1. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 2 mai 2019, Asendia Spain (C-259/18) (cf. points 14-20, 26-28)
Ordonnance du 20 janvier 2011, Chihabi e.a. (C-432/10, Rec._p._I-5*) (cf. points 18-23)
Ordonnance du 15 avril 2011, Debiasi (C-613/10, Rec._p._I-65*) (cf. points 19-32 et disp.)
Ordonnance du 4 juillet 2012, Ettaghi (C-73/12) (cf. points 5-7)
Ordonnance du 4 juillet 2012, Tam (C-74/12) (cf. points 5-7)
Ordonnance du 4 juillet 2012, Abdel (C-75/12) (cf. points 5-7)
Ordonnance du 10 octobre 2012, Ziemski et Kozak (C-31/12) (cf. points 6-7 et disp.)
Ordonnance du 27 février 2014, Acanfora (C-181/13) (cf. points 11-14 et disp.)
Ordonnance du 7 septembre 2016, Velikova (C-228/15) (cf. points 17-20, 36)
Ordonnance du 27 octobre 2016, Uber Belgium (C-526/15) (cf. points 17-30, 32 et disp.)
Ordonnance du 22 juin 2017, Fondul Proprietatea (C-556/15 et C-22/16) (cf. points 34-37, 39, 40)
Ordonnance du 14 avril 2021, Casa di Cura Città di Parma (C-573/20) (cf. points 32-34, 36)
Ordonnance du 12 décembre 2024, Your personal driver (C-534/24) (cf. points 14-21)
2. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi (C-463/12) (cf. point 93)
Ordonnance du 20 janvier 2010, Saenz Morales (C-389/09, Rec._p._I-3*) (cf. points 9-20)
3. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen de la compatibilité du droit national avec le droit de l'Union - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi de tous les éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union - Inclusion - Origine législative, réglementaire ou jurisprudentielle des règles du droit national concernées - Absence d'incidence
S’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre de la procédure préjudicielle, sur la compatibilité de dispositions du droit national avec les règles de droit de l’Union, elle est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant de ce droit qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle conformité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie.
À cette fin, l’origine législative, réglementaire ou jurisprudentielle des règles du droit national dont la juridiction nationale doit apprécier la conformité avec le droit de l’Union à la lumière des éléments d’interprétation fournis par la Cour n’affecte nullement la compétence de celle-ci pour statuer sur la demande de décision préjudicielle.
4. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Questions posées dans un contexte excluant une réponse utile - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 8 novembre 2012, SKP (C-433/11) (cf. points 22-30, 34)
Ordonnance du 20 juin 2013, Ciesse (C-468/12) (cf. points 29-33)
Ordonnance du 8 septembre 2016, Caixabank (C-91/16 et C-120/16) (cf. points 13-17, 19, 22)
Ordonnance du 29 novembre 2016, Jacob et Lennertz (C-345/16) (cf. points 11-26 et disp.)
Ordonnance du 16 novembre 2017, da Silva Rodrigues (C-243/17) (cf. points 28-31, 39-41, disp. 2)
Ordonnance du 10 janvier 2022, ZI et TQ (C-437/20) (cf. points 29, 30)
5. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité d'une disposition de droit communautaire résultant d'un renvoi opéré par le droit national - Compétence pour fournir cette interprétation
Il ne ressort ni des termes des articles 68 CE et 234 CE ni de l’objet de la procédure instituée par cette dernière disposition que les auteurs du traité aient entendu exclure de la compétence de la Cour les renvois préjudiciels portant sur une directive dans le cas particulier où le droit national d’un État membre renvoie au contenu des dispositions de cette directive pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne de cet État. En effet, dans un tel cas, il existe un intérêt communautaire certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit communautaire reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer.
6. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Inclusion au vu de l'intérêt potentiel d'entreprises d'autres États membres d'exercer des activités dans cet État
Lorsque, dans le cadre d'une question préjudicielle, tous les éléments du litige dont est saisie la juridiction nationale sont cantonnés à l'intérieur d'un seul État membre, la Cour peut être compétente pour fournir une réponse à la juridiction nationale dès lors que, s'agissant d'une réglementation imposant des distances minimales obligatoires entre les installations routières de distribution de carburants, il ne saurait nullement être exclu que des entreprises établies dans des États membres autres que l'État membre concerné aient été ou soient intéressées à commercialiser des carburants dans ce dernier État membre.
Arrêt du 11 mars 2010, Attanasio Group (C-384/08, Rec._p._I-2055) (cf. points 22-24)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a. (C-168/14) (cf. points 35, 36)
7. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Convention internationale ne liant pas la Communauté - Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route
La Cour de justice n’est pas compétente pour interpréter l’article 31 de la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR), signée à Genève le 19 mai 1956, telle que modifiée par le protocole signé à Genève le 5 juillet 1978. En effet, c’est seulement lorsque et dans la mesure où l’Union a assumé les compétences précédemment exercées par les États membres dans le domaine d’application d’une convention internationale non conclue par l’Union et que, par conséquent, les dispositions de cette convention ont pour effet de lier l’Union que la Cour est compétente pour interpréter une telle convention. Toutefois, il ne saurait être affirmé que les règles de compétence judiciaire, de reconnaissance et d’exécution prévues par la CMR lient l’Union. Il ressort, bien au contraire, de l’interprétation de l’article 71 du règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, qu’il ne peut être fait application, au sein de l’Union, de ces règles que dans le respect des principes sous-tendant ledit règlement.
Arrêt du 4 mai 2010, TNT Express Nederland (C-533/08, Rec._p._I-4107) (cf. points 62-63, disp. 2)
8. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité à une situation interne d'une disposition de droit de l'Union rendue applicable par le droit national - Compétence pour fournir cette interprétation
Lorsqu'une législation nationale se conforme pour les solutions qu'elle apporte à des situations purement internes à celles retenues dans le droit de l'Union, afin, notamment, d'éviter l'apparition de discriminations à l'encontre des ressortissants nationaux ou d'éventuelles distorsions de concurrence, il existe un intérêt certain de l'Union à ce que, pour éviter des divergences d'interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l'Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s'appliquer.
Arrêt du 20 mai 2010, Modehuis A. Zwijnenburg (C-352/08, Rec._p._I-4303) (cf. point 33)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 octobre 2012, Pelati (C-603/10) (cf. points 18-20)
Arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C-32/11) (cf. points 20-23)
Arrêt du 4 décembre 2014, FNV Kunsten Informatie en Media (C-413/13) (cf. points 17-20)
Arrêt du 26 novembre 2015, Maxima Latvija (C-345/14) (cf. point 12)
Arrêt du 21 juillet 2016, VM Remonts e.a. (C-542/14) (cf. points 17, 18)
Arrêt du 26 octobre 2023, EDP - Energias de Portugal e.a. (C-331/21) (cf. points 40-44)
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Arrêt du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C-306/20) (cf. points 42-48)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 5 décembre 2024, Tallinna Kaubamaja Grupp et KIA Auto (C-606/23) (cf. points 16-21)
En réponse à un renvoi préjudiciel du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), la Cour constate que la directive 2019/1{1} et l’article 102 TFUE s’opposent à une réglementation nationale qui oblige l’autorité nationale de concurrence d’ouvrir la phase d’instruction contradictoire des procédures en matière de concurrence qu’elle mène dans un délai de 90 jours à compter du moment où elle a connaissance des éléments essentiels de l’infraction alléguée.
Le 24 mars 2018, l’Autorità garante della concorrenza e del mercato (Autorité garante du respect de la concurrence et des règles du marché, Italie, ci-après l’« AGCM ») a reçu une plainte mettant en cause les prix pratiqués par la société Caronte & Tourist SpA (ci-après « C&T »), qui fournit des services de transbordement dans le détroit de Messine (Italie).
Après avoir contacté l’autorité portuaire de Messine afin d’obtenir des informations supplémentaires, l’AGCM a notifié à C&T sa décision d’ouvrir une procédure visant à constater une infraction en matière de concurrence le 4 août 2020.
Par décision du 11 avril 2022, l’AGCM a constaté, sur le fondement de la législation nationale, l’existence d’un abus de position dominante par C&T en raison de l’imposition de prix excessifs pour le service de transbordement de véhicules dans le détroit de Messine. En conséquence, cette autorité a enjoint à C&T de cesser une telle pratique à l’avenir et lui a infligé une amende.
C&T a contesté la décision du 11 avril 2022 devant le tribunal administratif régional pour le Latium en invoquant, notamment, la tardiveté de l’ouverture de la phase d’instruction contradictoire de la procédure ayant donné lieu à cette décision.
À cet égard, ledit tribunal explique que, conformément à la législation nationale, telle qu’interprétée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), l’AGCM doit ouvrir la phase d’instruction contradictoire des procédures en matière de concurrence par la communication des griefs dans un délai de 90 jours à compter du moment où elle a connaissance des éléments essentiels de l’infraction alléguée, ces derniers étant susceptibles de se limiter au premier signalement de l’infraction (ci-après le « délai en cause »). Tout dépassement de ce délai entraînerait l’annulation, dans son intégralité, de la décision de l’AGCM adoptée à l’issue de la procédure d’infraction, sans que l’entreprise concernée soit tenue d’établir un préjudice subi en raison du non-respect du délai en cause. En application du principe ne bis in idem, l’AGCM ne serait pas non plus en mesure d’ouvrir une nouvelle procédure d’infraction portant sur la même pratique, même lorsque l’entreprise concernée n’a jamais mis fin à celle-ci.
Dès lors que le tribunal administratif régional pour le Latium doute de la compatibilité avec le droit de la concurrence de l’Union d’une telle réglementation, il a décidé d’interroger la Cour à ce sujet.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour relève que, en l’occurrence, la décision de l’AGCM d’ouvrir la phase d’instruction contradictoire de la procédure d’infraction à l’égard de C&T a été adoptée pendant le délai de transposition de la directive 2019/1, qui vise à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. Or, il ressort d’une jurisprudence constante que, pendant le délai de transposition d’une directive, les États membres destinataires de celle-ci doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive.
Compte tenu de cette précision, la Cour constate que, par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2019/1 et l’article 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal.
À cet égard, la Cour commence par rappeler que, si, en l’absence de réglementation spécifique de l’Union, la fixation et l’application des règles régissant les délais procéduraux en matière d’établissement des infractions et d’imposition de sanctions par les autorités nationales de concurrence relèvent de la compétence des États membres, ceux-ci doivent exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union.
Ainsi, les règles nationales fixant de tels délais doivent, dans le respect du principe de sécurité juridique, tendre à ce que les affaires soient traitées dans un délai raisonnable par les autorités de concurrence tout en n’ayant pas pour effet de compromettre la mise en œuvre effective des articles 101 et 102 TFUE ainsi que de la directive 2019/1 dans l’ordre juridique interne.
Or, afin de s’acquitter efficacement de leur obligation de mettre en œuvre le droit de l’Union en matière de concurrence, les autorités nationales de concurrence doivent être en mesure d’accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elles sont saisies en disposant, à cet effet, d’une large marge d’appréciation. Par ailleurs, la reconnaissance d’une telle large marge d’appréciation se justifie également au regard de la directive 2019/1.
Dans ce contexte, il résulte tant de la finalité même de la phase antérieure à la communication des griefs d’une procédure d’infraction en matière de concurrence que de la large marge d’appréciation dont doit disposer une autorité nationale de concurrence dans l’établissement des priorités pour ses procédures relatives à la mise en œuvre de l’article 102 TFUE que, lors de cette phase de la procédure, une telle autorité doit être en mesure non seulement de procéder à l’ensemble des mesures d’instruction préalables ainsi qu’aux appréciations factuelles et juridiques souvent complexes qui lui sont nécessaires pour évaluer si l’ouverture de la phase d’instruction contradictoire est justifiée, mais également de choisir, en fonction du degré de priorité qu’elle souhaite accorder, dans l’exercice de son indépendance opérationnelle, à une procédure d’infraction en cours, le moment le plus opportun pour entamer, le cas échéant, la phase d’instruction contradictoire de celle-ci.
Ainsi, une autorité nationale de concurrence doit disposer de la possibilité de repousser temporairement l’ouverture de la phase d’instruction contradictoire dans une procédure donnée, alors qu’elle a déjà établi l’existence des éléments essentiels de l’infraction alléguée. Néanmoins, un tel report temporaire ne saurait avoir pour conséquence un dépassement du délai raisonnable dans lequel la phase antérieure à la communication des griefs d’une procédure d’infraction doit être conclue.
Au regard de ce qui précède, la Cour observe que l’application du délai en cause à la phase préliminaire des procédures d’instruction menées par l’AGCM risque d’obliger cette dernière à devoir traiter de manière indifférenciée l’ensemble des procédures d’infraction dont elle est saisie en prenant en considération non pas les circonstances propres à chaque procédure, mais en suivant uniquement un ordre chronologique, l’empêchant ainsi d’établir et de mettre en œuvre des priorités pour ses procédures relatives à la mise en œuvre des articles 101 et 102 TFUE.
En outre, les conséquences liées au dépassement du délai en cause sont susceptibles d’empêcher l’AGCM de coopérer pleinement au sein du réseau européen de la concurrence, qui, ainsi qu’il résulte de la directive 2019/1, est formé par les autorités nationales de concurrence et la Commission européenne aux fins d’une coopération étroite en matière d’application et de mise en œuvre des articles 101 et 102 TFUE.
Par ailleurs, la Cour relève, d’une part, que les droits de la défense des entreprises faisant l’objet d’une procédure d’infraction ne sont, en tout état de cause, pas susceptibles d’être violés du seul fait de la méconnaissance du délai en cause. D’autre part, les conséquences en droit découlant de la méconnaissance du délai en cause, telles que décrites par la juridiction de renvoi, apparaissent susceptibles d’engendrer un risque systémique d’impunité des faits constitutifs d’infractions au droit de la concurrence de l’Union, ce qui irait à l’encontre du principe d’effectivité.
Dans ces conditions, la Cour constate que l’application du délai en cause à l’activité de l’AGCM est susceptible d’avoir pour conséquence une atteinte à l’indépendance opérationnelle de cette autorité ainsi que de créer un risque systémique d’impunité des faits constitutifs d’infractions à l’article 102 TFUE. Il s’ensuit que les dispositions nationales prévoyant le délai en cause sont de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive 2019/1.
À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que la directive 2019/1 ainsi que l’article 102 TFUE, lus à lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, lors d’une procédure visant la constatation d’une pratique anticoncurrentielle menée par une autorité nationale de concurrence, d’une part, impose à cette autorité d’ouvrir la phase d’instruction contradictoire de cette procédure par la communication des griefs à l’entreprise concernée dans un délai de 90 jours à compter du moment où elle a connaissance des éléments essentiels de l’infraction alléguée, ceux-ci étant susceptibles de se limiter au premier signalement de cette dernière, et, d’autre part, sanctionne la méconnaissance de ce délai par l’annulation intégrale de la décision finale de ladite autorité à l’issue de la procédure d’infraction ainsi que par la déchéance du pouvoir de cette dernière d’ouvrir une nouvelle procédure d’infraction concernant la même pratique.
Par ailleurs, dès lors que, conformément au droit italien, le délai de déchéance de 90 jours en cause dans la présente affaire est également applicable à la phase préliminaire d’examen, par l’AGCM, de pratiques commerciales déloyales des entreprises visant les consommateurs, la Cour, en réponse à un renvoi préjudiciel parallèle introduit par le tribunal administratif régional pour le Latium, a conclu, par arrêt du même jour{2} et pour des raisons analogues à celles évoquées ci-dessus, que les articles 11 et 13 de la directive 2005/29{3}, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui oblige, dans les mêmes conditions que celles décrites ci-dessus, l’autorité nationale chargée de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs d’ouvrir la phase d’instruction contradictoire des procédures d’infraction qu’elle mène dans un délai de 90 jours à compter du moment où elle a connaissance des éléments essentiels de l’infraction alléguée.
{1} Directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (JO 2019, L 11, p. 3).
{2} Arrêt du 30 janvier 2025, Trenitalia (C-510/23).
{3} Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22).
Arrêt du 30 janvier 2025, Caronte & Tourist (C-511/23) (cf. points 29-34)
Ordonnance du 15 juillet 2019, Galeria Parque Nascente (C-438/18) (cf. points 38-41)
9. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question manifestement dénuée de pertinence
La Cour peut décider de ne pas statuer sur une question préjudicielle en appréciation de validité d’un acte communautaire, lorsqu’il apparaît de manière manifeste que cette appréciation, demandée par la juridiction nationale, n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.
Arrêt du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C. (C-138/09, Rec._p._I-4561) (cf. point 16)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 mars 2014, Z. (C-363/12) (cf. point 64)
Arrêt du 17 septembre 2015, van der Lans (C-257/14) (cf. point 20)
Ordonnance du 24 mars 2011, Abt e.a. (C-194/10, Rec._p._I-39*) (cf. points 36-39)
Ordonnance du 30 avril 2014, Intelcom Service (C-600/13) (cf. points 15-17)
Ordonnance du 7 septembre 2016, Velikova (C-228/15) (cf. point 35)
10. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Identification de l'objet de la question
Si la Cour n'a pas compétence, en vertu de l'article 234 CE, pour appliquer la règle communautaire à un litige déterminé et, ainsi, pour qualifier une disposition de droit national au regard de cette règle, elle peut cependant, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée par cet article, à partir des éléments du dossier, fournir à la juridiction nationale les éléments d'interprétation du droit communautaire qui pourraient lui être utiles dans l'appréciation des effets de cette disposition.
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 septembre 2012, Field Fisher Waterhouse (C-392/11) (cf. point 20)
Arrêt du 21 novembre 2013, X (C-302/12) (cf. points 19-22)
Arrêt du 5 février 2014, Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C-385/12) (cf. point 18)
Arrêt du 6 mars 2014, Amatori e.a. (C-458/12) (cf. points 24-28, 45, 46)
Arrêt du 9 juillet 2015, Cimmino e.a. (C-607/13) (cf. points 37, 38)
Arrêt du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria (C-83/14) (cf. points 71, 104)
11. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile
Les questions relatives à l’interprétation du droit communautaire posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit communautaire n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 28 février 2013, Beker (C-168/11) (cf. point 19)
Arrêt du 11 avril 2013, Della Rocca (C-290/12) (cf. point 29)
Arrêt du 7 novembre 2013, Romeo (C-313/12) (cf. point 40)
Arrêt du 23 janvier 2014, DMC (C-164/12) (cf. points 24-26)
Arrêt du 10 septembre 2014, Kušionová (C-34/13) (cf. point 38)
Arrêt du 16 juillet 2015, UNIC et Uni.co.pel (C-95/14) (cf. point 54)
Arrêt du 15 octobre 2015, Balázs (C-251/14) (cf. point 26)
Arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck (C-479/14) (cf. point 30)
Arrêt du 21 septembre 2016, Radgen (C-478/15) (cf. point 27)
Arrêt du 20 décembre 2017, Erzeugerorganisation Tiefkühlgemüse (C-516/16) (cf. points 80, 82)
Arrêt du 7 août 2018, Banco Santander (C-96/16 et C-94/17) (cf. points 50-53)
Arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a. (C-234/17) (cf. points 16-18)
Dans son arrêt du 4 juillet 2019, Baltic Media Alliance (C-622/17), la Cour a jugé qu’une mesure imposant, pour des motifs d’ordre public, l’obligation de ne diffuser ou de ne retransmettre temporairement une chaîne de télévision en provenance d’un autre État membre que dans des bouquets payants ne relève pas de l’article 3 de la directive 2010/13{1}. Cette disposition oblige les États membres à assurer la liberté de réception et à ne pas entraver la retransmission sur leur territoire d’émissions télévisées en provenance d’autres États membres pour des raisons qui relèvent des domaines coordonnés par la directive, au nombre desquels figurent les mesures contre l’incitation à la haine.
NTV Mir Lithuania est une chaîne destinée au public lituanien et dont l’essentiel des programmes est en langue russe. La commission lituanienne de la radio et de la télévision avait adopté une décision imposant à des fournisseurs de services de médias de ne diffuser ou de ne retransmettre cette chaîne sur le territoire lituanien, pendant douze mois, que dans des bouquets payants. Cette décision avait été prise au motif que l’un des programmes de ladite chaîne contenait de fausses informations qui incitaient à l’hostilité et à la haine fondées sur la nationalité envers les pays baltes. Baltic Media Alliance, société enregistrée au Royaume-Uni et titulaire d’une licence britannique pour la diffusion de NTV Mir Lithuania, considérait que cette décision avait été adoptée en violation de la directive 2010/13, car elle entravait la retransmission d’une chaîne de télévision provenant d’un autre État membre.
S’agissant de l’interdiction d’entraves à la retransmission prévue à l’article 3 de la directive 2010/13, la Cour a relevé tout d’abord, en s’appuyant sur le contexte, les objectifs et la genèse de celle-ci, que le terme « entrave » revêt, dans le contexte de cette directive, un sens spécifique, plus restreint que la notion de restriction figurant à l’article 56 TFUE. Il ne vise pas toute restriction, par l’État membre de réception, à la liberté de réception et de retransmission. Ainsi, la directive 2010/13 ne s’oppose en principe pas à l’application d’une réglementation nationale qui, de façon générale, poursuit un objectif d’intérêt général sans toutefois instaurer un second contrôle des émissions s’ajoutant à celui que l’État membre d’émission est tenu d’effectuer.
En précisant sa jurisprudence antérieure{2}, la Cour a ensuite jugé qu’une mesure nationale qui, de façon générale, poursuit un objectif d’ordre public et qui régit les modalités de distribution d’une chaîne de télévision aux consommateurs de l’État membre de réception ne constitue pas une entrave au sens de l’article 3 de la directive 2010/13, dès lors que de telles modalités n’empêchent pas la retransmission proprement dite de cette chaîne. En effet, une telle mesure n’instaure pas un second contrôle de l’émission.
Eu égard à ces constatations, la Cour a conclu qu’une mesure telle que celle en cause au principal ne relève pas de l’article 3 de la directive 2010/13. En effet, d’une part, la décision en cause poursuit un objectif d’intérêt général, dans la mesure où elle s’inscrit dans la lutte contre la diffusion d’informations discréditant l’État lituanien et vise à protéger la sécurité de l’espace de l’information lituanien ainsi qu’à garantir et à préserver l’intérêt public à être correctement informé. D’autre part, elle n’empêche pas la retransmission proprement dite sur le territoire lituanien d’émissions télévisées en provenance d’un autre État membre, car la chaîne de télévision visée peut toujours être légalement diffusée sur ce territoire et les consommateurs lituaniens peuvent toujours la visionner, pour autant qu’ils souscrivent à un bouquet payant.
{1 Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») (JO 2010, L 95, p. 1).}
{2 Arrêt du 22 septembre 2011, Mesopotamia Broadcast et Roj TV, C-244/10 et C-245/10, EU:C:2011:607.}
Arrêt du 4 juillet 2019, Baltic Media Alliance (C-622/17) (cf. points 24-27, 31)
BZ, ressortissant de pays tiers, séjourne depuis 1990 en Allemagne. Bien que soumis depuis cette date à une obligation de quitter le territoire, il a continué de séjourner dans cet État membre en vertu d’un « sursis provisoire à l’éloignement », régulièrement prorogé, fondé sur le droit national.
En 2013, BZ a été condamné à une peine privative de liberté pour soutien au terrorisme et, en 2014, il a bénéficié d’un sursis à l’exécution de la durée restante de sa peine.
En raison de cette condamnation pénale, le Westerwaldkreis (arrondissement de Westerwald, Allemagne) a, par un arrêté du 24 février 2014, ordonné l’expulsion de BZ et prononcé une interdiction d’entrée et de séjour en Allemagne pour une durée de six ans, réduite ultérieurement à quatre ans, à compter de la date à laquelle BZ aura effectivement quitté le territoire allemand, et limitée au 21 juillet 2023 au plus tard. Dans le même temps, l’arrondissement de Westerwald a adressé à BZ un ordre de quitter le territoire sous peine d’éloignement, qu’il a toutefois retiré dans le cadre d’une procédure administrative d’opposition.
Le recours introduit contre les mesures adoptées à son égard ayant été rejeté, BZ a interjeté appel de la décision de rejet devant l’Oberverwaltungsgericht Rheinland Pfalz (tribunal administratif supérieur de Rhénanie-Palatinat, Allemagne).
Une demande d’asile de BZ a été rejetée en 2017 par l’autorité allemande compétente comme étant manifestement non fondée. Cette autorité a également constaté que BZ ne pouvait pas être renvoyé en Syrie, les conditions d’une interdiction d’éloignement étant remplies en ce qui concernait ce pays.
L’appel tendant à l’annulation de l’arrêté d’expulsion et à la fixation de la durée de l’interdiction d’entrée et de séjour ayant été rejeté par un arrêt du 5 avril 2018, BZ a introduit un recours en Revision contre cet arrêt devant le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne). Cette juridiction a, d’une part, rejeté le recours en Revision de BZ, pour autant que ce recours portait sur l’arrêté d’expulsion adopté à son égard, lequel est ainsi devenu définitif. D’autre part, elle a poursuivi la procédure en Revision dans la mesure où elle portait sur la décision de réduire à quatre ans à compter d’un éventuel départ de BZ du territoire allemand et au 21 juillet 2023 au plus tard la durée de l’interdiction d’entrée et de séjour accompagnant cet arrêté.
La juridiction de renvoi se demande si la directive retour{1} s’applique à une interdiction d’entrée telle que celle en cause, prononcée contre un ressortissant d’un pays tiers à des fins « non liées à la migration ». Ses doutes résultent du fait que, selon le « manuel sur le retour » de la Commission{2}, les règles applicables aux interdictions d’entrée liées au retour{3} en vertu de la directive retour « n’ont pas d’incidence sur les interdictions d’entrée prononcées à des fins non liées à la migration ». Elle indique toutefois que l’Allemagne n’a pas fait usage de la faculté conférée aux États membres par l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive retour, de ne pas appliquer ladite directive aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national.
Le cas échéant, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union du maintien d’une interdiction d’entrée{4}, prononcée par un État membre contre un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur son territoire et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion, devenu définitif, lorsque la décision de retour adoptée à l’égard de ce ressortissant par ledit État membre a été retirée. Elle précise à cet égard que, en droit allemand, un arrêté d’expulsion ne constitue pas une « décision de retour »{5} au sens de la directive retour, à la différence d’un ordre de quitter le territoire sous peine d’éloignement.
Dès lors, la juridiction de renvoi a décidé de demander à la Cour des éclaircissements sur le champ d’application de la directive retour et sur le lien qui y est établi entre l’interdiction d’entrée et la décision de retour.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour juge que relève du champ d’application de la directive retour une interdiction d’entrée et de séjour, prononcée par un État membre qui n’a pas fait usage de la faculté que lui confère l’article 2, paragraphe 2, sous b), de cette directive, contre un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur son territoire et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion pour des raisons de sécurité publique et d’ordre public, sur la base d’une condamnation pénale antérieure.
La Cour rappelle, à cet égard, que, aux termes de son article 2, paragraphe 1, la directive retour s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre. Eu égard à la définition du « séjour irrégulier » dans la directive retour, tout ressortissant d’un pays tiers qui est présent sur le territoire d’un État membre sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans celui-ci se trouve, de ce seul fait, en séjour irrégulier et, partant, relève du champ d’application de ladite directive.
Il en résulte que le champ d’application de cette directive est défini par référence à la seule situation de séjour irrégulier dans laquelle se trouve un ressortissant d’un pays tiers, indépendamment des motifs à l’origine de cette situation ou des mesures susceptibles d’être adoptées à l’égard de ce ressortissant. Or, le champ d’application de la directive retour ne saurait être modifié par une recommandation de la Commission, dépourvue d’effet contraignant.
En second lieu, la Cour juge que la directive retour s’oppose au maintien en vigueur d’une interdiction d’entrée et de séjour, prononcée par un État membre contre un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur son territoire et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion, devenu définitif, adopté pour des raisons de sécurité publique et d’ordre public sur la base d’une condamnation pénale antérieure, lorsque la décision de retour adoptée à l’égard de ce ressortissant par ledit État membre a été retirée, quand bien même cet arrêté d’expulsion est devenu définitif.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour relève qu’il résulte de la directive retour{6} qu’une interdiction d’entrée est censée compléter une décision de retour, en interdisant à l’intéressé pour une durée déterminée après son « retour », tel que défini par la directive, et donc après son départ du territoire des États membres, d’entrer à nouveau sur ce territoire et d’y séjourner ensuite. Une interdiction d’entrée ne produit, par conséquent, ses effets qu’à partir du moment où l’intéressé quitte effectivement le territoire des États membres.
En l’occurrence, l’interdiction d’entrée prononcée contre BZ n’accompagne plus aucune décision de retour. Dans la mesure où une interdiction d’entrée relevant de la directive retour ne peut produire ses effets juridiques qu’à la suite de l’exécution de la décision de retour, elle ne peut pas être maintenue en vigueur après le retrait de cette décision.
Il s’ensuit que, lorsqu’un État membre est confronté à un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur son territoire sans titre de séjour valide, il doit déterminer s’il faut délivrer à ce ressortissant un nouveau titre de séjour. Si tel n’est pas le cas, il devra adopter à l’égard dudit ressortissant une décision de retour qui, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de la directive retour, pourra ou devra être assortie d’une interdiction d’entrée, au sens de l’article 3, point 6, de cette directive.
La Cour estime contraire à la directive retour de tolérer l’existence d’un statut intermédiaire de ressortissants de pays tiers qui se trouveraient sur le territoire d’un État membre sans droit ni titre de séjour et, le cas échéant, feraient l’objet d’une interdiction d’entrée, sans qu’aucune décision de retour valide ne subsiste à leur égard. Le fait qu’un arrêté d’expulsion, tel que celui dont fait l’objet BZ, soit devenu définitif ne saurait justifier le maintien en vigueur d’une interdiction d’entrée, alors que ne subsiste, à l'égard de BZ, aucune décision de retour.
Ces considérations valent également s’agissant des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre qui, à l’instar de BZ, ne peuvent pas être éloignés car le principe de non refoulement s’y oppose. D’après la directive, en effet, cette circonstance ne justifie pas la non-adoption d’une décision de retour à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers dans une telle situation, mais seulement le report de l’éloignement de celui-ci, en exécution de ladite décision.
{1} Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98, ci-après la « directive retour »).
{2} Recommandation (UE) 2017/2338 de la Commission, du 16 novembre 2017, établissant un « manuel sur le retour » commun devant être utilisé par les autorités compétentes des États membres lorsqu’elles exécutent des tâches liées au retour (JO 2017, L 339, p. 83).
{3} Ce qui désigne les interdictions d’entrée liées à la violation des règles de migration dans les États membres.
{4} Définie, à l’article 3, point 6, de la directive retour, comme une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour.
{5} Définie, à l’article 3, point 4, de la directive retour, comme une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour.
{6} Précisément, son article 3, points 4 et 6, et son article 11, paragraphe 1.
Arrêt du 3 juin 2021, Westerwaldkreis (C-546/19) (cf. point 38)
Ordonnance du 1er octobre 2010, Affatato (C-3/10, Rec._p._I-121*) (cf. points 27-33, disp. 1)
Ordonnance du 7 février 2013, La Retoucherie de Manuela (C-117/12) (cf. point 24)
Ordonnance du 8 décembre 2016, Marinkov (C-27/16) (cf. points 37, 38)
Ordonnance du 16 novembre 2017, Maxiflor (C-491/16) (cf. points 23, 24)
Ordonnance du 5 septembre 2019, Eli Lilly and Company (C-239/19) (cf. points 14, 15)
Ordonnance du 12 janvier 2023, SNI (C-506/22) (cf. point 19)
Ordonnance du 19 février 2024, Witon (C-449/23 et C-450/23) (cf. points 19-22, 26-33)
12. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen de la compatibilité d'une aide avec le marché commun - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi de tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire - Inclusion
La Cour n’est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit de l’Union. Elle ne saurait davantage se prononcer sur la compatibilité d’une aide d’État ou d’un régime d’aides avec le marché commun, l’appréciation de cette compatibilité relevant de la compétence exclusive de la Commission européenne, agissant sous le contrôle du juge de l’Union. La Cour n’est pas non plus compétente pour apprécier les faits au principal ou pour appliquer à des mesures ou à des situations nationales les règles de l’Union dont elle a donné l’interprétation, ces questions relevant de la compétence exclusive de la juridiction nationale.
Cependant, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier la conformité d’une mesure nationale avec ce droit en vue du jugement de l’affaire dont elle est saisie. En matière d’aides d’État, elle peut notamment fournir au juge de renvoi les éléments d’interprétation lui permettant de déterminer si une mesure nationale peut être qualifiée d’aide d’État au sens du droit de l’Union.
S’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en application de l’article 234 CE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit de l’Union ni d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales, elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie.
Plus précisément, la compétence de la Commission pour apprécier la compatibilité d’une aide avec le marché commun ne fait pas obstacle à ce qu’une juridiction nationale interroge la Cour à titre préjudiciel sur l’interprétation de la notion d’aide. Ainsi, la Cour peut notamment fournir au juge de renvoi les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union lui permettant de déterminer si une mesure nationale peut être qualifiée d’aide d’État au sens dudit droit.
Arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. (C-78/08 à C-80/08, Rec._p._I-7611) (cf. points 34-35)
13. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Compétence de la Cour - Contrôle de la validité d'un acte de l'Union - Juge national confronté à l'inconstitutionnalité présumée d'une réglementation nationale de transposition d'une directive - Obligation de saisine de la Cour de justice avant le contrôle incident de constitutionnalité de ladite réglementation - Portée
Le caractère prioritaire d’une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité d’une loi nationale dont le contenu se limite à transposer les dispositions impératives d’une directive de l’Union ne saurait porter atteinte à la compétence de la seule Cour de justice de constater l’invalidité d’un acte de l’Union, et notamment d’une directive, compétence ayant pour objet de garantir la sécurité juridique en assurant l’application uniforme du droit de l’Union.
En effet, pour autant que le caractère prioritaire d’une telle procédure aboutit à l’abrogation d’une loi nationale se limitant à transposer les dispositions impératives d’une directive de l’Union en raison de la contrariété de cette loi à la Constitution nationale, la Cour pourrait, en pratique, être privée de la possibilité de procéder, à la demande des juridictions du fond de l’État membre concerné, au contrôle de la validité de ladite directive par rapport aux mêmes motifs relatifs aux exigences du droit primaire, et notamment des droits reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à laquelle l’article 6 TUE confère la même valeur juridique que celle qui est reconnue aux traités.
Avant que le contrôle incident de constitutionnalité d’une loi dont le contenu se limite à transposer les dispositions impératives d’une directive de l’Union puisse s’effectuer par rapport aux mêmes motifs mettant en cause la validité de la directive, les juridictions nationales, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, sont, en principe, tenues, en vertu de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, d’interroger la Cour de justice sur la validité de cette directive et, par la suite, de tirer les conséquences qui découlent de l’arrêt rendu par la Cour à titre préjudiciel, à moins que la juridiction déclenchant le contrôle incident de constitutionnalité n’ait elle-même saisi la Cour de justice de cette question sur la base du deuxième alinéa dudit article. En effet, s’agissant d’une loi nationale de transposition d’un tel contenu, la question de savoir si la directive est valide revêt, eu égard à l’obligation de transposition de celle-ci, un caractère préalable. En outre, l’encadrement dans un délai strict de la durée d’examen par les juridictions nationales ne saurait faire échec au renvoi préjudiciel relatif à la validité de la directive en cause.
Arrêt du 22 juin 2010, Melki et Abdeli (C-188/10 et C-189/10, Rec._p._I-5667) (cf. points 54-56)
14. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence, dispositions de droit communautaire manifestement inapplicables et questions posées dans un contexte excluant une réponse utile
Il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
Arrêt du 1er juillet 2010, Sbarigia (C-393/08, Rec._p._I-6337) (cf. points 19-20)
15. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Inclusion au vu de l'applicabilité éventuelle de la règle communautaire audit litige à raison d'une interdiction de discrimination posée par le droit national
Lorsque, dans le cadre d'une question préjudicielle, tous les éléments du litige dont est saisie la juridiction de renvoi sont circonscrits à l'intérieur d'un seul État membre, une réponse peut néanmoins être utile à la juridiction de renvoi, notamment dans l'hypothèse où le droit national imposerait de faire bénéficier un ressortissant dudit État membre des mêmes droits que ceux qu'un ressortissant d'un autre État membre tirerait du droit de l'Union dans la même situation.
L’hypothèse évoquée au point précédent vise les droits qu’un ressortissant d’un autre État membre pourrait tirer du droit de l’Union s’il se trouvait dans la même situation que la requérante au principal, exploitant une pharmacie dans une zone municipale spécifique et confronté à une décision de l’administration nationale compétente faisant application d'une réglementation nationale à l’égard d’une demande qui ne met nullement en cause le système général de réglementation des horaires d’ouverture et des congés des pharmacies instauré par cette réglementation, mais vise uniquement à obtenir, à titre d’exception à ce système général, l’autorisation de renoncer à toute période de fermeture.
Ainsi, au regard des circonstances spécifiques de l'affaire au principal, il apparaît manifestement que l’interprétation de l’article 49 CE, demandée par la juridiction de renvoi dans sa décision, n’est pas pertinente pour la solution du litige au principal.
Arrêt du 1er juillet 2010, Sbarigia (C-393/08, Rec._p._I-6337) (cf. points 23-25)
16. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Portée - Accord-cadre sur le congé parental annexé à la directive 96/34 - Inclusion
Étant donné que l’accord-cadre, né d’un dialogue conduit sur la base de l’accord sur la politique sociale entre partenaires sociaux au niveau européen, a été mis en œuvre, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de cet accord sur la politique sociale, par une directive du Conseil, dont il fait dès lors partie intégrante, la compétence de la Cour pour l’interprétation de cet accord-cadre n’est pas différente de sa compétence générale pour interpréter les autres dispositions contenues dans des directives.
Arrêt du 16 septembre 2010, Chatzi (C-149/10, Rec._p._I-8489) (cf. points 25-26)
17. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Demande nouvelle sur une question tranchée par la Cour - Recevabilité - Établissement et appréciation des faits du litige - Nécessité d'une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national
L'article 267 TFUE permet toujours à une juridiction nationale, si elle le juge opportun, de déférer à nouveau à la Cour des questions d’interprétation. Par ailleurs, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Tel est le cas lorque la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité d’une réglementation nationale prévoyant une clause de cessation automatique des contrats de travail des salariés ayant atteint l’âge de 65 ans, pour cause d’admission à la retraite, avec la directive 2000/78. Une demande de décision préjudicielle portant sur le caractère éventuellement discriminatoire d'une telle clause est dès lors recevable.
Arrêt du 12 octobre 2010, Rosenbladt (C-45/09, Rec._p._I-9391) (cf. points 31-32, 34-35)
18. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question préjudicielle posée par la juridiction nationale afin de lui permettre uniquement de statuer sur les dépens d'un litige résolu entre les parties - Absence de litige pendant devant la juridiction nationale - Non-lieu à statuer
Ordonnance du 14 octobre 2010, Reinke (C-336/08, Rec._p._I-130*) (cf. points 15-17 et disp.)
19. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en cas d'adoption d'une réglementation nationale conforme au droit de l'Union pour des faits tombant en dehors du champ d'application de celui-ci - Nécessité d'assurer l'interprétation uniforme du droit de l'Union - Compétence de la Cour pour fournir cette interprétation
La Cour a compétence pour répondre à une question préjudicielle, posée dans le cadre de l'article 35 UE, alors même que les faits au principal se situent en dehors du champ d’application du droit de l’Union, dès lors que la législation nationale s’est conformée, pour les solutions qu’elle apporte à une situation non visée par le droit de l’Union, à celles retenues en droit de l’Union. Il existe en effet, pour l’ordre juridique de l’Union, un intérêt manifeste à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, toute disposition du droit de l’Union reçoive une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle est appelée à s’appliquer
Arrêt du 21 octobre 2010, Eredics et Sápi (C-205/09, Rec._p._I-10231) (cf. point 33)
20. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité d'une disposition de droit de l'Union résultant d'un renvoi opéré par le droit national - Compétence pour fournir cette interprétation
Dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, la Cour reste, en principe, tenue de statuer. Il ne ressort ni des termes de l’article 267 TFUE ni de l’objet de la procédure instituée par cet article que les auteurs du traité ont entendu exclure de la compétence de la Cour les renvois préjudiciels portant sur une disposition de droit de l’Union dans le cas particulier où le droit national d’un État membre renvoie au contenu de cette disposition pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne à cet État. En effet, lorsqu’une législation nationale se conforme pour les solutions qu’elle apporte à des situations purement internes à celles retenues en droit de l’Union afin, notamment, d’éviter l’apparition de discriminations ou d’éventuelles distorsions de concurrence, il existe un intérêt de l’Union certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l'Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer.
Ces principes s'appliquent également dans le cas où la législation transposant la directive dont l'interprétation est demandée ne régit pas directement la situation en cause, mais y est appliquée par analogie en vertu de la jurisprudence nationale.
Arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany (C-203/09, Rec._p._I-10721) (cf. points 10, 24-26)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 octobre 2013, Unamar (C-184/12) (cf. points 30, 31)
Arrêt du 3 décembre 2015, Quenon K. (C-338/14) (cf. points 17, 18)
Arrêt du 13 octobre 2022, BALTIJAS STARPTAUTISKĀ AKADĒMIJA (C-164/21 et C-318/21) (cf. points 33-37)
Voir texte de la décision.
21. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité de dispositions de droit de l'Union résultant d'un renvoi opéré par le droit national à une convention internationale reprise par lesdites dispositions - Compétence pour fournir cette interprétation
Dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer. En particulier, il ne ressort ni des termes des articles 68 CE et 234 CE ni de l’objet de la procédure instituée par cette dernière disposition que les auteurs du traité aient entendu exclure de la compétence de la Cour les renvois préjudiciels portant sur une directive dans le cas particulier où le droit national d’un État membre renvoie au contenu des dispositions d’une convention internationale qui sont reprises par cette directive pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne de cet État membre. Dans un tel cas, il existe un intérêt de l’Union certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions de cette convention internationale reprises par le droit national et le droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer.
Arrêt du 9 novembre 2010, B et D (C-57/09 et C-101/09, Rec._p._I-10979) (cf. point 71)
22. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée - Directive 1999/70 - Objet - Fixation de principes généraux et de prescriptions minimales concernant certains aspects limités des contrats à durée déterminée - Absence d'une harmonisation de l'ensemble des règles nationales relatives aux contrats à durée déterminée - Incompétence manifeste de la Cour pour statuer en matière de différences de traitement entre les travailleurs à durée déterminée d'une entreprise et entre celle-ci et ses concurrents
Ordonnance du 11 novembre 2010, Vino (C-20/10, Rec._p._I-148*) (cf. points 50, 54, 63-65)
23. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine de la concurrence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 26 juillet 2017, Persidera (C-112/16) (cf. points 27-29)
Arrêt du 13 décembre 2018, Rittinger e.a. (C-492/17) (cf. points 37-39, 45-47)
Arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C-349/17) (cf. points 49-51)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 2 mars 2023, Bursa Română de Mărfuri (C-394/21) (cf. points 60-64)
Ordonnance du 11 novembre 2010, Vino (C-20/10, Rec._p._I-148*) (cf. points 76-77, 79)
Ordonnance du 26 novembre 2020, Colt Technology Services e.a. (C-318/20) (cf. point 22)
24. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Décision nationale ne constituant pas une mesure de mise en oeuvre du droit de l'Union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence de la Cour
Saisie au titre de l’article 267 TFUE, la Cour de justice est compétente pour statuer sur l’interprétation du traité FUE ainsi que sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de l’Union. La compétence de la Cour est limitée à l’examen des seules dispositions du droit de l’Union.
Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.
En outre, ainsi qu'il ressort de l'article 6, paragraphe 1, TUE, qui attribue une valeur contraignante à la charte, et de la déclaration sur la charte des droits fondamentaux, annexée à l’acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne, celle-ci ne crée aucune compétence nouvelle pour l’Union et ne modifie pas les compétences de cette dernière.
Par conséquent, la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux demandes de décisions préjudicielles concernant l'interprétation de dispositions de la charte lorsque la décision de renvoi ne contient aucun élément concret permettant de considérer que la décision nationale en cause constituerait une mesure de mise en œuvre du droit de l’Union ou qu’elle présenterait d’autres éléments de rattachement à ce dernier.
25. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Vérification par la Cour de sa propre compétence - Question préjudicielle portant sur l'interprétation de la directive 98/5 - Litige concernant des avocats exerçant leur profession dans l'État membre concerné sous un titre professionnel obtenu dans ce même État - Recevabilité
Les questions préjudicielles portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
A cet égard, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 8 de la directive 98/5, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, ne saurait être considérée comme hypothétique du fait qu'elle a été posée dans le cadre d'une procédure de radiation du tableau de l’ordre des avocats visant des avocats exerçant cette profession dans leur État sous le titre professionnel obtenu dans ce même État membre. En effet, la règle énoncée audit article 8 n’a pas seulement pour objet d’accorder aux avocats inscrits dans un État membre d’accueil sous leur titre professionnel obtenu dans un autre État membre les mêmes droits que ceux dont jouissent les avocats inscrits dans cet État membre d’accueil sous le titre professionnel obtenu dans celui-ci. Cette règle assure également que ces derniers ne subissent pas une discrimination à rebours, ce qui pourrait survenir si les règles qui leur sont imposées n’étaient pas appliquées aussi aux avocats inscrits dans ledit État membre d’accueil sous un titre professionnel obtenu dans un autre État membre.
Arrêt du 2 décembre 2010, Jakubowska (C-225/09, Rec._p._I-12329) (cf. points 28,31-32)
26. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions posées dans un contexte excluant une réponse utile - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 6 décembre 2010, Băilă (C-377/10, Rec._p._I-161*) (cf. points 11-14 et disp.)
27. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Nécessité d'une décision préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national - Demande d'interprétation d'une disposition du droit de la concurrence de l'Union en l'absence de décision définitive de la juridiction nationale sur l'applicabilité de cette disposition au litige - Admissibilité
Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, telle que prévue à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, la Cour est donc, en principe, tenue de statuer, à moins qu’il ne soit manifeste que la demande de décision préjudicielle tend, en réalité, à l’amener à statuer par le biais d’un litige construit ou à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, que l’interprétation du droit de l’Union demandée n’ait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige, ou encore que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
À cet égard, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel relatif à l'interprétation de dispositions du droit de l'Union en matière de concurrence, le fait que la juridiction nationale ne s’est pas encore prononcée de manière définitive sur la question de savoir s’il convient d’appliquer uniquement le droit national de la concurrence ou si, au contraire, le droit de l’Union est également applicable ne constitue aucunement un obstacle à la recevabilité de son renvoi préjudiciel. En effet, il serait incohérent que, pour la recevabilité d’un renvoi préjudiciel, la juridiction nationale doive statuer définitivement sur un sujet qui, directement ou indirectement, constitue l’objet de son renvoi.
Par ailleurs, compte tenu de la séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, il ne saurait être exigé que, avant de saisir celle-ci, la juridiction nationale procède à la totalité des constatations factuelles et des appréciations de droit qui lui incombent dans le cadre de sa mission juridictionnelle. Il est en effet suffisant que l’objet du litige au principal ainsi que ses enjeux principaux pour l’ordre juridique de l'Union ressortent de la demande de décision préjudicielle afin de permettre aux États membres de présenter leurs observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière.
Arrêt du 7 décembre 2010, VEBIC (C-439/08, Rec._p._I-12471) (cf. points 41-42, 45-47)
28. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 7 décembre 2010, DRA SPEED (C-439/10, Rec._p._I-162*) (cf. points 9-12 et disp.)
Ordonnance du 7 décembre 2010, SEMTEX (C-440/10, Rec._p._I-163*) (cf. points 9-12 et disp.)
Ordonnance du 7 décembre 2010, Anghel (C-441/10, Rec._p._I-164*) (cf. points 9-12 et disp.)
Ordonnance du 8 septembre 2011, Abdallah (C-144/11, Rec._p._I-123*) (cf. points 12-13 et disp.)
Ordonnance du 14 mars 2013, EBS Le Relais Nord-Pas-de-Calais (C-240/12) (cf. points 10-13, 23)
Ordonnance du 7 novembre 2019, P.J. (C-513/19) (cf. points 14-24 et disp.)
Ordonnance du 23 mai 2023, Riaman (C-56/23) (cf. points 18-23, 26, 29)
29. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal
La Cour ne peut pas statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de la validité d’une règle du droit de l’Union, demandées par la juridiction nationale, n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 29 novembre 2012, Econord (C-182/11 et C-183/11) (cf. point 22)
Arrêt du 21 février 2013, Fédération Cynologique Internationale (C-561/11) (cf. point 27)
Arrêt du 7 mars 2013, van den Booren (C-127/11) (cf. points 21-22)
Arrêt du 20 juin 2013, Impacto Azul (C-186/12) (cf. points 26, 27)
Arrêt du 20 juin 2013, Rodopi-M 91 (C-259/12) (cf. point 27)
Arrêt du 6 février 2014, Fatorie (C-424/12) (cf. point 25)
Arrêt du 27 février 2014, OSA (C-351/12) (cf. point 50)
Arrêt du 13 mars 2014, FIRIN (C-107/13) (cf. points 29-32)
Arrêt du 13 mars 2014, Márquez Samohano (C-190/13) (cf. point 35)
Arrêt du 20 mars 2014, Caixa d'Estalvis i Pensions de Barcelona (C-139/12) (cf. points 33-36)
Arrêt du 27 mars 2014, LCL Le Crédit Lyonnais (C-565/12) (cf. points 37, 38)
Arrêt du 3 avril 2014, Hi Hotel HCF (C-387/12) (cf. point 18)
Arrêt du 9 avril 2014, T-Mobile Austria (C-616/11) (cf. point 20)
Arrêt du 30 avril 2014, UPC DTH (C-475/12) (cf. points 92, 93)
Arrêt du 17 juillet 2014, Leone (C-173/13) (cf. points 30, 31)
Arrêt du 2 octobre 2014, Orgacom (C-254/13) (cf. points 14, 15)
Arrêt du 1er octobre 2015, Bara e.a. (C-201/14) (cf. points 19, 22, 23)
Arrêt du 27 octobre 2016, Audace e.a. (C-114/15) (cf. points 33, 34, 42-45)
Arrêt du 26 juillet 2017, Persidera (C-112/16) (cf. points 23, 24)
Arrêt du 28 mars 2019, Verlezza e.a. (C-487/17 et C-488/17) (cf. points 27-29)
Arrêt du 29 juillet 2019, Prenatal (C-589/17) (cf. point 100)
Dans l’arrêt Cogeco Communications (C-637/17), rendu le 28 mars 2019, la Cour s’est prononcée sur une demande de décision préjudicielle ayant trait à la directive 2014/104{1} relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, à l’article 102 TFUE et aux principes d’équivalence et d’effectivité. Le litige au principal porte sur un recours tendant à la réparation du préjudice que Cogeco Communications Inc. aurait subi en raison des pratiques anticoncurrentielles auxquelles la société Sport TV Portugal SA se serait livrée. Le recours a été a introduit, le 27 février 2015, après une décision de l’Autorité de la concurrence par laquelle Sport TV Portugal a été condamnée à une amende pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des chaînes de télévision sportives premium entre 2006 et 2011.
Le droit portugais de la responsabilité extracontractuelle, applicable au litige au principal, prévoit néanmoins un délai de prescription de trois ans qui, selon Sport TV Portugal, avait commencé à courir dès lors que Cogeco Communications disposait de toutes les informations nécessaires pour apprécier si elle disposait ou non d’un droit à réparation, auquel cas le recours en l’espèce serait prescrit. Or, la directive 2014/104 comporte notamment des dispositions relatives à la prescription dans le cadre d’actions en dommages et intérêts pour infraction anticoncurrentielle, mais elle n’était pas encore transposée dans l’ordre juridique portugais à la date d’introduction du recours. La solution du litige dépendant donc de l’applicabilité de la directive 2014/104, la juridiction de renvoi a formulé une demande de décision préjudicielle à ce sujet.
S’agissant de l’application ratione temporis de cette directive 2014/104, la Cour a jugé que, dans le cas où des États membres ont décidé que les dispositions de leur ordre juridique interne transposant les dispositions procédurales de cette directive ne seraient pas applicables aux recours en dommages et intérêts introduits avant la date d’entrée en vigueur de ces dispositions nationales, les recours introduits après le 26 décembre 2014, mais avant la date d’expiration du délai de transposition de ladite directive, restent régis uniquement par les règles procédurales nationales qui étaient déjà en vigueur avant la transposition de ladite directive. Il en va a fortiori ainsi des dispositions nationales adoptées en application de l’article 21 de la directive 2014/104 par les États membres, afin de se conformer aux dispositions substantielles de celle-ci, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 22, paragraphe 1, de cette directive, ces dispositions nationales ne doivent pas s’appliquer rétroactivement. Dans ces conditions, la Cour a considéré que la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens qu’elle ne s’applique pas au litige au principal.
Ainsi, en l’absence de réglementation de l’Union en matière d’actions en dommages et intérêts pour infraction anticoncurrentielle, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités d’exercice du droit de demander réparation du préjudice résultant d’un abus de position dominante, y compris celles relatives aux délais de prescription, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés. Ces règles ne doivent pas porter atteinte à l’application effective de l’article 102 TFUE.
À cet égard, il convient de tenir compte des spécificités des affaires relevant du droit de la concurrence et plus particulièrement de la circonstance que l’introduction des actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence de l’Union nécessitent, en principe, la réalisation d’une analyse factuelle et économique complexe.
Faisant application du principe d’effectivité, la Cour a considéré que si le délai de prescription, qui commence à courir avant l’achèvement des procédures à l’issue desquelles une décision définitive est rendue par l’autorité nationale de concurrence ou par une instance de recours, est trop court par rapport à la durée de ces procédures et ne peut être ni suspendu ni interrompu pendant le cours de telles procédures, il n’est pas exclu que ce délai de prescription s’écoule avant même que lesdites procédures soient achevées. Ainsi, un tel délai est susceptible de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit d’engager des actions en indemnité fondées sur une décision définitive constatant une infraction aux règles de concurrence de l’Union. Dès lors, la Cour a jugé que l’article 102 TFUE et le principe d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant un tel délai de prescription.
{1 Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne (JO 2014, L 349, p. 1, ci-après la « directive 2014/104 »).}
Arrêt du 28 mars 2019, Cogeco Communications (C-637/17) (cf. points 57-60)
Ordonnance du 21 février 2013, Isera & Scaldis Sugar e.a. (C-154/12) (cf. point 19)
Ordonnance du 27 mars 2014, Bright Service (C-142/13) (cf. point 20)
Ordonnance du 11 décembre 2014, León Medialdea (C-86/14) (cf. points 33-35)
30. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Changement du cadre juridique national de référence en cours d'instance - Désistement du requérant de son moyen relatif à une violation de la loi nationale contestée - Non-lieu à statuer
Il est indispensable que la Cour dispose du cadre factuel et réglementaire du litige au principal, car les informations fournies dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de cette disposition, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées. Partant, si la Cour doit pouvoir s’en remettre de la façon la plus large à l’appréciation du juge national en ce qui concerne la nécessité des questions qui lui sont adressées, elle doit être mise en mesure de porter toute appréciation inhérente à l’accomplissement de sa propre fonction, notamment en vue de vérifier, le cas échéant, comme toute juridiction en a l’obligation, sa propre compétence.
S'agissant d'une question préjudicielle en interprétation de la directive 2003/55, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30, posée dans le cadre d'un litige relatif à l'annulation d'une décision fixant les tarifs de transport du gaz en violation d'une loi nationale, la Cour ne se trouve plus en mesure de statuer sur la question qui lui est posée lorsque, après l'introduction de la demande de décision préjudicielle, d'une part, une telle loi a été annulée par la Cour constitutionnelle de l'État membre concerné et donc le cadre juridique national dans lequel s'inscrit le litige au principal n'est plus celui décrit par la juridiction nationale dans sa décision de renvoi, et que, d'autre part, la partie requérante a retiré ses moyens tirés de la violation de la loi nationale contestée.
Arrêt du 9 décembre 2010, Fluxys (C-241/09, Rec._p._I-12773) (cf. points 30-31, 33-34)
31. Questions préjudicielles - Recevabilité - Demande ne fournissant aucune précision sur le contexte factuel et réglementaire et n'exposant pas les raisons justifiant le renvoi à la Cour - Irrecevabilité
Pour permettre à la Cour de fournir une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national, il résulte de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour que la demande de décision préjudicielle doit contenir l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction nationale à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. S'agissant d'une décision de renvoi qui ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles le juge national émet des doutes sur la compatibilité de la législation en cause au principal avec le droit de l'Union et ne comporte pas d’indications permettant à la Cour de fournir au juge national les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui permettraient à celui-ci de résoudre le problème juridique dont il se trouve saisi, il y a lieu de déclarer la question irrecevable, étant donné que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de manière utile.
Il découle de l’esprit de coopération qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel qu’il est indispensable que la juridiction nationale expose, dans sa décision de renvoi, les raisons précises pour lesquelles elle considère qu’une réponse à ses questions concernant l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union est nécessaire à la solution du litige. Il est, dès lors, important que la juridiction nationale indique en particulier les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et expose les motifs d’invalidité qui, par voie de conséquence, lui paraissent pouvoir être retenus. Une telle exigence ressort également de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour. En outre, les informations fournies dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également à procurer aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour.
Il s'ensuit que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour examine la validité d’un acte de l’Union ou de certaines dispositions de celui-ci au regard des motifs d’invalidité repris dans la décision de renvoi.
Arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C-477/14) (cf. points 24-27)
Il découle de l’esprit de coopération qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel qu’il est indispensable que la juridiction nationale expose, dans sa décision de renvoi, les raisons précises pour lesquelles elle considère qu’une réponse à ses questions concernant l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union est nécessaire à la solution du litige. Il est, dès lors, important que la juridiction nationale indique en particulier les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et expose les motifs d’invalidité qui, par voie de conséquence, lui paraissent pouvoir être retenus. Une telle exigence ressort également de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour. En outre, les informations fournies dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également à procurer aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour.
Il en découle, d’une part, que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour examine la validité d’un acte de l’Union ou de certaines dispositions de celui-ci au regard des motifs d’invalidité repris dans la décision de renvoi. D’autre part, l’absence de toute mention des raisons précises qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur la validité de cet acte ou de ces dispositions entraîne l’irrecevabilité des questions relatives à la validité de ceux-ci.
Arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C-547/14) (cf. points 47-50)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group (C-156/15) (cf. points 61-63)
Arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera (C-560/15) (cf. points 39-41, 45-48)
Ordonnance du 11 janvier 2017, Boudjellal (C-508/16) (cf. points 19-29)
Ordonnance du 11 avril 2019, HJ (C-680/18) (cf. points 12, 14-18)
32. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire
Il n’est possible pour la Cour de refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale que lorsque, notamment, il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de la validité d’une règle de l’Union, demandées par la juridiction nationale, n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
Tel n'est pas le cas lorsque, d'une part, il n’est pas contesté devant la Cour que la question de validité d'une directive est pertinente pour la solution du litige au principal et que, d'autre part, la juridiction nationale a expliqué douter de la validité de celle-ci en raison, essentiellement, de l’incohérence qui existerait entre les limitations à l’usage d'une substance posées par cette directive et les évaluations techniques et scientifiques de cette substance qui ont été globalement positives, de manière que la Cour dispose des informations suffisantes lui permettant d’examiner la validité de la directive au regard de la situation faisant l’objet du litige au principal
33. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Litige portant sur une situation purement interne - Inapplicabilité de l'article 49 CE
La compétence de la Cour est exclue lorsqu'il est manifeste que la disposition du droit de l'Union soumise à l'interprétation de la Cour ne peut trouver à s'appliquer. Ainsi, la Cour n'est pas compétente pour répondre à une demande de décision préjudicielle portant sur l'interprétation des dispositions du traité CE relatives à la libre prestation des services dans le cadre d'un litige dont tous les éléments sont cantonnés à l'intérieur d'un seul État membre, tel un litige impliquant un entrepreneur principal et un sous-traitant tous deux établis dans le même État membre, et dans lequel tous les faits se sont déroulés sur le territoire de ce même État.
Arrêt du 22 décembre 2010, Omalet (C-245/09, Rec._p._I-13771) (cf. points 10-11,13)
34. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Litige antérieur à l'adhésion d'un État à l'Union européenne - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal
Dès lors que les questions préjudicielles portent sur l'interprétation du droit de l'Union, la Cour statue sans qu'elle ait en principe à s'interroger sur les circonstances dans lesquelles les juridictions nationales ont été amenées à lui poser les questions et se proposent de faire application de la disposition du droit de l'Union qu'elles lui ont demandé d'interpréter.
Il n’en irait différemment que dans les hypothèses où soit la disposition du droit de l’Union soumise à l’interprétation de la Cour ne serait pas applicable aux faits du litige au principal, qui se seraient déroulés antérieurement à l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union, soit il serait manifeste que ladite disposition ne peut trouver à s’appliquer.
35. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Acte pris sur le fondement du titre IV de la troisième partie du traité CE - Saisine par une juridiction rendant des décisions susceptibles d'un recours de droit interne - Saisine durant la période transitoire ayant précédé l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne - Inclusion
Eu égard à l’élargissement du droit de saisine à titre préjudiciel opéré par le traité de Lisbonne, les juridictions de première instance disposent désormais également de ce droit lorsque sont en cause des actes adoptés dans le domaine du titre IV du traité CE, intitulé "Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes".
Or, l’objectif poursuivi par l’article 267 TFUE de fonder une coopération efficace entre la Cour et les juridictions nationales ainsi que le principe de l’économie de la procédure plaident en faveur de la recevabilité des demandes de décision préjudicielle présentées par des juridictions inférieures durant la période transitoire qui a précédé de peu l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et qui n’ont été examinées par la Cour qu’après l’entrée en vigueur de ce traité. En effet, un rejet pour irrecevabilité conduirait dans cette hypothèse simplement à la présentation par la juridiction de renvoi, laquelle aurait entre-temps acquis le droit de saisir la Cour, d’une nouvelle demande préjudicielle portant sur la même question, ce qui produirait un excès de formalités procédurales et un allongement inutile de la durée de la procédure dans l’affaire au principal. Il y a donc lieu de considérer que la Cour a, depuis le 1er décembre 2009, compétence pour connaître d’une demande de décision préjudicielle émanant d’une juridiction dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, et ce même si la demande a été déposée avant cette date.
Arrêt du 17 février 2011, Weryński (C-283/09, Rec._p._I-601) (cf. points 28-31)
En application de l’article 267 TFUE, les juridictions dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel en droit interne disposent depuis le 1er décembre 2009 du droit de saisir la Cour à titre préjudiciel lorsque sont en cause des actes adoptés sur le fondement du titre IV du traité.
Eu égard à l’objectif de coopération efficace entre la Cour et les juridictions nationales que poursuit l’article 267 TFUE et au principe de l’économie de la procédure, la Cour a, depuis le 1er décembre 2009, compétence pour connaître d’une demande de décision préjudicielle émanant d’une juridiction dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel en droit interne, et ce même si la demande a été déposée avant cette date.
Arrêt du 20 octobre 2011, Interedil (C-396/09, Rec._p._I-9915) (cf. points 19-20)
36. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Saisie au titre de l'article 234 CE, la Cour de justice est compétente pour statuer sur l’interprétation du traité ainsi que sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de l’Union européenne. Dans ce cadre, la compétence de la Cour est limitée à l’examen des seules dispositions du droit de l’Union.
L’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne énonce que les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Au demeurant, cette limitation n’a pas été modifiée par l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité de Lisbonne, depuis laquelle, en vertu du nouvel article 6, paragraphe 1, UE, la charte a la même valeur juridique que les traités. Cet article précise en effet que les dispositions de la charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités.
Il s'ensuit que la compétence de la Cour pour répondre à une demande d'interprétation de l'article 6, paragraphe 1, UE, dans sa version antérieure au traité de Lisbonne, n'est pas établie, lorsque la décision de renvoi ne contient aucun élément concret permettant de considérer que l'objet du litige présente un rattachement au droit de l'Union.
Ordonnance du 1er mars 2011, Chartry (C-457/09, Rec._p._I-819) (cf. points 21, 23-26)
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 12 juillet 2012, Currà e.a. (C-466/11) (cf. points 25-26)
Ordonnance du 3 juillet 2014, Tudoran (C-92/14) (cf. points 44, 45)
L’article 70 du règlement nº 883/2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement nº 1244/2010, qui définit la notion de "prestations spéciales en espèces à caractère non contributif" n’a pas pour objet de déterminer les conditions de fond de l’existence du droit auxdites prestations. Il appartient ainsi au législateur de chaque État membre de déterminer ces conditions. Dès lors, dans la mesure où lesdites conditions ne résultent ni du règlement nº 883/2004 ni de la directive 2004/38 ou d’autres actes du droit dérivé de l’Union, les États membres étant ainsi compétents pour régler les conditions d’octroi de telles prestations, ils le sont également pour définir l’étendue de la couverture sociale assurée par ce type de prestation.
Par conséquent, en fixant les conditions et l’étendue de l’octroi des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, les États membres ne mettent pas en œuvre le droit de l’Union.
Il s’ensuit que la Cour n’est pas compétente pour répondre à une question visant à savoir si les articles 1er, 20 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent aux États membres d’octroyer aux citoyens de l’Union des prestations de l’assurance de base en espèces à caractère non contributif de nature à rendre possible un séjour permanent ou que ces États peuvent limiter cet octroi à la mise à disposition de moyens nécessaires au retour dans l’État d’origine.
Arrêt du 11 novembre 2014, Dano (C-333/13) (cf. points 87-92)
En 2013, « Viva Telecom Bulgaria » a conclu, en tant qu’emprunteur, une convention de prêt avec son actionnaire unique, InterV Investment Sàrl, société établie au Luxembourg, par laquelle cette dernière, en tant que prêteur, lui a accordé un prêt convertible sans intérêts. Ayant établi, en 2017, que le prêt en question n’avait pas été transformé en capital et que Viva Telecom Bulgaria n’avait ni remboursé ce prêt ni payé des intérêts, l’administration fiscale bulgare a conclu à l’existence d’une opération donnant lieu à une évasion fiscale, au sens de la loi bulgare sur l’imposition des revenus des personnes morales{1}, et a procédé à un redressement fiscal en imposant à Viva Telecom Bulgaria, en vertu de l’article 195 de cette loi, le paiement d’un impôt à la source pour la période allant de 2014 à 2015. À cette fin, elle a établi le taux d’intérêt du marché à appliquer à ce prêt afin de calculer les intérêts non payés par l’emprunteur avant d’opérer sur ceux-ci une retenue à la source de 10 %.
L’administration fiscale bulgare ayant rejeté la réclamation introduite par Viva Telecom Bulgaria contre cette décision, cette dernière a saisi l’Administrativen sad Sofia (tribunal administratif de la ville de Sofia, Bulgarie) d’un recours visant à contester la légalité de ladite décision. Ce recours ayant été rejeté, par jugement du 29 mars 2019, Viva Telecom Bulgaria a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), en s’appuyant sur le droit de l’Union.
Le Varhoven administrativen sad a alors saisi la Cour en lui posant six questions préjudicielles portant sur l’interprétation de plusieurs directives adoptées par le législateur de l’Union en matière de fiscalité{2} ainsi que, notamment, des articles 49 et 63 TFUE, visant, en substance, à savoir si ces différentes règles du droit de l’Union s’opposent à une telle réglementation nationale.
Appréciation de la Cour
Ayant constaté qu’aucune des directives invoquées par la juridiction de renvoi ne s’oppose à la réglementation bulgare en cause en matière d’évasion fiscale, la Cour a, plus particulièrement, examiné si les articles 49 et 63 TFUE s’opposent à une telle réglementation, dès lors que la retenue à la source prévue par celle-ci s’applique au montant brut des intérêts établis par les autorités fiscales, sans possibilité de déduction, à ce stade, des frais liés à ce prêt, l’introduction ultérieure d’une demande en ce sens étant nécessaire en vue du recalcul de la retenue et d’un éventuel remboursement.
Après avoir constaté que la règlementation bulgare en matière d’évasion fiscale relève de manière prépondérante de la libre circulation des capitaux, la Cour conclut à la compatibilité, en principe, de la règlementation bulgare en cause avec l’article 63 TFUE, lu à la lumière du principe de proportionnalité.
En ce qui concerne l’existence d’une restriction à la libre circulation des capitaux, la Cour précise d’emblée que, à supposer que la réglementation bulgare en cause institue une présomption irréfragable d’évasion fiscale, sans permettre aux intéressés, notamment dans le cadre d’un recours juridictionnel, de produire des éléments relatifs aux éventuelles raisons commerciales justifiant la conclusion de prêts sans intérêts, cette règle s’applique de la même manière à tous les prêts sans intérêts, qu’ils impliquent ou non des sociétés non-résidentes. Partant, en ce qui concerne cette règle, la Cour considère que cette réglementation nationale n’emporte aucune restriction à la libre circulation des capitaux relevant de l’article 63 TFUE.
En revanche, la Cour rappelle qu’il a déjà été jugé qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle une société non-résidente est imposée, par la voie d’une retenue à la source opérée par une société résidente, sur les intérêts qui lui sont payés par cette dernière, sans qu’il soit possible de déduire les frais, tels que les dépenses d’intérêts, directement liés à l’activité de prêt en cause, alors qu’une telle possibilité de déduction est reconnue aux sociétés résidentes percevant des intérêts d’une autre société résidente, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux. Elle observe à cet égard que les différences de traitement entre sociétés résidentes et non-résidentes générées par les mécanismes de régularisation fiscale prévus par la règlementation bulgare sont de nature à procurer, par un avantage de trésorerie, un avantage aux sociétés résidentes. En effet, une telle régularisation de la situation fiscale d’une société non-résidente intervient nécessairement avec retard par rapport au moment auquel une société résidente doit s’acquitter de l’impôt sur le montant net des intérêts. Dans cette mesure, cette réglementation nationale constitue une restriction, en principe, interdite par l’article 63 TFUE.
Quant à la question de savoir si cette restriction peut être considérée comme objectivement justifiée au regard de l’article 65, paragraphes 1 et 3, TFUE, la Cour rappelle qu’il y a lieu de distinguer les traitements inégaux autorisés au titre du paragraphe 1, sous a), de l’article 65 TFUE des discriminations arbitraires interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Une législation fiscale nationale n’est compatible avec les dispositions du traité FUE que si la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.
À cet égard, la Cour précise qu’à partir du moment où un État assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement des contribuables résidents, mais également des contribuables non-résidents, pour les revenus qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits contribuables non-résidents se rapproche de celle des contribuables résidents. La Bulgarie ayant choisi d’exercer sa compétence fiscale sur les prêts sans intérêts conclus entre des sociétés emprunteuses résidentes et des sociétés prêteuses non-résidentes, les sociétés non-résidentes doivent être considérées, en ce qui concerne les frais directement liés à ces prêts, dans une situation comparable à celle des sociétés résidentes.
En ce qui concerne la question de savoir si la réglementation bulgare peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, la Cour constate que cette réglementation nationale permet à l’État membre de résidence d’exercer sa compétence fiscale en relation avec des activités effectuées sur son territoire, en visant à empêcher que l’octroi de prêts sans intérêts par des sociétés non-résidentes à des sociétés résidentes n’ait d’autre but que d’éluder l’impôt qui serait normalement dû sur les revenus générés par des activités réalisées sur le territoire national. Une telle réglementation doit, dès lors, être considérée comme étant apte à sauvegarder une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et à assurer l’efficacité du recouvrement de l’impôt en vue de prévenir l’évasion fiscale, lesquels objectifs constituent des raisons impérieuses d’intérêt général reconnues par la Cour.
S’agissant, enfin, du point de savoir si la réglementation bulgare en question ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces différents objectifs, la Cour observe, sous réserve de vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, que cela ne semble pas être le cas, pour autant, cependant, que, d’une part, la durée de la procédure de récupération prévue par cette réglementation aux fins du recalcul de la retenue à la source acquittée sur le montant brut des intérêts et d’un éventuel remboursement de l’excédent d’impôt prélevé ne soit pas excessive et, d’autre part, des intérêts soient dus sur les montants remboursés. Dans ces conditions, cette réglementation nationale apparaît susceptible d’être justifiée par les objectifs qu’elle poursuit.
{1} Zakon za korporativnoto podohodno oblagane (ci-après la « ZKPO »), article 16, paragraphe 2, point 3.
{2} Il s’agit de la directive 2003/49/CE du Conseil, du 3 juin 2003, concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents (JO 2003, L 157, p. 49), de la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 2011, L 345, p. 8), telle que modifiée par la directive (UE) 2015/121 du Conseil, du 27 janvier 2015 (JO 2015, L 21, p. 1), et de la directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO 2008, L 46, p. 11).
Arrêt du 24 février 2022, "Viva Telecom Bulgaria" (C-257/20) (cf. points 126-128, 130)
Ordonnance du 22 septembre 2011, Pagnoul (C-314/10, Rec._p._I-136*) (cf. points 22-25)
Ordonnance du 22 septembre 2011, Lebrun et Howet (C-538/10, Rec._p._I-137*) (cf. points 17-20)
Ordonnance du 21 février 2013, Ajdini (C-312/12) (cf. points 21-22)
Ordonnance du 14 mars 2013, Loreti e.a. (C-555/12) (cf. points 15-19)
Ordonnance du 7 novembre 2013, SC Schuster & Co Ecologic (C-371/13) (cf. points 14-16, 18, 20)
Ordonnance du 16 janvier 2014, Dutka et Sajtos (C-614/12 et C-10/13) (cf. points 13-16)
Ordonnance du 16 janvier 2014, Weigl (C-332/13) (cf. points 12-15)
Ordonnance du 17 juillet 2014, Široká (C-459/13) (cf. points 22-26)
Ordonnance du 17 juillet 2014, Yumer (C-505/13) (cf. points 25, 26)
37. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation d'un accord international conclu par la Communauté et les États membres en vertu d'une compétence partagée - Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (convention d'Aarhus) - Compétence pour déterminer la répartition des compétences entre la Communauté et ses États membres
La convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (convention d’Aarhus) ayant été conclue par la Communauté et tous ses États membres en vertu d’une compétence partagée, il en découle que la Cour, saisie conformément aux dispositions du traité, notamment l’article 234 CE, est compétente pour établir la ligne de partage entre les obligations que l’Union assume et celles qui demeurent à la seule charge des États membres et pour interpréter les stipulations de ladite convention.
Il y a lieu, par suite, de déterminer si, dans le domaine couvert par l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, l’Union a exercé ses compétences et adopté des dispositions portant sur l’exécution des obligations qui en découlent. Dans l’hypothèse dans laquelle ce ne serait pas le cas, les obligations qui découlent de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus continueraient de relever du droit national des États membres. Dans ce cas, il appartiendrait aux juridictions de ces États de déterminer, sur la base du droit national, si des particuliers peuvent se fonder directement sur les normes de cet accord international qui concernent ce domaine, ou encore si ces juridictions doivent d’office en faire application. Le droit de l’Union n’impose pas plus qu’il n’exclut, dans ce cas, que l’ordre juridique d’un État membre reconnaisse aux particuliers le droit de se fonder directement sur cette norme ou impose au juge l’obligation de l’appliquer d’office.
En revanche, s’il était constaté que l’Union a exercé ses compétences et adopté des dispositions dans le domaine couvert par l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, le droit de l’Union s’appliquerait et il appartiendrait à la Cour de déterminer si la disposition de l’accord international en cause a un effet direct.
À cet égard, l'Union jouit, dans le domaine de l'environnement, d'une compétence externe explicite en vertu de l'article 175 CE, lu en combinaison avec l'article 174, paragraphe 2, CE.
En outre, une question spécifique qui n’a pas encore fait l’objet d’une législation de l’Union peut néanmoins relever du droit de l’Union dès lors que cette question est réglée dans des accords conclus par l’Union et par ses États membres et qu’elle concerne un domaine largement couvert par celui-ci.
38. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité d'une disposition tant à des situations relevant du droit national qu'à des situations relevant du droit de l'Union - Compétence pour fournir cette interprétation
La Cour est compétente pour interpréter les stipulations de l’article 9, paragraphe 3, de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (convention d’Aarhus) et, en particulier, pour se prononcer sur le point de savoir si celles-ci sont ou non d’effet direct.
Lorsqu’une disposition peut trouver à s’appliquer aussi bien à des situations relevant du droit national qu’à des situations relevant du droit de l’Union, il existe un intérêt certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, cette disposition reçoive une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle est appelée à s’appliquer.
Arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie (C-240/09, Rec._p._I-1255) (cf. points 42-43)
39. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée et limites
Eu égard à la séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour sur laquelle la procédure visée à l’article 267 TFUE est fondée, il ne saurait être exigé que, avant de saisir celle-ci, la juridiction de renvoi procède à la totalité des constatations factuelles et des appréciations de droit qui lui incombent dans le cadre de sa mission juridictionnelle. Il est en effet suffisant que l’objet du litige au principal ainsi que ses enjeux principaux pour l’ordre juridique de l’Union ressortent de la demande de décision préjudicielle afin de permettre aux États membres de présenter leurs observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière.
Arrêt du 31 mars 2011, Schröder (C-450/09, Rec._p._I-2497) (cf. point 19)
40. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation d'une directive communautaire dans un litige antérieur à l'adhésion d'un État à l'Union européenne - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 8 novembre 2012, SKP (C-433/11) (cf. point 36)
Ordonnance du 3 avril 2014, Pohotovosť (C-153/13) (cf. point 24)
Ordonnance du 3 juillet 2014, Tudoran (C-92/14) (cf. point 27)
Ordonnance du 11 mai 2011, Semerdzhiev (C-32/10, Rec._p._I-71*) (cf. points 25-27)
Ordonnance du 5 novembre 2014, VG Vodoopskrba (C-254/14) (cf. points 10, 11)
Ordonnance du 11 mai 2017, Exmitiani (C-286/16) (cf. points 12-17)
41. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Décision nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 2 juin 2016, Grodecka (C-50/16) (cf. points 16-19)
42. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen de la compatibilité du droit national avec le droit de l'Union - Exclusion
Ordonnance du 4 septembre 2014, Bertazzi e.a. (C-152/14) (cf. point 13)
43. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Affaire pendante devant la juridiction de renvoi devenue sans objet - Non-lieu à statuer - Intention du requérant au principal d'introduire un recours en dommages et intérêts - Absence d'incidence
Il n’y a pas lieu de statuer sur une demande de décision préjudicielle lorsque la décision contre laquelle le recours au principal est dirigé est devenue caduque et que, dès lors, le litige au principal n’a plus d’objet, malgré le souhait manifesté par la juridiction de renvoi de maintenir sa demande de décision préjudicielle dans la mesure où la partie requérante envisage de la saisir d’un recours en dommages et intérêts.
En effet, la justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un contentieux. Or, l'introduction d’un recours en dommages et intérêts n’est, dans de telles circonstances, qu’éventuelle et hypothétique.
44. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question posée dans le cadre d'un litige relevant du droit national et non du droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 22 juin 2011, Vino (C-161/11, Rec._p._I-91*) (cf. points 35-41)
Ordonnance du 7 mars 2013, Rivas Montes (C-178/12) (cf. points 50-54)
45. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité des directives 2000/43 et 2000/78 aux discriminations salariales en fonction de la catégorie socioprofessionnelle ou du lieu de travail
Le rejet d'une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale peut se justifier notamment s’il est manifeste que le droit de l’Union ne saurait trouver à s’appliquer, ni directement ni indirectement, aux circonstances de l’espèce.
Tel est le cas d'une demande de décision préjudicielle présentée par une juridiction nationale qui porte sur l'article 15 de la directive 2000/43, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, et l'article 17 de la directive 2000/78, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, et qui n'a pas pour objet de vérifier si une situation de discrimination salariale en fonction de la catégorie socioprofessionnelle ou du lieu de travail relève du champ d'application desdites dispositions, mais qui part plutôt du présupposé que tel est le cas pour solliciter une interprétation de la Cour, alors pourtant que lesdites dispositions du droit de l'Union ne peuvent manifestement pas trouver à s'appliquer ni directement ni indirectement aux circonstances de l'espèce.
L'article 15 de la directive 2000/43 et l'article 17 de la directive 2000/78 ne peuvent manifestement trouver à s’appliquer aux discriminations salariales en fonction de la catégorie socioprofessionnelle ou du lieu de travail. Le principe de l’égalité de traitement que lesdites directives consacrent s’applique en effet en fonction des motifs énumérés de manière exhaustive à leur article 1er.
Lorsqu'une législation nationale entend se conformer pour les solutions qu’elle apporte à des situations purement internes à celles retenues dans le droit de l’Union afin, par exemple, d’éviter l’apparition de discriminations à l’encontre des ressortissants nationaux ou d’éventuelles distorsions de concurrence, ou encore d’assurer une procédure unique dans des situations comparables, il existe un intérêt certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer.
Tel n'est pas le cas en présence d'une disposition nationale instituant, en application des articles 15 de la directive 2000/43 et 17 de la directive 2000/78, un régime de réparation à l'égard des violations des règles de non-discrimination prévues par lesdites directives lorsque ledit régime trouve par ailleurs à s'appliquer en ce qui concerne des violations de règles de non-discrimination résultant du seul droit national.
En outre, si la nécessité d'assurer l'interprétation uniforme des normes du droit de l'Union peut justifier que la compétence de la Cour s'étende au contenu de telles normes, y compris dans l'hypothèse où celles-ci ne sont applicables qu’indirectement à une situation donnée, en raison d’un renvoi à celles-ci opéré par une règle de droit national, cette même considération ne saurait, en revanche, conduire, sans méconnaître la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres, à conférer à ladite norme du droit de l’Union une primauté sur des normes internes de rang supérieur qui commanderait, s’agissant d’une telle situation, d’écarter ladite règle de droit national ou l’interprétation qui en est donnée.
46. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Vérification par la Cour de sa propre compétence - Question préjudicielle revêtant un caractère hypothétique - Irrecevabilité
La procédure instituée par l'article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d'interprétation du droit de l'Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu'elles sont appelées à trancher.
Dans le cadre de cette coopération, les questions portant sur le droit de l'Union bénéficient d'une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d'une demande formée par une juridiction nationale n'est possible que lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation sollicitée du droit de l'Union n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées. La fonction confiée à la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle consiste en effet à contribuer à l'administration de la justice dans les États membres, et non à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques.
Doit être considérée comme irrecevable, en raison de son caractère hypothétique, une demande de décision préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 42, paragraphe 3, du règlement nº 1782/2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, introduite dans le cadre d'un recours tendant à l'annulation d'un acte législatif de droit interne ayant pour objet d'établir la réglementation nationale de base applicable à certains régimes d'aides prévus par ledit règlement, dès lors qu'un tel acte législatif a été abrogé et que la juridiction de renvoi n'a pas fourni à la Cour des éléments permettant de comprendre l'intérêt réel et concret que cette demande revêt néanmoins pour le litige au principal.
Ordonnance du 4 septembre 2014, Szabó (C-204/14) (cf. points 26, 27)
47. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité, aux situations purement internes, des dispositions d'une directive transposées en droit national, résultant d'un alignement du traitement des situations internes sur celles régies par le droit de l'Union - Compétence pour fournir cette interprétation
Lorsqu’une législation nationale se conforme pour les solutions qu’elle apporte à des situations purement internes à celles retenues dans le droit de l’Union, afin, notamment, d’éviter l’apparition de discriminations à l’encontre des ressortissants nationaux ou d’éventuelles distorsions de concurrence, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer.
Ainsi, lorsqu'une réglementation nationale prévoit que les restructurations nationales et transfrontalières sont soumises au même régime fiscal en ce qui concerne les fusions et que la règle permettant de refuser le bénéfice de ce régime fiscal en cas d’absence de motifs économiques valables, prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, est appelée à s’appliquer également aux situations purement internes, la Cour est compétente pour répondre aux questions posées par le juge national relatives à l’interprétation des dispositions de la directive 90/434, même si celles-ci ne régissent pas directement la situation en cause au principal.
Arrêt du 10 novembre 2011, Foggia - SGPS (C-126/10, Rec._p._I-10923) (cf. points 20-21, 23)
48. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Identification des éléments de droit de l'Union pertinents
Il appartient à la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération avec les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler la question qui lui est posée. De même, en vue de fournir une réponse utile à la juridiction qui est à l’origine d’un renvoi préjudiciel, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes de droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans ses questions préjudicielles.
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 25 avril 2013, Jyske Bank Gibraltar (C-212/11) (cf. point 38)
Arrêt du 13 juin 2013, Hadj Ahmed (C-45/12) (cf. point 42)
Arrêt du 4 juillet 2013, Fastweb (C-100/12) (cf. point 22)
Arrêt du 11 juillet 2013, Belgian Electronic Sorting Technology (C-657/11) (cf. point 29)
Arrêt du 11 juillet 2013, Harry Winston (C-273/12) (cf. point 24)
Arrêt du 26 septembre 2013, Texdata Software (C-418/11) (cf. point 35)
Arrêt du 12 décembre 2013, Hay (C-267/12) (cf. point 23)
Arrêt du 9 avril 2014, Ville d'Ottignies-Louvain-la-Neuve e.a. (C-225/13) (cf. point 30)
Arrêt du 12 février 2015, Oil Trading Poland (C-349/13) (cf. point 45)
Arrêt du 16 avril 2015, Enterprise Focused Solutions (C-278/14) (cf. point 17)
Arrêt du 29 octobre 2015, Nagy (C-583/14) (cf. points 20, 21)
Arrêt du 26 mai 2016, Kohll et Kohll-Schlesser (C-300/15) (cf. point 35)
Arrêt du 16 juin 2016, Lesar (C-159/15) (cf. point 22)
49. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 5 février 2015, Nisttahuz Poclava (C-117/14) (cf. points 28, 29, 38, 40, 41, 44)
Ordonnance du 2 juillet 2020, S.A.D. Maler und Anstreicher (C-256/19 REC) (cf. points 31-34)
Voir texte de la décision.
Ordonnance du 10 mai 2012, Corpul Naţional al Poliţiştilor (C-134/12) (cf. points 12-13 et disp.)
Ordonnance du 5 février 2015, Petrus (C-451/14) (cf. points 17-19)
Ordonnance du 23 mars 2022, AZ (C-454/20) (cf. points 21-24, 27, 29, 31-32 et disp.)
50. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation du protocole additionnel nº 1 à la convention européenne des droits de l'homme - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Ordonnance du 14 décembre 2011, Cozman (C-462/11, Rec._p._I-197*) (cf. points 12, 14-16 et disp.)
51. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Examen de la validité d'une directive au regard du droit international coutumier - Principes de souveraineté des États sur leur propre espace aérien, de non-soumission de la haute mer à la souveraineté des États et de liberté de survol de la haute mer - Inclusion - Conditions et limites
Ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 5, TUE, l’Union contribue au strict respect et au développement du droit international. Par conséquent, lorsqu’elle adopte un acte, elle est tenue de respecter le droit international dans son ensemble, y compris le droit international coutumier qui lie les institutions de l’Union.
À cet égard, les principes du droit international coutumier, tels que le principe selon lequel chaque État dispose d’une souveraineté complète et exclusive sur son propre espace aérien, le principe aux termes duquel aucun État ne peut légitimement prétendre soumettre une partie quelconque de la haute mer à sa souveraineté et le principe de liberté de survol de la haute mer, peuvent être invoqués par un justiciable aux fins de l’examen par la Cour de la validité d’un acte de l’Union dans la mesure où, d’une part, ces principes sont susceptibles de mettre en cause la compétence de l’Union pour adopter ledit acte et, d’autre part, l’acte en cause est susceptible d’affecter des droits que le justiciable tire du droit de l’Union ou de créer dans son chef des obligations au regard de ce droit.
Lorsque ces principes sont invoqués afin que la Cour apprécie, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, si l’Union était compétente pour adopter la directive 2008/101, en ce que celle-ci étend l’application de la directive 2003/87 aux exploitants d’aéronefs d’États tiers dont les vols à l’arrivée et au départ d’un aérodrome situé sur le territoire d’un État membre de l’Union sont en partie réalisés au-dessus de la haute mer et au-dessus du territoire de ces derniers, même si lesdits principes apparaissent n’avoir pour portée que de créer des obligations entre États, il ne saurait pour autant être exclu, dans des circonstances où la directive 2008/101 est susceptible de créer des obligations au regard du droit de l’Union dans le chef de compagnies aériennes, requérantes au principal, que ces dernières puissent invoquer lesdits principes et que la Cour puisse ainsi examiner la validité de cette directive au regard de tels principes. Cependant, dès lors qu’un principe du droit international coutumier ne revêt pas le même degré de précision qu’une disposition d’un accord international, le contrôle juridictionnel doit nécessairement se limiter au point de savoir si les institutions de l’Union, en adoptant l’acte en cause, ont commis des erreurs manifestes d’appréciation quant aux conditions d’application de ces principes.
52. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Examen de la validité d'une directive au regard d'une convention internationale - Convention de Chicago relative à l'aviation civile internationale - Convention ne liant pas l'Union - Exclusion
Bien que l’article 351, premier alinéa, TFUE, implique l’obligation pour les institutions de l’Union de ne pas entraver l’exécution des engagements des États membres découlant d’une convention antérieure au 1er janvier 1958, telle que la convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale, cette obligation des institutions vise à permettre aux États membres concernés d’observer les engagements qui leur incombent en vertu d’une convention antérieure, sans pour autant lier l’Union à l’égard des États tiers parties à cette convention. Par conséquent, ce n’est que si et dans la mesure où, en vertu des traités UE et FUE, l’Union a assumé les compétences précédemment exercées par les États membres de l’Union dans le domaine d’application de cette convention internationale que les dispositions de ladite convention auraient pour effet de lier l’Union.
Or, si l’Union a certes acquis certaines compétences exclusives pour contracter avec les États tiers des engagements relevant du champ d’application de la réglementation de l’Union en matière de transport aérien international et, par conséquent, du domaine d’application de la convention de Chicago, cela ne signifie pas pour autant qu’elle détient une compétence exclusive dans l’intégralité du domaine de l’aviation civile internationale tel que couvert par cette convention.
Par conséquent, dans la mesure où les compétences précédemment exercées par les États membres dans le domaine d’application de la convention de Chicago ne sont pas à ce jour assumées dans leur intégralité par l’Union, cette dernière n’est pas liée par cette convention. Il s’ensuit que la Cour ne saurait examiner la validité de la directive 2008/101, modifiant la directive 2003/87 afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, au regard de la convention de Chicago en tant que telle dans le cadre d’un renvoi préjudiciel.
53. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Examen de la validité d'une directive au regard d'une convention internationale - Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques - Protocole liant l'Union - Dispositions ne revêtant pas un caractère inconditionnel et suffisamment précis - Exclusion
Il ressort des décisions 94/69, concernant la conclusion de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, et 2002/358, relative à l’approbation, au nom de la Communauté européenne, du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l’exécution conjointe des engagements qui en découlent, que l’Union a approuvé le protocole de Kyoto. Par conséquent, les dispositions de cet accord forment partie intégrante, à partir de l’entrée en vigueur de celui-ci, de l’ordre juridique de l’Union.
Toutefois, même si le protocole de Kyoto prévoit des engagements chiffrés en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre au regard de la période d’engagement 2008-2012, les parties à ce protocole peuvent s’acquitter de leurs obligations selon les modalités et la célérité dont elles conviennent. Une disposition telle que l’article 2, paragraphe 2, du protocole de Kyoto, qui prévoit que les parties à celui-ci cherchent à limiter ou à réduire les émissions de certains gaz à effet de serre provenant des combustibles de soute utilisés dans les transports aériens en passant par l’intermédiaire de l’Organisation de l’aviation civile internationale, ne saurait, quant à son contenu, être considérée comme revêtant un caractère inconditionnel et suffisamment précis de manière à engendrer pour le justiciable le droit de s’en prévaloir en justice en vue de contester la validité de la directive 2008/101, modifiant la directive 2003/87 afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Par conséquent, le protocole de Kyoto ne saurait être invoqué dans le cadre d'un renvoi préjudiciel aux fins d’apprécier la validité de cette directive.
54. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Examen de la validité d'une directive au regard d'une convention internationale - Accord sur le transport aérien conclu entre la Communauté européenne et ses États membres et les États-Unis d'Amérique - Règles destinées à s'appliquer directement et immédiatement aux transporteurs aériens - Inclusion - Création par ledit accord d'un cadre institutionnel particulier de résolution des différends - Circonstance insuffisante pour exclure la compétence de la Cour
L’accord sur le transport aérien conclu entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis d’Amérique, d’autre part, (accord "ciel ouvert") a été approuvé au nom de l’Union par les décisions nº 2007/339 et nº 2010/465, concernant la signature et l’application provisoire respectivement de l’accord et du protocole modifiant cet accord. Par conséquent, les dispositions de cet accord forment partie intégrante, à partir de l’entrée en vigueur de celui-ci, de l’ordre juridique de l’Union.
Les transporteurs aériens établis sur le territoire des parties à l'accord "ciel ouvert" sont spécifiquement visés par celui-ci. Certaines dispositions de cet accord tendent à conférer directement des droits à ces transporteurs, tandis que d’autres tendent à leur imposer des obligations.
Le fait que les parties à l'accord "ciel ouvert" ont créé un cadre institutionnel particulier pour les consultations et négociations entre elles relatives à l’exécution de cet accord ne suffit pas pour exclure toute application juridictionnelle de celui-ci. Partant, dès lors que ledit accord met en place certaines règles destinées à s’appliquer directement et immédiatement aux transporteurs aériens et à leur conférer ainsi des droits ou des libertés, susceptibles d’être invoqués à l’encontre des parties à cet accord, et que la nature et l’économie de cet accord ne s’y opposent pas, la Cour peut apprécier la validité d’un acte du droit de l’Union, tel que la directive 2008/101, modifiant la directive 2003/87 afin d’intégrer les activités aériennes dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, au regard des dispositions d'un tel accord.
55. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situations purement internes - Interprétation sollicitée en raison d'un renvoi général opéré par une disposition du droit national aux principes tirés de l'ordre juridique communautaire - Demande d'interprétation concernant des dispositions spécifiques du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Une interprétation, par la Cour, des dispositions du droit de l’Union dans des situations purement internes se justifie au motif que celles-ci ont été rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique aux situations internes et aux situations régies par le droit de l’Union.
Or, lorsque une disposition du droit national renvoie de manière générale aux "principes tirés de l’ordre juridique communautaire" et non pas spécifiquement aux dispositions du droit de l’Union visés par les questions préjudicielles, il ne saurait être considéré que ces dispositions ont, en tant que telles, été rendues applicables de manière directe par le droit national en cause. De même, il ne saurait être considéré, dans ces conditions, que le renvoi au droit de l’Union pour régler des situations purement internes est inconditionnel de sorte que les dispositions visées par lesdites questions seraient applicables sans limitation à la situation en cause au principal.
La Cour n’est donc pas compétente pour répondre aux questions posées par une juridiction nationale concernant l’interprétation de dispositions spécifiques du droit de l’Union lorsqu’il ne peut pas être déduit que, en se référant aux principes tirés du droit de l’Union, le législateur national aurait entendu opérer un renvoi au contenu desdites dispositions spécifiques afin que soit appliqué un traitement identique aux situations internes et aux situations relevant du droit de l’Union.
Arrêt du 21 décembre 2011, Cicala (C-482/10, Rec._p._I-14139) (cf. points 19, 25-27, 29-30 et disp.)
56. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée
Les informations qui doivent être fournies à la Cour de justice dans le cadre d’une décision de renvoi préjudiciel ne servent pas seulement à permettre à celle-ci d’apporter des réponses utiles à la juridiction de renvoi, mais doivent également donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice. À ces fins, il est nécessaire que le juge de renvoi définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées.
Ainsi, lorsque les éléments d’information fournis par la juridiction de renvoi suffisent pour exposer l’objet du litige au principal et les enjeux principaux de celui-ci pour l’ordre juridique de l’Union ainsi que pour permettre tant aux États membres de présenter leurs observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour et de participer efficacement à la procédure devant cette dernière qu’à la Cour de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, la demande de décision préjudicielle doit être considérée comme recevable.
Arrêt du 16 février 2012, Varzim Sol (C-25/11) (cf. points 30-31)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 mars 2016, Safe Interenvios (C-235/14) (cf. points 114-116)
Ordonnance du 7 septembre 2017, Alandžak (C-187/17) (cf. points 9-13)
57. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Question relative au caractère discriminatoire d'une réglementation posée sans examen préalable, par la juridiction nationale, de la comparabilité des situations - Recevabilité
Arrêt du 15 mars 2012, Sibilio (C-157/11) (cf. points 30-31)
58. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Nécessité d'une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch (C-553/11) (cf. point 15)
Arrêt du 8 novembre 2012, Techniko Epimelitirio Elladas (TEE) e.a. (C-271/11) (cf. points 29-30)
Arrêt du 29 novembre 2012, Econord (C-182/11 et C-183/11) (cf. point 21)
Arrêt du 5 décembre 2013, TVI (C-618/11, C-637/11 et C-659/11) (cf. point 21)
Arrêt du 16 juillet 2015, Maïstrellis (C-222/14) (cf. points 26, 27)
Arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium (C-572/13) (cf. points 24, 25)
Arrêt du 2 avril 2020, Coty Germany (C-567/18) (cf. points 21-24)
Arrêt du 20 octobre 2022, EKOFRUKT (C-362/21) (cf. points 25, 26)
Arrêt du 27 avril 2023, Legea (C-686/21) (cf. points 24, 25)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 30 janvier 2025, Engie Romania (C-205/23) (cf. points 30-33)
Ordonnance du 23 mars 2012, Thomson Sales Europe (C-348/11) (cf. points 41, 43)
59. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Questions posées dans un contexte excluant une réponse utile - Absence de précisions sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Questions fondées sur des affirmations non vérifiées du requérant - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 23 mars 2012, Thomson Sales Europe (C-348/11) (cf. points 48-49, 51, 53, 57-58)
60. Questions préjudicielles - Recevabilité - Demande ne comportant pas de questions précises et ne fournissant pas suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 3 mai 2012, Ciampaglia (C-185/12) (cf. points 4-9)
61. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la convention européenne des droits de l'homme - Incompétence de la Cour pour statuer sur l'interprétation de dispositions de droit international liant des États membres en dehors du cadre du droit de l'Union
Ordonnance du 10 mai 2012, Corpul Naţional al Poliţiştilor (C-134/12) (cf. point 14 et disp.)
62. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 décembre 2012, Caves Krier Frères (C-379/11) (cf. point 18)
Arrêt du 18 avril 2013, Mulders (C-548/11) (cf. points 27-28)
Arrêt du 23 avril 2015, ALKA (C-635/13) (cf. point 62)
Ordonnance du 12 mai 2016, Security Service (C-692/15 à C-694/15) (cf. points 17-21)
Arrêt du 8 septembre 2016, Politanò (C-225/15) (cf. points 22-24)
Ordonnance du 7 juin 2012, Volturno Trasporti (C-21/11) (cf. points 12-13)
Ordonnance du 13 décembre 2012, Debiasi (C-560/11) (cf. points 24-31)
Ordonnance du 11 juillet 2013, Luca (C-430/12) (cf. points 17-19)
Ordonnance du 30 avril 2014, D'Aniello e.a. (C-89/13) (cf. points 17-22)
63. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions visant des dispositions nationales sans rapport avec l'objet du litige au principal - Questions posées dans un contexte excluant une réponse utile - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 7 juin 2012, Volturno Trasporti (C-21/11) (cf. points 14-17 et disp.)
64. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence de la Cour
Les exigences découlant de la protection des droits fondamentaux lient les États membres dans tous les cas où ils sont appelés à appliquer le droit de l’Union. En outre, l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux énonce que les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union et, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, qui attribue à la charte la même valeur juridique que celle des traités, celle-ci ne crée aucune compétence nouvelle pour l’Union.
Dès lors, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit de l’Union, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation par la juridiction nationale de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux, tels qu’ils résultent en particulier de la charte. En l’occurrence, lorsqu’il ne résulte pas de la décision de renvoi que la réglementation nationale constitue une mesure de mise en œuvre du droit de l’Union ou présente d’autres éléments de rattachement à ce droit, la compétence de la Cour pour répondre à la demande de décision préjudicielle en ce qu’elle porte sur le droit fondamental à un recours effectif n’est pas établie.
Arrêt du 7 juin 2012, Vinkov (C-27/11) (cf. points 56-59)
65. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Absence de compétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C-618/10) (cf. points 76-77, 88)
Arrêt du 14 mars 2013, Aziz (C-415/11) (cf. points 34-35, 39)
Arrêt du 27 mars 2014, UPC Telekabel Wien (C-314/12) (cf. points 19-21)
Arrêt du 8 mai 2014, Assica et Krafts Foods Italia (C-35/13) (cf. points 19, 20)
Arrêt du 21 décembre 2016, Associazione Italia Nostra Onlus (C-444/15) (cf. point 36)
Arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14) (cf. points 29, 30, 33, 56)
Arrêt du 20 décembre 2017, Schweppes (C-291/16) (cf. point 24)
66. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Compétence au vu de l'applicabilité éventuelle de la règle de droit de l'Union audit litige à raison d'une interdiction de discrimination posée par le droit national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 juin 2012, Susisalo e.a. (C-84/11) (cf. points 19-22)
67. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de principes généraux du droit de l'Union - Demande présentée dans le cadre d'un litige relatif à l'application d'une réglementation nationale ne relevant pas du champ d'application dudit droit - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 6 juillet 2012, Hermes Hitel és Faktor (C-16/12) (cf. points 13-16, 19-20)
68. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Questions relatives au refus d'inscription au registre des sociétés d'un État membre opposé à une société originaire d'un autre État membre - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 juillet 2012, VALE Építési (C-378/10) (cf. points 18-19)
69. Questions préjudicielles - Recevabilité - Conditions - Questions présentant un rapport avec la réalité ou l'objet du litige - Demande fournissant à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 juillet 2012, SC Volksbank România (C-602/10) (cf. points 48-51)
Arrêt du 25 octobre 2012, Folien Fischer et Fofitec (C-133/11) (cf. points 22-28)
Arrêt du 15 novembre 2012, Bericap Záródástechnikai (C-180/11) (cf. point 58)
Arrêt du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland (C-414/11) (cf. points 35-39)
Arrêt du 9 octobre 2014, Petru (C-268/13) (cf. points 23, 25-27)
Arrêt du 26 octobre 2016, Hoogstad (C-269/15) (cf. points 19-22)
70. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité, à des situations non régies par le droit de l'Union, des dispositions d'une directive transposées en droit national - Compétence pour fournir cette interprétation
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 juillet 2012, SC Volksbank România (C-602/10) (cf. points 86-87)
Voir le texte de la décision
Arrêt du 19 octobre 2017, Europamur Alimentación (C-295/16) (cf. points 28-33)
71. Questions préjudicielles - Recevabilité - Appréciation de la nécessité des questions relevant de la compétence du juge national - Questions générales ou hypothétiques - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 juillet 2012, Association Kokopelli (C-59/11) (cf. points 28-29)
Arrêt du 26 novembre 2014, Mascolo e.a. (C-22/13, C-61/13 à C-63/13 et C-418/13) (cf. points 47-50)
72. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen de la compatibilité du droit national avec le droit de l'Union - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi de tous les éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 juillet 2012, Giovanardi e.a. (C-79/11) (cf. point 36)
Arrêt du 8 novembre 2012, KGH Belgium (C-351/11) (cf. point 17)
Arrêt du 7 mars 2013, van den Booren (C-127/11) (cf. point 26)
Arrêt du 11 septembre 2014, Essent Belgium (C-204/12 à C-208/12) (cf. point 51)
Arrêt du 18 décembre 2014, SETAR (C-551/13) (cf. points 31, 32)
Arrêt du 10 septembre 2015, FCD et FMB (C-106/14) (cf. point 25)
Arrêt du 17 septembre 2015, Fratelli De Pra et SAIV (C-416/14) (cf. point 27)
Arrêt du 15 octobre 2015, Iglesias Gutiérrez (C-352/14 et C-353/14) (cf. points 21, 22)
Arrêt du 28 juillet 2016, Robert Fuchs (C-80/15) (cf. point 39)
Arrêt du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera (C-560/15) (cf. points 35, 36)
Arrêt du 30 avril 2020, CTT - Correios de Portugal (C-661/18) (cf. points 28, 29, 45)
Ordonnance du 13 décembre 2012, Debiasi (C-560/11) (cf. points 19-20)
Ordonnance du 8 mai 2013, T (C-73/13) (cf. point 9)
Ordonnance du 4 juin 2020, Staatsanwaltschaft Offenburg (C-554/19) (cf. points 28-31)
73. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétences attribuées à l'Union - Question posée dans le cadre d'un litige relatif à l'application du droit international en dehors du cadre du droit de l'Union - Exclusion
Dans le cadre d'un renvoi préjudiciel au titre du l'article 267 TFUE, la Cour peut uniquement interpréter le droit de l'Union dans les limites des compétences attribuées à celle-ci. Plus particulièrement, la Cour n'est pas compétente, en vertu de l'article 267 TFUE, pour statuer sur l'interprétation de dispositions de droit international qui lient des États membres en dehors du cadre du droit de l'Union.
Certes, les compétences de l'Union doivent être exercées dans le respect du droit international. Ainsi, la Cour doit appliquer le droit international et peut être amenée à interpréter certaines règles relevant de ce droit, mais uniquement dans le cadre de la compétence qui a été attribuée à l'Union par les États membres.
Ordonnance du 12 juillet 2012, Currà e.a. (C-466/11) (cf. points 15, 18)
74. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Actes pris par les institutions - Interprétation de l'accord de siège de la Banque centrale européenne - Inclusion
La circonstance que l'Union européenne n'est pas partie à l'accord du 18 septembre 1998 conclu entre le gouvernement allemand et la Banque centrale européenne sur le siège de cette institution ne saurait entraîner l'irrecevabilité d'un renvoi préjudiciel portant sur l'interprétation de l'accord, et en particulier sur son article 15.
En effet, il ressort du cinquième alinéa du préambule de cet accord que celui-ci a été conclu afin de définir les privilèges et immunités de la Banque en Allemagne conformément au protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes. Dans ce contexte, l'article 15 dudit accord, qui prévoit la non-soumission des membres du directoire et des agents de la Banque aux dispositions matérielles et procédurales du droit du travail et du droit social de la République fédérale d'Allemagne, se limite à mettre en œuvre des principes établis par ledit protocole, notamment à ses articles 13, 15 et 23, ainsi que par le protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, notamment à son article 36.
Arrêt du 19 juillet 2012, Feyerbacher (C-62/11) (cf. points 33-34)
75. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence, questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile et questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Compétence au vu de l'applicabilité éventuelle de la règle de droit de l'Union audit litige en raison d'une interdiction de discrimination posée par le droit national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 19 juillet 2012, Garkalns (C-470/11) (cf. points 18-21)
76. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Identification des éléments de droit de l'Union pertinents - Reformulation des questions
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 4 octobre 2012, Byankov (C-249/11) (cf. points 57-58)
Arrêt du 8 novembre 2012, Gülbahce (C-268/11) (cf. points 31-32)
Arrêt du 17 janvier 2013, Hewlett-Packard Europe (C-361/11) (cf. points 35-36)
Arrêt du 28 février 2013, Petersen (C-544/11) (cf. points 23-24)
Arrêt du 30 mai 2013, Worten (C-342/12) (cf. points 30-31)
Arrêt du 19 septembre 2013, Brey (C-140/12) (cf. points 31, 32)
Arrêt du 10 octobre 2013, Swm Costruzioni 2 et Mannocchi Luigino (C-94/12) (cf. points 24, 25)
Arrêt du 13 février 2014, TSN (C-512/11 et C-513/11) (cf. points 32, 33)
Arrêt du 13 février 2014, Airport Shuttle Express e.a. (C-162/12 et C-163/12) (cf. points 29-33, 36)
Arrêt du 13 février 2014, Crono Service e.a. (C-419/12 et C-420/12) (cf. points 27-30)
Arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d'Or (C-151/13) (cf. points 25-27)
Arrêt du 12 juin 2014, Lukoyl Neftohim Burgas (C-330/13) (cf. points 29-31)
Arrêt du 3 juillet 2014, Gross (C-165/13) (cf. point 20)
Arrêt du 11 septembre 2014, Essent Energie Productie (C-91/13) (cf. point 36)
Arrêt du 11 septembre 2014, B. (C-394/13) (cf. point 21)
Arrêt du 9 octobre 2014, Douane Advies Bureau Rietveld (C-541/13) (cf. point 18)
Arrêt du 11 février 2015, Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C-531/13) (cf. points 37, 38)
Arrêt du 23 avril 2015, Aykul (C-260/13) (cf. points 42, 43)
Arrêt du 23 avril 2015, Zaizoune (C-38/14) (cf. points 25-28)
Arrêt du 30 avril 2015, SMK (C-97/14) (cf. points 27-30)
Arrêt du 16 juillet 2015, Abcur (C-544/13 et C-545/13) (cf. points 33, 34)
Arrêt du 1er octobre 2015, Doc Generici (C-452/14) (cf. points 33, 34)
Arrêt du 15 octobre 2015, Biovet (C-306/14) (cf. point 17)
Arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual e.a. (C-509/14) (cf. point 22)
Arrêt du 17 décembre 2015, Neptune Distribution (C-157/14) (cf. points 33, 34)
Arrêt du 17 décembre 2015, Szemerey (C-330/14) (cf. points 30, 31)
Arrêt du 14 avril 2016, Cervati et Malvi (C-131/14) (cf. point 26)
Arrêt du 28 avril 2016, Oniors Bio (C-233/15) (cf. point 30)
Arrêt du 9 juin 2016, Balogh (C-25/15) (cf. point 28)
Arrêt du 21 juin 2016, New Valmar (C-15/15) (cf. points 28, 29)
Arrêt du 8 septembre 2016, Schenker (C-409/14) (cf. point 72)
Arrêt du 8 septembre 2016, Borealis e.a. (C-180/15) (cf. points 32, 56)
Arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C-165/14) (cf. points 33, 34)
Arrêt du 13 octobre 2016, M. et S. (C-303/15) (cf. point 16)
Arrêt du 20 octobre 2016, Danqua (C-429/15) (cf. points 36, 37)
Arrêt du 26 octobre 2016, Yara Suomi e.a. (C-506/14) (cf. points 29, 45)
Arrêt du 7 décembre 2016, Vodoopskrba i odvodnja (C-686/15) (cf. point 16)
Arrêt du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a. (C-532/15 et C-538/15) (cf. point 30)
Arrêt du 21 mars 2019, Mobit (C-350/17 et C-351/17) (cf. point 35)
Arrêt du 26 septembre 2019, UTEP 2006. (C-600/18) (cf. points 17, 18)
Arrêt du 7 juillet 2022, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C-261/21) (cf. points 38-42)
Dans l’arrêt Cogeco Communications (C-637/17), rendu le 28 mars 2019, la Cour s’est prononcée sur une demande de décision préjudicielle ayant trait à la directive 2014/104{1} relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, à l’article 102 TFUE et aux principes d’équivalence et d’effectivité. Le litige au principal porte sur un recours tendant à la réparation du préjudice que Cogeco Communications Inc. aurait subi en raison des pratiques anticoncurrentielles auxquelles la société Sport TV Portugal SA se serait livrée. Le recours a été a introduit, le 27 février 2015, après une décision de l’Autorité de la concurrence par laquelle Sport TV Portugal a été condamnée à une amende pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des chaînes de télévision sportives premium entre 2006 et 2011.
Le droit portugais de la responsabilité extracontractuelle, applicable au litige au principal, prévoit néanmoins un délai de prescription de trois ans qui, selon Sport TV Portugal, avait commencé à courir dès lors que Cogeco Communications disposait de toutes les informations nécessaires pour apprécier si elle disposait ou non d’un droit à réparation, auquel cas le recours en l’espèce serait prescrit. Or, la directive 2014/104 comporte notamment des dispositions relatives à la prescription dans le cadre d’actions en dommages et intérêts pour infraction anticoncurrentielle, mais elle n’était pas encore transposée dans l’ordre juridique portugais à la date d’introduction du recours. La solution du litige dépendant donc de l’applicabilité de la directive 2014/104, la juridiction de renvoi a formulé une demande de décision préjudicielle à ce sujet.
S’agissant de l’application ratione temporis de cette directive 2014/104, la Cour a jugé que, dans le cas où des États membres ont décidé que les dispositions de leur ordre juridique interne transposant les dispositions procédurales de cette directive ne seraient pas applicables aux recours en dommages et intérêts introduits avant la date d’entrée en vigueur de ces dispositions nationales, les recours introduits après le 26 décembre 2014, mais avant la date d’expiration du délai de transposition de ladite directive, restent régis uniquement par les règles procédurales nationales qui étaient déjà en vigueur avant la transposition de ladite directive. Il en va a fortiori ainsi des dispositions nationales adoptées en application de l’article 21 de la directive 2014/104 par les États membres, afin de se conformer aux dispositions substantielles de celle-ci, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 22, paragraphe 1, de cette directive, ces dispositions nationales ne doivent pas s’appliquer rétroactivement. Dans ces conditions, la Cour a considéré que la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens qu’elle ne s’applique pas au litige au principal.
Ainsi, en l’absence de réglementation de l’Union en matière d’actions en dommages et intérêts pour infraction anticoncurrentielle, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités d’exercice du droit de demander réparation du préjudice résultant d’un abus de position dominante, y compris celles relatives aux délais de prescription, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés. Ces règles ne doivent pas porter atteinte à l’application effective de l’article 102 TFUE.
À cet égard, il convient de tenir compte des spécificités des affaires relevant du droit de la concurrence et plus particulièrement de la circonstance que l’introduction des actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence de l’Union nécessitent, en principe, la réalisation d’une analyse factuelle et économique complexe.
Faisant application du principe d’effectivité, la Cour a considéré que si le délai de prescription, qui commence à courir avant l’achèvement des procédures à l’issue desquelles une décision définitive est rendue par l’autorité nationale de concurrence ou par une instance de recours, est trop court par rapport à la durée de ces procédures et ne peut être ni suspendu ni interrompu pendant le cours de telles procédures, il n’est pas exclu que ce délai de prescription s’écoule avant même que lesdites procédures soient achevées. Ainsi, un tel délai est susceptible de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit d’engager des actions en indemnité fondées sur une décision définitive constatant une infraction aux règles de concurrence de l’Union. Dès lors, la Cour a jugé que l’article 102 TFUE et le principe d’effectivité doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant un tel délai de prescription.
{1 Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne (JO 2014, L 349, p. 1, ci-après la « directive 2014/104 »).}
Arrêt du 28 mars 2019, Cogeco Communications (C-637/17) (cf. point 35)
Dans le cadre d’un recours introduit auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (France), JP, résident de l’agglomération de Paris, a demandé, notamment, l’indemnisation, par la République française, d’un préjudice tenant à la détérioration de son état de santé qui lui aurait été causée par la dégradation de la qualité de l’air ambiant dans cette agglomération. Cette dégradation résulterait des dépassements des valeurs limites de concentration en dioxyde d’azote (NO2) et en microparticules (PM10), fixées par la directive 2008/50 sur la qualité de l’air ambiant{1}, en raison de manquements par les autorités françaises aux obligations qui leur incombent en vertu des articles 13{2} et 23{3} de cette directive.
Son recours ayant été rejeté au motif, en substance, que les dispositions de la directive 2008/50 sur la qualité de l’air ambiant qu’il invoquait ne confèrent aucun droit aux particuliers à obtenir l’indemnisation d’un éventuel préjudice subi du fait de la dégradation de la qualité de l’air, JP a interjeté appel du jugement devant la cour administrative d’appel de Versailles (France).
Saisie à titre préjudiciel par cette dernière juridiction, la Cour, réunie en grande chambre, précise les conditions d’engagement de la responsabilité d’un État membre pour les préjudices causés à un particulier par la dégradation de l’air résultant d’un dépassement des valeurs limites de polluants dans l’air ambiant.
Appréciation de la Cour
Tout d’abord, la Cour relève que la directive 2008/50 sur la qualité de l’air ambiant, invoquée par JP, est entrée en vigueur le 11 juin 2008, soit en partie postérieurement aux préjudices de santé qui lui auraient été prétendument causés, lesquels auraient débuté en 2003. Ainsi, afin d’examiner l’éventuelle responsabilité de la République française pour les préjudices en cause, elle estime opportun de prendre en considération non seulement les dispositions pertinentes de cette directive, mais également celles des directives l’ayant précédée{4} et prévoyant des exigences analogues.
La Cour rappelle ensuite que l’engagement de la responsabilité d’un État par des particuliers suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir que la règle du droit de l’Union violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité directe entre cette violation et le dommage subi par ces particuliers.
S’agissant de la première condition tenant à ce que la règle violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, ces droits naissent non seulement lorsqu’une attribution explicite en est faite par des dispositions du droit de l’Union, mais également en raison d’obligations positives ou négatives que celles-ci imposent d’une manière bien définie tant aux particuliers qu’aux États membres ou aux institutions de l’Union. En effet, la violation de telles obligations, par un État membre, est susceptible d’entraver l’exercice des droits qui sont implicitement conférés aux particuliers par les dispositions en cause et ainsi d’altérer la situation juridique que ces dispositions visent à créer pour ceux-ci. C’est pourquoi la pleine efficacité de ces normes et la protection des droits qu’elles confèrent exigent que les particuliers aient la possibilité d’obtenir réparation, et ce indépendamment de la question de savoir si les dispositions concernées sont d’effet direct, cette qualité n’étant ni nécessaire ni suffisante en elle-même pour satisfaire à cette première condition.
En l’occurrence, l’article 13, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50 sur la qualité de l’air ambiant, à l’instar des dispositions analogues des directives précédentes, imposent aux États membres, en substance, d’une part, une obligation de veiller à ce que les niveaux, notamment, de NO2 et de PM10 ne dépassent pas, sur leur territoire respectif et à compter de certaines dates, les valeurs limites fixées par ces directives et, d’autre part, une obligation de prévoir des mesures appropriées pour remédier aux éventuels dépassements de ces valeurs, notamment dans le cadre de plans relatifs à la qualité de l’air. Il s’ensuit que ces dispositions prévoient des obligations assez claires et précises quant au résultat que les États membres doivent veiller à assurer. Cependant , ces obligations poursuivent un objectif général de protection de la santé humaine et de l’environnement dans son ensemble et ne permettent pas de considérer qu’elles confèrent implicitement des droits aux particuliers dont la violation serait susceptible d’engager la responsabilité d’un État membre pour des dommages qui leur auraient été causés. Dès lors, la première des trois conditions d’engagement de la responsabilité de l’État, conditions qui sont cumulatives, n’est pas satisfaite.
N’est pas de nature à modifier ce constat la faculté reconnue aux particuliers, par la jurisprudence de la Cour, d’obtenir des autorités nationales, le cas échéant en saisissant les juridictions compétentes, l’adoption d’un plan relatif à la qualité de l’air en cas de dépassement des valeurs limites visées dans la directive 2008/50 ainsi que dans les directives précédentes. Cette faculté, découlant en particulier du principe d’effectivité du droit de l’Union, effectivité à laquelle les particuliers concernés sont fondés à contribuer, en engageant des procédures administratives ou juridictionnelles en raison de la situation particulière qui est la leur, n’implique pas que les obligations résultant de l’article 13, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, ainsi que des dispositions analogues des directives précédentes, aient eu pour objet de conférer aux intéressés des droits individuels, au sens de la première des trois conditions susmentionnées.
Eu égard à l’ensemble de ces considérations, la Cour conclut que l’article 13, paragraphe 1, et l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50 sur la qualité de l’air ambiant, ainsi que les dispositions analogues des directives précédentes, doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’ont pas pour objet de conférer des droits individuels aux particuliers susceptibles de leur ouvrir un droit à réparation à l’égard d’un État membre, au titre du principe de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables.
{1} Directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO 2008, L 152, p. 1).
{2} Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive, « [l]es États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI » et « [e]n ce qui concerne le dioxyde d’azote et le benzène, les valeurs limites indiquées à l’annexe XI ne peuvent pas être dépassées à partir des dates indiquées à ladite annexe ».
{3} En vertu de l’article 23, paragraphe 1, de la même directive, « [l]orsque, dans une zone ou agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l’air ambiant dépassent toute valeur limite ou toute valeur cible, majorée dans chaque cas de toute marge de dépassement, les États membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l’air soient établis pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante indiquée aux annexes XI et XIV ».
{4} À savoir les articles 3 et 7 de la directive 80/779/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, concernant des valeurs limites et des valeurs guides de qualité atmosphérique pour l’anhydride sulfureux et les particules en suspension (JO 1980, L 229, p. 30), les articles 3 et 7 de la directive 85/203/CEE du Conseil, du 7 mars 1985, concernant les normes de qualité de l’air pour le dioxyde d’azote (JO 1985, L 87, p. 1), les articles 7 et 8 de la directive 96/62/CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant (JO 1996, L 296, p. 55), ainsi que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant (JO 1999, L 163, p. 41).
Saisie à titre préjudiciel par la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle, Lettonie) par trois demandes de décision préjudicielle distinctes, la Cour se prononce sur le champ d’application de la décision-cadre 2005/212{1} et de la directive 2014/42{2} en matière de gel et de confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime dans l’Union européenne.
Ces demandes ont été présentées dans trois affaires dans le contexte de saisies de fonds, d’instruments financiers et de biens immeubles ordonnées au cours de l’instruction de différentes procédures pénales ouvertes en Lettonie pour blanchiment à grande échelle de produits de crimes. Au cours de ces différentes procédures pénales, des procédures en matière de biens illégalement acquis visant les avoirs financiers et les biens immeubles en cause avaient été engagées et certains de ces avoirs financiers et de ces biens immeubles avaient été confisqués et transférés au budget de l’État.
Dans le cadre de ces dernières procédures, les personnes concernées avaient introduit des recours devant la juridiction de renvoi en invoquant, notamment, la non-conformité de certaines dispositions du Kriminālprocesa likums (loi sur la procédure pénale) au droit à un procès équitable{3} et à la présomption d’innocence{4}. Cette loi prévoit, en particulier, la possibilité, au cours de la phase préliminaire d’une procédure pénale destinée à vérifier si une personne a commis une infraction pénale, d’engager une procédure distincte pouvant aboutir rapidement à la confiscation de biens acquis illégalement, dans le cas où porter l’affaire pénale devant les tribunaux compétents dans un avenir prévisible est, pour des raisons objectives, impossible ou peut entraîner des coûts importants et injustifiés.
Le constat selon lequel des biens ont été illégalement acquis étant effectué par le juge avant que l’existence d’une infraction pénale ne soit établie ou qu’une condamnation ne soit prononcée, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer dans ces affaires et d’interroger la Cour notamment sur la question de savoir si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2014/42{5} et de la décision-cadre 2005/212{6}.
Appréciation de la Cour
La Cour relève que ne peut pas être considérée comme étant régie par la décision-cadre 2005/212 ou la directive 2014/42 une procédure qui, quoique prévue par les règles nationales de procédure pénale, vise exclusivement à déterminer si un bien a été acquis illégalement sur la base des éléments du dossier extraits de la procédure portant sur la constatation d’une ou de plusieurs infractions pénales visées par ces actes sans que la juridiction saisie de la procédure de confiscation soit habilitée, dans le cadre de celle-ci, à constater l’existence d’une telle infraction pénale et sans que cette constatation soit intervenue au cours de la procédure portant sur la constatation d’une ou de plusieurs infractions pénales.
D’une part, si la circonstance qu’une procédure de confiscation est encadrée par les règles nationales de la procédure pénale peut constituer un indice de l’existence d’un lien nécessaire entre la procédure de confiscation et la constatation d’une infraction pénale, elle n’est pas déterminante à elle seule pour considérer qu’une telle procédure de confiscation relève du champ d’application de la décision-cadre 2005/212 ou de la directive 2014/42.
D’autre part, l’article 4, paragraphe 2, de cette directive ne remet pas en cause l’exclusion du champ d’application de la décision-cadre 2005/212 et de la directive 2014/42 d’une procédure de confiscation visant exclusivement à déterminer si un bien a été acquis illégalement sans que la juridiction saisie soit habilitée à constater l’existence d’une infraction pénale et en l’absence de constatation préalable d’une telle infraction.
La Cour précise que cette disposition vise le cas où une telle condamnation n’est pas possible en raison de la non-comparution du suspect ou de la personne poursuivie dans certaines circonstances, à tout le moins en cas de maladie ou de fuite de ce suspect ou de cette personne, mais où une procédure pénale a été engagée concernant une infraction pénale qui est susceptible de donner lieu, directement ou indirectement, à un avantage économique et où ladite procédure aurait été susceptible de déboucher sur une condamnation pénale si ledit suspect ou ladite personne avait été en mesure de comparaître en justice.
Il s’ensuit que la confiscation prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2014/42, tout en visant des « instruments » ainsi que des « produits », au sens de l’article 2, points 1) et 3), de cette directive, requiert, indépendamment même de toute condamnation de l’auteur de l’infraction pénale, que la matérialité de cette infraction pénale puisse être appréciée par la juridiction ordonnant la confiscation. Partant, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2014/42 ne vise pas une procédure, telle que celle en cause au principal, permettant d’aboutir rapidement à une confiscation, mais qui n’a pas pour objet la constatation de l’existence d’une infraction pénale.
La Cour conclut que la décision-cadre 2005/212 et la directive 2014/42 doivent être interprétées en ce sens que ne relève pas du champ d’application de ces actes une réglementation nationale qui prévoit la possibilité, au cours d’une procédure pénale destinée à vérifier si une personne a commis une infraction pénale, d’engager une procédure visant, sur la base d’éléments figurant dans le dossier de la procédure pénale, à la confiscation de biens acquis illégalement, dans le cas où cette procédure de confiscation ne porte pas sur la constatation d’une telle infraction pénale, et quand bien même aucun motif lié à la maladie ou à la fuite de cette personne ne ferait obstacle à sa comparution en justice.
{1}Décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil, du 24 février 2005, relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime (JO 2005, L 68, p. 49).
{2} Directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne (JO 2014, L 127, p. 39).
{3} Dans les affaires C-767/22, C-49/23 et C-161/23.
{4} Dans l’affaire C-161/23.
{5} En particulier, article 4 : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des instruments et des produits ou des biens dont la valeur correspond à celle de ces instruments ou produits, sous réserve d’une condamnation définitive pour une infraction pénale, qui peut aussi avoir été prononcée dans le cadre d’une procédure par défaut.
Lorsqu’il n’est pas possible de procéder à la confiscation sur la base du paragraphe 1, à tout le moins lorsque cette impossibilité résulte d’une maladie ou de la fuite du suspect ou de la personne poursuivie, les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre la confiscation des instruments ou produits dans le cas où une procédure pénale a été engagée concernant une infraction pénale qui est susceptible de donner lieu, directement ou indirectement, à un avantage économique et où ladite procédure aurait été susceptible de déboucher sur une condamnation pénale si le suspect ou la personne poursuivie avait été en mesure de comparaître en justice. »
{6} Article 2, paragraphe 1 : « Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des instruments et des produits provenant d’infractions pénales passibles d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, ou de biens dont la valeur correspond à ces produits. »
Arrêt du 4 octobre 2024, 1Dream e.a. (C-767/22, C-49/23 et C-161/23) (cf. points 69, 71)
Arrêt du 7 mars 2013, Efir (C-19/12) (cf. points 26-27)
Ordonnance du 4 décembre 2014, APIA - Centrul Judeţean Timiş (C-304/13) (cf. points 25, 26)
Ordonnance du 21 avril 2016, Beca Engineering (C-285/15) (cf. points 25, 26)
Ordonnance du 30 juin 2016, Buzzi Unicem e.a. (C-502/14) (cf. point 15)
Ordonnance du 14 juillet 2016, BASF SE (C-456/15) (cf. point 15)
Ordonnance du 26 octobre 2016, Siderúrgica Sevillana (C-369/15 à C-372/15) (cf. points 29, 39)
Ordonnance du 14 mai 2019, Acea Energia (C-406/17 à C-408/17 et C-417/17) (cf. points 42, 43)
Ordonnance du 20 juin 2019, Schiaffini Travel (C-322/18) (cf. point 29)
Ordonnance du 20 juin 2019, SATI (C-475/18) (cf. point 33)
Arrêt du 12 janvier 2023, Budapesti Elektromos Művek (C-132/21) (cf. point 27)
77. Questions préjudicielles - Recevabilité - Demande n'exposant pas les raisons justifiant le renvoi à la Cour - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 4 octobre 2012, Pelckmans Turnhout (C-559/11) (cf. points 28-31)
Ordonnance du 21 novembre 2012, Fontaine (C-603/11) (cf. points 16-17, 22)
Ordonnance du 13 février 2020, Regione Veneto (C-468/19) (cf. points 45-47 et disp.)
Ordonnance du 21 janvier 2021, UNMLibres (C-105/20) (cf. points 27-33 et disp.)
Ordonnance du 1er juillet 2021, Tolnatext (C-636/20) (cf. points 18-20, 23, 24 et disp.)
Ordonnance du 21 octobre 2021, EuroChem Agro Hungary (C-583/20) (cf. points 32-35, 41, 42)
Ordonnance du 26 avril 2022, VD (C-654/20) (cf. points 22-25, 35-38 et disp.)
Ordonnance du 12 janvier 2023, SNI (C-506/22) (cf. points 18, 20-22, 26-29 et disp.)
Ordonnance du 14 décembre 2023, Alfasoft (C-474/23) (cf. points 15, 17-19 et disp.)
Ordonnance du 19 décembre 2023, Redu (C-223/23) (cf. points 41-44, 49-56 et disp.)
Ordonnance du 9 janvier 2024, BUL INS (C-387/23) (cf. points 23, 29 et disp.)
78. uestions préjudicielles - Compétence de la Cour - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d'application - Inclusion - Limite - Dispositions du droit de l'Union excluant expressément certaines situations de leur champ d'application
Une interprétation, par la Cour, des dispositions du droit de l’Union dans des situations ne relevant pas du champ d’application de celui-ci se justifie lorsque ces dispositions ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union.
Or, lorsque le dossier national ne comporte pas d’indications suffisamment précises selon lesquelles le droit national aurait rendu automatiquement applicables les solutions retenues par le droit de l'Union concerné, il ne saurait être considéré que les dispositions de l'acte de l'Union, visées par la question préjudicielle, ont été rendues, en tant que telles, applicables de manière directe et inconditionnelle par le droit national. Certes, il est de l’intérêt de l’Union de veiller à l’uniformité des interprétations d’une disposition d’un acte de l’Union et de celles du droit national qui la transposent et la rendent applicable en dehors du champ d’application de cet acte. Toutefois, tel n’est pas le cas lorsqu'un acte de l’Union prévoit expressément un cas d’exclusion de son champ d’application. En effet, si le législateur de l’Union mentionne de manière univoque que l’acte qu’il a adopté ne s’applique pas à un domaine précis, il renonce, à tout le moins jusqu’à l’adoption de nouvelles règles éventuelles de l’Union, à l’objectif visant à une interprétation et à une application uniformes des règles de droit dans ce domaine exclu.
Arrêt du 18 octobre 2012, Nolan (C-583/10) (cf. points 47, 51-55)
79. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Nécessité d'une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 octobre 2012, Édukövízig et Hochtief Construction (C-218/11) (cf. point 23)
Arrêt du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a. (C-536/11) (cf. points 15, 16)
Arrêt du 11 juin 2015, Lisboagás GDL (C-256/14) (cf. points 24-26)
Arrêt du 16 juillet 2015, UNIC et Uni.co.pel (C-95/14) (cf. point 31)
Arrêt du 10 mars 2016, Flight Refund (C-94/14) (cf. points 40, 41)
Arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C-477/14) (cf. points 15, 16)
Arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C-547/14) (cf. points 31, 32)
Arrêt du 21 juin 2016, New Valmar (C-15/15) (cf. point 23)
Arrêt du 25 octobre 2017, POLBUD - WYKONAWSTWO (C-106/16) (cf. point 27)
Arrêt du 30 mai 2018, Dell'Acqua (C-370/16) (cf. points 31, 32)
Arrêt du 20 juin 2019, K.P. (C-458/15) (cf. point 29)
En matière préjudicielle, la Cour n’est pas compétente pour statuer lorsque la juridiction de renvoi n’est pas liée par l’interprétation de la Cour. En effet, cette dernière n’est pas compétente pour donner des réponses qui ont un effet purement consultatif. Ainsi, la Cour n’est pas compétente pour interpréter un acte relevant du droit de l’Union en vue de permettre à la juridiction de renvoi de statuer sur l’application du droit national, dans une situation dans laquelle le droit national n’opère pas un renvoi direct et inconditionnel au droit de l’Union mais se borne à prendre pour modèle un acte relevant du droit de l’Union et n’en reproduit que partiellement les termes. Toutefois, il en va différemment lorsque la demande préjudicielle porte directement sur l’interprétation et l’application du droit de l’Union, ce qui implique que l’arrêt de la Cour a des conséquences concrètes pour la solution du litige au principal.
À cet égard, l’article 267 TFUE institue une procédure de coopération directe entre la Cour et les juridictions des États membres. Dans le cadre de cette procédure, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national, auquel il appartient d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, alors que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par le juge national. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation ou sur la validité d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer.
Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation ou l’appréciation de validité d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.
Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C-62/14) (cf. points 12-15, 24, 25)
80. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité aux situations purement internes des dispositions d'une directive transposées en droit national - Appréciation de la portée exacte du renvoi au droit de l'Union opéré par le droit national - Compétence exclusive du juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 octobre 2012, Punch Graphix Prepress Belgium (C-371/11) (cf. points 26-28)
81. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Affaire pendante devant la juridiction de renvoi devenue sans objet - Non-lieu à statuer
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 juin 2013, Di Donna (C-492/11) (cf. points 25-27, 30-32 et disp.)
Ordonnance du 10 janvier 2019, Mahmood e.a. (C-169/18) (cf. points 22, 23, 26 et disp.)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 24 novembre 2022, Banco Cetelem (C-302/21) (cf. points 32, 33 et disp.)
Ordonnance du 22 octobre 2012, Šujetová (C-252/11) (cf. points 13-15)
Arrêt du 3 juillet 2014, Da Silva (C-189/13) (cf. points 34-37 et disp.)
Ordonnance du 3 mars 2016, Euro Bank (C-537/15) (cf. points 31-33, 35, 36 et disp.)
Ordonnance du 2 mai 2019, Faggiano (C-524/16) (cf. points 19-25 et disp.)
Arrêt du 26 octobre 2023, Agos Ducato (C-610/22) (cf. points 29, 30 et disp.)
82. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Absence de compétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch (C-553/11) (cf. point 16)
83. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Constatation d'invalidité - Incompétence des juridictions nationales
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C-199/11) (cf. point 53)
84. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité de dispositions de droit de l'Union résultant d'un renvoi opéré par le droit national - Compétence pour fournir cette interprétation
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 8 novembre 2012, Techniko Epimelitirio Elladas (TEE) e.a. (C-271/11) (cf. point 34)
85. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation d'un accord international conclu par la Communauté et les États membres en vertu d'une compétence partagée - Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPs)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 novembre 2012, Bericap Záródástechnikai (C-180/11) (cf. point 67)
86. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la Charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence de la Cour
87. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine de la concurrence - Insuffisance de précision sur ledit contexte - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 mars 2021, Poste Italiane (C-434/19 et C-435/19) (cf. points 77-82)
Ordonnance du 21 novembre 2012, Fontaine (C-603/11) (cf. points 14-15, 18-21, 24-26)
Ordonnance du 12 décembre 2013, Umbra Packaging (C-355/13) (cf. points 22-26, 28, 29)
Ordonnance du 27 avril 2017, Emmea et Commercial Hub (C-595/16) (cf. points 13-15, 21-23)
Ordonnance du 16 mars 2021, DS (Parage d'équidés) (C-557/20) (cf. points 20-31 et disp.)
88. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Classement de marchandises dans les positions tarifaires du tarif douanier commun
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 22 novembre 2012, Digitalnet (C-320/11, C-330/11, C-382/11 et C-383/11) (cf. point 61)
Arrêt du 9 avril 2014, GSV (C-74/13) (cf. points 36, 37)
Arrêt du 17 juillet 2014, Panasonic Italia e.a. (C-472/12) (cf. points 32, 33)
Arrêt du 23 avril 2015, ALKA (C-635/13) (cf. points 33, 34)
Arrêt du 17 septembre 2015, Kyowa Hakko Europe (C-344/14) (cf. point 24)
Arrêt du 28 avril 2016, Oniors Bio (C-233/15) (cf. point 28)
Arrêt du 26 mai 2016, GD European Land Systems - Steyr (C-262/15) (cf. point 27)
Arrêt du 8 septembre 2016, Schenker (C-409/14) (cf. points 70, 71)
Arrêt du 8 décembre 2016, Lemnis Lighting (C-600/15) (cf. points 33, 34)
Lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre permettra à cette dernière de classer correctement les produits en cause dans la nomenclature combinée qu'à procéder elle-même à ce classement, et ce d’autant plus qu’elle ne dispose pas nécessairement de tous les éléments indispensables à cet égard. Ainsi, la juridiction nationale apparaît en tout état de cause mieux placée pour le faire. Toutefois, afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse utile et lui permettre de procéder au classement tarifaire dont elle est saisie, la Cour peut, dans un esprit de coopération avec les juridictions nationales et eu égard aux données exposées dans la décision de renvoi, lui fournir toutes les indications qu’elle juge nécessaires.
Ordonnance du 22 octobre 2014, Mineralquelle Zurzach (C-139/14) (cf. points 28, 29)
Arrêt du 5 mars 2015, Vario Tek (C-178/14) (cf. point 18)
89. Questions préjudicielles - Recevabilité - Demande ne fournissant aucune précision sur le contexte factuel et réglementaire et n'exposant pas les raisons justifiant le renvoi à la Cour - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 3 juillet 2014, Talasca (C-19/14) (cf. points 16-24, 30-33)
Arrêt du 11 juin 2015, Base Company et Mobistar (C-1/14) (cf. points 46-51)
Ordonnance du 18 février 2016, Ś. e.a. (C-325/15) (cf. points 25-30)
Ordonnance du 25 mai 2020, Resopre (C-643/19) (cf. points 30, 34, 35 et disp.)
Ordonnance du 22 novembre 2012, Devillers (C-318/12) (cf. points 4-9)
Ordonnance du 27 novembre 2012, Augustus (C-627/11) (cf. points 7-10, 14 et disp.)
Ordonnance du 18 avril 2013, Adiamix (C-368/12) (cf. points 20-22, 24-25, 27-34)
Ordonnance du 14 novembre 2013, Mlamali (C-257/13) (cf. points 17-25, 32, 33)
Ordonnance du 19 mars 2014, Grimal (C-550/13) (cf. points 12-25, 33, 34)
Ordonnance du 12 juin 2014, Municipiul Piatra Neamț (C-13/14) (cf. points 10-16)
Ordonnance du 3 février 2015, Equitalia Nord (C-68/14) (cf. points 13-17 et disp.)
Ordonnance du 19 mars 2015, Andre (C-23/15) (cf. points 4-9)
Ordonnance du 4 juin 2015, Argenta Spaarbank (C-578/14) (cf. points 14-22)
Ordonnance du 16 juillet 2015, Striani e.a. (C-299/15) (cf. points 19-38)
Ordonnance du 30 juin 2016, ERDF (C-669/15) (cf. points 12-22)
Ordonnance du 20 juillet 2016, Stanleybet Malta et Stoppani (C-141/16) (cf. points 6, 7, 10)
Ordonnance du 26 octobre 2016, Ignazio Messina & C. (C-10/16 à C-12/16) (cf. points 8-14)
Ordonnance du 4 mai 2017, Svobodová (C-653/16) (cf. points 18-22, 28, 29 et disp.)
Ordonnance du 5 octobre 2017, OJ (C-321/17) (cf. points 12-21, 23 et disp.)
Ordonnance du 21 mars 2018, Vadillo González (C-252/17) (cf. points 21, 22, 27, 28, 31-36)
Ordonnance du 7 juin 2018, easyJet Airline (C-241/18) (cf. points 11-16, 18, 19, 21 et disp.)
Ordonnance du 21 juin 2018, Idroenergia (C-166/18) (cf. points 11-27)
Ordonnance du 6 septembre 2018, HBOR (C-90/18) (cf. points 18-32)
Ordonnance du 15 mai 2019, MC (C-827/18) (cf. points 31-37)
Ordonnance du 11 juillet 2019, Agrotiki Trapeza Ellados (C-262/19) (cf. points 12-17, 22 et disp.)
Ordonnance du 25 mars 2021, Banco Santander (C-503/20) (cf. points 34-39)
Ordonnance du 17 janvier 2023, D.-F. (C-476/22) (cf. points 12-16, 18-20)
90. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Compétence de la Cour - Décision du Conseil européen prise conformément à la procédure de révision simplifiée du traité FUE - Inclusion - Portée
Le traité de Lisbonne a introduit, à côté de la procédure de révision ordinaire du traité FUE, une procédure de révision simplifiée en vertu de l’article 48, paragraphe 6, TUE dont l'application est soumise au respect de plusieurs conditions. Le contrôle du respect desdites conditions étant nécessaire afin de constater si la procédure de révision simplifiée peut être appliquée, il incombe à la Cour de justice en tant qu’institution qui, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités, d’examiner la validité d’une décision du Conseil européen fondée sur l’article 48, paragraphe 6, TUE.
À cet effet, il appartient à la Cour de vérifier, d’une part, que les règles de procédure prévues audit article 48, paragraphe 6, ont été suivies et, d’autre part, que les modifications décidées ne portent que sur la troisième partie du traité FUE, ce qui implique qu’elles n’entraînent aucune modification des dispositions d’une autre partie des traités sur lesquels l’Union est fondée et qu’elles n’accroissent pas les compétences de cette dernière.
Arrêt du 27 novembre 2012, Pringle (C-370/12) (cf. points 31, 33-36)
91. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Question présentant un caractère abstrait et purement hypothétique au regard de l'objet du litige au principal - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 décembre 2012, Odar (C-152/11) (cf. points 24, 26, 28)
Arrêt du 29 janvier 2013, Radu (C-396/11) (cf. point 24)
Arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C-617/10) (cf. points 40-42)
Arrêt du 30 mai 2013, Jőrös (C-397/11) (cf. point 24)
Arrêt du 3 avril 2014, Cascina Tre Pini (C-301/12) (cf. points 45-48)
Arrêt du 16 juin 2016, Rodríguez Sánchez (C-351/14) (cf. points 55-57, 71)
Arrêt du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige (C-203/15 et C-698/15) (cf. point 130)
Arrêt du 25 juillet 2018, AVIABALTIKA (C-107/17) (cf. point 40)
Arrêt du 13 décembre 2018, Rittinger e.a. (C-492/17) (cf. points 37, 40-44, 48-51)
Arrêt du 26 novembre 2020, Sögård Fastigheter (C-787/18) (cf. points 76-78, 81)
Une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction nationale doit être rejetée lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.
Arrêt du 10 juillet 2014, Netto Marken-Discount (C-420/13) (cf. point 55)
Arrêt du 10 juillet 2014, Apple (C-421/13) (cf. point 30)
Une demande de préjudicielle se justifie non pas par la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais par le besoin inhérent à la solution effective d’un litige portant sur le droit de l’Union. À cet égard, lorsque la juridiction de renvoi admet que des questions sont purement hypothétiques dans le cadre du litige au principal, la circonstance que les questions posées pourraient s’avérer pertinentes dans le cadre d’un éventuel contrôle de constitutionnalité de la loi nationale en cause par la Cour constitutionnelle n’est pas susceptible d’enlever auxdites questions leur caractère hypothétique.
Arrêt du 10 novembre 2016, Private Equity Insurance Group (C-156/15) (cf. points 56-58)
Ordonnance du 30 septembre 2015, Balogh (C-424/14) (cf. points 39, 40, 42)
Ordonnance du 17 janvier 2023, TBI Bank (C-379/21) (cf. points 23, 25, 26)
92. Questions préjudicielles - Recevabilité - Conditions - Questions présentant un rapport avec la réalité ou l'objet du litige
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 décembre 2012, Sagor (C-430/11) (cf. point 29)
Arrêt du 19 septembre 2013, Martin Y Paz Diffusion (C-661/11) (cf. points 42, 43)
Arrêt du 3 octobre 2013, Pinckney (C-170/12) (cf. points 19, 20)
Arrêt du 24 octobre 2013, LBI (C-85/12) (cf. points 45-46)
Arrêt du 8 mai 2014, Idrodinamica Spurgo Velox e.a. (C-161/13) (cf. points 29-31)
Arrêt du 16 juillet 2015, Sommer Antriebs- und Funktechnik (C-369/14) (cf. points 31-34)
Arrêt du 20 juillet 2017, Piscarreta Ricardo (C-416/16) (cf. points 56, 59-61)
Voir texte de la décision.
Ordonnance du 8 mai 2014, Stefan (C-329/13) (cf. points 24-27)
93. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation du droit national - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 décembre 2012, Caves Krier Frères (C-379/11) (cf. points 35-38)
Arrêt du 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank (C-350/11) (cf. point 29)
Ordonnance du 7 octobre 2013, Società cooperativa Madonna dei miracoli (C-82/13) (cf. points 11, 15)
Arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť (C-470/12) (cf. points 59, 60)
Arrêt du 22 janvier 2015, Art & Allposters International (C-419/13) (cf. point 22)
Arrêt du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai (C-567/13) (cf. point 32)
Ordonnance du 8 septembre 2015, Cdiscount (C-13/15) (cf. points 28, 29)
Arrêt du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme (C-203/14) (cf. point 43)
Arrêt du 19 juin 2018, Gnandi (C-181/16) (cf. point 34)
Arrêt du 7 août 2018, Banco Santander (C-96/16 et C-94/17) (cf. point 57)
Arrêt du 11 juin 2020, Prezident Slovenskej republiky (C-378/19) (cf. points 43-45)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C-470/20) (cf. point 25)
Ordonnance du 7 mai 2015, Pondiche (C-608/14) (cf. point 26)
Ordonnance du 28 février 2023, Caixabank (C-254/22) (cf. points 37-40, 46)
Ordonnance du 9 janvier 2024, Bravchev (C-338/23) (cf. points 16, 17, disp. 1)
94. Questions préjudicielles - Recevabilité - Conditions - Questions présentant un rapport avec la réalité ou l'objet du litige - Questions d'interprétation de dispositions de droit de l'Union n'ayant pas d'effet direct - Clarté des dispositions nationales applicables - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 janvier 2013, Križan e.a. (C-416/10) (cf. points 53-56, 58-60)
95. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation du droit national - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi des éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 janvier 2013, Zakaria (C‑23/12) (cf. points 29-30)
Arrêt du 19 juin 2019, Meca (C-41/18) (cf. point 22)
96. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen de la compatibilité du droit national avec le droit de l'Union - Exclusion - Fourniture à la juridiction nationale de tous les éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 juillet 2015, CHEZ Razpredelenie Bulgaria (C-83/14) (cf. point 62)
Ordonnance du 7 février 2013, Pedone (C-498/12) (cf. point 10)
Ordonnance du 7 février 2013, Gentile (C-499/12) (cf. point 10)
97. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Législation nationale en matière de frais de justice prévoyant la réduction de moitié des honoraires de l'avocat acceptant un mandat en faveur des justiciables admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle - Législation ne mettant pas en œuvre le droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Ordonnance du 7 février 2013, Pedone (C-498/12) (cf. points 12-16)
Ordonnance du 7 février 2013, Gentile (C-499/12) (cf. points 12-16)
98. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 février 2013, Mora IPR (C-79/12) (cf. points 35-38)
Ordonnance du 17 juillet 2014, 3D I (C-107/14) (cf. points 5-13)
99. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale présentant un élément de rattachement au droit de l'Union - Compétence de la Cour
Le champ d’application de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pour ce qui est de l’action des États membres, est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel les dispositions de la charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En effet, les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de telles situations.
La Cour ne peut ainsi apprécier, au regard de la charte, une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit de l’Union. En revanche, dès lors qu’une telle réglementation entre dans le champ d’application de ce droit, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont elle assure le respect.
Arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C-617/10) (cf. points 17 et 19)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 octobre 2015, Delvigne (C-650/13) (cf. points 25-27, 33, 34)
100. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Vérification par la Cour de sa propre compétence
Dans l’arrêt Budapest Bank e.a. (C-228/18), prononcé le 2 avril 2020, la Cour a précisé les critères applicables pour déterminer si des accords conclus entre établissements financiers au sujet des commissions appliquées sur les opérations de paiement par carte constituent des pratiques ou accords ayant pour objet de restreindre la concurrence, prohibés par l’article 101 TFUE.
La Kúria (Cour suprême, Hongrie) a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle dans le cadre d’un litige opposant la Gazdasági Versenyhivatal (autorité de la concurrence, Hongrie) à deux fournisseurs de services de paiement par carte, Visa et MasterCard, ainsi que six établissements de crédit au sujet d’une décision adoptée en 2009 par ladite autorité de la concurrence. Par cette décision, l’autorité de la concurrence a constaté notamment l’existence d’un accord anticoncurrentiel portant sur les commissions dites « d’interchange » et, en conséquence, infligé à sept des établissements financiers parties à l’accord ainsi qu’à Visa et MasterCard des amendes de montants divers.
Selon les éléments exposés par la juridiction nationale, les commissions d’interchange sont des montants à acquitter par les établissements financiers fournissant aux opérateurs économiques des terminaux de paiement (ci-après les « banques d’acquisition ») aux établissements financiers émetteurs des cartes de paiement (ci-après les « banques d’émission »), en tant que membres du système de paiement proposé par Visa ou MasterCard, lorsqu’une opération de paiement par carte est effectuée. Sept établissements financiers représentant une partie prépondérante des marchés nationaux pertinents se sont accordés, en avril 1996, pour déterminer, par catégorie d’opérateurs, le niveau minimal de la commission de service à acquitter par ces derniers. En octobre 1996 est intervenu un second accord (ci-après l’« accord CMI »), négocié pour le compte de Visa et MasterCard, visant à uniformiser le montant des commissions d’interchange dues dans le cadre de ces deux systèmes de paiement. À l’issue de l’examen de l’accord CMI, l’autorité de la concurrence a retenu, pour la période débutant à la date d’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne, l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE dans le chef de l’ensemble des établissements financiers ayant successivement adhéré à l’accord CMI ainsi que dans celui de Visa et MasterCard. Selon elle, la définition d’un niveau et d’une structure uniformes de la commission d’interchange applicable et, s’agissant de Visa et MasterCard, la fixation d’un cadre à cette fin dans leur règlement interne respectif, constitueraient un accord relevant de la prohibition de l’article 101 TFUE, en ce qu’il aurait non seulement pour objet de restreindre la concurrence, mais qu’il induirait de surcroît un effet restrictif de la concurrence.
La Cour a, tout d’abord, jugé que l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne s’oppose pas à ce qu’un comportement anticoncurrentiel soit considéré comme ayant à la fois pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition. Appelée à préciser la relation entre ces deux catégories de restrictions de concurrence, la Cour a rappelé qu’une coordination entre entreprises comporte une restriction de concurrence « par objet » lorsqu’elle présente, en elle-même, un degré suffisant de nocivité, sans qu’il y ait lieu d’en examiner les effets sur le jeu de la concurrence. Toutefois, lorsqu’un seul et même comportement est considéré comme ayant tant pour objet que pour effet de restreindre la concurrence, il incombe à l’autorité ou la juridiction compétente d’étayer ses constatations à ces fins par les preuves nécessaires et de préciser dans quelle mesure lesdites preuves se rapportent à l’un ou à l’autre type de restriction ainsi constatée.
La Cour a ensuite abordé la question de la qualification susceptible d’être donnée à l’accord en cause au regard de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, non sans avoir rappelé au préalable que l’appréciation finale sur ce point revenait à la juridiction nationale.
La Cour a relevé d’emblée, au regard de la teneur de l’accord CMI, que celui-ci avait uniformisé le montant des commissions d’interchange payables par les banques d’acquisition aux banques d’émission au titre des opérations de paiement réalisées par carte d’un des systèmes de paiement, affectant ainsi un élément de concurrence tant entre les deux systèmes de paiement considérés qu’entre les banques d’acquisition. Or, la Cour a observé que, bien que l’accord en cause n’ait pas déterminé directement les commissions de service, une restriction « par objet » pourrait néanmoins être admise si un tel accord devait s’analyser en une fixation indirecte de prix au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE ou un comportement d’une nocivité équivalente à l’égard du jeu de la concurrence au sein du marché intérieur.
Ayant toutefois constaté que la nocivité exigée aux fins de la qualification de restriction « par objet » ne ressortait pas nécessairement des éléments soumis à la Cour quant à la teneur de l’accord, la Cour a examiné les éléments à sa disposition au sujet des objectifs poursuivis par l’accord CMI. Au regard de ces éléments, la Cour a considéré qu’il ne pouvait être exclu que l’objectif poursuivi par l’accord CMI ne consistait pas à assurer un seuil plancher pour les commissions, mais à instaurer un certain équilibre entre les activités d’« émission » et d’« acquisition » au sein de chacun des systèmes de paiement par carte concernés en l’occurrence. À cet égard, la Cour a jugé pertinente la circonstance selon laquelle les parties à l’accord comprenaient aussi bien les banques d’émission que les banques d’acquisition. Or, s’il ressortait des vérifications à réaliser sur ce point par la juridiction nationale que l’accord CMI avait eu pour conséquence, en neutralisant la concurrence entre les deux systèmes de paiement par carte concernés à l’égard des commissions d’interchange, d’intensifier la concurrence en ce qui concerne d’autres caractéristiques de ces systèmes, cela impliquerait, selon la Cour, de procéder à une appréciation du jeu de la concurrence qui aurait existé sur le marché considéré en l’absence de l’accord CMI et, partant, d’analyser les effets de cet accord.
La Cour a, en conséquence, considéré, qu’elle n’avait pas été saisie d’éléments suffisants pour lui permettre de déterminer si la neutralisation de la concurrence à l’égard des commissions d’interchange révélait, en soi, un degré suffisant de nocivité de l’accord CMI pour ne pas exiger l’examen de ses effets, et ce tant à l’égard de la concurrence entre les deux systèmes de paiement par carte qu’à l’égard de la concurrence sur le marché de l’acquisition. La Cour a souligné qu’une limitation par l’accord CMI de la pression à la hausse des commissions d’interchange qui se serait produite en l’absence d’accord était néanmoins pertinente aux fins de l’examen de l’existence d’une restriction résultant de cet accord.
La Cour a donc jugé que l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’un accord interbancaire qui fixe à un même montant la commission d’interchange revenant, lors d’une opération de paiement par carte, aux banques d’émission de cette carte ne saurait être qualifié d’accord ayant « pour objet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition, à moins que cet accord, eu égard à ses termes, à ses objectifs et à son contexte, ne puisse être considéré comme présentant le degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence pour être ainsi qualifié, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.
Arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a. (C-228/18) (cf. points 29-31)
Ordonnance du 7 mars 2013, Bertazzi e.a. (C-393/11) (cf. point 54)
Ordonnance du 14 mars 2013, Loreti e.a. (C-555/12) (cf. point 20)
Ordonnance du 4 septembre 2014, Bertazzi e.a. (C-152/14) (cf. point 15)
Ordonnance du 5 septembre 2019, Eli Lilly and Company (C-239/19) (cf. points 16, 17)
Ordonnance du 16 mars 2021, DS (Parage d'équidés) (C-557/20) (cf. points 16-19)
101. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 4 juin 2020, Balga (C-32/20) (cf. points 23-27, 35 et disp.)
102. Questions préjudicielles - Recevabilité - Conditions - Questions présentant un rapport avec la réalité ou l'objet du litige - Demande fournissant à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C-32/11) (cf. points 26-28)
103. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 14 mars 2013, Česká spořitelna (C-419/11) (cf. point 21)
Arrêt du 25 avril 2013, Jyske Bank Gibraltar (C-212/11) (cf. point 34)
Arrêt du 22 mai 2014, Érsekcsanádi Mezőgazdasági (C-56/13) (cf. point 36)
104. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 14 mars 2013, Ablessio (C-527/11) (cf. point 35)
Arrêt du 13 juin 2013, Kostov (C-62/12) (cf. point 25)
Arrêt du 3 septembre 2015, Costea (C-110/14) (cf. point 13)
Arrêt du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C-243/15) (cf. point 64)
105. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Question relative à l'interprétation de la directive 2002/20 concernant la possibilité pour les États membres d'imposer une redevance unique aux opérateurs de téléphonie mobile candidats à l'obtention de nouveaux droits d'utilisation des radiofréquences - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 mars 2013, Belgacom e.a. (C-375/11) (cf. points 30-32)
106. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Reformulation des questions improprement formulées ou non expressément mentionnées
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 avril 2013, Berger (C-636/11) (cf. point 31)
107. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Nécessité d'une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 avril 2013, L (C-463/11) (cf. point 28)
Arrêt du 30 mai 2013, Halaf (C-528/11) (cf. points 28, 29)
Arrêt du 30 mai 2013, Arslan (C-534/11) (cf. points 33-34)
Arrêt du 30 mai 2013, Genil 48 et Comercial Hostelera de Grandes Vinos (C-604/11) (cf. point 26)
Arrêt du 27 juin 2013, VG Wort e.a. (C-457/11 à C-460/11) (cf. point 44)
Arrêt du 5 décembre 2013, Nordecon et Ramboll Eesti (C-561/12) (cf. points 28-30)
Arrêt du 6 février 2014, Mömax Logistik (C-528/12) (cf. points 17, 18)
Arrêt du 6 novembre 2014, Cartiera dell’Adda (C-42/13) (cf. point 29)
Arrêt du 9 juillet 2015, Cimmino e.a. (C-607/13) (cf. points 32, 35)
Arrêt du 3 décembre 2015, Banif Plus Bank (C-312/14) (cf. points 35, 51, 52)
Ordonnance du 3 septembre 2015, Orrego Arias (C-456/14) (cf. points 15-20, 24-26)
108. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Qualification juridique du recours au principal
Il n'appartient pas à la Cour de qualifier juridiquement le recours introduit par le requérant au principal. En l'occurrence, il incombe à celui-ci de préciser la nature et le fondement de son action, sous le contrôle de la juridiction nationale.
Arrêt du 18 avril 2013, Irimie (C-565/11) (cf. point 19)
109. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Application des dispositions interprétées par la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 25 avril 2013, Asociaţia Accept (C-81/12) (cf. points 41-43)
Arrêt du 10 mars 2016, Safe Interenvios (C-235/14) (cf. point 119)
Dans l’affaire C-344/19, un technicien spécialisé était chargé d’assurer le fonctionnement, durant plusieurs jours consécutifs, de centres de transmission pour la télévision, situés dans la montagne en Slovénie. Il effectuait, outre ses douze heures de travail ordinaire, des services de garde de six heures par jour, sous régime d’astreinte. Pendant ces périodes, il n’était pas obligé de rester au centre de transmission concerné mais devait être joignable par téléphone et être en mesure d’y retourner dans un délai d’une heure si besoin. Dans les faits, compte tenu de la situation géographique des centres de transmission, difficilement accessibles, il était amené à y séjourner pendant ses services de garde, dans un logement de fonction mis à disposition par son employeur, sans grandes possibilités d’activités de loisir.
Dans l’affaire C-580/19, un fonctionnaire exerçait des activités de pompier dans la ville d’Offenbach-sur-le-Main (Allemagne). À ce titre, il devait, en plus de son temps de service réglementaire, effectuer régulièrement des périodes de garde sous régime d’astreinte. Au cours de celles-ci, il n’était pas tenu d’être présent sur un lieu déterminé par son employeur mais devait être joignable et pouvoir rejoindre, en cas d’alerte, les limites de la ville dans un délai de 20 minutes, avec sa tenue d’intervention et le véhicule de service mis à sa disposition.
Les deux intéressés estimaient que, en raison des restrictions qu’elles impliquaient, leurs périodes de garde sous régime d’astreinte devaient être reconnues, dans leur intégralité, comme du temps de travail et être rémunérées en conséquence, indépendamment du fait qu’ils aient ou non effectué un travail concret durant ces périodes. Après un rejet de sa demande en première et deuxième instance, le premier intéressé a introduit un recours en révision auprès du Vrhovno sodišče (Cour suprême, Slovénie). Le second a, pour sa part, saisi le Verwaltungsgericht Darmstadt (tribunal administratif de Darmstadt, Allemagne) à la suite du refus de son employeur d’accéder à sa demande.
Saisie à titre préjudiciel par ces juridictions respectives, la Cour précise, notamment, dans deux arrêts rendus en formation de grande chambre, dans quelle mesure des périodes de garde sous régime d’astreinte peuvent être qualifiées de « temps de travail » ou, au contraire, de « période de repos » au regard de la directive 2003/88{1}.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que la période de garde d’un travailleur doit être qualifiée soit de « temps de travail » soit de « période de repos » au sens de la directive 2003/88, ces deux notions étant exclusives l’une de l’autre. Par ailleurs, une période durant laquelle aucune activité n’est effectivement exercée par le travailleur au profit de son employeur ne constitue pas nécessairement une « période de repos ». Ainsi, il ressort notamment de la jurisprudence de la Cour qu’une période de garde doit automatiquement être qualifiée de « temps de travail » lorsque le travailleur a l’obligation, pendant cette période, de demeurer sur son lieu de travail, distinct de son domicile, et de s’y tenir à la disposition de son employeur.
Ces précisions faites, la Cour juge, en premier lieu que les périodes de garde, y compris sous régime d’astreinte, relèvent également, dans leur intégralité, de la notion de « temps de travail » lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours de celles-ci affectent objectivement et très significativement sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de se consacrer à ses propres intérêts. À l’inverse, en l’absence de telles contraintes, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours de telles périodes doit être considéré comme du « temps de travail ».
À cet égard, la Cour indique que, afin d’évaluer si une période de garde constitue du « temps de travail », seules les contraintes imposées au travailleur, que ce soit par une réglementation nationale, par une convention collective ou par son employeur, peuvent être prises en considération. En revanche, les difficultés organisationnelles qu’une période de garde peut engendrer pour le travailleur et qui sont la conséquence d’éléments naturels ou du libre choix de celui-ci ne sont pas pertinentes. Tel est par exemple le cas du caractère peu propice aux loisirs de la zone dont le travailleur ne peut, en pratique, s’éloigner durant une période de garde sous régime d’astreinte.
En outre, la Cour souligne qu’il appartient aux juridictions nationales d’effectuer une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce pour vérifier si une période de garde sous régime d’astreinte doit être qualifiée de « temps de travail », cette qualification n’étant en effet pas automatique en l’absence d’une obligation de demeurer sur le lieu de travail. À cette fin, d’une part, il est nécessaire de prendre en compte le caractère raisonnable du délai dont dispose le travailleur pour reprendre ses activités professionnelles à compter du moment où son employeur sollicite son intervention, ce qui, en règle générale, implique qu’il rejoigne son lieu de travail. Toutefois, la Cour souligne que les conséquences d’un tel délai doivent être appréciées de manière concrète, en tenant compte non seulement des autres contraintes qui sont imposées au travailleur, telles que l’obligation d’être muni d’un équipement spécifique lorsqu’il doit se présenter sur son lieu de travail, mais également des facilités qui lui sont accordées. De telles facilités peuvent, par exemple, consister dans la mise à disposition d’un véhicule de service permettant de faire usage de droits dérogatoires au code de la route. D’autre part, les juridictions nationales doivent également avoir égard à la fréquence moyenne des interventions réalisées par un travailleur au cours de ses périodes de garde, lorsqu’elle peut être objectivement estimée.
En deuxième lieu, la Cour souligne que le mode de rémunération des travailleurs pour les périodes de garde ne relève pas de la directive 2003/88. Dès lors, celle-ci ne s’oppose à une réglementation nationale, une convention collective de travail ou une décision d’un employeur qui, aux fins de leur rémunération, prend en compte de manière différente les périodes durant lesquelles des prestations de travail sont réellement effectuées et celles durant lesquelles aucun travail effectif n’est accompli, même lorsque ces périodes doivent être considérées, dans leur intégralité, comme du « temps de travail ». S’agissant de la rémunération des périodes de garde qui, à l’inverse, ne peuvent être qualifiées de « temps de travail », la directive 2003/88 ne s’oppose pas davantage au versement d’une somme visant à compenser les désagréments occasionnés au travailleur par celles-ci.
En troisième lieu, la Cour relève que le fait qu’une période de garde qui ne peut être qualifiée de « temps de travail » soit considérée comme une « période de repos » est sans incidence sur les obligations spécifiques prévues par la directive 89/391{2} et incombant aux employeurs. En particulier, ces derniers ne peuvent instaurer des périodes de garde qui représentent, par leur longueur ou leur fréquence, un risque pour la sécurité ou la santé des travailleurs et ce, indépendamment du fait que ces périodes soient qualifiées de « périodes de repos », au sens de la directive 2003/88.
{1} Article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).
{2} Articles 5 et 6 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO 1989, L 183, p. 1).
Ordonnance du 16 juillet 2015, P (C-507/14) (cf. point 42)
110. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Compétence au vu de l'affectation éventuelle des personnes provenant des autres États membres
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 8 mai 2013, Libert e.a. (C-197/11 et C-203/11) (cf. points 33, 34, 36)
Arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C-98/14) (cf. points 24-27)
Arrêt du 4 mai 2017, Vanderborght (C-339/15) (cf. points 53, 56)
111. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Réglementation nationale en matière de frais de justice prévoyant la réduction de moitié des honoraires de l'avocat acceptant un mandat en faveur des justiciables admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle - Réglementation nationale ne mettant pas en œuvre le droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 8 mai 2013, T (C-73/13) (cf. points 11-15 et disp.)
112. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Réglementation nationale permettant aux communes de réglementer les transformations immobilières ou urbanistiques sur leur territoire - Réglementation urbanistique communale interdisant le fractionnement d'un immeuble situé sur son territoire et prévoyant la nullité des actes de vente des parties du bien immobilier - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 30 mai 2013, Fierro et Marmorale (C-106/13) (cf. points 12-15 et disp.)
113. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question concernant la sécurité nationale - Inexistence d'une réserve générale excluant les mesures prises au titre de la sécurité publique - Recevabilité
Bien que, conformément notamment à l'article 4, paragraphe 2, TUE, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre et qu'il appartienne donc aux États membres d’arrêter les mesures propres à assurer leur sécurité intérieure et extérieure, le seul fait qu’une décision prise par une autorité compétente nationale concerne la sûreté de l’État ne saurait entraîner l’inapplicabilité du droit de l’Union.
Arrêt du 4 juin 2013, ZZ (C-300/11) (cf. point 38)
114. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence, questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile et questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Portée - Pertinence des questions posées pour la solution d'un recours en dommages et intérêts lié au litige au principal - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 juin 2013, MA e.a. (C-648/11) (cf. points 37-40)
115. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Ordonnance du 6 juin 2013, Cholakova (C-14/13) (cf. points 23-33 et disp.)
116. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Litige portant sur une situation purement interne
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 20 juin 2013, Impacto Azul (C-186/12) (cf. points 17-19)
117. Questions préjudicielles - Recevabilité - Explication des raisons nécessitant une réponse aux questions préjudicielles - Absence - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
118. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question posée dans un contexte excluant une réponse utile - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 juillet 2013, ÖFAB (C-147/12) (cf. points 44-47)
119. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine de la concurrence - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 juillet 2013, Sky Italia (C-234/12) (cf. points 30-33)
120. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Identification des éléments de droit de l'Union pertinents - Reformulation des questions - Fourniture à la juridiction de renvoi de tous les éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 septembre 2013, Konstantinides (C-475/11) (cf. point 42)
Arrêt du 16 décembre 2021, Prefettura di Massa Carrara (C-274/20) (cf. points 16, 23, 24)
121. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 septembre 2013, Konstantinides (C-475/11) (cf. points 61, 62)
122. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Portée - Accord CE-Suisse sur la libre circulation des personnes - Inclusion au vu de l'octroi, par cet accord, aux ressortissants suisses des prestations visées par le règlement nº 1408/71
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 19 septembre 2013, Hliddal et Bornand (C-216/12 et C-217/12) (cf. points 37-39)
123. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Recevabilité - Limites - Questions de fait et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Détermination de la valeur juridique de l'inaction de la Commission et des obligations pesant sur un État membre dans le contexte d'un concours financier de l'Union - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Incompétence manifeste de la Cour et irrecevabilité manifeste
Il n'incombe pas à la Cour de justice de déterminer la valeur juridique qu’il y a lieu d’accorder, dans la cadre d’un concours financier de l’Union, à l’inaction de la Commission ainsi que de préciser les obligations pesant sur un État membre, ces questions supposant une interprétation factuelle du comportement de l’institution concernée qui échappe à l'appréciation de la Cour dans le cadre de l'article 267 TFUE. Au surplus, étant donné que l’inaction de cette institution ne saurait être constatée par la Cour dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la question de savoir quelle valeur juridique il y a lieu d’attribuer à ladite inaction s’avère purement hypothétique et, dès lors, irrecevable. Enfin, revêt également un caractère hypothétique, entraînant son irrecevabilité, la question des obligations d'un État membre dans l’hypothèse d’une inaction persistante de la Commission.
124. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions de fait - Évaluation du comportement de la Commission dans le contexte d'un concours financier de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
La Cour de justice est manifestement incompétente pour répondre à des questions de fait, telle celle de savoir si la Commission a retiré l’octroi d’un concours financier de l’Union, et pour préciser les actes adoptés à cet effet.
125. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Non-lieu à statuer
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 octobre 2013, van der Helder et Farrington (C-321/12) (cf. points 54, 55)
Ordonnance du 11 janvier 2017, Boudjellal (C-508/16) (cf. points 30-32)
126. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Annulation de la décision en cause au principal - Questions dépourvues d'objet - Non-lieu à statuer
Dès lors qu’une décision administrative de notification d’un classement tarifaire de certains produits a été annulée dans sa totalité par une juridiction nationale suprême et que l’existence de cette dernière décision constitue une condition procédurale pour l’adoption de la décision de recouvrement forcé de la créance publique visée par la décision de notification, il n’y a pas lieu, pour la Cour, de statuer sur des questions préjudicielles portant sur ce classement. En effet, à défaut d’objet, une telle demande de questions préjudicielles ne permet pas de dégager les éléments d’interprétation de droit de l’Union que la juridiction nationale pourrait appliquer utilement pour résoudre, en fonction de ce droit, le litige pendant devant elle.
Quant à la possibilité d’adoption de nouvelles décisions de notification et de recouvrement, la réponse à des questions posées dans de telles conditions reviendrait à fournir une opinion consultative sur des questions hypothétiques, en méconnaissance de la mission impartie à la Cour dans le cadre de la coopération juridictionnelle instituée par l’article 267 TFUE.
Arrêt du 24 octobre 2013, Stoilov i Ko (C-180/12) (cf. points 39, 45-47 et disp.)
127. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situations purement internes - Interprétation sollicitée en raison d'un renvoi général opéré par une disposition du droit national aux principes tirés de l'ordre juridique de l'Union - Réglementation nationale prévoyant des règles spécifiques d'application à la situation interne en cause - Non-application des principes tirés de l'ordre juridique de l'Union - Incompétence de la Cour
La Cour est compétente pour statuer sur les demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l'Union dans des situations dans lesquelles les faits au principal se situent en dehors du champ d'application du droit de l'Union, mais dans lesquelles le droit national renvoie au contenu desdites dispositions du droit de l'Union pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne de l'État concerné. Tel est le cas dès lors que les dispositions du droit de l'Union en cause ont été rendues applicables de manière directe et inconditionnelle, par le droit national, à de telles situations sans que des dispositions du droit national permettent de s'écarter desdites règles de l'Union telles qu'interprétées par la Cour.
Ainsi, dès lors que figurent dans une réglementation nationale à la fois des règles spécifiques pour la solution d'une question de droit interne et une disposition renvoyant aux principes tirés du droit de l'Union, il doit ressortir avec clarté de cette réglementation nationale que ce sont non pas ces règles spécifiques du droit national, mais les principes tirés du droit de l'Union qui doivent être appliqués pour la solution de la même question de droit interne.
Arrêt du 7 novembre 2013, Romeo (C-313/12) (cf. points 21-23, 33, 34)
128. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité, aux situations purement internes, des dispositions d'une directive transposées en droit national, résultant d'un alignement du traitement des situations internes sur celles régies par le droit de l'Union - Compétence pour fournir cette interprétation - Appréciation de la portée exacte du renvoi au droit de l'Union opéré par le droit national - Compétence exclusive du juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2013, Isbir (C-522/12) (cf. points 28-31)
129. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Réglementation nationale prévoyant la suspension de la procédure pénale en cas de maladie irréversible du prévenu - Réglementation nationale ne mettant pas en œuvre le droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 7 novembre 2013, Lorrai (C-224/13) (cf. points 10-15)
130. Questions préjudicielles - Recevabilité - Conditions - Questions posées dans un contexte permettant une réponse utile
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa (C-284/12) (cf. point 22)
131. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Réglementation nationale empêchant les personnes morales à but lucratif d'avoir accès à l'aide judiciaire - Incompétence manifeste de la Cour
Voir le texte de la décision.
132. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Identification des éléments de droit communautaire pertinents
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 5 décembre 2013, TVI (C-618/11, C-637/11 et C-659/11) (cf. point 27)
133. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Inclusion au vu de l'applicabilité éventuelle du droit de l'Union audit litige à raison d'une interdiction de discrimination posée par le droit national
Une réponse à une question préjudicielle peut être utile à la juridiction de renvoi, même dans une situation purement interne dans laquelle tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, notamment dans l’hypothèse où le droit national lui imposerait de faire bénéficier un ressortissant national des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation.
Arrêt du 5 décembre 2013, Venturini (C-159/12 à C-161/12) (cf. point 28)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 février 2014, Sokoll-Seebacher (C-367/12) (cf. points 10-12)
Arrêt du 30 juin 2016, Admiral Casinos & Entertainment (C-464/15) (cf. points 22-23)
Les dispositions du traité FUE en matière de liberté d’établissement et de libre prestation de services ne trouvent pas à s’appliquer à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. Cependant, dans certaines conditions, le caractère purement interne de la situation concernée ne fait pas obstacle à ce que la Cour réponde à une question posée au titre de l’article 267 TFUE.
Tel peut être le cas, notamment, dans l’hypothèse où le droit national impose à la juridiction nationale de faire bénéficier un ressortissant de l'État membre dont cette juridiction relève des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation ou si la demande de décision préjudicielle porte sur des dispositions du droit de l’Union auxquelles le droit national d’un État membre renvoie pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne à cet État.
Toutefois, bien que la Cour puisse, dans de telles circonstances, procéder à l’interprétation sollicitée, il ne lui appartient pas de prendre une telle initiative s’il ne ressort pas de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi se trouve effectivement dans une telle obligation.
Ordonnance du 12 mai 2016, Security Service (C-692/15 à C-694/15) (cf. points 23, 26-28)
134. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Indication des raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 février 2014, Sokoll-Seebacher (C-367/12) (cf. points 15-17)
Arrêt du 12 février 2015, Surgicare (C-662/13) (cf. points 21, 22)
Arrêt du 10 mai 2017, de Lobkowicz (C-690/15) (cf. points 27-30)
Arrêt du 21 mars 2019, Unareti (C-702/17) (cf. points 22-24)
Ordonnance du 3 septembre 2015, Vivium (C-250/15) (cf. points 8-10)
Ordonnance du 21 novembre 2017, VE (C-232/17) (cf. points 16-18)
Ordonnance du 21 novembre 2017, Rózsavölgyi (C-259/17) (cf. points 15-17)
Ordonnance du 15 janvier 2019, Farmland (C-489/18) (cf. points 20, 22-31 et disp.)
Ordonnance du 23 mai 2019, Trapeza Peiraios (C-105/19) (cf. points 11-15)
Ordonnance du 13 janvier 2023, Finanzamt Österreich (C-574/20) (cf. points 42-51, disp. 2)
135. uestions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine de la concurrence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2013, Ragn-Sells (C-292/12) (cf. points 39-43)
136. Concurrence - Règles de l'Union - Entreprise - Notion - Entreprises à but lucratif chargées de fournir des services de certification - Inclusion - Conditions
Voir le texte de la décision
Arrêt du 12 décembre 2013, Soa Nazionale Costruttori (C-327/12) (cf. points 28-35)
137. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Compétence au vu de l'applicabilité éventuelle de la règle du droit de l'Union audit litige à raison d'une interdiction de discrimination posée par le droit national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2013, Soa Nazionale Costruttori (C-327/12) (cf. point 49)
138. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence, questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile et questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Portée - Question répondant à un besoin objectif pour la solution du litige - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 19 décembre 2013, Fish Legal et Shirley (C-279/12) (cf. points 30, 32-34)
Arrêt du 1er octobre 2015, Bara e.a. (C-201/14) (cf. points 26, 27)
139. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence, questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile et questions sans rapport avec l'objet du litige au principal
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 16 janvier 2014, Dél-Zempléni Nektár Leader Nonprofit (C-24/13) (cf. points 39-45)
Arrêt du 11 septembre 2014, Österreichischer Gewerkschaftsbund (C-328/13) (cf. point 17)
Arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a. (C-105/14) (cf. points 29, 30)
Arrêt du 22 septembre 2016, Nokia Italia e.a. (C-110/15) (cf. points 18, 19)
140. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Convention internationale ne liant pas l'Union - Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (convention Marpol 73/78) - Appréciation, au regard des règles de l'annexe VI de cette convention, de la validité de l'article 4 bis, paragraphe 4, de la directive 1999/32 - Absence dans lesdites règles de règles coutumières consacrées par le droit international général - Exclusion - Appréciation de l'incidence de ladite annexe sur la portée dudit article - Convention ne liant pas tous les États membres - Exclusion
La validité de l’article 4 bis, paragraphe 4, de la directive 1999/32, concernant une réduction de la teneur en soufre de certains combustibles liquides et modifiant la directive 93/12, telle que modifiée par la directive 2005/33, ne saurait être examinée au regard du principe de droit international général pacta sunt servanda ni du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, au motif que cette disposition de ladite directive est susceptible d’aboutir à une violation de l’annexe VI de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (convention Marpol 73/78). En effet, l’Union n’est pas partie contractante à la convention Marpol 73/78, y compris le protocole signé le 26 septembre 1997 insérant à la convention l'annexe VI, et n’est pas liée par elle. La validité de l’article 4 bis, paragraphe 4, de la directive 1999/32, ne peut pas non plus être examinée au regard du principe de droit international général pacta sunt servanda, ce principe obligatoire s’appliquant uniquement aux sujets de droit international qui sont parties contractantes à un accord international donné et qui, de ce fait, sont liés par ce dernier. Il n’apparaît pas, en outre, que l’annexe VI constitue l’expression de règles coutumières consacrées par le droit international général qui, en tant que telles, lient les institutions de l’Union et font partie de l’ordre juridique de l’Union.
De plus, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur la question de savoir quelle est l’incidence de l'annexe VI sur la portée de l’article 4 bis, paragraphe 4, de la directive 1999/32. Interpréter des dispositions du droit dérivé au regard d’une obligation imposée par un accord international, tel que le protocole de 1997 insérant l'annexe VI à la convention, qui ne lie pas tous les États membres reviendrait à étendre la portée de cette obligation à ceux des États membres qui ne sont pas parties contractantes à un tel accord. Ces derniers États membres doivent pourtant être considérés comme des États tiers à l’égard dudit accord. Or, une telle extension serait incompatible avec le principe de droit international général de l’effet relatif des traités, selon lequel les traités ne doivent ni nuire ni profiter à des États tiers («pacta tertiis nec nocent nec prosunt»).
141. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Litige portant sur une situation purement interne - Situation ne relevant pas du champ d'application de la directive 2004/80 - Incompétence manifeste de la Cour
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 30 janvier 2014, C (C-122/13) (cf. points 12-14)
142. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Compétence au vu de l'applicabilité éventuelle de la règle de droit de l'Union audit litige à raison d'une interdiction de discrimination posée par le droit national - Nécessité pour la juridiction de renvoi d'indiquer que le droit national impose effectivement une telle interdiction
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 30 janvier 2014, C (C-122/13) (cf. points 15-17)
143. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine de la concurrence - Insuffisance de précision sur ledit contexte - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 février 2014, Crono Service e.a. (C-419/12 et C-420/12) (cf. points 31-33, 44 et disp.)
144. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Services de location de véhicules automobiles avec chauffeur - Opérateurs économiques établis dans l'État membre concerné - Incompétence de la Cour
L’article 49 TFUE ne peut être appliqué à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union et dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. Certes, même dans une situation purement interne, une réponse à des questions portant sur les libertés fondamentales du droit de l’Union pourrait être néanmoins utile à la juridiction de renvoi, notamment dans l’hypothèse où le droit national lui imposerait de faire bénéficier un ressortissant national des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation.
Un ressortissant d’un autre État membre, dans la même situation qu'un ressortissant national qui est déjà établi dans l’État membre concerné et autorisé à exercer l’activité de location de véhicules automobiles avec chauffeur à partir d’une certaine commune, et qui ne vise pas à s’établir ailleurs mais uniquement à faire écarter certaines des conditions posées par l'autorisation dont il dispose déjà, exercerait déjà, par hypothèse, une activité économique de façon stable et continue à partir d’un établissement situé sur le territoire de l’État membre concerné. Dans ces conditions, il apparaît que l’interprétation de l’article 49 TFUE concernant la liberté d’établissement n’est pas pertinente.
145. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Services de location de véhicules automobiles avec chauffeur - Activités ne relevant pas du champ d'application des dispositions adoptées aux fins de libéraliser les services de transport - Incompétence de la Cour
L’article 49 TFUE ne peut être appliqué à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union et dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. En effet, lorsqu’un litige présente un caractère local et que les faits sont tous cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre, les effets transfrontaliers des réglementations en cause ne peuvent être présumés. Certes, même dans une situation purement interne, une réponse à des questions portant sur les libertés fondamentales du droit de l’Union pourrait être néanmoins utile à la juridiction de renvoi, notamment dans l’hypothèse où le droit national lui imposerait de faire bénéficier un ressortissant national des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation.
Or, une situation où les requérants, titulaires d’autorisations pour l’exercice de l’activité de location de véhicules automobiles avec chauffeur délivrées par une commune, semblent viser à obtenir l’accès, dans des conditions différentes de celles qui leur sont appliquées, au territoire d’une autre commune, non pas afin d’exercer cette activité de façon stable et continue à partir de ce territoire, mais en vue de l’exercer de façon plus ponctuelle et à partir d’autres territoires, trouve son pendant non pas dans la liberté d’établissement mais, à première vue, dans la libre prestation de services. Toutefois, en vertu de l’article 58 TFUE, en matière de transports, la libre prestation de services est régie non pas par l’article 56 TFUE, mais par le titre VI de la troisième partie du traité FUE, qui concerne la politique commune des transports. En outre, en substance, les activités de location avec chauffeur ne relèvent pas du champ d’application des dispositions adoptées, sur le fondement de l’article 91, paragraphe 1, TFUE, aux fins de libéraliser les services de transport. Il s'ensuit qu'une éventuelle interprétation de l'article 49 TFUE ne présenterait pas de rapport avec la réalité ou l'objet du litige.
Arrêt du 13 février 2014, Crono Service e.a. (C-419/12 et C-420/12) (cf. points 36-44 et disp.)
146. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de l'article 17, paragraphe 2, sous f), de la directive 2006/112 en l'absence de réexpédition du bien dans l'État membre d'origine
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 mars 2014, Dresser-Rand (C-606/12 et C-607/12) (cf. points 33-38)
147. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union et ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 mars 2014, Siragusa (C-206/13) (cf. points 19-33)
Voir texte de la décision.
148. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de principes généraux du droit de l'Union - Réglementation nationale n'entrant pas dans le champ d'application du droit de l'Union et ne mettant pas en œuvre ce dernier - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 mars 2014, Siragusa (C-206/13) (cf. points 34, 35)
149. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Convention internationale liant l'Union - Examen de la validité d'une directive au regard d'une convention internationale - Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées - Appréciation, au regard de certaines règles de cette convention, de la validité de la directive 2000/78 - Exclusion
La validité de la directive 2000/78, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, ne peut être appréciée au regard de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées mais ladite directive doit faire l’objet, dans la mesure du possible, d’une interprétation conforme à cette convention.
En effet, dans la mesure où les obligations imposées par ladite convention visent les parties contractantes, cet accord international présente le caractère d’un programme. Par conséquent, les dispositions de la convention des Nations Unies sont subordonnées, dans leur exécution ou dans leurs effets, à l’intervention d’actes ultérieurs relevant des parties contractantes. Dans ces conditions, les dispositions de cette convention ne constituent pas, du point de vue de leur contenu, des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises, et elles sont donc dépourvues d’effet direct en droit de l’Union.
Arrêt du 18 mars 2014, Z. (C-363/12) (cf. points 87-91, disp. 2)
150. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Inclusion au vu de l'applicabilité d'une disposition de l'Union résultant d'un renvoi opéré par le droit national ou en raison de l'interdiction de discrimination posée par ce droit national
Si, compte tenu de la répartition des compétences dans le cadre de la procédure préjudicielle, il incombe à la seule juridiction nationale de définir l’objet des questions qu’elle entend poser à la Cour, il appartient à cette dernière d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. À cet égard, la Cour n’est pas compétente pour répondre à une question posée à titre préjudiciel lorsqu’il est manifeste que la disposition du droit de l’Union soumise à l’interprétation de la Cour ne peut trouver à s’appliquer.
En ce qui concerne les dispositions du traité FUE en matière de liberté d’établissement et de libre circulation des capitaux, ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre.
Néanmoins, dans certaines conditions bien précises, le caractère purement interne de la situation concernée ne fait pas obstacle à ce que la Cour réponde à une question posée au titre de l’article 267 TFUE. Tel peut être le cas, notamment, dans l’hypothèse où le droit national impose à la juridiction de renvoi de faire bénéficier un ressortissant de l’État membre dont cette juridiction relève des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation ou si la demande de décision préjudicielle porte sur des dispositions du droit de l’Union auxquelles le droit national d’un État membre renvoie pour déterminer les règles applicables à une situation purement interne à cet État.
Arrêt du 20 mars 2014, Caixa d'Estalvis i Pensions de Barcelona (C-139/12) (cf. points 40-44)
151. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale régissant, de manière générale, certaines taxes dans le domaine de l'administration de la justice et imposant des droits de greffe et de mise au rôle en cas d'introduction d'un appel en matière de droit social - Réglementation nationale n'ayant pas pour but de mettre en œuvre des dispositions du droit de l'Union et n'étant susceptible d'être affectée par aucune réglementation spécifique de celui-ci - Situation juridique ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Le champ d’application de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pour ce qui est de l’action des États membres, est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel les dispositions de la charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 51, paragraphe 1, de la charte confirme la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de telles situations. Or, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence.
Tout d’abord, une réglementation nationale prévoyant des droits de greffe et de mise au rôle en cas d’introduction d’un appel en matière de droit social, qui régit, de manière générale, certaines taxes dans le domaine de l’administration de la justice, n’a pas pour but de mettre en œuvre des dispositions du droit de l’Union. Par ailleurs, celui-ci ne comporte aucune réglementation spécifique en la matière ou susceptible d’affecter une telle réglementation nationale.
Arrêt du 27 mars 2014, Torralbo Marcos (C-265/13) (cf. points 28-30, 32 et disp.)
152. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Recours visant à accéder à l'intervention d'une institution nationale de garantie en cas d'insolvabilité de l'employeur - Situation ne relevant, à ce stade de la procédure, ni du champ d'application de la directive 2008/94 ni du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 mars 2014, Torralbo Marcos (C-265/13) (cf. points 36-40)
153. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Litige ne portant pas sur une situation purement interne - Applicabilité de l'article 56 TFUE
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C-390/12) (cf. points 21-24)
154. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C-390/12) (cf. points 26, 27)
Arrêt du 6 octobre 2015, Finanzamt Linz (C-66/14) (cf. points 19-22)
Arrêt du 9 juin 2016, Nutrivet (C-69/15) (cf. points 58, 59)
Arrêt du 7 juillet 2016, Muladi (C-447/15) (cf. point 33)
Arrêt du 21 septembre 2016, Etablissements Fr. Colruyt (C-221/15) (cf. point 14)
Arrêt du 4 mai 2017, Pešková et Peška (C-315/15) (cf. point 57)
Arrêt du 26 octobre 2017, Balgarska energiyna borsa (C-347/16) (cf. points 30, 31, 56-59)
155. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale présentant un élément de rattachement au droit de l'Union - Restrictions à la libre prestation des services justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général - Admissibilité subordonnée au respect des droits fondamentaux - Compétence de la Cour
Dès lors qu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit de l'Union, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont elle assure le respect.
À cet égard, lorsqu’un État membre invoque des raisons impérieuses d’intérêt général pour justifier une réglementation qui est de nature à entraver l’exercice de la libre prestation des services, cette justification, prévue par le droit de l’Union, doit être interprétée à la lumière des principes généraux du droit de l’Union et notamment des droits fondamentaux désormais garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ainsi, la réglementation nationale en cause ne pourra bénéficier des exceptions prévues que si elle est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le respect.
Lorsqu’il s’avère qu’une réglementation nationale est de nature à entraver l’exercice de l’une ou de plusieurs libertés fondamentales garanties par le traité, elle ne peut bénéficier des exceptions prévues par le droit de l’Union pour justifier cette entrave que dans la mesure où cela est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le respect. Cette obligation de conformité aux droits fondamentaux relève à l’évidence du champ d’application du droit de l’Union et, en conséquence, de celui de la charte. L’emploi, par un État membre, d’exceptions prévues par le droit de l’Union pour justifier une entrave à une liberté fondamentale garantie par le traité doit, dès lors, être considéré comme "mettant en œuvre le droit de l’Union" au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la charte.
Arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C-390/12) (cf. points 33, 35, 36)
156. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Situation juridique en cause dans le litige au principal ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 8 mai 2014, Pelckmans Turnhout (C-483/12) (cf. points 17-21, 26, 27)
157. Agriculture - Rapprochement des législations en matière de police sanitaire - Contrôles vétérinaires et zootechniques dans les échanges intracommunautaires d'animaux vivants et de produits d'origine animale - Décisions de la Commission relatives à l'influenza aviaire hautement pathogène chez les oiseaux sauvages - Instauration d'un régime de réparation des dommages causés par les mesures prévues par lesdites décisions - Absence - Légalité d'une législation nationale ne prévoyant pas une réparation intégrale des dommages subis - Appréciation au regard des droits à un recours effectif et de propriété ainsi que de la liberté d'entreprise - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union et ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence de la Cour
D’une part, les décisions 2006/105, concernant certaines mesures de protection provisoires relatives aux cas suspectés ou confirmés d’influenza aviaire hautement pathogène chez les oiseaux sauvages en Hongrie, et 2006/115, concernant certaines mesures de protection relatives à l’influenza aviaire hautement pathogène chez les oiseaux sauvages dans la Communauté, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne contiennent ni ne renvoient à des dispositions visant à instaurer un régime de réparation des dommages causés par les mesures qu’elles prévoient et, d’autre part, l’appréciation de la légalité d’une législation nationale qui ne prévoit pas une réparation intégrale, y compris le manque à gagner, des dommages subis en raison de l’adoption, en conformité avec le droit de l’Union, de mesures nationales de protection contre l’influenza aviaire, au regard des droits à un recours effectif et de la propriété ainsi que de la liberté d’entreprise, ne relève pas de la compétence de la Cour.
En effet, d'une part, les décisions 2006/105 et 2006/115 ne contiennent aucune disposition visant à instaurer un régime d’indemnisation des dommages causés aux particuliers par la mise en œuvre des mesures de lutte contre l’influenza aviaire prévues par ces décisions. En outre, aucune compétence attribuant à la Commission le pouvoir d’établir un régime d’indemnisation ne ressort ni du libellé ni de l’objectif des directives 89/662, relative aux contrôles vétérinaires applicables dans les échanges intracommunautaires dans la perspective de la réalisation du marché intérieur et 90/425, relative aux contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animaux vivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur qui ont servi de base à l’adoption des décisions 2006/105 et 2006/115. Enfin, si le législateur de l’Union peut considérer, dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont il dispose en matière de politique agricole, qu’il est indiqué d’indemniser, partiellement ou totalement, les propriétaires des exploitations dans lesquelles des animaux sont détruits et abattus, il ne saurait être déduit de cette constatation l’existence, dans le droit de l’Union, d’un principe général qui imposerait l’octroi d’une indemnisation en toutes circonstances.
D'autre part, dès lors qu’une obligation de réparation ne saurait être fondée sur le droit de l’Union, une mesure nationale prévoyant le versement par l’État concerné d’une indemnisation correspondant au dommage et aux dépenses effectifs, en excluant le manque à gagner, relève non pas du champ d’application du droit de l’Union, mais exclusivement du choix du législateur national. Or, dans le cadre de la procédure préjudicielle, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier l’interprétation des dispositions du droit national ou de juger si l’interprétation que la juridiction nationale en donne est correcte. En outre, aux termes de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, régissant son champ d’application, les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Cette disposition confirme la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais ne saurait être d’application en dehors de telles situations. Lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence.
Arrêt du 22 mai 2014, Érsekcsanádi Mezőgazdasági (C-56/13) (cf. points 46-48, 52-54, 57, disp. 2)
158. Coopération judiciaire en matière pénale - Compétences de la Cour - Questions préjudicielles - Question portant sur l'interprétation d'une convention adoptée sur le fondement du titre VI du traité UE - Demande d'interprétation ne mentionnant pas l'article 35 UE mais se référant seulement à l'article 267 TFUE - Recevabilité
Le fait qu'une décision de renvoi portant sur l'interprétation d'une convention adoptée sur le fondement du titre VI du traité UE, dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, ne mentionne pas l'article 35 UE mais se réfère à l'article 267 TFUE ne saurait, à lui seul, entraîner l'irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle.
Arrêt du 27 mai 2014, Spasic (C-129/14 PPU) (cf. point 45)
159. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Absence de litige pendant devant la juridiction nationale - Non-lieu à statuer - Litiges analogues pendants devant la même juridiction - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 5 juin 2014, Antonio Gramsci Shipping e.a. (C-350/13) (cf. points 7-13)
160. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 septembre 2019, Ortiz Mesonero (C-366/18) (cf. points 49-52)
Ordonnance du 24 septembre 2019, KE (C-185/19) (cf. points 20-23 et disp.)
Ordonnance du 12 juin 2014, Pańczyk (C-28/14) (cf. points 19-21, 23, 24, 27, 28 et disp.)
Ordonnance du 19 juin 2014, Balázs et Papp (C-45/14) (cf. points 20-25)
Ordonnance du 25 septembre 2014, Kárász (C-199/14) (cf. points 14-16)
Ordonnance du 10 février 2015, Băbășan (C-305/14) (cf. points 13-17)
Ordonnance du 15 avril 2015, Burzio (C-497/14) (cf. points 27-33)
Ordonnance du 11 janvier 2017, Boudjellal (C-508/16) (cf. points 16-18, 33, 34)
Ordonnance du 26 octobre 2017, Caixa Económica Montepio Geral (C-333/17) (cf. points 10-19)
Ordonnance du 23 novembre 2017, Cunha Martins (C-131/17) (cf. points 9-20)
Ordonnance du 13 février 2020, МАК ТURS (C-376/19) (cf. points 21-25 et disp.)
Ordonnance du 6 mai 2021, Administración General del Estado (C-679/20) (cf. points 24-30 et disp.)
Ordonnance du 6 mai 2021, PONS HOLDING (C-703/20) (cf. points 11, 15-18 et disp.)
Ordonnance du 1er juillet 2021, Ministerul Public (C-244/21) (cf. points 25, 27-30 et disp.)
Ordonnance du 1er septembre 2021, KI (C-131/21) (cf. points 21-25 et disp.)
Ordonnance du 17 avril 2023, Ferriere Nord e.a. (C-560/22) (cf. point 31)
Ordonnance du 18 avril 2023, Vantage Logistics (C-200/22) (cf. points 26-29 et disp.)
161. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Incompétence manifeste de la Cour
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 3 juillet 2014, Tudoran (C-92/14) (cf. points 36, 37, 40)
Ordonnance du 19 juin 2014, Teisseyre (C-370/13) (cf. points 33-39)
162. Questions préjudicielles - Demande portant sur l'interprétation des dispositions d'un acte de l'Union inapplicable au litige au principal - Recevabilité - Condition - Dispositions visées par la demande reprises dans l'acte de l'Union effectivement applicable
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C-213/13) (cf. points 34, 35)
163. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a. (C-141/12 et C-372/12) (cf. point 63)
164. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Litige fictif ou demande d'interprétation de dispositions de droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de l'article 168 TFUE
Ordonnance du 17 juillet 2014, Široká (C-459/13) (cf. points 16, 19-21)
165. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la convention de Genève relative au statut des réfugiés - Dispositions de la convention ne liant pas l'Union - Absence de mention, dans la question préjudicielle, d'une règle du droit de l'Union renvoyant à l'article 31 de la convention - Incompétence de la Cour
C’est seulement lorsque et dans la mesure où l’Union européenne a assumé les compétences précédemment exercées par les États membres dans le domaine d’application d’une convention internationale non conclue par l’Union et que, par conséquent, les dispositions de cette convention ont pour effet de lier l’Union que la Cour est compétente pour interpréter une telle convention.
Si, dans le cadre de la mise en place d’un régime d’asile européen commun, plusieurs textes du droit de l’Union ont certes été adoptés dans le domaine d’application de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, il est constant que les États membres ont conservé certaines compétences relevant dudit domaine, notamment en ce qui concerne la matière couverte par l’article 31 de cette convention. Partant, la Cour ne saurait être compétente pour interpréter directement l’article 31 de cette convention.
Le fait que l’article 78 TFUE précise que la politique commune en matière d’asile doit être conforme à la convention de Genève et que l’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne souligne que le droit d’asile est garanti dans le respect de cette convention et du protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967 n’est pas de nature à remettre en cause le constat d’incompétence de la Cour.
En outre, s’il existe, certes, un intérêt de l’Union certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions des conventions internationales qui ont été reprises par le droit national et le droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer, il convient de constater que l’article 31 de la convention de Genève n’a pas été repris dans un texte du droit de l’Union, plusieurs dispositions de ce droit faisant référence à cet article.
Or, si la Cour s’est certes déjà reconnue compétente pour interpréter les dispositions de la convention de Genève auxquelles les dispositions du droit de l’Union opéraient un renvoi, tel ne saurait être le cas lorsque la demande de décision préjudicielle ne contient aucune mention d’une règle du droit de l’Union qui opérerait un renvoi à l’article 31 de la convention de Genève.
Arrêt du 17 juillet 2014, Qurbani (C-481/13) (cf. points 23-26, 28)
166. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation d'une directive dans le cadre d'un litige continuant de produire des effets après l'adhésion d'un État membre à l'Union européenne - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 septembre 2014, X (C-318/13) (cf. points 22-24)
167. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Litige portant sur une situation purement interne - Incompétence de la Cour
Ordonnance du 4 septembre 2014, Szabó (C-204/14) (cf. points 16-19, 23, 24)
Ordonnance du 11 avril 2019, Hrvatska radiotelevizija (C-657/18) (cf. points 18-25, 30 et disp.)
Ordonnance du 6 novembre 2019, EOS Matrix (C-234/19) (cf. points 18-26, 28, 29 et disp.)
168. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situation purement interne - Absence de renvoi au droit de l'Union dans la législation applicable - Incompétence manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 9 septembre 2014, Parva Investitsionna Banka e.a. (C-488/13) (cf. points 24-35)
Ordonnance du 10 janvier 2022, Anatecor (C-400/21) (cf. points 16-20 et disp.)
169. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Moyen non fondé - Question recevable
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 septembre 2014, Gruslin (C-88/13) (cf. points 27-29)
170. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation d'un texte n'ayant pas été adopté par une institution, un organe ou organisme de l'Union - Incompétence de la Cour
L’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE doit être interprété en ce sens qu’un manuel de programme adopté par un comité de suivi dans le cadre d’un programme opérationnel relevant des règlements nº 1083/2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement nº 1260/1999, ainsi que nº 1080/2006, relatif au Fonds européen de développement régional et abrogeant le règlement nº 1783/1999, et visant à promouvoir la coopération territoriale européenne entre deux États membres, ne constitue pas un acte pris par une institution, un organe ou un organisme de l’Union et, en conséquence, la Cour de justice n’est pas compétente pour apprécier la validité des dispositions d’un tel manuel.
Arrêt du 17 septembre 2014, Liivimaa Lihaveis (C-562/12) (cf. point 56, disp. 2)
171. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité d'un règlement n'ayant pas été attaqué sur le fondement de l'article 263 TFUE - Recours au principal introduit par une société n'étant pas à l'évidence recevable à agir en annulation - Recevabilité
La possibilité pour un justiciable de faire valoir devant la juridiction saisie l’invalidité des dispositions contenues dans des actes de l’Union présuppose que cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces dispositions. Ainsi, si un tel recours direct doit être sans aucun doute recevable, la question préjudicielle en appréciation de validité est irrecevable.
À cet égard, les règlements instituant un droit antidumping, bien qu’ils aient, de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, peuvent notamment concerner directement et individuellement ceux des producteurs et exportateurs du produit en cause auxquels sont imputées les pratiques de dumping en utilisant des données émanant de leur activité commerciale.
En revanche, n’a pas la qualité pour agir contre un règlement instituant un droit antidumping, un importateur indépendant qui, d’une part, n’est pas lié à l’entreprise dont les produits sont frappés de droits antidumping et, d’autre part, n’a pas participé à la procédure administrative organisée par la Commission dans le cadre de l’enquête visant à déterminer les droits antidumping.
Arrêt du 18 septembre 2014, Valimar (C-374/12) (cf. points 28-30, 35)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International (C-659/13 et C-34/14) (cf. point 56)
Arrêt du 18 octobre 2018, Blaas (C-207/17) (cf. points 28-41)
Arrêt du 19 septembre 2019, Trace Sport (C-251/18) (cf. points 29-32)
Arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems (C-324/19) (cf. points 32-34)
Le principe général qui garantit à tout justiciable le droit d’exciper, dans le cadre d’un recours formé contre une mesure nationale qui lui fait grief, de l’invalidité de l’acte de l’Union servant de fondement à cette mesure ne s’oppose pas à ce qu’un tel droit soit subordonné à la condition que l’intéressé n’ait pas disposé du droit d’en demander directement l’annulation au juge de l’Union, en vertu de l’article 263 TFUE. Toutefois, c’est dans la seule hypothèse où il peut être considéré qu’une personne aurait été, sans aucun doute, recevable à demander l’annulation de l’acte en cause dans les conditions prévues audit article que cette personne est empêchée d’exciper de son invalidité devant la juridiction nationale compétente.
Arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group (C-232/14) (cf. point 23)
172. Questions préjudicielles - Compétences de la Cour - Interprétation du droit national - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 septembre 2014, Vueling Airlines (C-487/12) (cf. point 26)
173. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence, questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile et questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Absence - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 octobre 2014, Nicula (C-331/13) (cf. points 21, 23, 25)
Arrêt du 13 mai 2015, Rabal Cañas (C-392/13) (cf. points 36-38)
Arrêt du 1er octobre 2015, O (C-432/14) (cf. points 18-20)
Arrêt du 6 octobre 2015, Delvigne (C-650/13) (cf. points 36-39)
Ordonnance du 6 octobre 2015, Ford Motor Company (C-500/14) (cf. points 35-37)
Arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa (C-458/14 et C-67/15) (cf. point 30)
174. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situation purement interne - Interprétation sollicitée en raison d'un renvoi général opéré par une disposition du droit national aux principes tirés de l'ordre juridique de l'Union - Absence d'un tel renvoi - Demande n'exposant pas les raisons justifiant le renvoi à la Cour - Incompétence manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 15 octobre 2014, De Bellis e.a. (C-246/14) (cf. points 13-21 et disp.)
175. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 7 juin 2018, Filippi e.a. (C-589/16) (cf. points 17-34)
Arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a. (C-686/18) (cf. points 36-39, 49, 50, 57, 59-61, 63-66)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 8 juin 2023, Lyoness Europe (C-455/21) (cf. points 24-27, 31-35)
Ordonnance du 5 novembre 2014, Hunland-Trade (C-356/14) (cf. points 13-15, 23 et disp.)
Ordonnance du 16 mai 2019, Luminor Bank (C-8/18) (cf. points 40-49, 52 et disp.)
Ordonnance du 5 juin 2019, Wilo Salmson France (C-10/19) (cf. points 12-25)
Ordonnance du 14 novembre 2019, Armostav Místek (C-520/19) (cf. points 14-22 et disp.)
Ordonnance du 14 novembre 2022, Gencoal (C-669/21) (cf. points 17-23 et disp.)
Ordonnance du 21 décembre 2022, Fallimento Villa di Campo (C-250/22) (cf. points 20, 23-26)
Ordonnance du 1er mars 2023, Edison Next (C-91/22) (cf. points 16-26 et disp.)
Ordonnance du 1er mars 2023, Edison Next (C-92/22) (cf. points 16-26 et disp)
Ordonnance du 1er mars 2023, Edison Next (C-93/22) (cf. points 16-26 et disp.)
Ordonnance du 1er mars 2023, Gruppo Mauro Saviola (C-94/22) (cf. points 16-26 et disp.)
Ordonnance du 16 novembre 2023, Bandundu (C-203/23) (cf. points 22-31 et disp.)
Ordonnance du 17 juin 2024, Obshtina Burgas e.a. (C-599/23) (cf. points 25-27, 33-36 et disp.)
Ordonnance du 23 septembre 2024, Stadtgemeinde Rattenberg (C-265/24) (cf. points 21-25, 31 et disp.)
176. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Saisine par une juridiction rendant des décisions susceptibles d'un recours de droit interne - Existence d'un arrêt d'une juridiction supérieure pourvu de l'autorité de la chose jugée estimé contraire au droit de l'Union par la juridiction de renvoi - Recevabilité
Une juridiction qui ne statue pas en dernière instance doit être libre, si elle considère que l'appréciation en droit faite au degré supérieur pourrait l'amener à rendre un jugement contraire au droit de l'Union, de saisir la Cour de justice des questions qui la préoccupent.
Arrêt du 6 novembre 2014, Cartiera dell’Adda (C-42/13) (cf. point 27)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C-349/17) (cf. point 52)
177. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel - Lien non défini entre l'objet du litige et une clause attributive de juridiction dans le contrat en cause - Irrecevabilité manifeste
Une demande de décision préjudicielle doit être suffisamment complète et contenir toutes les informations pertinentes de manière à permettre à la Cour, ainsi qu'aux intéressés en droit de déposer des observations, de bien comprendre le cadre factuel et réglementaire de l'affaire au principal. Ces critères ne sont pas remplis lorsque la juridiction nationale ne présente pas les données factuelles sur lesquelles les questions préjudicielles sont fondées et n'expose pas l'existence d'un éventuel lien entre l'objet du litige et une clause contractuelle attributive de juridiction. La Cour n'est pas en mesure de donner une réponse utile aux questions posées et la demande de décision préjudicielle doit être considérée comme manifestement irrecevable.
Ordonnance du 6 novembre 2014, Herrenknecht (C-366/14) (cf. points 16, 19, 22, 23)
178. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine des marchés publics
S’agissant d’une demande de décision préjudicielle en matière de marchés publics qui soulève la question de l’application des principes généraux d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de l'obligation de transparence découlant des articles 49 TFUE et 56 TFUE, il appartient à la juridiction de renvoi de constater les éléments nécessaires permettant à la Cour de vérifier si, dans l’affaire au principal, il existe un intérêt transfrontalier certain justifiant l’application desdits principes. Or, ainsi qu’il ressort de l'article 94 du règlement de procédure de la Cour, celle-ci doit pouvoir trouver dans une demande de décision préjudicielle un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ainsi que du lien existant notamment entre ces données et ces questions. Dès lors, la constatation des éléments nécessaires permettant la vérification de l'existence d'un intérêt transfrontalier certain devrait être réalisée préalablement à la saisine de la Cour.
Cependant, en raison de l'esprit de coopération qui préside dans les rapports entre les juridictions nationales et la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle, l'absence de telles constatations préalables par la juridiction de renvoi relatives à l'existence d'un éventuel intérêt transfrontalier certain ne conduit pas à l'irrecevabilité de la demande si, malgré ces défaillances, la Cour, eu égard aux éléments qui ressortent du dossier, s'estime en mesure de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi. Tel est notamment le cas lorsque la décision de renvoi contient suffisamment d'éléments pertinents pour l'appréciation de l'existence éventuelle d'un tel intérêt. Néanmoins, la réponse fournie par la Cour n'intervient que sous réserve qu'un intérêt transfrontalier certain dans l'affaire au principal puisse, sur la base d'une appréciation circonstanciée de tous les éléments pertinents concernant l'affaire au principal, être constaté par la juridiction de renvoi.
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 décembre 2014, Generali-Providencia Biztosító (C-470/13) (cf. points 28, 29)
Arrêt du 16 avril 2015, Enterprise Focused Solutions (C-278/14) (cf. points 18, 19)
Arrêt du 28 janvier 2016, CASTA e.a. (C-50/14) (cf. points 47, 48)
Arrêt du 8 décembre 2016, Undis Servizi (C-553/15) (cf. points 24, 25)
Arrêt du 5 octobre 2017, LitSpecMet (C-567/15) (cf. points 25, 26)
179. Questions préjudicielles - Recevabilité - Demande n'identifiant pas précisément les dispositions du droit de l'Union nécessitant une interprétation - Possibilité pour la Cour d'identifier lesdites dispositions
En cas d'absence de précision, dans une demande de décision préjudicielle, des dispositions du droit de l'Union dont l'interprétation est demandée, il appartient à la Cour d'extraire de l'ensemble des éléments fournis par la juridiction de renvoi, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les dispositions de droit de l'Union qui nécessitent une interprétation, compte tenu de l'objet du litige.
Arrêt du 12 février 2015, Surgicare (C-662/13) (cf. point 17)
Ordonnance du 11 décembre 2014, León Medialdea (C-86/14) (cf. points 31, 32)
180. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
181. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d'application - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 décembre 2014, Generali-Providencia Biztosító (C-470/13) (cf. points 22, 23, 25)
Arrêt du 14 janvier 2016, Ostas celtnieks (C-234/14) (cf. points 19, 20)
Arrêt du 16 juin 2016, Rodríguez Sánchez (C-351/14) (cf. points 60-62)
Arrêt du 20 décembre 2017, Sahyouni (C-372/16) (cf. points 27-34)
Arrêt du 22 mars 2018, Jacob (C-327/16 et C-421/16) (cf. points 33, 34, 37)
Arrêt du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal) (C-430/19) (cf. points 25, 26)
Arrêt du 16 novembre 2023, BG (Octroi de prêts sans autorisation) (C-427/22) (cf. points 40-45)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 31 mars 2022, Smetna palata na Republika Bulgaria (C-195/21) (cf. points 43-45)
Arrêt du 24 novembre 2022, Cafpi et Aviva assurances (C-691/21) (cf. points 30-32)
Arrêt du 7 décembre 2023, Obshtina Razgrad (C-441/22 et C-443/22) (cf. point 39)
182. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen de la compatibilité du droit national avec le droit de l'Union - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi de tous les éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union - Inclusion - Reformulation des questions
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 28 janvier 2015, Gimnasio Deportivo San Andrés (C-688/13) (cf. points 30-33)
183. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation de dispositions de droit international liant des États membres en dehors du cadre du droit de l'Union - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 5 février 2015, Nisttahuz Poclava (C-117/14) (cf. point 43)
Ordonnance du 5 février 2015, Petrus (C-451/14) (cf. point 15)
Ordonnance du 25 février 2016, Aiudapds (C-520/15) (cf. point 22)
Ordonnance du 11 avril 2019, Hrvatska radiotelevizija (C-657/18) (cf. point 28)
Ordonnance du 6 novembre 2019, EOS Matrix (C-234/19) (cf. point 27)
Ordonnance du 6 mai 2021, Administración General del Estado (C-679/20) (cf. point 23)
Ordonnance du 24 juin 2024, Zarębala (C-64/24) (cf. point 13)
184. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Absence de litige pendant devant la juridiction nationale - Irrecevabilité manifeste
Voir texte de la décision.
Ordonnance du 9 janvier 2024, Sąd Najwyższy (C-658/22) (cf. points 30, 32-35, 38, 39 et disp.)
Ordonnance du 10 février 2015, Liivimaa Lihaveis (C-175/13) (cf. points 17, 20, 21)
Ordonnance du 28 novembre 2024, Rzecznik Finansowy (C-49/24) (cf. points 26-28 et disp.)
185. Questions préjudicielles - Compétence du juge national - Détermination de la législation applicable ratione temporis
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 février 2015, Surgicare (C-662/13) (cf. point 22)
186. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Conclusion d'un contrat de transaction entre les parties au principal - Affaire pendante devant la juridiction de renvoi prétendument devenue sans objet - Question préjudicielle portant sur une question d'ordre public - Réponse de la Cour demeurant utile et déterminante pour la solution du litige au principal - Rejet de l'exception d'irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 26 février 2015, Matei (C-143/13) (cf. points 38, 40-42)
187. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Portée - Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international - Inclusion
La convention de Montréal pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international fait partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur son interprétation.
Arrêt du 26 février 2015, Wucher Helicopter et Euro-Aviation Versicherung (C-6/14) (cf. point 33)
188. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Décision n'ayant pas fait l'objet d'une demande de sursis à exécution sur la base de l'article 278 TFUE - Absence d'incidence sur la recevabilité
La recevabilité d’une question préjudicielle portant sur la validité d’un acte de l’Union ne saurait être subordonnée au fait que ce dernier ait fait l’objet d’une demande de sursis à exécution sur la base de l’article 278 TFUE. Une éventuelle irrecevabilité d'une telle question n'est, en effet, pas tributaire du caractère exécutoire de l’acte de l’Union dont la validité est mise en cause mais se fonde sur le risque que le caractère définitif de celui-ci soit contourné.
189. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Notion d'acte pris par les institutions - Convention portant statut des écoles européennes - Inclusion
Un accord international, tel que la convention portant statut des écoles européennes, qui a été conclu sur le fondement de l’article 235 du traité CE (devenu article 308 CE, lui-même devenu article 352 TFUE) par les Communautés européennes, lesquelles ont été habilitées à cet effet par la décision 94/557 autorisant la Communauté européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique à signer et à conclure la convention portant statut des écoles européennes, constitue, en ce qui concerne l’Union européenne, un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE. Les dispositions d’un pareil accord forment partie intégrante, à partir de l’entrée en vigueur de celui-ci, de l’ordre juridique de l’Union et, dans le cadre de cet ordre juridique, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation de cet accord.
Arrêt du 11 mars 2015, Oberto et O’Leary (C-464/13 et C-465/13) (cf. points 29, 30)
Des parents agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, alors élève de cinquième année du cycle secondaire au sein de la Scuola europea di Varese (École européenne de Varèse, Italie), se sont vu notifier une décision du conseil de classe compétent n’autorisant pas le passage de leur fils dans la classe supérieure. Ces parents ont saisi le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie, Italie) d’un recours tendant à l’annulation de cette décision. Cette juridiction s’est déclarée compétente pour connaître de ce recours.
L’École européenne de Varèse a introduit une demande en règlement préalable de la question de la compétence juridictionnelle, devant les chambres réunies de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie){1}, juridiction de renvoi dans la présente affaire, afin que soit constatée l’incompétence des juridictions italiennes pour connaître du présent litige. Selon cette école, un tel litige relève de la compétence exclusive de la chambre de recours des écoles européennes (ci-après la « chambre de recours »), en vertu des dispositions combinées de l’article 27 de la convention portant statut des écoles européennes (ci-après la « CSEE »){2} et de l’article 67, paragraphe 1, du règlement général des écoles européennes dans sa version applicable aux faits du litige au principal (ci-après le « RGEE de 2014 »){3}. Les parents ainsi que le ministère public considèrent, en revanche, que les juridictions italiennes sont compétentes pour connaître dudit litige aux motifs, notamment, qu’en vertu de l’article 27, paragraphe 2, de la CSEE, la compétence juridictionnelle exclusive de la chambre de recours est limitée aux actes faisant grief émanant du conseil supérieur ou du conseil d’administration de l’école.
Appelée à se prononcer sur cette question préalable afférente à la compétence des juridictions italiennes, la juridiction de renvoi indique qu’elle s’est déjà prononcée en faveur d’une telle compétence, dans des circonstances analogues à celles caractérisant le présent litige{4}. Ainsi, elle a jugé que la compétence exclusive de la chambre de recours couvrait les actes faisant grief émanant du conseil supérieur ou du conseil d’administration d’une école européenne, mais non les actes émanant d’un conseil de classe d’une telle école{5}. La juridiction de renvoi relève, toutefois, qu’à l’époque où elle s’est prononcée en ce sens, le RGEE alors en vigueur ne prévoyait qu’un recours circonscrit, interne aux écoles européennes et de nature purement administrative, contre des décisions d’un conseil de classe n’autorisant pas le passage d’un élève dans la classe supérieur et ne consacrait pas encore de possibilité de saisir la chambre de recours, à titre contentieux, en ce qui concerne de telles décisions.
Or, selon la juridiction de renvoi, la circonstance que la possibilité d’un tel recours juridictionnel ait, entre-temps, été consacrée par le RGEE de 2005 et, par la suite, confirmée à l’article 67 du RGEE de 2014, pourrait s’avérer de nature à justifier que soit désormais reconnue la compétence exclusive de la chambre de recours pour connaître de ce type de contentieux. D’après cette juridiction, une telle solution semblerait pouvoir trouver un appui, notamment, dans les enseignements ressortant de l’arrêt Oberto et O’Leary{6}, dans lequel la Cour aurait déjà admis, en se fondant sur les règles de la convention de Vienne{7}, que la chambre de recours avait valablement pu se voir conférer une compétence exclusive pour connaître des recours dirigés contre un acte du directeur d’une école européenne faisant grief à un enseignant de celle-ci. Pourraient également s’avérer pertinents, à cet égard, divers documents produits par l’École européenne de Varèse et, en particulier, les nombreuses décisions par lesquelles la chambre de recours a statué dans des litiges ayant trait à des décisions de conseils de classe refusant d’autoriser le passage d’un élève dans la classe supérieure, développant de la sorte une pratique juridictionnelle constante depuis qu’elle s’est vu confier une compétence pour connaître de tels litiges par le RGEE de 2005.
Relevant, toutefois, que les différences d’ordre factuel existant entre l’arrêt Oberto et O’Leary et la présente affaire empêchent de considérer qu’une interprétation de l’article 27, paragraphe 2, de la CSEE s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, la juridiction de renvoi a saisi la Cour à titre préjudiciel.
Par son arrêt, la Cour considère que la chambre de recours dispose d’une compétence exclusive de première et de dernière instance pour statuer, après épuisement de la voie administrative prévue par le RGEE de 2014, sur tout litige portant sur la légalité de la décision d’un conseil de classe d’une école européenne de ne pas autoriser le passage d’un élève dans une classe supérieure du cycle secondaire{8}.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que le système des écoles européennes est un système sui generis qui réalise, au moyen d’un accord international, une forme de coopération entre les États membres et entre ceux-ci et l’Union européenne. Les écoles européennes constituent une organisation internationale qui, malgré les liens fonctionnels qu’elle entretient avec l’Union, reste formellement distincte de celle-ci et de ses États membres. Dès lors, si la CSEE constitue, en ce qui concerne l’Union, un acte pris par une institution de l’Union au sens de l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE, elle est également régie par le droit international, et plus particulièrement, du point de vue de son interprétation, par le droit international des traités. Ce droit a été codifié, en substance, par la convention de Vienne dont les règles s’appliquent à un accord conclu entre les États membres et une organisation internationale, tel que la CSEE, dans la mesure où ces règles sont l’expression du droit international général de nature coutumière. Cette dernière convention doit, par conséquent, être interprétée suivant ces règles et, particulièrement, conformément à celles contenues à l’article 31 de la convention de Vienne, qui exprime le droit coutumier international.
Après avoir rappelé les termes de l’article 27, paragraphe 2, de la CSEE ainsi que le contenu et la portée des dispositions pertinentes du RGEE de 2014{9}, la Cour vérifie si, de manière analogue à ce qu’elle a jugé dans l’arrêt Oberto et O’Leary à propos de décisions émanant du directeur d’une école européenne, les règles énoncées à l’article 31 de la convention de Vienne permettent d’interpréter l’article 27, paragraphe 2, premier alinéa, de la CSEE en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la chambre de recours ait, en vertu des dispositions du RGEE de 2014, une compétence exclusive pour connaître des décisions de ne pas autoriser le passage d’un élève d’une école européenne dans la classe supérieure, alors même que ces décisions émanent non pas du conseil supérieur ou du conseil d’administration de cette école, mais d’un conseil de classe.
À cet égard, s’agissant de l’article 31, paragraphe 1, de la convention de Vienne, la Cour rappelle que, selon cette disposition, un traité doit être interprété suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Ainsi, la Cour considère que, quand bien même les actes des conseils de classe ne sont pas expressément mentionnés à l’article 27, paragraphe 2, premier alinéa, de la CSEE, le contexte normatif dans lequel s’inscrit cette disposition et les objectifs poursuivis par la CSEE permettent de considérer que l’extension de compétence opérée au profit de la chambre de recours au moyen des dispositions du RGEE de 2014 ne méconnaît pas cette disposition de la CSEE.
S’agissant de l’article 31, paragraphe 3, sous a) et b), de la convention de Vienne, la Cour rappelle qu’il en ressort que, aux fins de l’interprétation d’un traité, il doit être tenu compte, en même temps que du contexte, d’une part, de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions et, d’autre part, de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application de ce traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation dudit traité.
Dans ce cadre, la Cour considère que l’adoption par le conseil supérieur des articles 62, 66 et 67 du RGEE 2014 et, avant cela, des dispositions analogues figurant dans le RGEE de 2005, ainsi que l’application de ces dispositions, sans discontinuer depuis lors, tant par le secrétaire général que par la chambre de recours, sans que les parties contractantes à la CSEE aient contesté cette adoption et cette application, sont de nature à attester de l’existence sinon d’un accord ultérieur intervenu entre ces parties au sujet de l’interprétation de cette convention et de l’application de ses dispositions au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous a), de la convention de Vienne, à tout le moins d’une pratique établissant l’accord des parties au sujet d’une telle interprétation au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous b), de cette dernière convention. En effet, l’absence de contestations de la part des parties à la CSEE à l’égard d’une telle application ininterrompue doit être considérée comme une conduite de ces parties traduisant leur consentement tacite à ladite application et donc comme une telle pratique. Or, un tel accord et/ou une telle pratique sont susceptibles de primer le libellé de l’article 27, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, de la CSEE. Il s’ensuit que cette disposition doit être lue comme ne s’opposant pas à ce que les décisions des conseils de classe des écoles européennes n’autorisant pas le passage d’un élève dans la classe supérieure soient, en principe, regardées comme relevant de ladite disposition.
La Cour en déduit que la chambre de recours dispose, en vertu de l’article 67, paragraphe 1, du RGEE de 2014, d’une compétence exclusive de première et de dernière instance pour statuer, après épuisement de la voie administrative instituée par l’article 62, paragraphe 1, de ce règlement, sur tout litige relatif à la décision du conseil de classe d’une école européenne de ne pas autoriser le passage d’un élève dans une classe supérieure du cycle secondaire et qu’une telle compétence exclusive ne méconnaît pas l’article 27, paragraphe 2, de la CSEE.
Par ailleurs, la Cour précise qu’une telle interprétation des dispositions pertinentes de la CSEE et du RGEE de 2014 ne porte pas atteinte au droit des intéressés à une protection juridictionnelle effective.
S’agissant de la CSEE, les principes généraux du droit de l’Union doivent tout à la fois gouverner l’interprétation de cette convention et être dûment pris en compte et respectés par les organes institués par ladite convention lorsque ces organes exercent les compétences qui résultent des règles établies par celle-ci et adoptent des actes conformément à ses dispositions. Ainsi qu’il ressort de décisions rendues par la chambre de recours produites par l’École européenne de Varèse, les dispositions de l’article 62, paragraphe 1, du RGEE de 2014, bien que consacrées au recours administratif ouvert devant le secrétaire général, conditionnent, par voie de conséquence, également l’étendue de la compétence juridictionnelle de cette chambre en cas de recours introduit par les représentants légaux de l’élève contre une décision du secrétaire général ayant rejeté le recours administratif initialement porté devant ce dernier.
Or, un recours juridictionnel, même ainsi délimité, ne porte pas atteinte au principe de protection juridictionnelle effective, pour autant que par « violation d’une règle du droit relative à la procédure à suivre pour le passage dans la classe supérieure », au sens de l’article 62, paragraphe 1, du RGEE de 2014, l’on entende, au sens large, la méconnaissance de toute règle tant strictement procédurale que de fond devant nécessairement présider aux délibérations des conseils de classe. Figurent, notamment, parmi de telles règles les principes généraux du droit de l’Union applicables dont la chambre de recours doit, en conséquence, assurer le respect lorsqu’elle se trouve saisie d’un recours ayant trait à une décision du conseil de classe de ne pas autoriser le passage d’un élève dans la classe supérieure.
S’agissant de l’étendue du contrôle exercé par cette chambre de recours afférent à la motivation d’une telle décision du conseil de classe, le principe de protection juridictionnelle effective requiert ainsi, notamment, que, sans préjudice de la large marge d’appréciation inhérente à la fonction de délibération impartie au conseil de classe, un tel contrôle porte, à tout le moins, sur la vérification de l’absence d’excès ou de détournement de pouvoir, d’erreur de droit ou d’erreur manifeste d’appréciation.
{1} Sur le fondement de l’article 41 du code de procédure civile italien, aux termes duquel : « Tant que l’affaire n’a pas été jugée au fond en première instance, toute partie peut demander aux chambres réunies de la [Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie)] de résoudre les questions de compétence [...] ».
{2} Convention portant statut des écoles européennes, conclue à Luxembourg le 21 juin 1994 entre les États membres et les Communautés européennes (JO 1994, L 212, p. 3). Aux termes de l’article 27, paragraphe 2, premier alinéa, de la CSEE, « la chambre de recours a compétence exclusive de première et de dernière instance pour statuer, après épuisement de la voie administrative, sur tout litige relatif à l’application de cette convention aux personnes qui y sont visées, à l’exclusion du personnel administratif et de service, et portant sur la légalité d’un acte faisant grief fondé sur la convention ou sur des règles arrêtées en application de celle-ci, pris à leur égard par le conseil supérieur ou le conseil d’administration d’une école dans l’exercice des attributions qui leur sont conférées par la [même] convention ». L’article 27, paragraphe 2, second alinéa, de la CSEE précise que les conditions et les modalités d’application relatives aux procédures engagées devant la chambre de recours sont déterminées, selon le cas, par le statut du personnel enseignant ou par le régime applicable aux chargés de cours ou par le règlement général des écoles européennes.
{3} Règlement général des écoles européennes, dans sa version nº 2014-03-D-14-fr-11. Aux termes de l’article 67, paragraphe 1, du RGEE de 2014, « les décisions administratives, explicites ou implicites, prises sur les recours visés à l’article précédent peuvent faire l’objet d’un recours contentieux porté par les représentants légaux des élèves, directement concernés par la décision litigieuse devant la Chambre de recours prévue à l’article 27 de la [CSEE] ».
{4} Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), arrêt du 15 mars 1999, ECLI:IT:CASS:1999:138CIV.
{5} Aux termes des dispositions combinées de l’article 6, deuxième alinéa, et de l’article 27, paragraphes 1, 2 et 7, de la CSEE.
{6} Arrêt du 11 mars 2015, Oberto et O’Leary (C-464/13 et C-465/13, EU:C:2015:163), ci-après l’« arrêt Oberto et O’Leary ».
{7} Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331).
{8} En vertu des dispositions combinées de l’article 27, paragraphe 2, de la CSEE et des articles 61, 62, 66 et 67 du RGEE de 2014.
{9} Article 61, A, paragraphe 1, article 62, paragraphes 1 et 2, article 66, paragraphes 1 et 5, et article 67, paragraphe 1, du RGEE de 2014.
Arrêt du 21 décembre 2023, Scuola europea di Varese (C-431/22) (cf. points 50, 51)
190. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation de la notion d'aide - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 19 mars 2015, OTP Bank (C-672/13) (cf. points 26-32)
191. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité d'un règlement n'ayant pas été attaqué sur le fondement de l'article 230 CE - Recours au principal introduit par une société n'étant pas à l'évidence recevable à agir en annulation - Recevabilité
Le principe général, qui tend à garantir que toute personne dispose ou ait disposé d’une possibilité de contester un acte communautaire qui sert de fondement à une décision qui lui est opposée, ne fait nullement obstacle à ce qu’un règlement devienne définitif pour un particulier, à l’égard duquel il doit être regardé comme une décision individuelle et qui aurait pu, sans aucun doute, en demander l’annulation en vertu de l’article 230 CE, ce qui empêche ce particulier d’exciper devant la juridiction nationale de l’illégalité de ce règlement.
Toutefois, en matière de défense contre les pratiques de dumping, une entreprise qui n'est pas suffisamment liée aux entreprises exportatrices et qui ne relève pas d’une situation particulière la caractérisant par rapport à tout autre opérateur économique, pour considérer qu'elle est concernée directement et individuellement, au sens de l’article 230 CE, par un règlement instituant des droits antidumping définitifs, peut soulever, devant une juridiction nationale, une exception d'illégalité contre un tel règlement dès lors que celui-ci sert de fondement à la décision qui est opposée à cette entreprise. Dans ces conditions, la juridiction nationale n’est, en effet, pas liée par le caractère définitif du droit antidumping.
Arrêt du 16 avril 2015, TMK Europe (C-143/14) (cf. points 18, 26, 29)
192. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence manifeste de la Cour
Pour déterminer si une réglementation nationale relève de la mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51 de la Charte, il y a lieu de vérifier, parmi d’autres éléments, si elle a pour but de mettre en œuvre une disposition du droit de l’Union, le caractère de cette réglementation et si celle-ci ne poursuit pas des objectifs autres que ceux couverts par le droit de l’Union, même si elle est susceptible d’affecter indirectement ce dernier, ainsi que s’il existe une réglementation du droit de l’Union spécifique en la matière ou susceptible de l’affecter (arrêts du 6 mars 2014, Siragusa, C-206/13, EU:C:2014:126, point 25 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C-198/13, EU:C:2014:2055, point 37).
En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des décisions de renvoi, la disposition nationale en cause au principal concerne la procédure de recouvrement des sommes dues par l’État, à titre de réparation équitable, en raison de la durée excessive d’une procédure judiciaire, prévue à l’article 5 sexies de la loi nº 89/2001. Toutefois, il y a lieu de relever que, d’une part, les dispositions du traité FUE visées par la juridiction de renvoi n’imposent pas aux États membres d’obligations spécifiques en ce qui concerne le recouvrement des sommes dues par l’État, à titre de réparation équitable, en raison de la durée excessive d’une procédure judiciaire et que, en l’état actuel, le droit de l’Union ne comporte aucune réglementation spécifique en la matière.
Il en résulte qu’aucun élément ne permet de considérer que le litige au principal concerne l’interprétation ou l’application d’une règle du droit de l’Union autre que celle figurant dans la Charte. Or, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions de la Charte éventuellement invoquées ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (ordonnance du 18 février 2016, Rîpanu, C-407/15, non publiée, EU:C:2016:167, point 22 et jurisprudence citée).
Ordonnance du 7 septembre 2017, Demarchi Gino (C-177/17 et C-178/17) (cf. points 20, 22, 25, 28)
Ordonnance du 7 mai 2015, Văraru (C-496/14) (cf. points 15-22)
Ordonnance du 7 mai 2015, Pondiche (C-608/14) (cf. points 19-24, 28)
Ordonnance du 18 février 2016, Rîpanu (C-407/15) (cf. points 16, 19-23 et disp.)
Ordonnance du 14 avril 2016, Târşia (C-328/15) (cf. points 18-27 et disp.)
193. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Présomption de pertinence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 mai 2015, Dimensione Direct Sales et Labianca (C-516/13) (cf. point 17)
194. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions hypothétiques
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 mai 2015, Verder LabTec (C-657/13) (cf. points 29, 30)
Arrêt du 7 avril 2016, KA Finanz (C-483/14) (cf. points 41-44)
195. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Identification des éléments de droit de l'Union pertinents - Compétence du juge national - Application des dispositions interprétées
Arrêt du 21 mai 2015, Kansaneläkelaitos (C-269/14) (cf. point 25)
196. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Nécessité de reformuler des questions
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 4 juin 2015, Brasserie Bouquet (C-285/14) (cf. points 14-17)
Arrêt du 17 décembre 2015, Viamar (C-402/14) (cf. points 29-32)
Arrêt du 30 juin 2016, Toma (C-205/15) (cf. point 30)
Arrêt du 21 décembre 2016, Ucar (C-508/15 et C-509/15) (cf. point 51)
Arrêt du 18 mai 2017, Lahorgue (C-99/16) (cf. point 21)
Arrêt du 25 juillet 2018, Dyson (C-632/16) (cf. point 47)
197. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Réglementation nationale concernant un domaine relevant de la compétence des États membres - Situation relevant du champ d'application du droit de l'Union - Compétence de la Cour
Le fait que des législations nationales concernent un domaine relevant de la compétence des États membres n’affecte pas les réponses à apporter aux questions posées par la juridiction de renvoi.
En effet, les États membres sont tenus d'exercer leurs compétences dans le respect du droit de l'Union et, notamment, des libertés fondamentales garanties par le traité, lesquelles s'appliquent aux situations qui relèvent du champ d'application du droit de l'Union.
Dans ces conditions, les justifications avancées par un État membre à l'appui d'une restriction auxdites libertés doivent être interprétées à la lumière des droits fondamentaux, même lorsque cette restriction concerne un domaine relevant de la compétence de cet État membre, dès lors que la situation concernée relève du champ d'application du droit de l'Union.
Arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C-98/14) (cf. points 112, 113, 115, disp. 7)
198. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Compétence pour répondre à des questions posées dans le cadre d'une procédure résultant d'une action à titre préventif autorisée par le droit national
S’agissant d’un renvoi préjudiciel portant sur la validité de décisions du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne relatives à un programme d’achat d’obligations souveraines, la circonstance que ce programme n’a pas été mis en œuvre et qu’il ne pourra l’être qu’après l’adoption de nouveaux actes juridiques ne prive pas le recours au principal de son objet, lorsque le droit national en cause permet, à certaines conditions, l’octroi d’une protection juridictionnelle préventive dans une telle situation. Or, s’il est vrai que le recours au principal, visant à prévenir la violation de droits menacés, doit nécessairement se fonder sur des prévisions par nature incertaines, il n’en est pas moins autorisé par le droit national. Par conséquent, dans la mesure où, dans le cadre d’une procédure visée à l’article 267 TFUE, l’interprétation du droit national relève exclusivement de cette juridiction, le fait que les décisions litigieuses n’aient pas encore été mises en œuvre et qu’elles ne pourraient l’être qu’après l’adoption de nouveaux actes juridiques ne saurait donc conduire à nier que la demande préjudicielle répond à un besoin objectif pour la solution des litiges dont est saisie ladite juridiction.
Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C-62/14) (cf. points 27, 28)
199. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation d'un acte de l'Union de portée générale n'ayant pas fait l'objet de mesures d'application en droit national - Recevabilité du recours devant le juge national - Inclusion
Lorsque, en vertu du droit national, les parties à un litige dont la Cour est saisie à titre préjudiciel peuvent exercer un recours en contrôle de légalité de l’intention ou de l’obligation du gouvernement de l’État membre concerné de se conformer à un acte de l’Union, la possibilité pour les particuliers de faire valoir devant les juridictions nationales l’invalidité d’un acte de l’Union de portée générale n’est pas subordonnée à la condition que cet acte ait effectivement déjà fait l’objet de mesures d’application adoptées en vertu du droit national. Il suffit, à cet égard, que la juridiction nationale soit saisie d’un litige réel dans lequel se pose, à titre incident, la question de la validité d’un tel acte.
Arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a. (C-62/14) (cf. point 29)
Il ne saurait être valablement soutenu qu’un recours devant le juge national tendant à un contrôle de la légalité de l’intention et/ou de l’obligation d’un État membre de transposer une directive, dans le cadre duquel a été formulée une demande de décision préjudicielle portant sur la validité de cette directive, constitue un moyen de contourner le système de voies de recours instauré par le traité FUE. En effet, la possibilité, pour les particuliers, de faire valoir devant les juridictions nationales l’invalidité d’un acte de l’Union de portée générale n’est pas subordonnée à la condition que ledit acte ait effectivement déjà fait l’objet de mesures d’application adoptées en vertu du droit national. Il suffit à cet égard que la juridiction nationale soit saisie d’un litige réel dans lequel se pose, à titre incident, la question de la validité d’un tel acte.
Arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38 (C-477/14) (cf. points 18, 19)
Arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a. (C-547/14) (cf. points 34, 35)
200. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 juillet 2015, Mapfre asistencia et Mapfre warranty (C-584/13) (cf. points 31-33)
201. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen de la compatibilité d'une aide avec le marché intérieur - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi de tous les éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 juillet 2015, BVVG (C-39/14) (cf. points 19, 20)
202. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Litige portant sur une situation purement interne - Réglementation nationale présentant un lien de rattachement avec le droit de l'Union - Compétence de la Cour
Présente un lien de rattachement avec le droit de l'Union une réglementation nationale qui rend plus difficile le recrutement, par les institutions de l'Union, de fonctionnaires nationaux ayant une certaine ancienneté. Partant, la Cour est compétente pour juger, à titre préjudiciel, si l'article 4, paragraphe 3, TUE, en liaison avec le statut des fonctionnaires, s'oppose à une telle réglementation.
Arrêt du 10 septembre 2015, Wojciechowski (C-408/14) (cf. points 25, 26, 28, 30)
203. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 septembre 2015, Wojciechowski (C-408/14) (cf. point 32)
Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C-571/16) (cf. points 42-45)
204. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Compétence de la Cour pour donner au juge national des indications tirées du dossier de l'affaire
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 1er octobre 2015, Trijber (C-340/14 et C-341/14) (cf. points 55, 71)
Arrêt du 25 juillet 2018, Dyson (C-632/16) (cf. point 54)
205. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Nécessité d'une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 1er octobre 2015, O (C-432/14) (cf. point 17)
Arrêt du 18 février 2016, Finanmadrid EFC (C-49/14) (cf. points 27, 31, 32)
206. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité d'une décision préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national - Présomption de pertinence des questions posées
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 octobre 2015, Târșia (C-69/14) (cf. points 12, 13, 19)
Arrêt du 14 avril 2016, Polkomtel (C-397/14) (cf. points 37, 38)
Arrêt du 30 juin 2016, Câmpean (C-200/14) (cf. points 29, 31-33)
Arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa (C-458/14 et C-67/15) (cf. points 28, 29)
Arrêt du 22 septembre 2016, Breitsamer und Ulrich (C-113/15) (cf. points 33, 34)
Arrêt du 21 décembre 2016, Vervloet e.a. (C-76/15) (cf. points 56, 57)
Arrêt du 13 juin 2018, Deutscher Naturschutzring (C-683/16) (cf. point 29)
Arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C-349/17) (cf. points 47, 48)
Arrêt du 16 octobre 2019, Agrárminiszter (C-490/18) (cf. points 20, 21)
Arrêt du 14 mai 2020, Azienda Municipale Ambiente (C-15/19) (cf. points 26-30)
Ordonnance du 1er octobre 2020, INTER CONSULTING (C-89/20) (cf. points 22, 23)
Arrêt du 24 février 2022, Namur-Est Environnement (C-463/20) (cf. points 38-42)
Entre 1997 et 1999 la société Sumal SL a acquis deux camions auprès de Mercedes Benz Trucks España SL (ci-après « MBTE »), qui est une filiale du groupe Daimler, dont la société mère est Daimler AG.
Par décision du 19 juillet 2016{1}, la Commission européenne a constaté une violation, par Daimler AG, des règles du droit de l’Union interdisant les ententes{2} en ce que cette dernière avait conclu, entre janvier 1997 et janvier 2011, des arrangements avec quatorze autres fabricants européens de camions portant sur la fixation des prix et l’augmentation des prix bruts des camions dans l’Espace économique européen (EEE).
À la suite de cette décision, Sumal a engagé une action en dommages et intérêts à l’encontre de MBTE, en demandant le paiement de la somme de 22 204,35 EUR pour les dommages découlant de cette entente. L’action de Sumal a néanmoins été rejetée par le Juzgado de lo Mercantil nº 07 de Barcelona (tribunal de commerce nº 07 de Barcelone, Espagne) au motif que MBTE n’était pas visée dans la décision de la Commission.
Sumal a interjeté appel de ce jugement devant l’Audiencia Provincial de Barcelona (Cour provinciale de Barcelone, Espagne). Dans ce contexte, cette juridiction se demande si et, le cas échéant, dans quelles conditions, une action en dommages et intérêts peut être dirigée contre une filiale à la suite d’une décision de la Commission constatant des pratiques anticoncurrentielles de sa société mère. Ainsi, cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de renvoyer cette question à la Cour par la voie préjudicielle.
Par son arrêt rendu en grande chambre, la Cour précise les conditions dans lesquelles les victimes d’une pratique anticoncurrentielle d’une société sanctionnée par la Commission sont en droit d’engager, dans le cadre d’actions en dommages et intérêts introduites devant des juridictions nationales, la responsabilité civile de sociétés filiales de la société sanctionnée qui ne sont pas visées par la décision de la Commission.
Appréciation de la Cour
Conformément à une jurisprudence constante, toute personne est en droit de demander aux « entreprises » ayant participé à une entente ou à des pratiques interdites au titre de l’article 101 TFUE la réparation du préjudice causé par ces pratiques anticoncurrentielles. Même si de telles actions en dommages et intérêts sont introduites devant les juridictions nationales, la détermination de l’entité tenue de réparer le préjudice causé est directement régie par le droit de l’Union.
Étant donné que ces actions en dommages et intérêts font partie intégrante du système de mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union, au même titre que leur mise en œuvre par les autorités publiques, la notion d’« entreprise » au sens de l’article 101 TFUE ne saurait avoir une portée différente dans le contexte de l’imposition par la Commission d’amendes aux « entreprises » (« public enforcement ») et dans celui des actions en dommages et intérêts introduites contre ces « entreprises » devant les juridictions nationales (« private enforcement »).
Or, selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’« entreprise » au sens de l’article 101 TFUE comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, et désigne ainsi une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette dernière est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.
Lorsqu’il est établi qu’une société appartenant à une telle unité économique a violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de telle sorte que l’« entreprise » dont elle fait partie a commis l’infraction à cette disposition, la notion d’« entreprise » et, à travers elle, celle d’« unité économique » entraînent de plein droit une responsabilité solidaire entre les entités qui composent l’unité économique au moment de la commission de l’infraction.
À cet égard, la Cour relève, en outre, que la notion d’« entreprise » employée à l’article 101 TFUE est une notion fonctionnelle, de sorte que l’unité économique qui la constitue doit être identifiée du point de vue de l’objet de l’accord en cause.
Ainsi, lorsque l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE a été établie dans le chef d’une société mère, il est loisible à la victime de cette infraction de chercher à engager la responsabilité civile d’une société filiale de cette société mère à condition que la victime prouve que, eu égard, d’une part, aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques et, d’autre part, à l’existence d’un lien concret entre l’activité économique de cette société filiale et l’objet de l’infraction dont la société mère a été tenue responsable, ladite filiale constituait avec sa société mère une unité économique.
Il s’ensuit que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, pour pouvoir introduire une action en dommages et intérêts contre MBTE en tant que filiale de Daimler AG, Sumal doit établir, en principe, que l’accord anticoncurrentiel conclu par Daimler AG concerne les mêmes produits que ceux commercialisés par MBTE. Ce faisant, Sumal démontrerait que c’est précisément l’unité économique dont relève MBTE, ensemble avec sa société mère, qui constitue l’entreprise ayant commis l’infraction constatée par la Commission au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
Toutefois, dans le cadre d’un tel recours en indemnisation introduit à l’encontre de la société filiale d’une société mère dont la violation de l’article 101 TFUE a été constatée, la société filiale doit disposer devant le juge national concerné de tous les moyens nécessaires à l’exercice utile de ses droits de la défense, en particulier pour pouvoir contester son appartenance à la même entreprise que sa société mère.
Cela étant, lorsqu’une action en dommages et intérêts s’appuie, comme en l’espèce, sur la constatation par la Commission d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE dans une décision adressée à la société mère de la société filiale défenderesse, cette dernière ne saurait contester, devant le juge national, l’existence de l’infraction ainsi constatée par la Commission. En effet, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003{3}, les juridictions nationales ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission.
En revanche, lorsqu’aucun comportement infractionnel de la société mère n’a été constaté par la Commission dans une décision rendue en application de l’article 101 TFUE, la société filiale est naturellement en droit de contester non seulement son appartenance à la même « entreprise » que sa société mère mais également l’existence de l’infraction reprochée à cette dernière.
À cet égard, la Cour précise, en outre, que la possibilité, pour le juge national, de constater une éventuelle responsabilité de la société filiale pour les préjudices causés n’est pas exclue du simple fait que, le cas échéant, la Commission n’a adopté aucune décision ou que la décision par laquelle elle a constaté l’infraction n’a pas infligé à cette société une sanction administrative.
Dès lors, l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit la possibilité d’imputer la responsabilité du comportement d’une société à une autre société uniquement dans le cas où la seconde contrôle la première.
{1} Décision C(2016) 4673 final relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire AT.39824 - Camions), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 6 avril 2017 (JO 2017, C 108, p. 6).
{2} Article 101 TFUE et article 53 de l’accord EEE.
{3} Règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).
Arrêt du 6 octobre 2021, Sumal (C-882/19) (cf. points 26-29)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C-470/20) (cf. points 51, 52)
Arrêt du 29 juin 2023, Super Bock Bebidas (C-211/22) (cf. points 21, 22)
Arrêt du 21 septembre 2023, Romaqua Group (C-510/22) (cf. points 19, 20)
Arrêt du 21 décembre 2023, Papier Mettler Italia (C-86/22) (cf. points 34, 35, 37)
Arrêt du 16 mai 2024, INSS (Congés d’une mère de famille monoparentale) (C-673/22) (cf. point 22)
La Fédération internationale de football association (FIFA) est une association de droit suisse qui a pour but, notamment, d’établir des règles et des dispositions régissant le football et les questions y afférentes, ainsi que de contrôler le football sous toutes ses formes au niveau mondial, mais également d’organiser ses propres compétitions internationales. La FIFA est composée d’associations nationales de football membres d’une des six confédérations continentales qu’elle reconnaît - parmi lesquelles figure l’Union des associations européennes de football (UEFA), une association de droit suisse dont les principales missions consistent à surveiller et à contrôler le développement du football, sous toutes ses formes, à l’échelle européenne. En tant que membres de la FIFA et de l’UEFA, ces associations nationales ont l’obligation, notamment, d’amener leurs propres membres ou affiliés à respecter les statuts, les règlements, les directives et les décisions de la FIFA et de l’UEFA, ainsi que de faire observer ceux-ci par l’ensemble des acteurs du football, en particulier les ligues professionnelles, les clubs et les joueurs.
Conformément à leurs statuts respectifs, la FIFA et l’UEFA ont le pouvoir d’autoriser la tenue des compétitions internationales de football professionnel et notamment des compétitions entre les clubs de football affiliés à une association nationale (ou « compétitions de football interclubs) ». Elles peuvent aussi organiser de telles compétitions et exploiter les différents droits liés à celles-ci.
European Superleague Company, SL (ci-après « ESLC ») est une société de droit espagnol constituée par plusieurs clubs de football professionnel dans le but d’organiser une nouvelle compétition européenne annuelle de football interclubs, dénommée « Superleague ».
Le pacte d’actionnaires et d’investissement, qui lie les promoteurs du projet, subordonne la mise en place de la Superleague à sa reconnaissance par la FIFA ou l’UEFA en tant que nouvelle compétition compatible avec leurs statuts.
À la suite de l’annonce de la création de la Superleague, la FIFA et l’UEFA ont publié, le 21 janvier 2021, une déclaration commune pour exprimer leur refus de reconnaître cette nouvelle compétition et mettre en garde sur le fait que tout joueur ou tout club participant à cette celle-ci serait exclu de celles organisées par la FIFA et par l’UEFA. Par un autre communiqué, l’UEFA et plusieurs associations nationales ont rappelé la possibilité d’adopter des mesures disciplinaires à l’encontre des participants à la Superleague, notamment leur exclusion de certaines grandes compétitions européennes et mondiales.
Dans ces circonstances, ESLC a saisi le Juzgado de lo Mercantil no 17 de Madrid (tribunal de commerce nº 17 de Madrid, Espagne) d’une action en justice visant, en substance, à faire constater le caractère illégal et préjudiciable de ces annonces ainsi que des comportements par lesquels la FIFA, l’UEFA et les associations nationales qui en sont membres pourraient concrétiser celles-ci.
Selon cette juridiction, la FIFA et l’UEFA détiennent une position de monopole ou, à tout le moins, de dominance sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions internationales de football interclubs, ainsi que sur celui de l’exploitation des différents droits liés à celles-ci. Dans ce contexte, elle s’interroge sur la compatibilité de certaines dispositions statutaires de la FIFA et de l’UEFA avec le droit de l’Union, notamment les articles 101 et 102 TFUE, ainsi que les dispositions relatives aux différentes libertés fondamentales garanties par le traité FUE.
Par son arrêt, prononcé le même jour que deux autres arrêts{1} concernant l’application du droit économique de l’Union aux règles instituées par des fédérations sportives internationales ou nationales, la Cour, réunie en grande chambre, précise les conditions dans lesquelles les règles mises en place par la FIFA et l’UEFA concernant, d’une part, l’autorisation préalable des compétitions internationales de football interclubs, la participation des clubs de football et des joueurs à celles-ci, ainsi que les sanctions instituées accessoirement à ces règles, et, d’autre part, l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions, peuvent être considérées comme étant constitutives d’un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE, ainsi que d’entente anticoncurrentielle au sens de l’article 101 TFUE. Elle se prononce également sur la compatibilité de ces règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction avec la libre prestation des services garantie par l’article 56 TFUE.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour formule trois séries d’observations.
Tout d’abord, elle précise que les questions posées par la juridiction de renvoi portent exclusivement sur les règles adoptées par la FIFA et par l’UEFA concernant, d’une part, l’autorisation préalable des compétitions internationales de football interclubs et la participation des clubs de football professionnel et de leurs joueurs à celles-ci, et, d’autre part, l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions. La Cour n’est donc appelée à prendre position ni sur l’existence même de la FIFA et de l’UEFA, ni sur le bien-fondé d’autres règles adoptées par ces deux fédérations, ni, enfin, sur l’existence ou les caractéristiques du projet de Superleague lui-même, que ce soit au regard des règles de concurrence ou des libertés économiques consacrées par le traité FUE.
Ensuite, la Cour observe que l’ensemble des règles sur lesquelles elle est interrogée relèvent du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au droit de la concurrence, ainsi que de celles relatives aux libertés de circulation. À cet égard, elle rappelle que, dans la mesure où l’exercice d’un sport constitue une activité économique, il relève des dispositions du droit de l’Union qui sont applicables en présence d’une telle activité, hormis certaines règles spécifiques adoptées exclusivement pour des motifs d’ordre non économique et portant uniquement sur des questions intéressant uniquement le sport en tant que tel. Or, les règles en cause, qu’elles émanent de la FIFA ou de l’UEFA, ne relèvent pas d’une telle exception, dès lors qu’elles portent sur l’exercice du football en tant qu’activité économique.
Enfin, s’agissant des conséquences susceptibles d’être attachées à l’article 165 TFUE - qui énonce tant les objectifs qui sont assignés à l’action de l’Union dans le domaine du sport que les moyens auxquels il peut être recouru pour contribuer à la réalisation de ces objectifs -, la Cour observe que cette disposition ne constitue pas une règle spéciale soustrayant le sport à tout ou partie des autres dispositions du droit primaire de l’Union susceptibles d’être appliquées à celui-ci ou qui imposerait de lui réserver un traitement particulier dans le cadre de cette application. Elle rappelle, par ailleurs, que les indéniables spécificités qui caractérisent l’activité sportive peuvent être prises en compte, entre autres éléments et pour autant qu’elles s’avèrent pertinentes, lors de l’application des dispositions du traité FUE relatives au droit de la concurrence et aux libertés de circulation, étant observé, toutefois, que cette prise en compte ne peut s’opérer que dans le cadre et dans le respect des conditions ainsi que des critères d’application prévus à chacune de ces dispositions.
À la lumière de ces observations et après avoir relevé que la FIFA et l’UEFA doivent être qualifiées d’« entreprises », au sens du droit européen de la concurrence, dans la mesure où elles exercent des activités économiques telles que l’organisation de compétitions de football et l’exploitation des droits liés à celles-ci, la Cour se penche, en premier lieu, sur le point de savoir si la mise en place par la FIFA et l’UEFA de règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs ainsi qu’à la participation à celles-ci, sous peine de sanctions, peut être considérée, d’une part, comme étant constitutive d’un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE et, d’autre part, comme une entente anticoncurrentielle au sens de l’article 101 TFUE.
À cet égard, la Cour expose que les spécificités du football professionnel, notamment son importance sociale, culturelle et médiatique, ainsi que le fait que ce sport repose sur l’ouverture et le mérite sportif, permettent de considérer qu’il est légitime de soumettre l’organisation et le déroulement des compétitions internationales de football professionnel à des règles communes destinées à garantir l’homogénéité et la coordination de ces compétitions au sein d’un calendrier d’ensemble ainsi qu’à promouvoir la tenue de compétitions sportives fondées sur une certaine égalité des chances ainsi que sur le mérite. En outre, il est légitime de s’assurer du respect de ces règles communes au moyen de règles telles que celles mises en place par la FIFA et l’UEFA en ce qui concerne l’autorisation préalable desdites compétitions ainsi que la participation des clubs et des joueurs à celles-ci. Il s’ensuit que, dans le contexte spécifique du football professionnel et des activités économiques auxquelles l’exercice de ce sport donne lieu, ni l’adoption de ces règles ni leur mise en œuvre ne peuvent être qualifiées, dans leur principe et de façon générale, d’« exploitation abusive d’une position dominante », au sens de l’article 102 TFUE. Il en va de même des sanctions instituées accessoirement à ces règles, dans la mesure où de telles sanctions sont légitimes, dans leur principe, pour garantir l’effectivité desdites règles.
En revanche, aucune de ces spécificités n’est susceptible de permettre de considérer comme légitimes l’adoption et la mise en œuvre de règles, ainsi que des sanctions instituées accessoirement à celles-ci, qui ne sont pas encadrées par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné. Plus précisément, il est nécessaire que ces critères et ces conditions aient été édictés, sous une forme accessible, préalablement à toute mise en œuvre des règles en cause. En outre, pour que lesdits critères et lesdites conditions puissent être regardés comme étant non discriminatoires, ils ne doivent pas soumettre l’organisation et la commercialisation de compétitions tierces, ainsi que la participation des clubs et des joueurs à celles-ci, à des exigences qui seraient soit différentes de celles qui sont applicables aux compétitions organisées et commercialisées par l’entité décisionnaire, soit identiques ou similaires, mais impossibles ou excessivement difficiles à remplir en pratique par une entreprise qui n’a pas la même qualité d’association ou pas les mêmes pouvoirs que cette entité et qui se trouve, dès lors, dans une situation différente de celle-ci. Enfin, pour que les sanctions instituées accessoirement à ces règles ne soient pas discrétionnaires, elles doivent être gouvernées par des critères qui doivent non seulement être, eux aussi, transparents, objectifs, précis et non discriminatoires, mais également garantir que ces sanctions sont déterminées, dans chaque cas concret, dans le respect du principe de proportionnalité, compte tenu, notamment, de la nature, de la durée ainsi que de la gravité du manquement constaté.
Il s’ensuit que, dans le cas où des règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction ne sont pas encadrées par des critères matériels et par des modalités procédurales propres à en garantir le caractère transparent, objectif, précis, non discriminatoire et proportionné, leur adoption et leur mise en œuvre constituent un abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE.
Pour ce qui est de l’application de l’article 101 TFUE auxdites règles, la Cour relève que, même si l’adoption de règles d’autorisation préalable des compétitions de football interclubs peut être motivée par la poursuite de certains objectifs légitimes, comme celui consistant à faire respecter les principes, les valeurs et les règles du jeu qui sous-tendent le football professionnel, elles donnent à la FIFA et à l’UEFA le pouvoir d’autoriser, de contrôler ou de conditionner l’accès de toute entreprise potentiellement concurrente au marché concerné, et donc de déterminer aussi bien le degré de concurrence qui peut exister sur ce marché que les conditions dans lesquelles cette éventuelle concurrence peut trouver à s’exercer.
Par ailleurs, les règles relatives à la participation des clubs et des joueurs à de telles compétitions sont de nature à renforcer l’objet anticoncurrentiel qui est inhérent à tout mécanisme d’autorisation préalable non assorti de limites, d’obligations et d’un contrôle propres à en garantir le caractère transparent, objectif, précis et non discriminatoire, en empêchant toute entreprise organisatrice d’une compétition potentiellement concurrente de faire utilement appel aux ressources disponibles sur le marché, à savoir les clubs et les joueurs, ces derniers s’exposant, en cas de participation à une compétition n’ayant pas reçu l’autorisation préalable de la FIFA et de l’UEFA, à des sanctions qui ne sont encadrées par aucun critère matériel ni par aucune modalité procédurale propre à assurer leur caractère transparent, objectif, précis, non discriminatoire et proportionné.
Il s’ensuit que, dans le cas où elles ne sont pas encadrées par de tels critères et de telles modalités procédurales, les règles en cause présentent, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité pour la concurrence et doivent par conséquent être regardées comme ayant pour objet d’empêcher celle-ci. Elles relèvent donc de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sans qu’il soit nécessaire d’en examiner les effets actuels ou potentiels.
En deuxième lieu, la Cour se penche sur la question de savoir si les règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction en question peuvent bénéficier d’une exemption ou être considérées comme étant justifiées. À cet égard, la Cour rappelle, premièrement, que certains comportements particuliers, tels des règles éthiques ou déontologiques adoptées par une association, sont susceptibles de ne pas tomber sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE même s’ils ont pour effets inhérents de restreindre la concurrence, pour autant qu’ils se justifient par la poursuite d’objectifs légitimes d’intérêt général dénués, en soi, de caractère anticoncurrentiel et que la nécessité et le caractère proportionné des moyens mis en œuvre à cet effet aient été dûment établis. Elle précise cependant que cette jurisprudence ne trouve pas à s’appliquer en présence de comportements qui violent par leur nature même l’article 102 TFUE ou qui présentent un degré de nocivité justifiant de considérer qu’ils ont pour « objet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, au sens de l’article 101 TFUE.
Deuxièmement, s’agissant de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, il appartient à la partie qui invoque son bénéfice d’établir la réunion de quatre conditions cumulatives. Ainsi, le comportement considéré doit permettre, avec un degré de probabilité suffisant, la réalisation de gains d’efficacité tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable des profits qui résultent de ces gains, sans imposer de restrictions qui ne sont pas indispensables à la réalisation de tels gains et sans éliminer toute concurrence effective pour une partie substantielle des produits ou des services concernés.
Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier, sur la base des éléments de preuve apportés par les parties au principal, si ces conditions sont respectées en l’occurrence. Cela étant, s’agissant de l’ultime condition tenant à la subsistance d’une concurrence effective, la Cour observe que la juridiction de renvoi devra prendre en compte le fait que les règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction ne sont pas encadrées par des critères matériels et par des modalités procédurales propres à garantir leur caractère transparent, objectif, précis et non discriminatoire, une telle situation étant de nature à permettre aux entités qui ont adopté ces règles d’empêcher toute concurrence sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions de football interclubs sur le territoire de l’Union.
De façon cohérente, il découle de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 102 TFUE qu’un comportement abusif d’une entreprise détenant une position dominante peut échapper à l’interdiction énoncée à cette disposition si l’entreprise concernée établit que son comportement était soit objectivement justifié par des circonstances extérieures à l’entreprise et proportionné à cette justification, soit contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d’efficacité qui profitent également aux consommateurs.
En l’espèce, s’agissant, d’une part, d’une éventuelle justification objective, les règles mises en place par la FIFA et l’UEFA ont pour but de réserver à ces entités l’organisation de toute compétition de ce genre, au risque d’éliminer toute concurrence de la part d’une entreprise tierce, de sorte qu’un tel comportement constitue un abus de position dominante interdit par l’article 102 TFUE et non justifié par des nécessités d’ordre technique et commercial. D’autre part, en ce qui concerne les avantages en termes d’efficacité, il reviendra à ces deux associations sportives de démontrer, devant la juridiction de renvoi, que des gains d’efficacité sont susceptibles d’être réalisés par leur comportement, que ces gains d’efficacité neutralisent les effets préjudiciables probables de ce comportement sur le jeu de la concurrence sur les marchés affectés ainsi que sur les intérêts des consommateurs, que ledit comportement est indispensable à la réalisation de tels gains d’efficacité et qu’il n’élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle.
En troisième lieu, en ce qui concerne les règles de la FIFA et de l’UEFA relatives aux droits qui peuvent naître des compétitions de football professionnel interclubs organisées par ces entités, la Cour observe que ces règles sont, eu égard à leur teneur, aux buts qu’elles visent objectivement à atteindre à l’égard de la concurrence ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent, de nature non seulement à empêcher toute concurrence entre les clubs de football professionnel qui sont affiliés aux associations nationales de football membres de la FIFA et de l’UEFA, dans le cadre de la commercialisation des différents droits liés aux matches auxquels ceux-ci participent, mais également à affecter le fonctionnement de la concurrence au détriment d’entreprises tierces opérant sur un ensemble de marchés de médias ou de services situés en aval de cette commercialisation, au préjudice des consommateurs et des téléspectateurs.
Il s’ensuit que de telles règles ont pour objet d’empêcher ou de restreindre la concurrence sur les différents marchés concernés, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et constituent une « exploitation abusive » d’une position dominante au sens de l’article 102 TFUE, à moins que leur caractère ne soit justifié, notamment au regard de la réalisation des gains d’efficacité ainsi que du profit réservé aux utilisateurs. C’est ainsi à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de déterminer, d’une part, si la négociation de l’achat de ces droits auprès de deux vendeurs exclusifs permet aux acheteurs actuels ou potentiels de réduire les coûts de transactions ainsi que l’incertitude à laquelle ils seraient confrontés s’ils devaient négocier au cas par cas avec les clubs participants et, d’autre part, si le profit réalisé par la vente centralisée desdits droits permet d’assurer, de façon démontrée, une certaine forme de redistribution solidaire au sein du football au profit de l’ensemble des utilisateurs.
En quatrième et dernier lieu, la Cour constate que les règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction constituent une entrave à la liberté de prestation de services consacrée par l’article 56 TFUE. En effet, en permettant à la FIFA et à l’UEFA de contrôler, de façon discrétionnaire, la possibilité pour toute entreprise tierce d’organiser et de commercialiser des compétitions interclubs sur le territoire de l’Union, la possibilité pour tout club de football professionnel de participer à ces compétitions ainsi que, par ricochet, la possibilité pour toute autre entreprise de fournir des services liés à l’organisation ou à la commercialisation desdites compétitions, ces règles sont de nature non pas simplement à gêner ou à rendre moins attrayantes les différentes activités économiques concernées, mais bien à les empêcher, en limitant l’accès de tout nouvel arrivant à celles-ci. Par ailleurs, l’absence de critère objectif, non discriminatoire et connu à l’avance encadrant ces règles ne permet pas de considérer l’adoption de ces dernières comme étant justifiées par un objectif légitime d’intérêt général.
{1} Arrêts du 21 décembre 2023, International Skating Union/Commission (C-124/21), et du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club (C-680/21).
Arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company (C-333/21) (cf. points 64-66)
L’Union des associations européennes de football (UEFA) est une association de droit suisse dont les principales missions consistent à surveiller et à contrôler le développement du football, sous toutes ses formes, à l’échelle européenne. Elle chapeaute les différentes associations nationales de football européennes responsables de l’organisation du football dans leur État - dont l’Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA) pour la Belgique. Ces associations, en tant que membres de l’UEFA, sont obligées de respecter les statuts, les règlements et les décisions de celle-ci ainsi que de les faire observer, dans l’État dont elles relèvent, par les ligues professionnelles qui leur sont subordonnées ainsi que par les clubs et les joueurs.
En 2005, l’UEFA a adopté des règles prévoyant que les clubs de football professionnel qui participent à ses compétitions internationales de football interclubs doivent inscrire sur la feuille de match un nombre maximum de 25 joueurs dont 8 au minimum doivent être des « joueurs formés localement », définis comme des joueurs qui, indépendamment de leur nationalité, ont été formés pendant au moins trois ans par leur club ou par un autre club affilié à la même association nationale de football (ci-après les « règles relatives aux "joueurs formés localement"). Sur ces 8 joueurs, au moins 4 doivent avoir été formés par le club qui les inscrit. En 2011, l’URBSFA a introduit dans son règlement des règles relatives aux « joueurs formés localement », définis comme des joueurs qui, indépendamment de leur nationalité, ont été formés pendant au moins trois ans par un club belge.
UL est un joueur de football qui possède la nationalité d’un pays tiers, ainsi que la nationalité belge. Il exerce une activité professionnelle en Belgique où il a joué pour le Royal Antwerp, un club de football professionnel basé en Belgique, puis pour un autre club de football professionnel en Belgique.
Estimant que les règles relatives aux « joueurs formés localement » sont contraires aux dispositions du traité FUE, UL et le Royal Antwerp ont saisi la Cour Belge d’arbitrage pour le Sport (CBAS) d’une demande d’indemnisation du dommage causé par ces règles. Ces demandes ayant été rejetées par cette dernière, UL et le Royal Antwerp ont saisi le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), la juridiction de renvoi, d’un recours en annulation de la sentence arbitrale.
Dans ce contexte, cette juridiction a décidé de saisir la Cour de différentes questions préjudicielles visant à savoir, en substance, si les règles relatives aux « joueurs formés localement », adoptées par l’UEFA et l’URBSFA, peuvent être qualifiées d’« accord entre entreprises », de « décision d’association d’entreprises » ou de « pratique concertée » à caractère anticoncurrentiel, au sens de l’article 101 TFUE. Elle s’interroge également sur la conformité des règles adoptées par l’URBSFA avec la liberté de circulation des travailleurs garantie à l’article 45 TFUE.
Par son arrêt, prononcé le même jour que deux autres arrêts{1} concernant l’application du droit économique de l’Union aux règles instituées par des fédérations sportives internationales, la Cour, réunie en grande chambre, apporte des précisions sur l’application des articles 45 et 101 TFUE aux règles adoptées par des fédérations sportives en ce qui concerne la composition des équipes, la participation des joueurs à celles-ci ainsi que la formation de ces derniers.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour observe, en premier lieu, que les règles relatives aux « joueurs formés localement » relèvent du champ d’application des articles 45 et 101 TFUE. À cet égard, elle rappelle que, dans la mesure où l’exercice d’un sport constitue une activité économique, il relève des dispositions du droit de l’Union qui sont applicables en présence d’une telle activité, exception faite de certaines règles spécifiques qui, d’une part, ont été adoptées exclusivement pour des motifs d’ordre non économique et qui, d’autre part, portent sur des questions intéressant uniquement le sport en tant que tel. Or, les règles en cause au principal, qu’elles émanent de l’UEFA ou de l’URBSFA, ne relèvent pas d’une telle exception. En effet, elles concernent des activités économiques. En outre, bien que ces règles ne régissent pas formellement les conditions de travail des joueurs, elles doivent être considérées comme ayant une incidence directe sur ce travail en ce qu’elles soumettent à certaines conditions, dont le non-respect est assorti de sanctions, la composition des équipes pouvant participer aux compétitions de football interclubs ainsi que, en conséquence, la participation des joueurs eux-mêmes à ces compétitions.
Abordant, en second lieu, les conséquences susceptibles d’être attachées à l’article 165 TFUE - qui énonce tant les objectifs qui sont assignés à l’action de l’Union dans le domaine du sport que les moyens auxquels il peut être recouru pour contribuer à la réalisation de ces objectifs -, la Cour observe que cette disposition ne constitue pas une règle spéciale soustrayant le sport à tout ou partie des autres dispositions du droit primaire de l’Union susceptibles d’être appliquées à celui-ci ou qui imposerait de lui réserver un traitement particulier dans le cadre de cette application. Elle rappelle, par ailleurs, que les indéniables spécificités qui caractérisent l’activité sportive peuvent être prises en compte, entre autres éléments et pour autant qu’elles s’avèrent pertinentes, lors de l’application des articles 45 et 101 TFUE, étant observé, toutefois, que cette prise en compte ne peut s’opérer que dans le cadre et dans le respect des conditions ainsi que des critères d’application prévus à chacune de ces dispositions.
À la lumière de ces observations, la Cour se penche, dans un premier temps, sur la question de savoir si les règles de l’UEFA et de l’URBSFA relatives aux « joueurs formés localement » sont compatibles avec l’article 101 TFUE.
À cet égard, elle précise, tout d’abord, que les règles en cause au principal doivent être qualifiées de « décision d’association d’entreprises » en ce que, d’une part, elles émanent de l’UEFA et l’URBSFA, qui sont des associations d’entreprises, et, d’autre part, elles ont une incidence directe sur les conditions d’exercice de l’activité économique des entreprises qui en sont directement ou indirectement membres.
Ensuite, pour ce qui est de savoir si ces règles ont un objet anticoncurrentiel, la Cour relève, en premier lieu, que, par leur contenu, elles paraissent imposer aux clubs de football professionnel qui participent à des compétitions de football interclubs relevant de ces associations d’inscrire sur la feuille de match un nombre minimum de « joueurs formés localement » sous peine de sanctions. Ce faisant, ces règles paraissent limiter, par leur nature même, la possibilité qu’ont ces clubs d’inscrire sur cette feuille des joueurs ne répondant pas à de telles exigences. En deuxième lieu, pour ce qui est du contexte économique et juridique dans lequel ces règles s’insèrent, il ressort des spécificités du football professionnel, notamment son importance sociale, culturelle et médiatique ainsi que le fait que ce sport repose sur l’ouverture et le mérite sportif, qu’il est légitime, pour des associations telles que l’UEFA et l’URBSFA, d’adopter des règles relatives, notamment, à l’organisation des compétitions dans cette discipline, à leur bon déroulement et à la participation des sportifs à celles-ci et, plus particulièrement, d’encadrer les conditions dans lesquelles les clubs de football professionnel peuvent constituer les équipes participant à des compétitions interclubs dans leur ressort territorial. En troisième lieu, quant au but que les règles en cause au principal visent à atteindre, celles-ci paraissent limiter ou contrôler un des paramètres essentiels de la concurrence, à savoir le recrutement de joueurs de talent, quels qu’aient été le club et le lieu où ils ont été formés, susceptibles de permettre à leur équipe de l’emporter lors de l’affrontement avec l’équipe adverse. Cette limitation est de nature à avoir une incidence sur la concurrence à laquelle peuvent se livrer les clubs non seulement sur le « marché amont ou d’approvisionnement » que constitue, sous l’angle économique, le recrutement des joueurs, mais également sur le « marché aval » que constituent
, sous le même angle, les compétitions de football interclubs.
Néanmoins, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra, à la lumière de ces précisions et compte tenu de l’ensemble des arguments et des éléments de preuve soumis par les parties, de déterminer si les règles en cause au principal présentent, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour pouvoir être regardées comme ayant pour « objet » de restreindre la concurrence. Dans la négative, cette juridiction devra ensuite déterminer si ces règles peuvent être considérées comme ayant pour effet, actuel ou potentiel, de restreindre la concurrence sur le marché concerné.
Enfin, pour ce qui est du point de savoir si ces règles peuvent être justifiées ou bénéficier d’une exemption, la Cour rappelle que certains comportements particuliers, tels des règles éthiques ou déontologiques adoptées par une association, sont susceptibles de ne pas tomber sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE même s’ils ont pour effets inhérents de restreindre la concurrence, pour autant qu’ils se justifient par la poursuite d’objectifs légitimes d’intérêt général dénués, en soi, de caractère anticoncurrentiel et que la nécessité et le caractère proportionné des moyens mis en œuvre à cet effet aient été dûment établis.
Elle précise cependant que cette jurisprudence ne saurait trouver à s’appliquer en présence de comportements qui présentent un degré de nocivité justifiant de considérer qu’ils ont pour « objet » même d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, sans préjudice de l’éventuel bénéfice d’une exemption en application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, pour autant que les conditions requises à cet effet soient réunies, ce qui appartient à la partie se prévalant d’une telle exemption de démontrer.
S’agissant de cette exemption, la Cour rappelle que, pour pouvoir y prétendre, le comportement considéré doit permettre, avec un degré de probabilité suffisant, la réalisation de gains d’efficacité tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable des profits qui résultent de ces gains, sans imposer de restrictions qui ne sont pas indispensables à la réalisation de tels gains et sans éliminer toute concurrence effective pour une partie substantielle des produits ou des services concernés. Il appartiendra à la juridiction de renvoi, si elle estime que les règles relatives aux joueurs formés localement ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, d’apprécier si ces conditions sont remplies en l’occurrence.
Dans un second temps, quant à la question de savoir si les règles de l’URBSFA relatives aux « joueurs formés localement » sont compatibles avec l’article 45 TFUE, la Cour constate que ces règles portent, à première vue, atteinte à la liberté de circulation des travailleurs. En effet, elles reposent sur un lien de rattachement à caractère « national » en ce que, d’une part, elles définissent les « joueurs formés localement » comme étant ceux qui ont été formés au sein d’un club « belge ». D’autre part, elles imposent aux clubs de football professionnel qui souhaitent participer aux compétitions de football interclubs relevant de l’URBSFA d’inclure dans la liste de leurs joueurs et d’inscrire sur la feuille de match un nombre minimum de joueurs répondant aux conditions requises pour pouvoir être qualifiés de la sorte. Il s’ensuit que de telles règles sont susceptibles de défavoriser les joueurs de football professionnel qui souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un État membre, à savoir la Belgique, autre que leur État membre d’origine, et qui ne remplissent pas les conditions exigées par ces règles. Dans cette mesure, ces règles sont susceptibles d’engendrer une discrimination indirecte aux dépens des joueurs provenant d’un autre État membre, en ce qu’elles risquent de jouer principalement au détriment de ces derniers.
Pour ce qui est de l’existence d’une éventuelle justification, la Cour rappelle que des mesures d’origine non étatique peuvent être admises, alors même qu’elles entravent une liberté de circulation consacrée par le traité FUE, si deux conditions cumulatives sont remplies, ce qu’il appartient à l’auteur de ces mesures de démontrer. Ainsi, premièrement, l’adoption de ces mesures doit poursuivre un objectif légitime d’intérêt général compatible avec le traité et, partant, de nature autre que purement économique, et, deuxièmement, ces mesures doivent respecter le principe de proportionnalité, ce qui implique qu’elles soient aptes à garantir la réalisation de cet objectif et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci.
En l’occurrence, l’objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs de football professionnel constitue un tel objectif légitime d’intérêt général. Quant à l’aptitude de ces règles à garantir la réalisation de cet objectif, celle-ci doit être appréciée, notamment, au regard du fait que, en mettant sur le même plan l’ensemble des jeunes joueurs qui ont été formés par n’importe quel club affilié à l’association nationale de football en cause, lesdites règles pourraient ne pas constituer des incitations réelles et significatives, pour certains de ces clubs, en particulier ceux dotés de ressources financières significatives, à recruter, en vue de les former eux-mêmes, de jeunes joueurs. Au contraire, une telle politique de recrutement et de formation est placée sur le même plan que le recrutement de jeunes joueurs déjà formés par tout autre club également affilié à cette association, quelle que soit la localisation de cet autre club dans le ressort territorial de ladite association. Or, c’est précisément l’investissement local dans la formation des jeunes joueurs, en particulier lorsqu’il est le fait de petits clubs, le cas échéant en partenariat avec d’autres clubs d’une même région, de dimension éventuellement transfrontalière, qui contribue à l’accomplissement de la fonction sociale et éducative du sport.
Cela étant, la Cour rappelle que c’est à la seule juridiction de renvoi qu’il incombe en définitive d’apprécier si les règles de l’URBSFA remplissent les conditions précédemment énoncées, au vu des arguments et des éléments de preuve produits par les parties.
{1} Arrêts du 21 décembre 2023, International Skating Union/Commission (C-124/21), et du 21 décembre 2023, European Superleague Company (C-333/21).
Arrêt du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club (C-680/21) (cf. points 35-37)
Saisie à titre préjudiciel par l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne), la grande chambre de la Cour précise la portée de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 concernant les transferts de déchets{1}, aux termes duquel les déchets produits à bord de véhicules, de trains, d’avions et de navires sont exclus du champ d’application de ce règlement jusqu’à ce qu’ils soient débarqués en vue de leur valorisation ou de leur élimination. Dans ce cadre, la Cour confirme, en outre, que cet article 1er, paragraphe 3, sous b), peut être interprété de manière conforme à la convention de Bâle{2}.
Fragilisé par un incendie qui s’était déclaré en haute mer au cours d’un voyage entre les États-Unis et la Belgique, le porte-conteneurs MSC Flaminia (ci-après le « Flaminia ») a été remorqué au port de Wilhelmshaven en Allemagne.
En raison de la présence, à bord du Flaminia, de déchets sous forme de ferraille et d’eau d’extinction mêlée de boues et de résidus de cargaison produits dans le cadre de l’incendie, les autorités allemandes ont exigé du propriétaire du Flaminia (ci-après « Conti ») d’engager une procédure de notification et de consentement écrits préalables au titre du règlement no 1013/2006 en ce qui concerne le transfert de ces déchets vers un chantier de réparation en Roumanie. Après qu’une partie des déchets, constituée d’eaux d’extinction, a été débarquée dans le port de Wilhelmshaven afin d’être transférée vers le port d’Odense (Danemark), le Flaminia a poursuivi son voyage vers la Roumanie, avec la partie des déchets qui n’a pas été déchargée. Ce dernier transfert avait pour objet, à l’issue de la clôture de cette procédure de notification et de consentement écrits préalables, la valorisation ou l’élimination des déchets restés sur le navire.
Estimant notamment que, en lui imposant d’engager ladite procédure de notification et de consentement écrits préalables, les autorités allemandes avaient méconnu la dérogation prévue à l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, Conti a saisi le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne) d’un recours en réparation du préjudice que l’engagement de cette procédure lui aurait causé.
En réponse à une demande de décision préjudicielle introduite par cette juridiction, la Cour a dit pour droit, dans son arrêt Conti 11{3}, que des résidus, sous forme de ferraille et d’eau d’extinction mêlée de boues et de résidus de cargaison dus à une avarie survenue en haute mer à bord d’un navire, doivent être considérés comme étant des déchets produits à bord de navires, au sens de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, qui sont, partant, exclus du champ d’application de ce règlement jusqu’à ce qu’ils soient débarqués en vue de leur valorisation ou de leur élimination.
Faisant suite à cet arrêt préjudiciel, le tribunal régional de Munich I a partiellement accueilli la demande en réparation de Conti. Saisi en appel, le tribunal régional supérieur de Munich émet néanmoins des doutes sur la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, tel qu’interprété dans l’arrêt Conti 11, au regard de la convention de Bâle. Ainsi, il a décidé d’interroger la Cour sur la validité et l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 au regard de cette convention.
Appréciation de la Cour
Après avoir déclaré la question sur la validité de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006 recevable, la Cour rappelle que les actes de droit dérivé de l’Union doivent être interprétés, dans la mesure du possible, en conformité avec les accords internationaux conclus par l’Union.
L’article 6 de la convention de Bâle établit une procédure de notification et de consentement écrits préalables, qui s’applique à tout transfert de déchets relevant de son champ d’application. Si l’article 1er, paragraphe 4, de ladite convention exclut de son champ d’application les déchets provenant de l’« exploitation normale » d’un navire, la Cour précise que cette disposition ne saurait être interprétée d’une manière qui remet en cause la réalisation des objectifs poursuivis par la même convention, à savoir la protection de la santé humaine et de l’environnement, énoncés, notamment, au quatrième alinéa du préambule de la convention de Bâle.
En vertu de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, tel qu’interprété dans l’arrêt Conti 11, les déchets produits à bord d’un navire à la suite de son avarie survenue en haute mer sont exclus du champ d’application de ce règlement et, par conséquent, exemptés de la procédure de notification et de consentement écrits préalables prévue dans ce dernier, jusqu’à ce qu’ils soient débarqués en vue de leur valorisation ou de leur élimination. Cette exclusion se justifie par le caractère soudain et imprévisible de la production de ce type de déchets, rendant en pratique impossible ou excessivement difficile la connaissance, en temps utile, par le responsable du navire concerné, des informations nécessaires aux fins d’une application correcte des règles relatives à la procédure de notification et de consentement écrits préalables. Néanmoins, cette exclusion ne s’applique que tant que les déchets concernés n’ont pas quitté le navire pour être transférés en vue de leur valorisation ou de leur élimination.
Or, la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement no 1013/2006, à savoir la protection de la santé humaine et de l’environnement, impose nécessairement de considérer que, lorsque, comme dans le litige au principal, une partie de ces déchets a été débarquée dans un port sûr en vue de sa valorisation ou de son élimination, les déchets qui sont restés sur ce navire, en vue de leur transfert vers un autre port afin qu’ils soient éliminés ou valorisés, ne bénéficient plus de la dérogation prévue à l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006.
En effet, d’une part, l’objectif consistant à assurer une gestion rationnelle des déchets et à en réduire les mouvements au minimum compatible avec une gestion efficace et écologiquement rationnelle de ceux-ci, qui est énoncé à l’article 4, paragraphe 2, sous c), de la convention de Bâle et repris au considérant 8 du règlement no 1013/2006, serait compromis si le responsable du navire concerné disposait, après le débarquement d’une partie de ces déchets dans un port sûr, d’une marge d’appréciation quant au déclenchement de la procédure de notification et de consentement écrits préalables pour le transfert des déchets restés à bord du navire.
D’autre part, l’application de la procédure de notification et de consentement écrits préalables au transfert des déchets restés sur le navire concerné contribue à la réalisation de l’objectif de responsabilisation des producteurs de déchets dans leur gestion écologiquement rationnelle, dès lors que le responsable du navire ayant débarqué une partie des déchets devra opter pour un transfert des déchets restés sur ce navire qui réponde au mieux aux exigences de protection de l’environnement et de la santé humaine.
Cette interprétation s’impose à plus forte raison lorsque, à la suite d’un incendie, des déchets ont fusionné avec le navire, rendant particulièrement difficile, voire impossible, une individualisation stricte de ces déchets. Dans cette situation, l’application de la procédure de notification et de consentement écrits préalables au navire lui-même impose au responsable de celui-ci d’opter pour un transfert permettant son démantèlement d’une manière sûre et écologiquement rationnelle.
Eu égard à ces considérations, la Cour conclut que l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement no 1013/2006, en ce sens que l’exception qui y est prévue ne s’applique que jusqu’au débarquement dans un port sûr de tout ou partie des déchets produits à bord d’un navire à la suite d’une avarie en haute mer, et non pas au transfert consécutif des déchets qui sont restés sur ce navire vers un autre port en vue de leur valorisation ou de leur élimination, est conforme à l’article 1er, paragraphe 4, de la convention de Bâle, dès lors qu’elle ne compromet pas l’objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement poursuivi par cette convention.
Dans ces circonstances, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire d’apprécier si sont satisfaites, en l’espèce, les conditions lui permettant de contrôler la validité d’un acte de l’Union au regard des dispositions d’un accord international qui lie celle-ci, à savoir, d’une part, si la nature et l’économie de cet accord s’opposent à un tel contrôle et, d’autre part, si les dispositions du même accord, invoquées aux fins de ce contrôle, apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises.
{1} Règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets (JO 2006, L 190, p. 1).
{2} Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, signée à Bâle le 22 mars 1989, approuvée, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 93/98/CEE du Conseil, du 1er février 1993 (JO 1993, L 39, p. 1, ci-après la « convention de Bâle »).
{3} Arrêt du 16 mai 2019, Conti 11. Container Schiffahrt (C-689/17, ci-après l’« arrêt Conti 11 », EU:C:2019:420).
Arrêt du 21 janvier 2025, Conti 11. Container Schiffahrt II (C-188/23) (cf. points 37, 38)
Saisie à titre préjudiciel par le Landgericht Dortmund (tribunal régional de Dortmund, Allemagne, ci-après la « juridiction de renvoi »), la Cour, réunie en grande chambre, se prononce sur la question de savoir dans quelle mesure le droit national peut exclure la possibilité, pour les personnes s’estimant lésées par une infraction au droit de la concurrence, de céder leurs droits à réparation à un prestataire de services juridiques pour que celui-ci exerce une action groupée en dommages et intérêts.
En 2009, l’autorité allemande de la concurrence a adopté une décision relative aux engagements visant notamment le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et concernant une entente sur les prix dans le secteur du bois rond.
Un ensemble de scieries établies en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg, considérant avoir subi un préjudice en raison de l’entente en cause, ont cédé leurs droits indemnitaires à un prestataire de services juridiques, qui a saisi la juridiction de renvoi d’une action groupée en dommages et intérêts en son nom propre, mais pour leur compte. Cependant, conformément à une interprétation jurisprudentielle de la réglementation allemande applicable, une telle action groupée n’est pas admise dans le domaine de la réparation du préjudice causé par une infraction présumée au droit de la concurrence.
La juridiction de renvoi estime toutefois que l’action groupée en recouvrement est la seule voie de droit prévue par le droit allemand qui permettrait d’assurer la mise en œuvre effective du droit à réparation dans les affaires d’ententes.
Dans ce contexte, elle pose trois questions préjudicielles visant, en substance, à savoir si le droit national peut exclure, dans le contentieux relevant du droit de la concurrence, l’action groupée en recouvrement, lorsque l’absence de voie de droit équivalente rendrait pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice d’une action en réparation, en particulier pour des dommages de faible montant concernant un nombre élevé de personnes lésées.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour déclare irrecevable la première question préjudicielle, qui porte sur l’hypothèse dans laquelle les personnes s’estimant lésées par une infraction au droit de la concurrence souhaiteraient céder leurs droits à réparation aux fins d’une action groupée en dommages et intérêts consécutive à une décision définitive d’une autorité de concurrence constatant une telle infraction (action dite « follow-on »).
En effet, une décision relative aux engagements, telle que celle adoptée en l’espèce par l’autorité allemande de la concurrence, ne contient aucune constatation définitive quant à une violation des articles 101 et 102 TFUE. En conséquence, la première question préjudicielle n’a manifestement aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.
La Cour examine ensuite si le droit de l’Union s’oppose à l’interprétation d’une réglementation nationale qui a pour effet d’empêcher les personnes prétendument lésées par une infraction au droit de la concurrence de céder leurs droits à réparation à un prestataire de services juridiques pour que celui-ci les fasse valoir, de manière groupée, dans le cadre d’une action en dommages et intérêts « autonome », c’est-à-dire une action en dommages et intérêts qui ne fait pas suite à une décision définitive et contraignante, notamment en ce qui concerne l’établissement des faits, d’une autorité de concurrence constatant une telle infraction (action dite « stand-alone »).
Elle commence par rappeler que le droit à réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence a été codifié à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2014/104{1}, qui prévoit que les États membres veillent à ce que toute personne lésée soit en mesure de demander et d’obtenir réparation intégrale de ce préjudice. Aux termes du considérant 4 de cette directive, ce droit à réparation exige de chaque État membre qu’il dispose de règles procédurales garantissant l’exercice effectif du même droit, exigence qui découle également du droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
À cet égard, la directive 2014/104 énonce certaines règles relatives aux actions en dommages et intérêts visant à ce que toute personne ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence puisse effectivement exercer son droit à réparation intégrale. Dans ce contexte, cette directive définit la notion d’« action en dommages et intérêts » comme incluant l’action introduite par une personne physique ou morale qui a succédé dans les droits de la partie prétendument lésée, y compris la personne qui a racheté la demande. Ainsi, la directive 2014/104 envisage la possibilité qu’une telle action soit introduite par une tierce personne à laquelle le droit de la partie prétendument lésée de demander réparation a été cédé.
Cependant, la Cour observe que la directive 2014/104 ne comporte aucune obligation pour les États membres d’instituer un mécanisme d’action groupée en recouvrement, tel que celui en cause au principal, ni ne régit les conditions de validité d’une cession par la personne lésée, dans la perspective d’une telle action groupée, de son droit à réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence. Par conséquent, tant l’institution d’un tel mécanisme que les conditions de validité d’une telle cession relèvent des modalités d’exercice de ce droit à réparation, lesquelles ne sont pas régies par la directive 2014/104, mais relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.
En l’espèce, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la conformité au principe d’effectivité ainsi qu’au droit à une protection juridictionnelle effective d’une interprétation jurisprudentielle du droit national empêchant les personnes qui s’estiment lésées par une infraction au droit de la concurrence d’avoir recours à l’action groupée en recouvrement. À cet égard, elle indique qu’une action groupée est la seule voie permettant à ces personnes de faire valoir collectivement leur droit à réparation, tandis qu’une action individuelle ne leur permettrait pas d’exercer ce droit de manière effective, eu égard à son caractère particulièrement complexe, long et coûteux.
Sur ce point, la Cour souligne que c’est à la seule juridiction de renvoi qu’il incombe de vérifier si l’interprétation susvisée a pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à réparation du préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence. La juridiction de renvoi doit toutefois tenir compte de l’ensemble des éléments pertinents afférents aux modalités prévues par le droit national pour l’exercice dudit droit à réparation.
Partant, l’interprétation du droit allemand excluant l’action groupée en recouvrement pour un préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence ne serait contraire au droit de l’Union que si la juridiction de renvoi concluait que, d’une part, les autres mécanismes collectifs prévus par le droit national ne permettraient pas de faire valoir de manière effective le droit à réparation des personnes lésées et, d’autre part, les conditions d’exercice d’une action individuelle prévues par le droit national rendent impossible ou excessivement difficile l’exercice de ce droit à réparation et portent ainsi atteinte à leur droit à une protection juridictionnelle effective.
La Cour précise néanmoins que les coûts de procédure inhérents à une action individuelle en dommages et intérêts ne permettent pas de conclure à eux seuls que l’exercice du droit à réparation serait rendu pratiquement impossible ou excessivement difficile dans le cadre d’une telle action. Pour parvenir à cette conclusion, la juridiction de renvoi devrait en effet identifier des éléments concrets du droit national faisant obstacle à l’exercice de ces actions individuelles.
La Cour ajoute que, si ladite juridiction constatait que l’action groupée en recouvrement constitue, dans l’affaire au principal, la seule voie procédurale qui permette aux scieries concernées de faire valoir de manière effective leur droit à la réparation, un tel constat serait sans préjudice de l’application des dispositions nationales régissant l’activité des prestataires de services juridiques afin, notamment, de garantir la qualité de ces services ainsi que le caractère objectif et proportionné des rémunérations de tels prestataires, et de prévenir les conflits d’intérêts et les comportements procéduraux abusifs.
S’agissant, enfin, des conséquences à tirer de l’éventuel constat, par la juridiction de renvoi, d’une non-conformité des dispositions nationales en cause au droit à une protection juridictionnelle effective, cette juridiction devra d’abord déterminer, en prenant en considération l’ensemble du droit national et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, s’il lui est possible de donner aux dispositions pertinentes une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union, sans pour autant procéder à une interprétation contra legem de ces dispositions. Ce n’est que si aucune interprétation conforme ne s’avère possible que lesdites dispositions devraient être laissées inappliquées par la juridiction de renvoi.
{1} Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (JO 2014, L 349, p. 1).
Arrêt du 28 janvier 2025, ASG 2 (C-253/23) (cf. points 56-59)
Ordonnance du 24 octobre 2019, Topaz (C-211/17) (cf. points 37, 38)
Ordonnance du 16 janvier 2020, Telecom Italia e.a. (C-368/19) (cf. points 35, 36)
Ordonnance du 30 juin 2020, Airbnb Ireland et Airbnb Payments UK (C-723/19) (cf. points 16-18)
Ordonnance du 26 novembre 2020, Colt Technology Services e.a. (C-318/20) (cf. points 12-14)
Ordonnance du 21 janvier 2021, UNMLibres (C-105/20) (cf. points 25, 26)
Ordonnance du 16 décembre 2021, Comune di Venezia (C-467/21) (cf. points 31, 32)
Arrêt du 10 novembre 2022, Zenith Media Communications (C-385/21) (cf. points 26-30)
Ordonnance du 31 mars 2023, ASADE (C-676/20) (cf. point 61)
207. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Absence - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 octobre 2015, Târșia (C-69/14) (cf. points 14, 19, 21, 22)
Arrêt du 16 juin 2016, Pebros Servizi (C-511/14) (cf. point 32)
Arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Medius (C-495/19) (cf. points 21-26)
208. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 octobre 2015, East Sussex County Council (C-71/14) (cf. points 48, 49)
Ordonnance du 7 juillet 2016, M. (C-129/15) (cf. point 19)
Ordonnance du 25 mai 2020, Resopre (C-643/19) (cf. point 19)
209. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situation purement interne - Demande d'interprétation de dispositions du droit national applicables uniquement à l'égard d'entreprises établies dans l'État membre de la juridiction de renvoi - Dispositions relevant du champ d'application de la réglementation de l'Union en matière de marchés publics - Compétence de la Cour
La Cour n’est, en principe, pas compétente pour répondre à une question posée à titre préjudiciel lorsqu’il est manifeste que la règle du droit de l’Union soumise à son interprétation ne peut trouver à s’appliquer. S’agissant d’une demande d’interprétation d’une obligation prévue par le droit national en matière de passation des marchés publics, le fait que cette obligation n’est pas applicable aux entreprises établies dans des États membres autres que l’État membre de la juridiction de renvoi est sans incidence sur la compétence de la Cour. En effet, aucun élément des directives 89/665, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, et 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ne permet de considérer que l’applicabilité de leurs dispositions dépendrait de l’existence d’un lien effectif avec la libre circulation entre les États membres. En effet, lesdites directives ne subordonnent l’assujettissement des procédures de passation des marchés publics à leurs dispositions à aucune condition tenant à la nationalité ou au lieu d’établissement des soumissionnaires.
Arrêt du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme (C-203/14) (cf. points 29, 30)
210. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 octobre 2015, Capoda Import-Export (C-354/14) (cf. points 25, 27)
Ordonnance du 20 février 2024, Getin Noble Bank (C-34/23) (cf. points 32, 33)
211. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Directive procédant à une harmonisation complète - Absence de motif d'irrecevabilité
La question de savoir s’il n’y a pas lieu d’interpréter l'article 34 TFUE au motif que la directive 2007/46, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, aurait procédé à une harmonisation complète ne constitue pas un motif d’irrecevabilité et doit être appréciée dans le cadre de la réponse à apporter aux questions préjudicielles.
Arrêt du 6 octobre 2015, Capoda Import-Export (C-354/14) (cf. point 26)
212. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question soulevée à propos d'un marché public ne relevant pas du champ d'application de la réglementation de l'Union - Inclusion au vu de l'intérêt transfrontalier certain du marché
Le fait qu'une juridiction nationale a formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions seulement du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige.
S’agissant d’une question préjudicielle visant l’interprétation de la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, même si le marché public en cause est d’une valeur inférieure au seuil d’application pertinent de cette directive, il convient de considérer que la procédure de passation en cause est néanmoins soumise aux règles fondamentales et aux principes généraux du traité FUE, en particulier aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité ainsi qu’à l’obligation de transparence qui en découle, dès lors que la juridiction de renvoi admet l’application au litige dont elle est saisie des principes du droit de l’Union et constate, dans ce contexte, l’existence d’un intérêt transfrontalier certain.
Arrêt du 22 octobre 2015, Impresa Edilux et SICEF (C-425/14) (cf. points 20-23)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 4 avril 2019, Allianz Vorsorgekasse (C-699/17) (cf. points 49, 50)
213. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Question concernant un marché public relevant du champ d'application de la réglementation de l'Union - Inclusion au vu de l'intérêt transfrontalier certain du marché
La circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige.
À cet égard, s’agissant d’une question d’interprétation relative à l’une des dispositions de la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, une telle question est recevable, même si elle est posée dans le cadre d’un litige dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, dès lors que la valeur du marché concerné dépasse clairement le seuil d’application pertinent de la directive 2004/18 et que ce marché présente un intérêt transfrontalier certain.
Arrêt du 17 novembre 2015, RegioPost (C-115/14) (cf. points 46, 49, 51)
214. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Existence d'un éventuel intérêt transfrontalier - Existence d'éléments permettant une réponse utile
Ainsi qu’il résulte de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, celle-ci doit pouvoir trouver dans une demande de décision préjudicielle un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ainsi que du lien existant notamment entre ces données et ces questions. Dès lors, la constatation des éléments nécessaires permettant la vérification de l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, de même que, de façon générale, l’ensemble des constatations auxquelles il incombe aux juridictions nationales de procéder et dont dépend l’applicabilité d’un acte de droit dérivé ou du droit primaire de l’Union, devrait être réalisée préalablement à la saisine de la Cour.
Cependant, en raison de l’esprit de coopération qui préside aux rapports entre les juridictions nationales et la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle, l’absence de telles constatations préalables par la juridiction de renvoi relatives à l’existence d’un éventuel intérêt transfrontalier certain ne conduit pas nécessairement à l’irrecevabilité de la demande si la Cour, eu égard aux éléments qui ressortent du dossier, estime qu’elle est en mesure de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi. Tel est notamment le cas lorsque la décision de renvoi contient suffisamment d’éléments pertinents pour l’appréciation de l’existence éventuelle d’un tel intérêt.
Arrêt du 17 décembre 2015, UNIS (C-25/14 et C-26/14) (cf. points 28, 29)
En matière préjudicielle, l’existence d’un intérêt transfrontalier certain doit être appréciée sur la base de l’ensemble des critères pertinents, tels que l’importance économique du marché, le lieu géographique de son exécution ou ses aspects techniques, en ayant égard aux caractéristiques propres du marché concerné. À cet égard, ainsi qu’il résulte de l’article 94 du règlement de procédure, la Cour doit pouvoir trouver dans une demande de décision préjudicielle un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ainsi que du lien existant notamment entre ces données et ces questions. Dès lors, la constatation des éléments nécessaires permettant la vérification de l’existence d’un intérêt transfrontalier certain devrait être réalisée, par la juridiction de renvoi, préalablement à la saisine de la Cour.
Arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa (C-458/14 et C-67/15) (cf. points 66, 68)
Ordonnance du 8 juin 2017, Lg Costruzioni (C-110/16) (cf. points 25, 26)
215. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 décembre 2015, Tall (C-239/14) (cf. point 34)
216. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles - Protocole concernant l'interprétation de la convention par la Cour de justice - Juridictions nationales habilitées à saisir la Cour à titre préjudiciel - Tribunal régional allemand statuant en première instance - Exclusion - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 13 janvier 2016, Raiffeisen Privatbank Liechtenstein (C-397/15) (cf. points 14-21)
217. Politique commerciale commune - Défense contre les pratiques de dumping - Pouvoir d'appréciation des institutions - Respect des garanties procédurales - Contrôle juridictionnel - Limites
Voir le texte de la décision.
218. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Disposition nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 23 février 2016, Garzón Ramos et Ramos Martín (C-380/15) (cf. points 20-28 et disp.)
219. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale ne constituant pas une mise en œuvre du droit de l'union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 25 février 2016, Aiudapds (C-520/15) (cf. points 18-21, 23 et disp.)
220. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité d'une décision n'ayant pas été attaquée sur le fondement de l'article 263 TFUE - Recours au principal introduit par une société n'étant pas à l'évidence recevable à agir en annulation - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 septembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C-212/19) (cf. points 31-36)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 22 juin 2023, VITOL (C-268/22) (cf. points 34-35, 50)
221. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d'application - Inclusion - Condition - Nécessité pour la juridiction nationale d'indiquer l'existence d'un tel renvoi - Absence de telle indication - Incompétence manifeste de la Cour
Le règlement nº 1259/2010, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, ne détermine que les règles de conflit de lois applicables en matière de divorce et de séparation de corps, mais ne régit pas la reconnaissance, dans un État membre, d’une décision de divorce ayant déjà été prononcée. En revanche, c’est le règlement nº 2201/2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement nº 1347/2000, qui arrête, notamment, les règles en matière de reconnaissance et d’exécution de décisions en matière matrimoniale. Il n’est toutefois pas applicable à de telles décisions prononcées dans un État tiers. Dès lors, la reconnaissance d’une décision de divorce rendue dans un État tiers ne relève pas du droit de l’Union.
Dans une situation où ni les dispositions du règlement nº 1259/2010, évoquées par la juridiction nationale, ni celles du règlement nº 2201/2003, ni aucun autre acte juridique de l’Union ne sont applicables au litige au principal, une interprétation, par la Cour, de dispositions du droit de l’Union se justifie lorsque des dispositions de ce dernier ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national à la suite soit d’un renvoi direct ou indirect, afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union. La Cour est, dès lors, appelée à vérifier s’il existe des indications suffisamment précises pour pouvoir établir ce renvoi au droit de l’Union.
Toutefois, il n’appartient pas à la Cour de prendre l’initiative de fournir une interprétation du droit de l’Union s’il ne ressort pas de la demande de décision préjudicielle que la juridiction nationale démontre effectivement une telle applicabilité. Tel n’est pas le cas lorsque la juridiction nationale se place dans l’hypothèse de l’applicabilité du règlement nº 1259/2010 aux faits au principal sans qu’aucune autre indication ne soit fournie pour établir l’applicabilité du règlement nº 1259/2010 ou d’autres dispositions du droit de l’Union auxdits faits.
Ordonnance du 12 mai 2016, Sahyouni (C-281/15) (cf. points 19, 20, 22, 23, 27, 28, 30, 31)
222. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Nécessité d'une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 26 mai 2016, NN (L) International (C-48/15) (cf. point 21)
223. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation du droit de l'Union dans un litige portant sur des faits antérieurs à l'adhésion d'un État à l'Union européenne - Exclusion
La Cour de justice n’est compétente pour interpréter le droit de l’Union, pour ce qui concerne l’application de celui-ci dans un nouvel État membre, qu’à partir de la date d’adhésion de ce dernier à l’Union européenne.
Ordonnance du 2 juin 2016, Grodecka (C-50/16) (cf. point 14)
224. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Application de la réglementation nationale pertinente - Hypothèses émises par les parties - Absence de prise en considération
Dans le cadre d'un renvoi préjudiciel, la juridiction de renvoi est seule compétente pour constater et apprécier les faits du litige dont elle est saisie ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national. En effet, la Cour doit en principe limiter son examen aux éléments d’appréciation que la juridiction de renvoi a décidé de lui soumettre. S’agissant de l’application de la réglementation nationale pertinente, la Cour doit, dès lors, s’en tenir à la situation que ladite juridiction considère comme établie et elle ne saurait être liée par des hypothèses émises par l’une des parties au principal.
Arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck (C-479/14) (cf. point 36)
225. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Appréciation de la législation nationale
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 juin 2016, New Valmar (C-15/15) (cf. point 25)
Arrêt du 21 septembre 2016, Etablissements Fr. Colruyt (C-221/15) (cf. point 15)
Arrêt du 27 février 2019, Associação Peço a Palavra e.a. (C-563/17) (cf. point 36)
226. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Vérification de la compétence de la juridiction de renvoi pour connaître de l'affaire au principal - Exclusion
En matière préjudicielle, il n’appartient à la Cour, eu égard à la répartition des fonctions entre elle et les juridictions nationales, ni de vérifier si la décision par laquelle elle a été saisie a été prise conformément aux règles d’organisation et de procédure du droit national, ni, partant, de rejeter une demande préjudicielle au motif de la prétendue incompétence de la juridiction de renvoi pour connaître de l’affaire au principal.
Arrêt du 22 juin 2016, Mennens (C-255/15) (cf. points 13, 15)
227. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d'application - Inclusion - Condition - Nécessité pour la juridiction nationale d'indiquer l'existence d'un tel renvoi - Absence d'une telle indication - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 28 juin 2016, Italsempione - Spedizioni Internazionali (C-450/15) (cf. points 15-24)
228. Coopération judiciaire en matière pénale - Compétence de la Cour - Questions préjudicielles - Question portant sur l'interprétation d'une convention adoptée sur le fondement du titre VI du traité UE - Demande d'interprétation ne mentionnant pas l'article 35 UE mais se référant seulement à l'article 267 TFUE - Compétence pour fournir cette interprétation
Le fait qu'une décision de renvoi portant sur l'interprétation de la Convention d'application de l'accord de Schengen, convention qui relève du titre VI du traité UE dans sa version antérieure au traité de Lisbonne, ne mentionne pas l'article 35 UE, mais se réfère à l'article 267 TFUE ne saurait, à lui seul, entraîner l'incompétence de la Cour pour répondre aux questions posées.
Arrêt du 29 juin 2016, Kossowski (C-486/14) (cf. point 27)
229. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Convention internationale ne liant pas l'Union - Instruments du Conseil de l'Europe - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 30 juin 2016, Câmpean (C-200/14) (cf. point 34)
230. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Situation juridique nationale présentant un élément de rattachement au droit de l'Union - Compétence de la Cour retenue
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 30 juin 2016, Toma (C-205/15) (cf. points 22-24, 27, 28)
Arrêt du 8 novembre 2016, Lesoochranárske zoskupenie VLK (C-243/15) (cf. points 50-53, 65)
231. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen des faits constatés par un arbitre dans le cadre d'une procédure arbitrale ainsi que de l'interprétation d'un accord de licence par celui-ci - Inadmissibilité
Il n’incombe pas à la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle de revoir les faits constatés par un arbitre unique, dans le cadre d'une procédure arbitrale, ni l’interprétation d’un accord de licence que celui-ci a effectuée au regard du droit national applicable.
Arrêt du 7 juillet 2016, Genentech (C-567/14) (cf. point 38)
232. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Existence d'un éventuel intérêt transfrontalier - Existence d'éléments permettant une réponse utile - Absence - Irrecevabilité manifeste
Doit être déclarée manifestement irrecevable une demande de décision préjudicielle relative à une procédure de passation d’un marché public de fournitures dont la valeur ne dépasse pas le seuil fixé par la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, telle que modifiée par le règlement nº 1251/2011, dès lors que la juridiction nationale n’a fourni aucun élément permettant à la Cour de disposer d’informations concernant l’existence d’un intérêt transfrontalier certain. Or, ainsi qu’il résulte de l’article 94 du règlement de procédure, celle-ci doit pouvoir trouver dans une demande de décision préjudicielle un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ainsi que du lien existant notamment entre ces données et ces questions. Dès lors, la constatation des éléments nécessaires permettant la vérification de l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, de même que, de façon générale, l’ensemble des constatations auxquelles il incombe aux juridictions nationales de procéder et dont dépend l’applicabilité d’un acte de droit dérivé ou du droit primaire de l’Union, devrait être réalisée préalablement à la saisine de la Cour.
À ce sujet, si, certes, il est des cas dans lesquels la Cour, sans information expresse fournie à cet égard par la juridiction de renvoi, peut déduire des éléments de la décision de renvoi l’existence éventuelle d’un intérêt transfrontalier certain, il en va différemment lorsque, en l’absence de tout élément de cette nature dans la décision de renvoi, la Cour considère qu’elle ne saurait se livrer à une telle déduction. Dans ces circonstances, la Cour se trouve dans l’impossibilité d’apporter une réponse utile aux questions posées par la juridiction de renvoi en vue de la solution du litige dont celle-ci est saisie, ce qui constitue l’objectif de la coopération établie à l’article 267 TFUE.
Ordonnance du 7 juillet 2016, M. (C-129/15) (cf. points 29-32 et disp.)
Ordonnance du 23 novembre 2017, Olympus Italia (C-486/17) (cf. points 19-23)
Ordonnance du 17 octobre 2018, Beny Alex (C-353/18) (cf. points 29-32)
Ordonnance du 12 novembre 2020, Novart Engineering (C-170/20) (cf. points 36-39)
Ordonnance du 12 décembre 2023, Hera Luce (C-407/23) (cf. points 21, 26)
Ordonnance du 5 juillet 2024, EUROCASH1 (C-788/23) (cf. points 26-28)
233. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Questions portant sur la validité d'une communication de la Commission dépourvue d'effets contraignants mais impliquant l'interprétation de plusieurs dispositions du droit de l'Union - Recevabilité
Sont recevables des questions préjudicielles relatives à la validité de la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière, communication dépourvue d’effets de droit directement à l’égard des tiers dès lors que ces questions portent sur la conformité à plusieurs dispositions du droit de l’Union de la condition de répartition des charges associant les actionnaires et les créanciers subordonnés que la Commission a posée dans cette communication, afin de pouvoir considérer, en application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, que les aides d’État accordées dans le secteur bancaire sont compatibles avec le marché intérieur.
Arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C-526/14) (cf. points 31-34)
234. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Présentation, au cours de la procédure devant la Cour, d'un cadre factuel différent de celui décrit dans le jugement de renvoi - Obligation de la Cour de se tenir au cadre factuel ressortant du jugement de renvoi
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 21 juillet 2016, Argos Supply Trading (C-4/15) (cf. point 29)
235. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Interprétation du droit national - Nécessité d'une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 28 juillet 2016, Astone (C-332/15) (cf. point 24)
236. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Absence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 septembre 2016, Petruhhin (C-182/15) (cf. points 20, 23, 24)
Arrêt du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a. (C-532/15 et C-538/15) (cf. points 26-28)
Arrêt du 7 décembre 2017, López Pastuzano (C-636/16) (cf. points 19-21)
Arrêt du 27 juin 2018, Deha Altiner et Ravn (C-230/17) (cf. points 22, 23)
Arrêt du 19 novembre 2020, ZW (C-454/19) (cf. points 22-25)
Un juge du Pesti Központi Kerületi Bíróság (tribunal central d’arrondissement de Pest, Hongrie) est saisi de poursuites pénales contre un ressortissant suédois. Lors de la première audition par l’autorité d’enquête, le prévenu, qui ne connaît pas le hongrois et a été assisté par un interprète de langue suédoise, a été informé des soupçons pesant sur lui. Toutefois, aucune information n’existe sur la sélection de l’interprète, sur la vérification de ses compétences ou sur le fait que lui et le prévenu se comprenaient. En effet, aucun registre officiel de traducteurs et d’interprètes n’existe en Hongrie et la réglementation hongroise ne précise pas qui peut être désigné à ce titre dans les procédures pénales, ni selon quels critères. Dès lors, selon le juge saisi, ni l’avocat ni le juge ne seraient en mesure de vérifier la qualité de l’interprétation. Dans de telles conditions, il estime qu’il pourrait être porté atteinte au droit du prévenu d’être informé de ses droits et à ses droits de la défense.
C’est ainsi que ce juge a décidé d’interroger la Cour sur la compatibilité de la réglementation hongroise avec la directive 2010/64{1}, concernant le droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, et la directive 2012/13{2}, relative au droit à l’information dans le cadre des telles procédures. En cas d’incompatibilité, il demande, en outre, si la procédure pénale peut être poursuivie en l’absence du prévenu, une telle procédure étant prévue en droit hongrois, dans certains cas, lorsque celui-ci ne se présente pas à l’audience.
Après cette saisine initiale de la Cour, la Kúria (Cour suprême, Hongrie) a statué sur un pourvoi dans l’intérêt de la loi formé par le procureur général hongrois contre la décision de renvoi et a jugé celle-ci comme étant illégale, sans cependant affecter les effets juridiques de cette décision, au motif, en substance, que les questions posées n’étaient pas pertinentes et nécessaires pour la solution du litige concerné. Sur la base des mêmes motifs que ceux sous-tendant la décision de la Kúria (Cour suprême), une procédure disciplinaire, entretemps retirée, a été engagée contre le juge de renvoi. Nourrissant des doutes quant à la conformité au droit de l’Union d’une telle procédure ainsi que de la décision de la Kúria (Cour suprême) et quant à l’impact de celle-ci sur la suite de la procédure pénale au principal, le juge précité a introduit une demande de décision préjudicielle complémentaire à cet égard.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour, réunie en grande chambre, juge que le système de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, établi par l’article 267 TFUE, s’oppose à ce qu’une juridiction suprême nationale constate, à la suite d’un pourvoi dans l’intérêt de la loi, l’illégalité d’une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction inférieure, sans affecter les effets juridiques de la décision de renvoi, au motif que les questions posées ne sont pas pertinentes et nécessaires pour la solution du litige au principal. En effet, un tel contrôle de légalité s’apparente au contrôle de la recevabilité d’une demande de décision préjudicielle, pour lequel la Cour est exclusivement compétente. En outre, un pareil constat d’illégalité est de nature, d’une part, à fragiliser l’autorité des réponses que la Cour fournira et, d’autre part, à limiter l’exercice de la compétence des juridictions nationales de s’adresser à la Cour à titre préjudiciel, et, par conséquent, est susceptible de restreindre la protection juridictionnelle effective des droits que les particuliers tirent du droit de l’Union.
Dans de telles conditions, le principe de primauté du droit de l’Union impose à la juridiction inférieure d’écarter la décision de la juridiction suprême de l’État membre concerné. N’entame en rien cette conclusion le fait que, par la suite, la Cour peut éventuellement déclarer irrecevables les questions préjudicielles posées par cette juridiction inférieure.
Dans un deuxième temps, la Cour constate que le droit de l’Union s’oppose à une procédure disciplinaire engagée contre un juge national pour avoir saisi la Cour à titre préjudiciel, la seule perspective d’y être exposé pouvant porter atteinte au mécanisme prévu à l’article 267 TFUE, ainsi qu’à l’indépendance du juge, qui est essentielle au bon fonctionnement de ce mécanisme. Par ailleurs, une telle procédure est susceptible de dissuader l’ensemble des juridictions nationales d’introduire des renvois préjudiciels, ce qui pourrait compromettre l’application uniforme du droit de l’Union.
Enfin, dans un troisième temps, la Cour examine les obligations incombant aux États membres, en vertu de la directive 2010/64, au regard de l’interprétation et de la traduction dans le cadre des procédures pénales. À cet égard, les États membres doivent adopter des mesures concrètes assurant, d’une part, que la qualité de l’interprétation et des traductions soit suffisante pour que le suspect ou la personne poursuivie comprenne l’accusation portée à son encontre. La création d’un registre de traducteurs ou d’interprètes indépendants constitue, à cet égard, un des moyens de poursuite de cet objectif. D’autre part, les mesures adoptées par les États membres doivent permettre aux juridictions nationales de vérifier la qualité suffisante de l’interprétation, afin que le caractère équitable de la procédure et l’exercice des droits de la défense soient garantis.
À l’issue de cette vérification, une juridiction nationale peut conclure que, en raison d’une interprétation inadéquate ou de l’impossibilité d’établir la qualité de celle-ci, une personne n’a pas été informée de l’accusation portée contre elle dans une langue qu’elle comprend. Dans de telles circonstances, les directives 2010/64 et 2012/13, lues à la lumière des droits de la défense, au sens de l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’opposent à ce que la procédure pénale soit poursuivie par défaut.
{1} Directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (JO 2010, L 280, p. 1).
{2} Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1).
Saisie à titre préjudiciel par le Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark), la Cour précise, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public divisé en lots, la portée des principes de transparence et d’égalité de traitement, ainsi que celle de l’interdiction de négociation qui en découle.
Staten og Kommunernes Indkøbsservice A/S (ci-après « SKI »), une centrale d’achat qui est la propriété de l’État danois et du Kommunernes Landsforening (Fédération des municipalités du Royaume de Danemark), a lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la conclusion d’un accord-cadre relatif à la fourniture notamment de matériel de bibliothèque. Le cahier des charges de cet appel d’offres énonçait que les marchés relatifs aux livres et partitions danois sont répartis géographiquement en deux lots (Ouest et Est). Il indiquait également que le lot 2 (Ouest) serait attribué au soumissionnaire qui aura présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, tandis que le lot 1 (Est) reviendrait à celui qui aura présenté la deuxième offre économiquement la plus avantageuse, à la condition qu’il accepte d’exécuter ce lot au prix du soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse. À l’expiration du délai de dépôt des offres et conformément aux modalités précitées définies au cahier des charges{1}, SKI a attribué à BibMedia le lot 2 (Ouest) et a proposé d’attribuer à AVM le lot 1 (Est), à la condition qu’elle accepte de livrer les fournitures et d’effectuer les prestations prévues à ce lot au prix que BibMedia avait proposé et dont elle avait été informée.
À la suite d’un recours formé par AVM devant la Klagenævnet for Udbud (Commission des recours en matière de marchés publics, Danemark), cette dernière a considéré que SKI avait violé la loi danoise sur les marchés publics au motif que le cahier des charges était contraire à l’interdiction de négociation, qui découle des principes d’égalité de traitement et de transparence. SKI a introduit un recours juridictionnel contre cette décision devant le Retten i Glostrup (tribunal municipal de Glostrup, Danemark), qui l’a renvoyé devant l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark), la juridiction de renvoi.
Dans ce contexte, la cour d’appel de la région Est a interrogé la Cour sur la question de savoir, en substance, si l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24{2} doit être interprété en ce sens que les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à cette disposition s’opposent à ce que, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public divisé en lots, le soumissionnaire ayant présenté la deuxième offre économiquement la plus avantageuse se voie, conformément aux modalités définies dans les documents de marché, attribuer un lot à condition qu’il accepte de livrer les fournitures et d’effectuer les prestations relatives à ce lot au même prix que celui proposé par le soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse et qui s’est vu, par conséquent, attribuer un autre lot, plus important, de ce marché.
Appréciation de la Cour
Après avoir rappelé que les principes d’égalité de traitement et de transparence s’opposent à toute négociation entre le pouvoir adjudicateur et un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure de passation de marché public, ce qui implique que, en principe, une offre ne peut pas être modifiée après son dépôt, que ce soit à l’initiative du pouvoir adjudicateur ou du soumissionnaire, la Cour considère qu’une modalité de passation de marché public telle que celle exposée dans le cahier des charges de l’appel d’offres en cause au principal ne comporte aucun élément de négociation.
À cet égard, elle relève qu’une telle modalité de passation de marché public garantit, pour l’attribution de l’ensemble des lots du marché, le respect du critère du prix le plus bas sans possibilité pour le pouvoir adjudicateur de déroger à ce critère ou d’inviter un soumissionnaire à modifier son offre, puisque ce pouvoir adjudicateur doit se fonder sur les prix proposés avant l’expiration du délai de dépôt des offres et respecter, tout au long de cette procédure, l’ordre de classement qui résulte de ces offres de prix.
Dans une telle procédure de passation, ce sont en effet les prix proposés avant l’expiration du délai de dépôt des offres qui déterminent directement et définitivement le classement des soumissionnaires. Dans ce classement, le soumissionnaire ayant offert le prix le plus bas occupe la première place et son prix est celui auquel le marché sera, dans son intégralité, conclu.
La Cour précise que la possibilité, donnée par le cahier des charges au soumissionnaire qui présente la deuxième offre économiquement la plus avantageuse, de se voir attribuer un lot du marché découle uniquement, ainsi qu’il ressort expressément des documents de marché, du fait qu’il occupe la deuxième place dans le classement issu des prix proposés dans les offres.
Le point de savoir si cette possibilité est utilisée ou non dépend de la décision dudit soumissionnaire d’accepter ou non d’exécuter le lot en question au prix du soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse. Cette condition fait partie des modalités de la procédure d’attribution formulées dans le cahier des charges de l’appel d’offres. Dans le cas où le soumissionnaire ayant présenté la deuxième offre économiquement la plus avantageuse n’accepte pas de s’aligner sur ce prix, il incombe au soumissionnaire occupant le troisième rang dans le classement issu des prix proposés dans les offres de prendre position sur ce point, et ainsi de suite dans l’ordre de classement des offres tant qu’aucun des soumissionnaires n’accepte de s’aligner sur le prix de l’offre présentée par le soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse. Si tous les soumissionnaires classés du deuxième au dernier rang refusent d’exécuter ce lot à ce prix, le soumissionnaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse se voit attribuer l’ensemble des lots du marché.
Ainsi, aucune des décisions susceptibles d’être prises par les soumissionnaires classés du deuxième au dernier rang n’implique une modification des offres qu’ils avaient déposées avant l’expiration du délai prévu à cet effet ou une négociation avec le pouvoir adjudicateur. En effet, aucun soumissionnaire n’a la possibilité de changer, par une modification de son offre ou par une négociation quelconque, sa place dans le classement ou le prix auquel sera conclu le contrat relatif à un lot quelconque du marché.
La Cour en déduit qu’une modalité de passation telle que celle en cause au principal relève, sans méconnaissance des principes d’égalité de traitement et de transparence, du cas prévu par la directive relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, à savoir celui dans lequel un pouvoir adjudicateur décide d’attribuer un marché sous la forme de lots distincts, en précisant dans les documents de marché s’il est permis de soumettre une offre pour un seul lot, pour plusieurs lots ou pour tous les lots et en indiquant quels critères objectifs et non discriminatoires seront appliqués pour déterminer l’attribution des lots.
Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour dit pour droit que les principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à la directive ne s’opposent pas à ce que, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public divisé en lots, le soumissionnaire ayant présenté la deuxième offre économiquement la plus avantageuse se voie, conformément aux modalités définies dans les documents de marché, attribuer un lot à condition qu’il accepte de livrer les fournitures et d’effectuer les prestations relatives à ce lot au même prix que celui proposé par le soumissionnaire qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse et qui s’est vu, par conséquent, attribuer un autre lot, plus important, de ce marché.
{1} Point 3.1.1 du cahier des charges.
{2} Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65, ci-après « directive relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services »).
Arrêt du 13 juin 2024, BibMedia (C-737/22) (cf. points 25, 28)
237. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée - Demande ne fournissant pas de manière suffisamment détaillée le contexte factuel et réglementaire - Impossibilité pour la Cour de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi - Irrecevabilité manifeste
Une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable lorsqu’elle se limite à mentionner une décision d’une autorité nationale de garantie des communications adoptée à la suite de modifications législatives aux fins d’étendre aux régies publicitaires qui négocient des espaces publicitaires sur Internet et aux sociétés dont le siège est établi à l’étranger l’obligation de présenter une déclaration économique systématique, mais que ni la portée, ni le contenu, ni les modalités de l’obligation dont le champ d’application a été étendu ne sont explicités dans cette demande.
Il est, en effet, essentiel que la demande de décision préjudicielle indique la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer dans l’affaire au principal et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente, afin de permettre aux intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice ainsi qu’à la Cour d’apprécier la conformité de ladite obligation au droit de l’Union, eu égard notamment à sa nature, à son contenu et à sa portée.
Lorsque, dans une affaire dont l’objet porte sur une éventuelle entrave à une liberté fondamentale, la juridiction de renvoi n’a pas mis la Cour en mesure d’apprécier l’existence et l’ampleur d’une telle entrave et, le cas échéant, de procéder à l’examen de la justification de cette entrave, y compris, notamment, l’examen de la proportionnalité de cette dernière, la Cour n’est pas en mesure de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi. Notamment, si la protection de la concurrence et du pluralisme constituent, certes, des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des entraves à la libre prestation des services, seule une description suffisamment détaillée de la manière dont cet objectif est poursuivi par ladite décision permet à la Cour de vérifier si et dans quelle mesure celle-ci est apte et nécessaire à réaliser l’objectif d’intérêt général qu’elle poursuit.
Voir texte de la décision.
Ordonnance du 20 octobre 2022, IFAP (C-374/21) (cf. points 56-58, 65-69)
Ordonnance du 22 février 2018, Bisignani (C-125/17) (cf. points 29-32)
Ordonnance du 8 mai 2019, Mitliv Exim (C-9/19) (cf. points 15-18, 23-26 et disp.)
Ordonnance du 22 juin 2021, Mitliv Exim (C-81/20) (cf. points 28-36)
238. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Nécessité d'un litige pendant devant la juridiction de renvoi - Demandes formulées dans le cadre du recours au principal n'ayant pas été pleinement satisfaites - Réponse de la Cour demeurant utile pour la solution du litige au principal
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C-165/14) (cf. points 24-32)
239. Politique sociale - Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée - Directive 1999/70 - Champ d'application - Différences de traitement entre certaines catégories de travailleurs à durée déterminée - Exclusion - Question relevant du droit national et non du droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Une différence de traitement entre certaines catégories de personnel à durée déterminée qui est fondée non pas sur la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail, mais sur le caractère statutaire ou contractuel de celle-ci, ne relève pas du principe de non-discrimination consacré par l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, qui figure en annexe de la directive 1999/70 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée.
Ainsi, la différence de traitement entre le personnel statutaire occasionnel et les travailleurs comparables employés dans le cadre de contrats de travail occasionnels relève-t-elle uniquement du droit national, dont l’interprétation appartient exclusivement à la juridiction nationale.
Dans ces conditions, la Cour est manifestement incompétente pour répondre à la question de savoir si la clause 4 de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui refuse toute indemnité de résiliation du contrat de travail au personnel statutaire occasionnel alors qu’une telle indemnité est pourtant allouée aux travailleurs comparables employés dans le cadre de contrats de travail occasionnels.
Arrêt du 14 septembre 2016, Pérez López (C-16/15) (cf. points 62, 66, 68, 69)
240. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Validité d'un règlement de classement tarifaire applicable par analogie à des produits suffisamment analogues à ceux visés par ce règlement - Recevabilité
Lorsqu’une juridiction nationale doute de la validité d’un règlement de classement tarifaire qu’elle doit appliquer par analogie à des produits suffisamment analogues à ceux visés par ce règlement, il est justifié qu’elle adresse à la Cour une demande de décision préjudicielle en appréciation de la validité de celui-ci.
Arrêt du 22 septembre 2016, Kawasaki Motors Europe (C-91/15) (cf. point 39)
241. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Question d'interprétation ayant déjà reçu une réponse dans une espèce analogue - Admissibilité d'une nouvelle demande
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 22 septembre 2016, Nokia Italia e.a. (C-110/15) (cf. point 22)
242. Questions préjudicielles - Recevabilité - Demande n'exposant pas les raisons justifiant le renvoi à la Cour - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 29 septembre 2016, Essent Belgium (C-492/14) (cf. points 40-42)
243. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Identification des éléments pertinents de droit de l'Union - Absence de référence dans la demande de renvoi - Absence d'incidence
La circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé sa demande préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige.
Arrêt du 29 septembre 2016, Essent Belgium (C-492/14) (cf. point 43)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige (C-549/15) (cf. point 72)
Arrêt du 4 octobre 2018, L.E.G.O. (C-242/17) (cf. point 43)
244. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Compétence de la Cour - Dispositions du droit dérivé modifiées par un acte d'adhésion - Exclusion
La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente pour connaître de la validité de l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 469/2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, tel que modifié par l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Croatie et aux adaptations du traité sur l’Union européenne, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique.
En effet, l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE attribue compétence à la Cour pour statuer, à titre préjudiciel, tant sur l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union que sur la validité de ces actes. Tel n’est pas le cas s’agissant des adaptations figurant en annexe d’un acte d’adhésion qui font l’objet d’un accord entre les États membres ainsi que l’État demandeur et qui ne constituent pas un acte d’une institution, mais sont des dispositions de droit primaire qui ne peuvent être suspendues, modifiées ou abrogées que selon les procédures prévues pour la révision des traités originaires. À cet égard, l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 1768/92, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, a été inséré dans celui-ci par l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne. Le règlement nº 469/2009 a codifié le règlement nº 1768/92, de sorte que l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 1768/92 est devenu l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 469/2009.
Arrêt du 5 octobre 2016, F. Hoffmann-La Roche (C-572/15) (cf. points 26, 27, 29, 30, 33, disp. 1)
245. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Situation juridique nationale présentant un élément de rattachement au droit de l'Union - Compétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 6 octobre 2016, Paoletti e.a. (C-218/15) (cf. points 13-20)
246. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Existence d'un éventuel intérêt transfrontalier - Existence d'éléments permettant une réponse utile - Absence - Irrecevabilité
Doit être déclarée irrecevable une demande de décision préjudicielle relative à une procédure de passation d’un marché public de travaux dont la valeur ne dépasse pas le seuil fixé par la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, telle que modifiée par le règlement nº 1251/2011, dès lors que la juridiction nationale n’a fourni aucun élément permettant à la Cour de disposer d’informations concernant l’existence d’un intérêt transfrontalier certain. À cet égard, l’existence d’un intérêt transfrontalier certain ne saurait être déduite hypothétiquement de certains éléments qui, considérés de manière abstraite, pourraient constituer des indices en ce sens, mais doit ressortir de manière positive d’une appréciation concrète des circonstances du marché en cause. Plus particulièrement, la juridiction nationale ne peut se contenter de soumettre à la Cour des éléments qui permettent de ne pas exclure l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, mais doit au contraire fournir les données de nature à en prouver l’existence.
Arrêt du 6 octobre 2016, Tecnoedi Costruzioni (C-318/15) (cf. points 22, 23, 27 et disp.)
247. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence de la Cour - Questions préjudicielles - Qualification d'"action judiciaire" au sens de l'article 66, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001 - Demande de remboursement formée dans le cadre d'un nouvel examen d'une action initiale en conséquence de l'annulation de la décision revêtue de la force de chose jugée, résultat de cette action - Inclusion - Recevabilité
Une demande de remboursement, formée dans le cadre d'un nouvel examen d'une action initiale en conséquence de l'annulation de la décision, revêtue de la force de chose jugée, à laquelle cette action a abouti, doit être qualifiée d'action judiciaire, au sens de l'article 66, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. En effet, si les solutions adoptées par le droit interne des États membres peuvent diverger pour ce qui concerne les modalités de mise en œuvre du principe de l'autorité de la chose jugée, le fait que, selon les règles procédurales nationales pertinentes, une telle décision soit passée en force de chose jugée est suffisant pour considérer qu'un recours ultérieur visant à faire valoir en justice un droit au titre d'un enrichissement sans cause contre la partie adverse relève de la notion d'action judiciaire, au sens de cette disposition.
248. Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale - Règlement nº 44/2001 - Champ d'application temporel - État membre ayant adhéré à l'Union européenne en 2004 - Demande de remboursement formée en 2008 dans le cadre d'un nouvel examen d'une action initiale en conséquence de l'annulation d'une décision revêtue de la force de chose jugée, résultat de cette action - Introduction de l'action initiale avant l'entrée en vigueur du règlement - Absence d'incidence - Applicabilité du règlement dans le cadre d'une demande préjudicielle
S’agissant de l’applicabilité ratione temporis du règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dès lors que toutes les questions posées au titre d'une demande de décision préjudicielle concernent l’action judiciaire fondée sur un enrichissement sans cause introduite par le demandeur au cours de l’année 2008, une telle action relève du champ d’application temporel de ce règlement.
249. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Actes pris par les institutions - Norme technique harmonisée adoptée sur le fondement d'une directive et publiée au Journal officiel de l'Union européenne - Inclusion
L’article 267, premier alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens que la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour interpréter à titre préjudiciel une norme harmonisée au sens de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 89/106, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction, telle que modifiée par la directive 93/68, et dont les références ont été publiées par la Commission européenne au Journal officiel de l'Union européenne, série C.
En effet, la Cour est compétente pour interpréter des actes qui, certes ont été adoptés par des organes ne pouvant être qualifiés d’institutions, d’organes ou d’organismes de l’Union, mais qui présentaient néanmoins la nature de mesures de mise en œuvre ou d’application d’un acte de droit de l’Union, une telle solution étant justifiée par l’objet même de l’article 267 TFUE, qui a pour fonction d’assurer l’application uniforme, dans l’Union, de toutes les dispositions qui font partie de l’ordre juridique de l’Union, en vue d’éviter que leurs effets ne varient selon l’interprétation qui leur est donnée dans les différents États membres. Par ailleurs, le fait qu’un acte de droit de l’Union est dépourvu d’effet obligatoire ne constitue pas un obstacle à ce que la Cour statue, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, en vertu de l’article 267 TFUE, sur l’interprétation de cet acte.
S’agissant d’une norme harmonisée, adoptée sur le fondement de la directive 89/106 et dont les références ont fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, celle-ci fait partie du droit de l’Union, dès lors que c’est par référence aux dispositions d’une telle norme qu’il est déterminé si la présomption de conformité établie à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 89/106 s’applique, ou non, à un produit déterminé. À cet égard, s’il est vrai que la conformité d’un produit de construction aux exigences essentielles contenues dans la directive 89/106 peut être attestée, le cas échéant, par des moyens autres que la preuve de la conformité à des normes harmonisées, cela ne saurait remettre en cause l’existence des effets de droit attachés à une norme harmonisée. De même, si l’élaboration d’une telle norme harmonisée est certes confiée à un organisme de droit privé, elle constitue néanmoins une mesure de mise en œuvre nécessaire et strictement encadrée des exigences essentielles définies par cette directive, réalisée à l’initiative et sous la direction ainsi que le contrôle de la Commission, et ses effets de droit sont soumis à la publication préalable par cette dernière de ses références au Journal officiel de l’Union européenne, série C.
250. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée - Demande fournissant suffisamment d'éléments sur le contexte factuel et réglementaire - Possibilité pour la Cour de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 octobre 2016, Audace e.a. (C-114/15) (cf. points 37-41)
Ordonnance du 21 novembre 2017, Kerr (C-615/16) (cf. points 20-23)
251. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Situation juridique ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 10 novembre 2016, Pardue (C-321/16) (cf. points 14-21 et disp.)
252. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétences attribuées à l'Union - Question concernant le principe de la responsabilité extracontractuelle de l'État pour des violations du droit de l'Union - Inclusion
Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, la Cour peut uniquement interpréter le droit de l’Union dans les limites des compétences qui lui sont attribuées.
S’agissant d’un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation du principe de la responsabilité extracontractuelle de l’État pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables, ce principe est inhérent à l’ordre juridique de l’Union. Les particuliers lésés ont un droit à réparation, au titre de cette responsabilité, dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle du droit de l’Union violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par les particuliers. La responsabilité extracontractuelle d’un État membre pour des dommages causés par la décision d’une juridiction statuant en dernier ressort qui viole une règle du droit de l’Union est régie par les mêmes conditions. Par conséquent, ce principe de la responsabilité extracontractuelle de l’État relève de la compétence interprétative de la Cour.
Arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C-268/15) (cf. points 40-43)
253. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Situation juridique ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 1er décembre 2016, Daouidi (C-395/15) (cf. points 61-64, 67, 68)
Ordonnance du 6 septembre 2022, Delgaz Grid (C-95/22) (cf. points 28-31)
254. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Inclusion - Conditions
Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible, notamment, que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que la disposition du droit de l’Union soumise à l’interprétation de la Cour ne peut trouver à s’appliquer.
À cet égard, pour autant que les demandes de décision préjudicielle concernent la compatibilité de la législation en cause au principal avec les dispositions du traité FUE en matière de libre prestation de services, il y a lieu de relever que celles-ci ne trouvent pas à s’appliquer à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. Les éléments concrets permettant d’établir un lien entre les articles du traité FUE en matière de libre prestation de services et l’objet ou les circonstances d’un litige, dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un État membre, doivent ressortir de la décision de renvoi.
Par conséquent, il appartient, dans le contexte d’une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, à la juridiction de renvoi d’indiquer à la Cour, conformément à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, en quoi, en dépit de son caractère purement interne, le litige pendant devant elle présente avec les dispositions du droit de l’Union relatives aux libertés fondamentales un élément de rattachement qui rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige.
Arrêt du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a. (C-532/15 et C-538/15) (cf. points 44-47)
255. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale régissant, de manière générale, certaines taxes dans le domaine de l'administration de la justice - Réglementation nationale n'ayant pas pour but de mettre en œuvre des dispositions du droit de l'Union - Situation juridique ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a. (C-532/15 et C-538/15) (cf. points 52, 54, 55)
256. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale ne constituant pas une mise en œuvre du droit de l'Union ou ne présentant pas d'autres éléments de rattachement à ce dernier - Incompétence manifeste de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a. (C-686/18) (cf. points 51-55)
Ordonnance du 8 décembre 2016, Marinkov (C-27/16) (cf. points 49, 50 et disp.)
257. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situation factuelle et juridique en cause dans le litige au principal ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Voir texte de la décision.
Arrêt du 16 décembre 2021, AB e.a. (Révocation d’une amnistie) (C-203/20) (cf. points 74, 75)
Ordonnance du 13 décembre 2016, Semeraro (C-484/16) (cf. points 30-45 et disp.)
258. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation d'une directive dans le cadre d'un litige né avant l'adhésion d'un État membre à l'Union européenne et continuant de produire des effets après cette adhésion - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 décembre 2016, Nemec (C-256/15) (cf. points 25-27)
Arrêt du 3 juillet 2019, UniCredit Leasing (C-242/18) (cf. points 32, 35)
259. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Saisine de la Cour européenne des droits de l'homme aux fins de lui poser une question préjudicielle - Absence
Par acte déposé le 20 décembre 2016, W a demandé, sur le fondement de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour, la réouverture de la procédure orale ainsi que la saisine par la Cour de la Cour européenne des droits de l’homme aux fins de lui poser une question préjudicielle. S’agissant, en premier lieu, de la demande de saisine de la Cour européenne des droits de l’homme, il y a lieu de souligner que la Cour n’est aucunement compétente, en vertu de l’article 83 de son règlement de procédure ou d’une autre disposition de ce règlement, pour procéder à une telle saisine.
Arrêt du 15 février 2017, W et V (C-499/15) (cf. points 32, 33)
260. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de la directive 2002/15 dans un litige relatif à une action en contestation d'un licenciement - Irrecevabilité
La demande de décision préjudicielle introduite par le Juzgado de lo Social nº 3 de Barcelona (tribunal du travail de Barcelone, Espagne) est irrecevable.
Il résulte ainsi d’une jurisprudence constante que le rejet d’une demande formée par une juridiction nationale peut notamment se justifier s’il est manifeste que le droit de l’Union ne saurait trouver à s’appliquer, ni directement ni indirectement, aux circonstances de l’espèce (arrêt du 7 juillet 2011, Agafiţei e.a., C-310/10, EU:C:2011:467, point 28).
À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il ressort de l’article 1er de la directive 2002/15 que celle-ci a pour objectif de fixer des prescriptions minimales relatives à l’aménagement du temps de travail, afin d’améliorer la protection de la sécurité et de la santé des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier ainsi que la sécurité routière et de rapprocher davantage les conditions de concurrence. D’autre part, conformément à l’article 3 de la directive 2002/15, les définitions prévues par celle-ci sont établies "aux fins de la présente directive". Ainsi, l’interprétation des notions de "travailleur mobile" et de "conducteur indépendant", définies à l’article 3, sous d) et e), de cette directive, ne saurait dépasser le champ d’application de ladite directive.
Or, force est de constater que le litige au principal, qui a trait à une action en contestation d’un licenciement, porte non pas sur une question relative à l’aménagement du temps de travail, mais sur le point de savoir si la personne concernée doit être qualifiée de "travailleur mobile" et donc de salarié aux fins de l’application du droit du travail national et, plus particulièrement, de la législation sur les licenciements.
Partant, il y a lieu de conclure qu’un litige tel que celui au principal ne relève pas du champ d’application de la directive 2002/15 et que les notions figurant à l’article 3, sous d) et e), de cette directive n’ont, par conséquent, pas vocation à s’appliquer à ce litige.
Arrêt du 2 mars 2017, Pérez Retamero (C-97/16) (cf. points 23, 25-28, 30 et disp.)
261. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Questions visant un acte de droit de l'Union, l'applicabilité dudit acte à l'affaire au principal étant contestée - Inclusion - Condition - Contestation indissociablement liée aux réponses à donner aux questions préjudicielles
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 mars 2017, X et X (C-638/16 PPU) (cf. points 35-37)
262. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité de l'inscription d'une entité sur la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme - Règlements d'exécution relatifs à ladite inscription n'ayant pas été attaqués sur le fondement de l'article 263 TFUE - Recours au principal introduit par des personnes n'étant pas à l'évidence recevables à agir en annulation - Recevabilité
Il s’ensuit qu’une demande de décision préjudicielle portant sur la validité d’un acte de l’Union ne peut être rejetée que dans l’hypothèse où, bien que le recours en annulation contre un acte de l’Union aurait été manifestement recevable, la personne physique ou morale susceptible d’introduire un tel recours s’est abstenue de le faire dans le délai imparti et invoque l’illégalité de cet acte dans le cadre d’une procédure nationale afin d’inciter la juridiction nationale à saisir la Cour de la demande de décision préjudicielle en question, portant sur la validité dudit acte, contournant ainsi le caractère définitif que revêt à son égard ledit acte après l’expiration du délai de recours (voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188/92, EU:C:1994:90, point 18, et du 15 février 2001, Nachi Europe, C-239/99, EU:C:2001:101, point 30).
Il n’est pas manifeste, au sens de la jurisprudence fondée sur les arrêts du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C-188/92, EU:C:1994:90), et du 15 février 2001, Nachi Europe (C-239/99, EU:C:2001:101), qu’auraient été recevables des recours en annulation formés, devant le Tribunal de l’Union européenne, par des personnes se trouvant dans une situation telle que celle des appelants au principal contre le règlement d’exécution (UE) nº 610/2010 du Conseil, du 12 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement nº 2580/2001 et abrogeant le règlement d’exécution (UE) nº 1285/2009 ou contre les actes de l’Union antérieurs à ce règlement d’exécution, relatifs à l’inscription de l’entité des "Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET)" sur la liste visée à l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
En effet, tout d’abord, les appelants au principal n’étaient pas eux-mêmes inscrits sur la liste de gel des fonds.
Ensuite, il n’est pas manifeste qu’ils étaient "individuellement" concernés par ces actes, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, l’inscription de l’entité des TLET sur la liste de gel des fonds revêt, à l’égard des personnes autres que cette entité, une portée générale en ce qu’elle contribue à imposer à un nombre indéterminé de personnes le respect de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de ladite entité (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C-402/05 P et C-415/05 P, EU:C:2008:461, points 241 à 244; du 29 juin 2010, E et F, C-550/09, EU:C:2010:382, point 51, et du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C-478/11 P à C-482/11 P, EU:C:2013:258, point 56).
Enfin, la situation des appelants au principal a été directement affectée, non pas par les actes de l’Union relatifs à cette inscription, mais par l’imposition de sanctions fondées uniquement sur la loi néerlandaise, laquelle a pris en compte, parmi d’autres éléments, ladite inscription.
Arrêt du 14 mars 2017, A e.a. (C-158/14) (cf. points 70, 72-75, disp. 1)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 20 juin 2019, K.P. (C-458/15) (cf. points 30-33)
263. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C-72/15) (cf. points 49-56)
264. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Compétence de la Cour - Acte adopté sur le fondement des dispositions relatives à la PESC - Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine - Contrôle juridictionnel limité au contrôle du respect de l'article 40 TUE et au contrôle de la légalité des mesures restrictives à l'encontre des personnes physiques ou morales
Les articles 19, 24 et 40 TUE, l’article 275 TFUE, ainsi que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens que la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer à titre préjudiciel, en vertu de l’article 267 TFUE, sur la validité d’un acte adopté sur le fondement des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), tel que la décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, telle que modifiée par la décision 2014/872/PESC du Conseil, du 4 décembre 2014, pour autant que la demande de décision préjudicielle porte soit sur le contrôle du respect de l’article 40 TUE par cette décision, soit sur le contrôle de la légalité des mesures restrictives à l’encontre des personnes physiques ou morales.
À cet égard, s'agissant en premier lieu, de la compétence de la Cour pour contrôler le respect de l'article 40 TUE, il convient de relever que les traités ne prévoient aucune modalité particulière pour effectuer un tel contrôle juridictionnel. Dans ces conditions, ce contrôle relève de la compétence générale que l'article 19 TUE confère à la Cour pour assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités. En prévoyant cette compétence générale, l'article 19, troisième paragraphe, sous b), TUE, indique, par ailleurs, que la Cour statue, à titre préjudiciel, à la demande des juridictions nationales, notamment sur la validité d'actes adoptés par les institutions de l'Union.
En second lieu, il convient de s'interroger sur la compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel en appréciation de la validité des décisions adoptées en matière de PESC, telles que la décision 2014/512, lorsqu'elles prévoient des mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales. Si, certes, l’article 47 de la Charte ne peut créer une compétence pour la Cour, lorsque les traités l’excluent, le principe de protection juridictionnelle effective implique toutefois que l’exclusion de la compétence de la Cour en matière de PESC soit interprétée de manière restrictive. Dès lors que la procédure qui permet à la Cour de statuer à titre préjudiciel tend à assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités, conformément à la fonction attribuée à cette institution en vertu de l’article 19, paragraphe 1, TUE, il serait contraire aux objectifs de cette dernière disposition ainsi que du principe de protection juridictionnelle effective d’interpréter restrictivement la compétence que l’article 275, second alinéa, TFUE, auquel se réfère l’article 24, paragraphe 1, TUE, confère à la Cour (voir, par analogie, arrêts du 27 février 2007, Gestoras Pro Amnistía e.a./Conseil, C-354/04 P, EU:C:2007:115, point 53; du 27 février 2007, Segi e.a./Conseil, C-355/04 P, EU:C:2007:116, point 53; du 24 juin 2014, Parlement/Conseil, C-658/11, EU:C:2014:2025, point 70; du 12 novembre 2015, Elitaliana/Eulex Kosovo, C-439/13 P, EU:C:2015:753, point 42, ainsi que du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission, C-455/14 P, EU:C:2016:569, point 40).
Dans ces conditions, pour autant que la Cour dispose, en vertu de l'article 24, paragraphe 1, TUE, et de l'article 275, second alinéa, TFUE, d’une compétence matérielle pour statuer sur la validité d’actes de l’Union, à savoir, notamment, lorsqu’il s’agit de mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, il irait à l’encontre de l’économie du système de protection juridictionnelle effective institué par les traités d’interpréter cette dernière disposition comme excluant la possibilité pour les juridictions des États membres d’interroger la Cour sur la validité des décisions du Conseil prévoyant l’adoption de telles mesures. En effet, la nécessaire cohérence du système de protection juridictionnelle exige, selon une jurisprudence constante, que le pouvoir de constater l’invalidité des actes des institutions de l’Union, soulevée devant une juridiction nationale, soit réservé à la Cour dans le cadre de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85, EU:C:1987:452, point 17, et du 6 octobre 2015, Schrems, C-362/14, EU:C:2015:650, point 62). La même conclusion s’impose en ce qui concerne des décisions en matière de PESC à l’égard desquelles les traités confèrent à la Cour une compétence de contrôle de légalité.
Arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C-72/15) (cf. points 62, 64, 74-76, 78, 81, disp. 1)
265. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine des libertés fondamentales - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Absence d'indication de l'élément de rattachement rendant l'interprétation sollicitée nécessaire à la solution du litige - Irrecevabilité manifeste
Voir texte de la décision.
Arrêt du 2 mars 2023, Bursa Română de Mărfuri (C-394/21) (cf. points 48-56)
Ordonnance du 27 avril 2017, Emmea et Commercial Hub (C-595/16) (cf. points 16-20, 22, 23)
Ordonnance du 31 mai 2018, Bán (C-24/18) (cf. points 14-19)
Ordonnance du 13 février 2020, Regione Veneto (C-468/19) (cf. points 41-43, 46, 47 et disp.)
Ordonnance du 25 mars 2021, Banco Santander (C-503/20) (cf. points 41-43)
Ordonnance du 31 mars 2023, ASADE (C-676/20) (cf. point 36)
Ordonnance du 17 avril 2023, Ferriere Nord e.a. (C-560/22) (cf. points 25-28)
Ordonnance du 7 décembre 2023, Caisse CIBTP du Grand Ouest (C-311/23) (cf. points 18-21, 24)
Ordonnance du 25 juin 2024, CARCDSF (C-401/23) (cf. points 13-15, 22)
266. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 juin 2017, T.KUP (C-349/16) (cf. points 16-18)
267. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation du droit de l'Union dans un contexte d'applicabilité seulement indirecte de celui-ci - Recevabilité, en l'espèce, des questions posées
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 juin 2017, Immo Chiaradia (C-444/16 et C-445/16) (cf. point 36)
268. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Vérification par la Cour de sa propre compétence - Question préjudicielle revêtant un caractère hypothétique - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 22 juin 2017, Fondul Proprietatea (C-556/15 et C-22/16) (cf. points 20, 21, 28, 29)
269. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de l'article 199, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 - Irrecevabilité
La demande de décision préjudicielle introduite par la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) est irrecevable.
Ce n’est que lorsque l’État membre concerné a choisi d’accorder à ses assujettis l’option prévue à l’article 137 de la directive 2006/112 et qu’un de ces assujettis a exercé cette option, pour des opérations relevant de l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de cette directive, que le mécanisme de l’autoliquidation peut être appliqué à ces opérations sur le fondement de l’article 199, paragraphe 1, sous c), de ladite directive.
Par conséquent, si les opérations en cause au principal, ou certaines d’entre elles, visent des biens immeubles, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112, à défaut pour la Roumanie d’avoir fait application, dans sa législation, de la faculté prévue à l’article 137, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/112 d’accorder à ses assujettis le droit d’opter pour la taxation de ces opérations ou en l’absence de demande expresse de M. Marcu, conformément à l’article 137 de cette directive, de voir appliquer la TVA à ces opérations, les conditions d’application de l’article 199, paragraphe 1, sous c), de ladite directive ne sont pas remplies et, par conséquent, le mécanisme de l’autoliquidation, tel que prévu par cette directive, ne saurait s’appliquer.
À supposer, en second lieu, que les opérations en cause au principal visent des biens immeubles, au sens de l’article 12, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2006/112, le mécanisme de l’autoliquidation ne saurait pas davantage s’appliquer auxdites opérations, car celles-ci ne figurent pas parmi les opérations limitativement visées à l’article 199, paragraphe 1, sous a) à g), de la directive 2006/112.
Arrêt du 6 juillet 2017, Marcu (C-392/16) (cf. points 47, 51, 52, 54 et disp.)
270. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de la directive 1999/44 à un contrat d'entreprise
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 septembre 2017, Schottelius (C-247/16) (cf. points 23-25, 44 et 46)
271. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situations purement internes - Disposition nationale visant à transposer le droit de l'Union également applicable en dehors du champ d'application dudit droit - Interprétation sollicitée en vue d'obtenir une application uniforme des dispositions du droit de l'Union - Transposition non conforme aux solutions retenues par le droit de l'Union - Absence de renvoi direct et inconditionnel auxdites dispositions - Incompétence de la Cour
La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente pour répondre à la question posée par le Conseil d’État (France) par décision du 20 mai 2016.
À cet égard, il convient de rappeler que la Cour s’est à maintes reprises déclarée compétente pour statuer sur les demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union dans des situations dans lesquelles les faits au principal se situaient en dehors du champ d’application du droit de l’Union, mais dans lesquelles lesdites dispositions de ce droit avaient été rendues applicables par le droit national en raison d’un renvoi opéré par ce dernier au contenu de celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, Cicala, C-482/10, EU:C:2011:868, point 17 et jurisprudence citée, ainsi que du 18 octobre 2012, Nolan, C-583/10, EU:C:2012:638, point 45).
En effet, lorsqu’une législation nationale se conforme, pour les solutions qu’elle apporte à des situations ne relevant pas du champ d’application de l’acte de l’Union concerné, à celles retenues par ledit acte, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises de cet acte reçoivent une interprétation uniforme (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2011, Agafiţei e.a., C-310/10, EU:C:2011:467, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que du 18 octobre 2012, Nolan, C-583/10, EU:C:2012:638, point 46).
Ainsi, une interprétation, par la Cour, des dispositions du droit de l’Union dans des situations ne relevant pas du champ d’application de celui-ci se justifie lorsque ces dispositions ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, Cicala, C-482/10, EU:C:2012:868, point 19 et jurisprudence citée).
Par conséquent, s’agissant des solutions apportées à des situations ne relevant pas du champ d’application des actes de l’Union concernés, la législation nationale en cause au principal ne se conforme pas à celles retenues tant par la sixième directive que par la directive TVA, dans la mesure où elle accorde une exonération qui n’est pas prévue par ces directives. Il ne saurait dès lors être considéré que les dispositions desdites directives ont été rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations qui ne relèvent pas du champ d’application de ces mêmes directives.
Arrêt du 19 octobre 2017, Solar Electric Martinique (C-303/16) (cf. points 25-27, 36, 37 et disp.)
272. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Irrecevabilité
Saisie à titre préjudiciel par le Landgericht Dortmund (tribunal régional de Dortmund, Allemagne, ci-après la « juridiction de renvoi »), la Cour, réunie en grande chambre, se prononce sur la question de savoir dans quelle mesure le droit national peut exclure la possibilité, pour les personnes s’estimant lésées par une infraction au droit de la concurrence, de céder leurs droits à réparation à un prestataire de services juridiques pour que celui-ci exerce une action groupée en dommages et intérêts.
En 2009, l’autorité allemande de la concurrence a adopté une décision relative aux engagements visant notamment le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et concernant une entente sur les prix dans le secteur du bois rond.
Un ensemble de scieries établies en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg, considérant avoir subi un préjudice en raison de l’entente en cause, ont cédé leurs droits indemnitaires à un prestataire de services juridiques, qui a saisi la juridiction de renvoi d’une action groupée en dommages et intérêts en son nom propre, mais pour leur compte. Cependant, conformément à une interprétation jurisprudentielle de la réglementation allemande applicable, une telle action groupée n’est pas admise dans le domaine de la réparation du préjudice causé par une infraction présumée au droit de la concurrence.
La juridiction de renvoi estime toutefois que l’action groupée en recouvrement est la seule voie de droit prévue par le droit allemand qui permettrait d’assurer la mise en œuvre effective du droit à réparation dans les affaires d’ententes.
Dans ce contexte, elle pose trois questions préjudicielles visant, en substance, à savoir si le droit national peut exclure, dans le contentieux relevant du droit de la concurrence, l’action groupée en recouvrement, lorsque l’absence de voie de droit équivalente rendrait pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice d’une action en réparation, en particulier pour des dommages de faible montant concernant un nombre élevé de personnes lésées.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour déclare irrecevable la première question préjudicielle, qui porte sur l’hypothèse dans laquelle les personnes s’estimant lésées par une infraction au droit de la concurrence souhaiteraient céder leurs droits à réparation aux fins d’une action groupée en dommages et intérêts consécutive à une décision définitive d’une autorité de concurrence constatant une telle infraction (action dite « follow-on »).
En effet, une décision relative aux engagements, telle que celle adoptée en l’espèce par l’autorité allemande de la concurrence, ne contient aucune constatation définitive quant à une violation des articles 101 et 102 TFUE. En conséquence, la première question préjudicielle n’a manifestement aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.
La Cour examine ensuite si le droit de l’Union s’oppose à l’interprétation d’une réglementation nationale qui a pour effet d’empêcher les personnes prétendument lésées par une infraction au droit de la concurrence de céder leurs droits à réparation à un prestataire de services juridiques pour que celui-ci les fasse valoir, de manière groupée, dans le cadre d’une action en dommages et intérêts « autonome », c’est-à-dire une action en dommages et intérêts qui ne fait pas suite à une décision définitive et contraignante, notamment en ce qui concerne l’établissement des faits, d’une autorité de concurrence constatant une telle infraction (action dite « stand-alone »).
Elle commence par rappeler que le droit à réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence a été codifié à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2014/104{1}, qui prévoit que les États membres veillent à ce que toute personne lésée soit en mesure de demander et d’obtenir réparation intégrale de ce préjudice. Aux termes du considérant 4 de cette directive, ce droit à réparation exige de chaque État membre qu’il dispose de règles procédurales garantissant l’exercice effectif du même droit, exigence qui découle également du droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
À cet égard, la directive 2014/104 énonce certaines règles relatives aux actions en dommages et intérêts visant à ce que toute personne ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence puisse effectivement exercer son droit à réparation intégrale. Dans ce contexte, cette directive définit la notion d’« action en dommages et intérêts » comme incluant l’action introduite par une personne physique ou morale qui a succédé dans les droits de la partie prétendument lésée, y compris la personne qui a racheté la demande. Ainsi, la directive 2014/104 envisage la possibilité qu’une telle action soit introduite par une tierce personne à laquelle le droit de la partie prétendument lésée de demander réparation a été cédé.
Cependant, la Cour observe que la directive 2014/104 ne comporte aucune obligation pour les États membres d’instituer un mécanisme d’action groupée en recouvrement, tel que celui en cause au principal, ni ne régit les conditions de validité d’une cession par la personne lésée, dans la perspective d’une telle action groupée, de son droit à réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence. Par conséquent, tant l’institution d’un tel mécanisme que les conditions de validité d’une telle cession relèvent des modalités d’exercice de ce droit à réparation, lesquelles ne sont pas régies par la directive 2014/104, mais relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.
En l’espèce, la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la conformité au principe d’effectivité ainsi qu’au droit à une protection juridictionnelle effective d’une interprétation jurisprudentielle du droit national empêchant les personnes qui s’estiment lésées par une infraction au droit de la concurrence d’avoir recours à l’action groupée en recouvrement. À cet égard, elle indique qu’une action groupée est la seule voie permettant à ces personnes de faire valoir collectivement leur droit à réparation, tandis qu’une action individuelle ne leur permettrait pas d’exercer ce droit de manière effective, eu égard à son caractère particulièrement complexe, long et coûteux.
Sur ce point, la Cour souligne que c’est à la seule juridiction de renvoi qu’il incombe de vérifier si l’interprétation susvisée a pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à réparation du préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence. La juridiction de renvoi doit toutefois tenir compte de l’ensemble des éléments pertinents afférents aux modalités prévues par le droit national pour l’exercice dudit droit à réparation.
Partant, l’interprétation du droit allemand excluant l’action groupée en recouvrement pour un préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence ne serait contraire au droit de l’Union que si la juridiction de renvoi concluait que, d’une part, les autres mécanismes collectifs prévus par le droit national ne permettraient pas de faire valoir de manière effective le droit à réparation des personnes lésées et, d’autre part, les conditions d’exercice d’une action individuelle prévues par le droit national rendent impossible ou excessivement difficile l’exercice de ce droit à réparation et portent ainsi atteinte à leur droit à une protection juridictionnelle effective.
La Cour précise néanmoins que les coûts de procédure inhérents à une action individuelle en dommages et intérêts ne permettent pas de conclure à eux seuls que l’exercice du droit à réparation serait rendu pratiquement impossible ou excessivement difficile dans le cadre d’une telle action. Pour parvenir à cette conclusion, la juridiction de renvoi devrait en effet identifier des éléments concrets du droit national faisant obstacle à l’exercice de ces actions individuelles.
La Cour ajoute que, si ladite juridiction constatait que l’action groupée en recouvrement constitue, dans l’affaire au principal, la seule voie procédurale qui permette aux scieries concernées de faire valoir de manière effective leur droit à la réparation, un tel constat serait sans préjudice de l’application des dispositions nationales régissant l’activité des prestataires de services juridiques afin, notamment, de garantir la qualité de ces services ainsi que le caractère objectif et proportionné des rémunérations de tels prestataires, et de prévenir les conflits d’intérêts et les comportements procéduraux abusifs.
S’agissant, enfin, des conséquences à tirer de l’éventuel constat, par la juridiction de renvoi, d’une non-conformité des dispositions nationales en cause au droit à une protection juridictionnelle effective, cette juridiction devra d’abord déterminer, en prenant en considération l’ensemble du droit national et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, s’il lui est possible de donner aux dispositions pertinentes une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union, sans pour autant procéder à une interprétation contra legem de ces dispositions. Ce n’est que si aucune interprétation conforme ne s’avère possible que lesdites dispositions devraient être laissées inappliquées par la juridiction de renvoi.
{1} Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 novembre 2014, relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne (JO 2014, L 349, p. 1).
Arrêt du 28 janvier 2025, ASG 2 (C-253/23) (cf. points 38-48)
Ordonnance du 12 juin 2019, Aragón Carrasco e.a. (C-367/18) (cf. points 53, 54, 57-60, disp. 2)
Ordonnance du 27 avril 2023, Associazione Raggio Verde (C-482/22) (cf. points 50-53)
273. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Questions portant sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen - Annulation dudit mandat - Non-lieu à statuer
Ordonnance du 15 novembre 2017, Aranyosi (C-496/16) (cf. points 22-29)
274. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 21 novembre 2017, VE (C-232/17) (cf. point 24)
Ordonnance du 21 novembre 2017, Rózsavölgyi (C-259/17) (cf. point 23)
Ordonnance du 23 mai 2019, Trapeza Peiraios (C-105/19) (cf. points 9, 10)
275. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Portée - Convention TIR - Dispositions visant à sécuriser la perception des droits de douane - Inclusion
La Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 8 et 11 de la convention douanière relative au transport international de marchandises sous le couvert de carnets TIR, signée à Genève le 14 novembre 1975 et approuvée au nom de la Communauté économique européenne par le règlement (CEE) nº 2112/78 du Conseil, du 25 juillet 1978, dans sa version modifiée et consolidée publiée par la décision 2009/477/CE du Conseil, du 28 mai 2009.
Arrêt du 22 novembre 2017, AEBTRI (C-224/16) (cf. point 54, disp. 1)
276. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Actes pris par les institutions - Norme technique harmonisée adoptée sur le fondement d'un règlement et publiée au Journal officiel de l'Union européenne - Inclusion - Limites - Détermination de la norme technique applicable à un produit
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 14 décembre 2017, Anstar (C-630/16) (cf. points 32, 33)
277. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Compétence de la Cour pour qualifier, au regard du droit de l'Union, les faits établis par le juge national
À cet égard, il convient de rappeler que la juridiction de renvoi a clairement indiqué, ainsi que cela ressort du point 17 du présent arrêt, que ses questions portent non pas sur la constatation ou l’appréciation des faits du litige au principal, mais uniquement sur la qualification juridique du service en cause. Or, la qualification au regard du droit de l’Union de faits établis par ladite juridiction suppose une interprétation de ce droit pour laquelle, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, la Cour est compétente (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2015, Banif Plus Bank, C 312/14, EU:C:2015:794, points 51 et 52). Dès lors, la Cour est compétente pour connaître des questions posées.
Arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15) (cf. points 20, 21)
278. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions posées dans le cadre d'un litige national fictif - Irrecevabilité - Absence d'acte ou d'omission d'une administration nationale susceptible de donner lieu à un recours en contrôle de légalité - Circonstance non susceptible, à elle seule, d'établir le caractère fictif du litige
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 février 2018, American Express (C-304/16) (cf. points 33, 34)
Arrêt du 7 février 2018, American Express (C-643/16) (cf. points 19, 20)
279. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions posées dans le cadre d'une action en responsabilité de l'État membre pour violation du droit de l'Union du fait d'une décision nationale revêtue de l'autorité de la chose jugée - Recevabilité - Demande de désignation de la juridiction nationale compétente pour connaître du recours en responsabilité - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 28 février 2018, ZPT AD (C-518/16) (cf. points 21, 22, 24)
280. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité d'un règlement n'ayant pas été attaqué sur le fondement de l'article 263 TFUE - Recours au principal introduit avant l'adoption dudit règlement - Règlement opposé à la partie requérante dans l'affaire au principal - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C-256/16) (cf. points 38-42)
281. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation d'un accord international conclu par la Communauté et les États membres en vertu d'une compétence partagée - Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (convention d'Aarhus) - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 mars 2018, North East Pylon Pressure Campaing et Sheehy (C-470/16) (cf. point 46)
282. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation - Organe de renvoi ayant des fonctions de nature différente - Nécessité de fournir à la Cour des précisions sur la qualité de juridiction nationale de l'organe de renvoi
Étant donné que la demande de décision préjudicielle sert de fondement à la procédure devant la Cour, il est indispensable que, dans cette demande, le juge national explicite, en particulier, le cadre factuel et réglementaire du litige au principal.
Cette obligation doit tout particulièrement être observée dans certains domaines caractérisés par des situations de droit et de fait complexes (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 1993, Telemarsicabruzzo e.a., C-320/90 à C-322/90, EU:C:1993:26, point 7 ; ordonnance du 19 mars 1993, Banchero, C-157/92, EU:C:1993:107, point 5, ainsi que arrêt du 12 décembre 2013, Ragn-Sells, C-292/12, EU:C:2013:820, point 39), mais aussi lorsque l’organe de renvoi s’est vu confier par la loi des fonctions de nature différente.
Dans cette dernière hypothèse, la recevabilité de la demande de décision préjudicielle peut dépendre de la question de savoir si l’organisme national de renvoi peut être qualifié de "juridiction nationale", au sens de l’article 267 TFUE lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, tandis que, dans l’exercice d’autres fonctions, notamment de nature administrative, cette qualification ne peut lui être reconnue (voir ordonnance du 26 novembre 1999, ANAS, C-192/98, EU:C:1999:589, point 22).
Ordonnance du 25 avril 2018, Secretaria Regional de Saúde dos Açores (C-102/17) (cf. points 28-30)
Voir le texte de la décision.
283. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Existence d'un éventuel intérêt transfrontalier - Absence - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 25 avril 2018, Secretaria Regional de Saúde dos Açores (C-102/17) (cf. points 39, 40)
284. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Questions posées dans un contexte excluant une réponse utile - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 30 mai 2018, SNCB (C-190/18) (cf. points 17-23, 27, 30, 32 et disp.)
Ordonnance du 9 janvier 2019, Fluctus et Fluentum (C-444/18) (cf. points 16-23, 25-28, 30 et disp.)
Ordonnance du 3 juillet 2019, Bankia (C-92/16) (cf. points 30-38)
Ordonnance du 3 juillet 2019, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C-167/16) (cf. points 30-38)
Ordonnance du 10 mars 2020, SATA International (C-766/19) (cf. points 14-23 et disp.)
Ordonnance du 2 juillet 2020, STING Reality (C-853/19) (cf. points 31, 32, 64-71, disp. 3)
Ordonnance du 3 septembre 2020, SATA International (C-137/20) (cf. points 11-21 et disp.)
Ordonnance du 20 mai 2021, ENR Grenelle Habitat e.a. (C-88/20) (cf. points 28-37, 39 et disp.)
Ordonnance du 21 février 2022, Leonardo (C-550/21) (cf. points 11, 12, 14, 16-19 et disp.)
Ordonnance du 27 juin 2023, Finalgarve (C-24/23) (cf. points 21-33 et disp.)
285. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Portée - Protocole de La Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 juin 2018, KP (C-83/17) (cf. points 21-25)
Arrêt du 20 septembre 2018, Mölk (C-214/17) (cf. point 23)
286. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Nécessité d'un litige pendant devant la juridiction de renvoi
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 19 juin 2018, Gnandi (C-181/16) (cf. point 31)
287. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation d'une directive communautaire dans un litige antérieur à l'adhésion d'un État à l'Union européenne - Exclusion - Déduction d'une taxe sur la valeur ajoutée opérée avant l'adhésion de l'État membre concerné - Apparition, après l'adhésion, de circonstances susceptibles de fonder une obligation de régularisation de ladite déduction - Absence d'incidence
Selon une jurisprudence constante, la Cour est compétente pour interpréter le droit de l’Union uniquement pour ce qui concerne l’application de celui-ci dans un nouvel État membre à partir de la date d’adhésion de ce dernier à l’Union européenne (ordonnance du 11 mai 2017, Exmitiani, C-286/16, non publiée, EU:C:2017:368, point 12).
Il en résulte, notamment, que la Cour n’est pas compétente pour interpréter des directives de l’Union relatives à la TVA lorsque la période de recouvrement des taxes en cause au principal est antérieure à l’adhésion de l’État membre concerné à l’Union (ordonnance du 11 mai 2017, Exmitiani, C-286/16, non publiée, EU:C:2017:368, point 13).
Partant, dès lors que l’obligation de régularisation est indissociablement liée à l’exigibilité de la TVA due ou acquittée en amont et au droit à déduction qui en résulte, l’apparition, après l’adhésion d’un État membre à l’Union, des circonstances qui sont, en principe, susceptibles de fonder cette obligation ne permet pas à la Cour d’interpréter la directive TVA si la livraison des biens ou la prestation de services visées sont intervenues avant cette adhésion.
Arrêt du 27 juin 2018, Varna Holideis (C-364/17) (cf. points 17, 18, 31)
288. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Convention internationale liant l'Union - Interprétation des dispositions d'une convention signée et approuvée par l'Union - Inclusion - Convention sur le droit de la mer de 1982 (convention de Montego Bay)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 juillet 2018, Bosphorus Queen Shipping (C-15/17) (cf. points 44, 49)
Sea Watch est une organisation humanitaire à but non lucratif ayant son siège à Berlin (Allemagne). Elle exerce des activités de recherche et de sauvetage de personnes se trouvant en situation de péril ou de détresse en mer Méditerranée, au moyen de navires dont elle est à la fois la propriétaire et l’exploitante. Parmi ces navires figurent, en particulier, les navires dénommés « Sea Watch 3 » et « Sea Watch 4 » (ci-après « les navires en cause »), qui battent pavillon allemand et qui ont été certifiés en Allemagne en tant que « navire de charge général - polyvalent ».
Au cours de l’été 2020, à l’issue d’opérations de recherche et de sauvetage dans les eaux internationales de la mer Méditerranée, puis de transbordement et de débarquement des personnes sauvées dans les ports de Palerme (Italie) et de Port-Empédocle (Italie), vers lesquels les autorités italiennes avaient invité les navires en cause à se diriger, ces derniers ont fait l’objet d’inspections diligentées par les capitaineries des ports de ces deux villes, qui ont, par la suite, ordonné leur immobilisation. En effet, ces capitaineries ont estimé que les navires en cause étaient engagés dans une activité de recherche et de sauvetage en mer alors qu’ils n’étaient pas certifiés pour cette activité et qu’ils avaient, de ce fait, recueilli à bord un nombre de personnes supérieur à celui qui était autorisé. En outre, elles ont relevé un certain nombre de défaillances techniques et opérationnelles, dont certaines devaient, selon elles, être considérées comme créant un risque manifeste pour la sécurité, la santé ou l’environnement et comme revêtant une gravité telle qu’elles justifiaient l’immobilisation de ces navires.
À la suite de l’immobilisation des navires en cause, Sea Watch a introduit, devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (tribunal administratif régional pour la Sicile, Italie), deux recours tendant à l’annulation des avis d’immobilisation et des rapports d’inspection ayant précédé ceux-ci. À l’appui de ces recours, elle a fait valoir, pour l’essentiel, que les capitaineries dont émanent ces mesures avaient excédé les pouvoirs attribués à l’État du port, tels qu’ils résultent de la directive 2009/16{1}, interprétée à la lumière des règles pertinentes du droit international, et que les inspections diligentées par celles-ci constituaient, en réalité, un moyen détourné de mettre en échec les opérations de recherche et de sauvetage en mer auxquelles elle se consacre.
Dans ce contexte, le tribunal administratif régional pour la Sicile a estimé que les litiges qui lui étaient soumis soulevaient des questions importantes et inédites concernant le cadre et le régime juridiques applicables aux navires qui sont exploités par des organisations non gouvernementales à but humanitaire en vue de procéder à une activité systématique de recherche et de sauvetage de personnes en situation de péril ou de détresse en mer (ci-après les « navires d’assistance humanitaire privés »).
Par son arrêt, prononcé en grande chambre, la Cour interprète pour la première fois la directive 2009/16, notamment à la lumière de la convention des Nations unies sur le droit de la mer{2} et de la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer{3}. Elle juge que cette directive s’applique aussi à des navires qui exercent une activité systématique de recherche et de sauvetage de personnes en situation de péril ou de détresse en mer et que la réglementation nationale de transposition de ladite directive ne peut pas limiter son applicabilité aux navires utilisés aux fins d’une activité commerciale. En outre, la Cour précise l’étendue et les conditions de mise en œuvre des pouvoirs de contrôle pouvant être exercés par l’État du port, ainsi que les pouvoirs d’inspection et d’immobilisation des navires.
Appréciation de la Cour
S’agissant de l’applicabilité de la directive 2009/16, la Cour juge que cette directive est applicable à des navires qui, tout en étant classés et certifiés comme navires de charge par l’État du pavillon, sont en pratique utilisés, de manière systématique, par une organisation humanitaire aux fins d’une activité non commerciale de recherche et de sauvetage de personnes en situation de péril ou de détresse en mer. En effet, ladite directive s’applique, d’une part, à tout navire de mer qui bat un pavillon autre que celui de l’État du port{4}, à l’exception des catégories spécifiques de navires qui sont expressément exclues de son champ d’application{5}. Ces catégories, qui constituent ainsi des exceptions, doivent être considérées comme revêtant un caractère limitatif et interprétées de façon stricte. De ce point de vue, le fait que l’activité effective d’un navire ne coïncide pas avec celle pour laquelle il a été classé et certifié est sans incidence sur l’applicabilité de la directive, tout comme le fait que cette activité effective soit commerciale ou non commerciale. La directive 2009/16 s’applique, d’autre part, à un tel navire dès lors que celui-ci se trouve, notamment, dans un port ou dans un mouillage d’un État membre pour y effectuer une activité d’interface navire/port{6}.
Eu égard à cette interprétation, la Cour souligne que la directive 2009/16 s’oppose à ce qu’une réglementation nationale assurant sa transposition dans le droit interne limite son applicabilité aux seuls navires qui sont utilisés aux fins d’une activité commerciale. En particulier, tous les navires qui peuvent entrer dans le champ d’application de cette directive, y compris les navires d’assistance humanitaire privés, doivent pouvoir se voir appliquer le dispositif de contrôle, d’inspection et d’immobilisation prévu par celle-ci.
En ce qui concerne les conditions de mise en œuvre du dispositif de contrôle, d’inspection et d’immobilisation{7} à l’égard des navires soumis à la juridiction de l’État membre du port et, plus spécifiquement, des navires d’assistance humanitaire privés, la Cour constate, en premier lieu, que la directive 2009/16 doit être interprétée en tenant compte de la convention sur le droit de la mer et de la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer. Il en découle, en particulier, que, dans le cas où le capitaine d’un navire battant pavillon d’un État partie à la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer a mis en œuvre l’obligation d’assistance maritime consacrée par la convention sur le droit de la mer, ni l’État côtier, également partie à la première de ces deux conventions, ni l’État du pavillon ne sauraient faire usage de leurs pouvoirs de contrôle du respect des règles de sécurité en mer en vue de vérifier si la présence à bord des personnes auxquelles il a été prêté assistance peut conduire le navire en question à méconnaître une prescription quelconque de ladite convention{8}.
En deuxième lieu, la Cour juge que l’État du port peut soumettre à une inspection supplémentaire des navires qui exercent une activité systématique de recherche et de sauvetage et qui se trouvent dans un de ses ports ou dans les eaux relevant de sa juridiction, après être entrés dans ces eaux et après qu’ont été achevées les opérations de transbordement ou de débarquement des personnes auxquelles leur capitaine a décidé de prêter assistance, lorsque cet État a établi, sur la base d’éléments juridiques et factuels circonstanciés, qu’il existait des indices sérieux de nature à attester d’un danger pour la santé, la sécurité, les conditions de travail à bord ou l’environnement au regard des stipulations juridiques pertinentes, compte tenu des conditions concrètes d’exploitation de ces navires{9}. En cas de recours, le respect de ces exigences peut ainsi être contrôlé par la juridiction nationale. À cet égard, la Cour indique les éléments pouvant être pris en compte aux fins de ce contrôle, à savoir l’activité pour laquelle le navire en cause est utilisé en pratique, l’éventuelle différence entre cette activité et celle pour laquelle ce navire est certifié et équipé, la fréquence à laquelle ladite activité est menée et les équipements dudit navire au regard du nombre prévu, mais aussi effectif, de personnes à bord. La Cour ajoute que, ainsi encadrée, l’inspection du navire concerné par l’État du port s’inscrit dans le cadre prévu par la convention sur le droit de la mer et la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer.
En troisième lieu, la Cour énonce que, à l’occasion d’inspections détaillées{10}, l’État du port a le pouvoir de tenir compte du fait que des navires qui ont été classés et certifiés comme navires de charge par l’État du pavillon, sont, en pratique, utilisés aux fins d’une activité systématique de recherche et de sauvetage de personnes en situation de péril ou de détresse en mer, dans le cadre d’un contrôle visant à apprécier, sur la base d’éléments juridiques et factuels circonstanciés, l’existence d’un danger pour les personnes, les biens ou l’environnement, au regard des prescriptions pertinentes du droit international et de l’Union, compte tenu des conditions d’exploitation de ces navires. Le fait de subordonner, de la sorte, le contrôle qui peut être effectué par l’État du port à l’existence de motifs évidents de croire qu’un navire ou son équipement ne respecte pas la règle selon laquelle un navire doit être maintenu dans des conditions propres à garantir qu’il reste apte à prendre la mer sans danger pour lui-même ou pour les personnes à bord est conforme aux règles de droit international qui régissent la répartition des compétences entre cet État et l’État du pavillon. En revanche, l’État du port n’a pas le pouvoir d’exiger la preuve que lesdits navires disposent d’autres certificats que ceux délivrés par l’État du pavillon ou qu’ils respectent l’ensemble des prescriptions applicables à une autre classification. En effet, cela remettrait en cause la manière dont l’État du pavillon a exercé sa compétence en matière d’attribution de sa nationalité aux navires, ainsi que de classification et de certification de ceux-ci.
En quatrième et dernier lieu, la Cour juge que l’État du port ne peut immobiliser un navire que lorsque les anomalies confirmées ou révélées par une inspection détaillée, d’une part, présentent un risque manifeste pour la sécurité, la santé ou l’environnement et, d’autre part, entraînent, isolément ou ensemble, l’impossibilité, pour le navire concerné, de naviguer dans des conditions aptes à assurer la sécurité en mer. En outre, cet État peut imposer des mesures correctives déterminées en matière de sécurité, de prévention de la pollution et de conditions de vie et de travail à bord, si elles sont justifiées pour remédier aux anomalies constatées. Cela étant, de telles mesures correctives doivent, dans chaque cas d’espèce, être adéquates, nécessaires et proportionnées à cet effet. Par ailleurs, leur adoption et leur mise en œuvre par l’État du port doivent faire l’objet d’une coopération avec l’État du pavillon, dans le respect des pouvoirs respectifs de ces deux États et, dans l’hypothèse où l’État du pavillon est lui aussi un État membre, du principe de coopération loyale.
{1} Directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative au contrôle par l’État du port (JO 2009, L 131, p. 57), telle que modifiée par la directive (UE) 2017/2110 du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2017 (JO 2017, L 315, p. 61).
{2} Convention des Nations unies sur le droit de la mer, conclue à Montego Bay le 10 décembre 1982 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1833, 1834 et 1835, p. 3, ci-après la « convention sur le droit de la mer »), entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Sa conclusion a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 98/392/CE du Conseil, du 23 mars 1998 (JO 1998, L 179, p. 1).
{3} Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, conclue à Londres le 1er novembre 1974 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1185, nº 18961, p. 3, ci-après la « convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer »).
{4} Article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/16.
{5} Article 3, paragraphe 4, de la directive 2009/16.
{6} Article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/16.
{7} Articles 11 à 13 et 19 de la directive 2009/16.
{8} Article IV, sous b), de la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer.
{9} Article 11, sous b), de la directive 2009/16, lu en combinaison avec l’annexe I, partie II de cette directive.
{10} Article 13 de la directive 2009/16.
Arrêt du 1er août 2022, Sea Watch (C-14/21 et C-15/21) (cf. points 92-94, 96-108)
289. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Convention internationale ne liant pas l'Union - Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (convention Marpol 73/78) - Interprétation des dispositions du droit dérivé de l'Union entrant dans le champ d'application de la convention - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 juillet 2018, Bosphorus Queen Shipping (C-15/17) (cf. point 45)
290. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Convention internationale ne liant pas l'Union - Convention sur l'intervention en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 juillet 2018, Bosphorus Queen Shipping (C-15/17) (cf. point 46)
291. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Portée - Examen de la conformité d'une disposition d'une convention collective à une disposition législative nationale - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 juillet 2018, Somoza Hermo et Ilunión Seguridad (C-60/17) (cf. points 40, 44-46, disp.2)
292. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation relative à une réglementation nationale mettant en œuvre le droit de l'Union - Notion de mise en œuvre du droit de l'Union - Mesure nationale arrêtant la méthode d'attribution des possibilités de pêche allouées aux États membres - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 12 juillet 2018, Spika e.a. (C-540/16) (cf. points 22-24)
293. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions hypothétiques - Questions portant sur la validité d'une décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché intérieur et ordonnant sa restitution - Décision n'ayant pas été valablement mise en cause devant la juridiction de renvoi - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 25 juillet 2018, Georgsmarienhütte e.a. (C-135/16) (cf. points 43, 44)
294. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité des articles 5, § 4, et 12, b), TUE à l'égard d'une réglementation nationale
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 25 juillet 2018, TTL (C-553/16) (cf. points 31-35)
295. Coopération judiciaire en matière pénale - Décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres - Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions portant sur les obligations de l'autorité judiciaire d'exécution d'un mandat d'arrêt européen, posées par l'autorité judiciaire d'émission - Questions recevables
En tout état de cause, la recevabilité de la demande de décision préjudicielle n’est pas remise en cause par la circonstance que les questions posées portent sur les obligations de l’autorité judiciaire d’exécution, alors que la juridiction de renvoi est l’autorité judiciaire d’émission du MAE. En effet, l’émission d’un MAE a pour conséquence l’arrestation possible de la personne recherchée et, partant, porte atteinte à la liberté individuelle de cette dernière. Or, la Cour a jugé que, s’agissant d’une procédure relative à un MAE, la garantie des droits fondamentaux relève, au premier chef, de la responsabilité de l’État membre d’émission (arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski, C-367/16, EU:C:2018:27, point 50). Dès lors, aux fins d’assurer la garantie de ces droits - qui peut conduire une autorité judiciaire à prendre une décision de retrait du MAE qu’elle a émis -, il importe qu’une telle autorité dispose de la faculté de saisir la Cour à titre préjudiciel.
Arrêt du 25 juillet 2018, AY (Mandat d'arrêt - Témoin) (C-268/17) (cf. points 28, 29)
À la suite de l’adoption des lois portant sur l’indépendance de la communauté autonome de Catalogne (Espagne) et sur la tenue d’un référendum à cette fin, une procédure pénale a été engagée contre différentes personnes devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), la juridiction de renvoi. À l’automne 2019, plusieurs mandats d’arrêt européens (MAE) ont ainsi été émis par cette juridiction. Les procédures d’exécution des MAE émis contre MM. Puigdemont Casamajó et Comín Oliveres ont été suspendues après l’élection de ces derniers au Parlement européen. S’agissant du MAE émis contre M. Puig Gordi, le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique) a, par une ordonnance adoptée en août 2020, refusé son exécution au motif que, selon lui, la juridiction de renvoi n’était pas compétente pour émettre ce MAE. Par un arrêt prononcé en janvier 2021, la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) a rejeté l’appel interjeté contre cette ordonnance.
Dans ce contexte, la juridiction de renvoi pose à la Cour une série de questions visant, pour l’essentiel, à déterminer si une autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter un MAE en alléguant le défaut de compétence de l’autorité judiciaire d’émission pour délivrer ce mandat ou pour juger la personne poursuivie, et si la décision-cadre relative au MAE{1} s’oppose à l’émission d’un nouveau MAE après que l’exécution d’un premier MAE a été refusée.
Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, précise notamment les conditions permettant à l’autorité judiciaire d’exécution de refuser de donner suite à un MAE en raison du risque de violation, en cas de remise de la personne recherchée, du droit fondamental de cette personne à un procès équitable{2}, en lien avec un tel défaut de compétence.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour énonce qu’une autorité judiciaire d’exécution ne peut pas refuser l’exécution d’un MAE en se fondant sur un motif de non-exécution qui procède non pas de la décision-cadre 2002/584, mais du seul droit de l’État membre d’exécution. À cet égard, la Cour relève que les motifs retenus dans sa jurisprudence comme obligeant ou autorisant à ne pas donner suite à un MAE procèdent tous de la décision-cadre 2002/584. Par ailleurs, admettre qu’un État membre puisse ajouter auxdits motifs d’autres motifs, tirés du droit national, permettant de ne pas exécuter un MAE ferait obstacle au bon fonctionnement du système simplifié de remise des personnes institué par cette décision-cadre. La Cour ajoute cependant qu’un État membre est en droit, à titre exceptionnel, d’invoquer un motif de non-exécution pris de l’obligation de garantir le respect des droits fondamentaux reconnus à la personne concernée par le droit de l’Union{3}, dans le respect des conditions strictes énoncées dans la jurisprudence de la Cour à cet égard.
Dans un deuxième temps, la Cour dit pour droit que l’autorité judiciaire d’exécution ne peut pas vérifier si un MAE a été émis par une autorité judiciaire qui était compétente à cette fin et refuser l’exécution de ce MAE lorsqu’elle estime que tel n’est pas le cas{4}. À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 prévoit que l’autorité judiciaire d’émission est l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission compétente pour délivrer un MAE en vertu du droit de cet État. Si l’autorité judiciaire d’exécution doit s’assurer, avant d’exécuter un MAE, que celui-ci a bien été émis par une autorité judiciaire, elle ne saurait en revanche vérifier que l’autorité en question est compétente pour émettre un tel mandat au regard des règles du droit de l’État membre d’émission. Dans le cadre de l’autonomie procédurale qui lui est reconnue, il appartient en effet à chaque État membre de désigner les autorités judiciaires compétentes pour émettre un MAE, ces autorités judiciaires ayant ensuite à apprécier elles-mêmes leur compétence à cette fin au regard du droit de l’État membre d’émission.
Dans un troisième temps, la Cour indique que l’autorité judiciaire d’exécution appelée à décider de la remise d’une personne faisant l’objet d’un MAE ne peut pas refuser d’exécuter ce dernier au motif que cette personne risque, à la suite de sa remise à l’État membre d’émission, d’être jugée par une juridiction dépourvue de compétence à cette fin sauf si,
- d’une part, cette autorité judiciaire dispose d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés témoignant de l’existence de défaillances systémiques ou généralisées du fonctionnement du système juridictionnel de l’État membre d’émission ou de défaillances affectant la protection juridictionnelle d’un groupe objectivement identifiable de personnes auquel appartiendrait la personne concernée, au regard de l’exigence d’un tribunal établi par la loi, qui impliquent que les justiciables concernés sont, de manière générale, privés, dans cet État membre, d’une voie de droit effective permettant de contrôler la compétence de la juridiction pénale appelée à les juger, et
- d’autre part, ladite autorité judiciaire constate qu’il existe, dans les circonstances particulières de l’affaire en cause, des motifs sérieux et avérés de croire que, compte tenu des éléments fournis par la personne faisant l’objet de ce MAE, la juridiction appelée à connaître de la procédure dont cette personne fera l’objet est, de manière manifeste, dépourvue de compétence à cette fin.
En particulier, la Cour rappelle que la compétence d’une juridiction pour connaître d’une affaire participe de l’exigence d’un « tribunal établi par la loi », découlant de l’article 47 de la Charte. Par conséquent, dès lors qu’une personne faisant l’objet d’un MAE allègue qu’elle sera exposée, à la suite de sa remise, à une violation de son droit à un recours effectif devant un tribunal impartial, en raison d’un défaut de compétence de la juridiction appelée à la juger, il appartient à l’autorité judiciaire d’exécution d’apprécier le bien-fondé de cette allégation dans le cadre de cet examen en deux étapes. Lorsque l’autorité judiciaire d’exécution considère que les éléments dont elle dispose ne tendent pas à démontrer l’existence des défaillances précitées, cette autorité ne saurait refuser d’exécuter ce MAE pour ce motif. En effet, lorsque, dans l’État membre d’émission, des voies de droit permettent de contrôler la compétence de la juridiction appelée à juger une telle personne (sous la forme d’un examen de sa propre compétence par cette juridiction ou d’un recours ouvert devant une autre juridiction), le risque, pour cette même personne, d’être jugée par une juridiction de cet État membre dépourvue de compétence à cette fin peut, en principe, être écarté par l’exercice, par ladite personne, de ces voies de droit. En l’absence d’éléments tendant à démontrer l’existence des défaillances précitées, l’autorité judiciaire d’exécution ne saurait présumer que de telles voies de droit font défaut, cette autorité étant à l’inverse tenue, conformément au principe de confiance mutuelle, de fonder son analyse sur l’existence et l’effectivité desdites voies de droit.
Dans un quatrième et dernier temps, la Cour considère que plusieurs MAE successifs peuvent être émis contre une personne recherchée en vue d’obtenir sa remise par un État membre après que l’exécution d’un premier MAE visant cette personne a été refusée par cet État membre, pour autant que l’exécution d’un nouveau MAE n’aboutirait pas à une violation des droits et des principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article 6 TUE{5}, et que l’émission de ce dernier MAE revêt un caractère proportionné. L’émission d’un nouveau MAE peut en effet s’avérer nécessaire, notamment après que les éléments ayant fait obstacle à l’exécution du précédent MAE ont été écartés. Dans le cadre de l’examen du caractère proportionné de l’émission d’un nouveau MAE, l’autorité judiciaire d’émission doit néanmoins tenir compte de la nature et de la gravité de l’infraction pour laquelle la personne recherchée est poursuivie, des conséquences sur cette personne du ou des MAE précédemment émis contre elle ou encore des perspectives d’exécution d’un éventuel nouveau MAE.
{1} Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).
{2} Ce droit est consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{3} Article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584.
{4} La Cour se prononce sur le fondement de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, et de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.
{5} Cette obligation est prévue à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584
Arrêt du 31 janvier 2023, Puig Gordi e.a. (C-158/21) (cf. points 53, 54)
Saisie à titre préjudiciel par la Curtea de Apel Braşov (cour d’appel de Braşov, Roumanie), la Cour précise, dans le cadre d’une affaire préjudicielle d’urgence, sa jurisprudence relative au motif de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen (MAE) se rapportant au risque de violation des droits fondamentaux de la personne concernée en cas de sa remise aux autorités roumaines.
Le 17 décembre 2020, la cour d’appel de Braşov a émis un MAE contre P.P.R., en vue de l’exécution d’une peine d’emprisonnement. Arrêté en France en 2022, P.P.R. n’a cependant pas été remis aux autorités roumaines. Par un arrêt du 29 novembre 2023, la cour d’appel de Paris (France) a refusé l’exécution du MAE en raison de l’existence d’un risque de violation du droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi{1}. Selon cette juridiction, il existerait des défaillances systémiques et généralisées affectant le pouvoir judiciaire en Roumanie dans la mesure où le lieu de conservation des procès-verbaux de prestation de serment des juges serait incertain, ce qui ferait naître un doute quant à la composition régulière des juridictions de cet État membre. En outre, en l’occurrence, le procès-verbal de prestation de serment d’un juge de la formation ayant infligé la peine d’emprisonnement serait introuvable alors qu’un autre juge de la même formation aurait seulement prêté serment lors de sa nomination en tant que procureur. Par ailleurs, par une décision de la chambre des requêtes de la Commission de contrôle des fichiers d’Interpol (CCF), l’avis de recherche international visant P.P.R. a été supprimé de la base de données d’Interpol au motif que les données le concernant n’étaient pas conformes aux règles d’Interpol relatives au traitement des données à caractère personnel. Cela aurait mis en évidence l’existence de sérieuses préoccupations, notamment, au sujet du respect des droits fondamentaux lors de la procédure dont P.P.R. a fait l’objet en Roumanie.
Le 29 avril 2024, P.P.R. a été arrêté à Malte en vertu du MAE émis contre lui. Le même jour, l’autorité judiciaire d’exécution maltaise a demandé à la juridiction de renvoi des informations complémentaires, précisant que P.P.R. avait invoqué l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 novembre 2023.
Par la suite, le 20 mai 2024, la juridiction maltaise a décidé de ne pas remettre P.P.R. aux autorités roumaines, estimant que les informations relatives aux conditions de détention en Roumanie dont elle disposait ne lui permettaient pas de conclure que l’interdiction de peines ou de traitements inhumains et dégradants, prévue à l’article 4 de la Charte, serait respectée si P.P.R. devait être remis à ces autorités.
Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a décidé de poser à la Cour plusieurs questions préjudicielles portant en substance : tout d’abord, sur les effets produits, pour d’autres autorités d’exécution et pour l’autorité d’émission, par une décision d’une autorité d’exécution de refuser l’exécution d’un MAE ; ensuite, sur les motifs sous-tendant les décisions des autorités d’exécution française et maltaise de refuser l’exécution du MAE émis par l’autorité d’émission ; enfin, sur sa propre obligation de saisir la Cour à titre préjudiciel après un tel refus ainsi que sur son droit de participer à la procédure devant l’autorité d’exécution du MAE.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, en ce qui concerne des effets d’une décision de refuser l’exécution d’un MAE pour d’autres autorités d’exécution, la Cour fait observer que la décision-cadre relative au MAE{2} ne prévoit pas la possibilité ou l’obligation, pour une autorité d’exécution d’un État membre, de refuser l’exécution d’un MAE au seul motif que son exécution a été refusée par l’autorité d’exécution d’un autre État membre, sans procéder elle-même à la vérification de l’existence d’un motif justifiant sa non-exécution. Ainsi, l’autorité d’exécution d’un État membre n’est pas tenue de refuser l’exécution d’un MAE lorsque l’autorité d’exécution d’un autre État membre a préalablement refusé de l’exécuter pour le motif que la remise de la personne concernée risquerait de porter atteinte au droit fondamental à un procès équitable. Néanmoins, dans le cadre de son propre examen de l’existence d’un motif de non-exécution, cette autorité doit tenir compte des motifs qui sous-tendent la décision de refus adoptée par la première autorité d’exécution.
S’agissant des effets de cette décision pour l’autorité d’émission, la Cour relève que la décision-cadre 2002/584 n’exclut pas la possibilité, pour cette autorité, de maintenir sa demande de remise au titre d’un MAE en dépit du refus d’exécuter celui-ci. Or, si l’autorité d’émission n’est pas tenue, à la suite d’un tel refus, de retirer son MAE, une décision de refuser son exécution doit, tout de même, l’inciter à la vigilance. Elle ne saurait, surtout en l’absence d’un changement de circonstances, maintenir un MAE lorsqu’une autorité judiciaire d’exécution a légitimement refusé{3} d’y donner suite en raison d’un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable. En revanche, en l’absence d’un tel risque, à la suite notamment d’un changement de circonstances, le seul fait que l’autorité d’exécution ait refusé d’exécuter ledit MAE ne saurait faire obstacle à ce que l’autorité judiciaire d’émission maintienne celui-ci. Par ailleurs, il appartient à cette autorité d’examiner si, au regard des spécificités de l’espèce, le maintien du MAE revêt un caractère proportionné.
En deuxième lieu, pour ce qui est des motifs sous-tendant les décisions des autorités d’exécution française et maltaise de refuser l’exécution du MAE en cause, la Cour rappelle, premièrement, que, pour déterminer l’existence d’un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable en raison de défaillances systémiques ou généralisées du fonctionnement du système juridictionnel de l’État membre d’émission, l’autorité d’exécution doit reposer son examen à la fois sur des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés relatifs au fonctionnement de ce système ainsi que sur une analyse concrète et précise de la situation individuelle de la personne recherchée. Dès lors, une décision de la CCF portant sur la situation de la personne faisant l’objet d’un MAE{4} ne saurait suffire à justifier le refus de l’exécution de ce MAE. Cependant, une telle décision peut être prise en compte par l’autorité judiciaire d’exécution en vue de décider s’il y a lieu de refuser d’exécuter le MAE. Deuxièmement, la Cour considère que l’autorité judiciaire d’exécution d’un MAE émis en vue de l’exécution d’une peine ne peut pas refuser d’exécuter ce MAE en se fondant sur le motif que le procès-verbal de prestation de serment d’un juge ayant infligé cette peine est introuvable ou sur la circonstance qu’un autre juge de la même formation aurait seulement prêté serment lors de sa nomination en tant que procureur. En effet, toute irrégularité intervenant au cours de la procédure de nomination d’un juge, ou à l’occasion de son entrée en fonction, n’est pas de nature à jeter un doute sur l’indépendance et l’impartialité de ce juge et, partant, sur la qualité de « tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi », au sens du droit de l’Union, d’une formation de jugement dans laquelle il siège. En particulier, ne saurait constituer une défaillance systémique ou généralisée en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire la circonstance que le droit i
nterne d’un État membre prévoit, éventuellement, qu’un procureur, qui a prêté serment lors de son entrée en fonction, ne doit pas, lors de sa nomination ultérieure aux fonctions de juge, prêter serment une nouvelle fois. De plus, une incertitude quant au lieu de conservation des procès-verbaux de prestation de serment des juges d’un État membre ou l’impossibilité de localiser ces procès-verbaux, notamment si plusieurs années se sont écoulées depuis la prestation de serment du juge concerné, ne sont pas, en elles-mêmes et à défaut d’autres indices pertinents, susceptibles de démontrer que les juges concernés ont exercé leurs fonctions sans jamais avoir prêté le serment exigé. En tout état de cause, une incertitude quant à la question de savoir si les juges d’un État membre ont, avant leur entrée en fonction, prêté le serment prévu par le droit interne ne saurait être considérée comme étant constitutive d’une défaillance systémique ou généralisée en ce qui concerne l’indépendance du pouvoir judiciaire dans cet État membre, si le droit interne prévoit des voies de droit efficaces qui permettent d’invoquer une éventuelle omission de prestation de serment par les juges ayant prononcé un jugement déterminé et d’obtenir ainsi l’annulation de ce jugement. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si de telles voies de droit existent dans le droit roumain.
Troisièmement, la Cour dit pour droit que, lors de l’examen des conditions de détention dans l’État membre d’émission, l’autorité judiciaire d’exécution ne peut pas refuser l’exécution d’un MAE en se fondant sur des éléments concernant les conditions de détention au sein des établissements pénitentiaires de l’État membre d’émission qu’elle a elle-même recueillis et à l’égard desquels elle n’a pas sollicité de l’autorité judiciaire d’émission des informations complémentaires. En outre, l’autorité judiciaire d’exécution ne peut pas appliquer un standard plus élevé en matière de conditions de détention que celui garanti par l’article 4 de la Charte. À cet égard, la seule absence d’établissement d’un « plan précis d’exécution de la peine » ou de « critères précis pour établir un régime d’exécution déterminé » ne relève pas de la notion de « traitement inhumain ou dégradant », au sens de l’article 4 de la Charte.
À supposer que l’établissement d’un tel plan ou de tels critères soit exigé dans l’État membre d’exécution, il y a lieu de rappeler que, en vertu du principe de confiance mutuelle, les États membres peuvent être tenus de présumer le respect des droits fondamentaux par les autres États membres, de telle sorte qu’il ne leur est pas possible, notamment, d’exiger d’un autre État membre un niveau de protection national des droits fondamentaux plus élevé que celui assuré par le droit de l’Union. Partant, l’autorité judiciaire d’exécution ne saurait refuser la remise de la personne recherchée au seul motif que l’autorité judiciaire d’émission ne lui a pas communiqué un « plan précis de l’exécution de la peine » ou des « critères précis pour établir un régime d’exécution déterminé ».
En troisième et dernier lieu, à propos des obligations et des droits de l’autorité judiciaire d’émission, la Cour explique, d’une part, que cette autorité n’est pas tenue de saisir la Cour à titre préjudiciel avant de décider, au regard des motifs ayant conduit l’autorité judiciaire d’exécution à refuser l’exécution d’un MAE, de retirer celui-ci ou de le maintenir, à moins que la décision qu’elle sera amenée à prendre ne soit pas susceptible d’un recours juridictionnel de droit interne, auquel cas elle est, en principe, tenue de saisir la Cour. Elle ne saurait être libérée de cette obligation que lorsqu’elle a constaté que la question soulevée n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union en cause a fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ou que l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. D’autre part, la Cour estime que l’autorité judiciaire d’émission d’un MAE ne dispose pas du droit de participer, en tant que partie, à la procédure relative à l’exécution de ce MAE devant l’autorité judiciaire d’exécution. En effet, une telle participation n’est pas indispensable pour assurer le respect des principes de reconnaissance mutuelle et de coopération loyale qui sous-tendent le fonctionnement du mécanisme du MAE.
{1} Ce droit est consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{2} Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).
{3} Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, lequel dispose : « La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne. »
{4} En l’occurrence, par sa décision, la CCF a ordonné la suppression de l’avis de recherche international visant P.P.R., en raison d’une violation des règles d’Interpol relatives au traitement des données à caractère personnel.
Arrêt du 29 juillet 2024, Breian (C-318/24 PPU) (cf. points 30-32)
296. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions hypothétiques - Incompétence de la juridiction de renvoi pour statuer sur le litige au principal - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 6 septembre 2018, Di Girolamo (C-472/17) (cf. points 25, 26, 31, 32)
Ordonnance du 17 janvier 2019, Cipollone (C-600/17) (cf. points 23, 24, 27, 28)
Ordonnance du 17 janvier 2019, Rossi e.a. (C-626/17) (cf. points 23, 24, 27, 28)
297. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine des libertés fondamentales - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Absence d'indication de l'élément de rattachement rendant l'interprétation sollicitée nécessaire à la solution du litige - Irrecevabilité
La demande de décision préjudicielle introduite par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique), par décision du 19 mai 2017, est irrecevable.
Il convient d’emblée de constater que la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions du traité FUE relatives à la liberté de circulation des personnes, à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux, ainsi que d’actes pris en exécution de ces dispositions, dans une situation dans laquelle, comme la juridiction de renvoi le relève elle-même, tous les éléments du litige au principal sont cantonnés dans un seul État membre. Or, selon la jurisprudence constante de la Cour, ces dispositions du traité FUE, ainsi que les actes pris en exécution de celles-ci, ne trouvent pas à s’appliquer à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2013, Libert e.a., C-197/11 et C-203/11, EU:C:2013:288, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C-268/15, EU:C:2016:874, point 47 et jurisprudence citée).
Aux points 50 à 53 de l’arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C-268/15, EU:C:2016:874), la Cour a rappelé les quatre hypothèses dans lesquelles il pouvait, néanmoins, s’avérer nécessaire, pour la solution des litiges au principal, de procéder à l’interprétation des dispositions des traités relatives aux libertés fondamentales bien que tous les éléments desdits litiges soient cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre, la conduisant à déclarer recevables ces demandes de décision préjudicielle.
La Cour a ajouté que, dans le contexte d’une situation telle que celle en cause au principal, dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, il appartient à la juridiction de renvoi de lui indiquer, conformément à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, en quoi, en dépit de son caractère purement interne, le litige pendant devant elle présente avec les dispositions du droit de l’Union relatives aux libertés fondamentales un élément de rattachement qui rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige (arrêts du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C-268/15, EU:C:2016:874, point 55 ; du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a., C-532/15 et C-538/15, EU:C:2016:932, point 47, ainsi qu’ordonnance du 31 mai 2018, Bán, C-24/18, non publiée, EU:C:2018:376, point 18).
Il résulte de ces exigences que, pour considérer qu’il existe un tel lien de rattachement, la seule affirmation, par la juridiction de renvoi, selon laquelle il ne peut être exclu que des ressortissants établis dans d’autres États membres aient été ou soient intéressés à faire usage des dispositions de l’Union relatives aux libertés fondamentales pour exercer des activités sur le territoire de l’État membre ayant édicté la réglementation nationale en cause et, partant, que cette réglementation, indistinctement applicable aux ressortissants nationaux et aux ressortissants d’autres États membres, soit susceptible de produire des effets qui ne sont pas cantonnés à cet État membre, ne saurait suffire.
En effet, la demande de décision préjudicielle doit faire ressortir les éléments concrets, à savoir des indices non pas hypothétiques mais certains, tels que des plaintes ou des requêtes introduites par des opérateurs situés dans d’autres États membres ou impliquant des ressortissants de ces États, permettant d’établir, de manière positive, l’existence du lien de rattachement exigé. Plus particulièrement, la juridiction de renvoi ne peut se contenter de soumettre à la Cour des éléments qui pourraient permettre de ne pas exclure l’existence d’un tel lien ou qui, considérés de manière abstraite, pourraient constituer des indices en ce sens, mais doit, au contraire, fournir des éléments objectifs et concordants permettant à la Cour de vérifier l’existence dudit lien (voir, par analogie, arrêts du 6 octobre 2016, Tecnoedi Costruzioni, C-318/15, EU:C:2016:747, points 20 et 22, et du 19 avril 2018, Oftalma Hospital, C-65/17, EU:C:2018:263, points 39 et 40).
Arrêt du 20 septembre 2018, Fremoluc (C-343/17) (cf. points 18, 20, 22, 28, 29, 33 et disp.)
En 2016, Thelen, une société immobilière, et MN, un ingénieur, ont conclu un contrat d’études dans le cadre duquel ce dernier s’était engagé à effectuer certaines prestations visées par la Verordnung über die Honorare für Architekten- und Ingenieurleistungen (Honorarordnung für Architekten und Ingenieure - HOAI) (règlement allemand du 10 juillet 2013 sur les honoraires des services d’architecture et d’ingénierie, ci-après la « HOAI »), contre le paiement d’honoraires forfaitaires dont le montant s’élevait à 55 025 euros.
Un an plus tard, MN a résilié ce contrat et a facturé les prestations accomplies dans une facture finale d’honoraires. Se fondant sur une disposition de la HOAI{1} prévoyant que, pour la prestation qu’il a fournie, le prestataire a droit à une rémunération au moins égale au montant minimal fixé par le droit national, et prenant en compte les versements déjà effectués, MN a formé un recours juridictionnel afin de réclamer le paiement de la somme restant due, s’élevant à 102 934,59 euros, soit une somme supérieure à celle convenue par les parties au contrat.
Thelen, ayant en partie succombé en première et deuxième instances, a formé un pourvoi en Revision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi dans la présente affaire. Dans le cadre de son renvoi préjudiciel, cette juridiction rappelle que la Cour de justice a déjà constaté{2} l’incompatibilité de cette disposition de la HOAI avec la disposition de la directive 2006/123{3} interdisant en substance aux États membres de maintenir des exigences subordonnant l’exercice d’une activité au respect par le prestataire de tarifs minimaux et/ou maximaux si ces exigences ne satisfont pas aux conditions cumulatives de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité. Ladite juridiction a alors décidé d’interroger la Cour sur le fait de savoir si, dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé du recours d’un particulier dirigé contre un autre particulier, une juridiction nationale doit laisser inappliquée la disposition nationale sur laquelle la demande est fondée lorsque cette disposition est contraire à une directive, en l’espèce la directive « services ». À cet égard, cette juridiction relève qu’une interprétation conforme de la HOAI à la directive « services » n’est pas possible en l’occurrence.
Appréciation de la Cour
Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, dit pour droit qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, de laisser inappliquée une réglementation nationale qui fixe, en violation de l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive « services », des montants minimaux d’honoraires pour les prestations des architectes et des ingénieurs et qui frappe de nullité les conventions qui dérogent à cette réglementation.
Certes, le principe de primauté du droit de l’Union impose à toutes les instances des États membres de donner leur plein effet aux différentes normes de l’Union européenne. En outre, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme au droit de l’Union, ce même principe exige que le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions dudit droit assure le plein effet de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel.
Toutefois, une juridiction nationale n’est pas tenue, sur le seul fondement du droit de l’Union, de laisser inappliquée une disposition de son droit national contraire à une disposition du droit de l’Union si cette dernière disposition est dépourvue d’effet direct. Ceci est néanmoins sans préjudice de la possibilité, pour cette juridiction, ainsi que pour toute autorité administrative nationale compétente, d’écarter, sur le fondement du droit interne, toute disposition du droit national contraire à une disposition du droit de l’Union dépourvue d’un tel effet.
En l’espèce, la Cour a rappelé que, selon sa propre jurisprudence, l’article 15, paragraphe 1, de la directive « services » est susceptible de produire un effet direct dès lors que cette disposition est suffisamment précise, claire et inconditionnelle. Cependant, cette disposition est en l’occurrence invoquée, en tant que telle, dans un litige entre particuliers, afin d’écarter une règlementation nationale qui lui est contraire. Concrètement, dans le litige au principal, l’application de l’article 15, paragraphe 1, de la directive « services » priverait MN de son droit de réclamer un montant d’honoraires correspondant au minimum prévu par la législation nationale en cause. Or, la jurisprudence de la Cour exclut qu’un tel effet puisse être reconnu à cette disposition, dans le cadre d’un tel litige entre particuliers.
La Cour ajoute que, en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, si la Cour constate un manquement d’un État membre, cet État membre est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour, les juridictions et les autorités administratives nationales compétentes étant quant à elles tenues de prendre toutes dispositions pour faciliter la réalisation du plein effet du droit de l’Union, en laissant au besoin inappliquée une disposition nationale contraire au droit de l’Union. Néanmoins, les arrêts constatant de tels manquements ont avant tout pour objet de définir les devoirs des États membres en cas de manquement à leurs obligations et non pas de conférer des droits aux particuliers. Ainsi, lesdites juridictions ou autorités ne sont pas tenues, sur le seul fondement de tels arrêts, de laisser inappliquée, dans le cadre d’un litige entre particuliers, une règlementation nationale contraire à une disposition d’une directive.
En revanche, la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l’Union pourrait se prévaloir de la jurisprudence de la Cour pour obtenir, le cas échéant, réparation d’un dommage causé par ladite non-conformité. Selon ladite jurisprudence, il incombe à chacun des États membres de s’assurer que les particuliers obtiennent réparation du préjudice que leur cause le non-respect du droit de l’Union.
La Cour souligne à cet égard que, ayant déjà constaté que la réglementation nationale en cause au principal n’est pas compatible avec le droit de l’Union, et que son maintien constitue dès lors un manquement de la part de la République fédérale d’Allemagne, cette violation du droit de l’Union doit être considérée comme manifestement caractérisée au sens de sa jurisprudence relative à l’engagement de la responsabilité extracontractuelle d’un État membre pour violation du droit de l’Union.
{1} L’article 7 de ce règlement rend obligatoires les montants minimaux fixés dans le barème prévu à cet article pour les prestations de planification et de surveillance des architectes et des ingénieurs, hormis dans certains cas exceptionnels, et frappe de nullité une convention prévoyant des honoraires inférieurs aux montants minimaux conclue avec des architectes ou des ingénieurs.
{2} Arrêt du 4 juillet 2019, Commission/Allemagne (C-377/17, EU:C:2019:562), et ordonnance du 6 février 2020, hapeg dresden, (C-137/18, non publiée, EU:C:2020:84).
{3} Il s’agit de l’article 15, paragraphe 1, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36, ci-après la « directive ‟services" »). Plus particulièrement, en vertu de cette disposition, les États membres doivent examiner si leur système juridique prévoit des exigences qui subordonnent l’exercice d’une activité au respect par le prestataire de tarifs minimums et/ou maximums et veiller à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité.
Arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin (C-261/20) (cf. points 50, 52-54)
298. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Questions visant des actes du droit de l'Union, l'applicabilité de ce dernier à l'affaire au principal étant contestée - Inclusion - Condition - Contestation indissociablement liée aux réponses à donner aux questions préjudicielles
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 janvier 2019, KPMG Baltics (C-639/17) (cf. point 11)
299. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question visant à l'interprétation de la règle de compétence prévue à l'article 8 du règlement nº 2201/2003 - Question soulevée à propos d'un litige impliquant des rapports entre les juridictions d'un État membre et celles d'un pays tiers - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 octobre 2018, UD (C-393/18 PPU) (cf. points 31-42)
300. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Questions portant sur une procédure d'appel d'offres ayant été retirée - Constatation par la juridiction de renvoi du maintien d'un intérêt à la résolution du litige - Absence de caractère hypothétique - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 25 octobre 2018, Roche Lietuva (C-413/17) (cf. points 23, 24)
301. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence
Ordonnance du 25 octobre 2018, Barba Giménez (C-426/17) (cf. points 36-39, 45-47 et disp.)
302. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d'application - Inclusion - Dispositions du droit de l'Union excluant expressément certaines situations de leur champ d'application - Absence d'incidence
La Cour est compétente, au titre de l’article 267 TFUE, pour interpréter l’article 15 de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, dans des situations telles que celles en cause au principal, dans lesquelles la juridiction de renvoi est appelée à se prononcer sur l’octroi d’un titre de séjour autonome à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne qui n’a pas fait usage de son droit de libre circulation, lorsque cette disposition a été rendue applicable à de telles situations, de manière directe et inconditionnelle, par le droit national.
En effet, dans de telles situations, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2012, Nolan, C-583/10, EU:C:2012:638, point 46, et du 22 mars 2018, Jacob et Lassus, C-327/16 et C-421/16, EU:C:2018:210, point 34).
Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/86 exclut expressément les situations telles que celles en cause au principal du champ d’application de cette directive.
Arrêt du 7 novembre 2018, C et A (C-257/17) (cf. points 32, 36, 44, disp. 1)
La Cour est compétente, au titre de l’article 267 TFUE, pour interpréter l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle la juridiction de renvoi est appelée à se prononcer sur le droit au regroupement familial d’un bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire, lorsque cette disposition a été rendue applicable à une telle situation, de manière directe et inconditionnelle, par le droit national.
En effet, dans de telles situations, il existe un intérêt certain de l’Union européenne à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2012, Nolan, C-583/10, EU:C:2012:638, point 46, et du 22 mars 2018, Jacob et Lassus, C-327/16 et C-421/16, EU:C:2018:210, point 34).
Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que l’article 3, paragraphe 2, sous c), de la directive 2003/86 exclut expressément les situations telles que celle en cause au principal du champ d’application de cette directive.
Arrêt du 7 novembre 2018, K et B (C-380/17) (cf. points 35, 39, 41, disp. 1)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 13 mars 2019, E. (C-635/17) (cf. points 35-41, 43, disp. 1)
303. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de la directive 2009/72 à l'égard d'un producteur d'électricité non soumis à des obligations de service public - Irrecevabilité
La demande de décision préjudicielle introduite par le Vilniaus miesto apylinkės teismas (tribunal de district de la ville de Vilnius, Lituanie), par décision du 11 avril 2017, est irrecevable.
À cet égard, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/72, prévoit que, en tenant pleinement compte des dispositions pertinentes du traité CE, en particulier de son article 86, les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l’électricité, dans l’intérêt économique général, des obligations de service public qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d’approvisionnement, la régularité, la qualité et le prix de la fourniture, ainsi que la protection de l’environnement, y compris l’efficacité énergétique, l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables et la protection du climat.
Dans sa réponse, la juridiction de renvoi a précisé que la législation lituanienne ne prévoyait pas, à la charge de Renerga, d’obligation impérative de produire et de fournir de l’électricité, à partir de sources d’énergie renouvelables. Selon cette même juridiction, Renerga n’était pas inscrite sur la liste des fournisseurs de services publics adoptée par le gouvernement lituanien mais se serait engagée volontairement à produire de l’électricité et à la vendre aux défenderesses au principal. Ainsi, la réponse donnée par la juridiction de renvoi doit être comprise en ce sens que l’État membre concerné n’a pas imposé à Renerga une obligation de service public, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/72.
Il s’ensuit que les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est demandée ne sauraient trouver à s’appliquer, ni directement ni indirectement, aux circonstances de l’affaire au principal et que, partant, l’ensemble des questions posées dans le cadre de cette affaire revêt un caractère hypothétique.
Arrêt du 14 novembre 2018, Renerga (C-238/17) (cf. points 23, 26-28 et disp.)
304. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Appréciation de la recevabilité du recours au principal et de la conformité de la décision de renvoi au droit national - Vérification par la Cour - Exclusion - Caractère déclaratoire de l'action au principal - Circonstance insuffisante pour exclure la compétence de la Cour
Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C-62/14, EU:C:2015:400, point 25, ainsi que du 7 février 2018, American Express C-304/16, EU:C:2018:66, point 32). Or, il n’appartient à la Cour ni de remettre en cause l’appréciation par la juridiction de renvoi de la recevabilité du recours au principal, qui relève, dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel, de la compétence du juge national, ni de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C-62/14, EU:C:2015:400, point 26, ainsi que du 7 février 2018, American Express, C-304/16, EU:C:2018:66, point 34). En l’occurrence, la juridiction de renvoi a rejeté les objections de recevabilité soulevées devant elle par le gouvernement du Royaume-Uni au sujet du caractère hypothétique ou académique du recours au principal. Il s’ensuit que, pour autant que les arguments du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission visent à remettre en cause la recevabilité de ce recours, ceux-ci sont sans incidence sur l’appréciation de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, EU:C:2007:163, point 33).
Par ailleurs, la circonstance que l’action au principal revêt un caractère déclaratoire ne fait pas obstacle à ce que la Cour statue sur une question préjudicielle dès lors que cette action est autorisée par le droit national et que cette question répond à un besoin objectif pour la solution du litige dont la juridiction de renvoi est régulièrement saisie (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, EU:C:1995:463, point 65, ainsi que du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C-62/14, EU:C:2015:400, point 28). Il existe donc bien un litige pendant devant la juridiction de renvoi, et ce même si la partie défenderesse au principal a fait le choix de ne pas se prononcer sur le fond de la question soulevée par les requérants au principal, en soutenant uniquement que leur recours est irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C-343/09, EU:C:2010:419, points 11 et 15).
Arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C-621/18) (cf. points 27, 30-32)
305. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Saisine par une juridiction nationale ne reconnaissant pas une valeur contraignante aux décisions de la Cour - Question portant sur l'interprétation du droit de l'Union ou la validité d'un acte de l'Union - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 décembre 2018, Weiss e.a. (C-493/17) (cf. points 18, 19)
306. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité d'un acte de l'Union de portée générale n'ayant pas fait l'objet de mesures d'application en droit national - Saisine du juge national dans un litige réel soulevant, à titre incident, la question de validité - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 décembre 2018, Weiss e.a. (C-493/17) (cf. points 20, 21)
307. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité d'un acte du Système européen de banques centrales - Acte concernant la mise en œuvre d'un programme d'achats d'actifs du secteur public sur les marchés secondaires - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 décembre 2018, Weiss e.a. (C-493/17) (cf. points 23-25)
308. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation du droit de l'Union dans un litige portant sur un contrat conclu avant l'adhésion d'un État à l'Union européenne - Réglementation nationale adoptée après l'adhésion, ayant des effets juridiques sur le contrat postérieurement à ladite adhésion - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 14 février 2019, Milivojević (C-630/17) (cf. points 40-44)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 5 mai 2022, Zagrebačka banka (C-567/20) (cf. points 33-35)
309. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situations purement internes - Disposition nationale visant à transposer le droit de l'Union également applicable en dehors du champ d'application dudit droit - Interprétation sollicitée en vue d'obtenir une application uniforme des dispositions du droit de l'Union - Transposition non conforme aux solutions retenues par le droit de l'Union - Absence de renvoi direct et inconditionnel auxdites dispositions - Irrecevabilité
Arrêt du 14 février 2019, CCC - Consorzio Cooperative Costruzioni (C-710/17) (cf. points 22-26, 30)
310. Questions préjudicielles - Recevabilité - Indication des raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Portée de l'obligation dans le domaine des libertés fondamentales
311. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question posée dans un contexte excluant une réponse utile - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Irrecevabilité
312. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Portée - Appréciation de la validité de la directive 2011/95 au regard de l'article 78, paragraphe 1, TFUE et de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux, ceux-ci faisant référence à la convention de Genève - Inclusion
Dans l’arrêt M e.a. (Révocation du statut de réfugié) (C-391/16, C-77/17 et C-78/17), rendu le 14 mai 2019, la grande chambre de la Cour s’est prononcée sur la validité de l’article 14, paragraphes 4 à 6, de la directive 2011/95{1}, qui précise les hypothèses dans lesquelles les États membres peuvent procéder à la révocation ou au refus d’octroi du statut de réfugié, à l’aune de l’article 78, paragraphe 1, TFUE et de l’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ceux-ci faisant référence à la convention de Genève{2}. Cet arrêt s’inscrit dans le cadre de trois litiges opposant des ressortissants de pays tiers aux autorités nationales compétentes respectives, au sujet soit de la révocation de leur statut de réfugié, soit du refus d’octroi de ce statut par celles-ci au motif qu’ils avaient été condamnés pour des infractions particulièrement graves et qu’ils représentaient un danger pour la sécurité ou la société de l’État membre concerné. Plus particulièrement, la Cour s’est prononcée sur le point de savoir si l’article 14, paragraphes 4 à 6, de cette directive a pour effet de priver de tels ressortissants de pays tiers, qui remplissent les conditions matérielles prévues à l’article 2, sous d), de ladite directive, de la qualité de « réfugié » et s’il méconnaît, de ce fait, l’article 1er de la convention de Genève.
La Cour a, tout d’abord, estimé qu’elle était compétente pour statuer sur les trois demandes préjudicielles. Elle a relevé que, si l’Union n’est pas partie contractante à la convention de Genève, l’article 78, paragraphe 1, TFUE et l’article 18 de la charte des droits fondamentaux lui imposent toutefois le respect des règles de cette convention, de sorte que la directive 2011/95 doit, en vertu de ces dispositions du droit primaire, respecter ces règles et que la Cour est compétente pour examiner la validité de l’article 14, paragraphes 4 à 6, de cette directive, visé par les questions préjudicielles, à l’aune de ces dispositions.
Ensuite, la Cour a jugé que les dispositions de l’article 14, paragraphes 4 à 6, de ladite directive se prêtent à une interprétation qui assure que le niveau de protection minimal prévu par la convention de Genève n’est pas méconnu, ainsi que l’exigent l’article 78, paragraphe 1, TFUE et l’article 18 de la charte des droits fondamentaux, et a conclu à la validité de ces dispositions.
À cet égard, la Cour a précisé, en premier lieu, que si la directive 2011/95 établit un système normatif comportant des notions et des critères communs aux États membres et, donc, propres à l’Union, elle est néanmoins fondée sur la convention de Genève et a, notamment, pour finalité que soit pleinement respecté l’article 1er de cette convention. Ainsi, la définition du « réfugié » contenue à l’article 2, sous d), de la directive 2011/95 reprend, en substance, celle figurant à l’article 1er, section A, de la convention de Genève. Le « statut de réfugié », au sens de l’article 2, sous e), de cette directive, correspond, pour sa part, à la reconnaissance formelle de la qualité de « réfugié », laquelle a un caractère déclaratif et non pas constitutif de cette qualité, ce qui signifie, en vertu de l’article 13 de ladite directive, qu’un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride remplissant les conditions matérielles figurant au chapitre III de la même directive dispose, de ce seul fait, de la qualité de réfugié, au sens de l’article 2, sous d), de celle-ci et de l’article 1er, section A, de ladite convention, sans que les États membres disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard. La Cour a, par ailleurs, relevé que l’octroi du statut de réfugié a pour conséquence que le réfugié concerné est, en vertu de l’article 2, sous b), de la directive 2011/95, bénéficiaire d’une protection internationale, au sens de cette directive, de sorte qu’il dispose de l’ensemble des droits et des avantages prévus par le chapitre VII de ladite directive, lequel comporte à la fois des droits équivalents à ceux qui figurent dans la convention de Genève et des droits plus protecteurs qui n’ont pas d’équivalents dans cette convention. Au vu de ces différents éléments, elle a considéré que la qualité de « réfugié », au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2011/95 et de l’article 1er, section A, de ladite convention, ne dépend pas de la reconnaissance formelle de cette qualité pa
r l’octroi du « statut de réfugié », au sens de l’article 2, sous e), de cette directive, lu en combinaison avec l’article 13 de cette dernière.
En deuxième lieu, après avoir constaté que le droit de l’Union prévoit, pour les réfugiés se trouvant dans l’une des hypothèses visées à l’article 14, paragraphes 4 et 5, de la directive 2011/95, une protection plus étendue que celle assurée par la convention de Genève, la Cour a relevé que cet article 14, paragraphes 4 et 5, ne saurait être interprété en ce sens que, dans le contexte du système institué par cette directive, la révocation du statut de réfugié ou le refus de l’octroyer a pour effet que le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride concerné qui remplit les conditions figurant à l’article 2, sous d), de ladite directive, lu en combinaison avec les dispositions du chapitre III de celle-ci, perd la qualité de réfugié, au sens dudit article 2, sous d), et de l’article 1er, section A, de la convention de Genève. En effet, la circonstance que la personne concernée relève de l’une des hypothèses visées à l’article 14, paragraphes 4 et 5, de la même directive ne signifie pas pour autant que celle-ci cesse de répondre aux conditions matérielles dont dépend la qualité de réfugié, relatives à l’existence d’une crainte fondée de persécution dans son pays d’origine. Dans ce cas, cette personne se voit, certes, privée dudit statut et ne dispose donc pas, ou plus, de l’ensemble des droits et des avantages énoncés au chapitre VII de la directive 2011/95. Toutefois, ainsi que le prévoit explicitement l’article 14, paragraphe 6, de cette directive, cette personne jouit, ou continue de jouir, d’un certain nombre de droits prévus par la convention de Genève, ce qui confirme qu’elle a, ou continue d’avoir, la qualité de réfugié, au sens, notamment, de l’article 1er, section A, de cette convention, en dépit de la révocation ou du refus du statut de réfugié.
En ce qui concerne cette dernière disposition, la Cour a jugé, en dernier lieu, que celle-ci prévoit l’obligation pour l’État membre qui fait usage des facultés prévues à l’article 14, paragraphes 4 et 5, de la directive 2011/95 d’accorder au réfugié concerné, se trouvant sur le territoire dudit État membre, à tout le moins, le bénéfice des droits consacrés par la convention de Genève auxquels cet article 14, paragraphe 6, fait expressément référence ainsi que des droits prévus par cette convention dont la jouissance n’exige pas une résidence régulière. En outre, la Cour a souligné que cette dernière disposition ne saurait être interprétée en aucune manière en ce sens qu’elle aurait pour effet d’inciter les États membres à se soustraire à leurs obligations internationales, telles qu’elles résultent de ladite convention, en limitant les droits que tirent ces personnes de la même convention. Par ailleurs, la Cour a ajouté que l’application de l’article 14, paragraphes 4 à 6, de cette directive est sans préjudice de l’obligation, pour l’État membre concerné, de respecter les dispositions pertinentes de la charte des droits fondamentaux.
La Cour a conclu son examen en soulignant que, tandis que, sous l’empire de la convention de Genève, les personnes relevant de l’une des hypothèses décrites à l’article 14, paragraphes 4 et 5, de la directive 2011/95 sont passibles, en vertu de l’article 33, paragraphe 2, de cette convention, d’une mesure de refoulement ou d’expulsion vers leur pays d’origine, et ce quand bien même leur vie ou leur liberté y serait menacée, de telles personnes ne peuvent en revanche, en vertu de cette directive, faire l’objet d’un refoulement si celui-ci leur faisait courir le risque que soient violés leurs droits fondamentaux consacrés à l’article 4 et à l’article 19, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux. Ces personnes sont, certes, susceptibles de faire l’objet, dans l’État membre concerné, d’une décision de révocation du statut de réfugié, au sens de l’article 2, sous e), de ladite directive, ou d’une décision de refus d’octroi de ce statut, mais l’adoption de telles décisions ne saurait affecter leur qualité de réfugié lorsqu’elles remplissent les conditions matérielles requises pour être considérées comme étant des réfugiés, au sens de l’article 2, sous d), de la même directive, lu en combinaison avec les dispositions du chapitre III de celle-ci, et, donc, de l’article 1er, section A, de la convention de Genève.
{1 Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9).}
{2 Convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951.}
313. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Compétence au vu de l'affectation éventuelle des personnes provenant des autres États membres - Exploitation de machines à sous - Nécessité pour la juridiction nationale de fournir des éléments démontrant l'utilisation par une clientèle provenant d'autres États membres des possibilités de jeux offertes
Ordonnance du 4 juin 2019, Pólus Vegas (C-665/18) (cf. points 17-19, 24 et disp.)
314. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité de l'inscription d'une entité sur la liste des personnes, des groupes et des entités impliqués dans des actes de terrorisme - Extension du champ de l'examen de validité demandé par la juridiction de renvoi à la demande d'une partie - Rejet
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 20 juin 2019, K.P. (C-458/15) (cf. points 35-38, 45, 46)
315. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Appréciation de la conformité de la décision de renvoi au droit national - Vérification par la Cour - Exclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 26 juin 2019, Addiko Bank (C-407/18) (cf. points 37-39)
316. Questions préjudicielles - Actes des institutions - Validité - Contestation - Compétences de la Cour - Étendue - Possibilité pour un particulier de se prévaloir des griefs susceptibles d'être avancés dans le cadre d'un recours en annulation - Non-respect des conditions d'adoption d'un acte de l'Union - Inclusion
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 juillet 2019, Eurobolt (C-644/17) (cf. points 25, 26, disp. 1)
317. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Contestation de la validité d'un acte de l'Union devant le juge national - Constatation d'invalidité - Incompétence des juridictions nationales - Doutes à l'égard de la validité - Obligation de renvoi - Possibilité de solliciter préalablement les institutions de l'Union ayant participé à l'élaboration de l'acte contesté - Obligation de coopération loyale des institutions de l'Union avec les autorités judiciaires des États membres
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 juillet 2019, Eurobolt (C-644/17) (cf. points 28-32, disp. 2)
318. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Questions reposant sur une interprétation incorrecte d'une directive - Absence de motif d'irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 4 juillet 2019, Kirschstein (C-393/17) (cf. point 28)
319. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - État membre ayant notifié son intention de se retirer de l'Union - Question préjudicielle par anticipation de ce retrait - Irrecevabilité
Ordonnance du 5 septembre 2019, Eli Lilly and Company (C-239/19) (cf. points 25, 26)
320. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'existence de litiges dans d'autres États membres ou de litiges antérieurs - Irrecevabilité
Ordonnance du 5 septembre 2019, Eli Lilly and Company (C-239/19) (cf. point 27)
321. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Questions générales ou hypothétiques - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 septembre 2019, Ortiz Mesonero (C-366/18) (cf. points 29-32, 37-42)
322. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Indication des raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Portée - Organe de renvoi étant un tribunal arbitral - Nécessité de fournir à la Cour des précisions sur la qualité de juridiction nationale de l'organe de renvoi - Absence - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 24 septembre 2019, KE (C-185/19) (cf. points 18, 19, 23 et disp.)
323. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Litige ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union - Absence d'indication des éléments de rattachement rendant l'interprétation sollicitée nécessaire à la solution du litige - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 24 octobre 2019, Belgische Staat (C-469/18 et C-470/18) (cf. points 18, 19, 23-25 et disp.)
324. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Impossibilité pour la Cour de vérifier l'applicabilité et la pertinence des autres dispositions du droit de l'Union invoquées - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 novembre 2019, UNESA (C-80/18 à C-83/18) (cf. points 36-40, 53)
Voir texte de la décision.
Ordonnance du 28 novembre 2023, Svivov (C-373/23) (cf. point 21)
Ordonnance du 15 janvier 2020, Corporate Commercial Bank (C-647/18) (cf. points 37-42, 46 et disp.)
325. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Compétence de la Cour - Droit primaire - Exclusion
326. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Questions devenues sans objet après un changement de circonstances ou une modification législative intervenus dans l'État membre concerné - Non-lieu à statuer
Dans l’arrêt A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C-585/18, C-624/18 et C-625/18), prononcé le 19 novembre 2019, dans le cadre d’une procédure accélérée, la Cour, réunie en grande chambre, a jugé que le droit à un recours effectif, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et réaffirmé, dans un domaine spécifique, par la directive 2000/78{1}, s’oppose à ce que des litiges concernant l’application du droit de l’Union puissent relever de la compétence exclusive d’une instance ne constituant pas un tribunal indépendant et impartial. Selon la Cour, tel est le cas lorsque les conditions objectives dans lesquelles a été créée l’instance concernée, les caractéristiques de celle-ci et la manière dont ses membres ont été nommés sont de nature à engendrer des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de cette instance à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier, d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif, et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent. Ces éléments sont ainsi susceptibles de conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité de ladite instance qui est propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer auxdits justiciables dans une société démocratique. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, en tenant compte de tous les éléments pertinents dont elle dispose, si tel est effectivement le cas s’agissant de la nouvelle chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise. En pareille hypothèse, le principe de primauté du droit de l’Union lui impose alors de laisser inappliquée la disposition du droit national réservant à cette chambre disciplinaire la compétence exclusive pour connaître des litiges relatifs à la mise à la retraite des juges de la Cour suprême, de manière à ce que ces litiges puissent être examinés par une juridiction répondant aux exigences d
’indépendance et d’impartialité et qui serait compétente dans le domaine concerné si ladite disposition n’y faisait pas obstacle.
Dans les affaires pendantes devant la juridiction de renvoi, trois juges polonais (de la Cour suprême administrative et de la Cour suprême) invoquaient, entre autres, des violations de l’interdiction de discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi, en raison de leur mise à la retraite anticipée, conformément à la nouvelle loi du 8 décembre 2017 sur la Cour suprême. Bien que, depuis une modification récente, cette loi ne concerne plus les juges qui, à l’instar des requérants au principal, étaient déjà en exercice au sein de la Cour suprême lors de l’entrée en vigueur de celle-ci et que, par conséquent, lesdits requérants ont été maintenus ou réintégrés dans leurs fonctions, la juridiction de renvoi s’estimait toujours confrontée à un problème de nature procédurale. En effet, alors même que le type de litige en cause relevait normalement de la compétence de la chambre disciplinaire, nouvellement instituée au sein de la Cour suprême, elle se demandait, si, en raison de doutes quant à l’indépendance de cette instance, elle devait écarter les règles nationales de répartition des compétences juridictionnelles et, le cas échéant, se saisir elle-même du fond de ces litiges.
Dans un premier temps, la Cour, après avoir confirmé l’applicabilité, en l’occurrence, tant de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux que de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, a rappelé que l’exigence d’indépendance des juridictions relève du contenu essentiel du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit fondamental à un procès équitable, droits qui revêtent eux-mêmes une importance cardinale en tant que garants de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la préservation des valeurs communes aux États membres énoncées à l’article 2 TUE, notamment la valeur de l’État de droit. Elle a ensuite rappelé en détail sa jurisprudence sur la portée de cette exigence d’indépendance et a relevé, notamment, que, conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, l’indépendance des juridictions doit être garantie à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif.
Dans un second temps, la Cour a souligné les éléments spécifiques devant être examinés par la juridiction de renvoi pour lui permettre d’apprécier si la chambre disciplinaire de la Cour suprême offre ou non des garanties suffisantes d’indépendance.
En premier lieu, la Cour a indiqué que le seul fait que les juges de la chambre disciplinaire soient nommés par le président de la République n’est pas de nature à créer une dépendance à l’égard du pouvoir politique, ni à engendrer des doutes quant à leur impartialité, si, une fois nommés, ils ne sont soumis à aucune pression et ne reçoivent pas d’instructions dans l’exercice de leurs fonctions. Par ailleurs, l’intervention, en amont, du Conseil national de la magistrature, chargé de proposer les juges en vue de leur nomination, est susceptible d’encadrer objectivement la marge de manœuvre du président de la République, à condition, toutefois, que cet organe soit lui-même suffisamment indépendant à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif ainsi que du président de la République. À ce sujet, la Cour a précisé qu’il importait de tenir compte d’éléments tant factuels que juridiques ayant trait à la fois aux conditions dans lesquelles les membres du nouveau Conseil de la magistrature polonais ont été désignés et à la manière dont celui-ci remplit concrètement son rôle de gardien de l’indépendance des juridictions et des juges. La Cour a également indiqué qu’il convenait de vérifier la portée du contrôle juridictionnel des propositions du Conseil de la magistrature, dans la mesure où les décisions de nomination du président de la République ne sont pas, quant à elles, susceptibles de faire l’objet d’un tel contrôle.
En deuxième lieu, la Cour a mis en exergue d’autres éléments, caractérisant plus directement la chambre disciplinaire. Par exemple, elle a indiqué que, dans le contexte particulier issu de l’adoption, fortement contestée, des dispositions de la nouvelle loi sur la Cour suprême qu’elle a déclarées contraires au droit de l’Union dans son arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C-619/18, EU:C:2019:531), il était pertinent de relever que la chambre disciplinaire s’est vu confier une compétence exclusive pour connaître des litiges ayant trait à la mise à la retraite des juges de la Cour suprême découlant de cette loi, qu’elle doit être composée uniquement de juges nouvellement nommés, ou encore qu’elle semble jouir d’un degré d’autonomie particulièrement poussé au sein de la Cour suprême. De manière générale, à plusieurs reprises, la Cour a précisé que, si chacun des éléments examinés, pris isolément, n’est pas forcément de nature à mettre en doute l’indépendance de cette instance, il pourrait, en revanche, en aller différemment lorsqu’ils sont envisagés de manière combinée.
{1 Directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).}
Voir le texte de la décision.
327. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Situation juridique nationale régie par le droit de l'Union - Compétence de la Cour
Dans l’arrêt A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C-585/18, C-624/18 et C-625/18), prononcé le 19 novembre 2019, dans le cadre d’une procédure accélérée, la Cour, réunie en grande chambre, a jugé que le droit à un recours effectif, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et réaffirmé, dans un domaine spécifique, par la directive 2000/78{1}, s’oppose à ce que des litiges concernant l’application du droit de l’Union puissent relever de la compétence exclusive d’une instance ne constituant pas un tribunal indépendant et impartial. Selon la Cour, tel est le cas lorsque les conditions objectives dans lesquelles a été créée l’instance concernée, les caractéristiques de celle-ci et la manière dont ses membres ont été nommés sont de nature à engendrer des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de cette instance à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier, d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif, et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent. Ces éléments sont ainsi susceptibles de conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité de ladite instance qui est propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer auxdits justiciables dans une société démocratique. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, en tenant compte de tous les éléments pertinents dont elle dispose, si tel est effectivement le cas s’agissant de la nouvelle chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise. En pareille hypothèse, le principe de primauté du droit de l’Union lui impose alors de laisser inappliquée la disposition du droit national réservant à cette chambre disciplinaire la compétence exclusive pour connaître des litiges relatifs à la mise à la retraite des juges de la Cour suprême, de manière à ce que ces litiges puissent être examinés par une juridiction répondant aux exigences d
’indépendance et d’impartialité et qui serait compétente dans le domaine concerné si ladite disposition n’y faisait pas obstacle.
Dans les affaires pendantes devant la juridiction de renvoi, trois juges polonais (de la Cour suprême administrative et de la Cour suprême) invoquaient, entre autres, des violations de l’interdiction de discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi, en raison de leur mise à la retraite anticipée, conformément à la nouvelle loi du 8 décembre 2017 sur la Cour suprême. Bien que, depuis une modification récente, cette loi ne concerne plus les juges qui, à l’instar des requérants au principal, étaient déjà en exercice au sein de la Cour suprême lors de l’entrée en vigueur de celle-ci et que, par conséquent, lesdits requérants ont été maintenus ou réintégrés dans leurs fonctions, la juridiction de renvoi s’estimait toujours confrontée à un problème de nature procédurale. En effet, alors même que le type de litige en cause relevait normalement de la compétence de la chambre disciplinaire, nouvellement instituée au sein de la Cour suprême, elle se demandait, si, en raison de doutes quant à l’indépendance de cette instance, elle devait écarter les règles nationales de répartition des compétences juridictionnelles et, le cas échéant, se saisir elle-même du fond de ces litiges.
Dans un premier temps, la Cour, après avoir confirmé l’applicabilité, en l’occurrence, tant de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux que de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, a rappelé que l’exigence d’indépendance des juridictions relève du contenu essentiel du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit fondamental à un procès équitable, droits qui revêtent eux-mêmes une importance cardinale en tant que garants de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la préservation des valeurs communes aux États membres énoncées à l’article 2 TUE, notamment la valeur de l’État de droit. Elle a ensuite rappelé en détail sa jurisprudence sur la portée de cette exigence d’indépendance et a relevé, notamment, que, conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, l’indépendance des juridictions doit être garantie à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif.
Dans un second temps, la Cour a souligné les éléments spécifiques devant être examinés par la juridiction de renvoi pour lui permettre d’apprécier si la chambre disciplinaire de la Cour suprême offre ou non des garanties suffisantes d’indépendance.
En premier lieu, la Cour a indiqué que le seul fait que les juges de la chambre disciplinaire soient nommés par le président de la République n’est pas de nature à créer une dépendance à l’égard du pouvoir politique, ni à engendrer des doutes quant à leur impartialité, si, une fois nommés, ils ne sont soumis à aucune pression et ne reçoivent pas d’instructions dans l’exercice de leurs fonctions. Par ailleurs, l’intervention, en amont, du Conseil national de la magistrature, chargé de proposer les juges en vue de leur nomination, est susceptible d’encadrer objectivement la marge de manœuvre du président de la République, à condition, toutefois, que cet organe soit lui-même suffisamment indépendant à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif ainsi que du président de la République. À ce sujet, la Cour a précisé qu’il importait de tenir compte d’éléments tant factuels que juridiques ayant trait à la fois aux conditions dans lesquelles les membres du nouveau Conseil de la magistrature polonais ont été désignés et à la manière dont celui-ci remplit concrètement son rôle de gardien de l’indépendance des juridictions et des juges. La Cour a également indiqué qu’il convenait de vérifier la portée du contrôle juridictionnel des propositions du Conseil de la magistrature, dans la mesure où les décisions de nomination du président de la République ne sont pas, quant à elles, susceptibles de faire l’objet d’un tel contrôle.
En deuxième lieu, la Cour a mis en exergue d’autres éléments, caractérisant plus directement la chambre disciplinaire. Par exemple, elle a indiqué que, dans le contexte particulier issu de l’adoption, fortement contestée, des dispositions de la nouvelle loi sur la Cour suprême qu’elle a déclarées contraires au droit de l’Union dans son arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C-619/18, EU:C:2019:531), il était pertinent de relever que la chambre disciplinaire s’est vu confier une compétence exclusive pour connaître des litiges ayant trait à la mise à la retraite des juges de la Cour suprême découlant de cette loi, qu’elle doit être composée uniquement de juges nouvellement nommés, ou encore qu’elle semble jouir d’un degré d’autonomie particulièrement poussé au sein de la Cour suprême. De manière générale, à plusieurs reprises, la Cour a précisé que, si chacun des éléments examinés, pris isolément, n’est pas forcément de nature à mettre en doute l’indépendance de cette instance, il pourrait, en revanche, en aller différemment lorsqu’ils sont envisagés de manière combinée.
{1 Directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).}
328. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité d'une décision préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national - Question préjudicielle ayant comme seul objet de permettre à la juridiction de renvoi de se prononcer sur une question qui échappe à sa compétence - Irrecevabilité
Dans l’arrêt Iccrea Banca (C-414/18), rendu le 3 décembre 2019, la Cour, réunie en grande chambre, a souligné la compétence exclusive des juridictions de l’Union pour apprécier la légalité des décisions du Conseil de résolution unique (CRU) ainsi que des actes adoptés par une autorité de résolution nationale en préparation de telles décisions, relatives à des contributions dues par une banque placée à la tête d’un réseau d’établissements de crédit au Fonds de résolution unique (FRU). En outre, la Cour a constaté qu’une juridiction nationale ne pouvait pas annuler une décision nationale notifiant une décision du CRU en se fondant sur une erreur commise par celui-ci. Par ailleurs, la Cour a considéré que les passifs entre entités d’un groupe de banques de crédit coopératif, tel que celui qu’Iccrea Banca forme avec des banques coopératives auxquelles elle fournit divers services sans contrôler ces dernières, ne sont pas exclus du calcul des contributions en faveur des fonds nationaux de résolution.
Iccrea Banca, une banque placée à la tête d’un réseau d’établissements de crédit, dite « banque de second rang », fournit à des banques de crédit coopératif en Italie divers services et fait office de centrale financière du système de crédit coopératif. À ce dernier titre, elle offre notamment auxdites banques une série de services d’accès structuré à des financements disponibles auprès de la Banque centrale européenne et sur le marché. Par plusieurs décisions successives, la Banque d’Italie a réclamé à Iccrea Banca le paiement de contributions ordinaires, extraordinaires et additionnelles au Fonds national de résolution italien, au titre des années 2015 et 2016. De plus, la Banque d’Italie lui a réclamé le paiement d’une contribution ex ante au FRU, au titre de l’année 2016. Cette contribution avait été établie par des décisions du CRU sur la base de données transmises à ce dernier par la Banque d’Italie.
Iccrea Banca a attaqué ces décisions de la Banque d’Italie devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), contestant les modalités de calcul des contributions réclamées. Elle a fait notamment valoir que la Banque d’Italie aurait été à l’origine d’une erreur dans le calcul par le CRU de la contribution ex ante au FRU en n’ayant pas relevé, lors de la communication de ses données au CRU, la nature particulière du système intégré dans lequel Iccrea Banca opérait. Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a demandé à la Cour d’interpréter la réglementation de l’Union en la matière.
En ce qui concerne, en premier lieu, l’intervention de la Banque d’Italie dans la phase de la procédure précédant l’adoption des décisions du CRU sur le calcul des contributions ex ante au FRU, la Cour a, d’abord, rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne a une compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes pris par les organes ou les organismes de l’Union, dont fait partie le CRU. La Cour a, ensuite, précisé que, en ce qui concerne le calcul des contributions ex ante au FRU, le CRU exerce seul le pouvoir décisionnel final et que les autorités de résolution nationales se limitent à apporter un soutien opérationnel au CRU. Par conséquent, le juge de l’Union est seul compétent pour apprécier, lors du contrôle de la légalité d’une décision du CRU fixant le montant de la contribution individuelle ex ante au FRU d’un établissement, si un acte adopté par une autorité de résolution nationale en préparation d’une telle décision est entaché de vices susceptibles d’affecter cette décision du CRU, sans qu’une juridiction nationale puisse exercer un contrôle sur cet acte national.
Le droit de l’Union s’oppose, ainsi, à ce que le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio se prononce sur la légalité de l’intervention de la Banque d’Italie dans la phase de la procédure précédant l’adoption des décisions du CRU sur le calcul des contributions ex ante au FRU pour l’année 2016.
En deuxième lieu, pour ce qui est de la phase suivant l’adoption des décisions du CRU, notifiées à Iccrea Banca par la Banque d’Italie, la Cour a jugé que les autorités de résolution nationales ne sont pas habilitées à réexaminer les calculs effectués par le CRU en vue de modifier le montant de ces contributions et ne sauraient donc, après l’adoption d’une décision du CRU, reconsidérer, à cette fin, l’exposition au risque d’un établissement donné. De même, selon la Cour, si une juridiction nationale pouvait annuler la notification, par une autorité de résolution nationale, d’une décision du CRU sur le calcul de la contribution ex ante d’un établissement au FRU, en se fondant sur le caractère erroné de l’évaluation de l’exposition au risque de l’établissement concerné sur laquelle ce calcul est basé, elle remettrait en cause une appréciation portée par le CRU et ferait obstacle, en définitive, à l’exécution de cette décision du CRU. Par ailleurs, la Cour a jugé que, Iccrea Banca étant directement et individuellement concernée par les décisions du CRU mais n’ayant pas ou tardivement{1} introduit un recours en annulation contre ces décisions devant le Tribunal de l’Union, elle ne peut se prévaloir à titre incident, à l’occasion d’un recours contre des mesures nationales introduit devant une juridiction nationale, de l’invalidité desdites décisions.
Au regard de ces considérations relatives aux compétences du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio, la Cour a jugé que ce dernier ne pouvait lui soumettre une question préjudicielle qu’en ce qui concerne les décisions de la Banque d’Italie réclamant à Iccrea Banca le paiement de contributions au Fonds national de résolution italien.
En ce qui concerne, en troisième lieu, les décisions de la Banque d’Italie réclamant à Iccrea Banca le paiement de contributions au Fonds national de résolution italien, la Cour a jugé que les passifs résultant de transactions entre une banque de second rang et les membres d’un ensemble qu’elle constitue avec des banques coopératives auxquelles elle fournit divers services sans contrôler ces dernières, et ne couvrant pas des prêts octroyés sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif, en vue de promouvoir les objectifs de politique publique d’une administration centrale ou régionale d’un État membre, ne sont pas exclus du calcul des contributions à un fonds national de résolution{2}.
{1 Voir l’ordonnance du Tribunal du 19 novembre 2018, Iccrea Banca/Commission et CRU (T-494/17).}
{2 Article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190). Article 5, paragraphe 1, sous a) et f), du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).}
Arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C-414/18) (cf. points 32, 33)
329. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d'application - Inclusion - Condition - Nécessité pour la juridiction nationale d'indiquer l'existence d'un tel renvoi - Absence d'une telle indication
Dans l’arrêt Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial - sœur de réfugié) (C-519/18), rendu le 12 décembre 2019, la Cour a jugé qu’un État membre peut exiger, afin d’autoriser le regroupement familial de la sœur d’un réfugié, que celle-ci soit, en raison de son état de santé, dans l’incapacité de subvenir à ses propres besoins. Toutefois, cette incapacité doit être appréciée en tenant compte de la situation particulière dans laquelle se trouvent les réfugiés et au terme d’un examen individualisé. Par ailleurs, un tel regroupement ne peut être autorisé que s’il est établi, de la même manière, que le soutien matériel de la personne concernée est effectivement assuré par le réfugié, ou que le réfugié apparaît comme étant le plus à même de l’assurer.
Dans l’affaire au principal, la sœur d’un ressortissant iranien ayant obtenu le statut de réfugié en Hongrie avait fait une demande de permis de séjour, au titre du regroupement familial. Bien que l’intéressée souffrait d’une dépression nécessitant un suivi médical régulier, sa demande avait été rejetée, au motif, notamment, qu’elle n’avait pas démontré que, en raison de son état de santé, elle ne pouvait pas subvenir à ses besoins, condition exigée par la réglementation hongroise.
Interrogée sur la compatibilité de cette réglementation avec la directive 2003/86{1}, la Cour a d’abord relevé que, s’agissant des réfugiés, des conditions plus favorables sont prévues pour l’exercice du droit au regroupement familial. En particulier, les États membres peuvent choisir de faire bénéficier de ce droit des membres de la famille d’un réfugié, tels que les frères et les sœurs, qui ne sont pas explicitement énumérés par la directive 2003/86 comme devant ou pouvant se voir reconnaître un tel droit au regroupement familial. La Cour a alors souligné l’importante marge de manœuvre dont disposent les États membres, tant pour décider de mettre en œuvre cette extension du champ d’application personnel de la directive que pour déterminer quels sont les membres de la famille concernés.
Cette marge de manœuvre est toutefois limitée par l’obligation de s’assurer que le membre de la famille concerné est « à la charge » du réfugié. La Cour a indiqué que le sens à donner à cette condition, explicitement prévue par la directive 2003/86, doit faire l’objet d’une interprétation autonome et uniforme au sein de l’Union européenne. À cet égard, il convient de prendre en considération les précisions déjà apportées par la Cour à propos d’une condition comparable dans le cadre de la directive 2004/38{2}, tout en tenant compte de la particularité de la situation des réfugiés. À cet égard, la Cour a relevé qu’il ne peut pas être exigé systématiquement d’un réfugié qu’il assure, à la date de la demande de regroupement, le soutien matériel du membre de sa famille. Il a en effet pu être confronté à une impossibilité matérielle de faire parvenir les fonds nécessaires ou à la crainte de mettre en danger sa famille s’il venait à les contacter. Aussi, selon la Cour, pour qu’un membre de la famille d’un réfugié soit considéré comme étant à sa charge, deux éléments doivent être réunis. D’une part, le membre de la famille ne doit pas être en mesure de subvenir à ses besoins essentiels, compte tenu de ses conditions économiques et sociales, et ce, à la date à laquelle il demande à rejoindre le réfugié. D’autre part, il doit être établi que son soutien matériel est effectivement assuré par le réfugié ou que, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes, telles que le degré de parenté du membre de la famille avec le réfugié, la nature et la solidité de ses autres liens familiaux, ainsi que l’âge et la situation économique de ses autres parents, le réfugié apparaît comme étant le plus à même d’assurer ce soutien matériel.
La Cour a également affirmé que, compte tenu de leur marge de manœuvre en la matière, les États membres peuvent prévoir des exigences supplémentaires concernant la nature du lien de dépendance existant entre le réfugié et les membres de sa famille concernés. Ils peuvent notamment exiger que ces derniers soient à la charge du réfugié en raison de certains motifs précis, tels que leur état de santé. Cette possibilité est toutefois encadrée à deux égards. D’une part, une telle réglementation nationale doit respecter tant les droits fondamentaux, garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que le principe de proportionnalité. D’autre part, les autorités nationales compétentes sont tenues de procéder à un examen individualisé de la demande de regroupement familial et de la condition selon laquelle le membre de la famille doit être à la charge du réfugié, en prenant en compte l’ensemble des éléments pertinents. En outre, les autorités nationales doivent tenir compte du fait que l’ampleur des besoins peut être très variable selon les individus, ainsi que de la situation particulière des réfugiés, notamment au regard de l’obtention difficile d’éléments de preuve dans leur pays d’origine.
{1 Directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12).}
{2 Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).}
330. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions hypothétiques - Incompétence de la juridiction de renvoi pour statuer sur le litige au principal - Irrecevabilité manifeste - Juridiction de renvoi, toujours saisie du litige au principal à l'issue de la première procédure préjudicielle, ayant décidé d'introduire une nouvelle demande de décision préjudicielle - Absence de faits nouveaux justifiant une nouvelle appréciation de la compétence de ladite juridiction par la Cour - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 17 décembre 2019, Di Girolamo (C-618/18) (cf. points 25-38 et disp.)
331. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de la directive 2014/59 - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 15 janvier 2020, Corporate Commercial Bank (C-647/18) (cf. points 22-25, 46 et disp.)
332. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Impossibilité pour la Cour de vérifier l'applicabilité et la pertinence des dispositions du droit de l'Union invoquées - Irrecevabilité manifeste
333. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de principes généraux du droit de l'Union - Impossibilité pour la Cour de vérifier l'applicabilité et la pertinence des autres dispositions du droit de l'Union invoquées - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 15 janvier 2020, Corporate Commercial Bank (C-647/18) (cf. points 43-46 et disp.)
334. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal ou non pertinentes en vue de la solution dudit litige - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 13 février 2020, МАК ТURS (C-376/19) (cf. points 15, 18-20, 25 et disp.)
335. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Dispositions fiscales - Impositions intérieures - Régime fiscal prévoyant une taxe sur la possession des véhicules automobiles et son exonération pour les véhicules d'époque - Qualification d'imposition intérieure et non de restriction quantitative, de mesure d'effet équivalent ou de taxe d'effet équivalent à un droit de douane - Inapplicabilité des articles 30 et 34 à 36 TFUE - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 13 février 2020, Regione Veneto (C-468/19) (cf. points 26-28, 32-36, 46, 47 et disp.)
336. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité des directives 2000/53 et 2014/60 dans un litige concernant un véhicule d'époque se trouvant sur le territoire national - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 13 février 2020, Regione Veneto (C-468/19) (cf. points 29-31, 46, 47 et disp.)
337. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Dispositions fiscales - Impositions intérieures - Interdiction de discrimination entre produits importés et produits nationaux similaires - Taxe en cause non constitutive d'une discrimination - Inapplicabilité de l'article 110 TFUE - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 13 février 2020, Regione Veneto (C-468/19) (cf. points 37-39, 46, 47 et disp.)
338. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de la directive 2000/43 dans un litige ne concernant pas une discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 13 février 2020, Regione Veneto (C-468/19) (cf. points 44, 46, 47 et disp.)
339. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine de la concurrence - Insuffisance de précision sur ledit contexte - Absence d'indications sur l'applicabilité à une situation interne d'une disposition de droit de l'Union rendue applicable par le droit national - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 19 mars 2020, Boé Aquitaine (C-838/19) (cf. points 13-27)
340. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Absence de lien de rattachement entre le litige au principal et la disposition de droit de l'Union visée par les questions préjudicielles - Irrecevabilité
Dans l’arrêt Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (affaires jointes C-558/18 et C-563/18), prononcé le 26 mars 2020, la Cour, réunie en formation de grande chambre, a déclaré irrecevables les demandes de décision préjudicielle introduites par le tribunal régional de Łódź (Pologne) et par le tribunal régional de Varsovie (Pologne). Par ces deux demandes, les juridictions de renvoi ont posé en substance à la Cour la question de la conformité de la nouvelle réglementation polonaise relative au régime disciplinaire des juges avec le droit des justiciables à une protection juridictionnelle effective, garanti à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.
La première affaire (C-558/18) s’inscrit dans un litige opposant la ville de Łowicz, en Pologne, au Trésor public, au sujet d’une demande tendant au paiement de dotations publiques. La juridiction de renvoi a précisé qu’il était probable que la décision qu’elle serait amenée à rendre en l’espèce serait défavorable au Trésor public. La seconde affaire (C-563/18) concerne, quant à elle, une procédure pénale engagée contre trois personnes pour des délits commis en 2002 et en 2003, le juge de renvoi devant envisager de leur accorder une atténuation extraordinaire de peine étant donné qu’ils ont collaboré avec les autorités pénales en reconnaissant les faits reprochés. Les deux demandes de décision préjudicielle font état des craintes de poursuites disciplinaires auxquelles de telles décisions pourraient conduire à l’encontre du juge unique en charge de chacune des affaires. Les juges de renvoi évoquent les récentes réformes législatives ayant eu lieu en Pologne, qui conduiraient à remettre en cause l’objectivité et l’impartialité des procédures disciplinaires à l’égard des juges et affecteraient l’indépendance des juridictions polonaises. Soulignant en particulier le pouvoir d’influence considérable dont serait dorénavant investi le ministre de la Justice dans les procédures disciplinaires à l’égard des juges des juridictions de droit commun, les juges de renvoi insistent sur l’absence de garanties adéquates assortissant ce pouvoir. Pour les juridictions de renvoi, des procédures disciplinaires ainsi conçues conféreraient aux pouvoirs législatif et exécutif un moyen d’évincer les juges dont les décisions leur sont importunes, influençant de ce fait les décisions juridictionnelles qu’ils doivent rendre.
Après avoir confirmé sa compétence pour interpréter l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, la Cour s’est prononcée sur la recevabilité de ces deux demandes de décision préjudicielle. À cet égard, elle a tout d’abord rappelé que, aux termes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement ». Elle a également précisé que, en vertu de cette disposition, telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour, la procédure préjudicielle présuppose notamment qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à prendre en considération l’arrêt préjudiciel. Mettant en exergue la particularité de sa mission dans le cadre des renvois préjudiciels, à savoir assister la juridiction de renvoi dans la solution du litige concret pendant devant cette dernière, la Cour a ensuite énoncé qu’un lien de rattachement doit exister entre ce litige et les dispositions de droit de l’Union dont l’interprétation est demandée. Ce lien doit être tel que cette interprétation réponde à un besoin objectif pour la décision que la juridiction de renvoi doit prendre.
En l’occurrence, la Cour a constaté, premièrement, que les litiges au principal ne présentent aucun lien de rattachement avec le droit de l’Union, et notamment avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, sur lequel portent les questions préjudicielles. Elle a jugé, dès lors, que les juridictions de renvoi ne sont pas appelées à appliquer ce droit aux fins de trancher le fond de ces litiges. Rappelant, deuxièmement, qu’elle a certes déjà jugé recevables des questions portant sur l’interprétation de dispositions procédurales du droit de l’Union que la juridiction de renvoi concernée était tenue d’appliquer pour rendre son jugement{1}, la Cour a relevé que telle n’était pas la portée des questions posées dans les deux espèces. Troisièmement, la Cour a indiqué qu’une réponse à ces questions ne paraissait pas davantage de nature à pouvoir fournir aux juridictions de renvoi une interprétation du droit de l’Union leur permettant de trancher des questions procédurales de droit national avant de pouvoir statuer, le cas échéant, sur le fond des litiges au principal{2}. En conséquence, la Cour a jugé qu’il ne ressortait pas des décisions de renvoi qu’il existerait, entre la disposition du droit de l’Union visée par les questions préjudicielles et les litiges au principal, un lien de rattachement rendant l’interprétation sollicitée nécessaire afin que les juridictions de renvoi puissent, en application des enseignements découlant d’une telle interprétation, rendre leurs jugements respectifs. Elle a dès lors considéré que les questions posées présentent un caractère général, si bien que les demandes de décision préjudicielle devaient être déclarées irrecevables.
Enfin, la Cour a rappelé qu’il ne saurait être admis que des dispositions nationales exposent les juges nationaux à des procédures disciplinaires en raison du fait qu’ils ont saisi la Cour d’un renvoi à titre préjudiciel{3}. En effet, une telle perspective de poursuites disciplinaires serait de nature à porter atteinte à l’exercice effectif, par les juges nationaux concernés, de la faculté d’interroger la Cour et des fonctions de juge chargé de l’application du droit de l’Union dont ils se trouvent investis par les traités. La Cour a, à cet égard, précisé que l’absence d’exposition à de telles procédures ou sanctions disciplinaires pour ce motif constitue, en outre, une garantie inhérente à leur indépendance.
{1 Arrêt de la Cour du 17 février 2011, Weryński (C-283/09, EU:C:2011:85).}
{2 Arrêt de la Cour du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (affaires jointes C-585/18, C-624/18 et C-625/18, EU:C:2019:982).}
{3 Ordonnance du président de la Cour du 1er octobre 2018, Miasto Łowicz et Prokuratura Okręgowa w Płocku (affaires jointes C-558/18 et C-563/18, EU:C:2018:923).}
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 8 novembre 2023, Štíkeľ (C-232/23) (cf. points 14-16, 18-23 et disp.)
Ordonnance du 4 octobre 2024, Shkotareva (C-255/24) (cf. points 25-30)
Ordonnance du 6 novembre 2024, Tsenochev (C-241/24) (cf. points 50-71 et disp.)
341. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation d'une directive de l'Union relative à la taxe sur la valeur ajoutée - Période de recouvrement des taxes concernée antérieure à l'adhésion d'un État à l'Union européenne - Exclusion - Droit à déduction d'une taxe sur la valeur ajoutée relatif à une prestation de services réalisée avant l'adhésion de l'État membre concerné - Détermination exacte du prix de la prestation de services concernée et versement de la totalité de ce prix effectués après la date d'adhésion - Absence d'incidence
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 30 avril 2020, EUROVIA (C-258/19) (cf. points 31, 39, 41, 42, 44 et disp.)
342. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans les domaines des marchés publics et des concessions
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 25 mai 2020, Resopre (C-643/19) (cf. points 20, 32, 33)
343. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 28 mai 2020, UL et VM (C-709/18) (cf. points 39, 40, 42-44)
344. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 28 mai 2020, UL et VM (C-709/18) (cf. points 39, 41, 44)
345. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée - Question soulevée à propos d'un litige ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union - Absence d'indication de l'élément de rattachement rendant l'interprétation sollicitée nécessaire à la solution du litige - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 28 mai 2020, U.T.G. - Prefettura di Foggia (C-17/20) (cf. points 21-25, 29-32)
346. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine de la défense contre les pratiques de dumping - Insuffisance de précision sur ledit contexte - Irrecevabilité manifeste
347. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Absence d'indications permettant au juge de l'Union de vérifier la recevabilité de l'intéressée à demander directement l'annulation de l'acte en cause - Irrecevabilité manifeste
348. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant implicitement sur la validité d'un acte de droit dérivé - Examen d'office de la validité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 17 septembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C-212/19) (cf. points 26-30)
Vysočina Wind est une société tchèque qui exploite une centrale à énergie solaire équipée de panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005.
Conformément à l’obligation prévue par la loi tchèque nº 185/2001 sur les déchets (ci-après la « loi sur les déchets »){1}, elle a participé au financement des coûts afférents à la gestion des déchets provenant des panneaux photovoltaïques et a versé, à ce titre, des contributions au cours des années 2015 et 2016.
Εstimant, toutefois, que cette obligation contributive résultait d’une transposition incorrecte de la directive 2012/19 relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE){2} et que le versement de ces contributions constituait un préjudice, Vysočina Wind a formé, devant les juridictions tchèques, un recours en réparation contre la République tchèque. Dans ce cadre, Vysočina Wind avançait que la disposition de la loi sur les déchets prévoyant l’obligation contributive pour les utilisateurs de panneaux photovoltaïques est contraire à l’article 13, paragraphe 1, de la directive relative aux DEEE, qui met à la charge des producteurs des équipements électriques et électroniques, et non pas des utilisateurs de ceux-ci, le financement des coûts afférents à la gestion des déchets provenant d’équipements mis sur le marché après le 13 août 2005.
Le recours introduit par Vysočina Wind ayant été accueilli, tant en première instance qu’en appel, la République tchèque a formé un pourvoi en cassation devant le Nejvyšší soud (Cour suprême, République tchèque).
Saisie à titre préjudiciel par cette dernière juridiction, la Cour, réunie en grande chambre, se prononce, d’une part, sur l’interprétation et sur la validité de l’article 13, paragraphe 1, de la directive relative aux DEEE, et précise, d’autre part, les conditions d’engagement de la responsabilité d’un État membre pour violation du droit de l’Union dans le contexte de la transposition d’une directive.
Appréciation de la Cour
En procédant à une interprétation littérale de la directive relative aux DEEE, la Cour confirme, en premier lieu, que les panneaux photovoltaïques constituent des équipements électriques et électroniques au sens de celle-ci, de sorte que, conformément à l’article 13, paragraphe 1, de cette directive, le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de ces panneaux mis sur le marché à partir du 13 août 2012, date de l’entrée en vigueur de cette directive, doit peser sur les producteurs desdits panneaux et non pas, comme le prévoit la législation tchèque, sur leurs utilisateurs.
En deuxième lieu, la Cour examine la validité de l’article 13, paragraphe 1, de la directive relative aux DEEE, pour autant que cette disposition s’applique aux panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005, soit à une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur de cette directive.
À cet égard, la Cour rappelle tout d’abord que si le principe de sécurité juridique s’oppose à l’application d’une règle de droit nouvelle à une situation acquise antérieurement à son entrée en vigueur, il résulte également de sa jurisprudence qu’une règle de droit nouvelle s’applique immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la loi ancienne ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles.
Ainsi, la Cour vérifie si l’application de la règle de droit énoncée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive relative aux DEEE, selon laquelle les producteurs, et non pas les utilisateurs, sont tenus d’assurer le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché après le 13 août 2005, lorsque ces panneaux sont devenus ou deviendront des déchets à partir de la date de l’entrée en vigueur de la directive, est de nature à porter atteinte à une situation acquise antérieurement à son entrée en vigueur ou si cette application tend, au contraire, à régir les effets futurs d’une situation née avant cette entrée en vigueur.
Or, comme la réglementation de l’Union qui préexistait à l’adoption de la directive relative aux DEEE laissait aux États membres le choix de faire supporter les coûts de la gestion des déchets provenant de panneaux photovoltaïques, soit par le détenteur actuel ou antérieur des déchets soit par le producteur ou le distributeur des panneaux, la directive relative aux DEEE a eu une incidence sur des situations acquises antérieurement à son entrée en vigueur dans les États membres qui avaient décidé d’imposer ces coûts aux utilisateurs des panneaux photovoltaïques et non pas aux producteurs de ceux-ci, tel que cela était le cas en République tchèque.
À ce titre, la Cour précise qu’une règle de droit nouvelle qui s’applique à des situations acquises antérieurement ne saurait être considérée comme étant conforme au principe de non-rétroactivité des actes juridiques lorsqu’elle modifie, a posteriori et de manière imprévisible, la répartition de coûts dont la survenance ne peut plus être évitée. Or, en l’occurrence, les producteurs des panneaux photovoltaïques n’étaient pas en mesure de prévoir, lors de la conception des panneaux, qu’ils seraient ultérieurement tenus d’assurer le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de ces panneaux.
Au vu de ces considérations, la Cour déclare l’article 13, paragraphe 1, de la directive relative aux DEEE invalide pour autant que cette disposition impose aux producteurs le financement des coûts afférents à la gestion des déchets issus de panneaux photovoltaïques mis sur le marché entre le 13 août 2005 et le 13 août 2012.
En troisième lieu, la Cour affirme que l’insertion dans la loi sur les déchets d’une disposition prévoyant une obligation contributive à la charge des utilisateurs de panneaux photovoltaïques qui est contraire à la directive relative aux DEEE, plus d’un mois avant l’adoption de cette dernière, n’est pas constitutive, en tant que telle, d’une violation du droit de l’Union par la République tchèque, dès lors que la réalisation du résultat prescrit par la directive ne saurait être considérée comme sérieusement compromise avant que celle-ci ne fasse partie de l’ordre juridique de l’Union.
{1} Article 37p du zákon č. 185/2001 Sb., o odpadech a o změně některých dalších zákonů (loi nº 185/2001, sur les déchets et sur la modification de certaines autres lois).
{2} Directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) (JO 2012, L 197, p. 38), ci-après la « directive relative aux DEEE ».
Arrêt du 25 janvier 2022, VYSOČINA WIND (C-181/20) (cf. points 35-37)
349. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Questions posées dans un contexte excluant une réponse utile - Irrecevabilité manifeste
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 1er octobre 2020, INTER CONSULTING (C-89/20) (cf. points 24-26, 28-33 et disp.)
350. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation d'une directive de l'Union relative au régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents - Recouvrement de l'impôt sur le revenu non acquitté pour une période antérieure à la date d'adhésion d'un État membre à l'Union européenne - Décision de redressement fiscal adoptée après la date d'adhésion - Exclusion
351. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d'application - Inclusion - Condition - Nécessité pour la juridiction nationale d'indiquer l'existence d'un tel renvoi - Absence d'une telle indication - Irrecevabilité
Ordonnance du 12 octobre 2020, CPAS d’Anderlecht (C-394/19) (cf. points 27-30)
352. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Affaire pendante devant la juridiction de renvoi devenue sans objet - Jonction de cette affaire à d'autres affaires pendantes devant la juridiction de renvoi - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 novembre 2020, DelayFix (C-519/19) (cf. points 29-34)
353. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Compétence au vu de l'affectation éventuelle des personnes provenant des autres États membres - Nécessité pour la juridiction nationale de fournir les éléments concrets permettant d'établir un lien entre l'objet ou les circonstances d'un litige et la libre prestation des services
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 décembre 2020, BONVER WIN (C-311/19) (cf. points 23-25)
354. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Affaire pendante devant la juridiction de renvoi devenue sans objet - Non-lieu à statuer - Possibilité pour le requérant au principal d'introduire un recours en responsabilité - Litiges analogues pendants devant la même juridiction - Absence d'incidence
Ordonnance du 3 décembre 2020, Fedasil (C-67/20 à C-69/20) (cf. points 20, 23-25)
355. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité mutatis mutandis d'une disposition de droit de l'Union résultant d'un renvoi opéré par le droit national - Droit national différant substantiellement de la finalité et du contexte du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
D.-H. T., agissant en qualité de syndic de faillite de la société J & S Service, une société de droit allemand, a sollicité de l’administration fiscale des données fiscales sur cette société afin de pouvoir examiner l’opportunité d’introduire des actions révocatoires dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité. L’administration fiscale ayant rejeté cette demande, D.-H. T. a saisi le Verwaltungsgericht (tribunal administratif, Allemagne) compétent, qui a fait droit, pour l’essentiel, à son recours. L’Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur, Allemagne) compétent a rejeté l’appel interjeté par le Land Nordrhein-Westfalen (Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne) contre le jugement de première instance, en considérant, notamment, que le droit d’accès aux informations, exercé sur le fondement de la loi sur le libre accès aux informations pour le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, n’était pas écarté par des règles spécifiques existantes en matière fiscale. Partant, bien que les renseignements sollicités fussent couverts par le secret fiscal, D.-H. T. était en droit, en sa qualité de syndic de faillite, de demander à J & S Service toutes les informations ayant un lien avec la procédure d’insolvabilité.
Saisi d’un pourvoi en Revision formé contre la décision de l’Oberverwaltungsgericht (tribunal administratif supérieur) compétent, le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne ) a observé que le règlement général sur la protection des données (RGPD){1} n’est pas directement applicable en l’occurrence car l’affaire au principal ne porte pas sur des données à caractère personnel se rapportant à une personne physique{2}, ni sur le droit d’accès conféré à la personne concernée{3}. Selon la juridiction de renvoi, ce droit d’accès est un droit attaché à la personne concernée par le traitement des données à caractère personnel qui n’entre pas dans la masse de la faillite et échappe donc au transfert des pouvoirs de gestion et de disposition vers le syndic de faillite. Néanmoins, afin de garantir l’interprétation uniforme du droit de l’Union, la juridiction de renvoi a rappelé que la Cour s’est déjà déclarée compétente pour statuer sur des demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions de ce droit dans des situations purement internes, dans lesquelles ces dispositions avaient été rendues directement et inconditionnellement applicables par le droit national. Or, cette condition serait remplie en l’occurrence, car le code des impôts allemand{4} renvoie, en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel des personnes morales, aux dispositions du RGDP.
C’est dans ce contexte que le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a demandé à la Cour de préciser si l’administration fiscale a la possibilité de limiter l’accès aux données fiscales d’un débiteur d’impôt sur le fondement d’une disposition du RGPD{5}, à laquelle le code des impôts renvoie expressément. Dans l’hypothèse où il serait considéré que l’administration fiscale peut invoquer cette disposition du RGPD, ladite juridiction a invité la Cour à préciser si la notion d’« exécution des demandes de droit civil » figurant à cette disposition du RGPD englobe également la défense contre des prétentions relevant du droit civil. Enfin, cette juridiction a invité la Cour à préciser si une disposition nationale apportant une limitation au droit d’accès conféré par le RGPD afin de s’opposer à des actions révocatoires susceptibles d’être introduites dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité contre l’administration fiscale trouve son fondement dans ce règlement.
Dans son arrêt, après avoir examiné les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national, la Cour constate qu’elle n’est pas compétente pour répondre aux questions posées par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale).
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, s’agissant de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, la Cour relève qu’il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Néanmoins, il appartient à la Cour d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence.
Concernant la vérification de sa compétence dans les affaires préjudicielles, la Cour souligne qu’elle s’est, à maintes reprises, déclarée compétente pour statuer sur des demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union dans des situations dans lesquelles les faits en cause au principal se situaient en dehors du champ d’application de celui-ci et relevaient dès lors de la seule compétence des États membres, mais dans lesquelles lesdites dispositions du droit de l’Union avaient été rendues applicables par le droit national en raison d’un renvoi opéré par ce dernier au contenu de celles-ci. La Cour précise qu’une telle compétence est justifiée par l’intérêt manifeste, pour l’ordre juridique de l’Union, à ce que, afin d’éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme.
En rappelant que sa compétence est limitée à l’examen des seules dispositions du droit de l’Union, la Cour observe qu’elle ne peut pas, dans sa réponse au juge national, tenir compte de l’économie générale des dispositions du droit interne qui, en même temps qu’elles se réfèrent au droit de l’Union, déterminent l’étendue de cette référence. En effet, la prise en considération des limites que le législateur national a pu apporter à l’application du droit de l’Union à des situations purement internes, auxquelles il n’est applicable que par l’intermédiaire de la loi nationale, relève du droit interne et, par conséquent, de la compétence exclusive des juridictions de l’État membre.
En l’occurrence, la Cour relève que les questions préjudicielles portent sur l’interprétation du RGPD, dont les dispositions relatives au traitement des données à caractère personnel des personnes physiques ont été rendues applicables, en vertu d’un renvoi dans le code des impôts, mutatis mutandis aux personnes morales, afin d’encadrer l’obligation d’information de l’administration fiscale ainsi que le droit d’accès de la personne concernée à l’égard de cette administration. À cet égard, elle précise que le RGPD établit les règles relatives à la protection des données à caractère personnel des personnes physiques et ne couvre pas les données qui concernent les personnes morales. Dès lors, une interprétation de dispositions du RGBP ne saurait être effectuée de la même manière en ce qui concerne les personnes physiques et en ce qui concerne les personnes morales, le droit à la protection des données de ces dernières n’ayant pas été défini par le RGPD.
Les dispositions du code des impôts en cause au principal ne se bornant pas à rendre applicables les dispositions du RGPD en dehors du champ d’application de ce règlement, mais en modifiant l’objet et la portée, la Cour estime qu’il n’est pas possible de considérer que celles-ci ont été rendues applicables en tant que telles par le droit national concerné, fût-ce en dehors du champ d’application de ce règlement. Dès lors, la Cour estime qu’il n’existe pas un intérêt manifeste à ce que soient interprétées les dispositions du RGPD en vue d’assurer leur uniformité d’interprétation.
Par conséquent, la Cour considère qu’elle n’est pas compétente pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.
{1} Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (JO 2016, L 119, p. 1) (ci-après le « RGPD »).
{2} Article 1er, paragraphe 1, et article 4, point 1, du RGPD.
{3} Article 15 du RGPD.
{4} Abgabenordnung (code des impôts, BGBl. I 2002, p. 3866), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code des impôts »).
{5} Article 23, paragraphe 1, sous j), du RGPD.
Arrêt du 10 décembre 2020, J & S Service (C-620/19) (cf. points 36, 39, 43-45, 49-52 et disp.)
356. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de principes généraux du droit de l'Union - Réglementation nationale n'entrant pas dans le champ d'application du droit de l'Union et ne mettant pas en œuvre ce dernier - Incompétence manifeste de la Cour
357. Questions préjudicielles - Procédure préjudicielle accélérée - Conditions - Litige national présentant un caractère urgent - Exclusion - Respect des exigences de cette procédure - Impossibilité pour la Cour de se prononcer sans délai et de façon provisoire sur les questions posées - Adoption de mesures provisoires incombant à la juridiction nationale
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 25 février 2021, Sea Watch (C-14/21 et C-15/21) (cf. points 26-34)
358. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité d'un règlement n'ayant pas été attaqué sur le fondement de l'article 263 TFUE - Recours au principal introduit par une société à l'évidence recevable à agir en annulation - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 mars 2021, Von Aschenbach & Voss (C-708/19) (cf. points 32-35, 47-50)
359. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Actes pris par les institutions - Recommandations - Portée de la compétence - Recommandation de l'Autorité bancaire européenne à une autorité bancaire nationale portant sur les mesures à prendre pour se conformer à la directive 94/19 - Inclusion
Arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka (C-501/18) (cf. points 82, 83)
360. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation des règlements sur la loi applicable aux obligations contractuelles ainsi que sur la loi applicable aux obligations non contractuelles - Champ d'application ratione temporis desdits règlements - Relation juridique née avant l'adhésion d'un État membre à l'Union européenne - Inapplicabilité du droit de l'Union dans cet État membre avant la date de son adhésion - Incompétence de la Cour
Voir texte de la décision.
Arrêt du 25 mars 2021, Obala i lučice (C-307/19) (cf. points 55-58)
361. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question manifestement dénuée de pertinence - Question sans rapport avec l'objet du litige au principal - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 26 mars 2021, Fedasil (C-92/21) (cf. points 47, 48, 51, 53)
Ordonnance du 26 mars 2021, Fedasil (C-134/21) (cf. points 47, 48, 51, 53)
Ordonnance du 31 mars 2023, ASADE (C-676/20) (cf. points 64, 71-73)
362. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Questions posées en vue du contrôle, par la juridiction nationale, de la conformité de dispositions de droit national au droit de l'Union - Contrôle réservé à la Cour dans le cadre d'un recours en manquement - Absence
Repubblika est une association ayant pour objet la promotion de la protection de la justice et de l’État de droit à Malte. À la suite de la nomination de nouveaux juges, intervenue en avril 2019, elle a introduit une action populaire devant la Prim’Awla tal-Qorti Ċivili - Ġurisdizzjoni Kostituzzjonali (première chambre du tribunal civil, siégeant comme juridiction constitutionnelle, Malte), en vue, notamment, de contester la procédure de nomination des juges maltais, telle que régie par la Constitution{1}. Les dispositions constitutionnelles concernées, qui sont restées inchangées depuis leur adoption, en 1964, jusqu’à une réforme en 2016, confèrent au Il-Prim Ministru (Premier ministre, Malte) le pouvoir de présenter au président de la République la nomination d’un candidat à un tel poste. En pratique, le Premier ministre dispose ainsi d’un pouvoir décisif dans la nomination des juges maltais, qui, selon Repubblika, soulève des doutes quant à l’indépendance de ces juges. Néanmoins, les candidats doivent remplir certaines conditions, également prévues par la Constitution, et, depuis la réforme de 2016, une commission des nominations judiciaires a été instituée et est chargée d’évaluer les candidats et de fournir un avis au Premier ministre.
Dans ce contexte, la juridiction saisie a décidé d’interroger la Cour sur la conformité du système maltais de nomination des juges au droit de l’Union et, plus précisément, à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Pour rappel, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose aux États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer, dans les domaines couverts par le droit de l’Union, une protection juridictionnelle effective et l’article 47 de la Charte énonce le droit à un recours juridictionnel effectif pour tout justiciable qui se prévaut, dans une espèce donnée, d’un droit qu’il tire du droit de l’Union.
La Cour, réunie en grande chambre, juge que le droit de l’Union ne fait pas obstacle à des dispositions constitutionnelles nationales telles que les dispositions de droit maltais relatives à la nomination des juges. En effet, ces dispositions ne semblent pas susceptibles de conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité des juges qui soit propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables dans une société démocratique et un État de droit.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour juge que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE a vocation à s’appliquer en l’espèce, dès lors que le recours tend à contester la conformité, au droit de l’Union, de dispositions de droit national qui régissent la procédure de nomination de juges appelés à statuer sur des questions d’application ou d’interprétation du droit de l’Union, et dont il est allégué qu’elles sont susceptibles d’affecter leur indépendance. En ce qui concerne l’article 47 de la Charte, la Cour indique que, s’il n’est pas applicable en tant que tel{2} dans la mesure où Repubblika ne se prévaut pas d’un droit subjectif qu’elle tirerait du droit de l’Union, il doit néanmoins être pris en considération aux fins de l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.
Dans un second temps, la Cour juge que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ne s’oppose pas à des dispositions nationales qui confèrent à un Premier ministre un pouvoir décisif dans le processus de nomination des juges, tout en prévoyant l’intervention, dans ce processus, d’un organe indépendant chargé, notamment, d’évaluer les candidats à un poste de juge et de fournir un avis à ce Premier ministre.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour souligne d’abord, de manière générale, que, parmi les exigences d’une protection juridictionnelle effective auxquelles doivent satisfaire les juridictions nationales susceptibles de statuer sur l’application ou l’interprétation du droit de l’Union, l’indépendance des juges revêt une importance fondamentale, notamment, pour l’ordre juridique de l’Union, et ce, à divers titres. En effet, elle est essentielle au bon fonctionnement du mécanisme de renvoi préjudiciel, prévu à l’article 267 TFUE, qui ne peut être activé que par une instance indépendante. Par ailleurs, elle relève du contenu essentiel du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective et à un procès équitable prévu à l’article 47 de la Charte.
Ensuite, la Cour rappelle sa jurisprudence récente{3}, dans laquelle elle a apporté des précisons sur les garanties d’indépendance et d’impartialité des juges, requises en vertu du droit de l’Union. Ces garanties supposent notamment l’existence de règles qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité des juges à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier, d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif, et quant à leur neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent.
Enfin, la Cour souligne que, aux termes de l’article 49 TUE, l’Union regroupe des États qui ont librement et volontairement adhéré aux valeurs communes visées à l’article 2 TUE, telles que l’État de droit, qui respectent ces valeurs et qui s’engagent à les promouvoir. Dès lors, un État membre ne saurait modifier sa législation, particulièrement en matière d’organisation de la justice, de manière à entraîner une régression de la protection de la valeur de l’État de droit, valeur qui est concrétisée, notamment, par l’article 19 TUE. Dans cette perspective, les États membres doivent s’abstenir d’adopter des règles qui viendraient porter atteinte à l’indépendance des juges.
Ces précisions faites, la Cour considère, d’une part, que la création, en 2016, de la commission des nominations judiciaires renforce, au contraire, la garantie de l’indépendance des juges maltais par rapport à la situation qui découlait des dispositions constitutionnelles en vigueur lors de l’adhésion de Malte à l’Union européenne. À cet égard, la Cour indique que, en principe, l’intervention d’un tel organe peut être de nature à contribuer à une objectivisation du processus de nomination des juges, en encadrant la marge de manœuvre dont dispose le Premier ministre en la matière, à condition que cet organe soit lui-même suffisamment indépendant. En l’occurrence, la Cour constate l’existence d’une série de règles qui apparaissent de nature à garantir cette indépendance.
D’autre part, la Cour souligne que, si le Premier ministre dispose d’un pouvoir certain dans la nomination des juges, l’exercice de ce pouvoir est encadré par les conditions d’expérience professionnelle, prévues par la Constitution, devant être remplies par les candidats aux postes de juge. En outre, si le Premier ministre peut décider de présenter au président de la République la nomination d’un candidat non proposé par la commission des nominations judiciaires, il est alors tenu de communiquer ses raisons, notamment au pouvoir législatif. Selon la Cour, pour autant qu’il n’exerce ce pouvoir qu’à titre exceptionnel et qu’il se tienne au respect strict et effectif de l’obligation de motivation, son pouvoir n’est pas de nature à créer des doutes légitimes quant à l’indépendance des candidats choisis.
{1} Articles 96, 96A et 100 de la Constitution maltaise.
{2} Conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.
{3} Voir, par exemple, arrêts du 19 novembre 2019, A. K. e. a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C-585/18, C-624/18 et C-625/18, EU:C:2019:982), ainsi que du 2 mars 2021, A.B. e. a. (Nomination des juges à la Cour suprême - Recours) (C-824/18, EU:C:2021:153).
Arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C-896/19) (cf. points 29, 31)
363. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Questions visant des actes de droit de l'Union, l'applicabilité desdits actes à l'affaire au principal étant contestée - Inclusion - Condition - Contestation indissociablement liée aux réponses à donner aux questions préjudicielles
Repubblika est une association ayant pour objet la promotion de la protection de la justice et de l’État de droit à Malte. À la suite de la nomination de nouveaux juges, intervenue en avril 2019, elle a introduit une action populaire devant la Prim’Awla tal-Qorti Ċivili - Ġurisdizzjoni Kostituzzjonali (première chambre du tribunal civil, siégeant comme juridiction constitutionnelle, Malte), en vue, notamment, de contester la procédure de nomination des juges maltais, telle que régie par la Constitution{1}. Les dispositions constitutionnelles concernées, qui sont restées inchangées depuis leur adoption, en 1964, jusqu’à une réforme en 2016, confèrent au Il-Prim Ministru (Premier ministre, Malte) le pouvoir de présenter au président de la République la nomination d’un candidat à un tel poste. En pratique, le Premier ministre dispose ainsi d’un pouvoir décisif dans la nomination des juges maltais, qui, selon Repubblika, soulève des doutes quant à l’indépendance de ces juges. Néanmoins, les candidats doivent remplir certaines conditions, également prévues par la Constitution, et, depuis la réforme de 2016, une commission des nominations judiciaires a été instituée et est chargée d’évaluer les candidats et de fournir un avis au Premier ministre.
Dans ce contexte, la juridiction saisie a décidé d’interroger la Cour sur la conformité du système maltais de nomination des juges au droit de l’Union et, plus précisément, à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Pour rappel, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose aux États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer, dans les domaines couverts par le droit de l’Union, une protection juridictionnelle effective et l’article 47 de la Charte énonce le droit à un recours juridictionnel effectif pour tout justiciable qui se prévaut, dans une espèce donnée, d’un droit qu’il tire du droit de l’Union.
La Cour, réunie en grande chambre, juge que le droit de l’Union ne fait pas obstacle à des dispositions constitutionnelles nationales telles que les dispositions de droit maltais relatives à la nomination des juges. En effet, ces dispositions ne semblent pas susceptibles de conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité des juges qui soit propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables dans une société démocratique et un État de droit.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour juge que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE a vocation à s’appliquer en l’espèce, dès lors que le recours tend à contester la conformité, au droit de l’Union, de dispositions de droit national qui régissent la procédure de nomination de juges appelés à statuer sur des questions d’application ou d’interprétation du droit de l’Union, et dont il est allégué qu’elles sont susceptibles d’affecter leur indépendance. En ce qui concerne l’article 47 de la Charte, la Cour indique que, s’il n’est pas applicable en tant que tel{2} dans la mesure où Repubblika ne se prévaut pas d’un droit subjectif qu’elle tirerait du droit de l’Union, il doit néanmoins être pris en considération aux fins de l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.
Dans un second temps, la Cour juge que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ne s’oppose pas à des dispositions nationales qui confèrent à un Premier ministre un pouvoir décisif dans le processus de nomination des juges, tout en prévoyant l’intervention, dans ce processus, d’un organe indépendant chargé, notamment, d’évaluer les candidats à un poste de juge et de fournir un avis à ce Premier ministre.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour souligne d’abord, de manière générale, que, parmi les exigences d’une protection juridictionnelle effective auxquelles doivent satisfaire les juridictions nationales susceptibles de statuer sur l’application ou l’interprétation du droit de l’Union, l’indépendance des juges revêt une importance fondamentale, notamment, pour l’ordre juridique de l’Union, et ce, à divers titres. En effet, elle est essentielle au bon fonctionnement du mécanisme de renvoi préjudiciel, prévu à l’article 267 TFUE, qui ne peut être activé que par une instance indépendante. Par ailleurs, elle relève du contenu essentiel du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective et à un procès équitable prévu à l’article 47 de la Charte.
Ensuite, la Cour rappelle sa jurisprudence récente{3}, dans laquelle elle a apporté des précisons sur les garanties d’indépendance et d’impartialité des juges, requises en vertu du droit de l’Union. Ces garanties supposent notamment l’existence de règles qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité des juges à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier, d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif, et quant à leur neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent.
Enfin, la Cour souligne que, aux termes de l’article 49 TUE, l’Union regroupe des États qui ont librement et volontairement adhéré aux valeurs communes visées à l’article 2 TUE, telles que l’État de droit, qui respectent ces valeurs et qui s’engagent à les promouvoir. Dès lors, un État membre ne saurait modifier sa législation, particulièrement en matière d’organisation de la justice, de manière à entraîner une régression de la protection de la valeur de l’État de droit, valeur qui est concrétisée, notamment, par l’article 19 TUE. Dans cette perspective, les États membres doivent s’abstenir d’adopter des règles qui viendraient porter atteinte à l’indépendance des juges.
Ces précisions faites, la Cour considère, d’une part, que la création, en 2016, de la commission des nominations judiciaires renforce, au contraire, la garantie de l’indépendance des juges maltais par rapport à la situation qui découlait des dispositions constitutionnelles en vigueur lors de l’adhésion de Malte à l’Union européenne. À cet égard, la Cour indique que, en principe, l’intervention d’un tel organe peut être de nature à contribuer à une objectivisation du processus de nomination des juges, en encadrant la marge de manœuvre dont dispose le Premier ministre en la matière, à condition que cet organe soit lui-même suffisamment indépendant. En l’occurrence, la Cour constate l’existence d’une série de règles qui apparaissent de nature à garantir cette indépendance.
D’autre part, la Cour souligne que, si le Premier ministre dispose d’un pouvoir certain dans la nomination des juges, l’exercice de ce pouvoir est encadré par les conditions d’expérience professionnelle, prévues par la Constitution, devant être remplies par les candidats aux postes de juge. En outre, si le Premier ministre peut décider de présenter au président de la République la nomination d’un candidat non proposé par la commission des nominations judiciaires, il est alors tenu de communiquer ses raisons, notamment au pouvoir législatif. Selon la Cour, pour autant qu’il n’exerce ce pouvoir qu’à titre exceptionnel et qu’il se tienne au respect strict et effectif de l’obligation de motivation, son pouvoir n’est pas de nature à créer des doutes légitimes quant à l’indépendance des candidats choisis.
{1} Articles 96, 96A et 100 de la Constitution maltaise.
{2} Conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.
{3} Voir, par exemple, arrêts du 19 novembre 2019, A. K. e. a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C-585/18, C-624/18 et C-625/18, EU:C:2019:982), ainsi que du 2 mars 2021, A.B. e. a. (Nomination des juges à la Cour suprême - Recours) (C-824/18, EU:C:2021:153).
Arrêt du 20 avril 2021, Repubblika (C-896/19) (cf. point 33)
364. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Absence de lien de rattachement entre le litige au principal et la disposition de droit de l'Union visée par les questions préjudicielles - Irrecevabilité manifeste
Voir texte de la décision.
Arrêt du 9 septembre 2021, Toplofikatsia Sofia e.a. (C-208/20 et C-256/20) (cf. points 18-23)
Ordonnance du 11 mai 2021, XXX et YYY (C-580/20) (cf. points 21, 22, 28, 31, 32 et disp.)
Ordonnance du 6 septembre 2022, Mara-Tóni (C-244/22) (cf. points 22-30 et disp.)
Ordonnance du 28 février 2023, Caixabank (C-254/22) (cf. points 30-35, disp. 1)
Ordonnance du 17 avril 2023, Ferriere Nord e.a. (C-560/22) (cf. points 16-23, 29, 30 et disp.)
Ordonnance du 6 septembre 2023, Vlad Magic (C-230/22) (cf. points 15-18, 20, 22, 25 et disp.)
Ordonnance du 25 octobre 2023, Assofrutti Rom (C-635/22) (cf. points 24-34 et disp.)
Ordonnance du 12 décembre 2023, Hera Luce (C-407/23) (cf. points 16-20, 22-25, 27 et disp.)
Ordonnance du 6 novembre 2024, Tsenochev (C-241/24) (cf. points 35-47 et disp.)
365. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Absence d'indication des éléments de rattachement au droit de l'Union - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 11 mai 2021, XXX et YYY (C-580/20) (cf. points 29-32 et disp.)
Ordonnance du 6 septembre 2023, Vlad Magic (C-230/22) (cf. points 23-25 et disp.)
Ordonnance du 9 janvier 2024, BUL INS (C-387/23) (cf. points 30, 31 et disp.)
366. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal
En 2012, l’Organisation internationale de police criminelle (ci-après « Interpol ») a publié, à la demande des États-Unis et sur la base d’un mandat d’arrêt émis par les autorités de ce pays, une notice rouge visant WS, un ressortissant allemand, en vue de son extradition éventuelle. Lorsqu’une personne faisant l’objet d’une telle notice est localisée dans un État membre d’Interpol, celui-ci doit, en principe, procéder à son arrestation provisoire ou bien surveiller ou restreindre ses déplacements.
Toutefois, avant même la publication de cette notice rouge, une procédure d’enquête portant, selon la juridiction de renvoi, sur les mêmes faits que ceux à l’origine de cette notice avait été engagée contre WS en Allemagne. Cette procédure a été définitivement clôturée en 2010, après le paiement d’une somme d’argent par WS, et ce conformément à une procédure spécifique de transaction prévue en droit pénal allemand. Par la suite, le Bundeskriminalamt (Office fédéral de la police criminelle, Allemagne) a informé Interpol qu’il considérait que, en raison de cette procédure antérieure, le principe ne bis in idem était applicable en l’espèce. Ce principe, consacré tant à l’article 54 de la Convention d'application de l’accord de Schengen{1} qu’à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), interdit notamment qu’une personne ayant déjà été définitivement jugée soit poursuivie de nouveau pour la même infraction.
En 2017, WS a introduit un recours contre la République fédérale d’Allemagne devant le Verwaltungsgericht Wiesbaden (tribunal administratif de Wiesbaden, Allemagne), pour qu’il lui soit ordonné de prendre les mesures nécessaires au retrait de cette notice rouge. À cet égard, WS invoque, outre une violation du principe ne bis in idem, une violation de son droit à la libre circulation, garanti par l’article 21 TFUE, dans la mesure où il ne peut pas se rendre dans un État partie à l’accord de Schengen ou dans un État membre sans risquer d’être arrêté. Il estime également que, en raison de ces violations, le traitement de ses données à caractère personnel, figurant dans la notice rouge, est contraire à la directive 2016/680, relative à la protection des données à caractère personnel en matière pénale{2}.
C’est dans ce contexte que le tribunal administratif de Wiesbaden a décidé d’interroger la Cour sur l’application du principe ne bis in idem et, plus précisément, sur la possibilité de procéder à l’arrestation provisoire d’une personne faisant l’objet d’une notice rouge dans une situation telle que celle en cause. De plus, en cas d’applicabilité de ce principe, cette juridiction cherche à savoir quelles sont les conséquences sur le traitement, par les États membres, des données à caractère personnel contenues dans une telle notice.
Dans son arrêt de grande chambre, la Cour juge que l’article 54 de la CAAS ainsi que l’article 21, paragraphe 1, TFUE, lus à la lumière de l’article 50 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à l’arrestation provisoire, par les autorités d’un État partie à l’accord de Schengen, ou par celles d’un État membre, d’une personne visée par une notice rouge publiée par Interpol, à la demande d’un État tiers, sauf s’il est établi, dans une décision judiciaire définitive prise dans un État partie à cet accord ou dans un État membre, que cette personne a déjà été définitivement jugée respectivement par un État partie audit accord ou par un État membre pour les mêmes faits que ceux sur lesquels cette notice rouge est fondée. La Cour juge également que les dispositions de la directive 2016/680, lues à la lumière de l’article 54 de la CAAS et de l’article 50 de la Charte, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas au traitement des données à caractère personnel figurant dans une notice rouge émise par Interpol, tant qu’il n’a pas été établi, par la voie d’une telle décision judiciaire, que le principe ne bis in idem s’applique s’agissant des faits sur lesquels cette notice est fondée, pour autant qu’un tel traitement satisfait aux conditions prévues par cette directive.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que le principe ne bis in idem est susceptible de s’appliquer dans une situation telle que celle en cause, à savoir dans un contexte où a été adoptée une décision clôturant de manière définitive une procédure pénale moyennant le respect par l’intéressé de certaines conditions, notamment le paiement d’une somme d’argent fixée par le ministère public.
Cette précision étant faite, la Cour juge, en premier lieu, que l’article 54 de la CAAS, l’article 50 de la Charte, ainsi que l’article 21, paragraphe 1, TFUE ne font pas obstacle à l’arrestation provisoire d’une personne visée par une notice rouge d’Interpol, tant qu’il n’est pas établi que celle-ci a été définitivement jugée par un État partie à l’accord de Schengen ou par un État membre pour les mêmes faits que ceux fondant la notice rouge et que, partant, le principe ne bis in idem s’applique.
À cet égard, la Cour indique que, lorsque l’applicabilité du principe ne bis in idem demeure incertaine, une arrestation provisoire peut constituer une étape indispensable en vue de procéder aux vérifications nécessaires tout en évitant la fuite de l’intéressé. Cette mesure est alors justifiée par l’objectif légitime d’éviter l’impunité de celui-ci. En revanche, dès lors que l’application du principe ne bis in idem a été constatée par une décision judiciaire définitive, tant la confiance mutuelle existant entre les États parties à l’accord de Schengen que le droit de libre circulation s’opposent à une telle arrestation provisoire ou au maintien de cette arrestation. La Cour précise qu’il incombe aux États parties à l’accord de Schengen et aux États membres d’assurer la disponibilité de voies de recours permettant aux personnes concernées d’obtenir une telle décision. Elle relève encore que, lorsqu’une arrestation provisoire est incompatible avec le droit de l’Union, en raison de l’application du principe ne bis in idem, un État membre d’Interpol s’abstenant de procéder à une telle arrestation ne manquerait pas aux obligations lui incombant en tant que membre de cette organisation.
En second lieu, s’agissant de la question relative aux données à caractère personnel figurant dans une notice rouge d’Interpol, la Cour indique que toute opération appliquée à ces données, telle que leur enregistrement dans les fichiers de recherche d’un État membre, constitue un « traitement » relevant de la directive 2016/680{3}. En outre, elle considère, d’une part, que ce traitement poursuit une finalité légitime et, d’autre part, qu’il ne saurait être considéré comme illicite au seul motif que le principe ne bis in idem pourrait s’appliquer aux faits sur lesquels la notice rouge est fondée{4}. Ce traitement, par les autorités des États membres, peut d’ailleurs s’avérer indispensable, précisément afin de vérifier si ledit principe s’applique.
Dans ces conditions, la Cour juge, de même, que la directive 2016/680, lue à la lumière de l’article 54 de la CAAS et de l’article 50 de la Charte, ne s’oppose pas au traitement des données à caractère personnel figurant dans une notice rouge, tant qu’une décision judiciaire définitive n’a pas établi que le principe ne bis in idem s’applique en l’espèce. Toutefois, un tel traitement doit respecter les conditions prévues par cette directive. Dans cette perspective, il doit notamment être nécessaire à l’exécution d’une mission, effectuée par une autorité nationale compétente, à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites ou d’exécution de sanctions pénales{5}.
En revanche, lorsque le principe ne bis in idem s’applique, l’enregistrement, dans les fichiers de recherche des États membres, des données à caractère personnel figurant dans une notice rouge d’Interpol n’est plus nécessaire, étant donné que la personne en cause ne peut plus faire l’objet de poursuites pénales pour les faits couverts par ladite notice et, par conséquent, être arrêtée pour ces mêmes faits. Il s’ensuit que la personne concernée doit pouvoir demander l’effacement de ses données. Si cet enregistrement est néanmoins maintenu, il doit être accompagné par l’indication que la personne en cause ne peut plus être poursuivie dans un État membre ou un État contractant pour les mêmes faits, en raison du principe ne bis in idem.
{1} Convention d'application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19) (ci-après la « CAAS »).
{2} Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil (JO 2016, L 119, p. 89).
{3} Voir article 2, paragraphe 1, et article 3, point 2, de la directive 2016/680.
{4} Voir article 4, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 1, de la directive 2016/680.
{5} Voir article 1er, paragraphe 1, et article 8, paragraphe 1, de la directive 2016/680.
367. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Actes pris par les institutions - Notion - Décision 2006/928 et rapports établis sur la base de cette décision - Inclusion
Six demandes de décision préjudicielle ont été portées devant la Cour par des juridictions roumaines dans le cadre de litiges opposant des personnes morales ou des personnes physiques à des autorités ou organes tels que l’Inspection judiciaire roumaine, le Conseil supérieur de la magistrature et le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice.
Les litiges au principal s’inscrivent dans le cadre d’une réforme d’envergure en matière de justice et de lutte contre la corruption en Roumanie, réforme qui fait l’objet d’un suivi à l’échelle de l’Union européenne depuis l’année 2007 en vertu du mécanisme de coopération et de vérification institué par la décision 2006/928 à l’occasion de l’adhésion de la Roumanie à l’Union{1} (ci-après le « MCV »).
Dans le contexte des négociations en vue de son adhésion à l’Union, la Roumanie avait adopté, au cours de l’année 2004, trois lois, dites « lois sur la justice », portant sur le statut des juges et des procureurs, sur l’organisation judiciaire et sur le Conseil supérieur de la magistrature, dans le but d’améliorer l’indépendance et l’efficacité de la justice. Au cours des années 2017 à 2019, des modifications ont été apportées auxdites lois par des lois et des ordonnances gouvernementales d’urgence adoptées sur le fondement de la Constitution roumaine. Les requérants au principal contestent la compatibilité avec le droit de l’Union de certaines de ces modifications législatives. À l’appui de leurs recours, ils se réfèrent à certains avis et rapports établis par la Commission européenne sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du MCV, critiquant, selon eux, les dispositions adoptées par la Roumanie au cours des années 2017 à 2019 au regard des exigences d’efficacité de la lutte contre la corruption et de garantie de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Dans ce cadre, les juridictions de renvoi s’interrogent sur la nature et les effets juridiques du MCV ainsi que sur la portée des rapports établis par la Commission au titre de celui-ci. Selon ces juridictions, le contenu, le caractère et la durée dudit mécanisme devraient être considérés comme relevant du champ d’application du traité d’adhésion et les exigences formulées dans ces rapports devraient avoir un caractère obligatoire pour la Roumanie. À cet égard, toutefois, lesdites juridictions font état d’une jurisprudence nationale selon laquelle le droit de l’Union ne primerait pas l’ordre constitutionnel roumain et la décision 2006/928 ne pourrait pas constituer une norme de référence dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité, dès lors que cette décision a été adoptée avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union et que la question de savoir si son contenu, son caractère et sa durée relèvent du champ d’application du traité d’adhésion n’a fait l’objet d’aucune interprétation par la Cour.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour, réunie en grande chambre, constate que la décision 2006/928 et les rapports établis par la Commission sur la base de cette décision constituent des actes adoptés par une institution de l’Union, susceptibles d’une interprétation au titre de l’article 267 TFUE. La Cour juge, ensuite, que ladite décision relève, en ce qui concerne sa nature juridique, son contenu et ses effets dans le temps, du champ d’application du traité d’adhésion, car elle constitue une mesure adoptée sur le fondement de l’acte d’adhésion qui lie la Roumanie depuis la date de son adhésion à l’Union.
En ce qui concerne les effets juridiques de la décision 2006/928, la Cour constate que celle-ci présente un caractère contraignant dans tous ses éléments pour la Roumanie depuis son adhésion à l’Union et l’oblige à atteindre les objectifs de référence, également contraignants, figurant à son annexe. Ces objectifs, définis en raison des défaillances constatées par la Commission avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union, visent notamment à assurer le respect, par cet État membre, de la valeur de l’État de droit. La Roumanie est ainsi tenue de prendre les mesures appropriées pour réaliser lesdits objectifs et de s’abstenir de mettre en œuvre toute mesure risquant de compromettre la réalisation de ces mêmes objectifs.
En ce qui concerne les effets juridiques des rapports établis par la Commission sur le fondement de la décision 2006/928, la Cour précise qu’ils formulent des exigences à l’égard de la Roumanie et adressent des « recommandations » audit État membre en vue de la réalisation des objectifs de référence. Conformément au principe de coopération loyale, la Roumanie doit tenir dûment compte desdites exigences et recommandations, et elle doit s’abstenir d’adopter ou de maintenir des mesures dans les domaines couverts par les objectifs de référence qui risqueraient de compromettre le résultat que ces mêmes exigences et recommandations prescrivent.
[Intertitre : ]Les nominations intérimaires aux postes de direction de l’Inspection judiciaire
Dans un deuxième temps, après avoir constaté que les réglementations régissant l’organisation de la justice en Roumanie relèvent du champ d’application de la décision 2006/928, la Cour rappelle que l’existence même d’un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l’Union est inhérente à la valeur de l’État de droit, qui est protégée par le traité sur l’Union européenne. Elle souligne ensuite que tout État membre doit assurer que les instances relevant, en tant que « juridictions », de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences d’une protection juridictionnelle effective. Dès lors qu’elles s’appliquent aux juges de droit commun qui sont appelés à statuer sur des questions liées à l’application ou à l’interprétation du droit de l’Union, les réglementations nationales en cause doivent ainsi satisfaire auxdites exigences. À cet égard, la préservation de l’indépendance des juges en question est primordiale, afin de les mettre à l’abri d’interventions ou de pressions extérieures, et d’écarter ainsi toute influence directe mais aussi les formes d’influence plus indirecte susceptibles d’orienter les décisions des juges concernés.
Enfin, la Cour relève, s’agissant des règles gouvernant le régime disciplinaire des juges, que l’exigence d’indépendance impose de prévoir les garanties nécessaires pour éviter que ce régime soit utilisé en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires. Une réglementation nationale ne saurait ainsi faire naître des doutes dans l’esprit des justiciables quant à l’utilisation des prérogatives d’un organe judiciaire chargé des enquêtes et des actions disciplinaires à l’encontre des juges et des procureurs comme instrument de pression sur l’activité de ceux-ci ou comme instrument d’un tel contrôle.
À la lumière de ces considérations générales, la Cour juge qu’une réglementation nationale est susceptible d’engendrer de tels doutes lorsqu’elle a, même à titre provisoire, pour effet de permettre au gouvernement de l’État membre concerné de procéder à des nominations aux postes de direction de l’organe qui a pour mission d’effectuer les enquêtes disciplinaires et d’exercer l’action disciplinaire à l’encontre des juges et des procureurs, en méconnaissance de la procédure ordinaire de nomination prévue par le droit national.
[Intertitre : ]La création d’une section spéciale des poursuites ayant compétence exclusive pour les infractions commises par des magistrats
Dans un troisième temps, et toujours à la lumière des mêmes considérations générales, la Cour examine la compatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale prévoyant la création d’une section spécialisée du ministère public disposant d’une compétence exclusive pour mener des enquêtes sur les infractions commises par les juges et les procureurs. La Cour précise que, pour être compatible avec le droit de l’Union, une telle réglementation doit, d’une part, être justifiée par des impératifs objectifs et vérifiables tenant à la bonne administration de la justice et, d’autre part, garantir que cette section ne puisse pas être utilisée comme un instrument de contrôle politique de l’activité desdits juges et procureurs et exerce sa compétence en respectant les exigences de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). À défaut de satisfaire à ces exigences, cette réglementation pourrait être perçue comme visant à instituer un instrument de pression et d’intimidation à l’égard des juges, ce qui porterait atteinte à la confiance des justiciables envers la justice. La Cour ajoute que la réglementation nationale en cause ne saurait avoir pour effet de méconnaître les obligations spécifiques incombant à la Roumanie en vertu de la décision 2006/928 en matière de lutte contre la corruption.
Il incombe au juge national de vérifier que la réforme ayant conduit, en Roumanie, à la création d’une section spécialisée du ministère public en charge des enquêtes à l’égard des juges et des procureurs ainsi que les règles relatives à la nomination des procureurs assignés à cette section ne sont pas de nature à rendre ladite section perméable aux influences extérieures. S’agissant de la Charte, il appartient au juge national de vérifier que la réglementation nationale en cause ne fasse pas obstacle à ce que la cause des juges et des procureurs concernés puisse être entendue dans un délai raisonnable.
[Intertitre : ]La responsabilité patrimoniale de l’État et la responsabilité personnelle des juges en raison d’une erreur judiciaire
Dans un quatrième temps, la Cour juge qu’une réglementation nationale régissant la responsabilité patrimoniale de l’État et la responsabilité personnelle des juges au titre des dommages causés par une erreur judiciaire ne saurait être compatible avec le droit de l’Union que pour autant que la mise en cause, dans le cadre d’une action récursoire, de la responsabilité personnelle d’un juge du fait d’une telle erreur judiciaire soit limitée à des cas exceptionnels et qu’elle soit encadrée par des critères objectifs et vérifiables tenant à des impératifs tirés de la bonne administration de la justice ainsi que par des garanties visant à éviter tout risque de pressions extérieures sur le contenu des décisions judiciaires. À cet effet, des règles claires et précises définissant les comportements susceptibles d’engager la responsabilité personnelle des juges sont essentielles afin de garantir l’indépendance inhérente à leur mission et d’éviter qu’ils soient exposés au risque que leur responsabilité personnelle puisse être engagée du seul fait de leur décision. Le fait qu’une décision comporte une erreur judiciaire ne saurait, à lui seul, suffire pour engager la responsabilité personnelle du juge concerné.
Quant aux modalités afférentes à la mise en cause de la responsabilité personnelle des juges, la réglementation nationale doit prévoir de manière claire et précise les garanties nécessaires assurant que ni l’enquête destinée à vérifier l’existence des conditions et des circonstances susceptibles d’engager cette responsabilité ni l’action récursoire n’apparaissent comme pouvant se muer en instruments de pression sur l’activité juridictionnelle. Afin d’éviter que de telles modalités puissent déployer un effet dissuasif à l’égard des juges dans l’exercice de leur mission de juger en toute indépendance, les autorités compétentes, pour ouvrir et mener cette enquête ainsi que pour exercer ladite action, doivent elles-mêmes être des autorités qui agissent de manière objective et impartiale, et les conditions de fond comme les modalités procédurales doivent être telles qu’elles ne puissent pas faire naître des doutes légitimes quant à l’impartialité de ces autorités. De même, il importe que les droits consacrés par la Charte, notamment les droits de la défense du juge, soient pleinement respectés et que l’instance compétente pour statuer sur la responsabilité personnelle du juge soit une juridiction. En particulier, le constat de l’existence d’une erreur judiciaire ne saurait s’imposer dans le cadre de l’action récursoire exercée par l’État contre le juge concerné alors même que ce dernier n’aurait pas été entendu lors de la procédure antérieure visant à la mise en cause de la responsabilité patrimoniale de l’État.
[Intertitre : ]Le principe de primauté du droit de l’Union
Dans un cinquième temps, la Cour juge que le principe de primauté du droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale de rang constitutionnel privant une juridiction de rang inférieur du droit de laisser inappliquée, de sa propre autorité, une disposition nationale relevant du champ d’application de la décision 2006/928 et contraire au droit de l’Union. La Cour rappelle que, selon une jurisprudence bien établie, les effets s’attachant au principe de primauté du droit de l’Union s’imposent à l’ensemble des organes d’un État membre, sans que les dispositions internes afférentes à la répartition des compétences juridictionnelles, y compris d’ordre constitutionnel, puissent y faire obstacle. Rappelant également que les juridictions nationales sont tenues de donner au droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union, ou de laisser inappliquée, de leur propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale qui ne pourrait pas faire l’objet d’une telle interprétation conforme, la Cour constate que, en cas de violation avérée du traité UE ou de la décision 2006/928, le principe de primauté du droit de l’Union exige que la juridiction de renvoi laisse inappliquées les dispositions en cause, que celles-ci soient d’origine législative ou constitutionnelle.
{1} Décision 2006/928/CE de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d'atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption (JO 2006, L 354, p. 56).
368. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Question posée par une juridiction d'un État membre s'étant retiré de l'Union européenne - Accord sur le retrait du Royaume-Uni - Article 86 - Compétence de la Cour pour statuer à titre préjudiciel sur les demandes des juridictions du Royaume-Uni présentées avant la fin de la période de transition
Tesco Stores est un détaillant qui vend ses produits en ligne et dans des magasins situés au Royaume-Uni. Ces magasins, de taille variable, comptent environ 250 000 travailleurs au total exerçant différents types d’emplois. Cette société dispose également d’un réseau de distribution comptant environ 11 000 employés, lesquels exercent divers types d’emplois. Environ 6 000 employés ou anciens employés de Tesco Stores, tant de sexe féminin que masculin, qui travaillent ou travaillaient au sein des magasins de cette société, ont attrait ladite société devant la juridiction de renvoi, le Watford Employment Tribunal (tribunal du travail de Watford, Royaume-Uni), à compter du mois de février 2018, au motif qu’ils n’avaient pas bénéficié d’une égalité de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un travail égal, en violation de la réglementation nationale et de l’article 157 TFUE{1}. Cette juridiction a sursis à statuer sur les demandes des travailleurs masculins, estimant que leur sort dépendait de celui des demandes des parties requérantes au principal, de sexe féminin.
Or, ces dernières font valoir que leur travail et celui des travailleurs masculins employés par Tesco Stores dans les centres de distribution de son réseau sont de même valeur et qu’elles ont le droit de comparer leur travail et celui de ces travailleurs, bien que ce travail soit accompli dans des établissements différents, en vertu de l’article 157 TFUE. Conformément à cet article, leurs conditions de travail et celles desdits travailleurs seraient attribuables à une « source unique », à savoir Tesco Stores. Cette société estime, quant à elle, que l’article 157 TFUE n’a pas d’effet direct dans le cadre de demandes fondées sur un travail de même valeur, de sorte que les requérantes au principal ne sauraient s’en prévaloir devant la juridiction de renvoi. En outre, elle conteste pouvoir être qualifiée de « source unique ».
S’agissant de l’article 157 TFUE, la juridiction de renvoi relève qu’il existe, au sein des juridictions du Royaume-Uni, une incertitude quant à l’effet direct de cet article qui est liée, en particulier, à la distinction qui avait été formulée par la Cour entre les discriminations susceptibles d’être constatées à l’aide des seuls critères d’identité de travail et d’égalité des rémunérations et celles qui ne peuvent l’être qu’en fonction de dispositions d’application plus explicites{2}. Or, les demandes en cause au principal pourraient relever de cette seconde catégorie, dépourvue d’effet direct.
C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi a saisi la Cour. Dans son arrêt, la Cour juge que l’article 157 TFUE est doté d’un effet direct dans des litiges entre particuliers dans lesquels est invoqué le non-respect du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un « travail de même valeur », tel que visé à cet article.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour constate sa compétence, en application de l’article 86 de l’accord de retrait{3}, pour répondre à la demande de décision préjudicielle, en dépit du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Sur le fond, la Cour relève, tout d’abord, s’agissant du libellé de l’article 157 TFUE, que cet article impose, de manière claire et précise, une obligation de résultat et revêt un caractère impératif tant en ce qui concerne un « même travail » qu’un « travail de même valeur ». Elle rappelle ensuite que, selon sa jurisprudence constante, l’article 157 TFUE produit des effets directs en créant, dans le chef des particuliers, des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder, notamment dans le cas de discriminations qui ont directement leur source dans des dispositions législatives ou des conventions collectives du travail ainsi que dans le cas où le travail est accompli dans un même établissement ou un même service, public ou privé. La Cour rappelle qu’elle a précisé que de telles discriminations comptaient parmi celles pouvant être constatées à l’aide des seuls critères d’identité de travail et d’égalité de rémunération fournis par l’article 119 du traité CEE et que, en présence d’une telle situation, le juge était en mesure d’établir tous les éléments de fait lui permettant d’apprécier si un travailleur de sexe féminin recevait une rémunération inférieure à celle d’un travailleur masculin accomplissant un même travail ou un travail de valeur égale{4}. Ainsi, il ressort d’une jurisprudence constante que, contrairement à ce que fait valoir Tesco Stores, l’effet direct de l’article 157 TFUE ne se limite pas aux situations dans lesquelles les travailleurs de sexe différent comparés effectuent un « même travail », mais s’étend aussi aux situations de « travail de même valeur ». Dans ce contexte, la Cour précise que la question de savoir si les travailleurs concernés effectuent le « même travail » ou un « travail de même valeur » relève d’une appréciation factuelle du juge.
En outre, la Cour estime que l’objectif poursuivi par l’article 157 TFUE, à savoir l’élimination, pour un même travail ou un travail de même valeur, de toute discrimination fondée sur le sexe dans l’ensemble des éléments et conditions de rémunération, corrobore une telle interprétation. La Cour relève à cet égard que le principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou pour un travail de même valeur visé à l’article 157 TFUE fait partie des fondements de l’Union.
Enfin, la Cour souligne que, lorsque les différences observées dans les conditions de rémunération de travailleurs effectuant un même travail ou un travail de même valeur ne peuvent être attribuées à une source unique, il manque une entité qui pourrait rétablir l’égalité de traitement, de sorte qu’une telle situation ne relève pas de l’article 157 TFUE. En revanche, lorsque de telles conditions de rémunération peuvent être attribuées à une source unique, le travail et la rémunération de ces travailleurs peuvent être comparés, même si ces derniers travaillent dans des établissements différents. En conséquence, cette disposition est invocable devant les juridictions nationales dans un litige fondé sur un travail de même valeur accompli par des travailleurs de sexe différent ayant le même employeur dans des établissements différents de cet employeur, dès lors que celui-ci constitue une telle source unique.
{1} Aux termes de l’article 157, paragraphe 1, de cette disposition, « [c]haque État membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. »
{2} La juridiction de renvoi se réfère, à cet égard, au point 18 de l’arrêt du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, EU:C:1976:56).
{3} Voir décision (UE) 2020/135, du 30 janvier 2020, relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) (JO 2020, L 29, p. 1), par laquelle le Conseil de l’Union européenne a approuvé, au nom de l’Union européenne et de la CEEA, cet accord, qui a été joint à cette décision (JO 2020, L 29, p.7). La Cour indique qu’il résulte de l’article 86 dudit accord qu’elle demeure compétente pour statuer à titre préjudiciel sur les demandes des juridictions du Royaume-Uni présentées avant la fin de la période de transition fixée au 31 décembre 2020, ce qui est le cas en l’espèce.
{4} Voir, en ce sens, arrêts du 8 avril 1976, Defrenne, 43/75 (EU:C:1976:56, points 18 et 21 à 23), puis du 11 mars 1981, Worringham et Humphreys (69/80, EU:C:1981:63, point 23), concernant l’article 119 du traité CEE, devenu, après modification, article 141 CE, lui-même devenu article 157 TFUE.
Arrêt du 3 juin 2021, Tesco Stores (C-624/19) (cf. point 17)
369. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Incompétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 3 juin 2021, Servicio Aragonés de Salud (C-942/19) (cf. points 28, 29, 38 et disp.)
En 2013, « Viva Telecom Bulgaria » a conclu, en tant qu’emprunteur, une convention de prêt avec son actionnaire unique, InterV Investment Sàrl, société établie au Luxembourg, par laquelle cette dernière, en tant que prêteur, lui a accordé un prêt convertible sans intérêts. Ayant établi, en 2017, que le prêt en question n’avait pas été transformé en capital et que Viva Telecom Bulgaria n’avait ni remboursé ce prêt ni payé des intérêts, l’administration fiscale bulgare a conclu à l’existence d’une opération donnant lieu à une évasion fiscale, au sens de la loi bulgare sur l’imposition des revenus des personnes morales{1}, et a procédé à un redressement fiscal en imposant à Viva Telecom Bulgaria, en vertu de l’article 195 de cette loi, le paiement d’un impôt à la source pour la période allant de 2014 à 2015. À cette fin, elle a établi le taux d’intérêt du marché à appliquer à ce prêt afin de calculer les intérêts non payés par l’emprunteur avant d’opérer sur ceux-ci une retenue à la source de 10 %.
L’administration fiscale bulgare ayant rejeté la réclamation introduite par Viva Telecom Bulgaria contre cette décision, cette dernière a saisi l’Administrativen sad Sofia (tribunal administratif de la ville de Sofia, Bulgarie) d’un recours visant à contester la légalité de ladite décision. Ce recours ayant été rejeté, par jugement du 29 mars 2019, Viva Telecom Bulgaria a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), en s’appuyant sur le droit de l’Union.
Le Varhoven administrativen sad a alors saisi la Cour en lui posant six questions préjudicielles portant sur l’interprétation de plusieurs directives adoptées par le législateur de l’Union en matière de fiscalité{2} ainsi que, notamment, des articles 49 et 63 TFUE, visant, en substance, à savoir si ces différentes règles du droit de l’Union s’opposent à une telle réglementation nationale.
Appréciation de la Cour
Ayant constaté qu’aucune des directives invoquées par la juridiction de renvoi ne s’oppose à la réglementation bulgare en cause en matière d’évasion fiscale, la Cour a, plus particulièrement, examiné si les articles 49 et 63 TFUE s’opposent à une telle réglementation, dès lors que la retenue à la source prévue par celle-ci s’applique au montant brut des intérêts établis par les autorités fiscales, sans possibilité de déduction, à ce stade, des frais liés à ce prêt, l’introduction ultérieure d’une demande en ce sens étant nécessaire en vue du recalcul de la retenue et d’un éventuel remboursement.
Après avoir constaté que la règlementation bulgare en matière d’évasion fiscale relève de manière prépondérante de la libre circulation des capitaux, la Cour conclut à la compatibilité, en principe, de la règlementation bulgare en cause avec l’article 63 TFUE, lu à la lumière du principe de proportionnalité.
En ce qui concerne l’existence d’une restriction à la libre circulation des capitaux, la Cour précise d’emblée que, à supposer que la réglementation bulgare en cause institue une présomption irréfragable d’évasion fiscale, sans permettre aux intéressés, notamment dans le cadre d’un recours juridictionnel, de produire des éléments relatifs aux éventuelles raisons commerciales justifiant la conclusion de prêts sans intérêts, cette règle s’applique de la même manière à tous les prêts sans intérêts, qu’ils impliquent ou non des sociétés non-résidentes. Partant, en ce qui concerne cette règle, la Cour considère que cette réglementation nationale n’emporte aucune restriction à la libre circulation des capitaux relevant de l’article 63 TFUE.
En revanche, la Cour rappelle qu’il a déjà été jugé qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle une société non-résidente est imposée, par la voie d’une retenue à la source opérée par une société résidente, sur les intérêts qui lui sont payés par cette dernière, sans qu’il soit possible de déduire les frais, tels que les dépenses d’intérêts, directement liés à l’activité de prêt en cause, alors qu’une telle possibilité de déduction est reconnue aux sociétés résidentes percevant des intérêts d’une autre société résidente, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux. Elle observe à cet égard que les différences de traitement entre sociétés résidentes et non-résidentes générées par les mécanismes de régularisation fiscale prévus par la règlementation bulgare sont de nature à procurer, par un avantage de trésorerie, un avantage aux sociétés résidentes. En effet, une telle régularisation de la situation fiscale d’une société non-résidente intervient nécessairement avec retard par rapport au moment auquel une société résidente doit s’acquitter de l’impôt sur le montant net des intérêts. Dans cette mesure, cette réglementation nationale constitue une restriction, en principe, interdite par l’article 63 TFUE.
Quant à la question de savoir si cette restriction peut être considérée comme objectivement justifiée au regard de l’article 65, paragraphes 1 et 3, TFUE, la Cour rappelle qu’il y a lieu de distinguer les traitements inégaux autorisés au titre du paragraphe 1, sous a), de l’article 65 TFUE des discriminations arbitraires interdites par le paragraphe 3 de ce même article. Une législation fiscale nationale n’est compatible avec les dispositions du traité FUE que si la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou si elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.
À cet égard, la Cour précise qu’à partir du moment où un État assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement des contribuables résidents, mais également des contribuables non-résidents, pour les revenus qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits contribuables non-résidents se rapproche de celle des contribuables résidents. La Bulgarie ayant choisi d’exercer sa compétence fiscale sur les prêts sans intérêts conclus entre des sociétés emprunteuses résidentes et des sociétés prêteuses non-résidentes, les sociétés non-résidentes doivent être considérées, en ce qui concerne les frais directement liés à ces prêts, dans une situation comparable à celle des sociétés résidentes.
En ce qui concerne la question de savoir si la réglementation bulgare peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général, la Cour constate que cette réglementation nationale permet à l’État membre de résidence d’exercer sa compétence fiscale en relation avec des activités effectuées sur son territoire, en visant à empêcher que l’octroi de prêts sans intérêts par des sociétés non-résidentes à des sociétés résidentes n’ait d’autre but que d’éluder l’impôt qui serait normalement dû sur les revenus générés par des activités réalisées sur le territoire national. Une telle réglementation doit, dès lors, être considérée comme étant apte à sauvegarder une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et à assurer l’efficacité du recouvrement de l’impôt en vue de prévenir l’évasion fiscale, lesquels objectifs constituent des raisons impérieuses d’intérêt général reconnues par la Cour.
S’agissant, enfin, du point de savoir si la réglementation bulgare en question ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces différents objectifs, la Cour observe, sous réserve de vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, que cela ne semble pas être le cas, pour autant, cependant, que, d’une part, la durée de la procédure de récupération prévue par cette réglementation aux fins du recalcul de la retenue à la source acquittée sur le montant brut des intérêts et d’un éventuel remboursement de l’excédent d’impôt prélevé ne soit pas excessive et, d’autre part, des intérêts soient dus sur les montants remboursés. Dans ces conditions, cette réglementation nationale apparaît susceptible d’être justifiée par les objectifs qu’elle poursuit.
{1} Zakon za korporativnoto podohodno oblagane (ci-après la « ZKPO »), article 16, paragraphe 2, point 3.
{2} Il s’agit de la directive 2003/49/CE du Conseil, du 3 juin 2003, concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents (JO 2003, L 157, p. 49), de la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 2011, L 345, p. 8), telle que modifiée par la directive (UE) 2015/121 du Conseil, du 27 janvier 2015 (JO 2015, L 21, p. 1), et de la directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO 2008, L 46, p. 11).
Arrêt du 24 février 2022, "Viva Telecom Bulgaria" (C-257/20) (cf. points 123-125, 130)
Ordonnance du 18 avril 2023, Vantage Logistics (C-200/22) (cf. points 20-25 et disp.)
370. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Absence de litige pendant devant la juridiction nationale - Irrecevabilité manifeste - Litiges analogues pendants devant la même juridiction - Absence d'incidence
371. Questions préjudicielles - Compétences de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions sans rapport avec l'objet du litige au principal - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 10 juin 2021, Prima banka Slovensko (C-192/20) (cf. points 23-25)
372. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Actes pris par les institutions - Portée de la compétence - Orientations de l'Autorité bancaire européenne (ABE) portant sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail - Inclusion
En 2016, l’Autorité bancaire européenne (ABE) a émis des orientations sur les modalités de gouvernance et de surveillance des produits bancaires de détail{1}. Par un avis publié le 8 septembre 2017 sur son site Internet, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) (France) a annoncé qu’elle se conformait à ces orientations, les rendant ainsi applicables à tous les établissements financiers soumis à son contrôle.
Le 8 novembre 2017, la Fédération bancaire française (FBF) a formé devant le Conseil d’État (France) un recours tendant à l’annulation de l’avis de l’ACPR. La FBF faisait valoir que les orientations de l’ABE, que cet avis rendait applicables, n’étaient pas valides du fait que cette autorité n’avait pas la compétence pour émettre de telles orientations.
Nourrissant des doutes, d’une part, quant aux voies de recours disponibles pour assurer le contrôle de la légalité des orientations litigieuses par le juge de l’Union et, d’autre part, quant à la validité de ces orientations au regard du cadre du mandat accordé à l’ABE par le droit dérivé, le Conseil d’État a saisi la Cour à titre préjudiciel, en lui demandant de se prononcer sur ces aspects.
Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour, après avoir tout d’abord constaté que les orientations de l’ABE ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, se déclare ensuite compétente pour apprécier la validité de ces orientations à titre préjudiciel, en vertu de l’article 267 TFUE, et enfin confirme leur validité.
Appréciation de la Cour
En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des orientations litigieuses par le juge de l’Union, la Cour relève que ces actes ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, car ils ne visent pas à produire des effets juridiques obligatoires.
À cet égard, elle souligne qu’il découle du règlement nº 1093/2010{2} que les autorités compétentes destinataires des orientations litigieuses ne sont pas tenues de s’y conformer et disposent de la faculté de s’en écarter, auquel cas elles doivent motiver leur position. Ainsi, ces orientations ne peuvent pas être regardées comme produisant des effets juridiques obligatoires à l’égard de ces autorités compétentes ou des établissements financiers. Dès lors, selon la Cour, en autorisant l’ABE à émettre des orientations et des recommandations, le législateur de l’Union a entendu lui conférer un pouvoir d’incitation et de persuasion distinct du pouvoir d’adopter des actes dotés d’une force obligatoire.
Toutefois, la circonstance que les orientations litigieuses sont dépourvues d’effets juridiques obligatoires n’est pas de nature à exclure la compétence de la Cour pour se prononcer, à titre préjudiciel, sur leur validité. À cet égard, la Cour se déclare compétente, en vertu de l’article 267 TFUE, pour apprécier la validité des orientations litigieuses.
Elle apprécie par conséquent cette validité au regard des dispositions du règlement nº 1093/2010, en vue de vérifier si ces orientations relèvent des compétences de l’ABE.
Tout d’abord, elle souligne que, dès lors qu’il ressort du règlement nº 1093/2010 que le législateur de l’Union a encadré le pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations de manière précise, sur la base de critères objectifs, l’exercice de ce pouvoir doit être susceptible de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel rigoureux au regard de ces critères. La circonstance que les orientations litigieuses ne produisent pas d’effets juridiques obligatoires n’est pas de nature à affecter l’étendue de ce contrôle.
Ensuite, la Cour précise que le pouvoir d’action de l’ABE est limité, en ce sens que cette autorité n’est compétente pour émettre des orientations que dans la mesure explicitement prévue par le législateur de l’Union. Après avoir rappelé le contenu des dispositions du règlement nº 1093/2010 portant sur l’étendue des compétences conférées à l’ABE, la Cour constate, d’une part, que la validité d’orientations émises par cette autorité est subordonnée au respect des dispositions de ce règlement encadrant spécifiquement le pouvoir de l’ABE de les émettre, mais également à l’inscription de ces orientations dans le champ d’action de l’ABE, que ce même règlement définit par référence à l’application de certains actes de l’Union visés par celui-ci. D’autre part, l’ABE peut, afin d’assurer une application commune, uniforme et cohérente du droit de l’Union, émettre des orientations relatives aux obligations de surveillance prudentielle pesant sur les établissements concernés, notamment en vue de protéger les intérêts des déposants et des investisseurs par un encadrement adéquat de la prise de risques financiers. En effet, rien dans le règlement nº 1093/2010 ne permet de considérer que seraient exclues de ce pouvoir des mesures relatives à la conception et à la commercialisation des produits, pour autant que ces mesures s’inscrivent dans le champ d’action de l’ABE.
C’est à l’aune de ces considérations que la Cour examine si les orientations litigieuses relèvent, d’une part, du champ d’action de l’ABE, et, d’autre part, du cadre spécifique arrêté par le législateur de l’Union pour l’exercice du pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations.
En ce qui concerne le champ d’action de l’ABE, la Cour souligne que la validité des orientations litigieuses est subordonnée à la condition que celles-ci s’inscrivent dans le champ d’application d’au moins un des actes visés par le règlement nº 1093/2010{3} ou qu’elles soient nécessaires pour assurer l’application cohérente et efficace d’un tel acte.
À cet égard, elle conclut que les orientations litigieuses peuvent être considérées comme étant nécessaires pour assurer l’application cohérente et efficace des dispositions des directives 2013/36, 2007/64, 2009/110 et 2014/17, visées directement ou indirectement par le règlement nº 1093/2010.
En effet, en ce qui concerne notamment ces trois premières directives, la Cour souligne que, dès lors que les orientations litigieuses visent à définir de quelle manière les établissements concernés devraient inclure des modalités de gouvernance et de surveillance des produits, destinées à assurer la prise en compte des caractéristiques des marchés visés ainsi que de celles des consommateurs concernés, dans leurs structures et leurs procédures internes, ces orientations doivent être considérées comme établissant des principes destinés à garantir des processus efficaces de détection, de gestion et de suivi des risques ainsi que des mécanismes adéquats de contrôle interne, au sens des dispositions pertinentes des actes visés par le règlement nº 1093/2010{4}, en vue de garantir l’existence du dispositif solide de gouvernance d’entreprise exigé par ces dispositions.
Pour ce qui est du cadre spécifique arrêté par le législateur de l’Union pour l’exercice du pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations, la Cour constate que les orientations litigieuses relèvent bien de ce cadre{5}.
À cet égard, elle précise, premièrement, que les orientations litigieuses ont pour objet de contribuer à la protection des consommateurs ainsi qu’à celle des déposants et des investisseurs, visées par le règlement nº 1093/2010. Deuxièmement, ces orientations se rattachent aux fonctions conférées à l’ABE conformément à ce règlement, en ce qui concerne l’encadrement de la prise de risque par les établissements financiers ainsi que la garantie de la santé et de la sécurité des marchés. Troisièmement, elles doivent être regardées comme concourant à l’instauration de pratiques de surveillance cohérentes, efficientes et effectives au sein du système européen de surveillance financière{6}.
La Cour en conclut que les orientations litigieuses relèvent bien du cadre spécifique arrêté par le législateur de l’Union pour l’exercice du pouvoir de l’ABE d’émettre des orientations et, par conséquent, des compétences de l’ABE, et juge dès lors que l’examen de validité sollicité par la juridiction de renvoi n’a révélé aucun élément de nature à remettre en cause celle desdites orientations.
{1} Orientations du 22 mars 2016 (ABE/GL/2015/18) (ci-après les « orientations litigieuses »).
{2} Article 16, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement (UE) nº 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision nº 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO 2010, L 331, p. 12).
{3} La Cour constate que quatre directives doivent être considérées comme constituant des actes visés à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 1093/2010, à savoir : la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338) ; la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1) ; la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (JO 2009, L 267, p. 7) ; et la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) nº 1093/2010 (JO 2014, L 60, p. 34).
{4} Article 74, paragraphe 1, de la directive 2013/36, article 10, paragraphe 4, de la directive 2007/64, et article 3, paragraphe 1, de la directive 2009/110.
{5} Tel qu’il résulte de l’article 8, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 16, paragraphe 1, du règlement nº 1093/2010, lus en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 5, de celui-ci.
{6} Pratiques auxquelles il est fait référence à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 16, paragraphe 1, du règlement nº 1093/2010.
Arrêt du 15 juillet 2021, FBF (C-911/19) (cf. points 53-57, disp. 2)
373. Questions préjudicielles - Recevabilité - Question pouvant faire l'objet d'une réponse claire - Absence d'incidence sur la recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 juillet 2021, Volvo e.a. (C-30/20) (cf. point 24)
Prestige and Limousine, SL (ci-après « P&L ») offre des services de location de véhicule de tourisme avec chauffeur (ci-après les « services de VTC ») dans l’agglomération de Barcelone (Espagne). P&L et quatorze autres entreprises qui fournissent les mêmes services, dont des entreprises liées à des plateformes internationales en ligne, contestent devant le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) la validité d’une réglementation de l’Área Metropolitana de Barcelona (Aire métropolitaine de Barcelone, Espagne, ci-après l’« AMB ») relative à l’organisation de tels services dans l’agglomération de Barcelone. Dans le cadre de ce litige, cette juridiction éprouve des doutes quant à la compatibilité de la réglementation en cause avec, en particulier, la liberté d’établissement.
Cette réglementation exige, d’une part, en plus de l’autorisation nationale requise pour la prestation de services de VTC urbains et interurbains en Espagne, l’obtention d’une licence supplémentaire afin d’exercer des services de VTC dans l’agglomération de Barcelone. D’autre part, elle limite le nombre de licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi accordées pour cette agglomération. Selon la juridiction de renvoi, le but essentiel poursuivi par ladite réglementation était de réduire la concurrence exercée par les services de VTC sur les services de taxi.
Pour justifier les mesures en question, l’AMB invoque notamment l’objectif d’assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi. Elle indique que ces services sont considérés comme étant un « service d’intérêt général » dans la mesure où l’activité des taxis est fortement réglementée, les services de taxi étant soumis, notamment, à des quotas de licences, des tarifs réglementés, une obligation de transport universelle et une accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. L’AMB relève à cet égard que la viabilité économique de cette activité apparaît mise en danger par une concurrence croissante provenant de l’activité des services de VTC.
Par son arrêt, la Cour conclut que l’exigence d’une autorisation spécifique supplémentaire pour exercer les services de VTC dans l’agglomération de Barcelone peut, sous certaines conditions, être compatible avec l’article 49 TFUE. En revanche, cet article s’oppose à la limitation du nombre de licences des services de VTC, dès lors que cette mesure semble aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public de cette agglomération ainsi que de protection de l’environnement.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour rejette les arguments avancés par les parties au litige au principal au soutien de la prétendue irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Selon la Cour, la circonstance que les réponses à apporter aux questions préjudicielles découlent clairement de sa jurisprudence n’a pas pour effet de rendre une telle demande irrecevable, mais lui permet d’y répondre, le cas échéant, par voie d’ordonnance{1}. En outre, la circonstance qu’une juridiction suprême nationale a déjà examiné, dans le cadre d’un litige présentant des similitudes avec celui en cause au principal, la pertinence potentielle des dispositions du droit de l’Union visées par la juridiction de renvoi n’est pas de nature à rendre irrecevable un renvoi préjudiciel visant à ce que la Cour se prononce sur l’interprétation de ces dispositions, conformément à l’article 267 TFUE.
Dans un second temps, après avoir conclu que les deux mesures prévues par la réglementation en cause n’apparaissent pas conférer des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux entreprises fournissant des services de taxi, la Cour examine la compatibilité de ces mesures avec l’article 49 TFUE. À cet égard, la Cour relève, tout d’abord, qu’elles limitent effectivement l’accès au marché pour tout nouvel arrivant, restreignant le nombre de prestataires de services de VTC établis dans l’AMB, et doivent dès lors être qualifiées de restrictions à la liberté d’établissement garantie par cette dernière disposition.
Ensuite, quant à l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions, la Cour considère que l’objectif de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public d’une agglomération ainsi que celui de protection de l’environnement dans une telle agglomération peuvent constituer de telles raisons. Toutefois, tel n’est pas le cas s’agissant de l’objectif visant à assurer la viabilité économique des services de taxi, étant donné que la préservation d’un équilibre entre les deux modes de transports urbains en cause relève de considérations de nature purement économique. La circonstance que les services de taxi soient qualifiés, dans le droit espagnol, de « service d’intérêt général » n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, si les caractéristiques avancées par l’AMB font certes apparaître que la réglementation des services de taxi vise notamment à assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi, au bénéfice des usagers, il apparaît, en revanche, que les mesures en cause au principal ne poursuivent pas, par elles-mêmes, ces objectifs. La Cour constate également qu’il n’apparaît pas qu’une mission particulière de service public, susceptible de relever, le cas échéant, de la notion de service d’intérêt économique général (SIEG) au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ait été confiée aux prestataires de services de taxi.
Enfin, la Cour analyse la proportionnalité, d’une part, de l’exigence d’une autorisation supplémentaire et, d’autre part, de la limitation des licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi. Elle conclut que cette première mesure apparaît apte à atteindre les objectifs évoqués et peut être considérée comme nécessaire pour les atteindre. Compte tenu de la nature du service en cause ainsi que de l’impossibilité de distinguer entre les voitures utilisées pour fournir les services de VTC et celles utilisées à titre privé sur un vaste territoire urbain, il peut être considéré qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour garantir une réelle efficacité de celui-ci. L’exigence d’une autorisation supplémentaire peut ainsi être justifiée, à condition, toutefois, que cette autorisation soit fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui excluent tout arbitraire et qui ne font pas double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre de la procédure d’autorisation nationale, mais qui répondent à des besoins particuliers de l’agglomération concernée. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites en l’espèce.
En revanche, la deuxième mesure n’apparaît pas propre à garantir la réalisation des objectifs de la bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public. En effet, tout d’abord, n’ont pas été infirmés devant la Cour les arguments avancés en faveur des services de VTC qui tendent à démontrer que ces services peuvent en réalité favoriser la réalisation desdits objectifs, notamment par le biais de la réduction de l’utilisation de la voiture privée, par la contribution de ces services à l’objectif d’une mobilité efficace et inclusive, grâce à leur niveau de numérisation ainsi qu’à leur flexibilité dans la prestation de services, et par l’utilisation de véhicules à énergies alternatives, encouragée par la réglementation étatique relative aux services de VTC.
Ensuite, il ne saurait être exclu qu’un impact éventuel de la flotte des VTC sur le transport, le trafic et l’espace public dans l’agglomération de Barcelone puisse être adéquatement limité par des mesures moins contraignantes qu’une limitation des licences. Ainsi, la Cour se réfère, à titre d’exemples, à des mesures d’organisation des services de VTC, des limitations de ces services lors de certaines plages horaires ou encore des restrictions de circulation dans certains espaces. La Cour ajoute qu’il ne saurait être exclu que l’objectif de protection de l’environnement dans l’agglomération de Barcelone puisse être atteint par des mesures moins attentatoires à la liberté d’établissement, telles que des limites d’émission applicables aux véhicules circulant dans cette agglomération.
{1} Voir article 99 du règlement de procédure de la Cour.
Arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C-50/21) (cf. point 45)
374. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation d'un accord international conclu par l'Union et les États membres en vertu d'une compétence partagée - Traité sur la Charte de l'énergie - Différend entre un opérateur d'un État tiers et un État tiers - Intérêt de l'Union de bénéficier d'une interprétation uniforme d'une disposition de cet accord - Compétence de la Cour pour fournir cette interprétation
En exécution d’une série de contrats conclus au cours de l’année 1999, Ukrenergo, un producteur ukrainien, a vendu de l’électricité à Energoalians, un distributeur ukrainien, lequel a revendu cette électricité à Derimen, une société immatriculée aux Îles Vierges britanniques, laquelle a revendu à son tour ladite électricité à Moldtranselectro, une entreprise publique moldave, en vue de son exportation vers la Moldavie. Les volumes d’électricité à fournir étaient définis chaque mois directement entre Moldtranselectro et Ukrenergo.
Derimen a réglé intégralement à Energoalians les montants dus pour l’électricité ainsi achetée, alors que Moldtranselectro n’a réglé les montants dus pour cette électricité que partiellement à Derimen. Le 30 mai 2000, Derimen a cédé à Energoalians la créance qu’elle détenait à l’égard de Moldtranselectro. Cette dernière n’a que partiellement réglé sa dette à l’égard d’Energoalians en lui cédant des créances dont elle était titulaire. Energoalians a essayé, en vain, d’obtenir le paiement du solde de cette dette, d’un montant de 16 287 185,94 dollars des États-Unis (USD) (environ 13 735 000 euros), en saisissant les juridictions moldaves, puis les juridictions ukrainiennes.
Energolians a estimé que certains comportements de la République de Moldavie dans ce contexte constituaient des violations caractérisées des obligations découlant du traité sur la Charte de l’énergie{1}(ci-après le « TCE »), dont le concept de base est d’améliorer la croissance économique par des mesures destinées à libéraliser les investissements et les échanges en matière d’énergie.
Energoalians, dont les droits ont ultérieurement été repris par Komstroy LLC, a engagé la procédure d’arbitrage prévue par le TCE{2}. Le tribunal arbitral ad hoc constitué en vue de régler ce différend, siégeant à Paris (France), s’est reconnu compétent et a condamné la République de Moldavie à payer une somme d’argent à Energoalians sur le fondement du TCE. À la suite d’un recours en annulation à l’encontre de la sentence du tribunal arbitral et d’un arrêt de la Cour de cassation (France), la compétence de ce tribunal est contestée par la République de Moldavie devant la cour d’appel de Paris (France), la juridiction de renvoi, au motif que la créance issue d’un contrat de vente d’électricité ne constituerait pas un « investissement » au sens du TCE{3}. À cette fin, la juridiction de renvoi a posé trois questions relatives à la notion d’« investissement ».
Par son arrêt, la Cour, statuant en grande chambre, juge que l’acquisition, par une entreprise d’une partie contractante du TCE, d’une créance issue d’un contrat de fourniture d’électricité, non associé à un investissement, détenue par une entreprise d’un État tiers audit traité envers une entreprise publique d’une autre partie contractante du même traité, ne constitue pas un « investissement », au sens du TCE{4}.
Appréciation de la Cour
Au préalable, la Cour vérifie sa propre compétence pour répondre aux questions préjudicielles posées, dès lors que plusieurs parties, dont Komstroy, ont fait valoir que le droit de l’Union n'est pas applicable au différend en cause, les parties à ce différend étant étrangères à l’Union européenne.
La Cour confirme sa compétence pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation du TCE, qui est un accord mixte, c’est-à-dire conclu par l’Union et un grand nombre d’États membres. Elle est plus particulièrement compétente pour répondre aux questions posées dès lors que celles-ci concernent la notion d’« investissement » au sens du TCE et que, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’Union dispose, en ce qui concerne les investissements étrangers directs, d’une compétence exclusive et, en ce qui concerne les investissement autres que directs, d’une compétence partagée{5}.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que le différend à l’origine du litige au principal oppose un investisseur d’un État tiers à un autre État tiers. Certes, en principe, la Cour n’est pas compétente pour interpréter un accord international pour ce qui concerne son application dans le cadre d’un différend ne relevant pas du droit de l’Union. Il en va notamment ainsi lorsqu’un tel différend oppose un investisseur d’un État tiers à un autre État tiers. Toutefois, l’Union a un intérêt à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, la notion d’ « investissement » du TCE reçoive une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles la disposition en cause est appelée à s’appliquer. Tel est le cas des dispositions dont la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation. En particulier, si une affaire relevait du droit de l’Union, cette juridiction pourrait devoir se prononcer sur l’interprétation des mêmes dispositions du TCE, que ce soit dans le cadre d’une demande d’annulation d’une sentence arbitrale ou lors d’un litige judiciaire ordinaire.
En tout état de cause, les parties au différend ont choisi de soumettre celui-ci à un tribunal d’arbitrage ad hoc constitué sur la base du règlement d’arbitrage de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (Cnudci){6} et ont accepté, conformément à ce règlement d’arbitrage, que le siège de ce tribunal soit établi à Paris, c’est-à-dire sur le territoire d’un État membre, en l’occurrence la France, dans lequel le TCE est applicable en tant qu’acte du droit de l’Union. Pour les besoins de la procédure ouverte sur le territoire de cet État membre, cette fixation du siège de l’arbitrage entraîne donc l’application du droit de l’Union, dont la juridiction saisie a l’obligation d’assurer le respect, conformément à l’article 19 TUE.
Afin de répondre à la première question de la juridiction de renvoi, relative à la notion d’« investissement » au sens du TCE, cette interprétation étant nécessaire pour vérifier la compétence du tribunal arbitral ad hoc, la Cour examine d’abord les différends susceptibles d’être portés devant un tribunal arbitral en application de l’article 26 TCE. En effet, plusieurs États membres ayant participé aux phases écrite et orale de la procédure ont invité la Cour à préciser si un tel tribunal peut, dans le respect du principe d’autonomie du système juridictionnel de l’Union, statuer sur un différend opposant un opérateur d’un État membre à un autre État membre{7}.
La Cour précise à cet égard, en premier lieu, que le tribunal arbitral statue conformément au TCE, qui est un acte du droit de l’Union, ainsi qu’au droit international, si bien que ce tribunal peut être amené à interpréter et à appliquer le droit de l’Union.
En deuxième lieu, ce tribunal arbitral ne constitue pas un élément du système juridictionnel d’un État membre, en l’occurrence la France. Il s’ensuit que ce tribunal ne peut pas être qualifié de juridiction « d’un des États membres » au sens de l’article 267 TFUE et n’est dès lors pas habilité à saisir la Cour à titre préjudiciel{8}.
En troisième lieu, afin d’assurer la compatibilité avec le principe d’autonomie du système juridictionnel de l’Union, la sentence arbitrale doit être soumise au contrôle d’une juridiction d’un État membre, de nature à assurer le plein respect du droit de l’Union, garantissant que les questions de droit de l’Union puissent éventuellement être soumises à la Cour par un renvoi préjudiciel. En l’espèce, les parties au différend ont choisi un tribunal d’arbitrage sur la base du règlement de la Cnudci et ont accepté que le siège de l’arbitrage soit établi à Paris, si bien que cela rend le droit français applicable à la procédure ayant pour objet le contrôle juridictionnel de la sentence arbitrale. Cependant, un tel contrôle juridictionnel ne peut être exercé par la juridiction nationale concernée que dans la mesure où le droit national le lui permet. Or, le droit français ne prévoit qu’un contrôle limité portant, notamment, sur la compétence du tribunal arbitral. De plus, la procédure d’arbitrage en cause se distingue d’une procédure d’arbitrage commercial, trouvant son origine dans l’autonomie de la volonté des parties concernées. En effet, elle résulte d’un traité par lequel des États membres consentent à soustraire au système de voies de recours juridictionnel qu’ils sont tenus d’établir des litiges pouvant porter sur l’application ou l’interprétation du droit de l’Union.
Il résulte de l’ensemble de ces caractéristiques du tribunal arbitral que, si le différend opposait des États membres, un mécanisme de résolution de ce différend ne serait pas apte à assurer que les litiges soient tranchés par une juridiction relevant du système juridictionnel de l’Union, étant entendu que seule une telle juridiction est à même de garantir la pleine efficacité du droit de l’Union{9}. Par conséquent, la disposition du TCE en cause{10} n’est pas applicable aux différends opposant un État membre à un investisseur d’un autre État membre au sujet d’un investissement réalisé par ce dernier dans le premier État membre.
Ensuite, la Cour précise la notion d’« investissement » au sens du TCE. À cet égard, la Cour juge qu’une créance issue d’un contrat de fourniture d’électricité constitue certes un avoir détenu directement par un investisseur, étant précisé que le terme « investisseur », défini par le TCE et employé entre autres à l’article 26, paragraphe 1, du TCE, désigne notamment, en ce qui concerne une partie contractante telle que l’Ukraine, toute entreprise organisée conformément à la législation applicable sur le territoire de cette partie contractante. Toutefois, une créance issue d’un simple contrat de vente d’électricité ne saurait être considérée comme étant conférée pour l’exercice d’une activité économique dans le secteur de l’énergie. Il s’ensuit qu’un simple contrat de fourniture d’électricité, en l’espèce produite par d’autres opérateurs, est une opération commerciale qui ne saurait, en tant que telle, constituer un investissement. Cette interprétation correspond à la distinction claire opérée par le TCE entre le commerce et les investissements.
{1} Traité sur la Charte de l’énergie, signé à Lisbonne le 17 décembre 1994 (JO 1994, L 380, p. 24, ci-après le « TCE »), approuvé au nom des Communautés européennes par la décision 98/181/CE, CECA, Euratom du Conseil et de la Commission, du 23 septembre 1997 (JO 1998, L 69, p. 1).
{2} Article 26, paragraphe 1, du TCE.
{3} Article 1er, point 6, et article 26, paragraphe 1, du TCE.
{4} Article 1er, point 6, et article 26, paragraphe 1, du TCE.
{5} Article 207 TFUE ; avis 1/17 (Accord ECG UE-Canada), du 30 avril 2019 (EU:C:2019:341).
{6} Article 26, paragraphe 4, sous b), du TCE.
{7} Article 26 du TCE.
{8} Arrêt du 6 mars 2018, Achmea, (C-284/16, EU:C:2018:158, points 43 à 49).
{9} Arrêt du 6 mars 2018, Achmea, (C-284/16, EU:C:2018:158, point 56).
{10} Article 26, paragraphe 2, sous c), du TCE.
Arrêt du 2 septembre 2021, République de Moldavie (C-741/19) (cf. points 22-38)
375. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Faits antérieurs à l'expiration du délai de transposition de la directive visée dans la décision de renvoi - Demande provenant de la juridiction statuant sur la constitutionnalité de dispositions nationales au regard du droit de l'Union - Effets erga omnes de sa décision - Recevabilité de la demande
Les autorités italiennes ont refusé l’octroi d’une allocation de naissance et d’une allocation de maternité à plusieurs ressortissants de pays tiers séjournant légalement en Italie, titulaires d’un permis unique de travail obtenu en vertu de la législation italienne transposant la directive 2011/98 . Ce refus a été motivé par le fait que, contrairement aux exigences prévues par la loi no 190/2014 et le décret législatif no 151/2001, ces personnes ne sont pas titulaires du statut de résident de longue durée.
En effet, en vertu de la loi no 190/2014, qui institue une allocation de naissance pour chaque enfant né ou adopté, l’allocation est versée mensuellement aux ressortissants italiens, aux ressortissants d’autres États membres, ainsi qu’aux ressortissants de pays tiers titulaires d’un permis de séjour pour résidents de longue durée, afin d’encourager la natalité et de contribuer aux frais pour la soutenir. Le décret législatif no 151/2001 accorde le bénéfice de l’allocation de maternité, pour tout enfant né depuis le 1er janvier 2001 ou pour tout mineur placé en vue de son adoption ou adopté sans placement, aux femmes résidant en Italie, qui sont ressortissantes de cet État membre ou d’un autre État membre de l’Union ou qui sont titulaires d’un permis de séjour pour résidents de longue durée.
Les ressortissants de pays tiers concernés ont contesté ce refus devant les juridictions italiennes. Dans le cadre de ces litiges, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), considérant que le régime de l’allocation de naissance viole notamment plusieurs dispositions de la Constitution italienne, a saisi la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) de questions de constitutionnalité visant la loi no 190/2014, en ce que cette loi subordonne l’octroi de l’allocation aux ressortissants de pays tiers à la condition qu’ils soient titulaires du statut de résident de longue durée. Pour les mêmes raisons, cette dernière juridiction a été également saisie d’une question de constitutionalité portant sur le décret législatif no 151/2001, relatif à l’allocation de maternité.
Considérant que l’interdiction des discriminations arbitraires et la protection de la maternité et de l’enfance, assurées par la Constitution italienne, doivent être interprétées à la lumière des indications contraignantes données par le droit de l’Union, la Cour constitutionnelle a demandé à la Cour de préciser la portée du droit d’accès aux prestations sociales reconnu par l’article 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du droit à l’égalité de traitement dans le domaine de la sécurité sociale accordé par l’article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 2011/98 aux travailleurs issus de pays tiers .
Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour confirme le droit des ressortissants de pays tiers titulaires d’un permis unique de bénéficier, conformément à l’article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 2011/98, d’une allocation de naissance et d’une allocation de maternité telles que prévues par la réglementation italienne.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour précise que, étant donné que l’article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 2011/98 concrétise le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale prévu à l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte, il y a lieu d’examiner la question relative à la conformité de la réglementation italienne avec le droit de l’Union au regard de cette seule directive.
Dans un deuxième temps, puisque le champ d’application de cette disposition de la directive, qui renvoie au règlement no 883/2004 , est déterminé par ce dernier, la Cour vérifie si l’allocation de naissance et l’allocation de maternité en cause constituent des prestations relevant des branches de la sécurité sociale énumérées à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement.
Concernant l’allocation de naissance, la Cour note que cette allocation est accordée automatiquement aux ménages répondant à certains critères objectifs légalement définis, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels du demandeur. Il s’agit d’une prestation en espèces destinée notamment, au moyen d’une contribution publique au budget familial, à alléger les charges découlant de l’entretien d’un enfant nouvellement né ou adopté. La Cour en conclut que cette allocation constitue une prestation familiale, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous j), du règlement no 883/2004.
En ce qui concerne l’allocation de maternité, la Cour relève qu’elle est accordée ou refusée en tenant compte, outre l’absence d’une indemnité de maternité liée à une relation de travail ou à l’exercice d’une profession libérale, des ressources du ménage dont la mère fait partie sur la base d’un critère objectif et légalement défini, à savoir l’indicateur de la situation économique, sans que l’autorité compétente puisse tenir compte d’autres circonstances personnelles. En outre, cette allocation se rapporte à la branche de la sécurité sociale visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 883/2004.
La Cour conclut que l’allocation de naissance et l’allocation de maternité relèvent des branches de la sécurité sociale pour lesquelles les ressortissants de pays tiers visés à l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2011/98 bénéficient du droit à l’égalité de traitement prévu par cette directive.
Compte tenu du fait que l’Italie n’a pas fait usage de la faculté offerte par la directive aux États membres de limiter l’égalité de traitement , la Cour considère que la réglementation nationale qui exclut ces ressortissants de pays tiers du bénéfice desdites allocations n’est pas conforme à l’article 12, paragraphe 1, sous e), de cette directive.
{1} Directive 2011/98/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre (JO 2011, L 343, p. 1).
{2} Ces travailleurs sont ceux visés à l’article 3, paragraphe 1, sous b) et c) de ladite directive, à savoir, premièrement, les ressortissants de pays tiers admis dans un État membre à d’autres fins que le travail, qui sont autorisés à travailler et qui sont titulaires d’un titre de séjour conformément au règlement (CE) nº 1030/2002 du Conseil, du 13 juin 2002, établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers (JO 2002, L 157, p. 1), et, deuxièmement, les ressortissants de pays tiers admis dans un État membre aux fins d’y travailler.
{3} Règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1 et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).
{4} Cette faculté est prévue par l’article 12, paragraphe 2, sous b), de la directive 2011/98.
376. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Directive 79/7 - Question portant sur la validité de la clause d'exclusion des prestations de survivants, prévue par cette directive - Pension de veuvage fondée sur une relation de concubinage ne relevant pas du champ d'application de ladite directive nonobstant l'existence de cette clause - Irrecevabilité
377. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Indication des raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Absence d'explications quant au lien entre les dispositions et les principes du droit de l'Union invoqués par la juridiction de renvoi et la législation nationale applicable au litige au principal - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 17 novembre 2021, AKZ - Burgas (C-602/20) (cf. points 20-28 et disp.)
378. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Question visant à vérifier le respect, du fait de l'adoption d'un mandat d'arrêt européen, des obligations découlant du droit de l'Union - Mise en œuvre du droit de l'Union par l'autorité judiciaire d'émission - Absence de motif d'irrecevabilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 16 décembre 2021, AB e.a. (Révocation d’une amnistie) (C-203/20) (cf. points 52, 54)
379. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Question visant l'interprétation du droit de l'Union - Contestation de la recevabilité de cette question ayant trait à l'interprétation du droit de l'Union - Absence de motif d'irrecevabilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 16 décembre 2021, AB e.a. (Révocation d’une amnistie) (C-203/20) (cf. points 65, 66)
380. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Affectation d'un demandeur de protection internationale à une structure d'accueil spécifique constituant une mesure préparatoire à la procédure d'exécution d'une décision de transfert - Absence de lien entre l'interprétation sollicitée du droit de l'Union et la réalité ou l'objet du litige au principal - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 16 décembre 2021, Fedasil (C-505/21) (cf. points 38-43, 48, 49 et disp.)
381. Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Question portant sur la validité d'une décision n'ayant pas été attaquée sur le fondement de l'article 263 TFUE - Recours au principal introduit par une société à l'évidence recevable à agir en annulation - Irrecevabilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 21 décembre 2021, VÍTKOVICE STEEL (C-524/20) (cf. points 59-67)
382. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte réglementaire et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Impossibilité pour la Cour de vérifier l'applicabilité et la pertinence des dispositions du droit de l'Union invoquées - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 10 janvier 2022, ZI et TQ (C-437/20) (cf. points 18-21, 25-27, 31 et disp.)
383. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation du droit national - Examen de la compatibilité du droit national avec le droit de l'Union - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi de tous les éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union - Inclusion
Ordonnance du 10 janvier 2022, Anatecor (C-400/21) (cf. points 13, 15)
384. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation du droit de l'Union dans un litige portant sur une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée - Réglementation nationale régissant les conditions de travail des professeurs enseignant la religion catholique dans les établissements publics - Inclusion
YT ainsi que dix-sept autres personnes (ci-après, ensemble, les « requérants »), qui enseignent depuis de nombreuses années la religion catholique au sein d’établissements publics, ont été recrutés par le Ministero dell’Istruzione dell’Università e della Ricerca - MIUR (ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Italie) au moyen de contrats à durée déterminée (ci-après « CDD ») successifs. Constatant qu’ils n’avaient pas pu bénéficier de la titularisation prévue par le droit italien pour le personnel enseignant, en raison de la durée annuelle de leurs missions, qui ne permettait pas leur inscription sur les listes permanentes d’aptitude, les requérants ont saisi la juridiction de renvoi d’un recours tendant principalement à la transformation de leurs contrats actuels en contrats à durée indéterminée (ci-après « CDI »).
La juridiction de renvoi , relevant que la réglementation italienne transposant l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée{1} exclut, dans le secteur de l’enseignement, la transformation des CDD successifs en CDI, estime que ce recours ne peut pas être accueilli. Selon elle, compte tenu de cette exclusion et du fait que les professeurs de religion catholique en cause n’ont pas pu bénéficier de la titularisation prévue en droit italien, ce droit ne prévoirait aucune mesure de prévention de l’usage abusif de CDD successifs pour lesdits professeurs, au sens de la clause 5 de l’accord-cadre.
C’est ainsi qu’elle a décidé de saisir la Cour de la question de la compatibilité de la réglementation italienne avec cette dernière disposition, ainsi qu’avec l’interdiction de discrimination fondée sur la religion interdite par le droit de l’Union{2}. En outre, elle a demandé à la Cour de préciser si la nécessité d’un titre d’aptitude délivré par une autorité ecclésiastique, dont doivent disposer les professeurs de religion catholique pour enseigner, est constitutive d’une « raison objective », au sens de l’accord-cadre, permettant de justifier le renouvellement de tels CDD. Elle s’est enfin interrogée sur les conséquences à tirer, pour le litige au principal, de la conclusion de la Cour sur l’éventuelle incompatibilité de la réglementation en cause.
Dans son arrêt, la Cour se prononce notamment sur l’effectivité des mesures devant sanctionner, dans les droits nationaux, le recours abusif aux CDD successifs.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, constatant notamment que les dispositions nationales en cause ne visent pas à organiser les rapports entre un État membre et les églises, mais concernent les conditions de travail des professeurs enseignant la religion catholique dans les établissements publics, l’affaire ne concernant ainsi pas le statut dont bénéficient les églises visées à l’article 17, paragraphe 1, TFUE, la Cour se reconnaît compétente pour statuer sur la demande de décision préjudicielle.
Sur le fond, après avoir conclu à l’absence de discrimination fondée sur la religion , la titularisation des requérants ayant été impossible en raison de la durée de leurs missions, sans aucun lien avec leur religion, la Cour énonce, tout d’abord, que la situation selon laquelle les requérants ne peuvent pas bénéficier d’une requalification de leur contrat en CDI alors que les enseignants d’autres matières se trouvant dans une situation comparable le pouvaient, constitue une différence de traitement entre deux catégories de travailleurs à durée déterminée. Par conséquent, une telle situation ne relève pas de la clause 4 de l’accord-cadre{3}, cette dernière interdisant la différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et ceux à durée indéterminée. Ainsi, la juridiction de renvoi ne peut pas laisser inappliquées les règles nationales en cause sur le fondement de ladite clause.
Ensuite, concernant la clause 5 de l’accord-cadre , intitulée « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive », la Cour juge que cette disposition s’oppose à une réglementation nationale qui exclut les professeurs de religion catholique de l’application des règles visant à sanctionner le recours abusif aux CDD successifs, lorsqu’il n’existe aucune autre mesure effective dans l’ordre juridique interne sanctionnant ledit recours abusif, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier .
En effet, il n’est certes pas exclu que le secteur de l’enseignement public de la religion catholique exige une adéquation constante entre le nombre de travailleurs employés et le nombre d’utilisateurs potentiels, entraînant, pour l’employeur, des besoins provisoires en matière de recrutement, le besoin particulier de flexibilité , dans ce secteur, étant de nature à justifier, au regard de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, le recours à des CDD successifs. Toutefois , le respect de cette disposition exige qu’il soit vérifié concrètement que le renouvellement de tels contrats vise à couvrir des besoins provisoires et que cette possibilité n’est pas utilisée, en fait, pour satisfaire des besoins permanents de l’employeur en matière de personnel. Or, en l’occurrence, les différents CDD liant les requérants à leur employeur ont donné lieu à l’accomplissement de tâches similaires durant plusieurs années, si bien que cette relation de travail peut être entendue comme avoir satisfait à un besoin qui était durable, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
En outre , constatant notamment que le titre d’aptitude dont doivent disposer les professeurs de religion catholique pour enseigner est délivré une seule fois et non pas avant chaque année scolaire donnant lieu à la conclusion d’un CDD, indépendamment de la durée des missions qui leur sont confiées, et que cette délivrance est sans lien avec des mesures poursuivant des objectifs de politique sociale, la Cour énonce que ce titre ne constitue pas une « raison objective » justifiant le renouvellement de CDD, au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre.
Enfin, la Cour rappelle que si cette clause est dépourvue d’effet direct, le juge national n’étant dès lors pas tenu de laisser inappliquée une disposition nationale qui y serait contraire, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si une interprétation des dispositions nationales en cause qui serait conforme à l’accord-cadre est possible, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci.
{1} Accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L 175, p. 43).
{2} Cette interdiction est prévue par l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).
{3} La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », prévoit, à son point 1, que, pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives.
385. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Pratiques de l'administration fiscale d'un État membre relatives au contrôle et à la sanction des infractions fiscales en matière d'impôt sur les sociétés - Pratiques ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union - Incompétence de la Cour
Voir texte de la décision.
Arrêt du 13 janvier 2022, MARCAS MC (C-363/20) (cf. points 33-35, 37-39, disp. 1)
386. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Examen de la compatibilité d'une aide avec le marché intérieur - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi de tous les éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union - Interprétation de la notion d'aide - Inclusion
Voir texte de la décision.
Arrêt du 27 janvier 2022, Fondul Proprietatea (C-179/20) (cf. points 83-85)
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 15 septembre 2022, Fossil (Gibraltar) (C-705/20) (cf. point 56)
Les sociétés « DOBELES HES » SIA et « GM » SIA (ci-après les « producteurs concernés ») exploitent des centrales hydro-électriques en Lettonie et produisent de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables.
Jusqu’au 7 juin 2005, une disposition de la loi lettone relative à l’énergie accordait aux producteurs d’électricité, sous certaines conditions, le droit de vendre leur excédent de production électrique à l’entreprise de distribution d’électricité agréée à un prix préférentiel correspondant au double du tarif moyen de vente de l’électricité, tel que déterminé par l’autorité nationale de régulation. À compter de l’entrée en vigueur, le 8 juin 2005, de nouvelles dispositions régissant la vente par les producteurs d’électricité d’excédents de production à un tarif préférentiel, une disposition a permis aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables qui avaient déjà commencé leur activité à cette date de conserver le bénéfice du régime antérieur.
L’autorité de régulation a interprété cette disposition comme bloquant, pour ces producteurs, le tarif préférentiel applicable à sa valeur au 7 juin 2005, de sorte qu’elle a cessé de l’actualiser. Ainsi, à partir de cette date, les deux producteurs concernés ont vendu le surplus de leur production à un prix correspondant au double du tarif moyen de vente de l’électricité alors en vigueur. Toutefois, par une décision du 20 janvier 2010, la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle, Lettonie) a jugé erronée l’interprétation donnée par l’autorité de régulation à la disposition en cause, dans la mesure où cette dernière avait considéré que le terme « prix » devait être compris comme un prix fixe, et non comme un mécanisme de fixation des prix, de sorte que c’est également à tort qu’elle s’était considérée comme n’étant plus compétente, à partir du 8 juin 2005, pour fixer le tarif moyen de vente de l’électricité.
Dans ces circonstances, les producteurs concernés ont présenté à l’autorité de régulation, chacun en ce qui le concerne, une demande en réparation des pertes subies en raison du défaut d’actualisation dudit tarif moyen à compter du 8 juin 2005. Devant le refus de l’autorité de régulation d’accéder à leur demande respective, les producteurs concernés ont saisi, en 2011, le juge administratif qui, par arrêts du 31 mai 2019 et du 10 juillet 2019, a fait droit en partie à leurs prétentions respectives, tout en subordonnant le paiement des sommes mises à la charge de l’autorité de régulation, en tant que versement d’aides d’État, à l’adoption d’une décision de la Commission européenne autorisant de telles aides.
L’autorité de régulation a formé un pourvoi en cassation contre ces arrêts devant l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie). S’interrogeant, en particulier, sur la qualification à donner aux indemnisations litigieuses, au regard de la notion d’« aide d’État », ainsi que sur les exigences à satisfaire, le cas échéant, en vue de permettre leur versement, au regard des prérogatives de la Commission en matière d’aides d’État, la Cour suprême a décidé de surseoir à statuer et de saisir à son tour la Cour d’une série de questions préjudicielles à ce sujet, libellées en termes identiques dans les deux affaires.
Par son arrêt rendu en formation de grande chambre, la Cour précise les conditions dans lesquelles une mesure nationale permettant aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables de bénéficier d’un tarif majoré peut être qualifiée d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, dans l’hypothèse où cette qualification serait retenue à l’égard de la mesure en question, alors que celle-ci n’a pas été dûment notifiée à la Commission, la Cour admet néanmoins que le juge national puisse faire droit à une demande de versement d’une somme au titre d’une telle mesure de soutien, tout en subordonnant le paiement à l’exigence d’une notification préalable de l’aide à la Commission ainsi qu’à l’obtention de l’accord de cette institution à cet égard.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour fournit les éléments d’interprétation sollicités par la juridiction de renvoi afin de lui permettre de déterminer si la mesure nationale à l’origine des affaires dont elle est saisie peut être qualifiée d’ « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
À cet égard, la Cour examine, tout d’abord, le point de savoir si une réglementation nationale qui oblige l’entreprise de distribution d’électricité agréée à acheter l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à un prix supérieur à celui du marché et qui prévoit que les surcoûts qui en résultent sont financés par un prélèvement obligatoire supporté par les consommateurs finals constitue une intervention « au moyen de ressources d’État », au sens de cette disposition. En l’occurrence, la Cour rappelle que les fonds issus d’un prélèvement dont la charge financière est supportée dans les faits par une catégorie définie de personnes ne peuvent être considérés comme ayant le caractère de « ressources d’État » que lorsque le prélèvement en question est obligatoire en vertu du droit national. Dès lors, les fonds alimentés par une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation constituent des « ressources d’État », au sens de cette même disposition. Toutefois, le fait que des sommes restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État ». En conséquence, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, les fonds au moyen desquels un avantage tarifaire est accordé, en application de la législation lettone concernée, aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables sont des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au regard des deux critères alternatifs de cette notion.
Par ailleurs, la Cour précise que la date de la libéralisation complète du marché de l’électricité en Lettonie est sans pertinence pour apprécier si l’aide fournie par l’opérateur public dans cet État membre en achetant l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à un prix supérieur à celui du marché doit être qualifiée d’aide d’État.
En outre, lorsqu’une réglementation nationale a institué une « aide d’État », au sens de cette disposition, le paiement d’une somme réclamée en justice en application de cette réglementation constitue également une telle aide. Selon la Cour, il est indifférent, pour déterminer si des sommes correspondent à des « aides d’État », que les recours tendant à en obtenir le versement soient qualifiés de « demandes en réparation » ou de « demandes de dommages et intérêts » en vertu du droit national.
Enfin, la Cour observe que, si le juge national peut, le cas échéant, rendre un jugement dont il résulte que l’une des parties doit, en application du droit national, recevoir une somme correspondant à une aide d’État, cela ne signifie nullement que, dans ce cas, il accorde lui-même cette aide. En effet, l’instauration en tant que telle d’une aide d’État ne saurait procéder d'une décision juridictionnelle, dès lors qu’elle relève d’une appréciation d’opportunité qui est étrangère à l’office du juge. La Cour en conclut que, lorsqu’une réglementation nationale instaurant un droit légal à un paiement majoré pour l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables constitue une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des demandes en justice visant à obtenir le bénéfice complet de ce droit doivent être regardées comme des demandes de versement de la partie de cette aide d’État non perçue, et non comme des demandes tendant à l’octroi par le juge saisi d’une aide d’État distincte.
Dans un deuxième temps, la Cour apporte des précisions sur l’application des critères prévus, en matière d’aides de minimis, par le règlement no 1407/2013{1}, lesquelles ne sont pas soumises à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. À cet égard, la Cour considère que le respect du seuil de minimis fixé à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement doit être apprécié au regard du montant de l’aide réclamée au titre de la réglementation nationale pertinente cumulé avec celui des versements déjà perçus pendant la période de référence au titre de cette réglementation.
Dans un troisième temps, la Cour se prononce sur l’articulation des prérogatives respectives du juge national et de la Commission, dans l’hypothèse où les sommes demandées par les producteurs concernés dans les affaires au principal correspondraient à des aides d’État.
En l’occurrence, dans la mesure où l’aide en question ne correspond à aucune des catégories d’aides existantes prévues par le droit de l’Union{2}, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, la Cour en conclut que le soutien en cause, y compris la partie de celui-ci dont le versement est ultérieurement réclamé, doit être qualifié d’« aide nouvelle »{3}.
Se plaçant alors, au vu du constat qui précède, dans l’hypothèse où le juge national est saisi d’une demande visant à obtenir le versement d’une aide illégale, faute pour cette dernière d’avoir été notifiée à la Commission, la Cour souligne que la mission de contrôle des aides d’État que le droit de l’Union confie à ce juge doit en principe conduire ce dernier à rejeter une telle demande. Pour autant, la Cour admet qu’une décision du juge national condamnant le défendeur au versement de l’aide en cause, mais sous réserve que celle-ci soit, au préalable, notifiée à la Commission par les autorités nationales concernées et que cette institution donne son accord, ou soit réputée l’avoir donné, est aussi de nature à éviter qu’une aide nouvelle soit versée en méconnaissance de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 3 du règlement 2015/1589.
{1} Règlement (UE) no 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 [TFUE] aux aides de minimis (JO 2013, L 352, p. 1).
{2} Article 1er, sous b), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9).
{3} Au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589.
Arrêt du 12 janvier 2023, DOBELES HES (C-702/20 et C-17/21) (cf. points 56-58, 97)
387. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Soutien au développement rural par le Feader - Instauration, par les États membres, de régimes accordant des paiements au titre de Natura 2000 - Mise en œuvre du droit de l'Union - Marge d'appréciation accordée aux États membres pour décider des mesures à prendre - Absence d'obligation de prévoir un régime d'indemnisation - Absence d'incidence - Compétence de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 27 janvier 2022, Sātiņi-S (C-234/20) (cf. points 51, 55, 57-59)
388. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Impositions indirectes autres que l'accise - Détermination de leur finalité spécifique
Voir texte de la décision.
Ordonnance du 7 février 2022, Vapo Atlantic (C-460/21) (cf. point 28)
389. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Interprétation de la directive 2003/88 - Exclusion de la rémunération des travailleurs du champ d'application de ladite directive - Questions portant sur les modalités relatives à l'aménagement, la répartition du temps de travail de nuit et à sa comptabilisation ainsi que sur la compensation du travail effectué en dehors des heures normales de service - Recevabilité de la demande
VB, un agent du service des sapeurs-pompiers de la direction générale « Sécurité incendie et protection civile », rattachée au ministère de l’Intérieur bulgare, a effectué du travail de nuit pendant plusieurs années. Estimant qu’il est en droit de bénéficier de la valorisation des heures de travail de nuit, de telle sorte que sept heures de travail de nuit auraient équivalu à huit heures de travail de jour, VB a introduit une demande de rémunération d’heures supplémentaires auprès de son employeur.
Sa demande a été refusée au motif qu’aucune disposition en vigueur ne prévoit pour les agents du ministère de l’Intérieur la conversion des heures de travail de nuit en heures de travail de jour. En effet, la durée normale du travail de nuit de sept heures pour une semaine de cinq jours ouvrables, prévue par le code du travail bulgare pour les travailleurs du secteur privé, ne s’appliquerait pas auxdits agents. La loi relative au ministère de l’Intérieur ne définit que la tranche horaire du travail de nuit et énonce uniquement que le temps de travail desdits agents ne doit pas dépasser en moyenne huit heures par période de vingt-quatre heures, sans toutefois préciser la durée normale et maximale du travail du nuit. VB a contesté ledit refus devant le Rayonen sad Lukovit (tribunal d’arrondissement de Lukovit, Bulgarie).
Saisie à titre préjudicielle par cette juridiction, qui estime que la durée normale de travail de nuit des agents du ministère de l’Intérieur devrait être de sept heures afin qu’ils ne soient pas moins bien traités que les autres travailleurs, la Cour précise les obligations des États membres concernant les mesures de protection en matière de sécurité et de santé des travailleurs de nuit à prendre en vertu de la directive 2003/88{1}, et se prononce sur la compatibilité de la réglementation bulgare en cause avec le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et avec le droit de tout travailleur à des conditions de travail justes et équitables, énoncé à l’article 31 de la Charte.
Appréciation de la Cour
S’agissant du rapport entre la durée normale du travail de nuit et celle du travail de jour, la Cour relève, tout d’abord, qu’aucune disposition de la directive 2003/88 ne contient d’indication à cet égard. En effet, cette directive n’établit que des exigences minimales qui comprennent la durée maximale du travail de nuit de huit heures au cours d’une période de vingt-quatre heures{2}. Par ailleurs, la directive prévoit l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs de nuit bénéficient d'un niveau de protection adapté à la nature de leur travail{3}, en laissant une certaine marge d’appréciation aux États membres à cet égard.
Partant, l’article 8 et l’article 12, sous a), de la directive 2003/88 n’imposent pas l’obligation d’adopter une réglementation nationale prévoyant que la durée normale du travail de nuit pour des travailleurs du secteur public, tels que les policiers et les sapeurs-pompiers, est inférieure à la durée normale du travail de jour prévue pour ces derniers.
Toutefois, les États membres doivent veiller à ce que de tels travailleurs bénéficient d’autres mesures de protection en matière de durée du travail, de salaire, d’indemnités ou d’avantages similaires permettant de compenser la pénibilité particulière qu’implique le travail de nuit qu’ils effectuent. En effet, bien que la réduction de la durée normale du travail de nuit par rapport à celle du travail de jour puisse constituer une solution appropriée en vue d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs concernés, cette réduction n’est pas la seule solution possible.
Ensuite, après avoir constaté que les dispositions du code du travail bulgare et de la loi relative au ministère de l’Intérieur en cause constituent une mise en œuvre de la directive 2003/88 et, partant, relèvent du champ d’application du droit de l’Union, la Cour tranche la question de la compatibilité de cette réglementation avec la Charte.
À cet égard, la Cour juge que les articles 20 et 31 de la Charte ne s’opposent pas à ce que la durée normale du travail de nuit fixée à sept heures pour les travailleurs du secteur privé ne s’applique pas aux travailleurs du secteur public, en particulier aux policiers et aux sapeurs-pompiers, si une telle différence de traitement est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire qu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par ladite législation et qu’elle est proportionnée à ce but.
La Cour relève tout d’abord qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’identifier les catégories de personnes se trouvant dans des situations comparables et de les comparer de manière spécifique et concrète, y compris en ce qui concerne les conditions de travail de nuit. Or, en l’occurrence, la juridiction de renvoi a analysé des catégories de travailleurs abstraites, telles que celle des travailleurs du secteur privé bénéficiant du régime prévu par le code du travail et celle des travailleurs du secteur public, comme les agents du ministère de l’Intérieur, qui n’en bénéficient pas.
Concernant la justification d’une éventuelle différence de traitement, la Cour relève que l’absence d’un mécanisme de conversion des heures de travail de nuit en heures de travail de jour pour les agents du ministère de l’Intérieur ne peut pas être justifiée par de seules considérations budgétaires, sans d’autres considérations d’ordre politique, social ou démographique.
À défaut d’être fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire d’être en rapport avec un but légalement admissible, et d’être proportionnée à ce but, une différence instaurée par des dispositions du droit national en matière de travail de nuit entre différentes catégories de travailleurs se trouvant dans des situations comparables serait incompatible avec le droit de l’Union et contraindrait, le cas échéant, le juge national à interpréter le droit national, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la disposition de droit primaire concernée, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de cette disposition et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci.
{1} Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).
{2} Article 8, sous b), de la directive 2003/88.
{3} Article 12, sous a), de la directive 2003/88.
390. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Interprétation du droit national
Voir le texte de la décision.
391. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Action civile en constatation de l'inexistence de la relation de travail d'un juge - Questions concernant la conformité au droit de l'Union de la nomination de ce juge comme président d'une chambre disciplinaire d'une juridiction - Désignation, par ledit juge, de la juridiction disciplinaire compétente pour connaître d'un litige - Questions ayant trait à un litige autre que celui au principal, ce dernier n'en constituant que l'accessoire - Absence de compétence de la juridiction de renvoi pour contrôler la validité de cette nomination - Irrecevabilité de l'action exercée devant cette juridiction en vertu du droit national - Absence de nécessité de l'interprétation sollicitée pour la solution du litige soumis à ladite juridiction - Irrecevabilité
En janvier 2019, une procédure disciplinaire avait été engagée à l’encontre de M. F., juge au sein du Sąd Rejonowy w P. (tribunal d’arrondissement de P., Pologne), pour de prétendus retards dans le traitement des affaires sur lesquelles cette juge était appelée à se prononcer. J. M., agissant en qualité de président du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) dirigeant les travaux de la chambre disciplinaire de cette dernière juridiction, avait désigné le Sąd Dyscyplinarny przy Sądzie Apelacyjnym w [...] (tribunal disciplinaire près la Cour d’appel de [...], Pologne) pour connaître de cette procédure.
Considérant que la nomination de J. M. au sein de cette chambre disciplinaire était entachée de plusieurs irrégularités, M. F. a saisi la Cour suprême d’une action civile visant à faire constater l’inexistence d’une relation de travail entre J. M. et cette même juridiction, tout en demandant à cette dernière de suspendre la procédure disciplinaire menée à l’encontre de M. F. L’une des chambres de la Cour suprême, l’Izba Pracy i Ubezpieczeń Społecznych (chambre du travail et de la sécurité sociale, ci-après « la juridiction de renvoi »), a alors été chargée d’examiner ces demandes.
La juridiction de renvoi, après avoir constaté que le mandat de juge traduit un rapport juridique relevant du droit public, et non du droit civil, et qu’un recours tel que celui en cause au principal n’est, ainsi, pas susceptible de relever du champ d’application du code de procédure civile, se demande néanmoins si le principe de protection juridictionnelle effective, qui est consacré par le droit de l’Union, et l’obligation incombant aux États membres, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de veiller à ce que les juridictions de son ordre juridique qui sont susceptibles de se prononcer dans des domaines couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences découlant de ce principe et, en particulier, à celles relatives à leur indépendance, à leur impartialité et au fait qu’elles soient établies par la loi, ont pour conséquence de lui conférer le pouvoir, qu’elle ne détient pas en vertu du droit polonais, de constater, dans le cadre de la procédure au principal, que le défendeur concerné n’a pas de mandat de juge.
Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour déclare la demande de décision préjudicielle irrecevable. Elle souligne à cet égard que, tandis que, dans le cadre de la mission juridictionnelle qui lui incombe en vertu de l’article 267 TFUE, sa fonction consiste à fournir à toute juridiction de l’Union les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui lui sont nécessaires pour la solution de litiges réels qui lui sont soumis, les questions qui lui sont adressées dans le présent renvoi préjudiciel excèdent le cadre de cette mission.
Appréciation de la Cour
La Cour rappelle que les questions posées par une juridiction nationale doivent répondre à un besoin objectif pour la solution du litige dont elle est saisie et que la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE suppose ainsi, en principe, que la juridiction de renvoi soit compétente pour statuer sur le litige au principal, afin que celui-ci ne soit pas considéré comme purement hypothétique. Bien que la Cour ait admis qu’il puisse en aller différemment dans certaines circonstances exceptionnelles, une telle solution ne peut être retenue en l’espèce.
En effet, premièrement, la juridiction de renvoi souligne elle-même que, lorsqu’elle se trouve saisie d’une action civile en constatation de l’inexistence d’un rapport juridique, elle ne dispose pas, en vertu du droit national, de la compétence qui lui permettrait de se prononcer sur la régularité de l’acte de nomination en cause.
Deuxièmement, l’action civile introduite par M. F. vise, en réalité, à contester, non pas tant l’existence d’une relation de travail entre J. M. et la Cour suprême ou de droits et obligations découlant d’une telle relation, mais bien la décision par laquelle J. M. a désigné la juridiction disciplinaire compétente pour connaître de la procédure disciplinaire menée à l’encontre de M F., procédure dont cette dernière demande d’ailleurs la suspension, à titre provisoire, par la juridiction de renvoi. Ainsi, les questions adressées à la Cour ont intrinsèquement trait à un litige autre que celui au principal et dont ce dernier ne constitue que l’accessoire. Pour y répondre, la Cour serait dès lors contrainte d’avoir égard aux caractéristiques de cet autre litige plutôt que de s’en tenir à la configuration du litige au principal, comme l’exige l’article 267 TFUE.
Troisièmement, la Cour observe que, à défaut de disposer d’un droit d’action directe contre la nomination de J. M. en tant que président de la chambre disciplinaire de la Cour suprême ou contre l’acte de J. M. désignant la juridiction disciplinaire en charge de l’examen du litige, M. F. aurait pu soulever, devant cette dernière juridiction, une contestation tirée de l’éventuelle méconnaissance, découlant de l’acte de désignation en cause, de son droit à ce que ledit litige soit jugé par un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi. La Cour rappelle, d’ailleurs, à cet égard, qu’elle a jugé que les dispositions de la loi relative aux juridictions de droit commun, en ce qu’elles confient au président de la chambre disciplinaire de la Cour suprême le pouvoir discrétionnaire de désigner le tribunal disciplinaire compétent pour connaître des procédures disciplinaires engagées contre des juges des juridictions de droit commun, ne remplissent pas l’exigence découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, selon laquelle de telles affaires doivent pouvoir être examinées par un tribunal « établi par la loi »{1}. Cette disposition, en tant qu’elle pose une telle exigence, doit, en outre, être considérée comme revêtue d’un effet direct, de telle sorte que le principe de primauté du droit de l’Union impose à une juridiction disciplinaire ainsi désignée de laisser inappliquées les dispositions nationales en vertu desquelles est intervenue sa désignation et, partant, de se déclarer incompétente pour connaître du litige qui lui est soumis.
Quatrièmement, la Cour fait observer que, en l’occurrence, l’action au principal vise, en substance, à obtenir une forme d’invalidation erga omnes de la nomination de J. M. dans ses fonctions de juge, alors même que le droit national n’autorise pas et n’a jamais autorisé l’ensemble des justiciables à contester la nomination des juges au moyen d’une action directe en annulation ou en invalidation d’une telle nomination.
{1} Arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges) (C-791/19, EU:C:2021:596, point 176).
Voir le texte de la décision.
392. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation du droit de l'Union dans le cadre d'un litige nécessitant de trancher une question liminaire en lien avec des faits antérieurs à l'adhésion d'un État membre à l'Union européenne - Question liminaire en lien avec une situation continuant de produire des effets après cette adhésion - Inclusion
En 2017, en Pologne, plusieurs consommateurs avaient saisi le tribunal régional compétent d’un recours concernant le caractère prétendument abusif d’une clause figurant dans le contrat de crédit qu’ils avaient conclu auprès de Getin Noble Bank, un établissement bancaire. N’ayant obtenu entière satisfaction ni en première instance ni en appel, les requérants ont formé un pourvoi devant le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), la juridiction de renvoi.
Pour examiner la recevabilité du pourvoi introduit devant elle, cette juridiction est tenue, conformément au droit national, de vérifier le caractère régulier de la composition de la formation de jugement qui a rendu l’arrêt sous pourvoi. Dans ce contexte, siégeant en formation à juge unique, elle s’interroge sur la conformité, avec le droit de l’Union, de la composition de la juridiction d’appel. Selon elle, l’indépendance et l’impartialité des trois juges d’appel pourraient être mises en doute en raison des circonstances de leur nomination aux fonctions de juge.
À cet égard, la juridiction de renvoi vise, d’une part, la circonstance que la première nomination d’un des juges (FO) à un tel poste résultait d’une décision adoptée par un organe du régime non démocratique que la Pologne a connu avant son adhésion à l’Union européenne et qu’il a été maintenu à ce poste après la fin de ce régime, sans avoir de nouveau prêté serment et en bénéficiant de l’ancienneté acquise lorsque ce régime était en place{1}. D’autre part, les juges concernés auraient été nommés auprès de la juridiction d’appel sur la proposition de la Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature, Pologne, ci-après la « KRS »), l’un, en 1998, alors que les résolutions de cet organe n’étaient ni motivées ni susceptibles d’un recours juridictionnel, les deux autres, en 2012 et 2015, à une époque où, selon le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle, Pologne), la KRS ne fonctionnait pas de manière transparente et où sa composition était contraire à la Constitution.
Par son arrêt, prononcé en grande chambre, la Cour juge, en substance, que le principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union{2} doit être interprété en ce sens que les irrégularités invoquées par la juridiction de renvoi à l’égard des juges d’appel en cause ne sont pas en elles-mêmes de nature à susciter des doutes légitimes et sérieux, dans l’esprit des justiciables, quant à l’indépendance et à l’impartialité de ces juges, ni, partant, à remettre en cause la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, de la formation de jugement dans laquelle ils siègent.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour écarte l’exception d’irrecevabilité selon laquelle le juge unique de la Cour suprême polonaise, appelé à examiner la recevabilité du pourvoi introduit devant celle-ci, n’était pas habilité à poser des questions préjudicielles à la Cour eu égard aux vices entachant sa propre nomination, lesquels remettraient en cause son indépendance et son impartialité. En effet, pour autant qu’un renvoi préjudiciel émane d’une juridiction nationale, il doit être présumé qu’elle répond aux exigences posées par la Cour pour constituer une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE. Une telle présomption peut néanmoins être renversée lorsqu’une décision judiciaire définitive rendue par une juridiction nationale ou internationale conduirait à considérer que le juge constituant la juridiction de renvoi n’a pas la qualité de tribunal indépendant, impartial et établi par la loi. La Cour ne disposant pas d’informations permettant de renverser une telle présomption, la demande de décision préjudicielle est donc recevable.
Ensuite, la Cour examine les deux volets des questions posées.
Par le premier volet, la juridiction de renvoi demande si l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et l’article 47 de la Charte s’opposent à ce que soit qualifiée de tribunal indépendant et impartial une formation de jugement d’une juridiction nationale dans laquelle siège un juge ayant, comme FO, commencé sa carrière sous le régime communiste et ayant été maintenu dans son poste après la fin de ce régime.
À cet égard, après s’être reconnue compétente pour statuer sur cette question{3}, la Cour précise que, si l’organisation de la justice dans les États membres relève de la compétence de ces derniers, ceux-ci sont tenus, dans l’exercice de cette compétence, de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union, y compris celle d’assurer le respect du principe de protection juridictionnelle effective.
Quant à l’incidence sur l’indépendance et l’impartialité d’un juge des circonstances antérieures à l’adhésion, invoquées par la juridiction de renvoi à l’égard de juges comme FO, la Cour rappelle que, au moment de l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, il a été considéré que, en principe, son système judiciaire était conforme au droit de l’Union. En outre, la juridiction de renvoi n’a fourni aucune explication concrète montrant en quoi les conditions de la première nomination de FO pourraient permettre que soit exercée actuellement une influence indue sur celui-ci. Ainsi, les circonstances entourant sa première nomination ne sauraient être en elles-mêmes considérées comme étant de nature à susciter des doutes légitimes et sérieux, dans l’esprit des justiciables, quant à l’indépendance et à l’impartialité de ce juge, lors de l’exercice de ses fonctions juridictionnelles ultérieures.
Par leur second volet, les questions posées visent à savoir si, en substance, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, l’article 47 de la Charte ainsi que l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/13 s’opposent à ce que soit qualifiée de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, une formation de jugement relevant d’une juridiction d’un État membre dans laquelle siège un juge dont la première nomination à un poste de juge ou sa nomination ultérieure dans une juridiction supérieure est intervenue soit à la suite de sa sélection comme candidat au poste de juge par un organe composé sur le fondement de dispositions législatives ultérieurement déclarées inconstitutionnelles par la juridiction constitutionnelle de cet État membre (ci-après la « première circonstance en cause »), soit à la suite de sa sélection comme candidat au poste de juge par un organe régulièrement composé mais au terme d’une procédure qui n’était ni transparente, ni publique, ni susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel (ci-après la « seconde circonstance en cause »).
À cet égard, la Cour relève que toute erreur susceptible d’intervenir au cours de la procédure de nomination d’un juge n’est pas de nature à jeter un doute sur l’indépendance et l’impartialité de ce juge.
En l’occurrence, s’agissant de la première circonstance en cause, la Cour relève que la Cour constitutionnelle ne s’est pas prononcée sur l’indépendance de la KRS lorsqu’elle a déclaré inconstitutionnelle la composition de cet organe, telle qu’elle se présentait à l’époque de la nomination des deux juges autres que FO dans la formation de jugement qui a rendu l’arrêt sous pourvoi devant la juridiction de renvoi. Cette déclaration d’inconstitutionnalité ne saurait ainsi, à elle seule, conduire à mettre en doute l’indépendance de cet organe, ni faire naître, dans l’esprit des justiciables, des doutes quant à l’indépendance de ces juges, à l’égard d’éléments extérieurs. Aucun élément concret de nature à étayer l’existence de tels doutes n’a du reste été avancé par la juridiction de renvoi en ce sens.
La même conclusion s’impose concernant la situation de la seconde circonstance en cause. Il ne ressort en effet pas de la décision de renvoi que la KRS, telle qu’elle était composée après la fin du régime non démocratique polonais, manquait d’indépendance à l’égard des pouvoirs exécutif et législatif.
Dans ces conditions, ces deux circonstances ne sont pas de nature à établir une violation des règles fondamentales applicables en matière de nomination des juges. Ainsi, dès lors que les irrégularités invoquées ne créent pas un risque réel que le pouvoir exécutif puisse exercer un pouvoir discrétionnaire indu mettant en péril l’intégrité du résultat auquel conduit le processus de nomination des juges, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que soit qualifiée de tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, une formation de jugement dans laquelle siègent les juges concernés.
{1} Il y sera fait référence ci-après en tant que « circonstances antérieures à l’adhésion ».
{2} Principe auquel se réfère l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, en vertu duquel « [l]es États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union », et qui est affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que par la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29). Cette dernière réaffirme, à son article 7, paragraphes 1 et 2, le droit à un recours effectif dont bénéficient les consommateurs s’estimant lésés par lesdites clauses.
{3} Selon une jurisprudence constante, la Cour est compétente pour interpréter le droit de l’Union uniquement pour ce qui concerne l’application de celui-ci dans un nouvel État membre à partir de la date d’adhésion de ce dernier à l’Union. En l’occurrence, même si elle porte sur des circonstances antérieures à l’adhésion de la Pologne à l’Union, la question posée a pour objet une situation qui n’a pas produit tous ses effets avant cette date puisque FO, nommé juge avant l’adhésion, est actuellement juge et exerce des fonctions correspondant à ce statut.
Arrêt du 29 mars 2022, Getin Noble Bank (C-132/20) (cf. points 86, 87)
393. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Imposition d'une amende administrative pour non-acquittement du péage afférent à l'utilisation d'un tronçon autoroutier par un poids lourd - Imposition ultérieure d'autres amendes pour des infractions identiques ayant eu lieu à des dates différentes - Absence de lien entre l'interprétation sollicitée du droit de l'Union et la réalité ou l'objet du litige au principal - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 7 avril 2022, J.P. (C-521/20) (cf. points 17-18, 21-26 et disp.)
394. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Examen de la validité d'un règlement au regard du droit international coutumier - Principe de souveraineté des États sur leur propre espace aérien - Inclusion - Conditions et limites
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 avril 2022, United Airlines (C-561/20) (cf. points 46-51)
395. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Examen de la validité d'un règlement au regard du droit international coutumier - Principe de souveraineté des États sur leur propre espace aérien - Validité du règlement nº 261/2004 au regard de ce principe
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 avril 2022, United Airlines (C-561/20) (cf. points 53-61, disp.2)
396. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte réglementaire - Manque d'éléments nécessaires à la compréhension de la réglementation nationale applicable - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 2 mai 2022, Správa železnic (C-221/21 et C-222/21) (cf. points 31-34, 36-40 et disp.)
397. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Services d'interprétation fournis au cours d'une procédure pénale clôturée par la juridiction de renvoi - Questions posées dans le cadre de la procédure incidente initiée sur une demande de liquidation des honoraires de l'interprète ayant fourni ces services - Absence de litige pendant devant la juridiction de renvoi - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 31 mai 2022, M.M. (C-783/21) (cf. points 17-24)
398. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte réglementaire et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Irrecevabilité manifeste
Voir texte de la décision.
Ordonnance du 28 novembre 2023, Svivov (C-373/23) (cf. points 13-19, 22 et disp.)
Ordonnance du 1er juin 2022, Petróleos de Portugal - Petrogal (C-706/21) (cf. points 25-32 et disp.)
Ordonnance du 27 mars 2023, Belgische Staat (C-34/22) (cf. points 43-45)
Ordonnance du 9 janvier 2024, Bravchev (C-338/23) (cf. points 18-23, 32, disp. 2)
Ordonnance du 9 avril 2024, AXA Bank Europe e.a. (C-628/23) (cf. points 17-26 et disp.)
399. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Appréciation des faits de la cause - Application du droit de l'Union au litige au principal - Incompétence manifeste de la Cour
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 juin 2022, DuoDecad (C-596/20) (cf. points 37-39 et disp.)
400. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d'application - Inclusion - Obligation d'interprétation exclusivement sur le fondement du droit de l'Union
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 16 juin 2022, Obshtina Razlog (C-376/21) (cf. point 55)
401. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation d'un accord international conclu par l'Union et les États membres en vertu d'une compétence partagée - Convention relative aux transports internationaux ferroviaires - Compétence pour déterminer la répartition des compétences entre l'Union et ses États membres - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité d'une disposition tant à des situations relevant du droit national qu'à des situations relevant du droit de l'Union - Intérêt de l'Union de bénéficier d'une interprétation uniforme d'une disposition de cet accord - Compétence de la Cour pour fournir cette interprétation
Voir le texte de la décision.
402. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Absence de lien de rattachement entre le litige au principal et les dispositions de droit de l'Union visées par les questions préjudicielles - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 14 juillet 2022, Finanzamt Österreich (C-25/22) (cf. points 22-30, 36-40 et disp.)
Ordonnance du 3 octobre 2023, PROM-VIDIJA (C-327/22) (cf. points 28, 29, 35, 38-41 et disp.)
403. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Convention internationale ne liant pas l'Union - Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer - Interprétation des dispositions du droit dérivé de l'Union entrant dans le champ d'application de la convention - Inclusion
Sea Watch est une organisation humanitaire à but non lucratif ayant son siège à Berlin (Allemagne). Elle exerce des activités de recherche et de sauvetage de personnes se trouvant en situation de péril ou de détresse en mer Méditerranée, au moyen de navires dont elle est à la fois la propriétaire et l’exploitante. Parmi ces navires figurent, en particulier, les navires dénommés « Sea Watch 3 » et « Sea Watch 4 » (ci-après « les navires en cause »), qui battent pavillon allemand et qui ont été certifiés en Allemagne en tant que « navire de charge général - polyvalent ».
Au cours de l’été 2020, à l’issue d’opérations de recherche et de sauvetage dans les eaux internationales de la mer Méditerranée, puis de transbordement et de débarquement des personnes sauvées dans les ports de Palerme (Italie) et de Port-Empédocle (Italie), vers lesquels les autorités italiennes avaient invité les navires en cause à se diriger, ces derniers ont fait l’objet d’inspections diligentées par les capitaineries des ports de ces deux villes, qui ont, par la suite, ordonné leur immobilisation. En effet, ces capitaineries ont estimé que les navires en cause étaient engagés dans une activité de recherche et de sauvetage en mer alors qu’ils n’étaient pas certifiés pour cette activité et qu’ils avaient, de ce fait, recueilli à bord un nombre de personnes supérieur à celui qui était autorisé. En outre, elles ont relevé un certain nombre de défaillances techniques et opérationnelles, dont certaines devaient, selon elles, être considérées comme créant un risque manifeste pour la sécurité, la santé ou l’environnement et comme revêtant une gravité telle qu’elles justifiaient l’immobilisation de ces navires.
À la suite de l’immobilisation des navires en cause, Sea Watch a introduit, devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sicilia (tribunal administratif régional pour la Sicile, Italie), deux recours tendant à l’annulation des avis d’immobilisation et des rapports d’inspection ayant précédé ceux-ci. À l’appui de ces recours, elle a fait valoir, pour l’essentiel, que les capitaineries dont émanent ces mesures avaient excédé les pouvoirs attribués à l’État du port, tels qu’ils résultent de la directive 2009/16{1}, interprétée à la lumière des règles pertinentes du droit international, et que les inspections diligentées par celles-ci constituaient, en réalité, un moyen détourné de mettre en échec les opérations de recherche et de sauvetage en mer auxquelles elle se consacre.
Dans ce contexte, le tribunal administratif régional pour la Sicile a estimé que les litiges qui lui étaient soumis soulevaient des questions importantes et inédites concernant le cadre et le régime juridiques applicables aux navires qui sont exploités par des organisations non gouvernementales à but humanitaire en vue de procéder à une activité systématique de recherche et de sauvetage de personnes en situation de péril ou de détresse en mer (ci-après les « navires d’assistance humanitaire privés »).
Par son arrêt, prononcé en grande chambre, la Cour interprète pour la première fois la directive 2009/16, notamment à la lumière de la convention des Nations unies sur le droit de la mer{2} et de la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer{3}. Elle juge que cette directive s’applique aussi à des navires qui exercent une activité systématique de recherche et de sauvetage de personnes en situation de péril ou de détresse en mer et que la réglementation nationale de transposition de ladite directive ne peut pas limiter son applicabilité aux navires utilisés aux fins d’une activité commerciale. En outre, la Cour précise l’étendue et les conditions de mise en œuvre des pouvoirs de contrôle pouvant être exercés par l’État du port, ainsi que les pouvoirs d’inspection et d’immobilisation des navires.
Appréciation de la Cour
S’agissant de l’applicabilité de la directive 2009/16, la Cour juge que cette directive est applicable à des navires qui, tout en étant classés et certifiés comme navires de charge par l’État du pavillon, sont en pratique utilisés, de manière systématique, par une organisation humanitaire aux fins d’une activité non commerciale de recherche et de sauvetage de personnes en situation de péril ou de détresse en mer. En effet, ladite directive s’applique, d’une part, à tout navire de mer qui bat un pavillon autre que celui de l’État du port{4}, à l’exception des catégories spécifiques de navires qui sont expressément exclues de son champ d’application{5}. Ces catégories, qui constituent ainsi des exceptions, doivent être considérées comme revêtant un caractère limitatif et interprétées de façon stricte. De ce point de vue, le fait que l’activité effective d’un navire ne coïncide pas avec celle pour laquelle il a été classé et certifié est sans incidence sur l’applicabilité de la directive, tout comme le fait que cette activité effective soit commerciale ou non commerciale. La directive 2009/16 s’applique, d’autre part, à un tel navire dès lors que celui-ci se trouve, notamment, dans un port ou dans un mouillage d’un État membre pour y effectuer une activité d’interface navire/port{6}.
Eu égard à cette interprétation, la Cour souligne que la directive 2009/16 s’oppose à ce qu’une réglementation nationale assurant sa transposition dans le droit interne limite son applicabilité aux seuls navires qui sont utilisés aux fins d’une activité commerciale. En particulier, tous les navires qui peuvent entrer dans le champ d’application de cette directive, y compris les navires d’assistance humanitaire privés, doivent pouvoir se voir appliquer le dispositif de contrôle, d’inspection et d’immobilisation prévu par celle-ci.
En ce qui concerne les conditions de mise en œuvre du dispositif de contrôle, d’inspection et d’immobilisation{7} à l’égard des navires soumis à la juridiction de l’État membre du port et, plus spécifiquement, des navires d’assistance humanitaire privés, la Cour constate, en premier lieu, que la directive 2009/16 doit être interprétée en tenant compte de la convention sur le droit de la mer et de la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer. Il en découle, en particulier, que, dans le cas où le capitaine d’un navire battant pavillon d’un État partie à la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer a mis en œuvre l’obligation d’assistance maritime consacrée par la convention sur le droit de la mer, ni l’État côtier, également partie à la première de ces deux conventions, ni l’État du pavillon ne sauraient faire usage de leurs pouvoirs de contrôle du respect des règles de sécurité en mer en vue de vérifier si la présence à bord des personnes auxquelles il a été prêté assistance peut conduire le navire en question à méconnaître une prescription quelconque de ladite convention{8}.
En deuxième lieu, la Cour juge que l’État du port peut soumettre à une inspection supplémentaire des navires qui exercent une activité systématique de recherche et de sauvetage et qui se trouvent dans un de ses ports ou dans les eaux relevant de sa juridiction, après être entrés dans ces eaux et après qu’ont été achevées les opérations de transbordement ou de débarquement des personnes auxquelles leur capitaine a décidé de prêter assistance, lorsque cet État a établi, sur la base d’éléments juridiques et factuels circonstanciés, qu’il existait des indices sérieux de nature à attester d’un danger pour la santé, la sécurité, les conditions de travail à bord ou l’environnement au regard des stipulations juridiques pertinentes, compte tenu des conditions concrètes d’exploitation de ces navires{9}. En cas de recours, le respect de ces exigences peut ainsi être contrôlé par la juridiction nationale. À cet égard, la Cour indique les éléments pouvant être pris en compte aux fins de ce contrôle, à savoir l’activité pour laquelle le navire en cause est utilisé en pratique, l’éventuelle différence entre cette activité et celle pour laquelle ce navire est certifié et équipé, la fréquence à laquelle ladite activité est menée et les équipements dudit navire au regard du nombre prévu, mais aussi effectif, de personnes à bord. La Cour ajoute que, ainsi encadrée, l’inspection du navire concerné par l’État du port s’inscrit dans le cadre prévu par la convention sur le droit de la mer et la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer.
En troisième lieu, la Cour énonce que, à l’occasion d’inspections détaillées{10}, l’État du port a le pouvoir de tenir compte du fait que des navires qui ont été classés et certifiés comme navires de charge par l’État du pavillon, sont, en pratique, utilisés aux fins d’une activité systématique de recherche et de sauvetage de personnes en situation de péril ou de détresse en mer, dans le cadre d’un contrôle visant à apprécier, sur la base d’éléments juridiques et factuels circonstanciés, l’existence d’un danger pour les personnes, les biens ou l’environnement, au regard des prescriptions pertinentes du droit international et de l’Union, compte tenu des conditions d’exploitation de ces navires. Le fait de subordonner, de la sorte, le contrôle qui peut être effectué par l’État du port à l’existence de motifs évidents de croire qu’un navire ou son équipement ne respecte pas la règle selon laquelle un navire doit être maintenu dans des conditions propres à garantir qu’il reste apte à prendre la mer sans danger pour lui-même ou pour les personnes à bord est conforme aux règles de droit international qui régissent la répartition des compétences entre cet État et l’État du pavillon. En revanche, l’État du port n’a pas le pouvoir d’exiger la preuve que lesdits navires disposent d’autres certificats que ceux délivrés par l’État du pavillon ou qu’ils respectent l’ensemble des prescriptions applicables à une autre classification. En effet, cela remettrait en cause la manière dont l’État du pavillon a exercé sa compétence en matière d’attribution de sa nationalité aux navires, ainsi que de classification et de certification de ceux-ci.
En quatrième et dernier lieu, la Cour juge que l’État du port ne peut immobiliser un navire que lorsque les anomalies confirmées ou révélées par une inspection détaillée, d’une part, présentent un risque manifeste pour la sécurité, la santé ou l’environnement et, d’autre part, entraînent, isolément ou ensemble, l’impossibilité, pour le navire concerné, de naviguer dans des conditions aptes à assurer la sécurité en mer. En outre, cet État peut imposer des mesures correctives déterminées en matière de sécurité, de prévention de la pollution et de conditions de vie et de travail à bord, si elles sont justifiées pour remédier aux anomalies constatées. Cela étant, de telles mesures correctives doivent, dans chaque cas d’espèce, être adéquates, nécessaires et proportionnées à cet effet. Par ailleurs, leur adoption et leur mise en œuvre par l’État du port doivent faire l’objet d’une coopération avec l’État du pavillon, dans le respect des pouvoirs respectifs de ces deux États et, dans l’hypothèse où l’État du pavillon est lui aussi un État membre, du principe de coopération loyale.
{1} Directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative au contrôle par l’État du port (JO 2009, L 131, p. 57), telle que modifiée par la directive (UE) 2017/2110 du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2017 (JO 2017, L 315, p. 61).
{2} Convention des Nations unies sur le droit de la mer, conclue à Montego Bay le 10 décembre 1982 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1833, 1834 et 1835, p. 3, ci-après la « convention sur le droit de la mer »), entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Sa conclusion a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 98/392/CE du Conseil, du 23 mars 1998 (JO 1998, L 179, p. 1).
{3} Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, conclue à Londres le 1er novembre 1974 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1185, nº 18961, p. 3, ci-après la « convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer »).
{4} Article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/16.
{5} Article 3, paragraphe 4, de la directive 2009/16.
{6} Article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2009/16.
{7} Articles 11 à 13 et 19 de la directive 2009/16.
{8} Article IV, sous b), de la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer.
{9} Article 11, sous b), de la directive 2009/16, lu en combinaison avec l’annexe I, partie II de cette directive.
{10} Article 13 de la directive 2009/16.
Arrêt du 1er août 2022, Sea Watch (C-14/21 et C-15/21) (cf. points 90, 91)
404. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de la directive 2012/13 à une personne ne faisant pas l'objet d'une procédure pénale - Incompétence manifeste de la Cour
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 6 septembre 2022, Delgaz Grid (C-95/22) (cf. points 20-26, 32)
405. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Dispositions nationales applicables aussi bien aux ressortissants nationaux qu'aux ressortissants d'autres États membres - Compétence au vu de l'affectation éventuelle des personnes provenant des autres États membres
La Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle, Lettonie) a été saisie par 20 membres du Latvijas Republikas Saeima (Parlement, Lettonie) d’un recours visant à faire contrôler la constitutionnalité de certaines dispositions de la loi lettonne sur les établissements d’enseignement supérieur.
Telle que modifiée en 2018, cette loi vise à promouvoir la langue officielle de la République de Lettonie, en obligeant les établissements d’enseignement supérieur à dispenser leurs programmes d’enseignement dans cette langue. Toutefois, ladite loi prévoit quatre exceptions à cette obligation. En premier lieu, les programmes d’enseignement suivis en Lettonie par des étudiants étrangers et les programmes d’enseignement organisés dans le cadre de la coopération prévue par des programmes de l’Union européenne et par des accords internationaux peuvent être dispensés dans les langues officielles de l’Union. En deuxième lieu, un programme d’enseignement peut être dispensé dans les langues officielles de l’Union, mais uniquement à concurrence d’un cinquième du nombre de crédits. En troisième lieu, les programmes d’études de langues et de culture ainsi que les programmes de langues peuvent être dispensés dans une langue étrangère. En quatrième et dernier lieu, les programmes d’enseignement conjoints peuvent être dispensés dans les langues officielles de l’Union.
Par ailleurs, la loi lettonne sur les établissements d’enseignement supérieur n’est pas applicable à deux établissements privés, qui demeurent régis par des lois spéciales et peuvent continuer à proposer des programmes d’enseignement dans d’autres langues officielles de l’Union.
Par leur recours, les requérants font notamment valoir que, en créant une barrière à l’entrée sur le marché de l’enseignement supérieur ainsi qu’en empêchant les ressortissants et les entreprises d’autres États membres de fournir des services d’enseignement supérieur dans des langues étrangères, la loi porte atteinte, notamment, à la liberté d’établissement garantie à l’article 49 TFUE.
La Cour constitutionnelle lettonne émet des doutes quant à la question de savoir si une réglementation d’un État membre imposant, dans le domaine de l’enseignement supérieur, y compris au sein des établissements d’enseignement supérieur privés, l’emploi de la langue officielle de cet État membre, tout en prévoyant certaines exceptions à cette obligation, constitue une restriction à la liberté d’établissement. Dès lors, elle a décidé d’interroger la Cour à titre préjudiciel afin de pouvoir statuer sur la compatibilité de la loi sur les établissements d’enseignement supérieur avec le droit de l’Union.
Dans son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, constate que l’article 49 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui impose, en principe, aux établissements d’enseignement supérieur, l’obligation de dispenser leurs programmes d’enseignement exclusivement dans la langue officielle de cet État membre. Une telle réglementation doit toutefois être justifiée par des motifs liés à la protection de l’identité nationale de cet État membre, c’est-à-dire qu’elle doit être nécessaire et proportionnée à la protection de l’objectif légitimement poursuivi.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que, conformément à l’article 6 TFUE, l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres notamment dans le domaine de l’éducation. Si le droit de l’Union ne porte pas atteinte à cette compétence des États membres en ce qui concerne, d’une part, le contenu de l’enseignement et l’organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique et, d’autre part, le contenu et l’organisation de la formation professionnelle, les États membres doivent cependant respecter le droit de l’Union dans l’exercice de ladite compétence, notamment les dispositions relatives à la liberté d’établissement.
En l’occurrence, la Cour relève que, même si les ressortissants d’autres États membres peuvent s’établir en Lettonie et dispenser des programmes d’enseignement supérieur, une telle possibilité est, en principe, conditionnée par l’obligation de dispenser ces programmes dans la seule langue officielle de cet État membre. Or, une telle obligation est de nature à rendre moins attrayant, pour ces ressortissants, leur établissement en Lettonie et constitue donc une restriction à la liberté d’établissement.
Suivant le schéma bien établi par sa jurisprudence, la Cour examine ensuite la présence d’une justification de la restriction constatée et vérifie le respect du principe de proportionnalité. S’agissant de l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général, l’obligation en cause vise à défendre et à promouvoir l’emploi de la langue officielle de la République de Lettonie, ce qui constitue un objectif légitime de nature à justifier, en principe, une restriction à la liberté d’établissement. En effet, aux termes de l’article 3, paragraphe 3, quatrième alinéa, TUE ainsi que de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Union respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, TUE, l’Union respecte également l’identité nationale de ses États membres, dont fait aussi partie la protection de la langue officielle de l’État membre concerné. Il y a lieu de reconnaître l’importance que revêt l’enseignement en vue de la réalisation d’un tel objectif.
S’agissant de la proportionnalité de la restriction constatée, cette dernière doit, en premier lieu, être propre à garantir la réalisation de l’objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause. À cet effet, cette réglementation ne saurait être considérée comme étant de nature à garantir l’objectif de défense et de promotion de la langue lettone que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre et est mise en œuvre de manière cohérente et systématique. Eu égard à leur portée limitée, les exceptions à l’obligation en cause, notamment pour les deux établissements d’enseignement supérieur dont le fonctionnement est régi par des lois spéciales, ne sont pas de nature à faire obstacle à la réalisation dudit objectif. En permettant à certains établissements d’enseignement supérieur de bénéficier d’un régime dérogatoire, elles s’inscrivent dans une logique de coopération universitaire internationale particulière et ne sont dès lors pas de nature à priver de cohérence la réglementation en cause.
En second lieu, la restriction ne peut aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Il est ainsi loisible aux États membres d’instaurer, en principe, une obligation d’utiliser leur langue officielle dans le cadre des programmes d’enseignement supérieur, pour autant qu’une telle obligation soit assortie d’exceptions, assurant qu’une langue autre que la langue officielle puisse être utilisée dans le cadre des formations universitaires. En l’occurrence, de telles exceptions devraient, pour ne pas dépasser ce qui est nécessaire à cette fin, permettre l’utilisation d’une langue autre que la langue lettone, à tout le moins s’agissant des formations dispensées dans le cadre d’une coopération européenne ou internationale et des formations ayant trait à la culture et aux langues autres que le letton.
Arrêt du 7 septembre 2022, Boriss Cilevičs e.a. (C-391/20) (cf. points 31, 32)
Prestige and Limousine, SL (ci-après « P&L ») offre des services de location de véhicule de tourisme avec chauffeur (ci-après les « services de VTC ») dans l’agglomération de Barcelone (Espagne). P&L et quatorze autres entreprises qui fournissent les mêmes services, dont des entreprises liées à des plateformes internationales en ligne, contestent devant le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) la validité d’une réglementation de l’Área Metropolitana de Barcelona (Aire métropolitaine de Barcelone, Espagne, ci-après l’« AMB ») relative à l’organisation de tels services dans l’agglomération de Barcelone. Dans le cadre de ce litige, cette juridiction éprouve des doutes quant à la compatibilité de la réglementation en cause avec, en particulier, la liberté d’établissement.
Cette réglementation exige, d’une part, en plus de l’autorisation nationale requise pour la prestation de services de VTC urbains et interurbains en Espagne, l’obtention d’une licence supplémentaire afin d’exercer des services de VTC dans l’agglomération de Barcelone. D’autre part, elle limite le nombre de licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi accordées pour cette agglomération. Selon la juridiction de renvoi, le but essentiel poursuivi par ladite réglementation était de réduire la concurrence exercée par les services de VTC sur les services de taxi.
Pour justifier les mesures en question, l’AMB invoque notamment l’objectif d’assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi. Elle indique que ces services sont considérés comme étant un « service d’intérêt général » dans la mesure où l’activité des taxis est fortement réglementée, les services de taxi étant soumis, notamment, à des quotas de licences, des tarifs réglementés, une obligation de transport universelle et une accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. L’AMB relève à cet égard que la viabilité économique de cette activité apparaît mise en danger par une concurrence croissante provenant de l’activité des services de VTC.
Par son arrêt, la Cour conclut que l’exigence d’une autorisation spécifique supplémentaire pour exercer les services de VTC dans l’agglomération de Barcelone peut, sous certaines conditions, être compatible avec l’article 49 TFUE. En revanche, cet article s’oppose à la limitation du nombre de licences des services de VTC, dès lors que cette mesure semble aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public de cette agglomération ainsi que de protection de l’environnement.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour rejette les arguments avancés par les parties au litige au principal au soutien de la prétendue irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Selon la Cour, la circonstance que les réponses à apporter aux questions préjudicielles découlent clairement de sa jurisprudence n’a pas pour effet de rendre une telle demande irrecevable, mais lui permet d’y répondre, le cas échéant, par voie d’ordonnance{1}. En outre, la circonstance qu’une juridiction suprême nationale a déjà examiné, dans le cadre d’un litige présentant des similitudes avec celui en cause au principal, la pertinence potentielle des dispositions du droit de l’Union visées par la juridiction de renvoi n’est pas de nature à rendre irrecevable un renvoi préjudiciel visant à ce que la Cour se prononce sur l’interprétation de ces dispositions, conformément à l’article 267 TFUE.
Dans un second temps, après avoir conclu que les deux mesures prévues par la réglementation en cause n’apparaissent pas conférer des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux entreprises fournissant des services de taxi, la Cour examine la compatibilité de ces mesures avec l’article 49 TFUE. À cet égard, la Cour relève, tout d’abord, qu’elles limitent effectivement l’accès au marché pour tout nouvel arrivant, restreignant le nombre de prestataires de services de VTC établis dans l’AMB, et doivent dès lors être qualifiées de restrictions à la liberté d’établissement garantie par cette dernière disposition.
Ensuite, quant à l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions, la Cour considère que l’objectif de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public d’une agglomération ainsi que celui de protection de l’environnement dans une telle agglomération peuvent constituer de telles raisons. Toutefois, tel n’est pas le cas s’agissant de l’objectif visant à assurer la viabilité économique des services de taxi, étant donné que la préservation d’un équilibre entre les deux modes de transports urbains en cause relève de considérations de nature purement économique. La circonstance que les services de taxi soient qualifiés, dans le droit espagnol, de « service d’intérêt général » n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, si les caractéristiques avancées par l’AMB font certes apparaître que la réglementation des services de taxi vise notamment à assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi, au bénéfice des usagers, il apparaît, en revanche, que les mesures en cause au principal ne poursuivent pas, par elles-mêmes, ces objectifs. La Cour constate également qu’il n’apparaît pas qu’une mission particulière de service public, susceptible de relever, le cas échéant, de la notion de service d’intérêt économique général (SIEG) au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ait été confiée aux prestataires de services de taxi.
Enfin, la Cour analyse la proportionnalité, d’une part, de l’exigence d’une autorisation supplémentaire et, d’autre part, de la limitation des licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi. Elle conclut que cette première mesure apparaît apte à atteindre les objectifs évoqués et peut être considérée comme nécessaire pour les atteindre. Compte tenu de la nature du service en cause ainsi que de l’impossibilité de distinguer entre les voitures utilisées pour fournir les services de VTC et celles utilisées à titre privé sur un vaste territoire urbain, il peut être considéré qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour garantir une réelle efficacité de celui-ci. L’exigence d’une autorisation supplémentaire peut ainsi être justifiée, à condition, toutefois, que cette autorisation soit fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui excluent tout arbitraire et qui ne font pas double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre de la procédure d’autorisation nationale, mais qui répondent à des besoins particuliers de l’agglomération concernée. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites en l’espèce.
En revanche, la deuxième mesure n’apparaît pas propre à garantir la réalisation des objectifs de la bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public. En effet, tout d’abord, n’ont pas été infirmés devant la Cour les arguments avancés en faveur des services de VTC qui tendent à démontrer que ces services peuvent en réalité favoriser la réalisation desdits objectifs, notamment par le biais de la réduction de l’utilisation de la voiture privée, par la contribution de ces services à l’objectif d’une mobilité efficace et inclusive, grâce à leur niveau de numérisation ainsi qu’à leur flexibilité dans la prestation de services, et par l’utilisation de véhicules à énergies alternatives, encouragée par la réglementation étatique relative aux services de VTC.
Ensuite, il ne saurait être exclu qu’un impact éventuel de la flotte des VTC sur le transport, le trafic et l’espace public dans l’agglomération de Barcelone puisse être adéquatement limité par des mesures moins contraignantes qu’une limitation des licences. Ainsi, la Cour se réfère, à titre d’exemples, à des mesures d’organisation des services de VTC, des limitations de ces services lors de certaines plages horaires ou encore des restrictions de circulation dans certains espaces. La Cour ajoute qu’il ne saurait être exclu que l’objectif de protection de l’environnement dans l’agglomération de Barcelone puisse être atteint par des mesures moins attentatoires à la liberté d’établissement, telles que des limites d’émission applicables aux véhicules circulant dans cette agglomération.
{1} Voir article 99 du règlement de procédure de la Cour.
Arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C-50/21) (cf. points 48, 49)
406. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et le lien de rattachement entre le litige au principal et les dispositions de droit de l'Union visées par les questions préjudicielles - Portée - Demande fournissant suffisamment d'éléments sur le contexte factuel et réglementaire - Possibilité pour la Cour de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi - Recevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 22 septembre 2022, Admiral Gaming Network (C-475/20 à C-482/20) (cf. points 29-31)
407. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Réglementation nationale relative à des honoraires d'architectes et d'ingénieurs - Parties établies dans l'État membre concerné et prestations réalisées sur le territoire de celui-ci - Irrecevabilité
Arrêt du 27 octobre 2022, Stadt Mainz (C-544/21) (cf. points 26-29, 31-33)
408. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation d'un accord international conclu par l'Union et les États membres en vertu d'une compétence partagée - Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (convention d'Aarhus) - Inclusion
Volkswagen AG est un constructeur automobile qui commercialisait des véhicules à moteur équipés d’un moteur diesel de type EA 189 de génération Euro 5 et disposant d’une vanne pour le recyclage des gaz d’échappement (ci-après la « vanne EGR »), l’une des technologies utilisées par les constructeurs automobiles pour contrôler et réduire les émissions d’oxyde d’azote (NOx). Le logiciel faisant fonctionner le système de recyclage des gaz d’échappement était programmé de telle sorte que, dans des conditions d’utilisation normales, le taux de recyclage des gaz d’échappement était diminué. Ainsi, les véhicules concernés ne respectaient pas les valeurs limites d’émission de NOx prévues par le règlement no 715/2007 relatif à la réception des véhicules à moteur{1}.
Dans le cadre de la procédure de réception CE par type{2} de l’un de ces modèles de véhicules, le Kraftfahrt-Bundesamt (Office fédéral pour la circulation des véhicules à moteur, Allemagne, ci-après le « KBA ») a considéré que le logiciel en cause constituait un dispositif d’invalidation{3} non conforme audit règlement{4}.
Volkswagen a donc procédé à la mise à jour du logiciel en paramétrant la vanne EGR de telle sorte que la purification des gaz d’échappement n’était pleinement efficace que lorsque la température extérieure était supérieure à 15 degrés Celsius (ci-après la « fenêtre de températures »). Par décision du 20 juin 2016 (ci-après la « décision litigieuse »), le KBA a accordé une autorisation pour le logiciel en cause.
Deutsche Umwelthilfe, une association de protection de l’environnement habilitée à ester en justice conformément à la législation allemande, a introduit un recours contre la décision litigieuse devant le Schleswig-Holsteinisches Verwaltungsgericht (tribunal administratif du Schleswig-Holstein, Allemagne).
Cette juridiction relève que, en vertu du droit allemand, Deutsche Umwelthilfe n’a pas la qualité pour agir à l’encontre de la décision litigieuse. Elle se demande toutefois si cette association peut tirer une telle qualité directement du droit de l’Union. Dans l’affirmative, elle s’interroge sur la compatibilité de la fenêtre de températures avec le règlement no 715/2007. Ayant constaté que celle-ci constitue un dispositif d’invalidation au sens de ce règlement, elle se demande si le logiciel en question peut être autorisé sur le fondement de l’exception à l’interdiction de tels dispositifs prévue dans ledit règlement{5} qui exige que « le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule ».
Saisie à titre préjudiciel par cette juridiction, la Cour, réunie en grande chambre, se prononce sur la qualité pour agir d’une association environnementale pour contester devant une juridiction nationale une décision administrative accordant une autorisation susceptible d’être contraire au droit de l’Union, à l’aune de la convention d’Aarhus{6} et du droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Elle précise également les conditions dans lesquelles un dispositif d’invalidation peut être justifié en vertu du règlement no 715/2007{7}.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle que, aux termes de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.
À cet égard, la Cour constate, en premier lieu, qu’une décision administrative relative à une réception CE par type de véhicules susceptible d’être contraire au règlement no 715/2007 relève du champ d’application matériel de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, dès lors qu’elle constitue un acte d’une autorité publique dont il est allégué qu’il irait à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. En effet, en poursuivant l’objectif consistant à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement par une réduction des émissions de NOx des véhicules à moteur diesel, le règlement no 715/2007 fait partie du « droit national de l’environnement », au sens de ladite disposition. Cette constatation n’est nullement infirmée par la circonstance que le règlement en cause a été adopté sur le fondement de l’article 95 CE (devenu article 114 TFUE) et non pas sur le fondement d’une base juridique spécifique à l’environnement, dès lors que, selon l’article 114, paragraphe 3, TFUE, la Commission, dans ses propositions de mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres prévues en matière de protection de l’environnement, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques.
En deuxième lieu, la Cour souligne qu’une association de protection de l’environnement habilitée à ester en justice relève du champ d’application personnel de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, dans la mesure où celle-ci fait partie du public visé par cette disposition et répond aux critères éventuels prévus par le droit interne.
En troisième lieu, concernant la notion de critères prévus par le droit interne au sens de cette disposition, la Cour précise que s’il découle de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus que les États membres peuvent, dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui leur est laissé à cet égard, fixer des règles de droit procédural relatives aux conditions devant être réunies pour exercer les recours visés par cette disposition, de tels critères ne portent que sur la détermination du cercle des titulaires d’un droit de recours. Il s’ensuit que les États membres ne peuvent pas réduire le champ d’application matériel de ladite disposition en excluant de l’objet du recours certaines catégories de dispositions du droit national de l’environnement. Par ailleurs, les États membres doivent respecter le droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la Charte, lors de l’établissement des règles procédurales applicables et ne sauraient imposer des critères tellement stricts qu’il serait impossible pour les associations de protection de l’environnement de contester des actes ou des omissions visés par la convention d’Aarhus{8}. La Cour en conclut qu’une lecture conjointe de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus et de l’article 47 de la Charte s’oppose à ce qu’une telle association ne puisse contester une décision accordant ou modifiant une réception CE par type susceptible d’être contraire au règlement no 715/2007{9}. Cela constituerait en effet une limitation non justifiée du droit à un recours effectif.
Par conséquent, il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à une interprétation du droit procédural national conforme à la convention d’Aarhus et au droit à un recours effectif consacré par le droit de l’Union, afin de permettre à une association de protection de l’environnement de contester une telle décision devant une juridiction nationale. Si une interprétation conforme en ce sens devait s’avérer impossible et en l’absence d’effet direct de l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, l’article 47 de la Charte confère aux particuliers un droit invocable en tant que tel, de sorte qu’il peut être invoqué en tant que limite au pouvoir d’appréciation laissé aux États membres à cet égard. Dans une telle hypothèse, il incombera à la juridiction de renvoi de laisser inappliquées les dispositions nationales excluant une association de protection de l’environnement, telle que Deutsche Umwelthilfe, de l’exercice de tout droit de recours contre une décision accordant ou modifiant une réception CE par type susceptible d’être contraire au règlement no 715/2007{10}.
Enfin, la Cour estime que l’utilisation d’un dispositif d’invalidation ne peut être justifiée par un besoin de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule, au sens du règlement no 715/2007{11}, qu’à la condition que ce dispositif réponde strictement au besoin d’éviter les risques immédiats de dégâts ou d’accident au moteur, occasionnés par un dysfonctionnement d’un composant du système de recyclage des gaz d’échappement, d’une gravité telle qu’ils génèrent un danger concret lors de la conduite du véhicule équipé dudit dispositif. En outre, le besoin d’un tel dispositif d’invalidation existe uniquement lorsque, au moment de la réception CE par type de ce dispositif ou du véhicule qui en est équipé, aucune autre solution technique ne permet d’éviter les risques susmentionnés.
{1} Règlement (CE) no 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO 2007, L 171, p. 1).
{2} Aux termes de l’article 3, point 5, de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO 2007, L 263, p. 1), la « réception CE par type » s’entend de l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule, de système, de composant ou d’entité technique satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques du droit de l’Union.
{3} Au sens de l’article 3, point 10, du règlement no 715/2007. Cette disposition définit un dispositif d’invalidation comme « tout élément de conception qui détecte la température, la vitesse du véhicule, le régime du moteur en tours/minute, la transmission, une dépression ou tout autre paramètre aux fins d’activer, de moduler, de retarder ou de désactiver le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions dans des conditions dont on peut raisonnablement attendre qu’elles se produisent lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules ».
{4} Article 5 du règlement no 715/2007.
{5} Article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007.
{6} Article 9, paragraphe 3, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus »).
{7} Article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007.
{8} Article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.
{9} Article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007.
{10} Article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007.
{11} Article 5, paragraphe 2, sous a), du règlement no 715/2007.
409. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation du droit national - Exclusion - Fourniture à la juridiction de renvoi des éléments d'interprétation relevant du droit de l'Union - Inclusion
Arrêt du 10 novembre 2022, Zenith Media Communications (C-385/21) (cf. points 23-25)
410. Questions préjudicielles - Recevabilité - Conditions - Questions présentant un rapport avec la réalité ou l'objet du litige - Questions d'interprétation de dispositions de droit de l'Union n'ayant pas d'effet direct - Absence d'incidence
À la suite de l’adoption des lois portant sur l’indépendance de la communauté autonome de Catalogne (Espagne) et sur la tenue d’un référendum à cette fin, une procédure pénale a été engagée contre différentes personnes devant le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), la juridiction de renvoi. À l’automne 2019, plusieurs mandats d’arrêt européens (MAE) ont ainsi été émis par cette juridiction. Les procédures d’exécution des MAE émis contre MM. Puigdemont Casamajó et Comín Oliveres ont été suspendues après l’élection de ces derniers au Parlement européen. S’agissant du MAE émis contre M. Puig Gordi, le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique) a, par une ordonnance adoptée en août 2020, refusé son exécution au motif que, selon lui, la juridiction de renvoi n’était pas compétente pour émettre ce MAE. Par un arrêt prononcé en janvier 2021, la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) a rejeté l’appel interjeté contre cette ordonnance.
Dans ce contexte, la juridiction de renvoi pose à la Cour une série de questions visant, pour l’essentiel, à déterminer si une autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter un MAE en alléguant le défaut de compétence de l’autorité judiciaire d’émission pour délivrer ce mandat ou pour juger la personne poursuivie, et si la décision-cadre relative au MAE{1} s’oppose à l’émission d’un nouveau MAE après que l’exécution d’un premier MAE a été refusée.
Par son arrêt, la Cour, réunie en grande chambre, précise notamment les conditions permettant à l’autorité judiciaire d’exécution de refuser de donner suite à un MAE en raison du risque de violation, en cas de remise de la personne recherchée, du droit fondamental de cette personne à un procès équitable{2}, en lien avec un tel défaut de compétence.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour énonce qu’une autorité judiciaire d’exécution ne peut pas refuser l’exécution d’un MAE en se fondant sur un motif de non-exécution qui procède non pas de la décision-cadre 2002/584, mais du seul droit de l’État membre d’exécution. À cet égard, la Cour relève que les motifs retenus dans sa jurisprudence comme obligeant ou autorisant à ne pas donner suite à un MAE procèdent tous de la décision-cadre 2002/584. Par ailleurs, admettre qu’un État membre puisse ajouter auxdits motifs d’autres motifs, tirés du droit national, permettant de ne pas exécuter un MAE ferait obstacle au bon fonctionnement du système simplifié de remise des personnes institué par cette décision-cadre. La Cour ajoute cependant qu’un État membre est en droit, à titre exceptionnel, d’invoquer un motif de non-exécution pris de l’obligation de garantir le respect des droits fondamentaux reconnus à la personne concernée par le droit de l’Union{3}, dans le respect des conditions strictes énoncées dans la jurisprudence de la Cour à cet égard.
Dans un deuxième temps, la Cour dit pour droit que l’autorité judiciaire d’exécution ne peut pas vérifier si un MAE a été émis par une autorité judiciaire qui était compétente à cette fin et refuser l’exécution de ce MAE lorsqu’elle estime que tel n’est pas le cas{4}. À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 prévoit que l’autorité judiciaire d’émission est l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission compétente pour délivrer un MAE en vertu du droit de cet État. Si l’autorité judiciaire d’exécution doit s’assurer, avant d’exécuter un MAE, que celui-ci a bien été émis par une autorité judiciaire, elle ne saurait en revanche vérifier que l’autorité en question est compétente pour émettre un tel mandat au regard des règles du droit de l’État membre d’émission. Dans le cadre de l’autonomie procédurale qui lui est reconnue, il appartient en effet à chaque État membre de désigner les autorités judiciaires compétentes pour émettre un MAE, ces autorités judiciaires ayant ensuite à apprécier elles-mêmes leur compétence à cette fin au regard du droit de l’État membre d’émission.
Dans un troisième temps, la Cour indique que l’autorité judiciaire d’exécution appelée à décider de la remise d’une personne faisant l’objet d’un MAE ne peut pas refuser d’exécuter ce dernier au motif que cette personne risque, à la suite de sa remise à l’État membre d’émission, d’être jugée par une juridiction dépourvue de compétence à cette fin sauf si,
- d’une part, cette autorité judiciaire dispose d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés témoignant de l’existence de défaillances systémiques ou généralisées du fonctionnement du système juridictionnel de l’État membre d’émission ou de défaillances affectant la protection juridictionnelle d’un groupe objectivement identifiable de personnes auquel appartiendrait la personne concernée, au regard de l’exigence d’un tribunal établi par la loi, qui impliquent que les justiciables concernés sont, de manière générale, privés, dans cet État membre, d’une voie de droit effective permettant de contrôler la compétence de la juridiction pénale appelée à les juger, et
- d’autre part, ladite autorité judiciaire constate qu’il existe, dans les circonstances particulières de l’affaire en cause, des motifs sérieux et avérés de croire que, compte tenu des éléments fournis par la personne faisant l’objet de ce MAE, la juridiction appelée à connaître de la procédure dont cette personne fera l’objet est, de manière manifeste, dépourvue de compétence à cette fin.
En particulier, la Cour rappelle que la compétence d’une juridiction pour connaître d’une affaire participe de l’exigence d’un « tribunal établi par la loi », découlant de l’article 47 de la Charte. Par conséquent, dès lors qu’une personne faisant l’objet d’un MAE allègue qu’elle sera exposée, à la suite de sa remise, à une violation de son droit à un recours effectif devant un tribunal impartial, en raison d’un défaut de compétence de la juridiction appelée à la juger, il appartient à l’autorité judiciaire d’exécution d’apprécier le bien-fondé de cette allégation dans le cadre de cet examen en deux étapes. Lorsque l’autorité judiciaire d’exécution considère que les éléments dont elle dispose ne tendent pas à démontrer l’existence des défaillances précitées, cette autorité ne saurait refuser d’exécuter ce MAE pour ce motif. En effet, lorsque, dans l’État membre d’émission, des voies de droit permettent de contrôler la compétence de la juridiction appelée à juger une telle personne (sous la forme d’un examen de sa propre compétence par cette juridiction ou d’un recours ouvert devant une autre juridiction), le risque, pour cette même personne, d’être jugée par une juridiction de cet État membre dépourvue de compétence à cette fin peut, en principe, être écarté par l’exercice, par ladite personne, de ces voies de droit. En l’absence d’éléments tendant à démontrer l’existence des défaillances précitées, l’autorité judiciaire d’exécution ne saurait présumer que de telles voies de droit font défaut, cette autorité étant à l’inverse tenue, conformément au principe de confiance mutuelle, de fonder son analyse sur l’existence et l’effectivité desdites voies de droit.
Dans un quatrième et dernier temps, la Cour considère que plusieurs MAE successifs peuvent être émis contre une personne recherchée en vue d’obtenir sa remise par un État membre après que l’exécution d’un premier MAE visant cette personne a été refusée par cet État membre, pour autant que l’exécution d’un nouveau MAE n’aboutirait pas à une violation des droits et des principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article 6 TUE{5}, et que l’émission de ce dernier MAE revêt un caractère proportionné. L’émission d’un nouveau MAE peut en effet s’avérer nécessaire, notamment après que les éléments ayant fait obstacle à l’exécution du précédent MAE ont été écartés. Dans le cadre de l’examen du caractère proportionné de l’émission d’un nouveau MAE, l’autorité judiciaire d’émission doit néanmoins tenir compte de la nature et de la gravité de l’infraction pour laquelle la personne recherchée est poursuivie, des conséquences sur cette personne du ou des MAE précédemment émis contre elle ou encore des perspectives d’exécution d’un éventuel nouveau MAE.
{1} Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).
{2} Ce droit est consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{3} Article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584.
{4} La Cour se prononce sur le fondement de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, et de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.
{5} Cette obligation est prévue à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584
Arrêt du 31 janvier 2023, Puig Gordi e.a. (C-158/21) (cf. point 59)
411. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation - Nécessité de fournir à la Cour des précisions sur la qualité de juridiction nationale de l'organe de renvoi en cas de doutes à cet égard
Ordonnance du 7 février 2023, Horezza (C-520/22) (cf. points 21-24)
Ordonnance du 7 février 2023, Konštrukta - Defence (C-521/22) (cf. points 22-25)
412. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte réglementaire - Absence d'explications quant au lien entre les dispositions et les principes du droit de l'Union invoqués par la juridiction de renvoi et la législation nationale applicable au litige au principal - Irrecevabilité manifeste
Voir texte de la décision.
Ordonnance du 5 octobre 2023, Princess Holdings (C-25/23) (cf. points 21-29, disp. 1)
Ordonnance du 20 avril 2023, Sinda & V R (C-619/22) (cf. points 16-19, 21, 23, 29, 30 et disp.)
413. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Régime fiscal applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents - Directive 2009/133 - Champ d'application - Opération purement interne de fusion de deux entreprises ayant chacune leur siège social dans le même État membre - Exclusion - Obligation pour le juge national d'interpréter conformément à cette directive la règle nationale applicable à ces opérations purement internes - Absence
414. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Directive 2009/133 - Dispositions du droit de l'Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des faits ne relevant pas de leur champ d'application - Absence - Incompétence de la Cour pour fournir cette interprétation
415. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Interprétation de la directive 2000/31 - Champ d'application - Société établie dans un État tiers - Exclusion - Irrecevabilité manifeste
Voir texte de décision.
Arrêt du 27 avril 2023, Viagogo (C-70/22) (cf. points 24, 27, 31)
416. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de l'article 56 TFUE à l'égard d'une société établie dans un État tiers, en l'absence d'accord international le prévoyant - Accord CE-Suisse sur la libre circulation des personnes ne permettant pas d'assimiler cette société à un prestataire établi sur le territoire d'un État membre - Incompétence de la Cour pour fournir cette interprétation
Voir texte de décision.
Arrêt du 27 avril 2023, Viagogo (C-70/22) (cf. points 32-36, 40)
417. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Absence de lien de rattachement entre le litige au principal et la disposition de droit de l'Union visée par les questions préjudicielles - Irrecevabilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 4 mai 2023, MV - 98 (C-97/21) (cf. points 66, 67, 70)
Arrêt du 21 septembre 2023, Romaqua Group (C-510/22) (cf. points 38-41)
418. Questions préjudicielles - Recevabilité - Formulation des questions étant susceptible d'influencer la Cour - Absence d'incidence sur la recevabilité
Prestige and Limousine, SL (ci-après « P&L ») offre des services de location de véhicule de tourisme avec chauffeur (ci-après les « services de VTC ») dans l’agglomération de Barcelone (Espagne). P&L et quatorze autres entreprises qui fournissent les mêmes services, dont des entreprises liées à des plateformes internationales en ligne, contestent devant le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) la validité d’une réglementation de l’Área Metropolitana de Barcelona (Aire métropolitaine de Barcelone, Espagne, ci-après l’« AMB ») relative à l’organisation de tels services dans l’agglomération de Barcelone. Dans le cadre de ce litige, cette juridiction éprouve des doutes quant à la compatibilité de la réglementation en cause avec, en particulier, la liberté d’établissement.
Cette réglementation exige, d’une part, en plus de l’autorisation nationale requise pour la prestation de services de VTC urbains et interurbains en Espagne, l’obtention d’une licence supplémentaire afin d’exercer des services de VTC dans l’agglomération de Barcelone. D’autre part, elle limite le nombre de licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi accordées pour cette agglomération. Selon la juridiction de renvoi, le but essentiel poursuivi par ladite réglementation était de réduire la concurrence exercée par les services de VTC sur les services de taxi.
Pour justifier les mesures en question, l’AMB invoque notamment l’objectif d’assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi. Elle indique que ces services sont considérés comme étant un « service d’intérêt général » dans la mesure où l’activité des taxis est fortement réglementée, les services de taxi étant soumis, notamment, à des quotas de licences, des tarifs réglementés, une obligation de transport universelle et une accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. L’AMB relève à cet égard que la viabilité économique de cette activité apparaît mise en danger par une concurrence croissante provenant de l’activité des services de VTC.
Par son arrêt, la Cour conclut que l’exigence d’une autorisation spécifique supplémentaire pour exercer les services de VTC dans l’agglomération de Barcelone peut, sous certaines conditions, être compatible avec l’article 49 TFUE. En revanche, cet article s’oppose à la limitation du nombre de licences des services de VTC, dès lors que cette mesure semble aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public de cette agglomération ainsi que de protection de l’environnement.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour rejette les arguments avancés par les parties au litige au principal au soutien de la prétendue irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Selon la Cour, la circonstance que les réponses à apporter aux questions préjudicielles découlent clairement de sa jurisprudence n’a pas pour effet de rendre une telle demande irrecevable, mais lui permet d’y répondre, le cas échéant, par voie d’ordonnance{1}. En outre, la circonstance qu’une juridiction suprême nationale a déjà examiné, dans le cadre d’un litige présentant des similitudes avec celui en cause au principal, la pertinence potentielle des dispositions du droit de l’Union visées par la juridiction de renvoi n’est pas de nature à rendre irrecevable un renvoi préjudiciel visant à ce que la Cour se prononce sur l’interprétation de ces dispositions, conformément à l’article 267 TFUE.
Dans un second temps, après avoir conclu que les deux mesures prévues par la réglementation en cause n’apparaissent pas conférer des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux entreprises fournissant des services de taxi, la Cour examine la compatibilité de ces mesures avec l’article 49 TFUE. À cet égard, la Cour relève, tout d’abord, qu’elles limitent effectivement l’accès au marché pour tout nouvel arrivant, restreignant le nombre de prestataires de services de VTC établis dans l’AMB, et doivent dès lors être qualifiées de restrictions à la liberté d’établissement garantie par cette dernière disposition.
Ensuite, quant à l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions, la Cour considère que l’objectif de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public d’une agglomération ainsi que celui de protection de l’environnement dans une telle agglomération peuvent constituer de telles raisons. Toutefois, tel n’est pas le cas s’agissant de l’objectif visant à assurer la viabilité économique des services de taxi, étant donné que la préservation d’un équilibre entre les deux modes de transports urbains en cause relève de considérations de nature purement économique. La circonstance que les services de taxi soient qualifiés, dans le droit espagnol, de « service d’intérêt général » n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, si les caractéristiques avancées par l’AMB font certes apparaître que la réglementation des services de taxi vise notamment à assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi, au bénéfice des usagers, il apparaît, en revanche, que les mesures en cause au principal ne poursuivent pas, par elles-mêmes, ces objectifs. La Cour constate également qu’il n’apparaît pas qu’une mission particulière de service public, susceptible de relever, le cas échéant, de la notion de service d’intérêt économique général (SIEG) au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ait été confiée aux prestataires de services de taxi.
Enfin, la Cour analyse la proportionnalité, d’une part, de l’exigence d’une autorisation supplémentaire et, d’autre part, de la limitation des licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi. Elle conclut que cette première mesure apparaît apte à atteindre les objectifs évoqués et peut être considérée comme nécessaire pour les atteindre. Compte tenu de la nature du service en cause ainsi que de l’impossibilité de distinguer entre les voitures utilisées pour fournir les services de VTC et celles utilisées à titre privé sur un vaste territoire urbain, il peut être considéré qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour garantir une réelle efficacité de celui-ci. L’exigence d’une autorisation supplémentaire peut ainsi être justifiée, à condition, toutefois, que cette autorisation soit fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui excluent tout arbitraire et qui ne font pas double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre de la procédure d’autorisation nationale, mais qui répondent à des besoins particuliers de l’agglomération concernée. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites en l’espèce.
En revanche, la deuxième mesure n’apparaît pas propre à garantir la réalisation des objectifs de la bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public. En effet, tout d’abord, n’ont pas été infirmés devant la Cour les arguments avancés en faveur des services de VTC qui tendent à démontrer que ces services peuvent en réalité favoriser la réalisation desdits objectifs, notamment par le biais de la réduction de l’utilisation de la voiture privée, par la contribution de ces services à l’objectif d’une mobilité efficace et inclusive, grâce à leur niveau de numérisation ainsi qu’à leur flexibilité dans la prestation de services, et par l’utilisation de véhicules à énergies alternatives, encouragée par la réglementation étatique relative aux services de VTC.
Ensuite, il ne saurait être exclu qu’un impact éventuel de la flotte des VTC sur le transport, le trafic et l’espace public dans l’agglomération de Barcelone puisse être adéquatement limité par des mesures moins contraignantes qu’une limitation des licences. Ainsi, la Cour se réfère, à titre d’exemples, à des mesures d’organisation des services de VTC, des limitations de ces services lors de certaines plages horaires ou encore des restrictions de circulation dans certains espaces. La Cour ajoute qu’il ne saurait être exclu que l’objectif de protection de l’environnement dans l’agglomération de Barcelone puisse être atteint par des mesures moins attentatoires à la liberté d’établissement, telles que des limites d’émission applicables aux véhicules circulant dans cette agglomération.
{1} Voir article 99 du règlement de procédure de la Cour.
Arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C-50/21) (cf. point 44)
419. Questions préjudicielles - Recevabilité - Examen antérieur, réalisé par une juridiction suprême nationale, de la pertinence potentielle des dispositions du droit de l'Union visées par la juridiction de renvoi - Absence d'incidence sur la recevabilité
Prestige and Limousine, SL (ci-après « P&L ») offre des services de location de véhicule de tourisme avec chauffeur (ci-après les « services de VTC ») dans l’agglomération de Barcelone (Espagne). P&L et quatorze autres entreprises qui fournissent les mêmes services, dont des entreprises liées à des plateformes internationales en ligne, contestent devant le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) la validité d’une réglementation de l’Área Metropolitana de Barcelona (Aire métropolitaine de Barcelone, Espagne, ci-après l’« AMB ») relative à l’organisation de tels services dans l’agglomération de Barcelone. Dans le cadre de ce litige, cette juridiction éprouve des doutes quant à la compatibilité de la réglementation en cause avec, en particulier, la liberté d’établissement.
Cette réglementation exige, d’une part, en plus de l’autorisation nationale requise pour la prestation de services de VTC urbains et interurbains en Espagne, l’obtention d’une licence supplémentaire afin d’exercer des services de VTC dans l’agglomération de Barcelone. D’autre part, elle limite le nombre de licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi accordées pour cette agglomération. Selon la juridiction de renvoi, le but essentiel poursuivi par ladite réglementation était de réduire la concurrence exercée par les services de VTC sur les services de taxi.
Pour justifier les mesures en question, l’AMB invoque notamment l’objectif d’assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi. Elle indique que ces services sont considérés comme étant un « service d’intérêt général » dans la mesure où l’activité des taxis est fortement réglementée, les services de taxi étant soumis, notamment, à des quotas de licences, des tarifs réglementés, une obligation de transport universelle et une accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. L’AMB relève à cet égard que la viabilité économique de cette activité apparaît mise en danger par une concurrence croissante provenant de l’activité des services de VTC.
Par son arrêt, la Cour conclut que l’exigence d’une autorisation spécifique supplémentaire pour exercer les services de VTC dans l’agglomération de Barcelone peut, sous certaines conditions, être compatible avec l’article 49 TFUE. En revanche, cet article s’oppose à la limitation du nombre de licences des services de VTC, dès lors que cette mesure semble aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public de cette agglomération ainsi que de protection de l’environnement.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour rejette les arguments avancés par les parties au litige au principal au soutien de la prétendue irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle. Selon la Cour, la circonstance que les réponses à apporter aux questions préjudicielles découlent clairement de sa jurisprudence n’a pas pour effet de rendre une telle demande irrecevable, mais lui permet d’y répondre, le cas échéant, par voie d’ordonnance{1}. En outre, la circonstance qu’une juridiction suprême nationale a déjà examiné, dans le cadre d’un litige présentant des similitudes avec celui en cause au principal, la pertinence potentielle des dispositions du droit de l’Union visées par la juridiction de renvoi n’est pas de nature à rendre irrecevable un renvoi préjudiciel visant à ce que la Cour se prononce sur l’interprétation de ces dispositions, conformément à l’article 267 TFUE.
Dans un second temps, après avoir conclu que les deux mesures prévues par la réglementation en cause n’apparaissent pas conférer des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aux entreprises fournissant des services de taxi, la Cour examine la compatibilité de ces mesures avec l’article 49 TFUE. À cet égard, la Cour relève, tout d’abord, qu’elles limitent effectivement l’accès au marché pour tout nouvel arrivant, restreignant le nombre de prestataires de services de VTC établis dans l’AMB, et doivent dès lors être qualifiées de restrictions à la liberté d’établissement garantie par cette dernière disposition.
Ensuite, quant à l’existence de raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier de telles restrictions, la Cour considère que l’objectif de bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public d’une agglomération ainsi que celui de protection de l’environnement dans une telle agglomération peuvent constituer de telles raisons. Toutefois, tel n’est pas le cas s’agissant de l’objectif visant à assurer la viabilité économique des services de taxi, étant donné que la préservation d’un équilibre entre les deux modes de transports urbains en cause relève de considérations de nature purement économique. La circonstance que les services de taxi soient qualifiés, dans le droit espagnol, de « service d’intérêt général » n’a pas d’incidence à cet égard. En effet, si les caractéristiques avancées par l’AMB font certes apparaître que la réglementation des services de taxi vise notamment à assurer la qualité, la sécurité et l’accessibilité des services de taxi, au bénéfice des usagers, il apparaît, en revanche, que les mesures en cause au principal ne poursuivent pas, par elles-mêmes, ces objectifs. La Cour constate également qu’il n’apparaît pas qu’une mission particulière de service public, susceptible de relever, le cas échéant, de la notion de service d’intérêt économique général (SIEG) au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, ait été confiée aux prestataires de services de taxi.
Enfin, la Cour analyse la proportionnalité, d’une part, de l’exigence d’une autorisation supplémentaire et, d’autre part, de la limitation des licences de services de VTC à un trentième des licences de services de taxi. Elle conclut que cette première mesure apparaît apte à atteindre les objectifs évoqués et peut être considérée comme nécessaire pour les atteindre. Compte tenu de la nature du service en cause ainsi que de l’impossibilité de distinguer entre les voitures utilisées pour fournir les services de VTC et celles utilisées à titre privé sur un vaste territoire urbain, il peut être considéré qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour garantir une réelle efficacité de celui-ci. L’exigence d’une autorisation supplémentaire peut ainsi être justifiée, à condition, toutefois, que cette autorisation soit fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui excluent tout arbitraire et qui ne font pas double emploi avec des contrôles qui ont déjà été effectués dans le cadre de la procédure d’autorisation nationale, mais qui répondent à des besoins particuliers de l’agglomération concernée. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont satisfaites en l’espèce.
En revanche, la deuxième mesure n’apparaît pas propre à garantir la réalisation des objectifs de la bonne gestion du transport, du trafic et de l’espace public. En effet, tout d’abord, n’ont pas été infirmés devant la Cour les arguments avancés en faveur des services de VTC qui tendent à démontrer que ces services peuvent en réalité favoriser la réalisation desdits objectifs, notamment par le biais de la réduction de l’utilisation de la voiture privée, par la contribution de ces services à l’objectif d’une mobilité efficace et inclusive, grâce à leur niveau de numérisation ainsi qu’à leur flexibilité dans la prestation de services, et par l’utilisation de véhicules à énergies alternatives, encouragée par la réglementation étatique relative aux services de VTC.
Ensuite, il ne saurait être exclu qu’un impact éventuel de la flotte des VTC sur le transport, le trafic et l’espace public dans l’agglomération de Barcelone puisse être adéquatement limité par des mesures moins contraignantes qu’une limitation des licences. Ainsi, la Cour se réfère, à titre d’exemples, à des mesures d’organisation des services de VTC, des limitations de ces services lors de certaines plages horaires ou encore des restrictions de circulation dans certains espaces. La Cour ajoute qu’il ne saurait être exclu que l’objectif de protection de l’environnement dans l’agglomération de Barcelone puisse être atteint par des mesures moins attentatoires à la liberté d’établissement, telles que des limites d’émission applicables aux véhicules circulant dans cette agglomération.
{1} Voir article 99 du règlement de procédure de la Cour.
Arrêt du 8 juin 2023, Prestige and Limousine (C-50/21) (cf. point 47)
420. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Apparition d'éléments postérieurs au renvoi préjudiciel - Demande de la Cour, adressée à la juridiction de renvoi, concernant les raisons justifiant le renvoi à la Cour - Obligation de la juridiction de renvoi à répondre à une telle demande - Absence d'une réponse utile - Irrecevabilité
Voir texte de la décision.
421. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Indication des raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Juridiction nationale fournissant les informations nécessaires de manière peu synthétique et peu claire - Réponse aux questions préjudicielles limitée à des indications minimales et générales
Voir texte de la décision.
Arrêt du 29 juin 2023, Super Bock Bebidas (C-211/22) (cf. points 23-26)
422. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte réglementaire - Absence d'identification des dispositions du droit de l'union, aux fins d'interprétation, nécessaires à la solution du litige au principal - Irrecevabilité
Voir texte de la décision.
Arrêt du 13 juillet 2023, Azienda Ospedale-Università di Padova (C-765/21) (cf. points 48, 52, 53)
423. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Société acquéreuse et société acquise étant des sociétés résidentes d'un même État membre - Société acquéreuse faisant partie d'un groupe de sociétés établies, notamment, dans différents États membres - Compétence au vu de la structure de propriété transfrontalière de la société résidente acquéreuse à l'intérieur de l'Union
Janes és Társa est une société de droit hongrois qui a pour activité principale l’extraction minière de gravier, de sable et d’argile dans sa carrière située à Lázi (comitat de Győr-Moson-Sopron, district de Pannonhalma, Hongrie).
Du fait de cette activité, Janes és Társa est qualifiée d’« entreprise stratégique », au sens d’une loi établissant un mécanisme de filtrage des investissements étrangers. Sa part de marché sur le marché hongrois de la production des matières premières concernées serait de 0,52 %.
Xella Magyarország est une autre société de droit hongrois qui fait partie d’un groupe de sociétés dont la société faîtière est établie aux Bermudes et qui appartient, en bout de chaîne, à un ressortissant irlandais. Elle opère sur le marché hongrois des matériaux de construction et a pour activité principale la fabrication d’éléments de construction en béton. Elle achète environ 90 % de la production annuelle de Janes et Társa en vue de la transformation, dans son usine située à proximité de la carrière, de ces matières premières en briques silico-calcaires.
En octobre 2020, Xella Magyarország a conclu un contrat de vente aux fins de l’acquisition de la totalité des parts de Janes és Társa, et a demandé au ministre compétent de prendre note de la transaction concernée ou de confirmer que cette formalité n’était pas nécessaire compte tenu de sa structure de propriété. Par une décision adoptée en juillet 2021, ledit ministre a interdit l’exécution de l’opération juridique notifiée, qualifiant Xella Magyarország d’« investisseur étranger » du fait de sa détention indirecte par LSF10 XL Investments, une société enregistrée aux Bermudes.
En outre, le même ministre a soutenu que la sécurité et la prévisibilité de l’extraction et de l’approvisionnement en matières premières avaient une importance stratégique, notamment eu égard aux graves perturbations du fonctionnement des chaînes d’approvisionnement mondiales causées par la pandémie de COVID-19. Selon lui, la production de granulats, tels que le sable, le gravier et la pierre concassée, pour le secteur de la construction, était déjà dominée par des producteurs hongrois à capitaux étrangers. Dès lors, l’hypothèse selon laquelle Janes és Társa devienne indirectement la propriété d’une société enregistrée aux Bermudes faisait peser un risque à plus long terme sur la sécurité de l’approvisionnement en des matières premières, telles que celles en cause en l’espèce, ce qui pourrait nuire à l’« intérêt de l’État », au sens large.
Par son arrêt, la Cour conclut que les dispositions du traité FUE en matière de liberté d’établissement s’opposent au mécanisme de filtrage des investissements étrangers en question. En effet, ce mécanisme permet d’interdire l’acquisition de la propriété d’une société résidente considérée comme étant stratégique par une autre société résidente faisant partie d’un groupe de sociétés établies dans plusieurs États membres, dans laquelle une entreprise d’un pays tiers dispose d’une influence déterminante. Ainsi, la Cour écarte l’argument du gouvernement hongrois selon lequel une telle acquisition porte atteinte ou risque de porter atteinte à l’intérêt de l’État consistant à garantir la sécurité de l’approvisionnement au profit du secteur de la construction, en particulier au niveau local, en ce qui concerne des matières premières de base.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour constate qu’une législation nationale permettant aux autorités d’un État membre d’interdire à une société de l’Union, pour des motifs de sécurité et d’ordre public, d’acquérir une participation dans une société résidente « stratégique » lui permettant d’exercer une influence certaine sur la gestion et le contrôle de cette dernière société constitue, manifestement, une restriction à la liberté d’établissement de cette société de l’Union, en l’occurrence, une restriction particulièrement sérieuse.
Dans un second temps, la Cour examine si cette restriction est susceptible d’être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général. À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu de sa jurisprudence, une telle justification suppose que la restriction soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.
En l’occurrence, l’intérêt spécifique en cause en l’espèce, visant à assurer la sécurité et la continuité d’approvisionnement du secteur de la construction pour ce qui concerne certaines matières premières de base, pourrait relever de l’article 52, paragraphe 1, TFUE. En effet, cette disposition prévoit qu’une restriction à la liberté d’établissement peut être justifiée par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.
Toutefois, selon la jurisprudence, même si les États membres restent libres de déterminer, conformément à leurs besoins nationaux, les exigences de l’ordre public et de la sécurité publique, ces dernières ne peuvent être invoquées qu’en cas de menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.
S’agissant spécifiquement de l’objectif lié à la sécurité d’approvisionnement en faveur du secteur de la construction, en particulier au niveau local, pour ce qui concerne certaines matières premières de base, la Cour constate qu’il ne peut pas constituer une raison de sécurité publique et, partant, justifier éventuellement une entrave à la liberté d’établissement en cause au principal, en l’occurrence de nature particulièrement sérieuse. En effet, il ne saurait être considéré qu’un tel objectif relève d’un « intérêt fondamental de la société », au sens de la jurisprudence de la Cour..
Par ailleurs, il n’apparaît pas que l’acquisition interdite par la décision en cause au principal soit effectivement de nature à engendrer une « menace réelle et suffisamment grave », au sens de la jurisprudence de la Cour. En effet, d’une part, avant cette acquisition, environ 90 % de la production des matières premières de base concernées provenant de la carrière de la société acquise étaient déjà achetés par la société acquéreuse, les 10 % restants l’étant par des entreprises locales du secteur de la construction. D’autre part, il est notoire que ces matières premières de base ont, par leur nature, une valeur marchande relativement faible par rapport, surtout, à leur coût de transport. Dès lors, le risque d’exportation d’une partie significative de la production desdites matières premières apparaît peu probable, voire exclu en pratique.
Arrêt du 13 juillet 2023, Xella Magyarország (C-106/22) (cf. points 50-52, 56)
424. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Actes pris par les institutions - Notion - Décision 2006/928 - Inclusion
Voir texte de la décision.
425. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles - Protocole concernant l'interprétation de la convention par la Cour de justice - Juridictions nationales habilitées à saisir la Cour à titre préjudiciel - Tribunal régional espagnol statuant en première instance - Exclusion - Incompétence manifeste de la Cour
Voir texte de la décision.
Arrêt du 14 septembre 2023, Diamond Resorts Europe e.a. (C-632/21) (cf. points 38-41)
426. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Demande visant l'interprétation d'une directive soulevée dans le cadre d'un litige opposant des particuliers - Recevabilité de la demande - Condition - Nécessité pour se conformer à l'obligation d'interprétation conforme du droit national - Impossibilité d'invoquer une directive à l'encontre d'un particulier - Absence d'incidence
Voir texte de la décision.
Arrêt du 5 octobre 2023, Brink’s Cash Solutions (C-496/22) (cf. points 27-29)
427. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Décision de la Commission imposant aux autorités nationales d'appliquer certaines dispositions de lignes directrices en matière d'aides d'État - Acte administratif national faisant application desdites dispositions des lignes directrices - Questions préjudicielles portant sur l'interprétation desdites dispositions - Questions recevables
Voir texte de la décision.
Voir texte de la décision.
Arrêt du 12 octobre 2023, Est Wind Power (C-11/22) (cf. points 30-38)
428. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Indication des raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Questions fondées sur des hypothèses factuelles identifiées comme non établies - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 26 octobre 2023, EDP - Energias de Portugal e.a. (C-331/21) (cf. points 45-54)
429. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions générales ou hypothétiques - Recours contre une décision d'irrecevabilité d'une demande de protection internationale - Questions concernant la conformité au droit de l'Union de la réglementation nationale relative à la rémunération des juges - Absence de lien de rattachement entre le litige au principal et les dispositions de droit de l'Union visées par les questions préjudicielles - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 8 novembre 2023, Habonov (C-333/23) (cf. points 19-23, 25, 27-34 et disp.)
430. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Irrecevabilité
Voir texte de la décision.
431. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité, aux situations purement internes, des dispositions d'une directive transposées en droit national - Compétence pour fournir cette interprétation - Appréciation de la portée exacte du renvoi au droit de l'Union opéré par le droit national - Compétence exclusive du juge national
Voir texte de la décision.
432. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Identification des éléments de droit de l'Union pertinents - Litige concernant une demande d'aide financière pour la conversion de ruches à l'apiculture biologique - Portée de l'examen des questions
Voir le texte de la décision.
433. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Application des dispositions interprétées par la Cour
Ordonnance du 11 décembre 2023, Bank Millennium (C-756/22) (cf. points 24, 26)
434. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions concernant le respect des exigences inhérentes à un tribunal indépendant et impartial, préalablement établi par la loi, par une formation comportant un juge nommé dans des circonstances particulières - Compétence des juridictions nationales pour apprécier la légalité de cette formation de jugement ou remettre en cause sa décision définitive - Absence - Irrecevabilité
La grande chambre de la Cour juge irrecevables deux demandes de décision préjudicielle présentées par des juges polonais, qui s’interrogent sur la conformité de la composition de la formation de jugement, dans les affaires au principal, aux exigences inhérentes à un tribunal indépendant et impartial, au sens du droit de l’Union.
Dans la première affaire (C-181/21), une formation de jugement à trois juges au sein du Sąd Okręgowy w Katowicach (tribunal régional de Katowice, Pologne) a été désignée pour examiner une réclamation contre une ordonnance rejetant l’opposition d’un consommateur à l’encontre d’une injonction de payer. Le juge rapporteur en charge de cette affaire a émis des doutes quant à la qualité de « juridiction » de cette formation, compte tenu des circonstances dans lesquelles était intervenue la nomination au tribunal régional de Katowice de la juge A.Z., qui fait également partie de ladite formation. Ses préoccupations concernaient, notamment, le statut et le mode de fonctionnement de la Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature, Pologne, ci-après la « KRS »{1}), qui intervient dans une telle procédure de nomination.
S’agissant de l’affaire C-269/21, une formation de jugement à trois juges siégeant au sein du Sąd Okręgowy w Krakowie (tribunal régional de Cracovie, Pologne) a examiné la réclamation d’une banque contre une ordonnance par laquelle une formation de jugement à juge unique au sein de cette même juridiction avait fait droit à une demande d’octroi de mesures conservatoires introduite par des consommateurs. Cette formation de jugement à trois juges a réformé l’ordonnance attaquée, rejeté cette demande dans son intégralité et renvoyé l’affaire à la formation de jugement à juge unique. Cette dernière nourrit des doutes quant à la conformité au droit de l’Union de la composition de la formation de jugement ayant statué sur la réclamation de la banque et, par suite, quant à la validité de sa décision. En effet, la formation de jugement à trois juges comprenait la juge A.T., nommée au tribunal régional de Cracovie en 2021, à la suite d’une procédure impliquant la KRS.
Dans ce contexte, le juge rapporteur, dans la première affaire, et la formation de jugement à juge unique, dans la seconde affaire, ont décidé de saisir la Cour de questions préjudicielles visant à savoir, en substance, si, compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles sont intervenues les nominations des juges A.Z. et A.T., les formations de jugement au sein desquelles ces juges siègent satisfont aux exigences inhérentes à un tribunal indépendant et impartial, préalablement établi par la loi, au sens du droit de l’Union, et si ce dernier{2} impose d’écarter d’office de tels juges de l’examen des affaires en cause.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour rappelle qu’il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose, notamment, qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel{3}.
La Cour relève ensuite que, si toute juridiction a l’obligation de vérifier si, par sa composition, elle constitue un tribunal indépendant et impartial, préalablement établi par la loi, au sens, notamment, de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lorsque surgit sur ce point un doute sérieux, il n’en demeure pas moins que la nécessité, au sens de l’article 267 TFUE, de l’interprétation préjudicielle sollicitée de la Cour implique que le juge de renvoi puisse, à lui seul, tirer les conséquences de cette interprétation en appréciant, à la lumière de celle-ci, la légalité de la nomination d’un autre juge de la même formation de jugement et, le cas échéant, en récusant ce dernier.
Tel n’est, à cet égard, pas le cas du juge de renvoi dans l’affaire C-181/21 étant donné qu’il ne ressort ni de la décision de renvoi ni du dossier dont dispose la Cour que, en vertu des règles de droit national, il pourrait, à lui seul, agir de la sorte. L’interprétation des dispositions du droit de l’Union sollicitée dans l’affaire C-181/21 ne répond donc pas à un besoin objectif lié à une décision que le juge de renvoi pourrait prendre, à lui seul, dans l’affaire au principal.
S’agissant de l’affaire C-269/21, la Cour relève que la juridiction de renvoi souligne elle-même que l’ordonnance rendue par la formation de jugement à trois juges ayant réformé sa propre décision et rejeté la demande d’octroi de mesures conservatoires formulée par les consommateurs concernés n’est plus susceptible de recours et doit donc être considérée comme définitive selon le droit polonais. Or, si elle invoque l’insécurité juridique qui entourerait cette ordonnance en raison des doutes concernant la régularité de la composition de la formation de jugement l’ayant rendue, la juridiction de renvoi ne met toutefois en avant aucune disposition du droit procédural polonais qui lui conférerait la compétence pour procéder, de surcroît en formation de jugement à juge unique, à un examen de la conformité, notamment au droit de l’Union, d’une ordonnance définitive rendue sur une telle demande par une formation de jugement à trois juges. Il ressort par ailleurs du dossier dont dispose la Cour que l’ordonnance rendue par la formation à trois juges lie le juge de renvoi et que ce dernier n’est compétent ni pour « récuser » un juge faisant partie de la formation de jugement qui a rendu cette ordonnance ni pour remettre en cause cette dernière.
Ainsi, la Cour constate que la juridiction de renvoi dans l’affaire C-269/21 n’est pas compétente, en vertu des règles de droit national, pour apprécier la légalité, au regard, notamment, du droit de l’Union, de la formation de jugement à trois juges ayant rendu l’ordonnance statuant définitivement sur la demande d’octroi de mesures conservatoires et, en particulier, des conditions de nomination de la juge A.T., et pour remettre en cause, le cas échéant, cette ordonnance.
En effet, la demande d’octroi de mesures conservatoires des requérants au principal ayant été rejetée dans son intégralité, le traitement de cette demande a été définitivement clos par la formation de jugement à trois juges. Les questions posées dans l’affaire C-269/21 ont, dès lors, intrinsèquement trait à une étape de la procédure dans l’affaire au principal qui a été définitivement close et qui est distincte du litige au fond qui demeure seul pendant devant la juridiction de renvoi. Elles ne correspondent donc pas à un besoin objectif inhérent à la solution de ce litige, mais visent à obtenir de la Cour une appréciation générale, déconnectée des besoins dudit litige, sur la procédure de nomination des juges de droit commun en Pologne.
{1} Dans sa composition postérieure à 2018.
{2} Voir article 2 et article 19, paragraphe 1, TUE, lus en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
{3} Arrêt du 22 mars 2022, Prokurator Generalny e.a. (Chambre disciplinaire de la Cour suprême - Nomination) (C-508/19, EU:C:2022:201, point 62 ainsi que jurisprudence citée).
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 11 avril 2024, Sapira (C-114/23, C-115/23, C-132/23 et C-160/23) (cf. points 35-40)
435. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions portant sur l'applicabilité du droit de l'Union - Questions relevant du fond de l'affaire - Questions recevables
Saisie à titre préjudiciel par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie, ci-après la « juridiction de renvoi »), la Cour a précisé dans quelle mesure les décisions d’une organisation professionnelle, telle que la chambre des notaires d’un État membre, visant à encadrer le calcul du montant des honoraires dus au titre de l’accomplissement de certaines activités des notaires, relèvent de l’interdiction des décisions d’associations d’entreprises restrictives de la concurrence, prévue à l’article 101 TFUE. Par ailleurs, la Cour a clarifié les conditions dans lesquelles les membres d’une telle association peuvent endosser la responsabilité d’une infraction au droit de la concurrence commise par l’association.
En l’espèce, l’organe de direction de la Chambre des notaires de Lituanie, le présidium, a adopté des règles visant à clarifier les méthodes de calcul des honoraires exigibles par les notaires au titre de l’accomplissement de certaines de leurs activités{1} (ci-après les « clarifications »). En vertu de ces clarifications, le montant des honoraires facturés par les notaires est fixé au montant le plus élevé de la fourchette de prix prévue par le barème provisoire établi par le ministre de la Justice de la République de Lituanie.
Considérant que, en adoptant lesdites clarifications, la Chambre des notaires, agissant par l’intermédiaire de son organe de direction, le présidium, et les membres de celui-ci avaient indirectement fixé les montants des honoraires facturés par les notaires et, partant, enfreint, notamment, l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE, le Lietuvos Respublikos konkurencijos taryba (Conseil de la concurrence de la République de Lituanie, ci-après le « Conseil de la concurrence ») a sanctionné la Chambre des notaires ainsi que les huit notaires membres de son présidium, en leur infligeant des amendes, par décision du 26 avril 2018.
Le recours en annulation introduit par les destinataires de cette décision a été partiellement accueilli en première instance. Le Conseil de la concurrence a alors formé un pourvoi contre la décision des premiers juges devant la juridiction de renvoi. C’est dans ce contexte que cette dernière a posé à la Cour plusieurs questions préjudicielles.
Par ces questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, tout d’abord, si les notaires de la République de Lituanie, lorsqu’ils exercent les activités visées par les clarifications en cause, doivent être regardés comme des « entreprises », au sens de l’article 101 TFUE, ensuite, dans l’affirmative, si les clarifications doivent être qualifiées de décisions d’une association d’entreprises restrictives de la concurrence et, enfin, pour le cas où une telle qualification devait être retenue, si des amendes peuvent être infligées tant à la Chambre des notaires qu’à chacun des notaires membres de son présidium.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour vérifie s’il y a lieu d’exclure d’emblée l’application de l’article 101 TFUE à l’affaire au principal, dès lors que, comme le font valoir la Chambre des notaires et le gouvernement lituanien, les clarifications seraient insusceptibles d’affecter le commerce entre États membres.
À cet égard, elle observe que ces clarifications s’étendent à l’ensemble du territoire de la République de Lituanie, celles-ci étant des décisions de la Chambre des notaires obligatoires pour l’ensemble des notaires établis dans cet État membre. Elles pourraient donc avoir pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national et d’entraver ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité FUE. Par ailleurs, la notion de « commerce entre États membres », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, n’est pas limitée aux échanges transfrontaliers de produits et de services, mais revêt une portée plus large qui recouvre toute activité économique transfrontalière, y compris l’établissement. Quand bien même un notaire ne pourrait, en principe, fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi, il n’en reste pas moins qu’une telle profession est soumise à la liberté d’établissement. Or, des règles telles que les clarifications, lesquelles portent sur un aspect fondamental de l’exercice de la profession de notaire dans l’État membre concerné, sont, en principe, susceptibles d’influer sensiblement sur le choix des ressortissants d’autres États membres de s’établir dans ce premier État membre afin d’exercer ladite profession. Par ailleurs, des ressortissants d’États membres autres que la République de Lituanie peuvent recourir aux services des notaires établis dans ce dernier État membre. Il s’ensuit que les clarifications en cause au principal, pour autant qu’elles devraient être qualifiées d’accords entre entreprises ou de décisions d’associations d’entreprises, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, seraient susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres, au sens de cette disposition.
Cela étant précisé, la Cour se penche, dans un premier temps, sur la question de savoir si l’article 101 TFUE est susceptible d’être appliqué dans une situation telle que celle au principal. Pour ce faire, elle analyse, premièrement, si les notaires peuvent être qualifiés d’entreprises, deuxièmement, si la Chambre des notaires doit être considérée comme étant une association d’entreprises et, troisièmement, si les clarifications en cause au principal doivent être considérées comme des décisions d’une association d’entreprises.
Tout d’abord, la Cour constate que les notaires établis sur le territoire d’un État membre doivent être qualifiés d’entreprises lorsqu’ils exercent des activités telles que celles visées dans les clarifications. En effet, dans la mesure où les notaires exercent une profession libérale qui implique en tant qu’activité principale, la prestation de plusieurs services distincts contre rémunération, ils exercent, en principe, une activité économique. En outre, la Cour a déjà jugé{2} que des activités telles que celles visées dans les clarifications{3} ne relèvent pas directement et spécifiquement de l’exercice des prérogatives de puissance publique, lequel ne présente pas de caractère économique.
Ensuite, la Chambre des notaires est une association d’entreprises et non une autorité publique. Compte tenu des missions qui lui sont conférées, celle-ci présente les caractéristiques d’une organisation de régulation de la profession, soumise, en tant que telle, à l’application des règles de la concurrence. Par ailleurs, le présidium est composé exclusivement de membres de cette profession qui ne sont élus que par leurs pairs, l’État lituanien n’apparaissant intervenir ni dans la désignation desdits membres ni dans l’adoption de ses décisions. De plus, le seul fait que les juridictions lituaniennes peuvent contrôler la légalité des décisions de la chambre des notaires n’implique pas que celle-ci œuvre sous le contrôle effectif de l’État.
Enfin, les règles telles que les clarifications sont des décisions d’une association d’entreprises, à savoir des décisions qui traduisent la volonté de représentants des membres d’une profession tendant à obtenir de ceux-ci qu’ils adoptent un comportement déterminé dans le cadre de leur activité économique. Par ailleurs, la fixation du prix au moyen d’un acte contraignant doit être considérée comme constituant une décision au regard de l’article 101 TFUE.
Dans un deuxième temps, ayant établi que les clarifications en cause au principal peuvent être qualifiées de décisions d’associations d’entreprises, la Cour examine si celles-ci relèvent de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
Ainsi, la Cour estime que les clarifications en cause au principal relèvent de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE en ce qu’elles sont susceptibles d’être considérées comme constituant une restriction de la concurrence « par objet » interdite par ladite disposition. En effet, un mécanisme de calcul du montant des honoraires tel que celui prévu par les clarifications conduit précisément à la fixation horizontale des prix des services concernés.
À cet égard, l’argumentation de la Chambre des notaires et du gouvernement lituanien selon laquelle ces clarifications poursuivent des objectifs légitimes ne saurait prospérer dans le cas d’espèce. Certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt Wouters e.a.{4}, que certains comportements anticoncurrentiels peuvent être considérés comme étant justifiés par la poursuite d’objectifs légitimes d’intérêt général pour autant que ces comportements soient dénués, en soi, de caractère anticoncurrentiel et que la nécessité et le caractère proportionné des moyens mis en œuvre à cet effet aient été dûment établis. Cependant, cette jurisprudence ne trouve pas à s’appliquer en présence de comportements qui présentent un degré de nocivité justifiant de considérer qu’ils ont pour « objet » d’empêcher, restreindre ou fausser la concurrence, au sens de l’article 101 TFUE. Au regard de ces comportements, ce n’est que le bénéficie de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE qui peut être invoqué, pour autant que l’ensemble des conditions prévues par cette disposition soient respectées.
Dans un troisième temps, la Cour examine la question de savoir si le Conseil de la concurrence peut imposer une amende pour une infraction à l’article 101 TFUE à la Chambre des notaires, en tant qu’association d’entreprises auteur de l’infraction, ainsi qu’à chaque notaire membre de l’organe directeur de cette association.
Sur ce point, la Cour rappelle que, dans le cas où l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE est établie, les autorités nationales de concurrence doivent, en principe, imposer à l’auteur de celle-ci une amende suffisamment dissuasive et proportionnée. Conformément à cette disposition, une « association d’entreprises », telle que la Chambre des notaires, peut constituer l’auteur d’une infraction à cette disposition.
En l’espèce, il résulte de la décision de renvoi que l’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE constatée par le Conseil de la concurrence est constituée par l’adoption des clarifications par décision du présidium de la Chambre des notaires. Or, les décisions du présidium lient ladite chambre, de sorte que ces décisions doivent être considérées comme des décisions de la Chambre des notaires elle-même. Il s’ensuit que cette dernière doit être considérée comme étant l’auteur de l’infraction constatée par le Conseil de la concurrence dans l’affaire au principal.
En ce qui concerne les notaires composant le présidium, ceux-ci apparaissent avoir agi uniquement en leur qualité de membres de celui-ci sans avoir participé d’une autre manière à l’infraction ainsi constatée. Toutefois, le Conseil de la concurrence avait imposé des amendes individuelles aux membres du présidium dans un but d’assurer l’effet dissuasif des sanctions imposées pour ladite infraction, étant donné que le droit lituanien applicable à l’époque ne permettait pas l’imposition à la seule Chambre des notaires d’une amende d’un montant suffisamment élevé pour produire cet effet dissuasif.
À cet égard, la Cour a considéré que le principe de la responsabilité personnelle, qui exige que ne soit sanctionnée pour une infraction aux règles de concurrence que l’entité qui en est l’auteur, s’oppose à une telle approche. Par ailleurs, le fait que le droit lituanien applicable à l’époque des faits au principal ne prévoyait pas la possibilité de prendre en compte le chiffre d’affaires des membres de la Chambre des notaires aux fins du calcul de l’amende que le Conseil de la concurrence devait imposer à celle-ci n’empêchait pas cette autorité nationale de concurrence de prendre en compte ce chiffre d’affaires. Ainsi, il résulte tant de la jurisprudence de la Cour que de l’article 23 du règlement nº 1/2003{5}, lequel est également pertinent pour la détermination des pouvoirs des autorités nationales de concurrence, en substance, que, notamment, lorsque l’infraction commise par l’association d’entreprises porte sur les activités de ses membres, l’amende à infliger à cette association doit, afin de déterminer une sanction qui soit dissuasive, être calculée par rapport au chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble des entreprises membres de ladite association sur le marché affecté par l’infraction, quand bien même ces dernières n’auraient pas effectivement participé à l’infraction. De surcroît, l’article 23, paragraphe 4, de ce règlement prévoit que, lorsqu’une amende est infligée à une association d’entreprises en tenant compte du chiffre d’affaires de ses membres et que l’association n’est pas solvable, celle-ci est tenue de lancer à ses membres un appel à contributions pour couvrir le montant de l’amende et que la Commission européenne peut, sous certaines conditions, exiger le paiement de l’amende directement par toute entreprise dont les représentants étaient membres des organes décisionnels concernés de l’association, puis par tout membre de l’association qui était actif sur le marché sur lequel l’infraction a été commise.
Il s’ensuit qu’une autorité nationale de concurrence ne peut pas imposer des amendes individuelles aux entreprises membres de l’organe directeur de l’association d’entreprises auteur de l’infraction lorsque ces entreprises ne sont pas les coauteurs de cette infraction.
{1} Les activités en cause sont les suivantes :
- l’approbation des transactions hypothécaires et l’apposition de clauses exécutoires, dans les situations dans lesquelles les parties à la transaction n’indiquent pas la valeur du bien grevé d’une hypothèque et dans celles dans lesquelles plusieurs biens immobiliers sont grevés d’une hypothèque par une seule transaction hypothécaire ;
- la réalisation des actes notariés, l’élaboration des projets de transactions, des consultations et des services techniques, dans les situations dans lesquelles une servitude est établie par un seul contrat pour plusieurs biens immobiliers ;
- la validation d’un contrat d’échange, dans les situations dans lesquelles des parties de plusieurs biens sont échangées par un contrat.
{2} Voir en ce sens : arrêt du 1er février 2017, Commission/Hongrie (C-392/15, EU:C:2017:73, points 119 et 120 ainsi que 125 à 127) ; arrêt du 24 mai 2011, Commission/France (C-50/08, EU:C:2011:335, point 97) ; arrêt du 1er décembre 2011, Commission/Pays-Bas (C-157/09, EU:C:2011:794, point 72).
{3} À savoir l’activité notariale d’authentification d’actes traduisant des engagements unilatéraux ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit, la constitution d’hypothèques, la simple apposition de la formule exécutoire ainsi que l’élaboration de projets de transactions, les consultations et la fourniture par les notaires de services techniques.
{4} Arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a. (C-309/99, EU:C:2002:98).
{5} Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).
Arrêt du 18 janvier 2024, Lietuvos notarų rūmai e.a. (C-128/21) (cf. points 42-44)
Voir texte de la décision.
Arrêt du 19 septembre 2024, Consiglio nazionale delle Ricerche (C-439/23) (cf. points 27, 28)
436. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux - Réglementation nationale constituant une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union - Compétence de la Cour
Saisie à titre préjudiciel par la Curtea de Apel Craiova (cour d’appel de Craiova, Roumanie), la Cour apporte des précisions sur les deux composantes « bis » et « idem » du principe ne bis in idem, énoncé à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »){1}, dans le contexte d’une affaire où les poursuites pénales ouvertes à l’encontre d’une personne dans le cadre d’une seconde procédure ont été clôturées en raison de l’existence d’une ordonnance de classement sans suite adoptée par un parquet, dans une première procédure, dont il ne ressort pas, avec évidence, que la situation juridique de cette personne en tant que responsable, sur le plan pénal, des faits constitutifs de l’infraction poursuivie, ait été examinée.
Le 30 avril 2015, lors d’une réunion de la société coopérative BX, la présidente de cette société, NR, aurait demandé à certains de ses employés de payer une somme d’argent dont elle était redevable, sous peine de résiliation de leurs contrats de travail. Sa demande n’ayant pas été satisfaite, elle a émis et signé des décisions de résiliation de ces contrats.
Les employés concernés ont alors introduit deux plaintes pénales contre NR, qui ont été respectivement enregistrées auprès du Parchetul de pe lângă Judecătoria Slatina (parquet près le tribunal de première instance de Slatina, Roumanie), sous la référence 673/P/2016, et auprès du Parchet de pe lângă Tribunalul Olt (parquet près le tribunal de grande instance d’Olt, Roumanie), sous la référence 47/P/2016.
Dans l’affaire 673/P/2016, après avoir engagé des poursuites pénale in rem pour l’infraction de chantage, le procureur en charge de cette affaire a adopté, sur le fondement du rapport de l’organe de police en charge de l’enquête, une ordonnance de classement sans suite (ci-après l’« ordonnance de classement sans suite en cause »). Cette ordonnance n’a pas été contestée par les plaignants dans les délais impartis. En outre, la demande de réouverture de la procédure formulée par le procureur en chef n’a pas été confirmée par la chambre préliminaire de la juridiction compétente.
Dans l’affaire 47/P/2016, des poursuites pénales ont été engagées in personam contre NR, pour l’infraction de corruption passive, qui ont abouti à l’adoption, par le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt, Roumanie), d’un jugement condamnant celle-ci à une peine privative de liberté avec sursis. À la suite d’un appel interjeté par NR, ce jugement a été annulé par la cour d’appel de Craiova, la juridiction de renvoi, par l’arrêt pénal nº 1207/2020, au motif d’une prétendue violation du principe ne bis in idem consacré à l’article 50 de la Charte.
Saisie d’un pourvoi en cassation formé par le Parchet de pe lângă Curtea de Apel Craiova (parquet près la cour d’appel de Craiova, Roumanie) contre ce dernier arrêt, l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie) a considéré, en substance, que c’était à tort que la juridiction de renvoi avait conclu à l’applicabilité du principe ne bis in idem, étant donné que l’ordonnance de classement sans suite en cause n’avait été précédée d’aucune appréciation portée sur le fond de l’affaire 673/P/2016 et n’avait pas été dûment motivée, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme ayant entraîné l’extinction de l’action publique. Cette juridiction a, dès lors, cassé l’arrêt pénal nº 1207/2020 et renvoyé l’affaire devant la juridiction de renvoi, pour réexamen.
Dans le cadre de ce réexamen, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur l’applicabilité du principe ne bis in idem consacré à l’article 50 de la Charte dans des circonstances telles que celles en cause au principal.
Appréciation de la Cour
La Cour rappelle que l’application du principe ne bis in idem est soumise à une double condition, à savoir, d’une part, qu’il y ait une décision antérieure définitive (condition « bis ») et, d’autre part, que les mêmes faits soient visés par la décision antérieure et par les poursuites ou les décisions postérieures (condition « idem »).
S’agissant de la condition « bis », pour qu’une personne puisse être considérée comme ayant fait l’objet d’un « jugement pénal définitif » pour les faits qui lui sont reprochés, au sens de l’article 50 de la Charte, il importe, en premier lieu, que l’action publique ait été définitivement éteinte, conformément au droit national. En l’occurrence, dans la mesure où, d’une part, l’ordonnance de classement sans suite en cause n’a pas été contestée par les plaignants au principal dans les délais impartis et, d’autre part, la demande de confirmation de la réouverture des poursuites pénales ordonnée par le procureur en chef du parquet près le tribunal de première instance de Slatina a été rejetée, il apparaît que, dans l’affaire 673/P/2016, l’action publique a été définitivement éteinte et que l’ordonnance de classement sans suite en cause est devenue définitive, sous réserve des vérifications auxquelles il incombe à la juridiction de renvoi de procéder.
En second lieu, pour qu’une personne puisse être considérée comme ayant fait l’objet d’un « jugement pénal définitif » pour les faits qui lui sont reprochés, au sens de l’article 50 de la Charte, il importe que la décision mettant fin aux poursuites pénales ait été adoptée à la suite d’une appréciation portée sur le fond de l’affaire et non pas sur le fondement de simples motifs procéduraux. En l’occurrence, la condition relative à l’appréciation du fond de l’affaire 673/P/2016 ne saurait être considérée comme étant satisfaite par l’ordonnance de classement sans suite en cause que pour autant que cette ordonnance contienne une appréciation portant sur des éléments matériels de l’infraction alléguée, tels que, notamment, l’analyse de la responsabilité pénale de NR, en tant qu’auteur présumé de cette infraction. Or, l’absence d’audition des témoins présents lors de la réunion de la société coopérative BX du 30 avril 2015 pourrait constituer un indice de l’absence d’une telle analyse, sous réserve des vérifications auxquelles il incombe à la juridiction de renvoi de procéder.
En ce qui concerne la condition « idem », il découle des termes mêmes de l’article 50 de la Charte que celui-ci interdit de poursuivre ou de sanctionner pénalement une même personne plus d’une fois pour une même infraction. À cet égard, la Cour précise que pour déterminer si une personne a fait l’objet d’un « jugement pénal définitif », au sens de cet article 50, il doit ressortir clairement de la décision adoptée à son égard que, lors de l’enquête ayant précédé cette décision, qu’elle ait été ouverte in rem ou in personam, la situation juridique de ladite personne, en tant que responsable sur le plan pénal des faits constitutifs des infractions poursuivies, a été examinée et, dans le cas d’une ordonnance de classement sans suite, écartée. Si tel n’est pas le cas, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, le principe ne bis in idem ne trouve pas à s’appliquer et, par conséquent, une telle personne ne saurait être considérée comme ayant été définitivement acquittée, au sens de l’article 50 de la Charte.
{1} En vertu de cette disposition, « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ».
Arrêt du 25 janvier 2024, Parchetul de pe lângă Curtea de Apel Craiova (C-58/22) (cf. points 40-42)
437. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Question visant l'interprétation de l'article 44 du règlement nº 987/2009 - Inapplicabilité de cette disposition dans le litige au principal - Absence de nécessité de l'interprétation sollicitée pour la solution dudit litige - Irrecevabilité
Saisie à titre préjudiciel par le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen (tribunal supérieur du contentieux social de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne), la Cour apporte des précisions quant à l’interprétation de l’article 21 TFUE dans un litige au principal concernant l’absence de prise en compte, par l’organisme d’assurance de retraite, aux fins du calcul du montant de la pension pour incapacité totale de travail, des périodes d’éducation d’enfants accomplies par la bénéficiaire de cette pension dans un autre État membre.
VA est une ressortissante allemande qui, de l’année 1962 à l’année 2010, a vécu aux Pays-Bas, à proximité de la frontière allemande.
Après avoir suivi une formation professionnelle en Allemagne, terminée au mois de juillet 1980, elle n’a pas exercé d’activité professionnelle dans ce dernier État membre ni aux Pays-Bas.
Entre le 15 novembre 1986 et le 31 mars 1999, VA a accompli des périodes d’éducation de ses deux enfants aux Pays-Bas sans exercer d’activité professionnelle (ci-après les « périodes litigieuses »). À cette époque, elle n’avait pas versé de cotisations au régime légal d’assurance retraite allemand.
Entre le mois d’avril 1999 et le mois d’octobre 2012, elle a occupé en Allemagne un emploi non assujetti à l’assurance obligatoire. À partir du mois d’octobre 2012, elle a exercé une activité rémunérée dans cet État membre, où elle a déménagé en 2010, et, dans ce cadre, a versé des cotisations au régime légal d’assurance retraite allemand.
Depuis le mois de mars 2018, la requérante au principal reçoit de la Deutsche Rentenversicherung Bund (organisme d’assurance de retraite fédéral, Allemagne) une pension pour incapacité totale de travail. Aux fins du calcul du montant de cette pension, outre les périodes durant lesquelles VA a cotisé au régime légal d’assurance retraite allemand, cet organisme a pris en compte celles au cours desquelles elle a suivi une formation professionnelle et une période d’emploi de deux mois accomplie en 1999, mais a refusé de prendre en compte les périodes litigieuses.
VA a attaqué ce refus en justice. Son recours ayant été rejeté en première instance, elle a interjeté appel devant la juridiction de renvoi.
Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a décidé de saisir la Cour de questions préjudicielles visant à savoir, en substance, si, dans une situation où une bénéficiaire de la pension ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par l’article 44, paragraphe 2, du règlement nº 987/2009{1}, l’article 21 TFUE, lu à la lumière de la jurisprudence issue de l’arrêt Reichel-Albert{2}, oblige l’État membre débiteur de cette pension à prendre en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans un autre État membre dans lequel la bénéficiaire a résidé durant de nombreuses années, même si cette bénéficiaire n’a pas versé de cotisations au régime d’assurance du premier État membre avant ni immédiatement après lesdites périodes d’éducation.
Appréciation de la Cour
Après avoir confirmé l’inapplicabilité de l’article 44, paragraphe 2, du règlement nº 987/2009 dans le litige au principal, la Cour relève que les enseignements de l’arrêt Reichel-Albert sont transposables en l’espèce.
La Cour en déduit que l’article 21 TFUE fait obligation à l’État membre débiteur de la pension en cause de prendre en compte, aux fins de l’octroi de cette pension, les périodes d’éducation d’enfants effectuées par la personne concernée dans un autre État membre dès lors qu’il est établi qu’il existe un lien suffisant entre lesdites périodes d’éducation d’enfants et les périodes d’assurance accomplies par cette personne du fait de l’exercice d’une activité professionnelle dans le premier État membre.
L’existence d’un tel « lien suffisant » doit être considérée comme établie lorsque la personne concernée a exclusivement accompli des périodes d’assurance, au titre de périodes de formation ou d’activité professionnelle, dans l’État membre débiteur de sa pension, tant avant qu’après l’accomplissement des périodes d’éducation de ses enfants dans un autre État membre.
La Cour conclut ensuite de l’article 1er, sous t), du règlement nº 883/2004{3}, également pertinent dans le contexte de l’interprétation de l’article 21 TFUE, que les États membres peuvent prévoir, dans leur législation nationale, que certaines périodes de la vie d’une personne, au cours desquelles elle n’a pas exercé d’activité salariée ou non salariée soumise à l’assurance obligatoire et n’a donc pas versé de cotisations, sont assimilées à des « périodes d’assurance » accomplies dans l’État membre concerné.
En pareil cas, la circonstance que la personne concernée n’ait pas versé de cotisations dans cet État membre durant les périodes ainsi assimilées, par sa législation nationale, à de telles périodes d’assurance n’est pas de nature à écarter l’existence d’un lien suffisant entre les périodes d’éducation d’enfants accomplies par cette personne dans un autre État membre et les périodes d’assurance accomplies dans le premier État membre.
À cet égard, il apparaît, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, qu’il existe, dans l’affaire au principal, un lien suffisant entre les périodes d’éducation d’enfants effectuées par VA aux Pays-Bas et les périodes d’assurance qu’elle a accomplies exclusivement en Allemagne tant avant ces périodes d’éducation, s’agissant des périodes de formation assimilées par le droit allemand à des périodes d’assurance, qu’après ces mêmes périodes, s’agissant des périodes d’emploi, et ce en dépit du fait que cette personne n’a pas versé de cotisations dans ce dernier État membre avant ni immédiatement après lesdites périodes d’éducation.
Selon la Cour, dans une situation telle que celle en cause au principal, la durée de la période de résidence de la personne concernée dans l’État membre dans lequel celle-ci s’est consacrée à l’éducation de ses enfants est indifférente.
Par conséquent, dans une telle situation, l’État membre débiteur de la pension en cause au principal ne saurait, sous peine de désavantager ses ressortissants nationaux ayant fait usage de leur liberté de circulation et de méconnaître ainsi l’article 21 TFUE, exclure la prise en compte de périodes d’éducation d’enfants au seul motif que celles-ci ont été accomplies dans un autre État membre. Partant, l’État membre débiteur de cette pension est tenu, au titre de cette disposition, de prendre en compte, aux fins de l’octroi de cette pension, ces périodes d’éducation en dépit du fait que cette personne n’a pas versé de cotisations dans ce premier État membre avant ni immédiatement après lesdites périodes d’éducation.
{1} L’article 44 du règlement (CE) nº 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) nº 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1) régit la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants.
{2} Arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert (C-522/10, EU:C:2012:475). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que, dans une situation où une personne a temporairement installé sa résidence dans un État membre autre que son État membre d’origine, l’article 21 TFUE oblige l’institution compétente de l’État d’origine à prendre en compte, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, les périodes consacrées à l’éducation d’un enfant, accomplies dans un autre État membre, comme si ces périodes avaient été accomplies sur son territoire national, par une personne qui n’a exercé des activités professionnelles que dans ce premier État membre et qui, au moment de la naissance de ses enfants, avait temporairement cessé de travailler et établi sa résidence, pour des motifs strictement familiaux, sur le territoire du second État membre.
{3} L’article 1er, sous t), du règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1) définit le terme « période d’assurance » comme les périodes de cotisation, d’emploi ou d’activité non salariée telles qu’elles sont définies ou admises comme périodes d’assurance par la législation sous laquelle elles ont été accomplies ou sont considérées comme accomplies, ainsi que toutes les périodes assimilées dans la mesure où elles sont reconnues par cette législation comme équivalant aux périodes d’assurance.
Arrêt du 22 février 2024, Deutsche Rentenversicherung Bund (C-283/21) (cf. points 33, 36-38)
438. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions concernant le respect des exigences inhérentes à un tribunal indépendant et impartial - Absence de doute sur l'indépendance et l'impartialité de la juridiction dans le litige au principal - Absence de nécessité de l'interprétation sollicitée pour la solution dudit litige - Irrecevabilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 avril 2024, OT e.a. (Suppression d’un Tribunal) (C-634/22) (cf. points 40-42 et disp.)
439. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation concernant les parties - Insuffisance de précision sur ledit contexte factuel - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 17 mai 2024, VGG (C-190/23) (cf. points 31-34, 40-43, disp. 1)
440. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de dispositions du droit de l'Union manifestement inapplicables dans le litige au principal - Inapplicabilité de l'article 56 TFUE à l'égard d'une société établie dans un État tiers, en l'absence d'accord international le prévoyant - Accord CE-Suisse sur la libre circulation des personnes ne permettant pas d'assimiler cette société à un prestataire établi sur le territoire d'un État membre - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 17 mai 2024, VGG (C-190/23) (cf. points 52-54, disp. 2)
441. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la charte des droits fondamentaux et de principes généraux du droit de l'Union - Réglementation nationale n'entrant pas dans le champ d'application du droit de l'Union et ne mettant pas en œuvre ce dernier - Incompétence de la Cour
Ordonnance du 17 mai 2024, VGG (C-190/23) (cf. points 56-60, disp. 3)
442. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Questions manifestement dénuées de pertinence et questions hypothétiques posées dans un contexte excluant une réponse utile - Questions concernant la conformité au droit de l'Union du régime des délégations de juges - Instruction donnée par une juridiction supérieure, incluant des juges délégués, à une juridiction de première instance de statuer sur les dépens - Compétence des juridictions nationales pour apprécier la légalité de la composition de la formation de jugement d'une juridiction supérieure - Absence - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 27 mai 2024, Y.Ya. (Délégation de juges) (C-797/21) (cf. points 30-34)
443. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Questions posées dans un contexte excluant une réponse utile - Non-suspension de la procédure pendante devant la juridiction de renvoi dans l'attente de la réponse de la Cour - Poursuite de cette procédure pour effectuer des actes de procédure portant sur des aspects liés aux questions posées - Actes susceptibles d'empêcher la juridiction de renvoi de se conformer à l'interprétation demandée à la Cour - Non-lieu à statuer
Voir texte de la décision.
444. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte réglementaire - Absence d'identification des dispositions du droit de l'Union, aux fins d'interprétation, nécessaires à la solution du litige au principal - Irrecevabilité
Ordonnance du 17 juin 2024, Obshtina Burgas e.a. (C-599/23) (cf. points 38, 39)
445. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et le lien de rattachement entre le litige au principal et les dispositions de droit de l'Union visées par les questions préjudicielles - Absence de précisions suffisantes - Questions posées dans un contexte excluant une réponse utile - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 20 juin 2024, Lamaro Appalti (C-463/23) (cf. points 23-34, 41-49 et disp.)
446. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation de la convention européenne des droits de l'homme - Objet du litige national ne présentant aucun élément de rattachement au droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 24 juin 2024, Zarębala (C-64/24) (cf. points 14-23 et disp.)
447. Questions préjudicielles - Recevabilité - Demande visant l'interprétation d'une directive soulevée dans le cadre d'un litige opposant des particuliers à un établissement industriel d'intérêt stratégique national - Litige au principal portant sur des règles spéciales adoptées à l'égard dudit établissement et relevant du champ d'application de la directive visée par la demande préjudicielle - Recevabilité de la demande préjudicielle
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie), la Cour, réunie en grande chambre, précise les conditions d’autorisation d’exploitation d’une installation au titre de la directive 2010/75 relative aux émissions industrielles{1}.
L’usine sidérurgique Ilva (ci-après l’« usine Ilva ») est située dans la commune de Tarente (Italie) et exploitée sur la base d’une « autorisation environnementale intégrée » accordée en 2011.
En dépit d’une mise sous séquestre en 2012, cette usine a été autorisée, en vertu de règles dérogatoires spéciales, à poursuivre son activité de production pendant une durée de 36 mois à condition de respecter un plan de mesures environnementales et sanitaires. La date butoir pour le respect de ce plan a été différée à plusieurs reprises, sur une période totale de plusieurs années, alors que l’activité en cause présentait des dangers graves et importants pour l’intégrité de l’environnement et de la santé des populations avoisinantes.
Dans ce contexte, les requérants, qui font valoir les droits d’environ 300 000 habitants de la commune de Tarente et des communes limitrophes, ont saisi la juridiction de renvoi d’une action collective visant, notamment, la cessation de l’exploitation de l’usine Ilva ou de certaines parties de celle-ci en raison de la pollution causée par ses émissions industrielles et des dommages qui en résultent pour la santé humaine.
Dans la mesure où la réglementation italienne ne conditionne pas la délivrance ou le réexamen d’une autorisation d’exploitation industrielle à l’évaluation préalable des incidences de l’installation sur la santé humaine, la juridiction de renvoi a décidé d’interroger la Cour sur la nécessité d’une telle évaluation, sur la portée de l’examen des autorités compétentes ainsi que sur le délai accordé à l’exploitant d’une installation pour se conformer aux conditions fixées dans l’autorisation délivrée.
Appréciation de la Cour
Premièrement, en ce qui concerne la nécessité de procéder à une évaluation englobant les incidences de l’activité de l’installation en cause sur la santé humaine, la Cour rappelle que la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement ainsi que la protection de la santé humaine sont deux composantes étroitement liées de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement. En établissant des règles concernant la prévention et la réduction intégrées de la pollution due aux activités industrielles, la directive 2010/75 concrétise les obligations de l’Union en matière de protection de l’environnement et de la santé humaine découlant, notamment, de l’article 191 TFUE, contribuant par là même à la sauvegarde du droit de tout un chacun de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être. La Cour renvoie, à cet égard, aux articles 35 et 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et constate le lien étroit existant entre la protection de l’environnement et celle de la santé humaine.
Parmi les conditions d’autorisation d’exploitation prévues par cette directive figure l’obligation pour l’exploitant de prendre toutes les mesures de prévention appropriées contre la « pollution » ainsi que des mesures de surveillance des émissions dans l’environnement. Cet exploitant doit également s’assurer que son exploitation ne cause aucune « pollution importante ». En outre, les conditions d’autorisation sont réexaminées lorsque la « pollution » causée par l’installation le justifie. La périodicité de ce réexamen doit être adaptée à l’étendue et à la nature de l’installation et tenir notamment compte des spécificités locales de l’endroit où se développe l’activité industrielle, et en particulier la proximité d’habitations.
À cet égard, la Cour relève que la notion de « pollution », mentionnée dans la directive 2010/75, inclut les atteintes portées, ou susceptibles de l’être, tant à l’environnement qu’à la santé humaine. Ce lien étroit qui existe entre la protection de la qualité de l’environnement et celle de la santé humaine est, du reste, corroboré, outre par les dispositions du droit primaire de l’Union, par plusieurs dispositions de la directive 2010/75 ainsi que par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. S’agissant précisément de la pollution causée par l’usine Ilva, cette dernière juridiction a ainsi constaté la violation du droit des requérants au respect de la vie privée et familiale en se fondant sur les effets polluants des émissions de cette usine tant sur l’environnement que sur la santé des personnes{2}.
Il s’ensuit que l’exploitant d’une installation relevant du champ d’application de la directive 2010/75 doit, dans sa demande d’autorisation, fournir les informations adéquates concernant les émissions provenant de son installation puis, tout au long de la période d’exploitation, assurer le respect des obligations et mesures prévues par cette directive, à travers une évaluation continue des incidences des activités de l’installation tant sur l’environnement que sur la santé humaine.
De même, il incombe aux autorités nationales compétentes de prévoir qu’une telle évaluation fasse partie intégrante des procédures de délivrance et de réexamen d’une autorisation d’exploitation et constitue une condition préalable à la délivrance ou au réexamen de cette autorisation. Lorsque cette évaluation fait apparaître des résultats montrant le caractère inacceptable du danger pour la santé d’une population nombreuse exposée à des émissions polluantes, l’autorisation concernée doit faire l’objet d’un réexamen à bref délai. Or, en l’occurrence, l’incidence sur l’environnement et la santé humaine de substances polluantes émanant de l’usine Ilva, à savoir des particules fines PM2,5 et PM10, du cuivre, du mercure et du naphtalène provenant de sources diffuses, n’aurait pas été évaluée dans le cadre des autorisations environnementales en cause.
Deuxièmement, en ce qui concerne la portée de l’évaluation incombant aux autorités compétentes, ces dernières doivent prendre en compte, outre les substances polluantes prévisibles eu égard à la nature et au type d’activité industrielle concernée, toutes les substances faisant l’objet d’émissions scientifiquement reconnues comme étant nocives qui sont susceptibles d’être émises par l’installation concernée, en quantités significatives, étant donné leur nature et leur potentiel de transferts de pollution d’un milieu à l’autre. Conformément au principe de prévention, la détermination de la quantité de substances polluantes dont l’émission peut être autorisée doit être liée au degré de nocivité des substances concernées.
Partant, l’exploitant d’une installation est tenu de fournir, dans sa demande d’autorisation d’exploitation, des informations relatives à la nature, à la quantité et à l’effet néfaste potentiel des émissions susceptibles d’être produites par ladite installation, afin que les autorités compétentes puissent fixer des valeurs limites concernant ces émissions, à la seule exception de celles qui, par leur nature ou leur quantité, ne sont pas susceptibles de constituer un risque pour l’environnement ou la santé humaine.
La procédure de réexamen d’une autorisation ne saurait se borner, quant à elle, à fixer des valeurs limites pour les seules substances polluantes dont l’émission était prévisible et a été prise en considération lors de la procédure d’autorisation initiale. À cet égard, il convient de tenir compte de l’expérience tirée de l’exploitation de l’installation concernée et, partant, des émissions effectivement constatées. Si le respect des normes de qualité environnementale requiert que des valeurs limites d’émission plus strictes soient imposées à l’installation concernée, des mesures supplémentaires doivent alors être ajoutées dans l’autorisation sans préjudice d’autres mesures pouvant être prises pour respecter lesdites normes.
Troisièmement, quant au délai accordé à l’exploitant d’une installation pour se conformer à l’autorisation d’exploitation, la Cour indique, à titre liminaire, que, pour les installations telles que l’usine Ilva, les autorités compétentes nationales avaient, en vertu de la directive 2010/75, jusqu’au 28 février 2016 pour adapter les conditions d’autorisation aux nouvelles techniques disponibles. En cas d’infraction aux conditions d’autorisation d’exploitation d’une installation, les États membres sont tenus, au titre de cette directive, de prendre les mesures nécessaires pour garantir immédiatement le respect de ces conditions.
Au vu de ces considérations, la Cour conclut que la directive 2010/75 s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le délai accordé à l’exploitant d’une installation pour se conformer aux mesures de protection de l’environnement et de la santé humaine prévues par l’autorisation d’exploitation de cette installation a fait l’objet de prolongations répétées, alors que des dangers graves et importants pour l’intégrité de l’environnement et de la santé humaine ont été mis en évidence. Elle ajoute que, lorsque l’activité présente de tels dangers, l’exploitation de l’installation concernée est, conformément à cette directive, suspendue.
{1} Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO 2010, L 334, p. 17, et rectificatif JO 2012, L 158, p. 25).
{2} Cour EDH, 24 janvier 2019, Cordella e.a. c. Italie, CE:ECHR:2019:0124JUD005441413.
Arrêt du 25 juin 2024, Ilva e.a. (C-626/22) (cf. points 56-64)
448. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Obligation des États membres d'établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective - Questions concernant une juridiction nationale susceptible de statuer sur des questions portant sur l'interprétation ou l'application du droit de l'Union - Inclusion
La grande chambre de la Cour juge inconciliable avec les exigences inhérentes au droit à une protection juridictionnelle effective ainsi qu’à un procès équitable un mécanisme interne à une juridiction nationale prévoyant l’intervention, dans le processus décisionnel de la formation de jugement en charge d’une affaire, d’autres juges de la juridiction concernée, en vue d’assurer la cohérence de sa jurisprudence.
La Cour a été interrogée à ce sujet par le Visoki trgovački sud (cour d’appel de commerce, Croatie), saisi de trois appels contre des ordonnances rendues dans le cadre de procédures d’insolvabilité. La juridiction de renvoi, siégeant dans des formations de jugement à trois juges, a examiné ces trois appels et les a rejetés à l’unanimité, confirmant ainsi les décisions rendues en première instance. Les juges de cette juridiction ont signé leurs jugements et les ont transmis par la suite au service de l’enregistrement des décisions juridictionnelles de celle-ci{1}.
Or, le juge du service de l’enregistrement (ci-après le « juge de l’enregistrement ») a refusé d’enregistrer ces trois décisions juridictionnelles et les a renvoyées aux formations de jugement respectives, accompagnées d’une lettre indiquant qu’il ne partageait pas les solutions retenues. Dans deux de ces affaires (C 554/21 et C 622/21), ce juge a mentionné d’autres décisions de la juridiction de renvoi adoptant des solutions différentes de celles retenues dans les affaires au principal. Dans la troisième affaire (C 727/21), il a indiqué son désaccord avec l’interprétation juridique retenue par la formation de jugement, sans toutefois invoquer une quelconque décision juridictionnelle.
Par la suite, dans l’affaire C 727/21, la formation de jugement s’est réunie pour de nouvelles délibérations. Après avoir réexaminé l’appel et l’avis du juge de l’enregistrement, elle a décidé de ne pas modifier sa précédente solution. Elle a donc rendu une nouvelle décision juridictionnelle et a transmis celle-ci au service de l’enregistrement.
Privilégiant une solution juridique différente, le juge de l’enregistrement a transmis ladite affaire au principal à la section du contentieux commercial et autres litiges de la juridiction de renvoi. Cette section a ensuite adopté une « position juridique », dans laquelle elle a retenu la solution privilégiée par le juge de l’enregistrement. La même affaire au principal a ensuite été renvoyée devant la formation de jugement concernée pour que celle-ci statue conformément à cette « position juridique ».
Nourrissant des doutes quant à la conformité au droit de l’Union du mécanisme prévoyant l’intervention, dans son processus décisionnel, du juge de l’enregistrement et d’autres juges d’une juridiction adoptant des « positions juridiques », la juridiction de renvoi a décidé de saisir la Cour à titre préjudiciel.
Appréciation de la Cour
La Cour souligne, tout d’abord, que toute mesure ou pratique nationale visant à éviter des divergences jurisprudentielles ou à y remédier et à assurer ainsi la sécurité juridique inhérente au principe de l’État de droit doit être conforme aux exigences découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.
En premier lieu, elle examine, au regard de ces exigences, la pratique en vertu de laquelle la décision juridictionnelle adoptée par la formation de jugement en charge de l’affaire ne peut être considérée comme étant définitive et être expédiée aux parties que si son contenu a été approuvé par un juge de l’enregistrement ne faisant pas partie de cette formation de jugement.
À cet égard, elle fait observer que, si le juge de l’enregistrement ne peut pas substituer son appréciation à celle de la formation de jugement en charge de l’affaire, il peut, de fait, bloquer l’enregistrement de la décision juridictionnelle adoptée et, ainsi, faire obstacle à l’aboutissement du processus décisionnel et à la notification de cette décision aux parties. Il peut alors renvoyer l’affaire à cette formation de jugement pour un réexamen de ladite décision à la lumière de ses propres observations juridiques et, en cas de persistance d’un désaccord avec ladite formation de jugement, inviter le président de la section concernée à convoquer une réunion de section aux fins de l’adoption, par cette dernière, d’une « position juridique » qui s’imposera, notamment, à la même formation de jugement. Une telle pratique a pour effet de permettre l’ingérence du juge de l’enregistrement dans l’affaire concernée, cette ingérence pouvant conduire à ce que ce juge influence la solution définitive qui sera adoptée dans cette affaire.
Or, premièrement , la réglementation nationale en cause au principal ne paraît pas prévoir une intervention de cette nature du juge de l’enregistrement. Deuxièmement , cette intervention survient après que la formation de jugement à laquelle l’affaire concernée a été attribuée a adopté, à l’issue de ses délibérations, sa décision juridictionnelle, alors même que ce juge n’appartient pas à cette formation de jugement et n’a donc pas participé aux étapes antérieures de la procédure ayant débouché sur cette prise de décision. Troisièmement , le pouvoir d’intervention du juge de l’enregistrement ne semble pas même être encadré par des critères objectifs clairement énoncés, reflétant une justification particulière et propres à éviter l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.
Compte tenu de ces circonstances, la Cour juge que l’intervention de ce juge de l’enregistrement n’est pas conciliable avec les exigences inhérentes au droit à une protection juridictionnelle effective.
En second lieu, la Cour examine la réglementation nationale qui permet à une réunion de section d’une juridiction nationale de contraindre, par l’émission d’une « position juridique », la formation de jugement en charge de l’affaire à modifier le contenu de la décision juridictionnelle que celle-ci a préalablement adoptée, alors que cette réunion de section comprend également des juges autres que ceux de cette formation de jugement ainsi que, le cas échéant, des personnes extérieures à la juridiction concernée devant lesquels les parties n’ont pas la possibilité de faire valoir leurs arguments.
À cet égard, elle relève que l’intervention de la réunion de section permet, de fait, l’ingérence, dans la solution définitive d’une affaire préalablement délibérée et décidée par la formation de jugement compétente, mais non encore enregistrée et expédiée, d’un ensemble de juges participant à cette réunion de section. En effet, la perspective, pour cette formation de jugement, de voir, en cas de maintien de sa part d’un point de vue juridique opposé à celui du juge de l’enregistrement, sa décision juridictionnelle soumise au contrôle d’une réunion de section, de même que l’obligation, pour ladite formation de jugement, de respecter, après des délibérations pourtant terminées, la « position juridique » qui aurait été définie par cette réunion de section sont de nature à influer sur le contenu final de cette décision.
Or, d’une part, il n’apparaît pas que le pouvoir d’intervention de la réunion de section en cause au principal soit suffisamment encadré par des critères objectifs et appliqués tels quels. En particulier, il ne ressort pas de la disposition prévoyant la convocation d’une réunion de section{2} que cette réunion peut être convoquée, comme dans l’affaire C 727/21, simplement au motif que le juge de l’enregistrement ne partageait pas le point de vue juridique de la formation de jugement compétente. D’autre part, la convocation d’une réunion de section et l’émission par celle-ci d’une « position juridique » contraignante, notamment, pour la formation de jugement en charge de cette affaire, ne sont pas portées à la connaissance des parties à quelque moment que ce soit. Ces parties ne semblent ainsi pas disposer de la possibilité d’exercer leurs droits procéduraux devant une telle réunion de section.
Eu égard à ces éléments, la Cour juge que la réglementation nationale en cause n’est pas conciliable avec les exigences inhérentes au droit à une protection juridictionnelle effective ainsi qu’à un procès équitable.
La Cour précise encore que, afin d’éviter des divergences jurisprudentielles ou d’y remédier et d’assurer ainsi la sécurité juridique inhérente au principe de l’État de droit, un mécanisme procédural qui permet à un juge d’une juridiction nationale ne siégeant pas dans la formation de jugement compétente de renvoyer une affaire devant une formation élargie de cette juridiction ne méconnaît pas les exigences découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, à condition que l’affaire n’ait pas encore été prise en délibéré par la formation de jugement initialement désignée, que les circonstances dans lesquelles un tel renvoi peut être opéré soient clairement énoncées dans la législation applicable et que ledit renvoi ne prive pas les personnes concernées de la possibilité de participer à la procédure devant cette formation de jugement élargie. En outre, la formation de jugement initialement désignée peut toujours décider d’un tel renvoi.
{1} Conformément à l’article 177, paragraphe 3, du Sudski poslovnik (règlement de procédure des tribunaux) lequel énonce : « Devant une juridiction de deuxième instance, une affaire est réputée clôturée à la date de l’expédition de la décision à partir du bureau du juge concerné, après le retour de cette affaire du service de l’enregistrement. À compter de la date de la réception du dossier concerné, le service de l’enregistrement est tenu de le renvoyer au bureau de ce juge dans un délai aussi bref que possible. Il est procédé par la suite à l’expédition de cette décision dans un nouveau délai de huit jours. »
{2}L’article 40, paragraphe 1, du Zakon o sudovima (loi relative à l’organisation juridictionnelle) prévoit qu’une réunion d’une section ou de juges est convoquée lorsqu’il est constaté qu’il existe des différences d’interprétation entre des sections, des chambres ou des juges sur des questions relatives à l’application de la loi ou lorsqu’une chambre ou un juge d’une section s’écarte de la position juridique retenue antérieurement.
Arrêt du 11 juillet 2024, Hann-Invest (C-554/21, C-622/21 et C-727/21) (cf. points 35-38)
Voir texte de la décision.
449. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation d'un accord international conclu par l'Union faisant ainsi partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union - Inclusion - Accords internationaux conclus entre des États membres et des États tiers - Exclusion - Exception - compétences précédemment exercées par les États membres
Arrêt du 11 juillet 2024, Eurobank Bulgaria (C-409/22) (cf. points 50, 51)
450. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Portée - Procédure de nomination des juges de l'Union - Procédure nationale de proposition d'un candidat aux fonctions de juge du Tribunal de l'Union européenne - Demande d'interprétation des exigences prévues par les traités pour la nomination des juges du Tribunal - Inclusion
Saisie à titre préjudiciel par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), la grande chambre de la Cour se prononce sur l’incidence des dispositions des traités régissant la nomination des juges du Tribunal de l’Union européenne{1} sur la procédure nationale de proposition d’un candidat à l’exercice de ces fonctions.
En 2016, M. Valančius a été nommé juge du Tribunal. Après la fin de son mandat en août 2019, il a continué à exercer ses fonctions{2}. En 2021, une procédure a été arrêtée en vue de la sélection d’un candidat aux fonctions de juge du Tribunal{3}. Conformément à cette procédure, un groupe de travail composé majoritairement d’experts indépendants a établi une liste de mérite de candidats, triés par ordre décroissant en fonction du score obtenu. M. Valančius était le candidat le mieux classé sur cette liste.
En 2022, le gouvernement lituanien a décidé de proposer en tant que candidat aux fonctions de juge du Tribunal la personne inscrite en deuxième position sur ladite liste. Après un avis défavorable sur ce candidat rendu par le comité prévu à l’article 255 TFUE, ce gouvernement a décidé de proposer la candidature de la personne inscrite en troisième position sur la même liste. En 2023, cette dernière personne a été nommée juge du Tribunal.
M. Valančius a contesté la légalité des décisions de proposition prises par le gouvernement lituanien devant la juridiction de renvoi, en demandant, notamment, d’enjoindre à ce gouvernement de rouvrir la procédure de proposition et de soumettre le nom du candidat le mieux classé sur la liste de mérite.
C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi a demandé à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions des traités régissant la nomination des juges du Tribunal.
Appréciation de la Cour
S’agissant de sa compétence pour statuer sur la demande de décision préjudicielle, la Cour note que, en vertu du droit de l’Union{4}, la procédure de nomination d’un juge du Tribunal s’articule en trois étapes. Dans une première étape, le gouvernement de l’État membre concerné propose un candidat aux fonctions de juge du Tribunal en transmettant cette proposition au secrétariat général du Conseil. Dans une deuxième étape, le comité prévu à l’article 255 TFUE donne un avis sur l’adéquation de ce candidat à l’exercice des fonctions de juge du Tribunal, eu égard aux exigences prévues à l’article 254, deuxième alinéa, TFUE. Dans une troisième étape, qui fait suite à la consultation de ce comité, les gouvernements des États membres, par le biais de leurs représentants, procèdent à la nomination dudit candidat en tant que juge du Tribunal, par une décision prise d’un commun accord sur proposition du gouvernement de l’État membre concerné. Ainsi, la décision de proposition d’un candidat aux fonctions de juge du Tribunal, prise par le gouvernement d’un État membre, constitue la première étape de la procédure de nomination régie par l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et l’article 254, deuxième alinéa, TFUE et relève donc, à ce titre, du champ d’application de ces dispositions. Dans ces conditions, l’interprétation de ces dispositions relève manifestement de la compétence préjudicielle de la Cour.
S’agissant du fond des questions préjudicielles posées, la Cour souligne que l’exigence d’indépendance des juridictions concrétise une des valeurs fondamentales de l’Union et de ses États membres consacrées à l’article 2 TUE, qui définissent l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun et dont le respect s’impose tant à l’Union qu’aux États membres. Dès lors que cette exigence, qui comporte deux aspects, l’indépendance au sens strict et l’impartialité, est inhérente à la mission de juger et que l’article 19 TUE confie conjointement à la Cour de justice de l’Union européenne et aux juridictions nationales la charge d’assurer le contrôle juridictionnel dans l’ordre juridique de l’Union, elle s’impose tout autant au niveau de l’Union, notamment pour les juges du Tribunal, qu’au niveau des États membres, pour les juridictions nationales.
Par ailleurs, la Cour rappelle que l’exigence tenant à un tribunal établi préalablement par la loi est intimement liée, notamment, à l’exigence d’indépendance en ce sens que l’une comme l’autre tendent au respect des principes fondamentaux que sont la prééminence du droit et la séparation des pouvoirs, principes qui sont essentiels à l’État de droit dont la valeur est affirmée à l’article 2 TUE. Or, l’exigence tenant à un tribunal établi préalablement par la loi englobe, par sa nature même, le processus de nomination des juges, étant précisé que l’indépendance d’un tribunal se mesure, notamment, à la manière dont ses membres ont été nommés.
À cet égard, les conditions de fond et les modalités procédurales relatives à la nomination des juges du Tribunal doivent permettre d’exclure tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant au fait qu’ils satisfont aux exigences prévues à l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et à l’article 254, deuxième alinéa, TFUE, lesquelles ont trait à la fois aux « garanties d’indépendance » et à la « capacité requise pour l’exercice de hautes fonctions juridictionnelles ». À cette fin, il est notamment nécessaire de garantir l’intégrité de l’ensemble de la procédure de nomination des juges du Tribunal et, par conséquent, du résultat de celle-ci à chaque étape dont cette procédure est composée.
Ainsi, s’agissant, tout d’abord, de l’étape nationale de proposition d’un candidat aux fonctions de juge du Tribunal, la Cour relève, d’une part, que, en l’absence, dans le droit de l’Union, de dispositions spécifiques à cet effet, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales de proposition d’un tel candidat, pour autant que ces modalités ne puissent pas faire naître, dans l’esprit des justiciables, des doutes légitimes quant au respect, par le candidat proposé, des exigences prévues à l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et à l’article 254, deuxième alinéa, TFUE. À cet égard, la circonstance que des représentants des pouvoirs législatif ou exécutif interviennent dans le processus de nomination des juges n’est pas en soi de nature à susciter de tels doutes légitimes dans l’esprit des justiciables. Cela étant, l’intervention d’organes consultatifs indépendants ainsi que l’existence, dans le droit national, d’une obligation de motivation sont susceptibles de contribuer à une plus grande objectivité du processus de nomination, en encadrant le pouvoir d’appréciation dont peut disposer l’institution investie du pouvoir de nomination.
D’autre part, s’agissant des conditions de fond prévues pour la sélection et la proposition des candidats aux fonctions de juge du Tribunal, la Cour souligne que les États membres, tout en disposant d’une large marge d’appréciation pour définir ces conditions, doivent toutefois veiller, quelles que soient les modalités procédurales retenues à cette fin, à garantir que les candidats proposés satisfont aux exigences d’indépendance et de capacité professionnelle prévues à l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et à l’article 254, deuxième alinéa, TFUE.
Ensuite, la Cour souligne que la vérification de l’adéquation des candidats proposés par les États membres à l’exercice des fonctions de juge du Tribunal au regard de ces exigences relève également de la responsabilité du comité prévu à l’article 255 TFUE. En effet, aux fins de l’adoption de son avis sur cette adéquation, ce comité doit vérifier que le candidat proposé satisfait aux exigences d’indépendance et de capacité professionnelle qui sont requises par les traités pour exercer les fonctions de juge du Tribunal.
Dans ce contexte, la Cour précise que, si l’existence d’une procédure de sélection ouverte, transparente et rigoureuse est un élément pertinent dans le cadre de la vérification du respect de ces exigences par le candidat proposé, l’absence d’une telle procédure ne constitue, en revanche, pas, en tant que telle, un motif permettant de jeter le doute sur un tel respect. Aux fins d’une telle vérification, le comité prévu à l’article 255 TFUE peut demander au gouvernement dont émane la proposition de lui transmettre des informations complémentaires ou d’autres éléments qu’il juge nécessaires à ses délibérations.
Enfin, la Cour indique que la tâche de garantir le respect des exigences prévues à l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et à l’article 254, deuxième alinéa, TFUE incombe également aux gouvernements des États membres, par le biais de leurs représentants, lorsqu’ils décident, eu égard à l’avis émis par le comité prévu à l’article 255 TFUE, de nommer en tant que juge du Tribunal le candidat proposé par l’un de ces gouvernements. En effet, une fois nommé, ce candidat devient juge de l’Union et ne représente pas l’État membre qui l’a proposé.
Eu égard à ces considérations, la Cour conclut que, lorsqu’un État membre a établi une procédure de sélection des candidats aux fonctions de juge du Tribunal dans le cadre de laquelle un groupe composé majoritairement d’experts indépendants est chargé d’évaluer ces candidats, d’établir une liste de mérite de ceux d’entre eux qui remplissent les exigences prévues à l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et à l’article 254, deuxième alinéa, TFUE et d’indiquer, à titre de recommandation, le candidat le mieux classé sur cette liste, le seul fait que le gouvernement de cet État membre a décidé de proposer un candidat figurant sur ladite liste autre que le candidat le mieux classé n’est pas, en soi, suffisant pour conclure que cette proposition est de nature à susciter des doutes légitimes quant au respect de ces exigences par le candidat proposé. Par ailleurs, le fait que le comité prévu à l’article 255 TFUE a exprimé un avis favorable sur le candidat proposé par le gouvernement national qui était inscrit en troisième position sur la même liste est de nature à confirmer que la décision des gouvernements des États membres de nommer ce candidat est conforme aux exigences précitées.
{1} Article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE et article 254, deuxième alinéa, TFUE.
{2} En application de l’article 5, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
{3} Pretendento į Europos Sąjungos Bendrojo Teismo teisėjus atrankos tvarkos aprašas (description de la procédure de sélection d’un candidat aux fonctions de juge du Tribunal de l’Union européenne), dans sa version applicable au litige au principal, arrêtée par le décret nº 1R-65 du ministre de la Justice de la République de Lituanie, du 9 mars 2021.
{4} Notamment, selon l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE, l’article 254, deuxième alinéa, TFUE et l’article 255 TFUE.
Arrêt du 29 juillet 2024, Valančius (C-119/23) (cf. points 28-34)
451. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Compétence du juge national - Établissement et appréciation des faits du litige - Nécessité d'une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national - Questions manifestement pertinentes, non hypothétiques et réponse utile
Voir texte de la décision.
Arrêt du 5 septembre 2024, W. GmbH (C-67/23) (cf. points 43-46)
452. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Interprétation de dispositions de portée générale d'une décision prévoyant l'interruption ou la réduction, en tout ou en partie, des relations économiques et financières avec un ou plusieurs pays tiers - Portée - Dispositions relevant des mesures nécessaires pour donner effet à ladite décision - Absence de mise en œuvre par le Conseil - Dispositions servant de fondement à une mesure nationale de sanction prise à l'égard d'un tiers - Inclusion
Saisie à titre préjudiciel par le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie), la Cour précise la portée des limitations de sa compétence dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC){1}. Par ailleurs, elle se prononce sur le champ d’application de l’interdiction de fournir des services de courtage en rapport avec des équipements militaires prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 2014/512/PESC{2}, relative aux mesures restrictives adoptées par le Conseil de l’Union européenne eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine.
La société roumaine Neves 77 Solutions SRL (ci-après « Neves ») a pour activité principale le courtage dans la vente de produits dans le domaine de l’aviation.
En 2019, Neves a conclu avec la société ukrainienne SFTE Spetstechnoexport (ci-après « SFTE ») un contrat portant sur le transfert des droits de propriété de 32 stations radio devant être livrées aux Émirats arabes unis. Après avoir acheté à une société portugaise ces stations radio, dont 20 ont été fabriquées en Russie et exportées aux Émirats arabes unis, Neves les a transférées, à la demande de SFTE, à une société indienne.
Considérant notamment que cette opération de courtage violait l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 2014/512, l’administration fiscale roumaine a dressé, en 2020, un procès-verbal d’infraction administrative imposant à Neves une amende et la confiscation des sommes perçues en contrepartie de cette opération.
Neves a formé un recours tendant à l’annulation dudit procès-verbal devant la Judecătoria Sectorului 1 București (tribunal de première instance du 1er arrondissement de Bucarest, Roumanie), qui a rejeté ce recours. Neves a alors fait appel de ce jugement devant le tribunal de grande instance de Bucarest, la juridiction de renvoi.
Appréciation de la Cour
S’agissant de la compétence de la Cour pour interpréter l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 2014/512, la Cour constate tout d’abord que cette disposition institue une mesure restrictive de portée générale servant de fondement à une mesure nationale de sanction. Si la compétence de la Cour ne se trouve aucunement limitée s’agissant d’un règlement adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE, qui donne effet aux positions de l’Union arrêtées dans le contexte de la PESC, l’interdiction de fournir des services de courtage prévue à cet article 2, paragraphe 2, sous a), n’avait pas été mise en œuvre dans un règlement à la date des faits au principal.
Toutefois, en premier lieu, dans le cadre du contrôle du respect de l’article 40, premier alinéa, TUE{3}, il incombe à la Cour de veiller en particulier à ce que, en ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 215 TFUE, le Conseil ne puisse contourner la compétence de la Cour s’agissant d’un règlement au titre de cet article. À cet égard, il ressort du libellé clair de l’article 215, paragraphe 1, TFUE qu’il incombe au Conseil d’adopter les mesures nécessaires pour donner effet à une décision PESC arrêtant la position de l’Union concernant l’interruption ou à la réduction des relations économiques et financières avec un pays tiers. Cette institution se trouve donc, dans l’hypothèse couverte par ce paragraphe 1, en situation de compétence liée.
En second lieu, la possibilité de saisir la Cour à titre préjudiciel prévue par les traités concernant un règlement adopté sur le fondement de l’article 215, paragraphe 1, TFUE doit être ouverte à l’égard de toutes les dispositions qu’il aurait incombé au Conseil d’inclure dans un tel règlement et qui servent de fondement à une mesure nationale de sanction prise à l’égard des tiers. Cette interprétation permet d’assurer non seulement l’application uniforme du droit de l’Union par les juridictions nationales, mais aussi la cohérence du système de protection juridictionnelle prévu par le droit de l’Union. En effet, la procédure du renvoi préjudiciel{4}, laquelle constitue la clef de voûte du système juridictionnel de l’Union, contribue de manière essentielle à la préservation de la valeur de l’État de droit sur laquelle l’Union est fondée{5}.
Ainsi, la Cour est compétente pour interpréter une mesure restrictive de portée générale dans l’hypothèse où il aurait incombé au Conseil de mettre en œuvre cette mesure, servant de fondement à une mesure nationale de sanction, dans un règlement au titre de l’article 215 TFUE. Or, en l’occurrence, l’interdiction de fournir des services de courtage en cause vise à restreindre la capacité des opérateurs économiques à accomplir des opérations relevant du champ d’application du traité FUE{6}. Elle ne peut être mise à exécution à l’échelle de l’Union que si elle est suivie de l’adoption d’un tel règlement et relève des mesures nécessaires pour donner effet à la décision 2014/512 à l’échelle de l’Union, qu’il aurait incombé au Conseil de mettre en œuvre dans le règlement no 833/2014.
Partant, la Cour est compétente pour répondre aux questions préjudicielles.
Sur le fond, la Cour considère, en premier lieu, que l’interdiction de fournir des services de courtage énoncée à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 2014/512 est applicable même lorsque les équipements militaires faisant l’objet de l’opération de courtage concernée n’ont jamais été importés sur le territoire d’un État membre.
En second lieu, la Cour souligne que ladite disposition, lue à la lumière du droit de propriété consacré à l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union (ci-après la « Charte ») ainsi que des principes de sécurité juridique et de légalité des peines, ne s’oppose pas à une mesure nationale de confiscation de la totalité du produit d’une opération de courtage visée à cet article 2, paragraphe 2, sous a), intervenant, de manière automatique, à la suite de la constatation, par les autorités nationales compétentes, d’une violation de l’interdiction d’effectuer cette opération et de l’obligation de notifier celle-ci.
S’agissant du droit de propriété, la Cour rappelle tout d’abord la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») selon laquelle des mesures de confiscation portant sur le produit d’une infraction ou d’une activité illégale ou un instrument ayant servi à une infraction n’appartenant pas à un tiers de bonne foi relèvent, de manière générale, de la réglementation de l’usage des biens, même si elles privent, par leur nature même, une personne de sa propriété{7}.
En l’occurrence, cette limitation à l’exercice du droit de propriété paraît respecter le principe de proportionnalité et, par conséquent, être justifiée au regard des conditions prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier. En effet, cette limitation est prévue par la loi{8} et respecte le contenu essentiel du droit de propriété, dès lors qu’elle relève de la réglementation de l’usage des biens, au sens de l’article 17, paragraphe 1, troisième phrase, de la Charte et ne constitue pas une privation de propriété, au sens de cet article 17, paragraphe 1, deuxième phrase. En outre, cette mesure répond à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union.
Quant au principe de proportionnalité, la confiscation de la contrepartie intégrale du produit de l’opération de courtage interdite apparaît nécessaire pour dissuader réellement et de manière efficace les opérateurs économiques d’enfreindre l’interdiction de fournir des services de courtage en rapport avec des équipements militaires. De même, la survenance automatique d’une mesure de confiscation est nécessaire pour assurer la pleine efficacité de la sanction. Néanmoins, lors de l’imposition d’une sanction de confiscation indépendamment d’une condamnation pénale, il importe, selon la jurisprudence de la Cour EDH, que la procédure dans son ensemble permette à l’intéressé de se défendre tant devant les autorités nationales qui lui ont infligé cette sanction que devant les juridictions saisies du recours contre les décisions de ces autorités, afin qu’elles puissent procéder à un examen global des différents intérêts en présence{9} .
{1} Ces limitations sont apportées par l’article 24, paragraphe 1, TUE et l’article 275, paragraphe 1, TFUE.
{2} Décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 13), telle que modifiée par la décision 2014/659/PESC du Conseil, du 8 septembre 2014 (JO 2014, L 271, p. 54).
{3} Aux termes de l’article 40, premier alinéa, TUE, la mise en œuvre de la PESC n’affecte pas l’application des procédures et l’étendue respective des attributions des institutions prévues par les traités pour l’exercice des compétences de l’Union visées aux articles 3 à 6 du traité FUE.
{4} La procédure de renvoi préjudiciel est prévue à l’article 19, paragraphe 3, sous b), TUE et à l’article 267 TFUE.
{5} Voir article 2 TUE ainsi que article 21 TUE, auquel renvoie l’article 23 TUE, relatif à la PESC.
{6} Le commerce des armes, des équipements militaires et des services visés à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 2014/512 relève bien de ce champ d’application, en vertu des articles 114 et 207 TFUE.
{7} Voir, notamment, Cour EDH, 24 octobre 1986, Agosi c. Royaume-Uni, CE:ECHR:1986:1024JUD000911880, § 51 ; Cour EDH, 12 mai 2015, Gogitidze et autres c. Géorgie, CE:ECHR:2015:0512JUD003686205, § 94, ainsi que Cour EDH, 15 octobre 2020, Karapetyan c. Géorgie, CE:ECHR:2020:1015JUD006123312, § 32.
{8}Cette mesure repose sur l’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 202/2008 privind punerea în aplicare a sancțiunilor internaționale (ordonnance d’urgence du gouvernement no 202/2008, relative à l’application des sanctions internationales), du 4 décembre 2008 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 825 du 8 décembre 2008) ainsi que sur la liste nationale de technologie et d’équipements militaires visée à l’article 12 de la position commune 2008/944 et établie, en ce qui concerne la Roumanie, par les arrêtés no 156/2018 et no 901/2019.
{9} Voir, en ce sens, Cour EDH, 15 octobre 2020, Karapetyan c. Géorgie, CE:ECHR:2020:1015JUD 006123312, § 35.
Arrêt du 10 septembre 2024, Neves 77 Solutions (C-351/22) (cf. points 44-53, 56, 57, 60, 61)
453. Questions préjudicielles - Recevabilité - Questions posées sans suffisamment de précisions sur le contexte factuel et sur les raisons justifiant la nécessité d'une réponse aux questions préjudicielles - Impossibilité pour la Cour de vérifier l'applicabilité et la pertinence des dispositions du droit de l'Union invoquées - Irrecevabilité manifeste
454. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité d'une décision préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national - Présomption de pertinence des questions posées - Action en réparation du préjudice causé par des infractions aux règles de concurrence - Valeur probante susceptible d'être reconnue par ledit juge national aux décisions définitives prises dans un autre État membre - Absence d'incidence
Saisie à titre préjudiciel par le Rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas, ci-après la « juridiction de renvoi »), la Cour apporte des précisions inédites sur l’application du principe d’interdiction des ententes visé à l’article 101, paragraphe 1, TFUE aux clauses de parité tarifaire utilisées par Booking.com, à l’instar d’autres plateformes de réservation hôtelière, dans les contrats conclus avec les prestataires d’hébergement. En l’occurrence, la Cour juge que de telles clauses ne peuvent être qualifiées de « restrictions accessoires » échappant, en tant que telles, à l’application de cette disposition, avant d’apporter des indications sur les éléments de définition du marché des produits en cause aux fins de l’application du règlement d’exemption no 330/2010{1}.
Booking.com BV, une société de droit néerlandais, met en relation des établissements d’hébergement et des clients par le biais de sa plateforme de réservation hôtelière en ligne booking.com en contrepartie du paiement d’une commission par ces établissements pour chaque réservation effectuée au moyen de cette plateforme et non annulée. Booking.com est active sur le marché allemand depuis 2006, avec le soutien de sa filiale allemande Booking.com (Deutschland).
Jusqu’en 2015, Booking.com insérait, dans les conditions générales des accords conclus avec les prestataires d’hébergement, une clause dite de « parité étendue », en vertu de laquelle ces derniers ne pouvaient offrir, sur leurs propres canaux de vente ou sur d’autres canaux exploités par des tiers, y compris les plateformes concurrentes, des chambres à un prix inférieur à celui proposé sur le site booking.com.
En 2015, Booking.com s’est engagée, en concertation avec les autorités de concurrence française, italienne et suédoise, à supprimer cette clause de parité étendue pour la remplacer par une clause dite de « parité restreinte » qui limitait l’interdiction faite aux prestataires d’hébergement de proposer leurs chambres à de meilleurs prix que ceux proposés sur son site booking.com aux offres faites par leurs propres canaux de vente.
Par une décision du 22 décembre 2015, prise après consultation de la Commission européenne, le Bundeskartellamt (autorité fédérale de la concurrence, Allemagne) a néanmoins estimé qu’une telle clause de parité restreinte était également contraire à la prohibition des ententes en droit de l’Union et en droit allemand et a ordonné en conséquence à Booking.com la cessation de son utilisation. Par une décision du 18 mai 2021, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), saisi d’un pourvoi introduit par l’autorité fédérale de la concurrence, a annulé la décision de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) du 4 juin 2019 qui avait fait partiellement droit au recours formé par Booking.com à l’encontre de la décision de cette autorité. Il a jugé, sans avoir interrogé la Cour, que la clause de parité restreinte restreignait sensiblement la concurrence sur le marché des plateformes de réservation hôtelière en ligne ainsi que sur celui de l’hébergement hôtelier. Une telle clause ne pouvait être qualifiée de « restriction accessoire », dès lors qu’il n’était pas établi que, en son absence, la rentabilité de Booking.com serait compromise. Cette clause ne pouvait pas davantage bénéficier d’une exemption au titre du règlement no 330/2010 ou de toute autre exemption à l’interdiction des ententes en droit de l’Union et en droit allemand.
C’est dans ce contexte que Booking.com a saisi la juridiction de renvoi d’une demande tendant à faire constater, notamment, que les clauses de parité qu’elle emploie n’enfreignaient pas l’article 101 TFUE. 63 établissements hôteliers allemands ont alors, à titre reconventionnel, demandé à cette juridiction de constater que Booking.com avait enfreint l’article 101 TFUE et de condamner celle-ci au versement de dommages et intérêts pour violation de l’article 101 TFUE.
La juridiction de renvoi se demande si les clauses de parité tarifaire pratiquées par les plateformes de réservation hôtelière en ligne doivent être regardées comme des restrictions accessoires au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Dans l’hypothèse où il y aurait lieu d’écarter cette qualification, la juridiction de renvoi estime que se poserait alors la question de savoir si ces clauses peuvent être exemptées au titre du règlement no 330/2010. Cela l’amène à interroger la Cour sur la manière de définir le marché des produits en cause en l’espèce aux fins de l’application de ce règlement.
Appréciation de la Cour
Dans un premier temps, la Cour apporte les précisions sollicitées au sujet du champ d’application de l’interdiction des ententes visée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, si une opération ou une activité déterminée ne relève pas du principe d’interdiction prévu à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en raison de sa neutralité ou de son effet positif sur la concurrence, une restriction de l’autonomie commerciale d’un ou de plusieurs participants à cette opération, qui pourrait paraître à première vue anticoncurrentielle, ne relève pas non plus dudit principe d’interdiction si cette restriction est accessoire à ladite opération.
Pour qu’une restriction anticoncurrentielle puisse être qualifiée d’« accessoire », il convient de rechercher, premièrement, si la réalisation de l’opération principale serait impossible à réaliser en l’absence de la restriction en question, étant précisé que le fait que ladite opération soit simplement rendue plus difficilement réalisable ou moins profitable en l’absence de la restriction en cause ne rend pas la restriction « objectivement nécessaire » à la réalisation de l’opération principale. Deuxièmement, la restriction en cause doit être proportionnée par rapport aux objectifs qui sous-tendent l’opération principale.
Dans ce contexte, il importe de préciser qu’une distinction doit être faite entre la notion de « restrictions accessoires » telle qu’examinée dans le cadre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’exemption fondée sur l’article 101, paragraphe 3, TFUE. En effet, à la différence de cette dernière, le caractère objectivement nécessaire d’une restriction par rapport à l’opération principale n’implique pas de mettre en balance les effets proconcurrentiels et anticoncurrentiels d’un accord, mais de déterminer si, dans le cadre particulier de cette opération, la restriction en question est indispensable à la réalisation de ladite opération. S’il appartient en principe à la seule juridiction de renvoi d’identifier, en tenant compte de l’ensemble des éléments de faits qui lui sont soumis, si les conditions permettant d’établir l’existence d’une restriction accessoire sont réunies, la Cour n’en est pas moins habilitée à lui apporter des indications afin de guider celle-ci dans son examen de ces conditions.
En l’occurrence, la Cour relève que, si la fourniture de services de réservation hôtelière en ligne a eu un effet neutre, voire positif, sur la concurrence, il n’est pas établi, en revanche, que les clauses de parité, aussi bien étendue que restreinte, sont objectivement nécessaires à la réalisation de cette opération principale et proportionnées par rapport à l’objectif poursuivi par cette dernière. En effet, si les clauses de parité étendue produisent de toute évidence des effets restrictifs sensibles, les clauses de parité restreinte, certes moins restrictives, ne sauraient pas non plus être considérées comme objectivement nécessaires pour assurer la viabilité économique de la plateforme de réservation hôtelière.
Le fait, à le supposer avéré, que ces clauses tendent à lutter contre d’éventuels phénomènes de parasitisme et soient indispensables pour garantir des gains d’efficacité ou pour assurer le succès commercial desdits services ne permet pas de qualifier lesdites clauses de « restrictions accessoires ».
Dans ce contexte, la Cour rappelle que l’examen du caractère objectivement nécessaire d’une restriction peut, notamment, s’appuyer sur une analyse contrefactuelle permettant d’examiner de quelle manière les services auraient fonctionné en l’absence de la clause de parité. Elle relève à cet égard que l’activité de Booking.com n’a pas été compromise dans les États membres où ces clauses ont été interdites.
Compte tenu des considérations qui précèdent, la Cour est amenée, dans un second temps, à préciser les conditions d’exemption de certains accords, au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, visées par le règlement no 330/2010. La juridiction de renvoi est partie du postulat selon lequel les clauses de parité tarifaire s’insèrent dans un « accord vertical » conclu entre Booking.com et les différents prestataires d’hébergement. Ces accords bénéficient d’une exemption lorsqu’ils remplissent certaines conditions, au nombre desquelles figure le plafonnement à 30 % de la part de marché détenue par l’opérateur concerné.
À cet égard, la Cour rappelle que, pour définir le marché de produits pertinent, il convient de vérifier si les produits ou les services faisant partie d’un même marché sont interchangeables ou substituables entre eux par les consommateurs.
En l’occurrence, il convient d’examiner si d’autres types de services d’intermédiation et d’autres canaux de vente sont substituables aux services fournis par Booking.com, tant du point de vue des fournisseurs d’hébergement que de celui des clients finals, quand bien même ces canaux présenteraient des caractéristiques différentes et n’offriraient pas les mêmes fonctionnalités de recherche et de comparaison des offres. La Cour souligne que la définition du marché pertinent dépend d’un examen factuel approfondi auquel seule la juridiction de renvoi peut procéder, a fortiori lorsque, comme en l’espèce, peu d’éléments ont été fournis à la Cour.
À cette fin, il incombe à cette juridiction de tenir compte de l’ensemble des éléments qui lui ont été présentés. Dans ce cadre, les appréciations de l’autorité fédérale de la concurrence et des instances de recours en Allemagne relatives à la définition du marché de produits pertinent font partie des éléments de contexte particulièrement pertinents.
Il lui appartient toutefois de déterminer si une telle définition du marché, qui tient compte des caractéristiques particulières des « services contractuels » offerts par les plateformes de réservation hôtelière tant du point de vue des fournisseurs d’hébergements que du point de vue des clients finals, est empreinte d’une quelconque erreur d’analyse ou repose sur des constatations erronées.
{1} Règlement (UE) no 330/2010 de la Commission, du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO 2010, L 102, p. 1).
Arrêt du 19 septembre 2024, Booking.com et Booking.com (Deutschland) (C-264/23) (cf. points 33-40)
455. Questions préjudicielles - Recevabilité - Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire - Portée de l'obligation dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Absence d'indication de l'élément de rattachement rendant l'interprétation sollicitée nécessaire à la solution du litige - Irrecevabilité manifeste
Ordonnance du 20 septembre 2024, Gašlić (C-264/24) (cf. points 16-21, 25-28)
456. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Question soulevée à propos d'un litige cantonné à l'intérieur d'un seul État membre - Incompétence manifeste de la Cour - Limites en ce qui concerne les libertés fondamentales garanties par le traité
Saisie à titre préjudiciel par la cour d’appel de Mons (Belgique), la Cour se prononce à nouveau sur l’application du droit économique de l’Union européenne aux règles instituées par une fédération sportive internationale{1}. Par le présent arrêt, elle précise la manière dont les articles du traité FUE prévoyant le principe de libre circulation des travailleurs et l’interdiction des ententes{2} s’appliquent aux règles adoptées par une fédération sportive internationale concernant le statut et le transfert des joueurs.
La Fédération internationale de football association (FIFA) est une association de droit suisse qui a notamment pour but d’établir des règles régissant le football et les questions y afférentes au niveau mondial. Elle est composée d’associations nationales de football ayant notamment l’obligation d’amener leurs propres membres ou affiliés à respecter l’ensemble des règles qu’elle édicte.
En mars 2014, la FIFA a adopté le « Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs » (ci-après le « RSTJ »). Le RSTJ prévoit notamment que tout nouveau club de football professionnel qui engage un joueur à la suite d’une rupture de contrat de travail intervenue sans juste cause est solidairement et conjointement responsable du paiement de l’indemnité dont ce joueur peut être tenu de s’acquitter envers son ancien club, cette indemnité étant fixée sur la base de différents critères énumérés par ce règlement{3}. Le RSTJ énonce également que le nouveau club est présumé avoir incité le joueur à rompre le contrat de travail le liant à son ancien club et expose ce nouveau club, dans certains cas, à une sanction sportive, consistant en une interdiction d’enregistrer tout nouveau joueur pendant une période déterminée{4}. Enfin, le RSTJ dispose que l’association nationale de football dont relève l’ancien club ne peut délivrer un certificat international de transfert (CIT) au bénéfice du joueur s’il existe, entre cet ancien club et ce joueur, un litige ayant pour origine une résiliation prématurée de contrat de travail survenue sans accord mutuel{5}.
BZ est un ancien joueur de football professionnel résidant à Paris (France). En août 2013, il a signé un contrat de travail d’une durée de quatre ans avec un club de football professionnel russe. L’année suivante, ce club a résilié ce contrat pour des motifs tenant, selon lui, au comportement fautif de BZ, et a saisi la chambre de résolution des litiges de la FIFA afin d’obtenir la condamnation de BZ au paiement d’une indemnité de 20 millions d’euros, invoquant une « rupture de contrat sans juste cause » au sens du RSTJ.
En mai 2015, la chambre de résolution des litiges de la FIFA a partiellement accueilli la demande du club, condamnant BZ à lui payer une indemnité de 10,5 millions d’euros. En outre, elle a déclaré que le RSTJ, pour autant qu’il prévoit que tout nouveau club de football professionnel engageant le joueur est solidairement et conjointement responsable du paiement d’une telle indemnité, ne s’appliquerait pas à BZ à l’avenir. En mai 2016, le Tribunal arbitral du sport a confirmé cette décision en appel.
En décembre 2015, BZ a saisi le tribunal de commerce du Hainaut (division de Charleroi) (Belgique) d’une demande tendant à condamner la FIFA et l’Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA) à lui payer une indemnité de 6 millions d’euros, en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de n’avoir pas pu être engagé, en 2015, par le club belge Sporting du Pays de Charleroi SA, en raison des exigences imposées par le RSTJ. En janvier 2017, cette juridiction a considéré cette demande fondée dans son principe et a condamné les deux associations au paiement d’une somme provisionnelle.
Saisie en appel par la FIFA, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si, au regard des spécificités du sport, liées notamment au bon déroulement des compétitions sportives, les règles en cause doivent être considérées comme constituant une entrave à la liberté de circulation des travailleurs et à la concurrence.
Appréciation de la Cour
À titre liminaire, la Cour indique que les règles en cause au principal ont une incidence directe sur les conditions de travail des joueurs, et donc, sur l’activité économique de ceux-ci. En outre, puisque la composition des équipes est l’un des paramètres essentiels des compétitions, les règles concernées doivent être considérées comme ayant une incidence directe sur les conditions d’exercice de l’activité économique engendrée par ces compétitions et sur la concurrence entre les clubs l’exerçant. Partant, les règles en cause relèvent du champ d’application des articles 45 et 101 TFUE, que la Cour, au regard des différences de régime caractérisant ces deux dispositions, interprète successivement.
En premier lieu, s’agissant de l’article 45 TFUE, la Cour conclut à l’existence d’une entrave à la liberté de circulation des travailleurs. À cet égard, elle relève que les règles en cause au principal sont susceptibles de défavoriser les joueurs qui souhaitent exercer leur activité économique pour le compte d’un nouveau club établi sur le territoire d’un État membre autre que celui de leur résidence ou de leur lieu de travail actuel, en rompant unilatéralement leur contrat de travail avec leur ancien club, pour une cause que celui-ci prétend ou risque de prétendre ne pas être juste. En effet, l’existence de ces règles et leur combinaison font peser sur les clubs désirant engager de tels joueurs des risques juridiques importants, des risques financiers imprévisibles et potentiellement très élevés, ainsi que des risques sportifs majeurs, qui, pris ensemble, sont clairement de nature à les dissuader de les engager.
Par rapport à l’existence d’une éventuelle justification, la Cour précise que l’objectif consistant à assurer la régularité des compétitions sportives constitue un objectif légitime d’intérêt général pouvant être poursuivi par une association sportive. Cet objectif revêt d’ailleurs une importance particulière dans le cas du football, étant donné le rôle essentiel accordé au mérite sportif dans le déroulement des compétitions. En outre, la Cour relève que, la composition des équipes étant l’un des paramètres essentiels des compétitions, le maintien d’une certaine stabilité dans les effectifs des clubs, et donc, d’une certaine continuité des contrats s’y rapportant, peut ainsi être regardé comme l’un des moyens susceptibles de contribuer à la poursuite de cet objectif.
Toutefois, la Cour estime que, sous réserve des vérifications qu’il reviendra à la juridiction de renvoi d’effectuer, les différentes règles du RSTJ en cause au principal paraissent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, cela d’autant plus qu’elles ont vocation à s’appliquer, dans une large mesure, de façon conjuguée et, pour une partie d’entre elles, pendant une période de temps considérable, à des joueurs dont la carrière est relativement courte. Il en va ainsi, notamment, des critères de calcul de l’indemnité due en cas de rupture unilatérale du contrat de travail intervenue de la part du joueur « sans juste cause ». Il apparaît en effet que de tels critères d’indemnisation semblent davantage destinés à préserver les intérêts financiers des clubs dans le contexte économique propre aux transferts de joueurs qu’à assurer le prétendu bon déroulement de compétitions sportives. Tel semble également être le cas de la règle qui prévoit, par principe et donc sans tenir compte des circonstances propres à chaque cas d’espèce, et en particulier du comportement effectif du nouveau club qui engage ce joueur, qu’un club est solidairement et conjointement responsable du paiement de l’indemnité due par le joueur nouvellement engagé à son ancien club en cas de rupture unilatérale du contrat sans juste cause. Il en va de même de la possibilité d’adoption quasi automatique d’une sanction sportive à l’encontre du nouveau club sur la base d’une présomption de responsabilité de ce dernier dans la rupture contractuelle intervenue, ainsi que de l’interdiction générale de délivrance d’un CIT tant que subsiste un litige afférent à cette rupture, quelles que soient par ailleurs les circonstances dans lesquelles est intervenue ladite rupture contractuelle.
Par conséquent, la Cour dit pour droit que l’article 45 TFUE s’oppose à des règles telles que celles en cause au principal, à moins qu’il ne soit établi que ces règles, telles qu’interprétées et appliquées sur le territoire de l’Union, ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à la poursuite de l’objectif consistant à assurer la régularité des compétitions de football interclubs, en maintenant un certain degré de stabilité dans les effectifs des clubs de football professionnel.
En second lieu, la Cour rappelle que, pour pouvoir considérer qu’une décision d’association d’entreprises relève de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il est nécessaire de démontrer soit qu’elle a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, soit qu’elle a un tel effet. S’agissant de l’existence d’un objet anticoncurrentiel, dont elle rappelle qu’il renvoie exclusivement à certains types de coordination entre entreprises qui révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, la Cour relève que le comportement collusoire des entreprises peut consister, par exemple, à limiter ou à contrôler le paramètre essentiel de concurrence que peut constituer, dans certains secteurs ou sur certains marchés, le recrutement de travailleurs de haut niveau, tels que les joueurs déjà formés s’agissant du secteur du football professionnel.
En l’occurrence, la lecture combinée des règles du RSTJ en cause fait apparaître, d’une part, que celles-ci sont de nature à restreindre de façon généralisée et drastique, d’un point de vue matériel, la concurrence qui, en leur absence, pourrait opposer tout club de football professionnel établi dans un État membre à tout autre club de football professionnel établi dans un autre État membre en ce qui concerne le recrutement de joueurs déjà engagés par un club donné. D’autre part, cette restriction de la concurrence transfrontalière entre clubs par le recrutement unilatéral de joueurs déjà engagés s’étend à l’intégralité du territoire de l’Union et présente un caractère permanent en ce qu’elle couvre l’intégralité de la durée de chacun des contrats de travail qu’un joueur peut conclure successivement avec un club, puis, en cas de transfert négocié vers un autre club, avec ce dernier.
Certes, dès lors que le déroulement des compétitions de football professionnel interclubs est fondé, dans l’Union, sur l’affrontement et l’élimination progressive des équipes participantes et qu’il repose essentiellement sur le mérite sportif, il peut être légitime, pour une association telle que la FIFA, de chercher à assurer la stabilité de la composition des effectifs de joueurs servant de vivier aux équipes qui sont composées par ces clubs au cours d’une saison ou d’une année donnée. Toutefois, les spécificités du football et les conditions réelles de fonctionnement du marché que constituent l’organisation et la commercialisation des compétitions de football professionnel interclubs ne sauraient conduire à admettre que soit restreinte de façon généralisée, drastique et permanente, voire empêchée, sur l’intégralité du territoire de l’Union, toute possibilité pour les clubs de se livrer à une concurrence transfrontalière en recrutant unilatéralement des joueurs déjà engagés par un club établi dans un autre État membre ou des joueurs dont il est allégué que le contrat de travail avec un tel club a été rompu sans juste cause. En définitive, de telles règles, même si elles sont présentées comme visant à prévenir des pratiques de débauchage de joueurs de la part de clubs disposant de moyens financiers plus importants, sont assimilables à une interdiction générale, absolue et permanente du recrutement unilatéral de joueurs déjà engagés, imposée par voie de décision d’une association d’entreprises à l’ensemble des entreprises que sont les clubs de football professionnel et pesant sur l’ensemble des travailleurs que sont ces joueurs. Elles constituent, à ce titre, une restriction patente de la concurrence à laquelle ces clubs pourraient se livrer en leur absence.
Ainsi, par leur nature même, les règles en cause au principal présentent un degré élevé de nocivité à l’égard de la concurrence à laquelle pourraient se livrer les clubs de football professionnel. Dans ces conditions, ces règles doivent être considérées comme ayant pour objet de restreindre, voire d’empêcher, cette concurrence, et cela sur l’intégralité du territoire de l’Union. Partant, il n’est pas nécessaire d’en examiner les effets.
Enfin, précisant les conditions dans lesquelles un comportement ayant un objet anticoncurrentiel pourrait bénéficier d’une exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, la Cour indique que, pour déterminer si la condition tenant au caractère indispensable ou nécessaire du comportement en cause est respectée en l’occurrence, la juridiction de renvoi devra prendre en considération la circonstance que les règles concernées du RSTJ se caractérisent par une combinaison d’éléments dont un nombre significatif présente un caractère discrétionnaire ou disproportionné. Elle devra également tenir compte de la circonstance que ces règles prévoient une restriction généralisée, drastique et permanente de la concurrence transfrontalière à laquelle pourraient se livrer les clubs de football professionnel en procédant au recrutement unilatéral de joueurs de haut niveau. En effet, chacune de ces deux circonstances, prise isolément, exclut, à première vue, de considérer ces règles comme étant indispensables ou nécessaires pour permettre de réaliser des gains d’efficacité, à supposer ceux-ci établis.
En conséquence, la Cour énonce que, aux termes de l’article 101 TFUE, les règles précitées du RSTJ constituent une décision d’association d’entreprises qui est interdite et qui ne peut bénéficier d’une exemption au titre de cette disposition que s’il est démontré, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises à cette fin sont remplies.
{1} Voir arrêts du 21 décembre 2023, Royal Antwerp Football Club (C-680/21, EU:C:2023:1010), du 21 décembre 2023, European Superleague Company (C-333/21, EU:C:2023:1011), et du 21 décembre 2023, International Skating Union/Commission (C 124/21 P, EU:C:2023:1012).
{2} Respectivement, l’article 45 et l’article 101 TFUE.
{3} Voir article 17, points 1 et 2, du RSTJ.
{4} Voir article 17, point 4, du RSTJ.
{5} Le certificat international de transfert étant nécessaire à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club, ce joueur ne peut en conséquence pas participer à des compétitions de football pour le compte de ce nouveau club. Voir article 9, paragraphe 1, du RSTJ et article 8.2.7 de l’annexe 3 de ce règlement.
Arrêt du 4 octobre 2024, FIFA (C-650/22) (cf. point 70)
457. Questions préjudicielles - Recevabilité - Limites - Procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux - Directive 2014/25 - Champ d'application - Opérateurs économiques de pays tiers n'ayant pas conclu d'accord international avec l'Union garantissant l'accès égal et réciproque aux marchés publics - Absence de droit de ces opérateurs économiques à un traitement non moins favorable - Participation d'un tel opérateur économique à une procédure de passation d'un marché public dans un État membre - Inapplicabilité de la directive 2014/25 - Incompétence des autorités nationales pour rendre applicables les dispositions nationales de transposition de cette directive audit opérateur économique - Absence de nécessité de l'interprétation sollicitée pour la solution du litige au principal - Irrecevabilité
Statuant en grande chambre, la Cour déclare irrecevable la demande de décision préjudicielle introduite par le Visoki upravni sud (cour administrative d’appel, Croatie), au motif que les dispositions de la directive 2014/25{1}, dont l’interprétation était sollicitée par cette juridiction nationale, ne s’appliquent pas aux opérateurs économiques de pays tiers n’ayant pas conclu avec l’Union européenne d’accord international garantissant l’accès égal et réciproque aux marchés publics. En outre, la Cour considère que les dispositions nationales de transposition de cette directive ne sauraient être rendues applicables à ces opérateurs économiques par les autorités d’un État membre, sous peine de méconnaître la compétence exclusive de l’Union dans le domaine de la politique commerciale commune.
En septembre 2020, HŽ Infrastruktura d.o.o., société de droit croate (ci-après l’« entité adjudicatrice »), a ouvert une procédure de passation d’un marché public pour la construction d’une infrastructure ferroviaire reliant deux localités en Croatie, à adjuger selon le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse. Selon les instructions adressées aux soumissionnaires par l’entité adjudicatrice, ceux-ci devaient démontrer leurs capacités techniques et professionnelles par la communication d’un document établissant que, pendant les dix années précédant l’ouverture de cette procédure, des travaux de construction d’infrastructures ferroviaires ou routières avaient été exécutés par ces soumissionnaires.
L’entité adjudicatrice a décidé d’attribuer, en janvier 2022, le marché public concerné au groupement Strabag, constitué de trois sociétés, respectivement, de droit autrichien, de droit croate et de droit tchèque. Kolin Inşaat Turizm Sanayi ve Ticaret AȘ (ci-après « Kolin »), une société de droit turc figurant parmi les soumissionnaires, a formé un recours contre la décision d’attribution auprès de la Državna komisija za kontrolu postupaka javne nabave (commission nationale de contrôle des procédures de passation des marchés publics, Croatie, ci-après la « commission de contrôle »). Considérant qu’il n’avait pas été dûment établi que le groupement Strabag disposait des capacités techniques et professionnelles requises, la commission de contrôle a annulé la décision d’attribution du marché public concerné.
À la suite de cette annulation, l’entité adjudicatrice a demandé au groupement Strabag de fournir une liste complétée des travaux réalisés, accompagnée d’une attestation certifiant la conformité et l’achèvement de ces travaux. Le groupement Strabag a déposé une telle liste, accompagnée d’une telle attestation, qui comportait une nouvelle référence à d’autres travaux réalisés. À l’issue d’un réexamen et d’une réévaluation des offres, l’entité adjudicatrice a adopté, en avril 2022, une nouvelle décision d’attribution du marché en cause au principal en faveur du groupement Strabag. Elle a, en effet, estimé que la nouvelle référence suffisait, à elle seule, à établir que ce groupement disposait des capacités techniques et professionnelles requises.
Faisant valoir que l’initiative de l’entité adjudicatrice d’inviter le groupement Strabag à compléter sa liste de travaux était illégale, Kolin a introduit un recours contre la nouvelle décision d’attribution devant la commission de contrôle. Celle-ci a rejeté ce recours, au motif qu’aucune disposition nationale ne s’opposait à ce que le groupement Strabag complète la liste des travaux par l’indication de la réalisation d’autres travaux que ceux y figurant initialement, la loi croate sur les marchés publics permettant au pouvoir adjudicateur d’inviter un soumissionnaire à compléter ou à expliquer les preuves fournies{2}.
Dès lors, Kolin a introduit un recours en annulation contre la décision de la commission de contrôle devant la cour administrative d’appel croate, qui est la juridiction de renvoi. Eu égard aux articles 36 et 76 de la directive 2014/25, cette juridiction nourrit des doutes quant à la faculté pour l’entité adjudicatrice de prendre en compte, après l’annulation de sa première décision d’attribution du marché concerné, des documents complémentaires portant sur les capacités techniques et professionnelles du groupement, qui ne figuraient pas dans l’offre initiale déposée par ce groupement et qui ont été présentés par ce dernier à la demande de cette entité adjudicatrice. La juridiction de renvoi a donc décidé de saisir la Cour de plusieurs questions préjudicielles portant sur l’interprétation de ces dispositions.
Appréciation de la Cour
Dans la mesure où les questions posées par le juge national portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Néanmoins, il revient à la Cour d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national, en vue de vérifier sa propre compétence ou la recevabilité de la demande qui lui est soumise. La Cour peut, notamment, être amenée à examiner si les dispositions du droit de l’Union sur lesquelles portent les questions préjudicielles sont applicables au litige au principal. Si tel n’est pas le cas, ces dispositions sont dépourvues de pertinence pour la solution de ce litige et la décision préjudicielle sollicitée n’est pas nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de rendre son jugement, de sorte que ces questions doivent être jugées irrecevables.
Dans un premier temps, la Cour s’attache à vérifier si le recours introduit devant une juridiction d’un État membre par un opérateur économique d’un pays tiers, en l’occurrence la République de Turquie, en vue de contester la décision d’attribution d’un marché public prise dans un État membre, est susceptible d’être examiné au regard des règles en matière de marchés publics instaurées par le législateur de l’Union, telles que les articles 36 et 76 de la directive 2014/25 qui font l’objet des questions préjudicielles posées.
À ce sujet, la Cour relève d’emblée que l’Union est liée, à l’égard de certains pays tiers, par des accords internationaux, notamment l’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les marchés publics (AMP){3}, qui garantissent, de manière réciproque et égale, l’accès des opérateurs économiques de l’Union aux marchés publics dans ces pays tiers et celui des opérateurs économiques desdits pays tiers aux marchés publics dans l’Union. L’article 43 de la directive 2014/25 reflète ces engagements de l’Union en disposant que, dans la mesure où l’AMP ou d’autres conventions internationales liant l’Union le prévoient, les entités adjudicatrices des États membres doivent accorder aux opérateurs économiques des pays tiers qui sont parties à un tel accord un traitement non moins favorable que celui accordé aux opérateurs économiques de l’Union. Ce droit à un traitement non moins favorable dont bénéficient les opérateurs économiques de ces pays tiers implique que ces opérateurs économiques peuvent se prévaloir des dispositions de cette directive.
D’autres pays tiers, dont la République de Turquie, n’ont, jusqu’à présent, pas conclu avec l’Union un accord international tel que ceux visés à l’article 43 de la directive 2014/25. S’agissant des opérateurs économiques de ces pays tiers, la Cour note que, si le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que ces opérateurs économiques soient, en l’absence de mesures d’exclusion adoptées par l’Union, admis à participer à une procédure de passation d’un marché public régie par la directive 2014/25, il s’oppose, en revanche, à ce que lesdits opérateurs puissent, dans le cadre de leur participation à une telle procédure, se prévaloir de la directive et exiger ainsi un traitement égal de leur offre par rapport à celles présentées par les soumissionnaires des États membres et par les soumissionnaires des pays tiers ayant conclu avec l’Union un accord international visé à l’article 43 de cette directive. En effet, l’inclusion des opérateurs économiques de pays tiers n’ayant pas conclu un tel accord international avec l’Union dans le champ d’application de la directive 2014/25 aurait pour effet de leur conférer un droit à un traitement non moins favorable en méconnaissance de l’article 43 de cette directive, lequel circonscrit le bénéfice de ce droit aux opérateurs économiques de pays tiers ayant conclu avec l’Union un accord international au sens de cette disposition.
Partant, le droit conféré, par l’article 45, paragraphe 1, de la directive 2014/25, à « tout opérateur économique intéressé » de soumettre une offre en réponse à un appel à la concurrence dans le cadre d’une procédure ouverte de passation d’un marché public dans l’Union ne s’étend pas aux opérateurs économiques des pays tiers n’ayant pas conclu un tel accord international avec l’Union. Il n’implique pas davantage que ces opérateurs, lorsqu’ils sont admis à participer à une telle procédure, soient en droit d’invoquer le bénéfice de cette directive. Dès lors, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, caractérisée par la participation, acceptée par l’entité adjudicatrice, d’un opérateur économique turc à une procédure de passation d’un marché public régie par la directive 2014/25, cet opérateur ne saurait se prévaloir des articles 36 et 76 de cette directive pour contester la décision d’attribution du marché concerné.
Dans un second temps, la Cour examine si les questions posées, qui portent sur l’interprétation de ces articles de la directive 2014/25, sont néanmoins recevables au regard de la circonstance que les dispositions de la législation croate portant transposition desdits articles sont interprétées comme s’appliquant indistinctement à l’ensemble des soumissionnaires de l’Union et des pays tiers et comme pouvant, par conséquent, être invoquées par l’opérateur économique turc concerné.
À cet égard, la Cour rappelle que, selon la jurisprudence, sont, certes, recevables des demandes de décision préjudicielle portant sur l’interprétation du droit de l’Union dans les situations qui se situent en dehors du champ d’application de ce droit, mais dans lesquelles ces dispositions ont, sans modification de leur objet ou de leur portée, été rendues applicables par l’effet d’un renvoi direct et inconditionnel opéré par le droit national. Dans ces situations, il est de l’intérêt manifeste de l’ordre juridique de l’Union que les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation conforme.
Toutefois, cette jurisprudence ne saurait s’appliquer lorsque les dispositions de droit national transposant une directive sont rendues applicables, par les autorités d’un État membre, en méconnaissance d’une compétence exclusive de l’Union. Tel est le cas, en l’occurrence, en ce qui concerne la participation aux procédures de passation de marchés publics d’opérateurs économiques de pays tiers qui n’ont pas conclu d’accord international avec l’Union garantissant l’accès égal et réciproque à ces marchés.
En effet, la politique commerciale commune, visée à l’article 207 TFUE, pour laquelle l’Union dispose d’une compétence exclusive, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE, concerne les échanges commerciaux avec les pays tiers et englobe tout acte de l’Union qui est essentiellement destiné à promouvoir, à faciliter ou à régir ces échanges et qui a des effets directs et immédiats sur ceux-ci. Or, tout acte de portée générale ayant pour objet spécifique de déterminer les modalités selon lesquelles les opérateurs économiques d’un pays tiers peuvent participer aux procédures de passation de marchés publics dans l’Union est de nature à avoir des effets directs et immédiats sur les échanges de marchandises et de services entre l’Union et ce pays tiers, si bien qu’il relève de la compétence exclusive de l’Union au titre de cette disposition{4}.
La Cour ajoute que, si la politique commerciale commune n’englobe en revanche pas la négociation et la conclusion d’accords internationaux dans le domaine des transports{5} et ne saurait donc entièrement couvrir la question de l’accès des opérateurs économiques de pays tiers aux marchés publics sectoriels visés par la directive 2014/25, il n’en demeure pas moins que la conclusion d’un accord garantissant un tel accès relève également d’une compétence exclusive de l’Union, à savoir celle visée à l’article 3, paragraphe 2, TFUE.
Ainsi, seule l’Union est compétente pour légiférer et, donc, pour adopter un acte de portée générale, juridiquement contraignant, concernant l’accès aux procédures de passation de marchés publics des opérateurs économiques de pays tiers n’ayant pas conclu d’accord international avec l’Union garantissant l’accès égal et réciproque aux marchés publics.
Dès lors, la Cour estime que les autorités nationales ne sont pas compétentes pour rendre applicables, à ces opérateurs économiques de pays tiers qui auraient été admis, par une entité adjudicatrice, à participer à une procédure de passation d’un marché public dans l’État membre concerné, les dispositions nationales qui transposent les règles contenues dans la directive 2014/25, sous peine de méconnaître le caractère exclusif de la compétence de l’Union. En conséquence, la Cour considère que l’interprétation des articles 36 et 76 de la directive 2014/25 ne saurait, en aucune manière, être pertinente pour résoudre le litige au principal et déclare la demande de décision préjudicielle irrecevable.
{1} Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243).
{2} Article 263, paragraphe 2, du Zakon o javnoj nabavi (loi sur les marchés publics) dans sa version applicable au litige au principal.
{3} Accord approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1).
{4} Cette compétence exclusive est illustrée par l’article 86 de la directive 2014/25 qui attribue à l’Union, et non aux États membres, la compétence pour suspendre ou restreindre la participation des entreprises d’un pays tiers aux procédures de passation de marchés publics dans l’Union.
{5} Ainsi qu’il ressort de l’article 207, paragraphe 5, TFUE.
458. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation des conclusions d'un avocat général présentées dans un renvoi préjudiciel antérieur ou des observations présentées par une institution dans le cadre d'un tel renvoi - Incompétence de la Cour
Voir texte de la décision.
Arrêt du 12 décembre 2024, Kutxabank (C-300/23) (cf. points 71, 72)
459. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Situation factuelle et juridique en cause dans le litige au principal ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union - Réglementation nationale ne constituant pas une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union - Incompétence manifeste de la Cour
Ordonnance du 7 janvier 2025, DRINKS 52 (C-800/23) (cf. points 16-29 et disp.)
460. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Obligation des États membres d'établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective - Questions concernant des règles nationales relatives à l'adoption de décisions de nomination des juges et au contrôle juridictionnel applicable dans un tel contexte - Inclusion
Saisie dans le cadre de deux affaires pénales dont la juge ayant transmis les deux présents renvois préjudiciels a ensuite été dessaisie, la Cour fournit des précisions sur la portée et l’application pratique de la notion d’« indépendance "interne" des juges », telle que reconnue à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.
S’agissant de l’affaire C-647/21, le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Slupsk, Pologne), qui est la juridiction de renvoi, siégeant à juge unique, a été saisi en appel d’un recours dirigé par D. K. contre une décision par laquelle il a été condamné, en première instance, à une peine d’emprisonnement.
S’agissant de l’affaire C-648/21, M. C. et M. F. ont été condamnés en première instance. La juridiction de deuxième instance saisie de leur appel a acquitté M. C. et confirmé la condamnation de M. F. Le Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), saisi d’un pourvoi contre la décision de deuxième instance concernant M. C., a annulé cette décision et renvoyé l’affaire devant la juridiction de renvoi. Dans cette affaire, la formation de jugement siège en chambre à trois juges, qui est composée de la présidente de la formation, du président de la juridiction de renvoi et d’un troisième juge. La demande de décision préjudicielle a été introduite par la seule présidente de la formation, qui est la même juge que dans l’affaire C 647/21.
En septembre 2021, dans une procédure sans lien avec les affaires au principal, la juge ayant transmis les deux présents renvois a demandé au président de la section d’appel de la juridiction de renvoi de remplacer, dans la formation de jugement de cette procédure, le président de cette même juridiction par un autre juge. Elle estime en effet que, ce juge ayant été nommé sur la base d’une résolution de la Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature, Pologne, ci-après la « KRS ») dans sa nouvelle composition, le droit à un tribunal préalablement établi par la loi, au sens notamment de l’article 19, paragraphe 1, TUE, serait violé. Cette demande a été rejetée.
En octobre 2021, dans une autre affaire, la même juge a annulé un jugement d’une juridiction de première instance rendu par une personne ayant également été nommée sur la base d’une résolution de la KRS dans sa nouvelle composition.
Ce même mois, le collège de la juridiction de renvoi a adopté une résolution visant à dessaisir ladite juge d’environ soixante-dix affaires, dont les affaires au principal. Selon cette juge, cette résolution ne lui a pas été signifiée et elle n’a pas eu connaissance de ses motifs. Le président de cette juridiction a également adopté une ordonnance la mutant de la section d’appel de cette juridiction à la section de première instance de celle-ci. Cette ordonnance, qui est entrée en vigueur quelques jours après son adoption, se borne à mentionner la nécessité d’assurer le bon fonctionnement de ces deux sections.
Dans ces conditions, la juridiction de renvoi, s’interrogeant sur la conformité des actes précités avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, demande en substance à la Cour de préciser si la juge ayant transmis les deux présentes demandes de décision préjudicielle peut continuer à siéger dans ces deux affaires. Elle lui demande également si elle est tenue d’ignorer la résolution du collège et les autres actes subséquents.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour énonce que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un organe d’une juridiction nationale peut dessaisir un juge de cette juridiction d’une partie ou de la totalité des affaires qui lui sont attribuées, sans que cette réglementation prévoie les critères qui doivent guider cet organe lorsqu’il prend une telle décision de dessaisissement et impose de motiver cette décision.
Pour parvenir à cette conclusion, elle précise que les règles d’attribution et de réattribution des affaires font partie de la notion de tribunal « établi préalablement par la loi », celle-ci exigeant non seulement une base légale de l’existence même du tribunal, mais également le respect de la composition du siège dans chaque affaire.
En l’occurrence, il apparaît que la réglementation en cause prévoit que la modification de la composition d’une juridiction est admise lorsqu’il existe un « obstacle durable au traitement de l’affaire dans sa composition actuelle », sans autre précision. Or, si cette réglementation prévoit, en substance, qu’un juge reste saisi des affaires qui lui ont été attribuées malgré sa mutation vers un autre lieu ou son détachement dans une autre juridiction, jusqu’à la clôture de ces affaires, il apparaît que ses affaires peuvent lui être retirées sur décision du collège de la juridiction concernée sans énoncer de critères à cet effet. En outre, selon cette même réglementation, le collège de la juridiction peut également dessaisir un juge en cas de mutation de ce dernier vers une autre section, cette possibilité n’étant toutefois assortie, là encore, d’aucun critère précis. Il convient donc de constater qu’une telle réglementation, non seulement ne prévoit pas de critères objectifs encadrant la possibilité de dessaisir un juge d’une ou de plusieurs de ses affaires, mais permet également au collège de la juridiction concernée de dessaisir un juge de ses affaires sans que soit motivée une telle décision. De plus, la résolution du collège par laquelle la juge concernée a été dessaisie des affaires au principal n’apparaît pas comme étant susceptible d’être justifiée par l’ordonnance de mutation, motivée de manière laconique, par laquelle le président de la juridiction de renvoi a décidé, en octobre 2021, la mutation de la juge concernée vers une autre section de la même juridiction.
Par ailleurs, le dessaisissement d’un juge des affaires dont il a la charge, sans que la réglementation nationale concernée fixe des critères objectifs permettant d’encadrer une telle possibilité de dessaisissement et sans qu’une décision de procéder à un tel dessaisissement doive être motivée, ne permet pas d’exclure que ce dessaisissement soit arbitraire, voire constitue une sanction disciplinaire déguisée. Ainsi, des mesures organisationnelles de dessaisissement telles que celles en cause au principal, dont la mise en œuvre n’est pas encadrée par des critères suffisamment précis et n’est pas soumise à une obligation de motivation suffisante, sont susceptibles de générer des interrogations sur l’éventualité que le dessaisissement des affaires, suivi d’une mutation, soit intervenu en réponse à des actes antérieurs du juge concerné. Dès lors, afin d’éviter de laisser place à l’arbitraire qui pourrait découler d’une procédure non transparente, susceptible de porter atteinte aux principes d’indépendance et d’inamovibilité des juges, il importe que les règles nationales régissant le dessaisissement des affaires prévoient des critères objectifs clairement énoncés sur la base desquels un juge peut être dessaisi de ses affaires ainsi que l’obligation de motiver les décisions de dessaisissement, notamment dans le cas de dessaisissements non consentis par le juge concerné.
En second lieu, la Cour dit pour droit que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et le principe de primauté du droit de l’Union imposent à une juridiction nationale de laisser inappliqués une résolution du collège de cette juridiction dessaisissant un juge de ladite juridiction des affaires qui lui sont attribuées ainsi que d’autres actes subséquents, tels que les décisions relatives à la réaffectation de ces affaires, lorsque cette résolution a été adoptée en violation de cet article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE. Les organes judiciaires compétents en matière de détermination et de modification de la composition de cette formation de jugement doivent écarter l’application d’une telle résolution.
Plus précisément, dans une situation de constat d’incompatibilité de la réglementation nationale régissant le dessaisissement des affaires avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, une formation de jugement doit être fondée à poursuivre, avec la même composition, l’examen des procédures au principal sans que les organes judiciaires compétents en matière de détermination et de modification de la composition des formations de jugement de la juridiction nationale puissent y faire obstacle.
Arrêt du 6 mars 2025, D. K. (Dessaisissement d’un juge) (C-647/21 et C-648/21) (cf. points 42-44)
461. Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Obligation des États membres d'établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective - Questions concernant des règles nationales relatives à l'organisation et au fonctionnement d'un organe judiciaire - Inclusion
Saisie à titre préjudiciel par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), la Cour juge que le principe d’indépendance des juges s’oppose à la pratique d’un État membre permettant aux membres d’un organe judiciaire compétent pour proposer l’ouverture de procédures disciplinaires contre les magistrats de rester en fonction au-delà de la durée légale de leur mandat en l’absence d’une base légale explicite ou d’une limitation dans le temps de cette prorogation. En outre, la Cour précise la portée des notions de « responsable du traitement » et d’« autorité de contrôle », prévues par le règlement général sur la protection des données{1}, dans le contexte de la divulgation de données à caractère personnel protégées par le secret bancaire concernant des magistrats ainsi que les membres de leur famille, qui est autorisée par une juridiction nationale à la suite d’une demande de cet organe judiciaire.
En mai 2023, après l’expiration du délai prévu pour le dépôt des déclarations annuelles de patrimoine des magistrats et de leur famille au titre de l’année 2022, l’Inspektorat kam Visshia sadeben savet (Inspection près le Conseil supérieur de la magistrature, Bulgarie, ci-après l’« Inspection ») a saisi la juridiction de renvoi d’une demande de levée du secret bancaire portant sur les comptes bancaires de plusieurs magistrats et des membres de leur famille{2}.
La juridiction de renvoi indique que l’Inspection a été créée en 2007, à la suite d’une modification de la constitution bulgare, et, en tant qu’organe judiciaire, est chargée d’enquêter sur l’exercice d’influences indues sur les magistrats, de vérifier les déclarations de patrimoine de ces derniers et de détecter d’éventuels conflits d’intérêts ainsi que des atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Par ailleurs, elle précise que les mandats des membres de l’Inspection, élus par le parlement national pour une durée de quatre à cinq ans, seraient parvenus à leur terme au cours de l’année 2020, sans que de nouveaux membres soient élus. Cependant, en vertu d’une jurisprudence du Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle, Bulgarie), les membres de l’Inspection continuent à exercer leurs fonctions jusqu’à l’élection de nouveaux membres, la préservation de la mission dévolue à cet organe ayant été considérée plus importante que les risques d’abus de ses membres.
Dans ces circonstances, la juridiction de renvoi se demande si une prorogation des mandats des membres de l’Inspection est susceptible de porter atteinte aux garanties d’indépendance de cette autorité et, dans l’affirmative, quels sont les critères permettant d’apprécier si une telle prorogation est admissible et pour quelle durée.
De surcroît, la juridiction s’interroge sur le rôle et les obligations des juridictions nationales lorsque celles-ci doivent autoriser l’accès de l’Inspection aux données à caractère personnel des magistrats. Plus particulièrement, elle se demande si son activité consistant à autoriser l’Inspection à accéder à des données à caractère personnel soumises au secret bancaire relève du champ d’application du RGPD et, dans l’affirmative, quelles en seraient les incidences sur le contrôle qu’elle doit exercer. À cet égard, la juridiction de renvoi se demande si le contrôle qu’elle est amenée à opérer avant d’autoriser l’accès de l’Inspection aux données en cause devrait être purement formel et se limiter à vérifier si les personnes à propos desquelles la levée du secret bancaire est demandée ont les qualités de personnes soumises à l’obligation de déclaration, c'est-à-dire si elles sont des magistrats ou des personnes ayant une relation familiale ou une autre relation avec ces derniers ou si elle devrait plutôt assurer la sécurité des données en cause en vertu du RGPD.
Appréciation de la Cour
La Cour considère, en premier lieu, que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à la lumière du droit à une protection juridictionnelle effective{3}, et plus particulièrement le principe d’indépendance des juges, s’oppose à la pratique d’un État membre en vertu de laquelle les membres d’un organe judiciaire, élus par le parlement de celui-ci pour des mandats d’une durée déterminée et compétents pour contrôler l’activité des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions, leur intégrité et leur absence de conflits d’intérêts ainsi que pour proposer à un autre organe judiciaire l’ouverture d’une procédure disciplinaire en vue de l’imposition de sanctions disciplinaires à leur égard, continuent à exercer leurs fonctions au-delà de la durée légale de leur mandat, fixée par la constitution de cet État membre, jusqu’à ce que ce parlement élise de nouveaux membres. Ce qui précède s’applique lorsque la prorogation des mandats échus ne repose pas sur une base légale explicite en droit national comportant des règles claires et précises de nature à encadrer l’exercice de ces fonctions et sans qu’il soit assuré que cette prorogation soit, en pratique, limitée dans le temps.
À cet égard, la Cour rappelle sa jurisprudence constante, selon laquelle, l’exigence d’indépendance des juridictions{4} impose que le régime disciplinaire des juges doit présenter les garanties nécessaires afin d’éviter qu’il soit utilisé en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires. À ce titre, l’édiction de règles qui définissent tant les comportements constitutifs d’infractions disciplinaires que les sanctions concrètement applicables, qui prévoient l’intervention d’une instance indépendante, conformément à une procédure garantissant pleinement le droit à un recours effectif et le droit à la défense{5} et qui consacrent la possibilité de contester en justice les décisions des organes disciplinaires constituent de telles garanties.
En effet, il est essentiel que de tels organes agissent, lors de l’exercice de leurs missions, de manière objective et impartiale et qu’ils soient, à cet effet, à l’abri de toute influence extérieure. Il en va en particulier ainsi d’un organe judiciaire qui, à l’instar de l’Inspection, dispose d’un large pouvoir de contrôler l’activité des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions, leur intégrité et l’absence de conflits d’intérêts les concernant ainsi que de proposer, à la suite de tels contrôles, à un autre organe judiciaire (en l’espèce, le Conseil supérieur de la magistrature bulgare) l’ouverture d’une procédure disciplinaire visant à imposer des sanctions disciplinaires à leur égard. C’est pourquoi l’ensemble des règles régissant l’organisation et le fonctionnement d’un tel organe, dont celles gouvernant la procédure de nomination de ses membres, doivent être conçues de manière à ce qu’elles ne puissent faire naître, dans l’esprit des justiciables, aucun doute légitime quant à l’utilisation des prérogatives et des fonctions d’un tel organe comme instrument de pression sur l’activité judiciaire ou de contrôle politique de cette activité.
S’agissant des mandats des membres de l’Inspection, qui ont expiré sans que le parlement national ait procédé à l’élection des nouveaux membres, la Cour souligne que la réglementation nationale ne semble comporter aucune règle quant à une possible continuation de l’exercice de leurs fonctions au-delà de la durée de leur mandat. S’il est vrai que, en application de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, les membres de l’Inspection continuent à exercer leurs fonctions jusqu’à l’élection des nouveaux membres, il est tout aussi vrai que cette réglementation nationale ne comporte pas de règles de nature à encadrer l’exercice de ces fonctions ainsi prolongé ni de dispositif légal permettant de mettre fin à un éventuel blocage dans le processus de nomination des nouveaux membres de l’Inspection. Ainsi, la prorogation des mandats des anciens membres de l’Inspection apparaît, en pratique, comme étant susceptible de se prolonger sans limitation dans le temps.
Dans ce contexte, il appartient aux seuls États membres de décider s’ils autorisent ou non l’exercice des fonctions des membres d’un organe judiciaire, compétent pour contrôler l’activité des magistrats et pour proposer l’ouverture de procédures disciplinaires à leur égard, au-delà de la durée légale de leurs mandats afin d’assurer la continuité du fonctionnement de cet organe. Toutefois, lorsqu’ils optent pour une telle prorogation des mandats, ces États membres sont tenus de veiller à ce que l’exercice des fonctions après l’expiration du mandat repose sur une base légale explicite en droit interne, comportant des règles claires et précises de nature à encadrer cet exercice. Ils doivent également veiller à ce que les conditions et les modalités auxquelles se trouve soumis un tel exercice soient conçues de manière à permettre aux membres concernés d’un tel organe judiciaire d’agir, dans l’accomplissement de leurs missions, de manière objective et impartiale. Partant, si, dans certaines circonstances, la prorogation des mandats peut s’avérer nécessaire, eu égard à l’importance des fonctions exercées par l’organe judiciaire concerné, ce n’est qu’à titre exceptionnel et à la condition que cette prorogation soit encadrée par des règles claires et précises excluant, en pratique, la possibilité qu’elle soit illimitée dans le temps, que ladite prorogation peut être envisageable.
En deuxième lieu, la Cour constate que la divulgation, à un organe judiciaire, de données à caractère personnel qui sont protégées par le secret bancaire et qui concernent des magistrats ainsi que les membres de leur famille, en vue de la vérification des déclarations de ces magistrats relatives à leur patrimoine ainsi qu’à celui des membres de leur famille, ces déclarations faisant l’objet d’une publication, constitue un traitement de données à caractère personnel qui relève du champ d’application matériel du RGPD.
Pour parvenir à cette conclusion, la Cour note que si l’édiction de règles applicables au statut des magistrats et à l’exercice de leurs fonctions relève de la compétence des États membres, il n’en demeure pas moins qu’un traitement de données qui a pour objectif le contrôle de l’intégrité des magistrats ainsi que la vérification de l’existence d’éventuels conflits d’intérêts ne relève pas des exceptions au champ d’application matériel du RGPD{6}, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une activité qui vise à préserver la sécurité nationale ni d’une activité qui peut être rangée dans la même catégorie. En effet, la divulgation à un organe judiciaire de données à caractère personnel protégées par le secret bancaire et relatives à des magistrats ainsi qu’aux membres de leur famille constitue une mise à disposition de ces données à caractère personnel en faveur de cet organe.
En troisième lieu, la Cour se prononce sur l’interprétation des notions de « responsable du traitement » et d’« autorité de contrôle », au sens du RGPD{7}.
En ce qui concerne la notion de « responsable du traitement », la Cour considère que ne relève pas de cette notion une juridiction compétente pour autoriser, sur demande d’un autre organe judiciaire, la divulgation par une banque à cet organe de données relatives aux comptes bancaires des magistrats ainsi qu’à ceux des membres de leur famille.
En vertu de la réglementation nationale, l’Inspection est compétente pour effectuer, notamment, des contrôles concernant l’intégrité et l’absence de conflits d’intérêts des magistrats ainsi que leurs déclarations de patrimoine. À cet effet, cette réglementation offre à l’Inspection, d’une part, la possibilité de solliciter l’accès aux données relatives aux comptes bancaires des magistrats ainsi qu’à ceux des membres de leur famille et, d’autre part, le pouvoir de demander une autorisation juridictionnelle préalable aux fins de l’accès à ces données, lorsque les personnes concernées n’ont pas donné leur consentement à un tel accès. La juridiction saisie d’une demande d’autorisation de divulgation n’intervient donc que sur demande de l’Inspection et se borne à vérifier si les conditions de légalité fixées par le droit national sont remplies. De même, c’est l’Inspection et non cette juridiction qui détermine, en fonction des règles nationales applicables, les personnes aux données desquelles elle entend avoir accès aux fins de l’exercice de ses pouvoirs et par rapport auxquelles elle introduit une demande d’autorisation auprès de ladite juridiction. Ainsi, même si la juridiction examine si et dans quelle mesure les conditions de légalité du traitement sont réunies dans un cas d’espèce donné, elle ne détermine de son propre chef ni la finalité du traitement ni les personnes et les données concernées. Dans ces conditions, ce n’est pas cette juridiction qui est responsable du traitement mais l’organe compétent pour la réalisation des finalités poursuivies.
En ce qui concerne la notion d’« autorité de contrôle », une juridiction compétente pour autoriser la divulgation de données à caractère personnel à un autre organe judiciaire ne relève pas, selon la Cour, de cette notion lorsque cette juridiction n’est pas chargée par l’État membre dont elle relève de surveiller l’application du RGPD afin de protéger, notamment, les libertés et les droits fondamentaux des personnes physiques à l’égard du traitement de leurs données à caractère personnel.
En dernier lieu, la Cour estime qu’une juridiction compétente pour autoriser la divulgation de données à caractère personnel à un autre organe judiciaire n’est pas tenue, lorsqu’elle n’est pas saisie d’un recours introduit contre un responsable du traitement{8}, d’assurer d’office la protection des personnes dont les données sont concernées quant au respect des dispositions de ce règlement relatives à la sécurité des données à caractère personnel. Il en va de même dans le cas où cet organe a commis, par le passé, une violation de ces dispositions.
En effet, la Cour précise qu’une juridiction nationale qui n’est pas saisie d’un recours introduit contre une autorité de contrôle ou contre un responsable du traitement{9} n’est pas tenue, en l’absence des règles lui conférant explicitement des pouvoirs de contrôle, de veiller au respect des dispositions matérielles du RGPD. Afin de garantir l’effectivité d’un tel recours, les États membres doivent s’assurer que les modalités concrètes d’exercice des voies de recours prévues par le RGPD répondent effectivement aux exigences découlant du droit à un recours effectif{10}. Pour ce faire, le responsable du traitement, à savoir l’organe judiciaire compétent auquel l’accès aux données à caractère personnel a été accordé, doit fournir aux personnes dont les données sont concernées les informations énumérées à l’article 14 du RGPD{11}, ces informations étant nécessaires pour permettre auxdites personnes d’exercer, le cas échéant, leur droit d’opposition au traitement de leurs données à caractère personnel{12} ainsi que leur droit de recours en cas de dommage subi{13}.
{1} Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, ci-après le « RGPD »).
{2} En application de l’article 62, paragraphe 6, point 12, du Zakon za kreditnite institutsii (loi sur les établissements de crédit) (DV no 59, du 21 juillet 2006).
{3} Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
{4} Telle qu’elle résulte de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.
{5} Articles 47 et 48 de la Charte.
{6} Et notamment de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), du RGPD qui prévoit que ce règlement ne s’applique pas aux traitements de données à caractère personnel effectué « dans le cadre d’une activité qui ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union ». Cette exception vise à exclure du champ d’application du RGPD les traitements de données à caractère personnel effectués par les autorités étatiques dans le cadre d’une activité qui vise à préserver la sécurité nationale ou d’une activité pouvant être rangée dans la même catégorie.
{7} Au sens de l’article 4, point 7, et de l’article 51, paragraphe 1, du RGPD.
{8} Au titre de l’article 79, paragraphe 1, du RGPD.
{9} Article 78, paragraphe 1, et article 79, paragraphe 1, du RGPD.
{10} Article 47 de la Charte.
{11} Plus précisément, aux paragraphes 1 et 2 de cette disposition.
{12} Article 21 du RGPD.
{13} Articles 79 et 82 du RGPD.
462. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Nécessité d'un litige pendant devant la juridiction de renvoi - Réponse de la Cour demeurant utile pour la solution du litige au principal
Saisie à titre préjudiciel par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), la Cour précise les conditions dans lesquelles l’autorité responsable d’une demande de protection internationale peut faire usage de la faculté, prévue à l’article 31, paragraphe 3, troisième alinéa, sous b), de la directive 2013/32{1}, de prolonger le délai de six mois prévu pour l’examen d’une telle demande. Cette prolongation est autorisée lorsque, du fait qu’un grand nombre de ressortissants de pays tiers demandent simultanément une protection internationale, il est très difficile, en pratique, de conclure la procédure dans ce délai de six mois.
Le 10 avril 2022, X, un ressortissant turc, a déposé une demande de protection internationale aux Pays-Bas. Le 21 septembre 2022, l’autorité compétente néerlandaise a adopté un arrêté{2} prolongeant de neuf mois le délai légal de six mois prévu pour l’examen des demandes d’octroi des permis de séjour temporaire au titre de l’asile. Le 13 octobre 2022, X a adressé une mise en demeure à cette autorité en raison de l’absence de prise de décision dans le délai de six mois. Ladite autorité ayant gardé le silence pendant deux semaines à la suite de cette mise en demeure, X a formé un recours devant le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas).
En janvier 2023, le tribunal de La Haye a déclaré le recours de X fondé et a considéré que l’autorité compétente n’avait pas légalement prolongé le délai d’examen des demandes d’octroi des permis de séjour temporaire au titre de l’asile. En outre, il lui a ordonné de procéder, dans les huit semaines suivant la date du jugement, à une première audition du demandeur et de prendre, dans les huit semaines suivant cette audition, une décision sur sa demande, sous peine d’astreinte.
Estimant que l’article 31, paragraphe 3, troisième alinéa, sous b), de la directive « procédures » permet une prolongation du délai d’examen des demandes de protection internationale non seulement en cas d’augmentation subite de leur nombre, lorsqu’elles sont introduites simultanément, mais aussi en cas d’accroissement progressif de ce nombre, pour garantir un examen approprié et exhaustif de ces demandes, l’autorité compétente néerlandaise a interjeté appel de ce jugement devant le Conseil d’État.
Nourrissant des doutes sur la légalité de la prolongation du délai de décision de six mois, le Conseil d’État a décidé de saisir la Cour par la voie préjudicielle. Il s’interroge, d’une part, sur le point de savoir si la directive « procédures » permet de prolonger ce délai lorsque le nombre des demandes d’asile ne s’accroît que progressivement. Il se demande, d’autre part, si la difficulté de conclure, en pratique, la procédure d’examen des demandes de protection internationale dans le délai de six mois, visée par cette directive, peut avoir pour origine d’autres circonstances que le seul grand nombre de ces demandes introduites simultanément.
Appréciation de la Cour
En premier lieu, la Cour énonce que le délai de six mois prévu pour l’examen des demandes de protection internationale, visé à l’article 31, paragraphe 3, troisième alinéa, sous b), de la directive « procédures », peut être prolongé de neuf mois par l’autorité responsable en cas d’accroissement significatif, dans un court laps de temps, du nombre de ces demandes par rapport à la tendance habituelle et prévisible dans l’État membre concerné, ce qui exclut la situation caractérisée par un accroissement progressif du nombre de ces demandes sur une longue période.
En effet, cette disposition permet aux États membres de prolonger le délai d’examen de six mois des demandes de protection internationale, dès lors que trois conditions cumulatives sont réunies, à savoir, premièrement, que de telles demandes soient introduites « simultanément », deuxièmement, que ces demandes soient introduites par « un grand nombre » de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides et, troisièmement, qu’il soit alors « très difficile pour les autorités de l’État membre, en pratique, de conclure la procédure dans le délai de six mois ».
Ainsi, tout d’abord, en l’absence de définition du sens et de la portée du terme « simultanément » dans la directive « procédures », ce terme doit être interprété comme synonyme de l’expression « concomitamment », ce qui implique en principe l’introduction du grand nombre de demandes au même moment. Les demandes de protection internationale étant, en pratique, rarement introduites exactement au même moment, afin que l’article 31, paragraphe 3, troisième alinéa, sous b), ne soit pas privé d’effet utile, le terme « simultanément » doit être compris comme signifiant « dans un court laps de temps ». En revanche, cette disposition ne vise pas un accroissement progressif du nombre de ces demandes sur une période prolongée.
Ensuite, l’existence de demandes introduites par « un grand nombre » de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides doit être appréciée au regard du flux habituel et prévisible de ces demandes dans l’État membre concerné, la directive ne comportant pas de critères permettant de quantifier un tel nombre. Pour qu’il s’agisse d’« un grand nombre » de demandes de protection internationale introduites « simultanément », l’autorité responsable doit établir, sur la base d’une analyse comparative de données chiffrées, l’existence d’un accroissement significatif, dans un court laps de temps, du nombre de ces demandes par rapport à la tendance habituelle et prévisible dans l’État membre concerné.
Enfin, la condition relative à l’existence de difficultés pratiques pour conclure, dans les six mois, le traitement d’un grand nombre de telles demandes introduites simultanément doit être appréciée au regard des obligations incombant aux États membres conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive « procédures »{3}. À cet égard, en cas d’accroissement progressif du nombre de demandes de protection internationale sur une période prolongée, l’État membre concerné est tenu de prendre des mesures, conformément à cette disposition, pour adapter sa capacité de traitement de ces demandes. Ainsi, la durée de la période à prendre en considération ne peut excéder le temps nécessaire à un État membre pour accroître les moyens mis à la disposition de l’autorité responsable et disposer à nouveau d’une capacité suffisante pour traiter ces demandes. Ce temps nécessaire doit donc être apprécié au regard du temps requis pour recruter et former du personnel compétent pour traiter les demandes de protection internationale reçues d’une façon appropriée et exhaustive.
En second lieu, la Cour précise que la difficulté, en pratique, de conclure la procédure d’examen des demandes de protection internationale dans le délai de six mois, au titre de l’article 31, paragraphe 3, troisième alinéa, sous b), de la directive « procédures », ne peut avoir pour origine des circonstances autres que le grand nombre de ces demandes introduites simultanément, telles que l’existence d’un volume important de demandes non traitées ou l’insuffisance de personnel de l’autorité responsable compétente.
En effet, l’admission d’autres circonstances que le grand nombre des demandes de protection internationale introduites simultanément pour justifier une prolongation du délai d’examen compromettrait les obligations que les États membres doivent respecter en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « procédures ».
Cependant, dans le cas d’un accroissement significatif, dans un court laps de temps, du nombre de ces demandes par rapport à la tendance habituelle et prévisible dans l’État membre concerné, il ne saurait être attendu de cet État membre qu’il soit immédiatement en mesure de satisfaire aux besoins supplémentaires en effectif dans le délai requis de six mois. Dans une telle situation, les États membres doivent disposer du temps nécessaire pour assurer un renforcement des ressources humaines de l’autorité responsable. À cet égard, l’article 31, paragraphe 3, troisième alinéa, sous b), de la directive « procédures » prévoit la possibilité de prolonger le délai d’examen des demandes d’une durée ne pouvant excéder neuf mois supplémentaires.
En conséquence, le nombre de demandes de protection internationale en attente d’être traitées au moment de l’accroissement significatif du nombre de ces demandes introduites simultanément ne constitue pas en soi une circonstance justifiant une prolongation au titre de cette disposition. Lorsque le nombre de ces demandes demeure constamment élevé pendant une longue période, l’État membre est tenu de prévoir des moyens appropriés permettant à l’autorité responsable de disposer d’une capacité de traitement suffisante, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive.
{1} Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60) (ci-après la « directive "procédures" »).
{2} Besluit houdende wijziging van de Vreemdelingencirculaire 2000 (arrêté portant modification de la circulaire de 2000 sur les étrangers).
{3} Cette disposition prévoit, d’une part, que les États membres désignent, pour toutes les procédures, une autorité chargée de procéder à un examen approprié des demandes de protection internationale conformément à la directive et, d’autre part, qu’ils veillent à ce que cette autorité dispose des moyens appropriés, y compris un personnel compétent en nombre suffisant, pour accomplir ses tâches, conformément à cette directive.
Arrêt du 8 mai 2025, Zimir (C-662/23) (cf. points 27-30)
Voir le texte de la décision.
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