros, celle infligée à Alfa Acciai SpA à 3,587 millions d’euros, celle infligée à Feralpi Holdings SpA à 5,125 millions d’euros et celle infligée à Ferriere Nord SpA à 2,237 millions d’euros.

Arrêt du 9 novembre 2022, Feralpi / Commission (T-657/19) (cf. points 59-61, 63-66)

Par décision du 17 décembre 2002, la Commission européenne a constaté que huit entreprises et une association d’entreprises avaient violé l’article 65, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (ci-après « CA »), en participant, entre décembre 1989 et juillet 2000, à une entente sur le marché italien des ronds à béton ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation et le contrôle de la production (ci-après la « première décision »){1}.

Le Tribunal a annulé cette décision, au motif que sa base juridique, à savoir l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de son adoption, le traité CA ayant expiré le 23 juillet 2002{2}. En conséquence, la Commission a adopté une nouvelle décision, les 30 septembre et 8 décembre 2009, constatant la même infraction mais basée sur le traité CE et le règlement (CE) no 1/2003{3} (ci-après la « deuxième décision »){4}.

Cette deuxième décision, confirmée par le Tribunal par arrêts du 9 décembre 2014 (ci-après les « arrêts du 9 décembre 2014 »){5}, a été annulée par la Cour. Selon cette dernière, le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’était pas tenue d’organiser une nouvelle audition dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la deuxième décision{6}, l’omission d’une telle audition constituant une violation des formes substantielles. Ainsi, la Cour a considéré que la première audition organisée en vue de l’adoption de la première décision n’était pas conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, dans la mesure où les autorités de concurrence des États membres n’y avaient pas participé. La Cour avait donc intégralement annulé les arrêts du 9 décembre 2014.

En reprenant la procédure au point où l’illégalité avait été constatée par la Cour, la Commission a organisé une nouvelle audition et constaté, par décision du 4 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »){7}, à nouveau l’infraction faisant l’objet de la deuxième décision. Toutefois, en raison de la durée de la procédure , une réduction de 50 % de toutes les amendes infligées aux entreprises destinataires a été octroyée.

Quatre des huit entreprises concernées, à savoir Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holdings SpA et Ferriere Nord SpA (ci-après les « requérantes »), ont introduit des recours en annulation de la décision attaquée, qui leur imposait des sanctions allant de 2,2 à 5,1 millions d’euros{8}. Ces recours sont tous rejetés par la quatrième chambre élargie du Tribunal , qui, dans ce cadre, clarifie les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque trente ans après le début des faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable. Le Tribunal se prononce également sur la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription en matière d’imposition d’amendes ainsi que sur les conditions de prise en compte de la récidive dans le calcul des amendes.

Appréciation du Tribunal

Dans les affaires T 655/19, T 656/19, T 657/19 et T 667/19, le Tribunal rejette le moyen tiré d’irrégularités dans l’organisation de la nouvelle audition par la Commission.

En rappelant que l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs ayant justifié l’annulation, le Tribunal confirme, en l’espèce, qu’il était loisible à la Commission de reprendre la procédure à partir de l’étape de l’audition.

Dans ce cadre, le Tribunal écarte, en premier lieu, l’argumentation des requérantes selon lesquelles l’impartialité des représentants des autorités de concurrence des États membres siégeant dans le comité consultatif n’était pas garantie lors de la nouvelle audition, dans la mesure où ces représentants connaissaient les première et deuxième décisions de la Commission ainsi que la position adoptée par le Tribunal dans les arrêts du 9 décembre 2014.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé. De même, les arrêts du Tribunal disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi . Par conséquent, tant les décisions de la Commission que les arrêts du 9 décembre 2014 avaient disparu, avec effet rétroactif, de l’ordre juridique de l’Union au moment où le comité consultatif a rendu son avis . En outre, la connaissance de la solution jurisprudentielle adoptée par la Cour dans son arrêt d’annulation étant inhérente à l’obligation de tirer les conséquences de cet arrêt, il ne saurait en être déduit un manque d’impartialité des autorités de concurrence concernées.

Le Tribunal rejette, en deuxième lieu, le grief selon lequel, en omettant d’inviter à l’audition diverses entités qui avaient joué un rôle important dans le cadre de l’instruction du dossier , la Commission avait affecté les droits de la défense des requérantes.

S’agissant plus particulièrement de l’absence des entités ayant renoncé à un stade antérieur de la procédure à contester la première ou la deuxième décision qui leur avait été adressée{9}, le Tribunal considère que, ladite décision étant devenue définitive à leur égard, la Commission n’a pas commis d’erreur en excluant ces entités de la nouvelle audition . En ce qui concerne l’absence d’une entité tierce dont le droit de participer à la procédure administrative avait été reconnu en 2002, le Tribunal estime que la Commission a correctement constaté que, dès lors que cette entité avait participé à la première audition mais ne s’était pas présentée à la deuxième organisée à l’occasion de l’adoption de la première décision , elle avait perdu son intérêt à intervenir une nouvelle fois.

En troisième lieu, le Tribunal écarte l’argumentation selon laquelle les changements intervenus, en raison du délai écoulé, dans l’identité des acteurs et la structure du marché empêchaient l’organisation d’une nouvelle audition dans des conditions équivalentes à celles qui prévalaient en 2002 . Selon le Tribunal, la Commission avait effectué une évaluation correcte en concluant, au vu des circonstances existantes au moment de la reprise de la procédure, que la poursuite de cette dernière constituait encore une solution appropriée.

Les moyens mettant en cause une violation du principe du délai raisonnable sont, quant à eux, rejetés. D’une part, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir examiné si l’adoption de la décision attaquée était encore compatible avec le principe du délai raisonnable . D’autre part, elles contestaient la durée de la procédure ayant conduit à l’adoption de celle-ci.

À cet égard, le Tribunal constate, en premier lieu, que la Commission avait analysé la longueur de la procédure administrative avant d’adopter la décision attaquée, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées . Ainsi, elle avait respecté son obligation de prendre en compte les exigences découlant du principe du délai raisonnable lors de son appréciation de l’opportunité d’engager des poursuites et d’adopter une décision en application des règles de concurrence.

S’agissant de la durée de la procédure, le Tribunal relève, en second lieu, que le dépassement du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’une décision qu’à la double condition que la longueur de la procédure a été déraisonnable et que ce dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense.

Or, au regard de l’enjeu du litige pour les intéressés, de la complexité de l’affaire, du comportement des parties requérantes et de celui des autorités compétentes , la durée des phases administratives de la procédure n’avait pas été déraisonnable en l’espèce. Par ailleurs, la durée globale de la procédure était en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel liées au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur les différents aspects de l’affaire . En outre, dans la mesure où les requérantes avaient eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer leur point de vue et d’avancer leurs arguments au cours de l’entière procédure , leurs droits de la défense n’avaient pas été entravés.

Selon le Tribunal, la Commission avait également satisfait à son obligation de motivation au regard de la prise en compte de la durée de la procédure . Elle avait précisément justifié l’adoption d’une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées pour satisfaire à l’objectif de ne pas laisser impunies ces dernières et de les dissuader de la commission d’une infraction similaire à l’avenir.

Dans les affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal écarte également les moyens tirés de la violation du principe non bis in idem ainsi que ceux mettant en cause la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription énoncé à l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003.

Pour rappel, le principe non bis in idem interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours . En revanche, lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, ce principe ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel dès lors que les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.

À ce propos, le Tribunal note que tant la première que la deuxième décision avaient été annulées sans adoption d’une position définitive sur le fond. De plus, même si, dans ses arrêts du 9 décembre 2014, le Tribunal s’était prononcé sur les moyens de fond soulevés par les requérantes, ces arrêts avaient été intégralement annulés par la Cour. Par ailleurs, les sanctions infligées par la décision attaquée s’étaient substituées à celles imposées par la deuxième décision qui, elles-mêmes, avaient remplacé les sanctions infligées par la première décision . Le Tribunal en conclut que, en adoptant la décision attaquée, la Commission n’avait pas violé le principe non bis in idem.

En soulevant une exception d’illégalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription applicable, les requérantes contestaient, de plus, l’absence d’un délai maximal absolu, déterminé par le législateur de l’Union, au-delà duquel toute poursuite par la Commission serait exclue, nonobstant les éventuelles suspensions ou interruptions du délai de prescription initial.

Conformément à l’article 25 du règlement no 1/2003, le délai de prescription de cinq ans en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension . Selon le Tribunal, ce système résulte d’une conciliation réalisée par le législateur de l’Union entre deux objectifs distincts, à savoir, la nécessité d’assurer la sécurité juridique et l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, établissant et sanctionnant les infractions au droit de l’Union . Or, en effectuant cette mise en balance, le législateur de l’Union n’a pas dépassé la marge d’appréciation qui doit lui être reconnue dans ce cadre.

Pour le Tribunal, si le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union, il n’en reste pas moins que cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Dès lors, le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai . Par ailleurs, les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure à condition que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense. Lorsque ce dépassement ne donne pas lieu à une violation de tels droits, les justiciables peuvent alors introduire un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

Dans le cadre des affaires T 657/19 et T 667/19, le Tribunal, exerçant sa compétence de pleine juridiction, estime qu’il convient de prendre en compte, aux fins de la détermination du montant des amendes infligées aux requérantes, l’atténuation de leur effet dissuasif du fait de la période de près de vingt ans écoulée entre la fin de l’infraction et l’adoption de la décision attaquée, confirmant ainsi, par substitution de motifs, la nécessité de prononcer une amende à l’encontre desdites requérantes. Il considère à cet égard que la réduction de 50 % dudit montant, telle qu’octroyée par la Commission, était appropriée à cette fin.

Dans l’affaire T 667/19, enfin, le Tribunal rejette le moyen de Ferriere Nord SpA tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende infligée au titre de la récidive.

S’agissant du respect des droits de la défense de Ferriere Nord SpA, le Tribunal observe que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage, dans ce cadre, de retenir contre elle la récidive en tant que circonstance aggravante, la communication des griefs adressée à cette personne doit contenir tous les éléments lui permettant d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies.

Or, à la lumière d’un examen portant sur l’ensemble des circonstances ayant entouré le dossier, le Tribunal constate que l’intention de la Commission de prendre en compte, au titre de la récidive, la décision de sanction antérieurement adressée à Ferriere Nord SpA était suffisamment prévisible. Cette dernière avait d’ailleurs eu l’occasion de présenter ses observations sur ce point lors de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée.

Quant aux griefs tirés du laps de temps écoulé entre les deux infractions prises en compte au titre de la récidive , le Tribunal précise que même si aucun délai de prescription ne s’oppose à la constatation d’un état de récidive, il n’en demeure pas moins que, pour respecter le principe de proportionnalité, la Commission ne saurait prendre en considération des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps . Cela étant, vu la brièveté du délai qui s’était écoulé entre les deux infractions en cause, à savoir trois ans et huit mois, la Commission a estimé à juste titre qu’une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive se justifiait, eu égard à la propension de Ferriere Nord SpA à violer les règles de concurrence, et ce malgré le fait que l’enquête ait duré un certain temps.

Au regard de ce qui précède, les recours des requérantes sont rejetés dans leur intégralité.

{1} Décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 - Ronds à béton).

{2} Arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T 27/03, T 46/03, T 58/03, T 79/03, T 80/03, T 97/03 et T 98/03, EU:T:2007:317), du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T 94/03, non publié, EU:T:2007:320), du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T 77/03, non publié, EU:T:2007:319), et du 25 octobre 2007, Riva Acciaio/Commission (T 45/03, non publié, EU:T:2007:318).

{3} Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

{4} Décision C(2009) 7492 final, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 - Ronds à béton, réadoption), telle que modifiée par décision de la Commission du 8 décembre 2009.

{5} Arrêts du 9 décembre 2014, Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti/Commission (T 92/10, non publié, EU:T:2014:1032), du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T-85/10, non publié, EU:T:2014:1037), du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T 70/10, non publié, EU:T:2014:1031), du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T 90/10, non publié, EU:T:2014:1035), du 9 décembre 2014, Riva Fire/Commission (T 83/10, non publié, EU:T:2014:1034), du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T 91/10, EU:T:2014:1033), du 9 décembre 2014, SP/Commission (T 472/09 et T 55/10, EU:T:2014:1040), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T 69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T 489/09, T 490/09 et T 56/10, non publié, EU:T:2014:1039).

{6} Arrêts du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C 86/15 P et C 87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C 85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C 88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C 89/15 P, EU:C:2017:713).

{7} Décision C(2019) 4969 final, du 4 juillet 2019, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 - Ronds à béton).

{8} L’amende infligée à Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA s’élève à 5,125 millions d’euros, celle infligée à Alfa Acciai SpA à 3,587 millions d’euros, celle infligée à Feralpi Holdings SpA à 5,125 millions d’euros et celle infligée à Ferriere Nord SpA à 2,237 millions d’euros.

{9} L’une de ces entités n’avait pas déposé de recours en annulation contre la première décision. Trois autres, ayant contesté cette première décision, avaient été destinataires de la deuxième, qu’ils avaient contestée devant le Tribunal. Elles n’avaient en revanche pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014 les concernant.

Arrêt du 9 novembre 2022, Ferriere Nord / Commission (T-667/19) (cf. points 64-66, 69-73)

Voir texte de la décision.

Arrêt du 4 octobre 2024, Ferriere Nord / Commission (C-31/23 P) (cf. points 57-64)



Arrêt du 9 novembre 2022, Alfa Acciai / Commission (T-656/19) (cf. points 56-59, 61-64)

141. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Obligation d'éviter le remplacement de l'acte annulé par un acte entaché du même vice - Extension de cette obligation aux actes postérieurs

Depuis 2002, le Kurdistan Workers’ Party (PKK) est inscrit, en tant qu’organisation impliquée dans des actes de terrorisme, sur les listes des personnes ou entités faisant l’objet de mesures de gel des fonds, annexées à la position commune 2001/931/PESC et au règlement no 2580/2001{1}. Dans les actes qu’il avait adoptés en 2014 à l’encontre de cette organisation, le Conseil s’était fondé sur des décisions nationales adoptées, respectivement, par une autorité britannique et par des autorités américaines, auxquelles s’étaient ajoutées, à partir de 2015, des décisions judiciaires adoptées par les juridictions françaises .

Par un arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C 46/19 P){2}, la Cour avait annulé l’arrêt rendu par le Tribunal le 15 novembre 2018, dans l’affaire PKK/Conseil (T 316/14){3}, lequel avait lui-même annulé plusieurs actes adoptés par le Conseil de l’Union européenne entre 2014 et 2017{4} qui avaient maintenu l’inscription du PKK sur les listes litigieuses. Cette affaire a été renvoyée devant le Tribunal (T 316/14 RENV) et jointe à l’affaire PKK/Conseil (T 148/19), dans laquelle le PKK a également demandé l’annulation des actes adoptés à son encontre par le Conseil entre 2019 et 202{5}.

Par son arrêt rendu dans les deux affaires, le Tribunal annule les règlements adoptés par le Conseil en 2014, en ce qui concerne le maintien du PKK sur les listes litigieuses, au motif que le Conseil a méconnu son obligation de procéder à une actualisation de l’appréciation de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK . Concernant les actes ultérieurs du Conseil, le Tribunal conclut en revanche que les moyens soulevés par le requérant au sujet des décisions nationales américaines et britanniques ne permettent pas de remettre en cause l’appréciation du Conseil, notamment fondée sur la prise en compte d’incidents et de faits ultérieurs, quant à la persistance de ce risque. À cette occasion, le Tribunal précise également sa jurisprudence relative à la portée de l’article 266 TFUE en matière de mesures restrictives.

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal rappelle, tout d’abord, les principes qui commandent l’adoption initiale des mesures restrictives et leur réexamen par le Conseil au titre de la position commune 2001/931/PESC{6}. Ainsi, en l’absence de moyens de l’Union pour mener elle-même des investigations, la procédure susceptible d’aboutir à l’adoption d’une mesure initiale de gel des fonds se déroule à deux niveaux : l’un national, par l’adoption par une autorité nationale compétente d’une décision à l’égard de l’intéressé, l’autre européen, par la décision du Conseil incluant l’intéressé dans la liste en cause, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une telle décision a été prise au niveau national . Une telle décision préalable a pour fonction d’établir l’existence de preuves ou d’indices sérieux et crédibles de l’implication de la personne concernée dans des activités terroristes, considérés comme fiables par lesdites autorités nationales . En conséquence, il n’appartient pas au Conseil de vérifier la réalité ou l’imputation des faits retenus dans les décisions nationales de condamnation ayant fondé une inscription initiale et la charge de la preuve qui lui incombe à cet égard a dès lors un objet relativement restreint .

Le Tribunal note ensuite qu’il convient de distinguer, pour chacun des actes contestés, selon qu’ils sont fondés sur les décisions des autorités nationales compétentes ayant justifié l’inscription initiale du requérant ou selon qu’ils s’appuient sur des décisions ultérieures de ces autorités nationales ou des éléments retenus de manière autonome par le Conseil{7}. Ainsi, s’agissant des éléments sur lesquels le Conseil est susceptible de s’appuyer afin de démontrer la persistance du risque d’implication dans des activités terroristes au stade du réexamen périodique des mesures précédemment adoptées{8}, il appartient au Conseil, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des constatations factuelles mentionnées dans les actes de maintien de l’entité concernée sur les listes et au juge de l’Union de vérifier leur exactitude matérielle .

Le Tribunal relève, par ailleurs, que le Conseil reste également soumis à l’obligation de motivation en ce qui concerne tant les incidents retenus dans les décisions nationales prises en compte au stade de l’adoption initiale des actes en cause que les incidents retenus dans des décisions nationales ultérieures ou les incidents pris éventuellement en compte par le Conseil à titre autonome .

En ce qui concerne l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 29 mars 2001 visant à interdire le PKK, le Tribunal rappelle qu’il a déjà considéré cette décision, dans sa jurisprudence, comme émanant d’une « autorité compétente » au sens de la position commune 2001/931/PESC, cette dernière n’excluant pas la prise en compte de décisions émanant d’autorités administratives, lorsque ces autorités peuvent être considérées comme « équivalentes » aux autorités judiciaires dès lors que leurs décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel portant sur les éléments de fait comme de droit. En effet, les ordonnances du ministre de l’intérieur du Royaume-Uni peuvent faire l’objet d’un recours devant la Proscribed Organisations Appeal Commission (commission de recours pour les organisations interdites) et, le cas échéant, devant une juridiction d’appel .

En l’espèce, après avoir précisé que la position commune ne requiert pas que la décision de l’autorité compétente en question s’inscrive nécessairement dans le cadre d’une procédure pénale stricto sensu , le Tribunal constate que l’ordonnance de 2001 intervient bien dans le champ de la lutte contre le terrorisme et s’inscrit dans une procédure nationale visant à l’imposition de mesures de type préventif ou répressif à l’encontre du PKK . Le Tribunal conclut que les actes attaqués respectent les conditions posées à cet égard par la position commune{9}.

Le Tribunal considère, en revanche, qu’il appartenait au Conseil de vérifier la qualification des faits opérée par l’autorité nationale compétente et la correspondance des actes pris en compte par celle-ci avec la définition de l’acte terroriste établie par la position commune . Il juge suffisante à cet égard l’indication, dans les exposés des motifs adoptés par le Conseil à l’appui des actes attaqués, selon laquelle il a vérifié que les motifs ayant présidé aux décisions prises par les autorités nationales compétentes relevaient de la définition du terrorisme figurant dans la position commune 2001/931 /PESC. Le Tribunal précise que cette obligation de vérification porte uniquement sur les incidents retenus dans les décisions des autorités nationales ayant fondé l’inscription initiale de l’entité concernée. En effet, lorsqu’il maintient le nom d’une entité sur les listes de gel des fonds dans le cadre d’un réexamen périodique{10}, le Conseil doit seulement établir que le risque que cette entité soit impliquée dans de tels actes persiste .

Ainsi, dans le cadre de ce réexamen, le Conseil est tenu de vérifier si, depuis l’inscription initiale du nom de la personne ou de l'entité concernée, la situation factuelle n’a pas changé au regard de l’implication de la celle-ci dans des activités terroristes , et, en particulier, si la décision nationale n’a pas été abrogée ou retirée en raison d’éléments nouveaux ou d’une modification de l’appréciation de l’autorité nationale compétente . À ce propos, le seul fait que la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale demeure en vigueur peut, à la lumière du temps écoulé et en fonction de l’évolution des circonstances de l’espèce, ne pas suffire pour conclure à la persistance du risque. Dans une telle situation, le Conseil est alors tenu de fonder le maintien des mesures restrictives sur une appréciation actualisée de la situation démontrant que ce risque subsiste . Dans ce cas, le Conseil peut s’appuyer sur des éléments récents tirés non seulement de décisions nationales adoptées par des autorités compétentes, mais également d’autres sources, et donc sur ses propres appréciations .

Le Tribunal relève que, dans cette hypothèse, le juge de l’Union est tenu de vérifier, au titre du respect de l’obligation de motivation, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués dans l’exposé des motifs qui sous-tend le maintien sur les listes de gel des fonds et, au titre du contrôle de la légalité au fond, si ces motifs sont étayés et reposent sur une base factuelle suffisamment solide . Ainsi, indépendamment de la question de savoir si ces éléments sont tirés d’une décision nationale adoptée par une autorité compétente ou d’autres sources, il appartient au Conseil, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des constatations factuelles retenues et au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits concernés.

Enfin, concernant l’article 266 TFUE, invoqué par le PKK dans la seule affaire T 148/19, en vertu duquel l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de tout arrêt d’annulation{11}, le Tribunal rappelle que cette obligation s’impose dès le prononcé de l’arrêt en cause lorsque celui-ci annule une décision, à la différence d’un arrêt annulant un règlement{12}. Ainsi, à la date d’adoption des décisions de 2019 concernant le PKK, le Conseil était tenu soit de retirer le PKK de la liste, soit d’adopter un acte de réinscription conforme aux motifs de l’arrêt du 15 novembre 2018 (T 316/14). Le Tribunal souligne que sans cette obligation, l’annulation prononcée par le juge de l’Union serait privée d’effet utile .

Le Tribunal observe, à cet égard, que le Conseil a reproduit dans les décisions de 2019 les mêmes motifs que ceux qu’il avait retenus dans les actes de 2015 à 2017 qui avaient été censurés dans l’arrêt du 15 novembre 2018. Bien que le Conseil ait formé un pourvoi contre cet arrêt, lequel n’était pas suspensif, un tel refus par le Conseil de tirer les conséquences de la chose jugée était de nature à nuire à la confiance que les justiciables placent dans le respect des décisions de justice . Cependant, l’arrêt du 15 novembre 2018 (T-316/14) ayant été annulé par l’arrêt de la Cour du 22 avril 2021 (C 46/19 P), notamment en ce qu’il avait lui-même annulé les actes de 2015 à 2017, et compte tenu du caractère rétroactif de cette annulation par la Cour, le Tribunal considère que la méconnaissance par le Conseil de ses obligations ne saurait conduire à l’annulation des décisions de 2019 . Le requérant ayant pu néanmoins se croire fondé à introduire le recours dans l’affaire T-148/19, le Tribunal prend en conséquence cet élément en compte dans le cadre du règlement des dépens entre les parties.

Au regard de ce qui précède, le Tribunal conclut, au sujet du réexamen périodique opéré par le Conseil{13}, à la violation par celui-ci de son obligation de procéder à une actualisation de l’appréciation de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK concernant les actes de 2014. Le Tribunal annule en conséquence les règlements d’exécution no 125/2014 et no 790/2014 du Conseil dans l’affaire T 316/14 RENV. En revanche, en ce qui concerne les actes ultérieurs de 2015 à 2017 et les décisions de 2019, le Tribunal conclut que les moyens soulevés par le requérant ne permettent pas de remettre en cause l’appréciation du Conseil relative à la persistance d’un risque d’implication terroriste du PKK, laquelle demeure valablement fondée sur le maintien en vigueur de l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni ainsi que, selon le cas, sur d’autres incidents ultérieurs . Partant, le Tribunal rejette le recours pour le surplus dans l’affaire T 316/14 RENV, ainsi que le recours dans l’affaire T 148/19 .

{1} Position commune 2001/931/PESC du Conseil, du 27 décembre 2001, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93), et règlement (CE) du Conseil no 2580/2001, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70). Ces actes ont été régulièrement mis à jour.

{2} Arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C 46/19 P, EU:T:2021:316).

{3} Arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T 316/14, EU:T:2018:788).

{4} Règlement d’exécution (UE) no 125/2014 du Conseil du 10 février 2014 (JO 2014, L 40, p. 9) ; règlement d’exécution (UE) no 790/2014 du Conseil, du 22 juillet 2014 (JO 2014, L 217, p. 1) ; décision (PESC) 2015/521 du Conseil du 26 mars 2015 (JO 2015, L 82, p. 107) ; règlement d’exécution (UE) 2015/513 du Conseil du 26 mars 2015 (JO 2015, L 82, p. 1) ; décision (PESC) 2015/1334 du Conseil du 31 juillet 2015 (JO 2015, L 206, p. 61) ; règlement d’exécution (UE) 2015/1325 du Conseil du 31 juillet 2015 (JO 2015, L 206, p. 12) ; règlement d’exécution (UE) 2015/2425 du Conseil du 21 décembre 2015 (JO 2015, L 334, p. 1) ; règlement d’exécution (UE) 2016/1127 du Conseil du 12 juillet 2016 (JO 2016, L 188, p. 1) ; règlement d’exécution (UE) 2017/150 du Conseil du 27 janvier 2017 (JO 2017, L 23, p. 3) ; décision (PESC) 2017/1426 du Conseil du 4 août 2017 (JO 2017, L 204, p. 95) ; règlement d’exécution (UE) 2017/1420 du Conseil du 4 août 2017 (JO 2017, L 204, p. 3).

{5} Décision (PESC) 2019/25 du Conseil du 8 janvier 2019 (JO 2019, L 6, p. 6) ; décision (PESC) 2019/1341 du Conseil du 8 août 2019 (JO 2019, L 209, p. 15) ; règlement d’exécution (UE) 2019/1337 du Conseil du 8 août 2019 (JO 2019, L 209, p. 1) ; règlement d’exécution (UE) 2020/19 du Conseil du 13 janvier 2020 (JO 2020, L 8I, p. 1) ; décision (PESC) 2020/1132 du Conseil du 30 juillet 2020 (JO 2020, L 247, p. 18) ; règlement d’exécution (UE) 2020/1128 du Conseil du 30 juillet 2020 (JO 2020, L 247, p. 1).

{6} Voir article 1er, paragraphes 4 et 6, de la position commune 2001/931/PESC.

{7} Ces deux types de fondements sont régis par des dispositions différentes de la position commune 2001/931/PESC, les premiers relevant de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position et les seconds de son article 1er, paragraphe 6.

{8} Voir article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931/PESC.

{9} Article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931/PESC.

{10} Au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931/PESC.

{11} Article 266 TFUE : « L’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette obligation ne préjuge pas celle qui peut résulter de l’application de l’article 340, deuxième alinéa. »

{12}En vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les arrêts d’annulation des règlements ne prennent effet qu’à l’expiration du délai de pourvoi ou après le rejet de celui-ci.

{13} Au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931/PESC.

Arrêt du 30 novembre 2022, PKK / Conseil (T-316/14 RENV et T-148/19) (cf. points 246-248)



Arrêt du 14 décembre 2022, PKK / Conseil (T-182/21) (cf. points 207-209)

142. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Contestation portant sur les mesures d'exécution adoptées par l'institution concernée - Absence de voie de recours fondée sur l'article 266 TFUE - Possibilité pour les justiciables de faire valoir leurs droits par la voie d'un recours en annulation, d'un recours en carence ou d'un recours en responsabilité non contractuelle



Ordonnance du 22 décembre 2022, British Airways / Commission (T-480/21) (cf. points 27-41)



Ordonnance du 27 octobre 2023, British Airways / Commission (C-138/23 P) (cf. points 35, 36, 42; 43)

143. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Décision de la Commission autorisant la participation de l'autorité de régulation nationale du Kosovo à l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) - Maintien des effets de cette décision jusqu'au remplacement de cette dernière dans un délai raisonnable - Justification tirée de motifs liés à la survenance de conséquences négatives graves

Entre 2001 et 2015, l’Union européenne a signé des accords de stabilisation et d’association (ASA) avec six pays des Balkans occidentaux, dont le Kosovo. Dans ce contexte, la Commission européenne a préconisé des actions en vue, notamment, d’aligner la législation de ces pays sur la législation de l’Union et d’intégrer les Balkans occidentaux au sein des organes de régulation existants, tels que l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) établi par le règlement 2018/1971{1}. Afin d’établir une relation plus étroite entre les autorités de régulation nationales (ARN) de l’Union et des Balkans occidentaux, la Commission a adopté, le 18 mars 2019, six décisions concernant la participation des ARN des pays des Balkans occidentaux à l’ORECE. Parmi celles-ci figure une décision par laquelle la Commission a admis l’ARN du Kosovo à participer au conseil des régulateurs et aux groupes de travail de l’ORECE ainsi qu’au conseil d’administration de l’Office de l’ORECE (ci-après la « décision litigieuse »){2}.

Le Royaume d’Espagne avait introduit un recours en annulation de la décision litigieuse au motif de la violation, par la Commission, de l’article 35 du règlement 2018/1971{3}. Il faisait valoir, en substance, que cette décision méconnaît la notion de « pays tiers » employée dans cette disposition, cette dernière ne pouvant viser le Kosovo dès lors que ce dernier n’est pas un État souverain. Ce recours avait été rejeté dans son intégralité par le Tribunal dans son arrêt du 23 septembre 2020, Espagne/Commission{4} (ci-après l’« arrêt attaqué »).

Sur pourvoi introduit par le Royaume d’Espagne, la Cour, réunie en grande chambre, annule l’arrêt du Tribunal, ainsi que la décision litigieuse de la Commission, au motif que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant{5} que la compétence d’établir les arrangements de travail applicables à la participation des ARN de pays tiers à l’ORECE, au sens de l’article 35, paragraphe 2, second alinéa, du règlement 2018/1971, revient à la Commission, de manière unilatérale, au titre de l’article 17 TUE.

Appréciation de la Cour

S’agissant, en premier lieu, de la notion de « pays tiers » utilisée à l’article 35 du règlement 2018/1971, la Cour considère tout d’abord qu’une interprétation littérale des traités ne permet pas de déterminer le sens de celle-ci. En outre, toutes les versions linguistiques des traités UE et FUE n’utilisent pas conjointement les termes « État tiers » et « pays tiers ». Or, les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union et, en cas de divergence entre ces diverses versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément. En effet, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne peut servir de base unique à l’interprétation de cette disposition. En l’occurrence, le Tribunal, en s’appuyant sur la prémisse que les dispositions du traité FUE relatives aux « pays tiers » permettent de conclure des accords internationaux avec des entités « autres que des États », a considéré que la portée de la notion de « pays tiers » allait, au sens de l’article 35, paragraphe 2, au-delà des seuls États souverains. Cette prémisse a toutefois été établie sans que le Tribunal tienne compte des différences entre les versions linguistiques des traités UE et FUE, dont le libellé ne permet pas de conclure à l’existence d’une différence de signification entre les termes « pays tiers » et « État tiers ». Les termes « pays tiers » ne figurant en outre pas dans toutes les versions linguistiques du règlement 2018/1971, seul l’équivalent des termes « État tiers » étant utilisé dans certaines d’entre elles, la Cour constate que le Tribunal a entaché sa motivation d’une erreur de droit.

Le dispositif de l’arrêt attaqué pouvant cependant être fondé pour d’autres motifs de droit, la Cour examine ensuite si le Tribunal a pu conclure à bon droit que la Commission n’avait pas violé l’article 35 du règlement 2018/1971 en assimilant le Kosovo à un « pays tiers », au sens de cette disposition. À cet égard, aux fins de garantir l’effet utile de l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971, une entité territoriale située en dehors de l’Union et dont cette dernière n’a pas reconnu la qualité d’État indépendant doit pouvoir être assimilée à un « pays tiers » au sens de cette disposition, tout en ne méconnaissant pas le droit international. Dans le cas du Kosovo, la Cour internationale de justice a considéré que l’adoption, le 17 février 2008, de la déclaration d’indépendance du Kosovo n’avait violé ni le droit international général ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies ni le cadre constitutionnel applicable{6}. De plus, comme l’indique la première note en bas de page de la décision litigieuse, l’assimilation susvisée n’est pas de nature à affecter les positions individuelles des États membres quant au point de savoir si le Kosovo a la qualité d’État indépendant réclamée par ses autorités. La Cour considère, en conséquence, que le Kosovo peut être assimilé à un « pays tiers », au sens de l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971, sans violer le droit international.

S’agissant, par ailleurs, de l’intégration de « pays tiers » dans le régime de participation prévu à l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971, la Cour rappelle que, selon cette disposition, la participation des ARN de tels pays est soumise à deux conditions cumulatives, consistant en l’existence d’un « accord » conclu avec l’Union, d’une part, et en la circonstance que cet accord ait été conclu « à cette fin », d’autre part. L’Union a conclu plusieurs accords avec le Kosovo, reconnaissant ainsi sa capacité à conclure de tels accords. Parmi ces derniers figure l’ASA Kosovo{7}, qui prévoit, à son article 111, que la coopération mise en place en matière de réseaux et de services de communications électroniques porte essentiellement sur les domaines prioritaires de l’acquis de l’Union dans ce secteur et que les parties renforcent cette coopération. L’ASA Kosovo doit dès lors également être considéré comme ayant été conclu aux fins de permettre la participation de l’ARN du Kosovo aux instances de l’ORECE, dans la mesure où l’article 111 de cet accord est consacré à l’adoption de l’acquis de l’Union et au renforcement de la coopération entre les parties dans le domaine des réseaux et des services de communications électroniques. La Cour relève enfin que, conformément à l’objectif de coopération poursuivi, l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971 ouvre certains organes de l’ORECE à la participation des ARN des pays tiers principalement compétentes dans le domaine des communications électroniques. Au regard de ces éléments, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu que la Commission n’avait pas méconnu, dans la décision litigieuse, l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971, en considérant que le Kosovo était assimilable à un « pays tiers », au sens de cette disposition.

S’agissant, en deuxième lieu, de l’interprétation, par le Tribunal, des conséquences de l’absence de position de l’Union sur le statut du Kosovo au regard du droit international, la décision litigieuse ne viole pas l’ASA Kosovo et le règlement 2018/1971 du seul fait qu’elle établit une coopération avec l’ARN du Kosovo en mettant en œuvre ces actes et qu’elle n’implique pas une reconnaissance du Kosovo en tant qu’État tiers. En conséquence, l’adoption de la décision litigieuse par la Commission ne peut pas être interprétée comme impliquant la reconnaissance implicite par l’Union du statut du Kosovo en tant qu’État indépendant.

S’agissant, en troisième lieu, du moyen tiré du fait que le Tribunal aurait considéré à tort que la coopération visée à l’article 111 de l’ASA Kosovo ne correspondrait pas à la participation envisagée à l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971, la Cour le juge non fondé, en considérant notamment que cette disposition de l’ASA Kosovo constitue bien un accord « à cette fin », au sens du règlement 2018/1971. En effet, l’article 35, paragraphe 1, de ce règlement envisage divers degrés et formes de coopération plus ou moins étroites, par la voie, notamment, d’arrangements de travail avec les ARN des pays tiers. En revanche, la participation de l’ARN du Kosovo aux instances de l’ORECE ne peut être assimilée à une intégration de cette ARN dans cet organe de l’Union. Par ailleurs, la participation de l’ARN du Kosovo à l’ORECE ne permet pas au Kosovo de contribuer à l’élaboration de la réglementation sectorielle de l’Union en matière de communications électroniques.

La Cour accueille néanmoins, en quatrième lieu, le pourvoi du Royaume d’Espagne en tant que ce dernier vise, en substance, l’incompétence de la Commission. Elle constate tout d’abord que la décision litigieuse ne pouvait pas être prise sur le fondement de l’article 17 TUE au titre des fonctions exécutives ou de représentation extérieure de la Commission, cette dernière étant uniquement appelée, dans le cadre de l’adoption des arrangements de travail en question, à exercer un pouvoir de contrôle. En particulier, il découle de l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971 que des arrangements de travail ont pour objet non pas la représentation extérieure de l’Union comme telle, mais de préciser notamment la nature, l’étendue et les conditions de la participation aux travaux d’organismes de l’Union des ARN des pays tiers ayant conclu des accords avec l’Union à cette fin. Ensuite, le fait que l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971 ne mentionne pas, comme c’est le cas à son paragraphe 1, que l’ORECE et l’Office de l’ORECE établissent des arrangements de travail « sous réserve de l’accord préalable de la Commission » ne signifie pas que la compétence d’établir ceux-ci avec les ARN des pays tiers appartient à la Commission. Ce constat n’est pas remis en cause par la circonstance que la participation aux travaux de l’ORECE et de l’Office de l’ORECE, prévue à cette disposition, constitue une forme plus étroite de coopération avec les ARN des pays tiers que celle établie au titre de l’article 35, paragraphe 1, du même règlement. Enfin, le fait que la Commission pourrait décider unilatéralement de certains arrangements de travail pour la participation aux travaux de l’ORECE et de l’Office de l’ORECE, sans leur accord, n’est pas conciliable avec l’indépendance de l’ORECE et excèderait la fonction de contrôle assignée à la Commission par le règlement. Ainsi, en jugeant que la compétence d’établir des arrangements de travail applicables à la participation des ARN

des pays tiers, notamment de l’ARN du Kosovo, appartenait à la Commission, le Tribunal a méconnu la répartition des compétences entre, d’une part, la Commission et, d’autre part, l’ORECE et l’Office de l’ORECE, ainsi que les règles garantissant l’indépendance de l’ORECE prévues par le règlement. De tels arrangements devraient être convenus entre l’ORECE et l’Office de l’ORECE, d’un côté, et les autorités compétentes de ces pays tiers, de l’autre, et être autorisés conjointement, ainsi qu’il en découle du règlement 2018/1971{8}, par le conseil des régulateurs et le directeur de l’Office de l’ORECE. Tout en précisant que cette compétence n’appartient pas au Conseil, la Cour conclut que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant{9} que la Commission disposait d’une compétence unilatérale pour établir lesdits arrangements.

Si elle annule, en conséquence, l’arrêt attaqué et la décision litigieuse, la Cour maintient cependant, au regard de la nécessité des arrangements en cause, les effets de la décision annulée jusqu’à ce que celle-ci soit remplacée par un nouvel acte.

{1} Règlement (UE) 2018/1971 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, du 11 décembre 2018, établissant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et l’Agence de soutien à l’ORECE (Office de l’ORECE), modifiant le règlement (UE) 2015/2120 et abrogeant le règlement (CE) no 1211/2009 (JO 2018, L 321, p. 1).

{2} Décision de la Commission européenne, du 18 mars 2019, relative à la participation de l’autorité de régulation nationale du Kosovo à l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (JO 2019, C 115, p. 26).

{3} En vertu de cette disposition, intitulée « Coopération avec les organes de l’Union, les pays tiers et les organisations internationales » : « 1. Dans la mesure où cela est nécessaire pour atteindre les objectifs énoncés dans le présent règlement et accomplir ses tâches, et sans préjudice des compétences des États membres et des institutions de l’Union, l’ORECE et l’Office de l’ORECE peuvent coopérer avec les organismes, bureaux, agences et groupes consultatifs compétents de l’Union, avec les autorités compétentes des pays tiers et avec les organisations internationales. À cet effet, l’ORECE et l’Office de l’ORECE peuvent, sous réserve de l’accord préalable de la Commission, établir des arrangements de travail. Ces arrangements ne créent pas d’obligations juridiques. 2. Le conseil des régulateurs, les groupes de travail et le conseil d’administration sont ouverts à la participation des autorités de régulation des pays tiers lorsque ces pays tiers ont conclu des accords avec l’Union à cette fin qui sont principalement compétentes dans le domaine des communications électroniques. En vertu des dispositions pertinentes de ces accords, il est prévu des arrangements de travail qui précisent notamment la nature, l’étendue et les conditions de la participation, sans droit de vote, de ces autorités de régulation des pays tiers concernés aux travaux de l’ORECE et de l’Office de l’ORECE, y compris des dispositions relatives à la participation aux initiatives menées par l’ORECE, aux contributions financières et au personnel de l’Office de l’ORECE. En ce qui concerne les questions relatives au personnel, lesdites modalités sont, en tout état de cause, conformes au statut. [...] »

{4} Arrêt du 23 septembre 2020, Espagne/Commission (T 370/19, EU:T:2020:440).

{5} Voir points 77 et 82 de l’arrêt du Tribunal du 23 septembre 2020, Espagne/Commission (T 370/19, EU:T:2020:440).

{6} Avis consultatif de la Cour internationale de justice du 22 juillet 2010, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo (CIJ Recueil 2010, p. 403).

{7} Accord de stabilisation et d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Kosovo, d’autre part (JO 2016, L 71, p. 3, ci-après l’« ASA Kosovo »).

{8} Article 9, sous i), et article 20, paragraphe 6, sous m), du règlement 2018/1971.

{9} Arrêt du Tribunal du 23 septembre 2020, Espagne/Commission (T 370/19, EU:T:2020:440), points 77 et 82.

Arrêt du 17 janvier 2023, Espagne / Commission (C-632/20 P) (cf. points 133-137)

144. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Annulation par le Tribunal d'une décision de la commission de recours de l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) rejetant une demande de dérogation pour l'interconnexion électrique reliant les réseaux de transport d'électricité britannique et français - Adoption d'une nouvelle décision à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union - Absence de base juridique en vigueur à la date d'adoption - Incompétence de la commission de recours de l'ACER

La société Aquind Ltd est la promotrice d’un projet d’interconnexion électrique reliant les réseaux de transport d’électricité britannique et français (ci-après l’« interconnexion Aquind »). Aux fins de ce projet, Aquind Ltd a introduit, auprès des autorités de régulation françaises et britanniques, une demande de dérogation temporaire aux principes généraux régissant l’utilisation des recettes, la dissociation des réseaux de transport et des gestionnaires de réseaux de transport ainsi que l’accès de tiers aux réseaux de transport ou de distribution, au titre du règlement nº 714/2009 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité{1}.

Les autorités de régulation nationales n’étant pas parvenues à un accord, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a rejeté la demande de dérogation, au motif que Aquind Ltd ne satisfaisait pas à la condition selon laquelle le degré de risque associé à l’investissement pour la nouvelle interconnexion est tel que cet investissement ne serait pas effectué si la dérogation n’était pas accordée (ci-après la « décision de l’ACER »).

Sur recours introduit par Aquind Ltd, la décision de l’ACER a été confirmée par la commission de recours de l’ACER{2} (ci-après la « commission de recours »). Ainsi, Aquind Ltd a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision de la commission de recours, qui a été accueilli par arrêt du 18 novembre 2020, Aquind/ACER{3} (ci-après l’« arrêt d’annulation »).

Après avoir repris la procédure, la commission de recours a déclaré le recours d’Aquind Ltd contre la décision de l’ACER irrecevable au motif que, consécutivement au Brexit, elle n’avait plus la compétence pour statuer sur la demande de dérogation pour l’interconnexion Aquind (ci-après la « décision attaquée »).

Les sociétés Aquind Ltd, Aquind Energy Sàrl et Aquind SAS ont ainsi saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision attaquée. Dans son arrêt, le Tribunal rejette ce recours, en se prononçant sur les conséquences du Brexit dans le domaine de l’énergie.

Appréciation du Tribunal

À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, en vertu de l’article 266 TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane un acte annulé est tenu de prendre des mesures comportant l’exécution de l’arrêt ayant prononcé l’annulation. Cette obligation d’agir ne constitue, toutefois, pas une source de compétence ni ne permet de fonder les mesures d’exécution sur une base juridique qui a entre-temps été abrogée. Ainsi, l’institution, l’organe ou l’organisme en cause est obligé de fonder l’acte contenant les mesures d’exécution sur une base juridique qui l’habilite à adopter cet acte et qui est en vigueur à la date de son adoption.

Il ressort, en outre, de la jurisprudence que, si aucune base juridique valide n’est en vigueur au moment où une institution, un organe ou un organisme cherche à prendre une décision particulière, il n’est pas possible de s’appuyer sur les principes qui régissent la succession des règles dans le temps afin d’appliquer les dispositions matérielles qui étaient auparavant applicables à des actes adoptés dans le passé.

À la lumière de ces considérations, le Tribunal vérifie si, consécutivement au Brexit, la commission de recours était habilitée à statuer sur la décision de l’ACER en prenant les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt d’annulation.

Après avoir relevé que, suite à l’arrêt d’annulation, la commission de recours était tenue de soumettre la décision de l’ACER à un nouveau contrôle qui ne se limitait pas à celui de l’erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal examine s’il existait, à la date de l’adoption de la décision attaquée, à savoir le 4 juin 2021, une base juridique habilitant la commission de recours à effectuer un tel contrôle.

À cet égard, le Tribunal constate que, si le règlement instituant l’ACER{4} et le règlement 2019/943 sur le marché intérieur de l'électricité{5}, en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée, habilitent, d’une part, l’ACER à examiner les demandes de dérogation relatives à une interconnexion et, d’autre part, la commission de recours à apprécier les décisions de l’ACER sur de telles demandes, il n’en reste pas moins que ces habilitations ne peuvent trouver application que dans l’hypothèse où la ligne de transport concernée traverse ou enjambe une frontière entre des États membres et relie les réseaux de transport nationaux des États membres. Or, le projet d’interconnexion Aquind étant devenu, à la suite du Brexit, une interconnexion entre un État membre et un État tiers, ni l’ACER ni la commission de recours n’étaient en mesure de fonder un acte contenant les mesures d’exécution de l’arrêt d’annulation sur les dispositions de ces règlements.

Par ailleurs, l’ACER et la commission de recours n’étaient pas non plus en mesure d’adopter un acte contenant les mesures d’exécution de l’arrêt d’annulation sur la base des accords régissant la relation entre l’Union et le Royaume-Uni depuis le Brexit.

Sur ce point, le Tribunal relève que l’ACER et la commission de recours ne pouvaient pas adopter un tel acte sur la base de l’article 92 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne et d’Euratom{6}, dans la mesure où cette disposition n’octroie des compétences aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union que dans certaines procédures administratives en cours qui ont été engagées avant la fin de la période de transition et qui mettent en cause les institutions du Royaume-Uni ou des personnes physiques ou morales résidant ou établies au Royaume-Uni au sujet du respect du droit de l’Union. Dans ce contexte, le Tribunal souligne que ladite disposition constitue une exception au principe général selon lequel le droit de l’Union et, par conséquent, la compétence des organes de l’Union, ne s’applique plus au Royaume-Uni après son retrait de l’Union.

En ce qui concerne l’accord de commerce et de coopération entre l’Union et le Royaume-Uni{7}, le Tribunal ajoute que l’article 309 dudit accord, qui concerne les dérogations accordées aux interconnexions entre l’Union et le Royaume-Uni en vertu du règlement 2019/943 sur le marché intérieur de l'électricité, ne vise que les dérogations existantes et donc pas les demandes de dérogation pendantes, telles que la demande de dérogation pour l’interconnexion Aquind. Par ailleurs, si ledit accord prévoit un régime de dérogation à ses propres règles relatives à l’accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution ainsi qu’à la gestion de réseau et à la dissociation des gestionnaires de réseau de transport, il ne confère aucune compétence à l’ACER ni, en conséquence, à la commission de recours pour se prononcer sur des demandes de dérogations pour des interconnexions électriques.

Au regard de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que la commission de recours n’a pas commis d’erreur de droit en se déclarant incompétente, à la suite du Brexit, pour statuer sur la décision de l’ACER en prenant les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt d’annulation.

{1} Article 17 du règlement (CE) nº 714/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement (CE) nº 1228/2003 (JO 2009, L 211, p. 15).

{2} Décision de la commission de recours de l’ACER nº A 001 2018, du 17 octobre 2018.

{3} Arrêt du 18 novembre 2020, Aquind/ACER (T-735/18, sous pourvoi, EU:T:2020:542).

{4} Articles 10 et 28 du règlement (UE) 2019/942 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (JO 2019, L 158, p. 22).

{5} Article 63, paragraphe 5, du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, sur le marché intérieur de l'électricité (JO 2019, L 158, p. 54).

{6} Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7).

{7} Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part (JO 2021, L 149, p. 10).

Arrêt du 15 février 2023, Aquind e.a. / ACER (T-492/21) (cf. points 19-25, 29-31, 33-38, 41, 44, 46-59)

145. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Syrie - Annulation à deux moments différents de deux actes comportant des mesures restrictives identiques - Risque d'atteinte sérieuse à la sécurité juridique - Maintien des effets du premier de ces actes jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du second

Le requérant, M. Nizar Assaad, est un homme d’affaires de nationalités syrienne, libanaise et canadienne entretenant, selon le Conseil de l’Union européenne, des liens étroits avec le régime syrien.

Son nom avait été inscrit en 2011 sur les listes des personnes et entités visées par les mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne par le Conseil{1}, puis, à défaut d’identification précise, après correction et ajout d’informations d’identification complémentaires{2}, le Conseil avait considéré que lesdits actes ne le désignaient pas. Il avait été de nouveau inscrit sur les listes en 2020{3}, puis maintenu sur celles-ci en 2021 et 2022{4}, aux motifs qu’il était, d’après le Conseil, un homme d’affaires influent entretenant des liens étroits avec le régime, qu’il était lié aux familles Assad et Makhlouf et qu’il était, en tant que fondateur et dirigeant de la société Lead Contracting & Trading Ltd., l’un des principaux investisseurs dans le secteur pétrolier.

Ces motifs s’appuyaient, d’une part, sur le critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie{5}, d’autre part, sur le critère de l’association avec le régime syrien{6} et, enfin, sur le critère du lien avec une personne ou une entité visée par les mesures restrictives, du fait, selon le Conseil, du lien du requérant avec des membres des familles Assad et Makhlouf{7}.

Le requérant a introduit un recours en annulation contre les actes adoptés en 2021 et en 2022 en tant qu’ils le concernent. Le Tribunal accueille ce recours en traitant, notamment, et pour la première fois, la question de savoir si le Conseil peut légalement attacher un effet rétroactif à des actes adoptés dans le cadre d’un régime de mesures restrictives. Le Tribunal aborde également la question de l’autorité de la chose jugée d’une décision juridictionnelle antérieure au regard de la question de savoir si le Conseil et le Tribunal sont liés par le constat dressé par celle-ci quant à l’identité d’une personne inscrite sur les listes.

Appréciation du Tribunal

S’agissant, en premier lieu, du moyen tiré d’erreurs d’appréciation, le Tribunal examine tout d’abord le critère du statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie au regard des motifs d’inscription retenus par le Conseil contre le requérant. S’il ressort des éléments de preuve soumis par le Conseil que le requérant a certes été un investisseur dans le secteur pétrolier syrien, d’une part, le requérant a démontré ne plus avoir d’intérêts dans la société Lead Syria{8}, qui était en liquidation à la date d’adoption des actes attaqués, et, d’autre part, le Conseil n’a avancé aucun argument visant à mettre en cause la fiabilité des éléments de preuve apportés par le requérant ou à contester la démission de celui-ci de la société Lead UAE{9}, de sorte que le requérant peut être considéré comme n’étant plus impliqué dans cette société. Il en va de même concernant l’absence d’implication du requérant dans plusieurs autres entités syriennes et sa participation à différentes chambres de commerce. Le Conseil n’a dès lors pas étayé à suffisance de droit le fait que le requérant avait des intérêts commerciaux en Syrie ou était membre de certains organes liés au commerce. Le Tribunal en conclut que le Conseil n’a pas démontré, à la date d’adoption des actes attaqués, que le requérant était un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie conformément au critère retenu par la décision 2013/255.

Ensuite, concernant les liens du requérant avec des membres de la famille Assad, le Tribunal relève que le requérant n’est pas membre de cette famille et que les liens qui lui sont attribués par le Conseil ne sont que de nature professionnelle, en raison d’activités dans le secteur pétrolier notamment. L’examen des preuves soumises par le Conseil à cet égard conduit cependant le Tribunal à conclure que le Conseil n’a pas apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptible de soutenir cette conclusion. Il parvient à une conclusion similaire concernant l’absence de lien du requérant avec la famille Makhlouf.

Enfin, concernant l’association prétendue du requérant avec le régime syrien, qui résulterait du soutien qu’il apporterait à ce régime ou du bénéfice qu’il retirerait des politiques menées par ce dernier, le Tribunal constate, tout d’abord, que ce n’est pas en raison de ses activités commerciales en Syrie ou de ses liens avec des membres des familles Makhlouf et Assad, ni même du fait d’autres responsabilités ou de l’activité de la société Lead Syria, que le requérant peut être associé au régime syrien. Au contraire, il se serait distancié de ce régime, notamment depuis 2012. Le Conseil n’a donc pas démontré à suffisance de droit l’association du requérant avec le régime syrien et, en conséquence, le Tribunal accueille le premier moyen du requérant sur l’absence de bien-fondé des motifs d’inscription sur les listes retenus par le Conseil à l’encontre du requérant.

S’agissant, en deuxième lieu, de la mention par le Conseil, dans les actes attaqués, de la date d’inscription initiale du requérant le 23 août 2011, le Tribunal examine, dans un premier temps, si ces actes ont, de par leur contenu, un effet rétroactif. Tel est le cas des actes adoptés en 2021, qui s’inscrivent dans la continuité d’actes antérieurs auxquels ils apportent des modifications et qui ont été adoptés après que le Conseil a admis avoir commis une erreur quant à l’identité de la personne visée. La modification, dans ces actes, de la date de l’inscription initiale du requérant a bien un effet rétroactif sur sa situation juridique. Il en est ainsi, d’une part, quant à sa réputation et son honorabilité et, d’autre part, quant à sa situation juridique en France au regard d’une décision ministérielle du 12 février 2020, basée sur les actes de 2019, qui avait procédé au gel de ses fonds dans cet État membre.

Le Tribunal s’intéresse, dans un second temps, à l’éventuelle violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime du fait de cette rétroactivité. Sur l’existence éventuelle d’un intérêt général, il souligne que la sécurité juridique ne peut être garantie, et l’effet utile des mesures restrictives assuré, que si les personnes et les entités visées sont clairement identifiées par le Conseil dans les actes en cause. Il est donc légitime et nécessaire que le Conseil puisse corriger les erreurs commises sur l’identité d’une personne, ceci afin de permettre la réalisation des objectifs des mesures restrictives en permettant aux tiers de savoir qui est visé par ces mesures et à la personne concernée d’introduire, le cas échéant, un recours contre ces mesures. Quant à l’existence d’une confiance légitime dans le chef du requérant, tirée de la situation antérieure à la correction de ladite erreur d’identification, le Tribunal rappelle qu’il n’est pas nécessaire que le requérant ait été le destinataire d’actes constitutifs de droits subjectifs pour qu’il puisse invoquer la protection de sa confiance légitime, de même qu’il n’a pas à démontrer qu’il a reçu des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, de nature à établir l’existence d’une telle confiance légitime dans son chef. Au regard des circonstances de l’espèce, à savoir les échanges de courriers entre le Conseil et les représentants du requérant, les actes rectificatifs adoptés par le Conseil en raison de ces échanges{10} et la position prise par le Conseil dans le cadre d’une précédente affaire Assaad/Conseil{11}, le Tribunal constate que le Conseil a affirmé au requérant, à plusieurs reprises, qu’il n’était pas la personne visée initialement dans les actes adoptés en 2011. À cet égard, le Tribunal conteste l’argument du Conseil selon lequel toute conclusion quant à l’identité d’une personne visée par des mesures restrictives n’aurait qu’une valeur déclarative et relève

que les lettres en cause, conjointement avec les différents actes adoptés par le Conseil, ont fait naître, dans le chef du requérant, l’espérance qu’il n’était pas la personne visée. Le Tribunal conclut que le Conseil n’a pas respecté la confiance légitime du requérant et le principe de sécurité juridique en adoptant, à son égard, des mesures avec effet rétroactif.

S’agissant, en troisième et dernier lieu, du moyen tiré d’une violation de l’autorité de la chose jugée, en l’occurrence de l’ordonnance rendue dans la précédente affaire Assaad/Conseil qui avait conclu à l’irrecevabilité du recours du requérant dès lors que, n’étant pas la personne visée dans les listes de 2011, il n’avait pas d’intérêt à agir, le Tribunal constate que, en affirmant dans les actes attaqués que le requérant était visé par les actes de 2011, le Conseil fait coexister dans l’ordre juridique de l’Union une décision et des actes qui sont contraires, voire incompatibles, quant à leurs effets et a, dès lors, violé le principe de l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance précitée en ce qui concerne les actes de 2011. En revanche, le principe de l’autorité de la chose jugée ne pouvant être étendu de manière à ce qu’une ordonnance règle des questions relatives à un autre ensemble d’actes juridiques, adoptés sur la base d’autres éléments de preuve et portant sur des actes de base différents, le Tribunal conclut que le requérant n’est pas fondé à soutenir que les actes attaqués ont été adoptés, à partir de 2020, en violation du principe de l’autorité de la chose jugée.

Au regard de ce qui précède, le Tribunal annule les actes attaqués en tant qu’ils concernent le requérant, tout en maintenant les effets de la décision 2022/849 à son égard jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi est introduit dans ce délai, jusqu’au rejet éventuel dudit pourvoi.

{1} Décision d’exécution 2011/515/PESC du Conseil, du 23 août 2011, mettant en œuvre la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (JO 2011, L 218, p. 20), et règlement d’exécution (UE) nº 843/2011 du Conseil, du 23 août 2011, mettant en œuvre le règlement (UE) nº 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 218, p. 1).

{2} Décision 2011/735/PESC du Conseil, du 14 novembre 2011, modifiant la décision 2011/273/PESC (JO 2011, L 296, p. 53), et règlement (UE) nº 1150/2011 du Conseil, du 14 novembre 2011, modifiant le règlement (UE) nº 442/2011 (JO 2011, L 296, p. 1).

{3} Décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), et règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) nº 36/2012 concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 1).

{4} Décision d’exécution (PESC) 2021/751 du Conseil, du 6 mai 2021, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC (JO 2021, L 160, p. 115), et règlement d’exécution (UE) 2021/743 du Conseil, du 6 mai 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) nº 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2021, L 160, p. 1) ; décision (PESC) 2022/849 du Conseil, du 30 mai 2022, modifiant la décision 2013/255/PESC (JO 2022, L 148, p. 52), et règlement d’exécution (UE) 2022/840 du Conseil, du 30 mai 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) nº 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2022, L 148, p. 8) (ci-après les « actes attaqués »).

{5} Voir article 27, paragraphe 2, sous a), et article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255/PESC, telle que modifiée par la décision (PESC) 2015/1836, ainsi qu’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), du règlement (UE) nº 36/2012, tel que modifié par le règlement (UE) 2015/1828.

{6} Voir article 27, paragraphe 1, et article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255/PESC, telle que modifiée par la décision (PESC) 2015/1836, ainsi qu’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) nº 36/2012, tel que modifié par le règlement (UE) 2015/1828.

{7} Voir article 27, paragraphe 2, dernière phrase, et article 28, paragraphe 2, dernière phrase, de la décision 2013/255/PESC, telle que modifiée par la décision (PESC) 2015/1836, ainsi qu’article 15, paragraphe 1 bis, dernière phrase, du règlement (UE) nº 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828.

{8} Lead Contracting and Trade Company.

{9} Lead Contracting and Trading Limited.

{10} Décision 2011/735/PESC modifiant la décision 2011/273/PESC (JO 2011, L 296, p. 53), et règlement (UE) nº 1150/2011 du Conseil, du 14 novembre 2011, modifiant le règlement nº 442/2011 (JO 2011, L 296, p. 1), ainsi que rectificatifs à la décision d’exécution 2013/185/PESC du Conseil, du 22 avril 2013, mettant en œuvre la décision 2012/739/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie, et au règlement d’exécution (UE) nº 363/2013 du Conseil, du 22 avril 2013, mettant en œuvre le règlement nº 36/2012 (JO 2013, L 123, p. 28).

{11} Ordonnance du 24 mai 2012, Assaad/Conseil (T-550/11, non publiée, EU:T:2012:266).

Arrêt du 8 mars 2023, Assaad / Conseil (T-426/21) (cf. points 276-280)

146. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Règlements et décisions instituant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye - Annulation pour absence de base factuelle suffisamment solide justifiant le maintien du nom du requérant sur les listes - Maintien des effets des décisions et règlements annulés pour une période de trois mois à compter du prononcé de l'arrêt - Absence



Arrêt du 20 avril 2023, Conseil / El-Qaddafi (C-413/21 P) (cf. points 112-115)

147. Recours en annulation - Objet - Annulation partielle - Condition - Caractère détachable des dispositions contestées - Critère objectif - Condition non remplie



Arrêt du 10 mai 2023, Ryanair / Commission (SAS II ; COVID-19) (T-238/21) (cf. points 83-88)

148. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif - Effets de l'arrêt d'annulation - Absence d'effets erga omnes

Voir texte de la décision.

Arrêt du 22 juin 2023, VITOL (C-268/22) (cf. points 70, 71)

149. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt - Réouverture de la procédure au stade de l'irrégularité constatée - Admissibilité



Arrêt du 6 septembre 2023, Sopra Steria Benelux et Unisys Belgium / Commission (T-108/22) (cf. points 37-40)

150. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Remise en cause de la validité d'un acte postérieur à l'acte annulé, mais n'ayant pas fait l'objet d'un recours en annulation - Absence

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Voir texte de la décision.

Ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil / Mazepin (C-564/23 P(R)) (cf. points 79, 80)

151. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Annulation partielle d'un acte du droit de l'Union - Condition - Caractère détachable des éléments annulables de l'acte attaqué - Décision du Conseil autorisant la signature d'un accord international - Question de la désignation du signataire sans influence sur la décision du Conseil d'approuver l'accord et d'en ordonner l'application provisoire - Caractère détachable

Saisie d’une demande en annulation, par la Commission européenne, de l’article 2 de la décision 2021/1117, relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire du protocole de mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République gabonaise et la Communauté européenne{1}, ainsi que de la désignation, par le Conseil de l’Union européenne, de la personne habilitée à signer ce protocole, la Cour, réunie en grande chambre, annule tant cette disposition que la désignation effectuée sur la base de cette dernière. Elle relève que l’article 218, paragraphe 5, TFUE, fait mention d’une compétence du Conseil pour autoriser la signature et l’application provisoire d’un accord international, mais pas pour désigner le signataire de celui-ci, la Commission étant compétente pour assurer la signature de cet accord, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE{2}.

Le 22 octobre 2015, le Conseil a adopté, sur recommandation de la Commission, une décision autorisant celle-ci à conduire, au nom de l’Union, des négociations avec la République gabonaise en vue d’un renouvellement, pour la période 2021-2026, du protocole de mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l’Union européenne et la République gabonaise. Il était précisé, à l’article 2 de la proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l’application provisoire du protocole de mise en œuvre de l’accord, présentée par la Commission, que le secrétariat général du Conseil établissait « l’instrument de pleins pouvoirs autorisant la personne indiquée par la Commission à signer ledit protocole, sous réserve de sa conclusion ». L’article 2 de la décision 2021/1117 dispose que « [l]e président du Conseil est autorisé à désigner la ou les personnes habilitées à signer le protocole au nom de l’Union. » La République du Portugal exerçant alors la présidence tournante du Conseil, ce dernier désigna finalement le représentant permanent de cet État membre auprès de l’Union comme personne habilitée à signer le protocole au nom de l’Union{3}.

La Commission demande à la Cour l’annulation de l’article 2 de la décision 2021/1117 au motif, notamment, d’une violation de l’article 17, paragraphe 1, TUE, lu en combinaison avec l’article 13, paragraphes 1 et 2, TUE{4}.

Appréciation de la Cour

La Cour rappelle, en premier lieu, que, conformément à la répartition des compétences prévue à l’article 17, paragraphe 1, TUE, ainsi qu’à l’article 218, paragraphes 2 et 5, TFUE, il appartient au Conseil, sur proposition du négociateur, d’autoriser la signature d’un accord international au nom de l’Union, acte qui participe de la définition des politiques de l’Union et d’élaboration de l’action extérieure de celle-ci, au sens de l’article 16, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 6, troisième alinéa, TUE. Cependant, la décision autorisant la signature d’un accord international n’inclut pas l’acte ultérieur consistant en la signature même de cet accord. En effet, cette signature doit, à la suite de l’autorisation, être apposée après qu’ont été effectuées toutes les démarches nécessaires à cette fin, notamment à l’égard du pays tiers concerné. Parmi ces démarches figure l’émission des pleins pouvoirs portant désignation de la personne habilitée à signer l’accord au nom de l’Union. À cet égard, la Cour souligne que cette désignation n’exige pas une appréciation qui relève de la « définition des politiques » de l’Union ou des fonctions de « coordination » ou de l’« élabor[ation] de l’action extérieure » de celle-ci, au sens de l’article 16, paragraphes 1 et 6, TUE et ne participe, dès lors, pas de l’appréciation politique sous-tendant une telle décision, au terme de laquelle cette institution a consenti aux effets juridiques qui seront produits par la signature selon les règles pertinentes du droit international.

En deuxième lieu, quant au point de savoir si la désignation du signataire est un acte qui « assure la représentation extérieure de l’Union », au sens de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE, la Cour relève que, selon son sens habituel, la notion juridique de « représentation » implique une action au nom d’un sujet auprès d’un tiers, une telle action pouvant être une manifestation de volonté de ce sujet à l’égard de ce tiers. Or, l’apposition, par la personne désignée à cette fin, de sa signature sur un accord international au nom de l’Union exprime justement la manifestation de la volonté de l’Union, telle que définie par le Conseil, à l’égard du pays tiers avec lequel cet accord a été négocié. Ainsi, le libellé de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE, selon lequel la Commission « assure la représentation extérieure de l’Union », tend à établir que cette disposition confère à la Commission le pouvoir de prendre, en dehors de la politique étrangère de sécurité commune (PESC) et à moins que les traités ne prévoient, sur ce point, une répartition différente des compétences, toute action qui, à la suite de la décision du Conseil portant autorisation de la signature d’un accord international au nom de l’Union, assure que cette signature soit apposée.

La Cour constate, en troisième lieu, que cette interprétation littérale de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE s’inscrit dans la ligne du droit international coutumier{5}, selon lequel toute personne désignée dans un document émanant de l’autorité compétente d’un État ou de l’organe compétent d’une organisation internationale pour accomplir l’acte de signature doit être considérée, en vertu de ces pleins pouvoirs, comme représentant cet État ou cette organisation internationale. Dès lors, l’apposition, par une telle personne, de sa signature sur un accord international au nom de l’Union relève, sous l’angle des règles du droit international coutumier, de la « représentation » de cette dernière. De ce fait, il y a lieu de considérer, au regard de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE, que les démarches nécessaires aux fins de la signature d’un accord international, dont celle consistant à désigner le signataire, après que cette signature a été autorisée par le Conseil, relèvent, en dehors de la PESC, de la compétence de la Commission d’« assurer la représentation extérieure de l’Union », à moins que le traité UE ou le traité FUE n’attribue la compétence d’organiser cette signature à une autre institution de l’Union.

La Cour précise à cet égard que, contrairement à l’article 218, paragraphe 3, TFUE, lequel confère au Conseil, en ce qui concerne la négociation d’accords internationaux, la compétence non seulement pour autoriser l’ouverture des négociations mais également pour désigner le négociateur ou le chef de l’équipe de négociation de l’Union, l’article 218, paragraphe 5, TFUE fait mention d’une compétence du Conseil pour autoriser la signature et l’application provisoire de l’accord international et non d’une compétence pour désigner le signataire de celui-ci, de sorte que cette dernière disposition ne comporte pas de dérogation à l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE. Il s’ensuit que, dans le cas où le Conseil a autorisé la signature d’un accord international qui ne relève pas de la PESC ou d’« autres cas prévus par les traités », il appartient à la Commission, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, sixième phrase, TUE, d’assurer la signature même de cet accord. La Cour observe à ce sujet que, bien que le Conseil ait continué, après l’entrée en vigueur des traités UE et FUE, à désigner les signataires des accords internationaux, une pratique, même constante, ne saurait modifier les règles des traités que les institutions sont tenues de respecter.

En quatrième et dernier lieu, la Cour rappelle que la Commission doit également, conformément à l’article 17, paragraphe 1, première phrase, TUE, exercer sa compétence relative à la signature des accords internationaux dans l’intérêt général de l’Union et qu’elle est tenue de respecter l’obligation de coopération loyale énoncée à l’article 13, paragraphe 2, TUE.

{1} Décision (UE) 2021/1117 du Conseil, du 28 juin 2021, relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire du protocole de mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République gabonaise et la Communauté européenne (2021-2026) (JO 2021, L 242, p. 3).

{2} L’article 17, paragraphe 1, TUE prévoit : « La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des fonctions de coordination, d’exécution et de gestion conformément aux conditions prévues par les traités. À l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par les traités, elle assure la représentation extérieure de l’Union. Elle prend les initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de l’Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels. »

{3} Le 29 juin 2021, ce représentant permanent a signé le protocole au nom de l’Union. Le 30 juin 2021, la Commission et les États membres ont été informés de cette signature et de l’application provisoire du protocole à compter du 29 juin 2021.

{4} L’article 13, paragraphe 2, TUE, prévoit : « Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. Les institutions pratiquent entre elles une coopération loyale. »

{5} Tel que codifié à l’article 2, paragraphe 1, sous c), et à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331).

Arrêt du 9 avril 2024, Commission / Conseil (Signature d’accords internationaux) (C-551/21) (cf. point 29)

152. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Portée - Autorité absolue de la chose jugée - Portée - Prise en considération tant de la motivation que du dispositif - Obligation de respecter les termes de l'arrêt dans des décisions futures similaires à celle annulée

Saisi d’un recours en annulation, qu’il rejette, le Tribunal apporte des précisions, au regard de ses arrêts de 2020{1}, sur l’examen individuel de la situation d’un établissement de crédit effectué par la Banque centrale européenne (BCE) dans l’exercice de sa mission de surveillance prudentielle. Il se prononce spécifiquement sur le traitement prudentiel et comptable des engagements de paiements irrévocables (EPI){2}, qui peut conduire à une surestimation du niveau fonds propres de base de catégorie 1 (Common Equity Tier 1, CET 1){3} et altérer ainsi la couverture de risque de cet établissement de crédit, au point d’entraîner, à la demande de la BCE, la mise en place de mesures correctives prévues par le règlement no 1024/2013{4}.

BNP Paribas, la requérante, est un établissement de crédit français soumis à la surveillance prudentielle directe de la BCE.

Le 31 mars 2021, la BCE a envoyé à la requérante un questionnaire, portant sur le traitement par cette dernière des EPI. Après réception des réponses de la requérante, elle lui a adressé un projet de décision au terme du processus de contrôle et d’évaluation prudentiels (Supervisory Review and Evaluation Process, SREP), comportant, notamment, l’exigence de déduire des CET 1 le montant cumulé des EPI (ci-après la « mesure de déduction »). À la suite des observations de la requérante, la BCE a adopté la décision du 2 février 2022{5} (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, la BCE a déterminé, en substance, que les dispositifs mis en œuvre ainsi que les fonds propres et liquidités de la requérante n’assuraient pas une gestion saine et une couverture de ses risques en raison d’une surestimation du niveau de ses CET 1. Pour couvrir ce risque, la BCE a imposé, d’une part, la mesure de déduction et, d’autre part, une obligation de déclaration{6}. Reprochant à la BCE de ne pas avoir conduit un examen individuel de sa situation, la requérante a saisi le Tribunal d’un recours en annulation contre la décision attaquée.

Appréciation du Tribunal

À titre liminaire, le Tribunal remarque que la BCE n’a pas introduit de pourvois contre les arrêts de 2020 qui avaient annulé partiellement ses décisions visées par lesdits arrêts. Toutefois, les décisions attaquées dans la présente affaire n’ont pas pour objectif de remplacer les décisions qui ont été annulées dans l’arrêt BNP Paribas/BCE. En effet, la BCE prend chaque année une décision dans le cadre du SREP qui entre en vigueur à la date spécifiée dans cette décision. À la même date, la décision relative au SREP de l’année précédente cesse de s’appliquer, sauf si la nouvelle décision relative au SREP en dispose autrement. Ainsi, la violation alléguée de l’obligation, en vertu de l’article 266 TFUE, pour une institution dont émane l’acte annulé, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation ne saurait prospérer. Cependant, le Tribunal apprécie si la BCE a commis un excès de pouvoir en adoptant{7} une mesure de déduction sans avoir réellement effectué un examen individuel.

En premier lieu, s’agissant de l’examen individuel effectué par la BCE, le Tribunal relève, tout d’abord, que l’absence de pourvoi par la BCE contre les arrêts de 2020 implique que ceux-ci ont acquis force de chose jugée. Même si la BCE n’a pas, à proprement parler, remplacé les décisions annulées par de nouvelles décisions relatives au SREP de l’année concernée par lesdites affaires, il n’en demeure pas moins que, dans les nouveaux cycles des décisions relatives au SREP, afin d’éviter que les nouvelles décisions ne soient entachées des mêmes irrégularités que celles identifiées dans les arrêts de 2020, la BCE est tenue de respecter les termes des arrêts du Tribunal.

Ensuite, dans les arrêts de 2020, le Tribunal a considéré que les décisions attaquées ne faisaient état d’aucun examen individuel auquel aurait procédé la BCE et visant à vérifier si les parties requérantes avaient mis en œuvre des dispositifs, stratégies, processus et mécanismes afin de faire face aux risques prudentiels liés au traitement des EPI hors bilan et, le cas échéant, de s’assurer de leur pertinence au regard de tels risques.

Partant, le Tribunal indique que, dans les arrêts de 2020, il a annulé les décisions qui lui avaient été déférées, du fait que la BCE n’avait pas procédé à l’examen prudentiel individuel des parties requérantes tel qu’imposé par les dispositions{8} du règlement no 1024/2013. À cet égard, il constate que la BCE, à la suite de l’annulation des décisions ayant fait l’objet des arrêts de 2020, a développé une méthodologie pour procéder, dans le cadre de son évaluation relative au SREP pour les années suivantes, à un examen plus concret de la situation des établissements de crédit souscrivant des EPI.

En l’espèce, l’examen a été mené conformément à ladite méthodologie de la BCE et consiste en un questionnaire qui a conduit la BCE à examiner, eu égard aux réponses des établissements soumis à la surveillance prudentielle et contribuant au financement du Fonds de résolution unique (FRU) et aux systèmes de garantie des dépôts en souscrivant des EPI, si ceux-ci étaient exposés au risque de surestimation des CET 1 et, le cas échéant, si ce risque était couvert. À cette fin, les questions posées concernaient les montants des EPI souscrits, les sûretés fournies, le traitement comptable et prudentiel des EPI et des sûretés et les possibles scénarios de récupération des sûretés ou d’appel en paiement des EPI, y compris les liens entre ces différents scénarios. De plus, afin d’apprécier les dispositifs, stratégies, processus et mécanismes mis en œuvre par l’établissement de crédit concerné pour gérer le risque ainsi que les fonds propres et liquidités détenus pour couvrir ce risque, la BCE a demandé des informations additionnelles sur, notamment, le traitement comptable et prudentiel, les mesures d’atténuation des risques, les mesures de liquidités et de fonds propres et toute autre mesure utilisée pour atténuer le risque de surestimation des CET 1.

Ainsi, dans un premier temps, la BCE a déterminé si la requérante encourait un risque de surestimation des CET 1{9} et, dans un second temps, a effectué un examen de la situation individuelle de la requérante, pour déterminer si les dispositifs, stratégies, processus et mécanismes qu’elle mettait en œuvre et si les fonds propres et liquidités qu’elle détenait assuraient une gestion saine et une couverture du risque de surestimation des CET 1. La BCE est finalement arrivée à la conclusion que ces éléments, ainsi examinés, n’assuraient pas une gestion saine et une couverture du risque identifié, ce qui a justifié la mesure de déduction.

Dès lors, le Tribunal constate que la BCE a pris en compte les éléments pertinents, tels que visés par l’article 4, paragraphe 1, sous f), et par l’article 16, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1024/2013, et qu’elle a procédé à un examen individuel de la situation de la requérante.

En second lieu, s’agissant de l’argument, qu’il rejette, selon lequel la BCE n’aurait pas apporté la preuve d’un risque et que l’examen qu’elle a effectué aurait pour but de créer une règle de portée générale, le Tribunal observe, premièrement, que la BCE a bien identifié un risque propre à la requérante. En effet, dans sa mission de surveillance prudentielle, elle a pris en compte comme point de départ le traitement comptable appliqué par la requérante, en tant qu’élément factuel parmi d’autres, pour déterminer si et comment cette dernière gérait et couvrait les risques prudentiels qu’elle encourait du fait de la souscription des EPI et de l’octroi de sûretés. Ainsi, la BCE a constaté que la requérante avait opté pour un traitement comptable combiné, consistant en un traitement hors bilan des EPI, tout en faisant figurer dans son bilan comme un actif, en tant que créance de restitution, des sommes placées en garantie à leur valeur nominale totale. Un tel choix impliquait pour la BCE que la contribution au financement des fonds de résolution et de garantie des dépôts ne se reflétât pas dans le bilan, ayant pour conséquence un risque de surestimation des CET 1.

Deuxièmement, le Tribunal note que la BCE n’a créé aucune règle de portée générale dès lors que le traitement comptable des EPI et la garantie associée sont propres à chaque établissement et que les règles comptables applicables laissent une certaine marge, voire un certain choix, dont bénéficiait la requérante.

{1} Arrêts du 9 septembre 2020, Société Générale/BCE (T 143/18, non publié, EU:T:2020:389), du 9 septembre 2020, Crédit Agricole e.a./BCE (T 144/18, non publié, EU:T:2020:390), du 9 septembre 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel e.a./BCE (T 145/18, non publié, EU:T:2020:391), du 9 septembre 2020, BPCE e.a./BCE (T 146/18, non publié, EU:T:2020:392), du 9 septembre 2020, Arkéa Direct Bank e.a./BCE (T 149/18, non publié, EU:T:2020:393), et du 9 septembre 2020, BNP Paribas/BCE (T 150/18 et T 345/18, EU:T:2020:394) (ci-après les « arrêts de 2020 »).

{2} Ces engagements constituent une faculté de s’acquitter de l’obligation de contribution aux fonds de résolution ou aux systèmes de garantie, où le montant dû sera versé à première demande de l’autorité en charge des fonds de résolution ou des systèmes de garantie. Ce contrat est assorti d’une garantie de mise à disposition exclusive des fonds d’un montant égal à la cotisation due.

{3} Ces fonds sont destinés à assurer la continuité des activités d’un établissement de crédit et à prévenir les situations d’insolvabilité.

{4} Règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

{5} Décision ECB-SSM-2022-FRBNP-7 de la Banque centrale européenne, du 2 février 2022 (ci-après la « décision du 2 février 2022 »).

{6} Respectivement en application de l’article 16, paragraphe 2, sous d) et j), du règlement no 1024/2013.

{7} En violation de l’article 4, paragraphe 1, sous f), et de l’article 16, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, sous d) et j), du règlement no 1024/2013, tels que précisés par les arrêts de 2020.

{8} Article 4, paragraphe 1, sous f), et article 16, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, sous d), du règlement no 1024/2013.

{9} Conformément aux pouvoirs conférés par l’article 16, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, sous d), du règlement no 1024/2013.

Arrêt du 5 juin 2024, BNP Paribas / BCE (T-186/22) (cf. points 27-29, 32)



Arrêt du 5 juin 2024, BPCE e.a. / BCE (T-187/22) (cf. points 27-29, 32)



Arrêt du 5 juin 2024, Crédit agricole e.a. / BCE (T-188/22) (cf. points 27-29, 32)



Arrêt du 5 juin 2024, Confédération nationale du Crédit mutuel e.a. / BCE (T-189/22) (cf. points 27-29, 32)



Arrêt du 5 juin 2024, Banque postale / BCE (T-190/22) (cf. points 27-29, 32)



Arrêt du 5 juin 2024, Société générale / BCE (T-191/22) (cf. points 27-29, 32)

153. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Arrêt réduisant le montant d'une amende infligée par la Commission et provisoirement payée par l'entreprise concernée - Remboursement par la Commission du montant indûment perçu - Obligation de payer des intérêts afférents au montant remboursé à compter de la date du paiement de l'amende - Absence d'intérêts produits par les montants indûment perçus - Absence de pertinence

La Cour, réunie en grande chambre, rejette le pourvoi formé par la Commission européenne contre un arrêt du Tribunal la condamnant à verser une indemnité de 1 750 522 euros à Deutsche Telekom AG en réparation du préjudice causé par son refus de payer des intérêts sur le montant à rembourser à cette entreprise suite à la réduction d’une amende que cette dernière avait provisoirement payée.

Par décision du 15 octobre 2014{1}, la Commission a infligé à Deutsche Telekom une amende de 31 070 000 euros pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit.

Deutsche Telekom a introduit un recours en annulation de cette décision, tout en s’acquittant à titre provisoire de cette amende le 16 janvier 2015. Par arrêt du 13 décembre 2018{2}, le Tribunal a partiellement accueilli ce recours et a réduit le montant de l’amende de 12 039 019 euros. Le 19 février 2019, la Commission a remboursé ce montant à Deutsche Telekom.

Par lettre du 28 juin 2019, la Commission a, en revanche, refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue (ci-après la « période en cause »).

Saisi d’un recours introduit par Deutsche Telekom, le Tribunal{3} a notamment jugé que ce refus de la Commission de payer des intérêts constitue une violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE{4}, qui est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne. Eu égard à l’existence d’un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice qui consiste en la perte, au cours de la période en cause, des intérêts moratoires sur le montant de l’amende indûment perçu, le Tribunal a accordé à Deutsche Telekom une indemnité d’un montant de 1 750 522 euros calculée sur la base d’une application, par analogie, du taux d’intérêt prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012{5}, à savoir le taux de refinancement de la BCE en vigueur en janvier 2015, majoré de 3,5 points de pourcentage.

La Commission a saisi la Cour d’un pourvoi contre cet arrêt.

Appréciation de la Cour

Tout d’abord, la Cour écarte l’exception d’irrecevabilité soulevée par Deutsche Telekom, tirée du fait que le pourvoi serait, en réalité, dirigé non pas contre l’arrêt attaqué, mais contre l’arrêt Printeos{6} de la Cour sur lequel le Tribunal s’est fondé dans son arrêt.

Sur ce point, la Cour observe que la Commission, comme toute autre partie à un pourvoi, doit conserver la possibilité de remettre en question des principes juridiques que le Tribunal a appliqués dans l’arrêt dont l’annulation est demandée, même si ces principes ont été développés dans des arrêts qui ne peuvent pas ou plus faire l’objet d’un pourvoi.

En l’occurrence, la Commission avait elle-même fait valoir que son pourvoi visait à inviter la Cour à réexaminer sa jurisprudence issue de l’arrêt Printeos, telle qu’appliquée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. L’argumentation avancée par la Commission identifiant, en outre, avec suffisamment de précision les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les motifs pour lesquels celui-ci serait, selon elle, entaché d’erreurs de droit, la Cour déclare le pourvoi recevable.

Sur le fond, la Cour rejette en premier lieu le moyen de la Commission tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’interprétation de l’article 266 TFUE.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt déclarant cet acte nul et non avenu avec effet ex tunc. Cela induit, notamment, le paiement des sommes indûment perçues sur la base dudit acte ainsi que le versement d’intérêts. Dans ce contexte, le versement d’intérêts constitue une mesure d’exécution de l’arrêt d’annulation, en ce qu’il vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance et à inciter le débiteur à exécuter ledit arrêt dans les plus brefs délais.

Plus généralement, lorsque des sommes d’argent ont été perçues en violation du droit de l’Union, que ce soit par une autorité nationale ou une institution, un organe ou un organisme de l’Union, ces sommes d’argent doivent être restituées et cette restitution doit être majorée d’intérêts couvrant toute la période allant de la date de paiement de ces sommes d’argent à la date de leur restitution, ce qui constitue l’expression d’un principe général de répétition de l’indu.

Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la Commission a méconnu l’article 266, premier alinéa, TFUE par son refus de verser des intérêts à Deutsche Telekom sur le montant de l’amende indûment perçu au titre de la période en cause.

La validité de cette conclusion n’est pas mise en cause par le fait que le Tribunal a qualifié à plusieurs reprises les intérêts dus par la Commission en l’espèce d’« intérêts moratoires » ou d’« intérêts de retard », notions qui renvoient à l’existence d’un retard de paiement d’un débiteur ainsi qu’à une intention de sanctionner celui-ci. En effet, pour contestable que soit cette qualification eu égard à la finalité des intérêts en cause, il n’en reste pas moins que le Tribunal a considéré que la Commission était tenue d’assortir le remboursement du montant indûment perçu d’intérêts visant à indemniser forfaitairement Deutsche Telekom pour la privation de jouissance de ce montant, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

De même, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant les arguments de la Commission tirés de l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012, aux termes duquel la Commission rembourse les montants indûment perçus au tiers concerné, majorés des « intérêts produits ». En effet, cette obligation éventuelle de payer les intérêts effectivement produits est sans préjudice de celle pesant, en tout état de cause, sur la Commission, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, d’indemniser forfaitairement l’entreprise concernée pour la privation de jouissance résultant du transfert à la Commission de la somme d’argent correspondant au montant de l’amende indûment payé, y compris lorsque l’investissement du montant de l’amende payée par ladite entreprise à titre provisoire n’a pas produit de rendement.

La Cour entérine également l’analyse du Tribunal selon laquelle l’obligation de la Commission de verser des intérêts à compter de la date de la perception provisoire de l’amende ne porte pas atteinte à la fonction dissuasive des amendes, laquelle doit être conciliée avec les exigences tenant à une protection juridictionnelle effective. En tout état de cause, l’effet dissuasif des amendes ne saurait être invoqué dans le contexte d’amendes qui ont été annulées ou réduites par une juridiction de l’Union, la Commission n’étant pas en mesure de se prévaloir d’un acte déclaré illégal à des fins de dissuasion.

En second lieu, la Cour analyse le moyen de la Commission selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le taux des intérêts dus à Deutsche Telekom s’élève au taux de refinancement de la BCE majoré de 3,5 points de pourcentage, par analogie avec l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012.

Elle rappelle à cet égard qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, aux fins de la détermination du montant des intérêts qui doivent être versés à une entreprise ayant payé une amende infligée par la Commission, à la suite de l’annulation ou de la réduction de cette amende, cette institution doit appliquer l’article 83 du règlement délégué no 1268/2012 alors en vigueur, qui prévoyait plusieurs taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date limite.

La Cour relève que le taux prévu au paragraphe 2, sous b), de cet article 83, appliqué par analogie par le Tribunal dans la présente affaire, ne fixe certes pas le taux des intérêts correspondant à une indemnisation forfaitaire telle que celle en cause en l’espèce, mais l’hypothèse distincte d’un retard de paiement. Telle est précisément la raison pour laquelle le Tribunal a procédé à une application par analogie de cette disposition. Or, en appliquant par analogie le taux de refinancement de la BCE majoré de 3,5 points de pourcentage, qui n’apparaît pas déraisonnable ou disproportionné au regard de la finalité des intérêts en cause, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans l’exercice de la compétence qui lui est reconnue dans le cadre des procédures visant à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

La Cour écarte, en outre, l’argumentation subsidiaire de la Commission visant à voir appliquer par analogie le taux de 1,55 % prévu par l’article 83, paragraphe 4, du règlement délégué no 1268/2012 pour l’hypothèse où une garantie financière a été constituée.

À cet égard, la Cour relève qu’une entreprise qui, tout en ayant introduit un recours contre la décision de la Commission de lui infliger une amende, a payé cette amende à titre provisoire n’est pas dans la même situation qu’une entreprise qui constitue une garantie bancaire dans l’attente de l’épuisement des voies de recours. En effet, cette dernière entreprise n’ayant pas transféré la somme d’argent correspondant au montant de l’amende infligée, la Commission ne saurait être tenue de lui restituer un montant indûment perçu. Le seul préjudice financier éventuellement subi par l’entreprise concernée résulte de sa propre décision de constituer une garantie bancaire.

La Cour souligne enfin que, si la Commission devait considérer que les dispositions réglementaires actuelles ne prennent pas adéquatement en compte une situation telle que celle à l’origine de la présente affaire, il reviendrait à elle ou, le cas échéant, au législateur de l’Union de combler cette lacune. Cela étant, eu égard au fait que l’obligation de la Commission d’assortir d’intérêts le remboursement d’une amende totalement ou partiellement annulée par une juridiction de l’Union découle de l’article 266, premier alinéa, TFUE, toute nouvelle méthode ou modalité de calcul de ces intérêts doit respecter les objectifs poursuivis par de tels intérêts. Par conséquent, le taux d’intérêt applicable à ces intérêts ne pourrait se limiter à compenser la dépréciation monétaire, sans couvrir l’indemnisation forfaitaire de la privation temporaire de la jouissance des fonds correspondant au montant indûment perçu par la Commission.

Pour ces motifs, la Cour écarte le second moyen de la Commission et, dès lors, rejette le pourvoi dans son intégralité.

{1} Décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014,, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 - Slovak Telekom), rectifiée par la décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par la décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015.

{2} Arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

{3} Arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom/Commission (T 610/19, EU:T:2022:15, ci-après l’« arrêt attaqué »).

{4} Cette disposition prévoit l’obligation pour les institutions dont un acte est annulé par un arrêt d’une juridiction de l’Union de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

{5} Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1).

{6} Arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39).

Arrêt du 11 juin 2024, Commission / Deutsche Telekom (C-221/22 P) (cf. points 51-61, 64-68)

154. Ressources propres de l'Union européenne - Paiement d'une créance incombant à la Commission - Intérêts dus - Arrêt réduisant le montant d'une amende infligée par la Commission et provisoirement payée par l'entreprise concernée - Remboursement par la Commission du montant indûment perçu - Obligation de payer des intérêts afférents au montant remboursé à compter de la date du paiement de l'amende - Détermination du taux des intérêts dus

La Cour, réunie en grande chambre, rejette le pourvoi formé par la Commission européenne contre un arrêt du Tribunal la condamnant à verser une indemnité de 1 750 522 euros à Deutsche Telekom AG en réparation du préjudice causé par son refus de payer des intérêts sur le montant à rembourser à cette entreprise suite à la réduction d’une amende que cette dernière avait provisoirement payée.

Par décision du 15 octobre 2014{1}, la Commission a infligé à Deutsche Telekom une amende de 31 070 000 euros pour abus de position dominante sur le marché slovaque des services de télécommunication à haut débit.

Deutsche Telekom a introduit un recours en annulation de cette décision, tout en s’acquittant à titre provisoire de cette amende le 16 janvier 2015. Par arrêt du 13 décembre 2018{2}, le Tribunal a partiellement accueilli ce recours et a réduit le montant de l’amende de 12 039 019 euros. Le 19 février 2019, la Commission a remboursé ce montant à Deutsche Telekom.

Par lettre du 28 juin 2019, la Commission a, en revanche, refusé de verser à Deutsche Telekom des intérêts pour la période comprise entre la date de paiement de l’amende et la date de remboursement de la partie de l’amende jugée indue (ci-après la « période en cause »).

Saisi d’un recours introduit par Deutsche Telekom, le Tribunal{3} a notamment jugé que ce refus de la Commission de payer des intérêts constitue une violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE{4}, qui est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne. Eu égard à l’existence d’un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice qui consiste en la perte, au cours de la période en cause, des intérêts moratoires sur le montant de l’amende indûment perçu, le Tribunal a accordé à Deutsche Telekom une indemnité d’un montant de 1 750 522 euros calculée sur la base d’une application, par analogie, du taux d’intérêt prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012{5}, à savoir le taux de refinancement de la BCE en vigueur en janvier 2015, majoré de 3,5 points de pourcentage.

La Commission a saisi la Cour d’un pourvoi contre cet arrêt.

Appréciation de la Cour

Tout d’abord, la Cour écarte l’exception d’irrecevabilité soulevée par Deutsche Telekom, tirée du fait que le pourvoi serait, en réalité, dirigé non pas contre l’arrêt attaqué, mais contre l’arrêt Printeos{6} de la Cour sur lequel le Tribunal s’est fondé dans son arrêt.

Sur ce point, la Cour observe que la Commission, comme toute autre partie à un pourvoi, doit conserver la possibilité de remettre en question des principes juridiques que le Tribunal a appliqués dans l’arrêt dont l’annulation est demandée, même si ces principes ont été développés dans des arrêts qui ne peuvent pas ou plus faire l’objet d’un pourvoi.

En l’occurrence, la Commission avait elle-même fait valoir que son pourvoi visait à inviter la Cour à réexaminer sa jurisprudence issue de l’arrêt Printeos, telle qu’appliquée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. L’argumentation avancée par la Commission identifiant, en outre, avec suffisamment de précision les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les motifs pour lesquels celui-ci serait, selon elle, entaché d’erreurs de droit, la Cour déclare le pourvoi recevable.

Sur le fond, la Cour rejette en premier lieu le moyen de la Commission tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’interprétation de l’article 266 TFUE.

À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt déclarant cet acte nul et non avenu avec effet ex tunc. Cela induit, notamment, le paiement des sommes indûment perçues sur la base dudit acte ainsi que le versement d’intérêts. Dans ce contexte, le versement d’intérêts constitue une mesure d’exécution de l’arrêt d’annulation, en ce qu’il vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance et à inciter le débiteur à exécuter ledit arrêt dans les plus brefs délais.

Plus généralement, lorsque des sommes d’argent ont été perçues en violation du droit de l’Union, que ce soit par une autorité nationale ou une institution, un organe ou un organisme de l’Union, ces sommes d’argent doivent être restituées et cette restitution doit être majorée d’intérêts couvrant toute la période allant de la date de paiement de ces sommes d’argent à la date de leur restitution, ce qui constitue l’expression d’un principe général de répétition de l’indu.

Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la Commission a méconnu l’article 266, premier alinéa, TFUE par son refus de verser des intérêts à Deutsche Telekom sur le montant de l’amende indûment perçu au titre de la période en cause.

La validité de cette conclusion n’est pas mise en cause par le fait que le Tribunal a qualifié à plusieurs reprises les intérêts dus par la Commission en l’espèce d’« intérêts moratoires » ou d’« intérêts de retard », notions qui renvoient à l’existence d’un retard de paiement d’un débiteur ainsi qu’à une intention de sanctionner celui-ci. En effet, pour contestable que soit cette qualification eu égard à la finalité des intérêts en cause, il n’en reste pas moins que le Tribunal a considéré que la Commission était tenue d’assortir le remboursement du montant indûment perçu d’intérêts visant à indemniser forfaitairement Deutsche Telekom pour la privation de jouissance de ce montant, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

De même, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rejetant les arguments de la Commission tirés de l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012, aux termes duquel la Commission rembourse les montants indûment perçus au tiers concerné, majorés des « intérêts produits ». En effet, cette obligation éventuelle de payer les intérêts effectivement produits est sans préjudice de celle pesant, en tout état de cause, sur la Commission, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, d’indemniser forfaitairement l’entreprise concernée pour la privation de jouissance résultant du transfert à la Commission de la somme d’argent correspondant au montant de l’amende indûment payé, y compris lorsque l’investissement du montant de l’amende payée par ladite entreprise à titre provisoire n’a pas produit de rendement.

La Cour entérine également l’analyse du Tribunal selon laquelle l’obligation de la Commission de verser des intérêts à compter de la date de la perception provisoire de l’amende ne porte pas atteinte à la fonction dissuasive des amendes, laquelle doit être conciliée avec les exigences tenant à une protection juridictionnelle effective. En tout état de cause, l’effet dissuasif des amendes ne saurait être invoqué dans le contexte d’amendes qui ont été annulées ou réduites par une juridiction de l’Union, la Commission n’étant pas en mesure de se prévaloir d’un acte déclaré illégal à des fins de dissuasion.

En second lieu, la Cour analyse le moyen de la Commission selon lequel le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le taux des intérêts dus à Deutsche Telekom s’élève au taux de refinancement de la BCE majoré de 3,5 points de pourcentage, par analogie avec l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012.

Elle rappelle à cet égard qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, aux fins de la détermination du montant des intérêts qui doivent être versés à une entreprise ayant payé une amende infligée par la Commission, à la suite de l’annulation ou de la réduction de cette amende, cette institution doit appliquer l’article 83 du règlement délégué no 1268/2012 alors en vigueur, qui prévoyait plusieurs taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date limite.

La Cour relève que le taux prévu au paragraphe 2, sous b), de cet article 83, appliqué par analogie par le Tribunal dans la présente affaire, ne fixe certes pas le taux des intérêts correspondant à une indemnisation forfaitaire telle que celle en cause en l’espèce, mais l’hypothèse distincte d’un retard de paiement. Telle est précisément la raison pour laquelle le Tribunal a procédé à une application par analogie de cette disposition. Or, en appliquant par analogie le taux de refinancement de la BCE majoré de 3,5 points de pourcentage, qui n’apparaît pas déraisonnable ou disproportionné au regard de la finalité des intérêts en cause, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans l’exercice de la compétence qui lui est reconnue dans le cadre des procédures visant à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

La Cour écarte, en outre, l’argumentation subsidiaire de la Commission visant à voir appliquer par analogie le taux de 1,55 % prévu par l’article 83, paragraphe 4, du règlement délégué no 1268/2012 pour l’hypothèse où une garantie financière a été constituée.

À cet égard, la Cour relève qu’une entreprise qui, tout en ayant introduit un recours contre la décision de la Commission de lui infliger une amende, a payé cette amende à titre provisoire n’est pas dans la même situation qu’une entreprise qui constitue une garantie bancaire dans l’attente de l’épuisement des voies de recours. En effet, cette dernière entreprise n’ayant pas transféré la somme d’argent correspondant au montant de l’amende infligée, la Commission ne saurait être tenue de lui restituer un montant indûment perçu. Le seul préjudice financier éventuellement subi par l’entreprise concernée résulte de sa propre décision de constituer une garantie bancaire.

La Cour souligne enfin que, si la Commission devait considérer que les dispositions réglementaires actuelles ne prennent pas adéquatement en compte une situation telle que celle à l’origine de la présente affaire, il reviendrait à elle ou, le cas échéant, au législateur de l’Union de combler cette lacune. Cela étant, eu égard au fait que l’obligation de la Commission d’assortir d’intérêts le remboursement d’une amende totalement ou partiellement annulée par une juridiction de l’Union découle de l’article 266, premier alinéa, TFUE, toute nouvelle méthode ou modalité de calcul de ces intérêts doit respecter les objectifs poursuivis par de tels intérêts. Par conséquent, le taux d’intérêt applicable à ces intérêts ne pourrait se limiter à compenser la dépréciation monétaire, sans couvrir l’indemnisation forfaitaire de la privation temporaire de la jouissance des fonds correspondant au montant indûment perçu par la Commission.

Pour ces motifs, la Cour écarte le second moyen de la Commission et, dès lors, rejette le pourvoi dans son intégralité.

{1} Décision C(2014) 7465 final de la Commission, du 15 octobre 2014,, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 - Slovak Telekom), rectifiée par la décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par la décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015.

{2} Arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

{3} Arrêt du 19 janvier 2022, Deutsche Telekom/Commission (T 610/19, EU:T:2022:15, ci-après l’« arrêt attaqué »).

{4} Cette disposition prévoit l’obligation pour les institutions dont un acte est annulé par un arrêt d’une juridiction de l’Union de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

{5} Règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1).

{6} Arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39).

Arrêt du 11 juin 2024, Commission / Deutsche Telekom (C-221/22 P) (cf. points 78-87)

155. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Obligation d'adopter des mesures d'exécution - Portée - Large marge d'appréciation de l'auteur de l'acte annulé - Caractère rétroactif à titre exceptionnel - Conditions - Accomplissement d'un objectif d'intérêt général et respect de la confiance légitime

Statuant en formation élargie, le Tribunal rejette le recours introduit par International Management Group (IMG) tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 8 juin 2021 par laquelle la Commission européenne a refusé de lui reconnaître, avec effet rétroactif au 16 décembre 2014, le statut d’organisation internationale prévu par la réglementation financière de l’Union européenne pour la mise en œuvre des fonds de l’Union selon le mode de la gestion indirecte{1} (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis. L’examen de la légalité de la décision attaquée donne l’opportunité au Tribunal de préciser, d’une part, le degré de contrôle approprié du juge de l’Union en la matière ainsi que, d’autre part, les notions d’« accord international » et d’« organisation internationale », telles que définies par des instruments du droit international public et la jurisprudence, notamment celle des juridictions internationales.

IMG, le requérant, a été créé le 25 novembre 1994{2}, dans le but de permettre aux États et aux organisations internationales participant à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine de disposer à cette fin d’une entité dédiée.

Le 7 novembre 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution, relative au programme d’action annuel pour 2013 en faveur du Myanmar/de la Birmanie{3} à financer sur le budget général de l’Union, sur le fondement du règlement no 966/2012{4}. Cette décision prévoyait, notamment, un programme de développement du commerce dont le coût devait être financé par l’Union et dont la mise en œuvre devait être assurée en gestion conjointe avec le requérant.

Le 17 février 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a informé la Commission de l’ouverture d’une enquête sur le statut du requérant. Le 15 décembre 2014, la Commission a reçu le rapport établi par l’OLAF au terme de son enquête. Dans ce rapport, l’OLAF a considéré, en substance, que le requérant ne constituait pas une organisation internationale, au sens du règlement no 1605/2002{5} et du règlement no 966/2012 qui lui a succédé

Le 16 décembre 2014, la Commission a décidé de confier la mise en œuvre, en gestion indirecte, du programme de développement du commerce prévu par la décision d’exécution susmentionnée à une autre organisation que le requérant (ci-après la « décision du 16 décembre 2014 »)

Enfin, le 8 mai 2015, la Commission a adressé au requérant une lettre pour l’informer des suites qu’elle entendait donner au rapport de l’OLAF, et dans laquelle elle a indiqué qu’elle avait décidé, entre autres, que, jusqu’à ce qu’il y ait une certitude absolue quant à son statut d’organisation internationale, ses services ne concluraient plus avec lui de nouvelle convention de délégation selon le mode de la gestion indirecte prévu par le règlement no 966/2012 (ci-après la « décision du 8 mai 2015 »).

Le requérant a introduit deux recours devant le Tribunal, tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 16 décembre 2014 et, d’autre part, à l’annulation de la décision du 8 mai 2015 ainsi qu’à la réparation des dommages causés par celle-ci. À la suite du rejet de ces deux recours, par les arrêts du 2 février 2017, International Management Group/Commission{6}, et du 2 février 2017, IMG/Commission{7}, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour. Par un arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission{8}, la Cour a annulé ces deux arrêts du Tribunal ainsi que les décisions des 16 décembre 2014 et 8 mai 2015 et a renvoyé l’affaire T 381/15 devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la demande de réparation du requérant relative aux dommages prétendument causés par la décision du 8 mai 2015.

Par un arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission{9}, le Tribunal a rejeté la demande du requérant tendant à la réparation des préjudices prétendument causés par la décision du 8 mai 2015. Celui-ci a formé un pourvoi devant la Cour.

Le 8 juin 2021, après des échanges avec le requérant qui a présenté ses observations, la Commission a finalement adopté la décision attaquée.

Par un arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission{10}, la Cour a annulé partiellement l’arrêt du Tribunal du 9 septembre 2020 et a renvoyé l’affaire T 381/15 RENV devant lui pour qu’il soit statué sur la demande du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument causé par la décision du 8 mai 2015.

Appréciation du Tribunal

Dans un premier temps, le Tribunal rejette les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision attaquée.

Le Tribunal constate, tout d’abord, que la décision attaquée a suffisamment exposé les considérations juridiques et factuelles sur lesquelles elle était fondée et qui étaient de nature à mettre le requérant à même d’en apprécier la légalité et à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle

Ensuite, le Tribunal rejette le premier moyen du requérant, tiré de plusieurs erreurs de droit, notamment de la violation de l’article 266 TFUE, de l’autorité de la chose jugée, du principe de non-rétroactivité des actes de l’Union et du principe d’égalité. Le Tribunal rejette également le troisième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique ainsi que le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de diligence et du principe d’impartialité.

Enfin, le Tribunal rejette le quatrième moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit par lesquelles le requérant reprochait à la Commission d’avoir refusé de qualifier son acte constitutif d’accord international instituant une organisation internationale et de lui reconnaître le statut d’organisation internationale nonobstant la pratique ultérieure de ses membres

- Sur le degré de contrôle du juge de l’Union en l’espèce

Dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, le Tribunal apporte des précisions sur le degré de contrôle du juge de l’Union sur la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée. Il rappelle, à cet égard, que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle exerce sa responsabilité d’exécuter le budget de l’Union, en particulier, lorsqu’elle choisit d’exécuter ce budget selon le mode de la gestion indirecte et que, en application de cette modalité de gestion, elle confie des tâches d’exécution budgétaire à des organisations internationales. Ainsi, lorsque la Commission exerce les prérogatives définies ci-dessus, les décisions faisant grief qu’elle adopte dans ce cadre sont soumises à un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation de la part du Tribunal, sans préjudice de l’examen des autres motifs d’illégalité susceptibles d’être invoqués dans le cadre d’un recours en annulation, conformément à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE

Néanmoins, lorsque, comme en l’espèce, la Commission refuse de confier à une organisation des tâches d’exécution budgétaire selon le mode de la gestion indirecte au motif que cette organisation ne revêt pas le statut d’organisation internationale, la légalité d’une telle décision est soumise à un contrôle du Tribunal, à la fois, de l’erreur de droit et de l’erreur manifeste d’appréciation.

En effet, en pareille hypothèse, la mise en œuvre par la Commission des normes à caractère général qui permettent de définir et d’identifier des organisations internationales relève d’un contrôle de l’erreur de droit, tandis que l’interprétation des règles propres de l’organisation qui prétend être une organisation internationale en vue de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte ainsi que l’interprétation des prises de position de ses membres, qui sont susceptibles de revêtir une certaine complexité, sont soumises à un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation.

- Sur les notions d’« organisation internationale » et d’ « accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget selon le mode de la gestion indirecte

À titre liminaire, le Tribunal rappelle que la notion d’« organisation internationale », telle que définie par les dispositions successives de la réglementation financière de l’Union{11}, recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux. En effet, le droit de l’Union doit être interprété à la lumière des règles pertinentes du droit international, ce droit faisant partie de l’ordre juridique de l’Union et liant ses institutions.

Toutefois, dans la mesure où les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » sont utilisées par la réglementation financière de l’Union en vue de la finalité spécifique de l’exécution de son budget, elles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, et ce afin de protéger les intérêts financiers de l’Union.

Ainsi, dans un litige tel que celui de l’espèce, le Tribunal doit faire application des notions du droit international public auxquelles se réfère la réglementation financière de l’Union en recourant aux instruments de ce droit qui définissent ces notions, tels qu’interprétés selon la jurisprudence. En particulier, dans la présente affaire, le Tribunal interprète les notions d’« organisation internationale » et d’« accord international » prévues par la réglementation financière de l’Union pour l’exécution de son budget en gestion indirecte à la lumière des principes coutumiers du droit international public contenus, notamment, dans la convention de Vienne{12} et le projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales{13}.

À cet égard, il ressort de l’article 2, paragraphe 1, sous i), de la convention de Vienne que l’expression « organisation internationale » s’entend d’une organisation intergouvernementale. Par ailleurs, l’article 2, sous a), du projet d’articles précise que cette expression désigne toute organisation instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international et dotée d’une personnalité juridique internationale propre et que, outre des États, une organisation internationale peut comprendre parmi ses membres des entités autres que des États.

En premier lieu, s’agissant de la condition afférente à l’institution par un traité ou un autre instrument régi par le droit international, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la convention de Vienne que l’expression « traité » s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière. Ainsi, ce ou ces instruments peuvent constituer l’expression du concours de volontés de deux ou de plusieurs sujets de droit international qu’ils formalisent. En outre, il résulte de la jurisprudence des juridictions internationales que, quelle que soit son importance sur le plan politique, un document signé par des États ne saurait constituer un accord international s’il ne contient aucune disposition créant des droits ou des obligations auxquels ces États auraient consenti{14}.

En second lieu, s’agissant de la condition afférente à la possession d’une personnalité juridique internationale propre, il ressort de la jurisprudence des juridictions internationales que, premièrement, la reconnaissance d’une organisation internationale est subordonnée à la détention, par l’organisation concernée, d’une personnalité morale. En effet, une entité instituée par des États et, le cas échéant, par une ou plusieurs organisations internationales ne revêt pas, en l’absence d’une personnalité juridique qui lui est propre, le caractère d’une organisation internationale, mais celui d’un organe dépendant soit des États qui l’ont constitué{15}, soit d’une organisation internationale auprès de laquelle cette entité est hébergée{16}.

Deuxièmement, il ressort également de la jurisprudence des juridictions internationales que les organisations internationales bénéficient, en principe, de privilèges et d’immunités qui sont nécessaires à l’exercice de leurs missions{17}. En effet, à la différence de l’immunité juridictionnelle des États, fondée sur le principe « par in parem non habet imperium », les immunités des organisations internationales sont, en principe, conférées par les traités constitutifs de ces organisations et revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’elles visent à éviter qu’une entrave soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance des organisations concernées.

Troisièmement, il résulte de la jurisprudence que les actes constitutifs des organisations internationales sont des traités d’un type particulier, en ce qu’ils ont pour objet de créer des sujets de droit nouveaux, dotés d’une certaine autonomie, auxquels les parties confient pour tâche la réalisation de buts communs. Ainsi, les organisations internationales sont régies par le « principe de spécialité », c’est-à-dire qu’elles sont dotées par les États qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir et qui font normalement l’objet d’une formulation expresse dans leur acte constitutif{18}.

Ainsi, une organisation internationale ne peut être réduite à un simple mécanisme facultatif mis à la disposition des parties que chacune d’entre elles pourrait utiliser à sa guise. En effet, en créant une organisation internationale et en la dotant de tous les moyens nécessaires à son fonctionnement, ses fondateurs manifestent leur volonté de donner les meilleures garanties de stabilité, de continuité et d’efficacité à l’exercice des missions confiées à cette organisation, de sorte qu’ils ne peuvent sortir unilatéralement et au moment qu’ils jugent opportun de ce cadre, ni lui substituer d’autres canaux de communication{19}.

- Sur la qualification par le Tribunal de l’acte fondateur d’IMG d’« accord international »

Le Tribunal examine le contenu et la portée de la résolution du 25 novembre 1994, afin de déterminer si ce document comporte des engagements juridiquement contraignants pour ses signataires.

À cet égard, le Tribunal relève qu’il ressort des termes de la résolution du 25 novembre 1994 que ses signataires ont approuvé des règles d’organisation du requérant, notamment en confirmant son directeur général et en décidant de la mise en place d’un comité de gouvernance en son sein. En particulier, si cette résolution n’emportait aucune obligation pour ses auteurs de devenir membres du requérant, son point 5 prévoyait l’obligation pour les États signataires de décider d’intégrer le requérant dans le cadre global pour la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine ou de mettre progressivement un terme à ses activités. Ainsi, ladite résolution comportait bien au moins un engagement juridiquement contraignant pour ses signataires, de sorte qu’elle ne saurait être regardée comme étant une déclaration dont la portée serait exclusivement politique.

Par conséquent, le Tribunal juge que la Commission a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 constituait une déclaration politique dépourvue de caractère juridiquement contraignant.

Le Tribunal estime également que la Commission a entaché la décision attaquée d’une autre erreur de droit en refusant de qualifier cette résolution d’accord international, en raison de l’absence des pleins pouvoirs des participants à la réunion du même jour, dès lors que la signature de ladite résolution a été confirmée ultérieurement par au moins deux États.

À cet égard, le Tribunal rappelle que lorsqu’un document est signé par des personnes qui n’ont pas l’autorité nécessaire pour engager les États dont elles relèvent, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la convention de Vienne, un tel document ne saurait être considéré comme un accord international juridiquement contraignant, sauf à ce que ces personnes soient habilitées à engager lesdits États sans avoir à produire de pleins pouvoirs, en application du paragraphe 2 du même article{20}.

Toutefois, en l’espèce, le Tribunal constate que, par leur participation à l’adoption des statuts initiaux ou ultérieurs du requérant ou en siégeant au sein de son comité de gouvernance ou de son comité permanent, certains États signataires de la résolution du 25 novembre 1994 ont agi de manière telle qu’ils ont laissé paraître comme acquis les actes de signature de cet acte par leurs représentants et ont ainsi confirmé ultérieurement, au sens de l’article 8 de la convention de Vienne, la signature de cette résolution qui avait pour but d’instituer le requérant.

Cependant, le Tribunal estime que ces erreurs de droit demeurent, à ce stade de l’examen, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu’elles n’affectent pas la condition prévue par la réglementation financière de l’Union selon laquelle le requérant, pour pouvoir bénéficier de l’exécution du budget de l’Union selon le mode de la gestion indirecte prévu au bénéfice des organisations internationales, doit avoir été fondé par un accord international ayant eu pour objet de l’instituer en qualité d’organisation internationale. Dès lors, les illégalités constatées ne sont pas, à elles seules, de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée.

- Sur l’interprétation par le Tribunal de l’intention des signataires de l’acte fondateur d’IMG et de la pratique ultérieure des États signataires et des États membres de cette entité

En l’espèce, le Tribunal estime que la Commission n’a pas entaché la décision attaquée d’une erreur de droit en considérant que la résolution du 25 novembre 1994 n’avait eu ni pour objet ni pour effet de conférer au requérant le statut d’organisation internationale.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 31 de la convention de Vienne, qui exprime le droit coutumier international, un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes de ce traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

Le Tribunal estime ensuite que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, dans la décision attaquée, que la pratique ultérieure faisant suite à l’adoption de la résolution du 25 novembre 1994, puis à l’adoption des statuts initiaux et des statuts de 2012 n’attestait pas une reconnaissance suffisamment large et claire de la qualité d’organisation internationale du requérant, tant de la part des signataires de cette résolution que de ses membres.

À cet égard, le Tribunal s’appuie sur la jurisprudence selon laquelle des instruments ne sauraient être considérés comme constitutifs d’un accord ultérieur ou d’une pratique ultérieure établissant l’accord des parties à l’égard de l’interprétation d’un traité, au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous a) et b), de la convention de Vienne, si ces instruments ont été adoptés sans l’appui de tous les États parties audit traité{21}.

Dans un second temps, le Tribunal rejette les conclusions indemnitaires du requérant tendant à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis, en rappelant notamment que les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée ont été rejetées, de sorte que n’est pas satisfaite la première condition permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et tenant à l’existence d’une violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

{1} Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).

{2} Création par le document du 25 novembre 1994 relatif à l’établissement d’International Management Group - Infrastructure pour la Bosnie-Herzégovine (IMG-IBH) (ci-après la « résolution du 25 novembre 1994 »).

{3} Décision d’exécution C(2013) 7682 final.

{4} Article 84 du règlement no 966/2012.

{5} Règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).

{6} Arrêt du 2 février 2017, International Management Group/Commission (T 29/15, non publié, EU:T:2017:56).

{7} Arrêt du 2 février 2017, IMG/Commission (T 381/15, non publié, EU:T:2017:57).

{8} Arrêt du 31 janvier 2019, International Management Group/Commission (C 183/17 P et C 184/17 P, EU:C:2019:78).

{9} Arrêt du 9 septembre 2020, IMG/Commission (T 381/15 RENV, EU:T:2020:406).

{10} Arrêt du 22 septembre 2022, IMG/Commission (C 619/20 P et C 620/20 P, EU:C:2022:722).

{11} La notion d’« organisation internationale », mentionnée aux articles 53 et 53 quinquies du règlement no 1605/2002, à l’article 58 du règlement no 966/2012 et à l’article 62 du règlement 2018/1046, a été définie, dans des termes quasiment identiques, à l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 2342/2002, puis à l’article 43, paragraphe 1, du règlement délégué no 1268/2012, qui a abrogé et remplacé le règlement no 2342/2002, et à l’article 156 du règlement 2018/1046. Ainsi, en vertu de ces trois dernières dispositions, cette notion recouvre les organisations de droit international public créées par des accords internationaux.

{12} Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne »).

{13} Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales adopté par la Commission du droit international des Nations unies à sa soixante-troisième session, en 2011, et soumis à l’Assemblée générale dans le cadre de son rapport sur les travaux de ladite session (A/66/10) [Annuaire de la Commission du droit international, 2011, vol. II(2), ci-après le « projet d’articles »).

{14} Voir arrêt de la Cour internationale de justice, Obligation de négocier un accès à l’océan pacifique (Bolivie c. Chili), du 1er octobre 2018, Recueil 2018, p. 507, points 105 et 106 et jurisprudence citée.

{15} Voir, en ce sens, arrêt de la Cour internationale de justice, Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), du 26 juin 1992, exceptions préliminaires, Recueil 1992, p. 240, point 47.

{16} Voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, points 57 et 61.

{17} Voir, en ce sens, arrêt de la Cour permanente d’arbitrage, Dr. Reineccius e.a. c. Bank for International Settlements, du 22 novembre 2002, affaire no 2000-04, point 108 ; avis consultatif de la Cour internationale de justice, jugement no 2867 du Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole, du 1er février 2012, Recueil 2012, p. 10, point 58 et arrêt de la Cour internationale de justice, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), du 20 avril 2010, Recueil 2010, p. 14, point 88.

{18} Voir, en ce sens, avis consultatif de la Cour internationale de justice, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p. 66, points 19 et 25 ; arrêts de la Cour internationale de justice, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, du 11 juin 1998, exceptions préliminaires, Recue...

Arrêt du 4 septembre 2024, IMG / Commission (T-509/21) (cf. points 95-99, 125, 127, 135)

156. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par le juge de l'Union - Conditions

Accueillant le recours en annulation introduit par des gestionnaires de réseau de transport d’électricité (ci-après les « GRT »), le Tribunal annule une décision de la commission de recours de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) (ci-après la « commission de recours ») au motif qu’elle est entachée d’une illégalité concernant la détermination du niveau de tolérance des flux de boucle et d’une insuffisance de motivation. Pour autant, la juridiction confirme la légalité du champ d’application d’une méthodologie pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie, adoptée par l’ACER, incluant des éléments de réseau internes qui ne sont pas « critiques ».

Le 24 juillet 2015, la Commission européenne a adopté le règlement 2015/1222{1}. Ce règlement énonce une série d’exigences, dans le secteur de l’électricité, relatives à l’allocation de la capacité d’échange entre zones et à la gestion de la congestion sur les marchés journalier et infrajournalier, dont, notamment, la détermination d’une méthodologie commune pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie ayant une incidence transfrontalière{2}.

En application de ce règlement, les GRT de la région « CORE »{3}ont soumis à l’ensemble des autorités de régulation nationales (ci-après les « ARN ») de cette région une proposition relative à ladite méthodologie.

Les ARN n’étant pas parvenues à un accord concernant cette proposition, l’ACER a, en vertu du même règlement, le 30 novembre 2020, adopté une décision portant approbation d’une méthodologie pour la répartition des coûts (ci-après la « méthodologie pour la répartition des coûts contestée »).

Les requérantes, TenneT TSO GmbH et TenneT TSO BV, en leur qualité de GRT exploitant un réseau de transport d’électricité respectivement dans une partie de l’Allemagne et aux Pays-Bas, ont alors formé un recours devant la commission de recours à l’encontre de cette décision. Celui-ci ayant été rejeté, elles ont saisi le Tribunal d’un recours en annulation contre la décision de la commission de recours (ci-après la « décision attaquée »).

Appréciation du Tribunal

Avant de statuer sur le fond, le Tribunal déclare partiellement irrecevable le mémoire en intervention de la République fédérale d’Allemagne, certains moyens invoqués n’étant pas suffisamment développés pour permettre au Tribunal de statuer sur ceux-ci. Ainsi, le renvoi global au mémoire en intervention soumis dans une affaire liée ayant également pour objet l’annulation de la décision attaquée, annexé au mémoire en intervention dans la présente affaire, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui doit figurer dans le mémoire en intervention.

Poursuivant son analyse sur le fond, la juridiction examine successivement les trois moyens soulevés par les requérantes, à savoir, un moyen tiré d’une erreur de droit lors de la détermination du champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, un moyen tiré du caractère illégal de la méthode de décomposition des flux retenue dans cette méthodologie et un moyen tiré d’une détermination erronée du niveau de tolérance pour les flux de boucle légitimes.

Sur le moyen relatif au champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée

À titre liminaire, le Tribunal rappelle que le redispatching{4} et les échanges de contrepartie{5}constituent des actions correctives{6} coûteuses mises en œuvre pour soulager les congestions physiques sur le réseau de transport d’électricité.

À cet égard, l’article 74, paragraphes 2 et 4, du règlement 2015/1222 prévoit l’adoption de solutions de partage des coûts pour les actions correctives ayant une incidence transfrontalière et établit que la méthodologie pour la répartition des coûts doit définir quels sont les coûts générés par le recours au redispatching ou aux échanges de contrepartie dans le but d’assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones, qui sont éligibles à la répartition entre tous les GRT d’une région pour le calcul de la capacité, en l’espèce la région CORE.

Par ailleurs, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 prévoit une répartition des coûts des actions correctives visant à soulager les congestions entre deux zones de dépôt des offres{7}, en fonction de la contribution des flux résultant de transactions internes à une zone à la congestion observée entre deux zones.

Le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée s’étend non seulement à des éléments de réseau entre zones (interconnexions), mais également à tous les éléments de réseau internes avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kilovolts (kV). En effet, selon cette méthodologie, les opérations de redispatching et d’échanges de contrepartie ayant une incidence transfrontalière sont, en principe, toutes les opérations visant à soulager une congestion sur des éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière, tels qu’identifiés notamment par la méthodologie pour la coordination régionale de la sécurité d’exploitation dans la région CORE [ci-après la « méthodologie sécurité (ROSC) »]. Selon la méthodologie sécurité (ROSC), les éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière sont tous les éléments critiques de réseau qui sont pris en compte dans le processus de calcul de la capacité d’échanges entre zones, ainsi que les éléments de réseau internes avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV.

Selon les requérantes, il conviendrait d’exclure de la répartition les coûts des actions correctives attribués aux éléments de réseau internes qui ne sont pas des éléments critiques de réseau, étant donné que les congestions sur ces éléments seraient des congestions « internes », qui ne rentreraient pas dans la définition des congestions « entre zones ».

À cet égard, le Tribunal précise que l’article 74, paragraphe 4, sous b), du règlement 2015/1222 vise à répartir les coûts des actions correctives qui ont pour but d’assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones. Le règlement 2015/1222 étant un acte d’exécution, il doit être interprété conformément à son règlement de base, à savoir le règlement 2019/943, dont l’article 16, paragraphe 13, vise, quant à lui, les coûts des actions correctives activées en vue d’assurer les échanges entre zones.

Ainsi, afin de vérifier si la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, telle que confirmée par la décision attaquée, est compatible avec les dispositions précitées, il convient de déterminer quelles congestions doivent être soulagées de manière coordonnée pour assurer les échanges entre zones, conformément à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, ce qui permettra ensuite d’établir si les actions correctives visées par la méthodologie contestée ont pour but d’assurer la fermeté de la capacité d’échanges entre zones, au sens de l’article 74, paragraphe 4, sous b), du règlement 2015/1222.

Premièrement, le Tribunal relève que le seul fait d’inclure, dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, des coûts engendrés par les congestions sur les éléments de réseau avec une tension supérieure ou égale à 220 kV ne saurait être contraire à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, dès lors que cette disposition implique uniquement de déterminer quelles congestions doivent être soulagées de manière coordonnée pour assurer les échanges entre zones.

Deuxièmement, le fait que les congestions puissent être soulagées en utilisant jusqu’à 30 % de la capacité de chaque élément critique de réseau, alors que 70 % de cette capacité doit rester disponible pour les échanges entre zones, n’implique pas qu’il faille uniquement partager les coûts des actions correctives réalisées sur lesdits éléments critiques. En effet, les actions correctives sur les éléments non critiques de réseau peuvent contribuer à l’atténuation des congestions sur des éléments critiques de réseau, assurant ainsi la fermeté de la capacité d’échanges entre zones.

Troisièmement, le Tribunal ajoute que les actions correctives coûteuses du redispatching et des échanges de contrepartie surviennent uniquement dans le cadre du processus d’évaluation régionale de la sécurité d’exploitation (ci-après le « processus CROSA »), établi par la méthodologie sécurité (ROSC), qui a notamment pour objectif de coordonner les actions correctives ayant une incidence transfrontalière au sens de cette méthodologie. L’optimisation des actions correctives prévue par ce processus implique d’identifier l’action corrective la plus efficace pour résoudre les congestions sur tous les éléments de réseau (critiques ou non critiques) avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV.

Il s’ensuit que toutes les congestions gérées de manière coordonnée dans le cadre du processus CROSA correspondent à des congestions « entre zones » au sens de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, et que toutes les mesures correctives activées dans le cadre de ce processus pour soulager les congestions en cause contribuent à assurer la fermeté de la capacité d’échanges entre zones, conformément l’article 74, paragraphe 4, sous b), du règlement 2015/122. Par conséquent, conformément au principe du « pollueur payeur », les coûts de ces actions correctives doivent être partagés entre les GRT.

Sur le moyen relatif à la décomposition des flux

Les requérantes reprochent notamment à la commission de recours de ne pas avoir examiné les arguments qu’elles avaient soulevés à l’encontre de la méthode de décomposition des flux retenue dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, telle que confirmée par la décision attaquée.

À titre liminaire, le Tribunal observe que la décomposition des flux, qui vise à identifier les types de flux à l’origine des congestions sur des éléments de réseau, est une étape nécessaire et importante dans le cadre de la répartition des coûts des actions correctives, dès lors qu’elle fournit des données d’entrée nécessaires à la répartition desdits coûts. Ainsi, dans la mesure où les arguments des requérantes concernaient la conception même de la méthode de décomposition des flux retenue et, par conséquent, des éléments essentiels de la décision attaquée, la commission de recours devait y répondre pour s’acquitter de son obligation de motivation. Or, la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation sur ce point, qui ne permet pas aux requérantes de connaître les justifications de cette décision et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel sur celle-ci.

L’insuffisance de motivation relevant de la violation des formes substantielles au sens de l’article 263 TFUE, le Tribunal annule la décision attaquée sur ce fondement.

Sur le moyen relatif au niveau de tolérance pour les flux de boucle

Les requérantes contestent le niveau de tolérance fixé par l’ACER dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, telle que confirmée par la commission de recours dans la décision attaquée, en ce qui concerne les flux de boucle{8}, qui figurent parmi les types de flux physiques susceptibles de causer une congestion.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, les coûts induits par les flux résultant de transactions internes qui contribuent à la congestion observée entre deux zones de dépôt des offres, mais qui sont inférieurs au niveau attendu sans congestion structurelle{9} dans une zone de dépôt des offres (ci-après le « niveau de tolérance »), sont exclus de la répartition des coûts des actions correctives visée par cette disposition. Aux termes de la même disposition, le niveau de tolérance doit être analysé et défini par les GRT pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres.

En l’espèce, les GRT n’ayant pas effectué l’analyse requise, l’ACER s’est considérée comme étant autorisée à, voire obligée de, fixer elle-même un niveau de tolérance provisoire sans disposer de cette analyse, afin d’éviter une situation d’impasse lors de l’adoption de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée. Ainsi, l’ACER a fixé un niveau de tolérance commun pour toutes les zones de dépôt des offres de la région CORE, qu’elle a divisé de manière égale par le nombre de zones de dépôt des offres dont émanent des flux de boucle.

Or, le Tribunal constate que le niveau de tolérance fixé par l’ACER méconnaît les exigences établies par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, selon lesquelles le niveau de tolérance doit correspondre au « niveau attendu sans congestion structurelle » et doit être défini « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

En ce qui concerne la détermination de la première exigence, l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, premier alinéa, du règlement 2019/943 présuppose, notamment, une analyse des investissements dans le réseau et des éventuelles reconfigurations des zones de dépôt des offres pour éliminer les congestions structurelles. Or, l’ACER, qui admet n’avoir pas effectué une telle analyse, a fixé le niveau de tolérance à 10 % de la capacité maximale de l’élément de réseau concerné en tant que « moyenne » des avis divergents fournis par les GRT concernés.

À l’égard de la seconde exigence, si la répartition opérée par l’ACER aboutit à un niveau de tolérance individuel pour chaque zone de dépôt des offres, en ce que ce niveau est déterminé en fonction de la capacité maximale individuelle de chaque élément de réseau pertinent et du nombre de zones de dépôt des offres dont émanent les flux de boucle passant par ces éléments de réseau, elle ne correspond pas à l’individualisation prescrite par cet article, qui exige que le niveau de tolérance soit déterminé en fonction des caractéristiques des zones de dépôt des offres en cause et des différentes frontières entre celles-ci.

Le Tribunal examine, ensuite, si l’ACER disposait, dans la situation particulière du cas d’espèce, d’une compétence implicite l’habilitant à déterminer un niveau de tolérance d’une manière différente de celle prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

Tout d’abord, il relève qu’il ne saurait en principe être admis, au regard du principe de légalité, qu’une agence de l’Union, telle que l’ACER, puisse déroger au cadre juridique applicable. Ensuite, si le règlement 2019/943 permet à l’ACER d’arrêter une décision provisoire dans des circonstances clairement délimitées, la détermination du niveau de tolérance dans la méthodologie pour la répartition des coûts des actions correctives ne relève pas de ces circonstances. Enfin, la simple invocation de l’intérêt lié à l’efficacité ne saurait suffire pour créer une compétence implicite au profit de l’ACER, à moins que cela corresponde à un besoin réel pour assurer l’effet utile des dispositions en cause.

À cet égard, l’ACER a notamment justifié la nécessité d’adopter la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, sans pouvoir attendre l’analyse prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, par le délai qui lui était imparti pour adopter cette méthodologie et le retard pris par les GRT dans l’élaboration de la proposition de méthodologie pour la répartition des coûts. Or, d’une part, le délai imparti à l’ACER pour adopter la méthodologie en cause était de nature indicative et, partant, susceptible d’être prolongé. D’autre part, l’obligation de déterminer le niveau de tolérance en procédant à l’analyse prévue par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 est entrée en vigueur après la soumission par les GRT de la région CORE de leur proposition de méthodologie pour la répartition des coûts à l’ensemble des ARN de la région. Qui plus est, l’ACER ne démontre pas avoir facilité l’élaboration de cette analyse, alors qu’elle était censée le faire en vertu du principe de coopération loyale.

N’ayant pas démontré l’existence d’un besoin réel pour assurer l’effet utile des dispositions en cause, l’ACER ne pouvait se fonder sur une compétence implicite pour sa détermination du niveau de tolérance dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le Tribunal annule la décision attaquée, adoptée par la commission de recours, en ce qu’elle confirme la décision de l’ACER du 30 novembre 2020 et rejette le recours des requérantes à l’encontre de celle-ci.

{1} Règlement (UE) 2015/1222 de la Commission, du 24 juillet 2015, établissant une ligne directrice relative à l’allocation de la capacité et à la gestion de la congestion (JO 2015, L 197, p. 24).

{2} Article 74 du règlement 2015/2022.

{3} La région CORE est la zone géographique comprenant la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, la France, la Croatie, le Luxembourg, la Hongrie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie, établie pour le calcul de la capacité, conformément à l’article 15 du règlement 2015/1222.

{4} En vertu de l’article 2, point 26, du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, sur le marché intérieur de l’électricité (JO 2019, L 158, p. 54), le redispatching se définit comme une mesure qui est activée par un ou plusieurs GRT ou gestionnaires de réseau de distribution et consistant à modifier le modèle de production, de charge, ou les deux, de manière à modifier les flux physiques sur le système électrique et soulager ainsi une congestion physique ou assurer autrement la sécurité du système.

{5} En vertu de l’article 2, point 27, du règlement 2019/943, l’échange de contrepartie renvoie à un échange entre zones entrepris par des gestionnaires de réseau entre deux zones de dépôt des offres pour soulager une congestion physique. En vertu de l’article 2, point 4, du règlement 2019/943, la congestion, qui constitue un risque pour la sécurité d’exploitation nécessitant une action corrective, est quant à elle définie comme étant une situation dans laquelle toutes les demandes d’échange d’énergie entre des portions de réseau formulées par des acteurs du marché ne peuvent pas toutes être satisfaites parce que cela affecterait de manière significative les flux physiques sur des éléments de réseau qui ne peuvent pas accueillir ces flux. Une congestion est causée par des flux physiques.

{6} En vertu de l’article 2, point 13, du règlement 2015/1222, l’action corrective s’entend de toute mesure appliquée par un ou plusieurs GRT, afin de préserver la sécurité d’exploitation.

{7} L’article 2, point 65, du règlement 2019/943 définit une zone de dépôt des offres comme « la plus grande zone géographique à l’intérieur de laquelle les acteurs du marché peuvent procéder à des échanges d’énergie sans allocation de capacité ».

{8} Selon la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, un flux de boucle est « un flux physique sur un élément de réseau où la source et le récepteur sont situés dans la même zone, et l’élément de réseau, ou une partie de celui-ci, est situé dans une zone différente ».

{9} La congestion structurelle est définie, à l’article 2, point 6, du règlement 2019/943, comme étant « une congestion qui survient dans le réseau de transport, qui peut être définie de façon non ambiguë, qui est prévisible et géographiquement stable dans le temps, et qui est récurrente dans les conditions normales du réseau d’électricité ».

Arrêt du 25 septembre 2024, TenneT TSO et TenneT TSO / ACER (T-482/21) (cf. points 335, 338-342)

Accueillant le recours en annulation introduit par une autorité de régulation nationale (ci-après l’« ARN »), le Tribunal annule une décision de la commission de recours de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) (ci-après la « commission de recours ») au motif qu’elle est entachée d’une illégalité concernant la détermination du niveau de tolérance des flux de boucle. Pour autant, la juridiction confirme, d’une part, la légalité du champ d’application d’une méthodologie pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie, adoptée par l’ACER, incluant des éléments de réseau internes qui ne sont pas « critiques » et, d’autre part, la priorisation accordée aux flux de boucle dans la répartition des coûts.

Le 24 juillet 2015, la Commission européenne a adopté le règlement 2015/1222{1}. Ce règlement énonce une série d’exigences, dans le secteur de l’électricité, relatives à l’allocation de la capacité d’échange entre zones et à la gestion de la congestion sur les marchés journalier et infrajournalier, dont, notamment, la détermination d’une méthodologie commune pour la répartition des coûts du redispatching et des échanges de contrepartie ayant une incidence transfrontalière{2}.

En application de ce règlement, les gestionnaires de réseau de transport (ci-après les « GRT ») de la région « CORE »{3} ont soumis à l’ensemble des ARN de cette région une proposition relative à ladite méthodologie.

Les ARN n’étant pas parvenues à un accord concernant cette proposition, l’ACER a, en vertu du même règlement, le 30 novembre 2020, adopté une décision portant approbation d’une méthodologie pour la répartition des coûts (ci-après la « méthodologie pour la répartition des coûts contestée »).

La requérante, Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (BNetzA), en sa qualité d’ARN allemande, a alors formé un recours devant la commission de recours contre cette décision. Celui-ci ayant été rejeté, elle a saisi le Tribunal d’un recours en annulation contre la décision de la commission de recours (ci-après la « décision attaquée »)

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal examine trois des moyens soulevés par la requérante, à savoir un moyen tiré d’une extension illégale du champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, un moyen tiré d’une priorisation erronée accordée aux flux de boucle par rapport aux flux internes dans la répartition des coûts et un moyen tiré d’une détermination erronée du niveau de tolérance pour les flux de boucle légitimes.

Sur le moyen relatif au champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée

À titre liminaire, le Tribunal rappelle que le redispatching{4} et les échanges de contrepartie{5}constituent des actions correctives{6} coûteuses mises en œuvre pour soulager les congestions physiques sur le réseau de transport d’électricité.

À cet égard, l’article 74, paragraphes 2 et 4, du règlement 2015/1222 prévoit l’adoption de solutions de partage des coûts pour les actions correctives ayant une incidence transfrontalière et établit que la méthodologie pour la répartition des coûts doit définir quels sont les coûts générés par le recours au redispatching ou aux échanges de contrepartie dans le but d’assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones, qui sont éligibles à la répartition entre tous les GRT d’une région pour le calcul de la capacité, en l’espèce la région CORE.

Par ailleurs, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 prévoit une répartition des coûts des actions correctives visant à soulager les congestions entre deux zones de dépôt des offres{7} en fonction de la contribution des flux résultant de transactions internes à une zone à la congestion observée entre deux zones.

Le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée s’étend non seulement à des éléments de réseau entre zones (interconnexions), mais également à tous les éléments de réseau internes avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kilovolts (kV). En effet, selon cette méthodologie, les opérations de redispatching et d’échanges de contrepartie ayant une incidence transfrontalière sont, en principe, toutes les opérations visant à soulager une congestion sur des éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière, tels qu’identifiés notamment par la méthodologie pour la coordination régionale de la sécurité d’exploitation dans la région CORE [ci-après la « méthodologie sécurité (ROSC) »]. Selon la méthodologie sécurité (ROSC), les éléments de réseau ayant une incidence transfrontalière sont tous les éléments critiques de réseau qui sont pris en compte dans le processus de calcul de la capacité d’échanges entre zones, ainsi que les éléments de réseau internes avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV.

Selon la requérante, il conviendrait d’exclure de la répartition les coûts des actions correctives attribués aux éléments de réseau internes qui ne sont pas des interconnexions ou, tout au plus, des éléments critiques de réseau, étant donné que les congestions sur ces éléments seraient des congestions « internes », qui ne rentreraient pas dans la définition des congestions « entre zones ».

À cet égard, le Tribunal précise que l’article 74, paragraphe 4, sous b), du règlement 2015/1222 vise à répartir les coûts des actions correctives qui ont pour but d’assurer la fermeté de la capacité d’échange entre zones. Le règlement 2015/1222 étant un acte d’exécution, il doit être interprété conformément à son règlement de base, à savoir le règlement 2019/943, dont l’article 16, paragraphe 13, vise, quant à lui, les coûts des actions correctives activées en vue d’assurer les échanges entre zones.

Ainsi, afin de vérifier si la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, telle que confirmée par la décision attaquée, est compatible avec les dispositions précitées, il convient de déterminer quelles congestions doivent être soulagées de manière coordonnée pour assurer les échanges entre zones, conformément à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, ce qui permettra ensuite d’établir si les actions correctives visées par la méthodologie contestée ont pour but d’assurer la fermeté de la capacité d’échanges entre zones, au sens de l’article 74, paragraphe 4, sous b), du règlement 2015/1222.

Premièrement, le Tribunal relève que le seul fait d’inclure, dans le champ d’application de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, des coûts engendrés par les congestions sur les éléments de réseau avec une tension supérieure ou égale à 220 kV ne saurait être contraire à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, dès lors que cette disposition implique uniquement de déterminer quelles congestions doivent être soulagées de manière coordonnée pour assurer les échanges entre zones.

Deuxièmement, le fait que les congestions puissent être soulagées en utilisant jusqu’à 30 % de la capacité de chaque élément critique de réseau, alors que 70 % de cette capacité doit rester disponible pour les échanges entre zones, n’implique pas qu’il faille uniquement partager les coûts des actions correctives réalisées sur lesdits éléments critiques. En effet, les actions correctives sur les éléments non critiques de réseau peuvent contribuer à l’atténuation des congestions sur des éléments critiques de réseau, assurant ainsi la fermeté de la capacité d’échanges entre zones.

Troisièmement, le Tribunal ajoute que les actions correctives coûteuses du redispatching et des échanges de contrepartie surviennent uniquement dans le cadre du processus d’évaluation régionale de la sécurité d’exploitation (ci-après le « processus CROSA »), établi par la méthodologie sécurité (ROSC), qui a notamment pour objectif de coordonner les actions correctives ayant une incidence transfrontalière au sens de cette méthodologie. L’optimisation des actions correctives prévue par ce processus implique d’identifier l’action corrective la plus efficace pour résoudre les congestions sur tous les éléments de réseau (critiques ou non critiques) avec un niveau de tension supérieur ou égal à 220 kV.

Il s’ensuit que toutes les congestions gérées de manière coordonnée dans le cadre du processus CROSA correspondent à des congestions « entre zones », au sens de l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, et que toutes les mesures correctives activées dans le cadre de ce processus pour soulager les congestions en cause contribuent à assurer la fermeté de la capacité d’échanges entre zones, conformément à l’article 74, paragraphe 4, sous b), du règlement 2015/122. Par conséquent, conformément au principe du « pollueur payeur », les coûts de ces actions correctives doivent être partagés entre les GRT.

Sur le moyen relatif à la priorisation des flux de boucle

La requérante fait valoir que la méthodologie pour la répartition des coûts contestée introduit erronément une priorisation des flux de boucle, en tant que source de congestion, par rapport aux flux internes, qui ne serait pas conforme à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, selon lequel la répartition des coûts doit s’effectuer « en fonction [de la] contribution à la congestion » de ces flux.

En vertu de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, une fois la surcharge{8} sur l’élément de réseau concerné identifiée, un ordre de priorité entre les différents types de flux est établi, en vertu duquel les flux de boucle congestionnants dépassant un certain niveau de tolérance sont identifiés comme contribuant en première ligne à l’éventuelle surcharge, tandis que les flux internes congestionnants sont identifiés comme contribuant en deuxième ligne à ladite surcharge.

Tout en précisant que les flux ne contribuent à la surcharge que pour autant qu’ils dépassent la capacité maximale de l’élément de réseau concerné, le Tribunal relève que la partie des coûts relatifs aux flux internes et aux flux de boucle se détermine en fonction de l’ampleur de ces flux qui dépassent la capacité maximale de l’élément de réseau concerné, selon l’ordre de priorité établi dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

De plus, le Tribunal estime que les termes « en fonction [de la] contribution à la congestion », employés à l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, peuvent être compris en ce sens que tous les flux sur l’élément de réseau concerné « contribuent » de la même manière à la congestion éventuelle. Cependant, le Tribunal constate que l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 introduit lui-même une différenciation entre les flux internes et les flux de boucle, en prévoyant la détermination d’un niveau de tolérance pour les flux résultant de transactions internes qui sont inférieurs au niveau attendu sans congestion structurelle dans une zone de dépôt des offres (ci-après le « niveau de tolérance »). Selon le Tribunal, ce niveau de tolérance ne semble devoir être déterminé que pour les flux de boucle, dès lors qu’il doit être défini pour chaque frontière d’une zone de dépôts d’offres. En outre, même en l’absence de congestion structurelle, la détermination d’un niveau de tolérance pour les flux de boucle se justifie par le fait que ces flux sont, dans une certaine mesure, inéluctables dans un réseau d’électricité interconnecté fortement maillé et doivent par conséquent être exclus de la répartition des coûts engendrés par les actions correctives lorsqu’ils ne dépassent pas ce niveau.

Dans ces conditions, l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 doit être interprété en ce sens qu’il permet que soient traités différemment, pour la répartition des coûts des actions correctives, les flux internes et les flux de boucle dépassant le niveau de tolérance, une telle différentiation apparaissant justifiée au regard de leur nature différente dans le contexte de la réglementation en cause.

Sur le moyen relatif au niveau de tolérance pour les flux de boucle

La requérante conteste également le niveau de tolérance fixé par l’ACER dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, telle que confirmée par la commission de recours dans la décision attaquée, en ce qui concerne les flux de boucle{9}.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, les coûts induits par les flux résultant de transactions internes qui contribuent à la congestion observée entre deux zones de dépôt des offres, mais qui sont inférieurs au niveau attendu sans congestion structurelle{10} dans une zone de dépôt des offres, sont exclus de la répartition des coûts des actions correctives visée par cette disposition. Aux termes de la même disposition, le niveau de tolérance doit être analysé et défini par les GRT pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres.

En l’espèce, les GRT n’ayant pas effectué l’analyse requise, l’ACER s’est considérée comme étant autorisée à, voire obligée de, fixer elle-même un niveau de tolérance provisoire sans disposer de cette analyse, afin d’éviter une situation d’impasse lors de l’adoption de la méthodologie pour la répartition des coûts contestée. Ainsi, l’ACER a fixé un niveau de tolérance commun pour toutes les zones de dépôt des offres de la région CORE, qu’elle a divisé de manière égale par le nombre de zones de dépôt des offres dont émanent des flux de boucle.

Or, le Tribunal constate que le niveau de tolérance fixé par l’ACER méconnaît les exigences établies par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, selon lesquelles le niveau de tolérance doit correspondre au « niveau attendu sans congestion structurelle » et doit être défini « pour chaque frontière d’une zone de dépôt des offres ».

En ce qui concerne la détermination de la première exigence, l’analyse requise par l’article 16, paragraphe 13, premier alinéa, du règlement 2019/943 présuppose, notamment, une analyse des investissements dans le réseau et des éventuelles reconfigurations des zones de dépôt des offres pour éliminer les congestions structurelles. Or, l’ACER, qui admet n’avoir pas effectué une telle analyse, a fixé le niveau de tolérance à 10 % de la capacité maximale de l’élément de réseau concerné en tant que « moyenne » des avis divergents fournis par les GRT concernés.

À l’égard de la seconde exigence, si la répartition opérée par l’ACER aboutit à un niveau de tolérance individuel pour chaque zone de dépôt des offres, en ce que ce niveau est déterminé en fonction de la capacité maximale individuelle de chaque élément de réseau pertinent et du nombre de zones de dépôt des offres dont émanent les flux de boucle passant par ces éléments de réseau, elle ne correspond pas à l’individualisation prescrite par cet article, qui exige que le niveau de tolérance soit déterminé en fonction des caractéristiques des zones de dépôt des offres en cause et des différentes frontières entre celles-ci.

Le Tribunal examine, ensuite, si l’ACER disposait, dans la situation particulière du cas d’espèce, d’une compétence implicite l’habilitant à déterminer un niveau de tolérance d’une manière différente de celle prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943.

Tout d’abord, il relève qu’il ne saurait en principe être admis, au regard du principe de légalité, qu’une agence de l’Union, telle que l’ACER, puisse déroger au cadre juridique applicable. Ensuite, si le règlement 2019/943 permet à l’ACER d’arrêter une décision provisoire dans des circonstances clairement délimitées, la détermination du niveau de tolérance dans la méthodologie pour la répartition des coûts des actions correctives ne relève pas de ces circonstances. Enfin, la simple invocation de l’intérêt lié à l’efficacité ne saurait suffire pour créer une compétence implicite au profit de l’ACER, à moins que cela corresponde à un besoin réel pour assurer l’effet utile des dispositions en cause.

À cet égard, l’ACER a notamment justifié la nécessité d’adopter la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, sans pouvoir attendre l’analyse prescrite par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943, par le délai qui lui était imparti pour adopter cette méthodologie et le retard pris par les GRT dans l’élaboration de la proposition de méthodologie pour la répartition des coûts. Or, d’une part, le délai imparti à l’ACER pour adopter la méthodologie en cause était de nature indicative et, partant, susceptible d’être prolongé. D’autre part, l’obligation de déterminer le niveau de tolérance en procédant à l’analyse prévue par l’article 16, paragraphe 13, du règlement 2019/943 est entrée en vigueur après la soumission par les GRT de la région CORE de leur proposition de méthodologie pour la répartition des coûts à l’ensemble des ARN de la région. Qui plus est, l’ACER ne démontre pas avoir facilité l’élaboration de cette analyse, alors qu’elle était censée le faire en vertu du principe de coopération loyale.

N’ayant pas démontré l’existence d’un besoin réel pour assurer l’effet utile des dispositions en cause, l’ACER ne pouvait se fonder sur une compétence implicite pour sa détermination du niveau de tolérance dans la méthodologie pour la répartition des coûts contestée.

Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le Tribunal annule la décision attaquée, adoptée par la commission de recours, en ce qu’elle confirme la décision de l’ACER du 30 novembre 2020 et rejette le recours de la requérante à l’encontre de celle-ci.

{1} Règlement (UE) 2015/1222 de la Commission, du 24 juillet 2015, établissant une ligne directrice relative à l’allocation de la capacité et à la gestion de la congestion (JO 2015, L 197, p. 24).

{2} Article 74 du règlement 2015/2022.

{3} La région CORE est la zone géographique comprenant la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, la France, la Croatie, le Luxembourg, la Hongrie, les Pays-Bas, l’Autriche, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie, établie pour le calcul de la capacité, conformément à l’article 15 du règlement 2015/1222.

{4} En vertu de l’article 2, point 26, du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, sur le marché intérieur de l’électricité (JO 2019, L 158, p. 54), le redispatching se définit comme une mesure qui est activée par un ou plusieurs GRT ou gestionnaires de réseau de distribution et consistant à modifier le modèle de production, de charge, ou les deux, de manière à modifier les flux physiques sur le système électrique et soulager ainsi une congestion physique ou assurer autrement la sécurité du système.

{5} En vertu de l’article 2, point 27, du règlement 2019/943, l’échange de contrepartie renvoie à un échange entre zones entrepris par des gestionnaires de réseau entre deux zones de dépôt des offres pour soulager une congestion physique. En vertu de l’article 2, point 4, du règlement 2019/943, la congestion, qui constitue un risque pour la sécurité d’exploitation nécessitant une action corrective, est quant à elle définie comme étant une situation dans laquelle toutes les demandes d’échange d’énergie entre des portions de réseau formulées par des acteurs du marché ne peuvent pas toutes être satisfaites parce que cela affecterait de manière significative les flux physiques sur des éléments de réseau qui ne peuvent pas accueillir ces flux. Une congestion est causée par des flux physiques.

{6} En vertu de l’article 2, point 13, du règlement 2015/1222, l’action corrective s’entend de toute mesure appliquée par un ou plusieurs GRT, afin de préserver la sécurité d’exploitation.

{7} L’article 2, point 65, du règlement 2019/943 définit une zone de dépôt des offres comme « la plus grande zone géographique à l’intérieur de laquelle les acteurs du marché peuvent procéder à des échanges d’énergie sans allocation de capacité ».

{8} La surcharge correspond, en principe, au volume des flux qui dépasse la capacité maximale de l’élément de réseau concerné.

{9} Selon la méthodologie pour la répartition des coûts contestée, un flux de boucle est « un flux physique sur un élément de réseau où la source et le récepteur sont situés dans la même zone, et l’élément de réseau, ou une partie de celui-ci, est situé dans une zone différente ».

{10} La congestion structurelle est définie, à l’article 2, point 6, du règlement 2019/943, comme étant « une congestion qui survient dans le réseau de transport, qui peut être définie de façon non ambiguë, qui est prévisible et géographiquement stable dans le temps, et qui est récurrente dans les conditions normales du réseau d’électricité ».

Arrêt du 25 septembre 2024, BNetzA / ACER (T-485/21) (cf. points 281, 284-288)



Arrêt du 25 septembre 2024, CRE / ACER (T-446/21) (cf. points 286-291)



Arrêt du 25 septembre 2024, RTE / ACER (T-472/21) (cf. points 250, 253-257)



Arrêt du 25 septembre 2024, TransnetBW / ACER (T-476/21) (cf. points 304, 307-311)



Arrêt du 25 septembre 2024, Polskie sieci elektroenergetyczne / ACER (T-484/21) (cf. points 132, 135-139)

157. Pourvoi - Pourvoi jugé non fondé - Arrêt sous pourvoi ayant annulé la décision attaquée avec maintien des effets jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour - Demande de maintien des effets de la décision attaquée - Non-lieu à statuer

La Cour, réunie en grande chambre, rejette, par deux arrêts joignant, pour l’un, les affaires C 778/21 P et C-798/21 P, et pour l’autre, les affaires C-779/21 P et C-799/21 P, les pourvois formés par la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne contre deux arrêts du Tribunal qui avaient annulé les décisions du Conseil approuvant la conclusion d’accords entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc à la suite des recours en annulation déposés par le Front populaire pour la libération de la Saguia-el-Hamra et du Rio de oro (Front Polisario) contre ces décisions.

Par la décision 2019/217{1}, le Conseil avait approuvé la conclusion d’un accord entre l’Union et le Royaume du Maroc sur la modification de certains protocoles de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part{2}. Le Conseil avait également approuvé, par la décision 2019/441{3}, la conclusion d’un accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc et de son protocole de mise en œuvre, ainsi que l’échange de lettres accompagnant l’accord et, par le règlement 2019/440, la répartition des possibilités de pêche au titre dudit accord et de son protocole de mise en œuvre{4}. Ces deux décisions faisaient suite à l’arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C 104/16 P, EU:C:2016:973), par lequel la Cour avait notamment précisé que l’accord d’association euro-méditerranéen ne couvrait que le territoire du Royaume du Maroc et pas celui, non autonome, du Sahara occidental, ainsi qu’à l’arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C 266/16, EU:C:2018:118), dans lequel la Cour avait suivi un raisonnement largement analogue s’agissant d’accords dans le domaine de la pêche avec le Royaume du Maroc en ce qui concerne les eaux adjacentes au Sahara occidental.

L’accord approuvé par la décision 2019/217 modifiait les protocoles de l’accord d’association euro-méditerranéen relatifs au régime applicable à l’importation, dans l’Union européenne, des produits agricoles, des poissons et des produits de la pêche originaires du Maroc, et à la définition de la notion de « produits originaires », étendant aux produits originaires du Sahara occidental exportés sous le contrôle des autorités douanières marocaines, le bénéfice des préférences tarifaires octroyées aux produits d’origine marocaine exportés dans l’Union. L’accord de pêche entre la Communauté européenne et le Maroc{5} a, quant à lui, été modifié en incluant dans le champ d’application de cet accord les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental.

Par requêtes déposées en 2019 contre ces actes dans trois affaires Front Polisario/Conseil (T 279/19, T 344/19 et T 356/19), le Front Polisario avait demandé l’annulation des décisions et du règlement attaqués.

Le Tribunal, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Front Polisario/Conseil (T-279/19){6}, d’une part, et dans les affaires jointes ayant donné lieu à l’arrêt Front Polisario/Conseil (T 344/19 et T 356/19){7}, d’autre part, a annulé les décisions et le règlement attaqués au motif que l’exigence relative au consentement du peuple du Sahara occidental n’avait pas été respectée. En effet, le Conseil n’avait pas suffisamment pris en compte tous les éléments pertinents relatifs à la situation du Sahara occidental et avait considéré, à tort, qu’il disposait d’une marge d’appréciation quant au respect de l’exigence selon laquelle le peuple de ce territoire devait consentir à l’application des accords litigieux sur ce territoire, en tant que tiers aux accords litigieux au sens du principe de l’effet relatif des traités en lien avec le principe d’autodétermination.

Le Conseil et la Commission ont, chacun, saisi la Cour d’un pourvoi contre ces arrêts.

Appréciation de la Cour

Sur la recevabilité des recours en annulation introduits par le Front Polisario devant le Tribunal

A. Capacité d’ester en justice du Front Polisario

En premier lieu, la Cour rappelle que toute personne physique ou morale peut former, dans certaines conditions, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes règlementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution. Toutefois, la Cour a déjà reconnu la capacité d’ester en justice devant les juridictions de l’Union à des entités indépendamment de la question de leur constitution en tant que personne morale en droit interne.

Le Front Polisario est un mouvement de libération autoproclamé qui a été créé dans le but de lutter pour l’indépendance, à l’égard du Royaume du Maroc, du territoire non autonome du Sahara occidental et pour la création d’un État sahraoui souverain. Dans la mesure où ce mouvement cherche précisément, en se fondant sur l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, à établir un ordre juridique étatique pour ce territoire, il ne peut être exigé, afin de lui reconnaître la capacité d’ester en justice devant les juridictions de l’Union, qu’il soit constitué en tant que personne morale conformément à un ordre juridique national particulier. Par ailleurs, le Front Polisario est l’un des interlocuteurs légitimes dans le cadre du processus mené en vue de la détermination du futur du Sahara occidental sous l’égide du Conseil de sécurité des Nations unies, dont les décisions lient tous les États membres et les institutions de l’Union. Il en résulte que le Front Polisario, qui entretient également des rapports juridiques bilatéraux au niveau international, a une existence juridique suffisante pour pouvoir ester en justice devant les juridictions de l’Union{8}. Par conséquent, la Cour considère que le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, conclure que le Front Polisario avait la capacité d’ester en justice devant les juridictions de l’Union, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

B. Qualité pour agir en justice du Front Polisario

En second lieu, la Cour examine la qualité pour agir du Front Polisario. Quant au point de savoir si le Front Polisario est directement concerné par les décisions et le règlement attaqué, la Cour rappelle, tout d’abord, les deux conditions devant être cumulativement satisfaites à cet effet, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de la personne concernée et, d’autre part, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre.

Elle constate, à cet égard, que, par ses recours en annulation devant le Tribunal, le Front Polisario visait à faire protéger le droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental{9} et que c’est, dès lors, à l’aune des effets des actes attaqués et, partant, des accords litigieux sur la situation juridique de ce peuple, qu’il y a lieu d’examiner si le Front Polisario est directement concerné par les actes attaqués.

Elle rappelle que, tout en n’ayant pas été officiellement reconnu comme étant le représentant exclusif du peuple du Sahara occidental, le Front Polisario est, conformément aux résolutions des plus hautes instances des Nations unies, un interlocuteur privilégié en vue de la détermination du futur statut du Sahara occidental. Ces circonstances particulières permettent de considérer que le Front Polisario peut contester devant le juge de l’Union la légalité d’un acte de l’Union qui produit directement des effets sur la situation juridique de ce peuple. À cet égard, les actes attaqués et, par extension, les accords litigieux, satisfont, par l’incidence qu’ils ont sur le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination, à la condition légale selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet de son recours. Compte tenu de l’article 73 de la charte des Nations unies et du principe de protection juridictionnelle effective, cette condition doit être appréciée, en l’espèce, par rapport à la situation juridique du peuple du Sahara occidental, lequel est représenté aux fins des présentes affaires par le Front Polisario.

La décision concernant la conclusion d’un accord international constitue, par ailleurs, un acte définitif dans l’ordre juridique interne de l’Union, exprimant la volonté de l’Union d’être liée par cet accord. La Cour, qui n’est pas compétente pour annuler un accord international, rappelle que cette décision constitue un acte attaquable. En revanche, contrairement à ce que soutenaient certaines parties, la notification de l’approbation d’un tel accord à l’autre partie contractante constitue une mesure d’exécution qui, en principe, doit être considérée comme étant un acte qui n’est pas attaquable.

La Cour en conclut que le Front Polisario était directement concerné par les décisions litigieuses et que le Tribunal n’a pas commis d’erreurs de droit à ce sujet.

En ce qui concerne l’affectation individuelle du Front Polisario, la Cour confirme également l’approche retenue par le Tribunal selon laquelle, eu égard aux circonstances ayant conduit à conclure à son affectation directe, il devait être considéré comme individuellement affecté par les décisions attaquées. Elle constate, à cet égard, que le peuple du Sahara occidental, représenté par le Front Polisario, est individuellement concerné par la décision litigieuse dans la mesure où une inclusion expresse du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application des accords litigieux, qui lient l’Union en vertu des décisions litigieuses, modifie la situation juridique de ce peuple en raison de sa qualité de titulaire du droit à l’autodétermination par rapport à ce territoire, cette qualité le caractérisant par rapport à toute autre personne ou entité, y compris par rapport à tout autre sujet de droit international.

Sur le consentement du peuple du Sahara occidental aux accords litigieux et sur la portée du contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal

Selon les décisions litigieuses, les accords en cause ont été approuvés par l’Union après que la Commission, en lien avec le Service européen pour l’action extérieure, a pris « toutes les mesures raisonnables et possibles […] pour associer de manière appropriée les populations concernées afin de s’assurer de leur consentement aux accords »{10}. Cependant, la Cour relève, à cet égard, que la majeure partie de la population actuelle du Sahara occidental ne fait pas partie du peuple titulaire du droit à l’autodétermination, à savoir le peuple du Sahara occidental, lequel a été en grande partie déplacé. Elle ajoute qu’il existe une différence entre la notion de « population » d’un territoire non autonome et celle de « peuple » de ce territoire. Cette dernière renvoie, en effet, à une unité politique, titulaire du droit à l’autodétermination, alors que la notion de « population » vise les habitants d’un territoire.

La Cour rappelle ensuite que, selon le principe de droit international général de l’effet relatif des traités, ceux-ci ne doivent ni nuire ni profiter à des sujets tiers. Un tiers peut, à cet égard, être affecté par la mise en œuvre d’un accord en cas d’inclusion dans le champ d’application de celui-ci d’un territoire par rapport auquel ledit tiers est souverain ou titulaire du droit à l’autodétermination. La mise en œuvre d’un accord international entre l’Union et le Royaume du Maroc sur le territoire du Sahara occidental doit, dès lors, recevoir le consentement du peuple du Sahara occidental{11}. L’action de l’Union sur la scène internationale devant notamment contribuer au strict respect du droit international et au respect des principes de la charte des Nations unies{12}, la Cour souligne que l’absence de consentement du peuple du Sahara occidental auxdits accords, dont la mise en œuvre s’étend sur le territoire du Sahara occidental ou sur ses eaux adjacentes, est susceptible d’affecter la validité des actes de l’Union portant sur la conclusion de ces accords.

Sur la nécessité du consentement du peuple du Sahara occidental et sur l’identification du Front Polisario comme entité à laquelle il incomberait de l’exprimer

La Cour note, tout d’abord, que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a constaté que les accords litigieux, en ayant accordé aux autorités marocaines certaines compétences dont l’exercice est prévu sur le territoire du Sahara occidental, imposaient une obligation au peuple du Sahara occidental{13}. En effet, si la mise en œuvre des accords litigieux implique que les actes des autorités marocaines accomplis sur le territoire du Sahara occidental ont des effets juridiques modifiant la situation juridique du peuple de ce territoire, ceci ne permet toutefois pas de considérer que lesdits accords créent des obligations juridiques pesant sur ce peuple, en tant que sujet du droit international. À cet égard, les accords litigieux n’impliquent pas la reconnaissance par l’Union de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. De même, le peuple du Sahara occidental n’est pas, par exemple, le destinataire des autorisations de pêche, ou d’autres actes administratifs, établis par les autorités marocaines dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, qu’il serait tenu de reconnaître, ni des mesures prises par les autorités de l’Union et des États membres à leur égard. La Cour considère, dès lors, que le Tribunal s’est fondé sur une prémisse erronée lorsqu’il a constaté que l’expression du consentement du peuple du Sahara occidental à l’accord litigieux devait être explicite.

Toutefois, la Cour relève que le droit international coutumier ne prévoit pas de forme particulière pour l’expression du consentement d’un sujet tiers à un accord qui lui confère un droit{14} et n’exclut pas qu’un tel consentement puisse être accordé de manière implicite dans certaines circonstances. Ainsi, le consentement d’un peuple d’un territoire non autonome à un accord international par rapport auquel il a la qualité de tiers et dont l’application est prévue sur le territoire auquel se rapporte son droit à l’autodétermination peut être présumé pour autant que deux conditions soient satisfaites. D’une part, l’accord en cause ne doit pas créer d’obligation mise à la charge de ce peuple. D’autre part, il doit, notamment, prévoir que le peuple concerné perçoit lui-même un avantage précis, concret, substantiel et vérifiable découlant de l’exploitation des ressources naturelles de ce territoire, et proportionnel à l’importance de cette exploitation. L’accord en cause doit également prévoir un mécanisme de contrôle régulier permettant de vérifier la réalité de l’avantage accordé au peuple concerné. Le respect de ces conditions s’impose en vue d’assurer la compatibilité d’un tel accord avec le principe, découlant de l’article 73 de la charte des Nations unies et consacré en droit coutumier international, de primauté des intérêts des peuples des territoires non autonomes.

Ces deux conditions satisfaites, le consentement du peuple concerné doit être tenu pour acquis. Partant, la circonstance qu’un mouvement se présentant comme étant le représentant légitime dudit peuple s’oppose à cet accord ne peut, en tant que telle, suffire à remettre en cause l’existence d’un tel consentement. Cette présomption peut néanmoins être renversée pour autant que des représentants légitimes de ce peuple établissent que le régime d’avantage conféré à ce peuple par l’accord en cause, ou encore le mécanisme de contrôle régulier dont il doit être assorti, ne satisfait pas auxdites conditions.

En l’espèce, la Cour constate que les accords litigieux, bien qu’ils modifient la situation juridique du peuple du Sahara occidental en droit de l’Union au regard du droit à l’autodétermination dont il dispose, ne créent pas d’obligations juridiques pesant sur ce peuple, en tant que sujet de droit international. La première des deux conditions est donc satisfaite.

S’agissant de la seconde condition, la Cour conclut qu’un avantage en faveur du peuple du Sahara occidental, répondant aux caractéristiques mentionnées précédemment, fait manifestement défaut dans les accords litigieux. Elle précise encore que, si un accord devait, à l’avenir, bénéficier au peuple du Sahara occidental conformément auxdites exigences, la possibilité que cet accord profite également aux habitants de ce territoire en général ne serait pas susceptible d’empêcher la constatation d’un consentement présumé de ce peuple.

Sur l’invocabilité du droit international

La Cour rappelle que l’Union est tenue d’exercer ses compétences dans le respect du droit international et qu’elle est dès lors compétente, dans le cadre d’un recours en annulation, pour apprécier la compatibilité d’un accord international conclu par l’Union avec les règles de droit international. Conformément aux traités, ces règles lient l’Union, et le contrôle de validité par la Cour de l’acte par lequel l’Union a conclu un tel accord international est susceptible de porter sur la légalité de cet acte au regard du contenu même de l’accord international en cause{15}. Ainsi, le Tribunal a pu, à juste titre, considérer que le principe d’autodétermination et le principe de l’effet relatif des traités étaient invocables dans le cadre du contrôle de validité des décisions litigieuses.

Conclusion

Aucun des moyens soulevés à l’appui des pourvois portés par le Conseil et la Commission n’ayant été accueilli par la Cour, celle-ci les rejette dans leur intégralité.

Sur le maintien des effets des décisions litigieuses en cas de rejet des pourvois présentés par le Conseil et la Commission

Dans les affaires jointes C 778/21 P et C 798/21 P, l’arrêt attaqué avait maintenu les effets de la décision litigieuse jusqu’au prononcé du présent arrêt. Or, le protocole de mise en œuvre de l’accord en cause ayant expiré le 17 juillet 2023 et l’accord de pêche n’autorisant pas lui-même l’accès des navires de l’Union à la « zone de pêche » concernée, la Cour estime que les demandes subsidiaires de la Commission et du Conseil de maintien des effets de la décision litigieuse sont devenues sans objet.

Dans les affaires jointes C 779/21 P et C 799/21 P, l’accord conclu par la décision litigieuse était entré en vigueur le 19 juillet 2019. L’annulation de cette décision, sans que ses effets soient maintenus pour une période limitée, étant susceptible d’entraîner des conséquences négatives graves sur l’action extérieure de l’Union et de remettre en cause la sécurité juridique des engagements internationaux auxquels elle a consenti et qui lient les institutions et les États membres, la Cour décide de maintenir les effets de celle-ci pour une période de douze mois à compter de la date de prononcé de l’arrêt.

{1} Décision (UE) 2019/217 du Conseil, du 28 janvier 2019, relative à la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles no 1 et no 4 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2019, L 34, p. 1).

{2} Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, signé à Bruxelles le 26 février 1996 (JO 2000, L 70, p. 2).

{3} Décision (UE) 2019/441 du Conseil, du 4 mars 2019, relative à la conclusion de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, de son protocole de mise en œuvre ainsi que de l’échange de lettres accompagnant l’accord (JO 2019, L 77, p. 4)

{4} Règlement (UE) 2019/440 du Conseil, du 29 novembre 2018, relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc et de son protocole de mise en œuvre (JO 2019, L 77, p. 1, ci-après « le règlement attaqué »).

{5} Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc (JO 2006, L 141, p. 4).

{6} Arrêt du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T 279/19, EU:T:2021:639).

{7} Arrêt du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T 344/19 et T 356/19, EU:T:2021:640).

{8} La Cour précise à cet égard que la question de savoir si cette entité peut légitimement représenter les intérêts du peuple du Sahara occidental concerne sa qualité pour agir dans le cadre d’un recours en annulation concernant la décision litigieuse, et non pas sa capacité d’ester devant le juge de l’Union.

{9} Voir arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C 104/16 P, EU:C:2016:973, points 88, 91 et 105).

{10} Considérant 10 de la décision 2019/217 et considérant 11 de la décision 2019/441.

{11} Voir arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C 104/16 P, EU:C:2016:973, point 106).

{12} Article 3, paragraphe 5, et article 21, paragraphe 1, TUE.

{13} Arrêts du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T 279/19, EU:T:2021:639, points 322 et 323), ainsi que du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T 344/19 et T 356/19, EU:T:2021:640, point 318).

{14} Voir arrêt de la Cour permanente de justice internationale du 7 juin 1932, affaire des « Zones Franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex » (Recueil CPJI 1927, séries A/B, no 46, p. 148).

{15} Arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C 266/16, EU:C:2018:118, points 47 à 51).

Arrêt du 4 octobre 2024, Commission / Front Polisario (C-778/21 P et C-798/21 P) (cf. points 215-218)

158. Pourvoi - Pourvoi jugé non fondé - Arrêt sous pourvoi ayant annulé la décision attaquée avec maintien des effets jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour - Maintien par la Cour des effets de la décision attaquée - Justification tirée de motifs de sécurité juridique

La Cour, réunie en grande chambre, rejette, par deux arrêts joignant, pour l’un, les affaires C-778/21 P et C-798/21 P, et pour l’autre, les affaires C-779/21 P et C-799/21 P, les pourvois formés par la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne contre deux arrêts du Tribunal qui avaient annulé les décisions du Conseil approuvant la conclusion d’accords entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc à la suite des recours en annulation déposés par le Front populaire pour la libération de la Saguia-el-Hamra et du Rio de oro (Front Polisario) contre ces décisions.

Par la décision 2019/217{1}, le Conseil avait approuvé la conclusion d’un accord entre l’Union et le Royaume du Maroc sur la modification de certains protocoles de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part{2}. Le Conseil avait également approuvé, par la décision 2019/441{3}, la conclusion d’un accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc et de son protocole de mise en œuvre, ainsi que l’échange de lettres accompagnant l’accord et, par le règlement 2019/440, la répartition des possibilités de pêche au titre dudit accord et de son protocole de mise en œuvre{4}. Ces deux décisions faisaient suite à l’arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C-104/16 P, EU:C:2016:973), par lequel la Cour avait notamment précisé que l’accord d’association euro-méditerranéen ne couvrait que le territoire du Royaume du Maroc et pas celui, non autonome, du Sahara occidental, ainsi qu’à l’arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C-266/16, EU:C:2018:118), dans lequel la Cour avait suivi un raisonnement largement analogue s’agissant d’accords dans le domaine de la pêche avec le Royaume du Maroc en ce qui concerne les eaux adjacentes au Sahara occidental.

L’accord approuvé par la décision 2019/217 modifiait les protocoles de l’accord d’association euro-méditerranéen relatifs au régime applicable à l’importation, dans l’Union européenne, des produits agricoles, des poissons et des produits de la pêche originaires du Maroc, et à la définition de la notion de « produits originaires », étendant aux produits originaires du Sahara occidental exportés sous le contrôle des autorités douanières marocaines, le bénéfice des préférences tarifaires octroyées aux produits d’origine marocaine exportés dans l’Union. L’accord de pêche entre la Communauté européenne et le Maroc{5} a, quant à lui, été modifié en incluant dans le champ d’application de cet accord les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental.

Par requêtes déposées en 2019 contre ces actes dans trois affaires Front Polisario/Conseil (T 279/19, T 344/19 et T 356/19), le Front Polisario avait demandé l’annulation des décisions et du règlement attaqués.

Le Tribunal, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Front Polisario/Conseil (T 279/19){6}, d’une part, et dans les affaires jointes ayant donné lieu à l’arrêt Front Polisario/Conseil (T 344/19 et T 356/19){7}, d’autre part, a annulé les décisions et le règlement attaqués au motif que l’exigence relative au consentement du peuple du Sahara occidental n’avait pas été respectée. En effet, le Conseil n’avait pas suffisamment pris en compte tous les éléments pertinents relatifs à la situation du Sahara occidental et avait considéré, à tort, qu’il disposait d’une marge d’appréciation quant au respect de l’exigence selon laquelle le peuple de ce territoire devait consentir à l’application des accords litigieux sur ce territoire, en tant que tiers aux accords litigieux au sens du principe de l’effet relatif des traités en lien avec le principe d’autodétermination.

Le Conseil et la Commission ont, chacun, saisi la Cour d’un pourvoi contre ces arrêts.

Appréciation de la Cour

Sur la recevabilité des recours en annulation introduits par le Front Polisario devant le Tribunal

A. Capacité d’ester en justice du Front Polisario

En premier lieu, la Cour rappelle que toute personne physique ou morale peut former, dans certaines conditions, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes règlementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution. Toutefois, la Cour a déjà reconnu la capacité d’ester en justice devant les juridictions de l’Union à des entités indépendamment de la question de leur constitution en tant que personne morale en droit interne.

Le Front Polisario est un mouvement de libération autoproclamé qui a été créé dans le but de lutter pour l’indépendance, à l’égard du Royaume du Maroc, du territoire non autonome du Sahara occidental et pour la création d’un État sahraoui souverain. Dans la mesure où ce mouvement cherche précisément, en se fondant sur l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, à établir un ordre juridique étatique pour ce territoire, il ne peut être exigé, afin de lui reconnaître la capacité d’ester en justice devant les juridictions de l’Union, qu’il soit constitué en tant que personne morale conformément à un ordre juridique national particulier. Par ailleurs, le Front Polisario est l’un des interlocuteurs légitimes dans le cadre du processus mené en vue de la détermination du futur du Sahara occidental sous l’égide du Conseil de sécurité des Nations unies, dont les décisions lient tous les États membres et les institutions de l’Union. Il en résulte que le Front Polisario, qui entretient également des rapports juridiques bilatéraux au niveau international, a une existence juridique suffisante pour pouvoir ester en justice devant les juridictions de l’Union{8}. Par conséquent, la Cour considère que le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, conclure que le Front Polisario avait la capacité d’ester en justice devant les juridictions de l’Union, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

B. Qualité pour agir en justice du Front Polisario

En second lieu, la Cour examine la qualité pour agir du Front Polisario. Quant au point de savoir si le Front Polisario est directement concerné par les décisions et le règlement attaqué, la Cour rappelle, tout d’abord, les deux conditions devant être cumulativement satisfaites à cet effet, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de la personne concernée et, d’autre part, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre.

Elle constate, à cet égard, que, par ses recours en annulation devant le Tribunal, le Front Polisario visait à faire protéger le droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental{9} et que c’est, dès lors, à l’aune des effets des actes attaqués et, partant, des accords litigieux sur la situation juridique de ce peuple, qu’il y a lieu d’examiner si le Front Polisario est directement concerné par les actes attaqués.

Elle rappelle que, tout en n’ayant pas été officiellement reconnu comme étant le représentant exclusif du peuple du Sahara occidental, le Front Polisario est, conformément aux résolutions des plus hautes instances des Nations unies, un interlocuteur privilégié en vue de la détermination du futur statut du Sahara occidental. Ces circonstances particulières permettent de considérer que le Front Polisario peut contester devant le juge de l’Union la légalité d’un acte de l’Union qui produit directement des effets sur la situation juridique de ce peuple. À cet égard, les actes attaqués et, par extension, les accords litigieux, satisfont, par l’incidence qu’ils ont sur le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination, à la condition légale selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet de son recours. Compte tenu de l’article 73 de la charte des Nations unies et du principe de protection juridictionnelle effective, cette condition doit être appréciée, en l’espèce, par rapport à la situation juridique du peuple du Sahara occidental, lequel est représenté aux fins des présentes affaires par le Front Polisario.

La décision concernant la conclusion d’un accord international constitue, par ailleurs, un acte définitif dans l’ordre juridique interne de l’Union, exprimant la volonté de l’Union d’être liée par cet accord. La Cour, qui n’est pas compétente pour annuler un accord international, rappelle que cette décision constitue un acte attaquable. En revanche, contrairement à ce que soutenaient certaines parties, la notification de l’approbation d’un tel accord à l’autre partie contractante constitue une mesure d’exécution qui, en principe, doit être considérée comme étant un acte qui n’est pas attaquable.

La Cour en conclut que le Front Polisario était directement concerné par les décisions litigieuses et que le Tribunal n’a pas commis d’erreurs de droit à ce sujet.

En ce qui concerne l’affectation individuelle du Front Polisario, la Cour confirme également l’approche retenue par le Tribunal selon laquelle, eu égard aux circonstances ayant conduit à conclure à son affectation directe, il devait être considéré comme individuellement affecté par les décisions attaquées. Elle constate, à cet égard, que le peuple du Sahara occidental, représenté par le Front Polisario, est individuellement concerné par la décision litigieuse dans la mesure où une inclusion expresse du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application des accords litigieux, qui lient l’Union en vertu des décisions litigieuses, modifie la situation juridique de ce peuple en raison de sa qualité de titulaire du droit à l’autodétermination par rapport à ce territoire, cette qualité le caractérisant par rapport à toute autre personne ou entité, y compris par rapport à tout autre sujet de droit international.

Sur le consentement du peuple du Sahara occidental aux accords litigieux et sur la portée du contrôle juridictionnel opéré par le Tribunal

Selon les décisions litigieuses, les accords en cause ont été approuvés par l’Union après que la Commission, en lien avec le Service européen pour l’action extérieure, a pris « toutes les mesures raisonnables et possibles […] pour associer de manière appropriée les populations concernées afin de s’assurer de leur consentement aux accords »{10}. Cependant, la Cour relève, à cet égard, que la majeure partie de la population actuelle du Sahara occidental ne fait pas partie du peuple titulaire du droit à l’autodétermination, à savoir le peuple du Sahara occidental, lequel a été en grande partie déplacé. Elle ajoute qu’il existe une différence entre la notion de « population » d’un territoire non autonome et celle de « peuple » de ce territoire. Cette dernière renvoie, en effet, à une unité politique, titulaire du droit à l’autodétermination, alors que la notion de « population » vise les habitants d’un territoire.

La Cour rappelle ensuite que, selon le principe de droit international général de l’effet relatif des traités, ceux-ci ne doivent ni nuire ni profiter à des sujets tiers. Un tiers peut, à cet égard, être affecté par la mise en œuvre d’un accord en cas d’inclusion dans le champ d’application de celui-ci d’un territoire par rapport auquel ledit tiers est souverain ou titulaire du droit à l’autodétermination. La mise en œuvre d’un accord international entre l’Union et le Royaume du Maroc sur le territoire du Sahara occidental doit, dès lors, recevoir le consentement du peuple du Sahara occidental{11}. L’action de l’Union sur la scène internationale devant notamment contribuer au strict respect du droit international et au respect des principes de la charte des Nations unies{12}, la Cour souligne que l’absence de consentement du peuple du Sahara occidental auxdits accords, dont la mise en œuvre s’étend sur le territoire du Sahara occidental ou sur ses eaux adjacentes, est susceptible d’affecter la validité des actes de l’Union portant sur la conclusion de ces accords.

Sur la nécessité du consentement du peuple du Sahara occidental et sur l’identification du Front Polisario comme entité à laquelle il incomberait de l’exprimer

La Cour note, tout d’abord, que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a constaté que les accords litigieux, en ayant accordé aux autorités marocaines certaines compétences dont l’exercice est prévu sur le territoire du Sahara occidental, imposaient une obligation au peuple du Sahara occidental{13}. En effet, si la mise en œuvre des accords litigieux implique que les actes des autorités marocaines accomplis sur le territoire du Sahara occidental ont des effets juridiques modifiant la situation juridique du peuple de ce territoire, ceci ne permet toutefois pas de considérer que lesdits accords créent des obligations juridiques pesant sur ce peuple, en tant que sujet du droit international. À cet égard, les accords litigieux n’impliquent pas la reconnaissance par l’Union de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. De même, le peuple du Sahara occidental n’est pas, par exemple, le destinataire des autorisations de pêche, ou d’autres actes administratifs, établis par les autorités marocaines dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, qu’il serait tenu de reconnaître, ni des mesures prises par les autorités de l’Union et des États membres à leur égard. La Cour considère, dès lors, que le Tribunal s’est fondé sur une prémisse erronée lorsqu’il a constaté que l’expression du consentement du peuple du Sahara occidental à l’accord litigieux devait être explicite.

Toutefois, la Cour relève que le droit international coutumier ne prévoit pas de forme particulière pour l’expression du consentement d’un sujet tiers à un accord qui lui confère un droit{14} et n’exclut pas qu’un tel consentement puisse être accordé de manière implicite dans certaines circonstances. Ainsi, le consentement d’un peuple d’un territoire non autonome à un accord international par rapport auquel il a la qualité de tiers et dont l’application est prévue sur le territoire auquel se rapporte son droit à l’autodétermination peut être présumé pour autant que deux conditions soient satisfaites. D’une part, l’accord en cause ne doit pas créer d’obligation mise à la charge de ce peuple. D’autre part, il doit, notamment, prévoir que le peuple concerné perçoit lui-même un avantage précis, concret, substantiel et vérifiable découlant de l’exploitation des ressources naturelles de ce territoire, et proportionnel à l’importance de cette exploitation. L’accord en cause doit également prévoir un mécanisme de contrôle régulier permettant de vérifier la réalité de l’avantage accordé au peuple concerné. Le respect de ces conditions s’impose en vue d’assurer la compatibilité d’un tel accord avec le principe, découlant de l’article 73 de la charte des Nations unies et consacré en droit coutumier international, de primauté des intérêts des peuples des territoires non autonomes.

Ces deux conditions satisfaites, le consentement du peuple concerné doit être tenu pour acquis. Partant, la circonstance qu’un mouvement se présentant comme étant le représentant légitime dudit peuple s’oppose à cet accord ne peut, en tant que telle, suffire à remettre en cause l’existence d’un tel consentement. Cette présomption peut néanmoins être renversée pour autant que des représentants légitimes de ce peuple établissent que le régime d’avantage conféré à ce peuple par l’accord en cause, ou encore le mécanisme de contrôle régulier dont il doit être assorti, ne satisfait pas auxdites conditions.

En l’espèce, la Cour constate que les accords litigieux, bien qu’ils modifient la situation juridique du peuple du Sahara occidental en droit de l’Union au regard du droit à l’autodétermination dont il dispose, ne créent pas d’obligations juridiques pesant sur ce peuple, en tant que sujet de droit international. La première des deux conditions est donc satisfaite.

S’agissant de la seconde condition, la Cour conclut qu’un avantage en faveur du peuple du Sahara occidental, répondant aux caractéristiques mentionnées précédemment, fait manifestement défaut dans les accords litigieux. Elle précise encore que, si un accord devait, à l’avenir, bénéficier au peuple du Sahara occidental conformément auxdites exigences, la possibilité que cet accord profite également aux habitants de ce territoire en général ne serait pas susceptible d’empêcher la constatation d’un consentement présumé de ce peuple.

Sur l’invocabilité du droit international

La Cour rappelle que l’Union est tenue d’exercer ses compétences dans le respect du droit international et qu’elle est dès lors compétente, dans le cadre d’un recours en annulation, pour apprécier la compatibilité d’un accord international conclu par l’Union avec les règles de droit international. Conformément aux traités, ces règles lient l’Union, et le contrôle de validité par la Cour de l’acte par lequel l’Union a conclu un tel accord international est susceptible de porter sur la légalité de cet acte au regard du contenu même de l’accord international en cause{15}. Ainsi, le Tribunal a pu, à juste titre, considérer que le principe d’autodétermination et le principe de l’effet relatif des traités étaient invocables dans le cadre du contrôle de validité des décisions litigieuses.

Conclusion

Aucun des moyens soulevés à l’appui des pourvois portés par le Conseil et la Commission n’ayant été accueilli par la Cour, celle-ci les rejette dans leur intégralité.

Sur le maintien des effets des décisions litigieuses en cas de rejet des pourvois présentés par le Conseil et la Commission

Dans les affaires jointes C 778/21 P et C 798/21 P, l’arrêt attaqué avait maintenu les effets de la décision litigieuse jusqu’au prononcé du présent arrêt. Or, le protocole de mise en œuvre de l’accord en cause ayant expiré le 17 juillet 2023 et l’accord de pêche n’autorisant pas lui-même l’accès des navires de l’Union à la « zone de pêche » concernée, la Cour estime que les demandes subsidiaires de la Commission et du Conseil de maintien des effets de la décision litigieuse sont devenues sans objet.

Dans les affaires jointes C 779/21 P et C 799/21 P, l’accord conclu par la décision litigieuse était entré en vigueur le 19 juillet 2019. L’annulation de cette décision, sans que ses effets soient maintenus pour une période limitée, étant susceptible d’entraîner des conséquences négatives graves sur l’action extérieure de l’Union et de remettre en cause la sécurité juridique des engagements internationaux auxquels elle a consenti et qui lient les institutions et les États membres, la Cour décide de maintenir les effets de celle-ci pour une période de douze mois à compter de la date de prononcé de l’arrêt.

{1} Décision (UE) 2019/217 du Conseil, du 28 janvier 2019, relative à la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles no 1 et no 4 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2019, L 34, p. 1).

{2} Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, signé à Bruxelles le 26 février 1996 (JO 2000, L 70, p. 2).

{3} Décision (UE) 2019/441 du Conseil, du 4 mars 2019, relative à la conclusion de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, de son protocole de mise en œuvre ainsi que de l’échange de lettres accompagnant l’accord (JO 2019, L 77, p. 4)

{4} Règlement (UE) 2019/440 du Conseil, du 29 novembre 2018, relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc et de son protocole de mise en œuvre (JO 2019, L 77, p. 1, ci-après « le règlement attaqué »).

{5} Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc (JO 2006, L 141, p. 4).

{6} Arrêt du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T 279/19, EU:T:2021:639).

{7} Arrêt du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T 344/19 et T 356/19, EU:T:2021:640).

{8} La Cour précise à cet égard que la question de savoir si cette entité peut légitimement représenter les intérêts du peuple du Sahara occidental concerne sa qualité pour agir dans le cadre d’un recours en annulation concernant la décision litigieuse, et non pas sa capacité d’ester devant le juge de l’Union.

{9} Voir arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C 104/16 P, EU:C:2016:973, points 88, 91 et 105).

{10} Considérant 10 de la décision 2019/217 et considérant 11 de la décision 2019/441.

{11} Voir arrêt du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario (C 104/16 P, EU:C:2016:973, point 106).

{12} Article 3, paragraphe 5, et article 21, paragraphe 1, TUE.

{13} Arrêts du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T 279/19, EU:T:2021:639, points 322 et 323), ainsi que du 29 septembre 2021, Front Polisario/Conseil (T 344/19 et T 356/19, EU:T:2021:640, point 318).

{14} Voir arrêt de la Cour permanente de justice internationale du 7 juin 1932, affaire des « Zones Franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex » (Recueil CPJI 1927, séries A/B, no 46, p. 148).

{15} Arrêt du 27 février 2018, Western Sahara Campaign UK (C 266/16, EU:C:2018:118, points 47 à 51).

Arrêt du 4 octobre 2024, Commission / Front Polisario (C-779/21 P et C-799/21 P) (cf. points 183-186)