1. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Date à prendre en considération - Moment de la réunion des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité extracontractuelle - Prise en considération de l'appréciation subjective de la réalité du dommage - Absence de pertinence
Arrêt du 28 septembre 2010, C-Content / Commission (T-247/08, Rec._p._II-205*) (cf. points 52-55)
2. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte - Refus d'intervention de la Commission dans un différend concernant le paiement d'une dette d'un État tiers à l'égard d'un ressortissant communautaire en vertu de l'accord de Cotonou - Délai courant à partir du moment de la réalisation du préjudice, se concrétisant au moment dudit refus - Prise en considération de l'appréciation subjective de la réalité du dommage - Inadmissibilité - Irrecevabilité pour cause de prescription
3. Recours en indemnité - Délai de prescription - Interruption - Conditions - Dépôt d'une requête devant le juge communautaire ou présentation d'une demande préalable adressée à l'institution compétente - Notion de requête à cette fin - Requête en annulation - Exclusion
4. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Préjudice se produisant de façon continue - Date à prendre en considération
Dans le cas d'un préjudice susceptible de se produire de façon continue, le délai de prescription de cinq ans prévu à l'article 46 du statut de la Cour de justice s'applique, en fonction de la date de l'acte interruptif, à la période antérieure de plus de cinq ans à cette date, sans affecter d'éventuels droits nés au cours des périodes postérieures.
Arrêt du 21 janvier 2014, Klein / Commission (T-309/10) (cf. point 52)
Voir le texte de la décision.
Ordonnance du 20 mars 2014, Donnici / Parlement (T-43/13) (cf. points 59, 60)
Arrêt du 16 décembre 2015, Chart / SEAE (T-138/14) (cf. points 55-58)
Arrêt du 20 janvier 2021, Folschette e.a. / Commission (T-884/19) (cf. points 24, 25)
5. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte - Date de prise de connaissance de l'illégalité du comportement reproché - Absence de pertinence - Articulation entre le recours en indemnité et le recours en annulation
6. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte à l'égard de la personne concernée - Prise en considération de l'appréciation subjective de la réalité du dommage - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki / Commission (C-469/11 P) (cf. points 37-42)
Aux termes de l’article 46 du statut de la Cour, les actions contre l’Union européenne en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à partir de la survenance du fait qui y donne lieu. Ce délai commence à courir dès lors que les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation sont réunies, et notamment lorsque le dommage à réparer s’est concrétisé. Toutefois, les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation des dommages visés à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, et, ainsi, les règles de prescription régissant les actions tendant à la réparation desdits dommages, ne sauraient être fondées sur des critères autres que strictement objectifs. Ainsi, une connaissance précise et circonstanciée des faits de la cause ne figure pas au nombre des éléments qui doivent être réunis pour faire courir le délai de prescription. De même, l’appréciation subjective de la réalité du dommage par la victime de ce dommage ne saurait être prise en considération dans la détermination du point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité non contractuelle de l’Union.
Dans le cas des contentieux nés d’actes individuels, le délai de prescription commence à courir lorsque la décision a produit ses effets à l’égard des personnes qu’elle vise. Dans ce contexte, il est indifférent, pour le déclenchement du délai de prescription, que le comportement illégal de l’Union ait été constaté par une décision de justice.
Ordonnance du 20 mars 2014, Donnici / Parlement (T-43/13) (cf. points 46, 48, 50-52, 56)
Ordonnance du 25 juillet 2022, Armadora Parleros / Commission (T-254/21) (cf. points 28-31, 36, 37)
7. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Réunion des conditions de mise en œuvre de la responsabilité extracontractuelle - Prise en considération de l'appréciation subjective de la réalité du dommage - Inadmissibilité
Arrêt du 20 février 2013, Nikolaou / Cour des comptes (T-241/09) (cf. points 22-24)
8. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte à l'égard de la personne concernée - Prise en considération de la date du fait préjudiciable - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 28 février 2013, Inalca et Cremonini / Commission (C-460/09 P) (cf. points 52, 55, 60)
9. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Prise en considération de l'appréciation subjective de la réalité du dommage - Prise en considération de la reconnaissance par l'institution de son comportement illégal - Inadmissibilité
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 28 février 2013, Inalca et Cremonini / Commission (C-460/09 P) (cf. points 70-71)
10. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte normatif - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte - Date de l'adoption de l'acte portant inscription du nom du requérant
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 18 septembre 2014, Georgias e.a. / Conseil et Commission (T-168/12) (cf. points 29-31)
11. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte normatif - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte
Ordonnance du 11 février 2021, Fryč / Commission (T-92/20) (cf. point 18)
12. Recours en indemnité - Délai de prescription - Interruption - Conditions - Dépôt d'une demande d'aide judiciaire - Absence d'incidence
Arrêt du 22 avril 2015, Klein / Commission (C-120/14 P) (cf. points 43-46)
13. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'une méconnaissance du délai raisonnable de jugement par le juge de l'Union - Date du prononcé de l'arrêt en cause
Le délai de prescription commence à courir dès lors que les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation des dommages visés à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE sont réunies. Ces conditions et, ainsi, les règles de prescription régissant les actions tendant à la réparation desdits dommages ne sauraient être fondées sur des critères autres que strictement objectifs. Dès lors, l’appréciation subjective de la réalité du dommage par la victime d’un dommage ne saurait être prise en considération dans la détermination du point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité non contractuelle de l’Union.
S’agissant d’un recours en indemnité visant à la réparation d’un préjudice prétendument subi en raison d’une éventuelle méconnaissance du délai raisonnable de jugement, le fait qui donne lieu à l’action au sens de l’article 46 du statut de la Cour de justice est une irrégularité de procédure qui prend la forme d’une prétendue méconnaissance des exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable par une juridiction de l’Union. La fixation du point de départ du délai de prescription de cinq ans prévu audit article 46 doit donc tenir compte de cette circonstance. En particulier, le délai de prescription ne peut commencer à courir à une date à laquelle le fait générateur se poursuit et le point de départ de ce délai doit être fixé à une date à laquelle le fait générateur s’est entièrement concrétisé. Ainsi, dans le cas spécifique d’un recours en indemnité visant à la réparation d’un préjudice prétendument subi en raison d’une éventuelle méconnaissance du délai raisonnable de jugement, le point de départ du délai de prescription de cinq ans visé à l’article 46 du statut de la Cour de justice doit, lorsqu’une décision a mis fin au délai de jugement litigieux, être fixé à la date à laquelle cette décision a été adoptée. En effet, une telle date constitue une date certaine, fixée sur la base de critères objectifs. Elle garantit le respect du principe de sécurité juridique et permet la protection des droits des requérantes.
Le délai de prescription commence à courir dès lors que les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation des dommages visées à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE sont réunies. Ces conditions et, ainsi, les règles de prescription régissant les actions tendant à la réparation desdits dommages ne sauraient être fondées sur des critères autres que strictement objectifs. Dès lors, l’appréciation subjective de la réalité du dommage par la victime d’un dommage ne saurait être prise en considération dans la détermination du point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité non contractuelle de l’Union.
S’agissant d’un recours en indemnité visant à la réparation d’un préjudice prétendument subi en raison d’une éventuelle méconnaissance du délai raisonnable de jugement, le fait qui donne lieu à l’action au sens de l’article 46 du statut de la Cour de justice est une irrégularité de procédure qui prend la forme d’une prétendue méconnaissance des exigences liées au respect du délai de jugement raisonnable par une juridiction de l’Union. La fixation du point de départ du délai de prescription de cinq ans prévu audit article 46 doit donc tenir compte de cette circonstance. En particulier, le délai de prescription ne peut commencer à courir à une date à laquelle le fait générateur se poursuit et le point de départ de ce délai doit être fixé à une date à laquelle le fait générateur s’est entièrement concrétisé. Ainsi, dans le cas spécifique d’un recours en indemnité visant à la réparation d’un préjudice prétendument subi en raison d’une éventuelle méconnaissance du délai raisonnable de jugement, le point de départ du délai de prescription de cinq ans visé à l’article 46 du statut de la Cour de justice doit, lorsqu’une décision a mis fin au délai de jugement litigieux, être fixé à la date à laquelle cette décision a été adoptée. En effet, une telle date constitue une date certaine, fixée sur la base de critères objectifs. Elle garantit le respect du principe de sécurité juridique et permet la protection des droits des requérantes.
Arrêt du 17 février 2017, ASPLA et Armando Álvarez / Union européenne (T-40/15) (cf. points 45-49)
Dans le cas spécifique d’un recours en indemnité visant à la réparation d’un préjudice prétendument subi en raison d’une éventuelle méconnaissance du délai raisonnable de jugement par le juge de l'Union, le point de départ du délai de prescription de cinq ans visé à l’article 46 du statut de la Cour de justice doit, lorsqu’une décision a mis fin au délai de jugement litigieux, être fixé à la date à laquelle cette décision a été adoptée. En effet, une telle date constitue une date certaine, fixée sur la base de critères objectifs. Elle garantit le respect du principe de sécurité juridique et permet la protection des droits de la requérante.
Arrêt du 7 juin 2017, Guardian Europe / Union européenne (T-673/15) (cf. point 26)
14. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte
Voir le texte de la décision.
Arrêt du 7 juin 2017, Guardian Europe / Union européenne (T-673/15) (cf. points 32, 35)
Arrêt du 8 mai 2019, Lucchini / Commission (T-185/18) (cf. points 55-58)
15. Recours en indemnité - Délai de prescription - Interruption - Préjudice immatériel lié à une atteinte à la réputation - Préjudice se produisant de façon continue - Dates à prendre en considération
Dans le cas d’un préjudice continu, la prescription visée à l’article 46 du statut de la Cour de justice s’applique, en fonction de la date de l’acte interruptif, à la période antérieure de plus de cinq ans à cette date, sans affecter d’éventuels droits nés au cours des périodes postérieures. Présente un tel caractère continu le préjudice immatériel d’atteinte à la réputation. En effet, bien qu’elle puisse revêtir différentes formes, l’atteinte à la réputation est généralement un préjudice qui se renouvelle quotidiennement et se prolonge aussi longtemps qu’il n’a pas été mis fin à la supposée cause d’une telle atteinte. Tel est le cas, notamment, lorsque l’atteinte alléguée à la réputation trouve prétendument sa source dans une décision de la Commission qui, dans un premier temps, est adoptée et rendue publique au moyen d’un communiqué de presse et qui, dans un second temps, est publiée au Journal officiel de l’Union européenne sous la forme d’un résumé.
Arrêt du 7 juin 2017, Guardian Europe / Union européenne (T-673/15) (cf. points 39, 42, 43)
16. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte - Application dans le cas d'un recours visant le manque à gagner d'un soumissionnaire évincé d'une procédure de passation d'un marché public
Ordonnance du 7 février 2018, AEIM et Kazenas / Commission (T-436/16) (cf. points 24, 25, 30)
17. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Préjudice consistant en des frais d'avocat exposés par le requérant devant les juridictions nationales - Préjudice à caractère non continu - Date à prendre en considération
Ordonnance du 7 février 2018, AEIM et Kazenas / Commission (T-436/16) (cf. points 32, 33)
18. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Préjudice moral lié à une atteinte à la réputation du fait de l'implication du requérant dans des procédures devant les juridictions nationales - Préjudice à caractère non continu - Date à prendre en considération
Ordonnance du 7 février 2018, AEIM et Kazenas / Commission (T-436/16) (cf. point 35)
19. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte - Constatation ultérieure des faits générateurs par une décision de justice - Absence d'incidence - Caractère contraignant de la qualification des faits dans ladite décision pour le juge de l'Union - Absence
Ordonnance du 7 février 2018, AEIM et Kazenas / Commission (T-436/16) (cf. point 36)
20. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte - Prise en considération de l'appréciation subjective de la réalité du dommage - Exclusion
Ordonnance du 7 février 2018, AEIM et Kazenas / Commission (T-436/16) (cf. points 38, 40)
21. Recours en indemnité - Délais de recours - Prescription quinquennale - Introduction du recours à la veille de l'expiration du délai - Recevabilité - Régularisation ultérieure de la requête - Absence d'incidence
Dans l’arrêt Steinhoff e.a. / BCE (T-107/17), rendu le 23 mai 2019, le Tribunal a rejeté un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par des créanciers privés, à la suite de l’adoption d’un avis de la Banque centrale européenne (BCE) sur les titres émis et garantis par la République hellénique{1}.
Le 2 février 2012, la BCE a été saisie d’une demande d’avis, au titre de l’article 127, paragraphe 4, TFUE, lu conjointement avec l’article 282, paragraphe 5, TFUE, par la République hellénique sur le projet de loi no 4050/2012 introduisant des règles portant modification des conditions applicables aux titres de créance négociables émis ou garantis par l’État grec dans le cadre d’accords avec leurs détenteurs, aux fins de la restructuration de la dette publique grecque, fondée notamment sur l’application des « clauses d’action collective » (ci-après les « CAC »). La BCE ayant rendu un avis positif sur le projet de loi, ce dernier a été adopté, le 23 février 2012, par le Parlement hellénique.
En vertu du mécanisme des CAC, les amendements proposés aux titres de créance concernés étaient destinés à devenir juridiquement contraignants pour tout détenteur de titres de créance régis par le droit hellénique et émis avant le 31 décembre 2011, tels qu’identifiés dans l’acte du Conseil des ministres approuvant les invitations à la participation des investisseurs privés (Private Sector Involvement, ci-après le « PSI »), si lesdits amendements étaient approuvés, par un quorum de détenteurs de titres représentant au moins deux tiers de la valeur nominale desdits titres. Le quorum et la majorité requis pour procéder à l’échange de titres envisagé ayant été atteints, tous les détenteurs de titres de créance grecs, en ce compris ceux qui s’opposaient à cet échange, ont vu leurs titres échangés en application de la loi nº 4050/2012 et, par conséquent, leur valeur diminuée. Les requérants, en tant que détenteurs de titres de créance grecs, ont participé à la restructuration de la dette publique grecque, en vertu du PSI et des CAC mis en œuvre au titre de la loi nº 4050/2012 après avoir refusé l’offre d’échange de leurs titres.
Par leur recours, les requérants ont mis en cause la responsabilité de la BCE pour le préjudice qu’ils auraient prétendument subi du fait que la BCE aurait omis, dans son avis, d’attirer l’attention de la République hellénique sur le caractère illégal de la restructuration de la dette publique grecque envisagée par l’échange obligatoire de titres de créance.
S’agissant de la responsabilité non contractuelle de la BCE, le Tribunal a relevé, en premier lieu, que les avis de la BCE ne lient pas les autorités nationales. En effet, en vertu du considérant 3 et de l’article 4 de la décision 98/415{2}, les autorités nationales doivent uniquement tenir compte de ces avis et ils ne portent pas préjudice aux responsabilités de ces autorités dans les matières faisant l’objet des projets en question. Il s’ensuit que, si le respect de l’obligation de consultation de la BCE exige qu’elle puisse faire connaître utilement son point de vue aux autorités nationales, il ne peut leur imposer d’adhérer à celui-ci. En second lieu, le Tribunal a constaté que la BCE jouit d’un large pouvoir d’appréciation lors de l’adoption de ses avis. Le large pouvoir d’appréciation dont dispose la BCE implique que seule une méconnaissance manifeste et grave des limites de ce pouvoir peut engager sa responsabilité non contractuelle. Par conséquent, seule une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit qui confère des droits aux particuliers est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la BCE.
Dans ce contexte, le Tribunal a jugé que les requérants alléguaient à tort que la BCE a commis une illégalité susceptible d’engager sa responsabilité non contractuelle en ne dénonçant pas, dans l’avis litigieux, la violation du principe pacta sunt servanda que constituerait l’adoption de la loi nº 4050/2012 à leur égard. En effet, la souscription par les requérants aux titres de créance litigieux émis et garantis par la République hellénique a créé une relation contractuelle entre eux et la République hellénique. Cette relation contractuelle n’est pas régie par le principe pacta sunt servanda de l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités{3}. En application de son article 1er, cette convention ne s’applique qu’aux traités entre États. Par conséquent, l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités ne constitue pas une règle de droit conférant des droits aux requérants.
En outre, le Tribunal a observé que les avis de la BCE n’ont ni pour destinataire des particuliers ni pour objet principal les relations contractuelles entre un particulier et un État membre à la suite d’une émission par cet État membre de titres de créance. En effet, en vertu de l’article 2 de la décision 98/415, les destinataires des avis de la BCE sont les autorités des États membres tenues de consulter la BCE et non pas des particuliers. Par conséquent, lorsque, comme en l’espèce, la BCE est consultée par la République hellénique sur un projet de réglementation concernant les banques nationales et les règles applicables aux établissements financiers dans la mesure où elles ont une incidence sensible sur la stabilité de ces établissements et des marchés financiers, elle n’est pas tenue de se prononcer sur le respect, par cet État membre, du principe général du droit des contrats, pacta sunt servanda, à l’égard de détenteurs de titres de créance étatiques. Ainsi, la compétence d’avis de la BCE ne confère pas aux requérants un droit de voir dénoncer par cette instance une violation d’un droit contractuel qu’ils détiennent vis-à-vis de la République hellénique à la suite d’une souscription de leur part à des titres de créance grecs émis et garantis par cette dernière.
Par la suite, le Tribunal a considéré que la limitation de la valeur des titres de créance des requérants ne constituait pas une mesure disproportionnée par rapport au but consistant à protéger l’économie de la République hellénique et la zone euro contre un risque de cessation de paiement de la République hellénique et de l’effondrement de son économie. C’était donc à tort que les requérants alléguaient que les mesures en cause constituaient une violation du droit de propriété garanti à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Ensuite, le Tribunal a conclu à l’absence de violation de la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en jugeant que, en l’espèce, les mesures mises en œuvre par la loi nº 4050/2012 étaient justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, dans la mesure où les circonstances à l’origine de cette loi étaient réellement exceptionnelles car, en l’absence de restructuration, un défaut de paiement, à tout le moins sélectif, à court terme de la République hellénique était une perspective crédible. De même, les mesures en cause visaient à assurer la stabilité du système bancaire de la zone euro dans son ensemble. En outre, les requérants n’ont pas démontré que lesdites mesures étaient disproportionnées. Elles ont permis de rétablir la stabilité du système bancaire de la zone euro dans son ensemble et il n’est pas démontré qu’elles allaient au-delà de ce qui était nécessaire pour rétablir ladite stabilité. En particulier, la participation des créanciers privés à l’échange de titres de créance grecs sur une base exclusivement volontaire, comme le préconisent les requérants, n’aurait pas permis d’assurer le succès de cet échange de titres. En effet, en ne garantissant pas un traitement égalitaire entre les créanciers privés, peu de ces créanciers auraient accepté ledit échange compte tenu de l’aléa moral qu’il impliquait, à savoir qu’ils supporteraient les conséquences des risques pris par les créanciers qui ne participaient pas à l’échange de titres de créance grecs.
Enfin, le Tribunal a estimé que les requérants invoquaient à tort l’existence d’une illégalité engageant la responsabilité de la BCE à leur égard en raison de l’absence de dénonciation par la BCE de l’article 124 TFUE. En effet, l’article 124 TFUE interdit toute mesure, ne reposant pas sur des considérations d’ordre prudentiel, accordant notamment aux États membres un accès privilégié aux institutions financières afin d’inciter les États membres à respecter une politique budgétaire saine en évitant qu’un financement monétaire des déficits publics ou un accès privilégié des autorités publiques aux marchés financiers ne conduise à un endettement excessif ou à des déficits excessifs des États membres. Or, la loi nº 4050/2012 n’a pas pour objet de creuser l’endettement de la République hellénique mais, au contraire, de le réduire, eu égard à son caractère excessif, en dévalorisant les titres détenus par les requérants. En outre, le projet de loi contribuait à préserver tant les finances publiques grecques que la stabilité du système financier de la zone euro. En tout état de cause, l’article 124 TFUE ne vise pas à protéger les requérants et ne leur confère pas de droits.
{1 Avis de la BCE, du 17 février 2012, sur les conditions des titres émis ou garantis par l'État grec (CON/2012/12).}
{2 Décision du Conseil 98/415/CE, du 29 juin 1998, relative à la consultation de la Banque centrale européenne par les autorités nationales au sujet de projets de réglementation.}
{3 Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331).}
Arrêt du 23 mai 2019, Steinhoff e.a. / BCE (T-107/17) (cf. points 30-33)
22. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ
Ordonnance du 25 septembre 2019, Triantafyllopoulos e.a. / BCE (T-451/18) (cf. points 24, 25, 28)
23. Recours en indemnité - Délai de prescription - Interruption - Conditions - Dépôt d'une requête devant le juge de l'Union ou présentation d'une demande préalable adressée à l'institution compétente - Notion de requête à cette fin - Requête en annulation - Exclusion
Ordonnance du 11 février 2021, Fryč / Commission (T-92/20) (cf. point 22)
24. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Préjudice se produisant de façon continue - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte à l'égard de la personne concernée - Date à prendre en considération
Arrêt du 6 avril 2022, Planistat Europe et Charlot / Commission (T-735/20) (cf. points 32-37, 48)
25. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Responsabilité du fait d'un acte individuel - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte - Recours visant à obtenir l'indemnisation des intérêts moratoires dus sur une amende indûment payée - Délai de prescription commençant à courir à partir de l'abstention de la Commission de verser lesdits intérêts moratoires
Ordonnance du 22 décembre 2022, British Airways / Commission (T-480/21) (cf. points 47-59)
26. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Préjudice se produisant de façon continue - Interruption de la prescription - Prescription s'appliquant à la période antérieure de plus de cinq ans à la date de l'acte interruptif de prescription
En 2013, la banque italienne Banca Popolare di Bari SpA (BPB) avait exprimé son intérêt pour la souscription à une augmentation de capital d’une autre banque italienne, Banca Tercas (ci-après « Tercas »), placée sous administration extraordinaire depuis 2012. Cette expression d’intérêt était toutefois liée à la condition que le déficit patrimonial de Tercas soit entièrement couvert par le Fonds interbancaire de protection des dépôts (ci-après le « FITD »).
En 2014, avec l’aval de la banque centrale de la République italienne, le FITD est intervenu en faveur de Tercas en couvrant ses fonds propres négatifs et en lui octroyant deux garanties. Par la suite, BPB a souscrit à deux augmentations de capital de Tercas.
Par décision du 23 décembre 2015{1} (ci-après la « décision Tercas »), la Commission européenne a considéré que l’intervention susvisée du FITD en faveur de Tercas, intégralement détenue par BPB depuis le 1er octobre 2014, constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui devait être récupérée auprès de son bénéficiaire par la République italienne.
Néanmoins, par arrêt du Tribunal du 19 mars 2019{2}, confirmé sur pourvoi{3}, la décision Tercas a été annulée pour violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
Par lettre du 28 avril 2021, BPB a demandé à la Commission la réparation des dommages prétendument subis en raison de la décision Tercas en estimant ce préjudice à 228 millions d’euros. La Commission ayant rejeté cette demande, BPB a introduit un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.
À l’appui de ce recours, BPB fait valoir que la décision Tercas a provoqué une détérioration de la confiance de la clientèle à son égard, ce qui aurait causé une perte de dépôts et de clientèle (manque à gagner), une atteinte à sa réputation (dommage moral) ainsi qu’occasionné des coûts pour les mesures d’atténuation des effets négatifs de ladite décision (dommage réel).
En rejetant ce recours, le Tribunal précise les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union en raison d’une application erronée, par la Commission, des règles en matière d’aides d’État.
Appréciation du Tribunal
La Commission ayant invoqué l’expiration du délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « le statut de la Cour ») pour l’introduction d’actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle{4}, le Tribunal rappelle que ce délai ne commence à courir qu’à partir du moment où le dommage à réparer s’est effectivement réalisé.
En relevant que la demande d’indemnisation adressée par lettre du 28 avril 2021 à la Commission constitue un acte interruptif de prescription, le Tribunal souligne, en outre, que, lorsqu’il s’agit d’un dommage à caractère continu, la prescription s’applique à la période antérieure de plus de cinq ans à la date de l’acte interruptif de prescription, sans affecter les droits nés au cours des périodes postérieures.
À cet égard, le Tribunal précise que les préjudices matériels allégués dérivant tant de la perte de dépôts directs que de la perte de clientèle par BPB présentent un caractère continu dès lors qu’ils se seraient accumulés et renouvelés depuis l’adoption de la décision Tercas. Le prétendu préjudice moral découlant de l’atteinte à la réputation de BPB présente, lui aussi, un caractère continu, dans la mesure où ce préjudice trouverait sa source dans la décision Tercas, qui, dans un premier temps, a été adoptée et rendue publique au moyen d’un communiqué de presse et qui, dans un second temps, a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.
Il s’ensuit que la demande en indemnité de BPB n’est pas prescrite pour autant qu’elle vise la réparation des préjudices découlant de la perte de dépôts directs et de clientèle et de l’atteinte à sa réputation, subis postérieurement au 28 avril 2016, c’est-à-dire durant la période antérieure de moins de cinq ans à la demande d’indemnisation du 28 avril 2021.
S’agissant du prétendu dommage réel consistant en des frais supplémentaires subis par BPB en raison de mesures d’atténuation des effets négatifs de la décision Tercas, le Tribunal écarte le caractère continu de plusieurs dommages allégués à ce titre, dès lors qu’ils se sont effectivement réalisés à une date précise et que leurs montants n’ont pas augmenté en proportion du temps écoulé.
Sur le fond, le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, la réalité du dommage ainsi que l’existence d’un lien de causalité direct entre la violation et le préjudice subi.
Concernant la première de ces conditions, le Tribunal relève, d’une part, que l’erreur dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE commise par la Commission dans la décision Tercas constitue une violation d’une règle ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, tels que BPB. En effet, en ce qu’il fournit une définition de la notion d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur afin de garantir une concurrence loyale entre les entreprises des États membres, l’article 107, paragraphe 1, TFUE vise à protéger les intérêts des particuliers et notamment des entreprises. En outre, l’application de la notion d’aide visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE est strictement liée à l’application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, lequel établit l’obligation de notifier les mesures d’aide et l’interdiction de les mettre en œuvre avant l’aboutissement de la procédure de contrôle préalable par la Commission. Vu que cette dernière disposition revêt un effet direct, elle peut être invoquée par les particuliers afin de faire valoir leurs droits découlant de son application. Or, c’est aux fins de l’application de la notion d’aide, prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, que l’article 108 TFUE confère à la Commission le pouvoir de se prononcer sur la compatibilité des aides d’État avec le marché intérieur. De plus, l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE par la Commission peut être contestée devant les juridictions de l’Union par les bénéficiaires de l’aide, leurs concurrents ainsi que les États membres.
S’agissant de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, le Tribunal indique, d’autre part, que la jurisprudence prend notamment en compte la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes et, plus particulièrement, la marge d’appréciation dont dispose l’auteur de l’acte mis en cause. Lorsque l’institution concernée dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le critère décisif pour établir une telle violation est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par cette institution, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation.
Au vu de ces critères, le Tribunal relève que la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE commise par la Commission dans la décision Tercas, bien que constatée dans les arrêts du Tribunal et de la Cour, n’est pas automatiquement de ce fait suffisamment caractérisée. En rappelant que l’erreur commise par la Commission concernait l’analyse des éléments retenus pour établir l’implication des autorités publiques italiennes dans l’intervention du FITD, le Tribunal souligne, en outre, que la Commission devait appliquer la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dans un contexte juridique et factuel particulièrement complexe. Or, le fait que, dans ces circonstances, la Commission n’avait pas établi à suffisance de droit l’imputabilité de l’intervention du FITD à l’État n’est pas suffisant pour qualifier cette erreur de violation manifeste et grave des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation de la Commission. Dès lors, la Commission n’a pas commis de violation suffisamment caractérisée en ce qui concerne la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
Le Tribunal examine ensuite la condition relative à l’existence d’un lien de causalité direct entre la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE par la Commission et le préjudice allégué par BPB. À cet égard, il relève que, même si la décision Tercas a pu jouer un certain rôle dans le processus de perte de la confiance de la clientèle de BPB, cette perte a été induite également par d’autres facteurs, de sorte que ladite décision ne saurait être considérée comme étant la cause déterminante et directe du préjudice allégué. Partant, BPB n’a pas établi l’existence d’un lien de cause à effet entre le comportement prétendument illégal de la Commission et le préjudice allégué.
Dès lors, le Tribunal conclut que, en ce qui concerne les préjudices non prescrits dont BPB demande l’indemnisation, les conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union relatives à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, d’une part, et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué, d’autre part, ne sont pas remplies.
Ainsi, le recours de BPB est rejeté sans qu’il soit nécessaire d’examiner la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union relative à la réalité du dommage.
{1} Décision (UE) 2016/1208 de la Commission, du 23 décembre 2015, concernant l’aide d’État SA.39451 (2015/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par l’Italie en faveur de Banca Tercas (JO 2016, L 203, p. 1).
{2} Arrêt du 19 mars 2019, Italie e.a/Commission (T-98/16, T-196/16 et T-198/16, EU:T:2019:167).
{3} Arrêt du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a. (C-425/19 P, EU:C:2021:154).
{4} Conformément à l’article 53, 1er alinéa, du statut de la Cour, l’article 46 du même statut est applicable à la procédure devant le Tribunal.
Arrêt du 20 décembre 2023, Banca Popolare di Bari / Commission (T-415/21) (cf. points 28-54, 67)
27. Recours en indemnité - Délai de prescription - Point de départ - Préjudice à caractère non continu - Date à prendre en considération - Date de l'apparition des effets dommageables de l'acte à l'égard de la personne concernée
En 2013, la banque italienne Banca Popolare di Bari SpA (BPB) avait exprimé son intérêt pour la souscription à une augmentation de capital d’une autre banque italienne, Banca Tercas (ci-après « Tercas »), placée sous administration extraordinaire depuis 2012. Cette expression d’intérêt était toutefois liée à la condition que le déficit patrimonial de Tercas soit entièrement couvert par le Fonds interbancaire de protection des dépôts (ci-après le « FITD »).
En 2014, avec l’aval de la banque centrale de la République italienne, le FITD est intervenu en faveur de Tercas en couvrant ses fonds propres négatifs et en lui octroyant deux garanties. Par la suite, BPB a souscrit à deux augmentations de capital de Tercas.
Par décision du 23 décembre 2015{1} (ci-après la « décision Tercas »), la Commission européenne a considéré que l’intervention susvisée du FITD en faveur de Tercas, intégralement détenue par BPB depuis le 1er octobre 2014, constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui devait être récupérée auprès de son bénéficiaire par la République italienne.
Néanmoins, par arrêt du Tribunal du 19 mars 2019{2}, confirmé sur pourvoi{3}, la décision Tercas a été annulée pour violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
Par lettre du 28 avril 2021, BPB a demandé à la Commission la réparation des dommages prétendument subis en raison de la décision Tercas en estimant ce préjudice à 228 millions d’euros. La Commission ayant rejeté cette demande, BPB a introduit un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.
À l’appui de ce recours, BPB fait valoir que la décision Tercas a provoqué une détérioration de la confiance de la clientèle à son égard, ce qui aurait causé une perte de dépôts et de clientèle (manque à gagner), une atteinte à sa réputation (dommage moral) ainsi qu’occasionné des coûts pour les mesures d’atténuation des effets négatifs de ladite décision (dommage réel).
En rejetant ce recours, le Tribunal précise les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union en raison d’une application erronée, par la Commission, des règles en matière d’aides d’État.
Appréciation du Tribunal
La Commission ayant invoqué l’expiration du délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « le statut de la Cour ») pour l’introduction d’actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle{4}, le Tribunal rappelle que ce délai ne commence à courir qu’à partir du moment où le dommage à réparer s’est effectivement réalisé.
En relevant que la demande d’indemnisation adressée par lettre du 28 avril 2021 à la Commission constitue un acte interruptif de prescription, le Tribunal souligne, en outre, que, lorsqu’il s’agit d’un dommage à caractère continu, la prescription s’applique à la période antérieure de plus de cinq ans à la date de l’acte interruptif de prescription, sans affecter les droits nés au cours des périodes postérieures.
À cet égard, le Tribunal précise que les préjudices matériels allégués dérivant tant de la perte de dépôts directs que de la perte de clientèle par BPB présentent un caractère continu dès lors qu’ils se seraient accumulés et renouvelés depuis l’adoption de la décision Tercas. Le prétendu préjudice moral découlant de l’atteinte à la réputation de BPB présente, lui aussi, un caractère continu, dans la mesure où ce préjudice trouverait sa source dans la décision Tercas, qui, dans un premier temps, a été adoptée et rendue publique au moyen d’un communiqué de presse et qui, dans un second temps, a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.
Il s’ensuit que la demande en indemnité de BPB n’est pas prescrite pour autant qu’elle vise la réparation des préjudices découlant de la perte de dépôts directs et de clientèle et de l’atteinte à sa réputation, subis postérieurement au 28 avril 2016, c’est-à-dire durant la période antérieure de moins de cinq ans à la demande d’indemnisation du 28 avril 2021.
S’agissant du prétendu dommage réel consistant en des frais supplémentaires subis par BPB en raison de mesures d’atténuation des effets négatifs de la décision Tercas, le Tribunal écarte le caractère continu de plusieurs dommages allégués à ce titre, dès lors qu’ils se sont effectivement réalisés à une date précise et que leurs montants n’ont pas augmenté en proportion du temps écoulé.
Sur le fond, le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers, la réalité du dommage ainsi que l’existence d’un lien de causalité direct entre la violation et le préjudice subi.
Concernant la première de ces conditions, le Tribunal relève, d’une part, que l’erreur dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE commise par la Commission dans la décision Tercas constitue une violation d’une règle ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, tels que BPB. En effet, en ce qu’il fournit une définition de la notion d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur afin de garantir une concurrence loyale entre les entreprises des États membres, l’article 107, paragraphe 1, TFUE vise à protéger les intérêts des particuliers et notamment des entreprises. En outre, l’application de la notion d’aide visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE est strictement liée à l’application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, lequel établit l’obligation de notifier les mesures d’aide et l’interdiction de les mettre en œuvre avant l’aboutissement de la procédure de contrôle préalable par la Commission. Vu que cette dernière disposition revêt un effet direct, elle peut être invoquée par les particuliers afin de faire valoir leurs droits découlant de son application. Or, c’est aux fins de l’application de la notion d’aide, prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, que l’article 108 TFUE confère à la Commission le pouvoir de se prononcer sur la compatibilité des aides d’État avec le marché intérieur. De plus, l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE par la Commission peut être contestée devant les juridictions de l’Union par les bénéficiaires de l’aide, leurs concurrents ainsi que les États membres.
S’agissant de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, le Tribunal indique, d’autre part, que la jurisprudence prend notamment en compte la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes et, plus particulièrement, la marge d’appréciation dont dispose l’auteur de l’acte mis en cause. Lorsque l’institution concernée dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le critère décisif pour établir une telle violation est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par cette institution, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation.
Au vu de ces critères, le Tribunal relève que la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE commise par la Commission dans la décision Tercas, bien que constatée dans les arrêts du Tribunal et de la Cour, n’est pas automatiquement de ce fait suffisamment caractérisée. En rappelant que l’erreur commise par la Commission concernait l’analyse des éléments retenus pour établir l’implication des autorités publiques italiennes dans l’intervention du FITD, le Tribunal souligne, en outre, que la Commission devait appliquer la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dans un contexte juridique et factuel particulièrement complexe. Or, le fait que, dans ces circonstances, la Commission n’avait pas établi à suffisance de droit l’imputabilité de l’intervention du FITD à l’État n’est pas suffisant pour qualifier cette erreur de violation manifeste et grave des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation de la Commission. Dès lors, la Commission n’a pas commis de violation suffisamment caractérisée en ce qui concerne la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
Le Tribunal examine ensuite la condition relative à l’existence d’un lien de causalité direct entre la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE par la Commission et le préjudice allégué par BPB. À cet égard, il relève que, même si la décision Tercas a pu jouer un certain rôle dans le processus de perte de la confiance de la clientèle de BPB, cette perte a été induite également par d’autres facteurs, de sorte que ladite décision ne saurait être considérée comme étant la cause déterminante et directe du préjudice allégué. Partant, BPB n’a pas établi l’existence d’un lien de cause à effet entre le comportement prétendument illégal de la Commission et le préjudice allégué.
Dès lors, le Tribunal conclut que, en ce qui concerne les préjudices non prescrits dont BPB demande l’indemnisation, les conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union relatives à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, d’une part, et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué, d’autre part, ne sont pas remplies.
Ainsi, le recours de BPB est rejeté sans qu’il soit nécessaire d’examiner la condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union relative à la réalité du dommage.
{1} Décision (UE) 2016/1208 de la Commission, du 23 décembre 2015, concernant l’aide d’État SA.39451 (2015/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par l’Italie en faveur de Banca Tercas (JO 2016, L 203, p. 1).
{2} Arrêt du 19 mars 2019, Italie e.a/Commission (T-98/16, T-196/16 et T-198/16, EU:T:2019:167).
{3} Arrêt du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a. (C-425/19 P, EU:C:2021:154).
{4} Conformément à l’article 53, 1er alinéa, du statut de la Cour, l’article 46 du même statut est applicable à la procédure devant le Tribunal.
Arrêt du 20 décembre 2023, Banca Popolare di Bari / Commission (T-415/21) (cf. points 57-66)